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Le 28 avril prochain, Microsoft devrait mettre en ligne sa nouvelle mise à jour majeure de la suite Office 2007 (dans le vocable Microsoft, on parle de Service Pack, ici le numéro 2, donc SP2).
C’est un évènement beaucoup plus important qu’il n’y parait. En effet, parmi les nouveautés, la célèbre suite bureautique intégrera pour la première fois nativement le format ouvert Open Document Format.
Auparavant on pouvait en théorie lire et écrire en ODF sur la suite Office, mais il fallait télécharger un plugin et faire tout un tas de manipulations compliquées pour arriver au résultat souhaité (lire le rapport Becta pour avoir de plus amples informations).
En arriver là ne fut pas une mince affaire, il aura fallu mettre la pression sur Microsoft qui, avec son arrogance sa manière de faire habituelle, souhaitait plutôt nous imposer son propre format de fichier, le très controversé OOXML.
Toujours est-il qu’on tient enfin là un format de fichier bureautique, ouvert, standard, et en pratique réellement interopérable (en admettant bien entendu que la qualité technique soit bel et bien au rendez-vous). D’un coup d’un seul, la principale critique faite à la suite MS Office tombe, et l’on se retrouve avec un produit beaucoup plus fréquentable, pourvu que les utilisateurs de cette suite aient la bonne idée et lire, écrire et échanger par défaut avec le format ODF (ce qui, a mon humble avis, nécessitera tout de même un temps d’adaptation où il faudra être patient et pédagogue).
Pour « célébrer » l’événement, nous avons choisi de traduire un vieil article Jonathan Schwartz, PDG de Sun, qui témoigne de l’intérêt fondamental de posséder des formats ouverts, en bureautique comme ailleurs[1].
Mes photos de famille – et ODF
Jonathan Schwartz – 12 février 2007 – Blog
(Traduction : Poupoul2, Goofy et Olivier)
Il y a quelques années, alors que je me trouvais chez mes parents, j’ai passé un peu de temps à regarder de vieilles photos de famille tirées d’une boîte à chaussures. C’était sympa. J’y prenais beaucoup de plaisir… jusqu’à ce que je m’aperçoive que la plupart de ces photos étaient uniques. C’est à dire qu’il s’agissait d’exemplaires uniques. Uniques au monde. Et pour au moins l’un des membres de ma famille, il n’existait que deux ou trois photos prises au long de sa vie. Ouch !
Une boîte à chaussures, me dis-je. Un peu archaïque, non ? Et si jamais il y avait une inondation, ou pire encore, un feu ? Voici des photos que je veux partager avec ma famille et transmettre de génération en génération. Je veux que mes enfants en connaissent l’histoire, et mes petits-enfants, et les enfants de mes petits enfants.
Alors, j’ai fait ce que tout bon fils ferait : j’ai convaincu mes parents de me laisser leur subtiliser la boîte un certain temps, je suis rentré à la maison et j’ai numérisé les photos (j’ai aussi rendu la boîte à mes parents).
Les photos numérisées se trouvaient désormais sur mon disque dur. Dans mon portable. Dans ma cuisine (c’est là que vit mon portable).
Étant donné ce qui se passe tous les jours dans ma cuisine, elles s’y trouvaient sans doute moins en sécurité que dans leur boîte à chaussures. Et un point pour l’archaïsme. Un échec, un !
J’ai alors gravé quelques DVDs, les ai distribués autour de moi, et en ai donné quelques-uns aux autres membres de la famille. Cela va sans dire, la plupart des DVDs ont été perdus, ce n’est pas un hasard si les administrateurs système amateurs restent amateurs… Et deux échecs, deux !.
La bonne nouvelle, c’est qu’un jour, quelqu’un de brillant a dit que le réseau est l’ordinateur… Il y a quelque temps, j’ai décidé de les télécharger sur mon service de photos en ligne. Si vous allez vous résoudre à surveiller une boîte à chaussures, autant se tourner vers quelqu’un dont c’est le métier, qui surveille déjà plein d’autres boîtes à chaussure et qui pourrait bien être le meilleur au monde dans ce domaine.
Et puis je me suis demandé…
Comment puis-je garantir que le service sera au rendez-vous, ou que je serais capable de visualiser les images que j’y ai stockées… pas seulement dans un an, mais dans cinq ou cinquante ans ? Que se passera-t-il si les images survivent à la technologie ?
Le décor étant planté, voilà qui illustre bien la raison d’être de ce petit truc qu’on appelle Open Document Format.
Mettez vous dans la peau du législateur écrivant un texte de loi, ou dans celle d’un médecin rédigeant l’ordonnance de son patient, ou encore dans celle d’un étudiant travaillant sur une nouvelle de son cru. Et cinq ou cinquante ans plus tard vous prend l’envie de revoir vos documents. Sauf que le développeur de l’application qui a servi à créer ces documents, l’entreprise qui a créé le traitement de texte a, au choix, cessé son activité, ou décidé de vous demander $10000 pour vous fournir une version capable de lire de vieux formats de fichiers. L’information survit toujours à la technologie, ces scénarios en sont de bons exemples.
Que faites vous alors ?
Premier réflexe : vous râlez. Après tout, l’information que vous avez créée vous appartient à vous et pas à l’éditeur. C’est pareil pour vos photos de famille, vous imaginez qu’un fabricant d’appareil photo vous demande de passer à la caisse avant que vous ne puissiez voir vos propres photos ? C’est là tout le danger lié aux des applications n’utilisant pas des formats de fichiers ouverts. N’oubliez pas, l’information survit à la technologie.
C’est la raison pour laquelle, aux côtés de quelques-uns des plus grands groupes technologiques, ainsi que d’une foule de gouvernements et d’organismes du monde entier, nous avons créé quelque chose que l’on appelle Open Document Format (ou "ODF" de son petit nom). ODF décrit un format ouvert pour les informations contenues dans des documents, indépendant des applications utilisées pour créer les documents enregistrés en ODF.
En d’autres termes, si vous écrivez un texte de loi, un dossier médical ou une fiche réglementaire avec un traitement de texte supportant aujourd’hui l’ODF, et que vous avez besoin d’y accéder n’importe quand dans l’avenir, vous serez libre de le faire à vos conditions. ODF est un véritable format standard, mis en oeuvre par des éditeurs variés (d’IBM à Sun, en passant par Google, Red Hat et même Microsoft désormais), et adopté à une très large échelle sur toute la planète. Et c’est gratuit.
La pérennité de l’information et des formats de fichiers est plus qu’essentielle pour des institutions et des entreprises adoptant des politiques de rétention de documents allant bien au-delà de la vie utile du logiciel (ou des employés) qui a permis la création des documents. La disponibilité de l’information est ainsi garantie dans l’avenir. Il en va de même pour nos photographies dans nos boîtes à chaussures. En tant que CIO (NdT : Directeur informatique) à la maison, j’exige que les images me survivent.
Et juste au cas où vous auriez raté une étape, nous travaillons avec Google pour garantir l’interopérabilité entre les documents bureautique de Google et les documents OpenOffice, élevant l’ODF au rang de mécanisme d’échange. Tout document créé avec la suite bureautique de Google peut être aisément exporté vers (et bientôt importé de) OpenOffice (voir la copie d’écran). Combinés, les 2 produits permettent aux entreprises et aux particuliers de préserver, dans le monde entier et pour plusieurs générations, l’accès aux lois, aux contrats, aux dossiers médicaux, aux journaux ou aux plans stratégiques. Et c’est strictement pareil pour les présentations et les feuilles de calculs.
Enfin, pour ceux qui découvrent OpenOffice, il s’agit d’une suite bureautique libre, qui sera toujours gratuite, pour les entreprises comme pour les utilisateurs finaux. D’après nos estimations, nous en avons distribué des centaines de millions de copies autour du monde (cliquez ici pour le télécharger). Et maintenant que Microsoft a annoncé le support de l’ODF, les utilisateurs peuvent sereinement penser qu’OpenOffice peut être introduit dans toutes les chaumières et les bureaux, pas uniquement dans les pays en voie de développement, mais aussi dans les pays développés. Dans quelques semaines, vous aurez la possibilité de télécharger ici un plug-in ODF, qui permettra à Microsoft Word de lire et écrire de l’ODF par défaut. Une fois installé, vous le verrez apparaître dans les options de Word :
(Je mettrai un lien dès que le plug-in sera prêt)
À partir de maintenant, ODF devient votre format par défaut. Que vous soyez une compagnie pétrolière ou un étudiant, ODF vous permettra une interopérabilité sans heurts entre des environnements Open Source ou propriétaires, aussi longtemps que le standard (et pas la technologie ou le produit) existera.
Du point de vue des entreprises, de grandes institutions peuvent envisager une migration en douceur, les cadres pourraient conserver Microsoft Word, tandis que le reste du personnel peut passer à une alternative interopérable (par exemple : le traitement de texte de Google ou OpenOffice, ou même les deux). Accessibilité et interopérabilité sont de bonnes choses pour Internet, et nous avons bien l’intention de les utiliser pour les générations futures.
idoric
Personnellement je préfère rester très prudent quant à une telle évolution vis-à-vis du format ODF quand elle nous vient de l’inventeur du «Embrace and extend» [1], wait and see…
[1]http://fr.wikipedia.org/wiki/Embrac…
deadalnix
Oui, de même, je suis très méfiant vis a vis de cette annonce.
Dave
"les cadres pourraient conserver Microsoft Word" -> beuah, "conserver", euh bon no comment.
Plus sérieusement, je suis très peu convaincu vis à vis d’un bon support de ODF par Microsoft. Y a qu’à voir combien d’années Internet Explorer a pourri le web grâce à son support de la lecture des fichiers HTML. Et dire que je connais des gens toujours avec IE v6.
Soupaloignon
Ca me fait doucement rigoler. Alors il suffit qu’ils implantent un format ouvert (qui en plus reste à tester, parce que je suis quand même dubitatif) pour devenir fréquentables ? Un peu de sérieux quand même…
Ils ont installé ça simplement parce que le vent tourne et qu’ils veulent rester dans la course. On reste dans une manœuvre commerciale, ni plus, ni moins.
Ycrouton ! (VV666)
Complètement d’accord avec vous.
Joli manœuvre commerciale. C’est mieux que rien, mais c’est pas du philanthropisme, c’est MS.
Qu’ils libèrent leurs codes et on verra….
sbruck
certe, mais maintenant openxml est aussi devenu une norme iso. (d’une manière très discutable), pouvant aussi contenir des formats propriétaires (blobs), mais du coup le même article pourrait être écrit en changeant opendocument par openxml. (pardon, c’est de la provocation, mais j’ai en travers la gorge cette normalisation opaque d’openxml alors qu’une norme existait déjà.
le fric, c’est chic.. ‘vieille’ actu:
http://formats-ouverts.org/blog/200…
Attendons l’annonce du rgi bientôt…
http://www.zdnet.fr/blogs/2009/04/2…
matou
Bon, j’avoue que je me fais encore quelques illusions. Ca ferait un bon argument là où ça coince aujoud’hui pour open-office : mais si ! ne vous inquiétez pas, nos clients pourrons lire nos documents avec word.
Le deuxième truc, si le format n’est pas trop mal géré : cela pourra faciliter la conversion des doc vers odf pour une migration future.
idoric
@matou
> « Bon, j’avoue que je me fais encore quelques illusions. Ca ferait un bon argument là où ça coince aujoud’hui pour open-office : mais si ! ne vous inquiétez pas, nos clients pourrons lire nos documents avec word. »
Quitte à me répéter, ce qui m’inquiète, c’est si jamais ces clients devaient se mettre à renvoyer des fichiers soi-disant ODF made in MS illisibles par OOo, koffice et autres…
PillOow
Idem qu’idoric. Il y a un risque, connaissant l’esprit philantropique de Microsot, que l’ODF soit très mal supporté sur la suite Office. Dès lors l’utilisateur lambda se mettrait très vite à répugner ce format pour finalement le laisser tomber. Microsoft serait alors la risée de la communauté OpenSource/Logiciel Libre pour ne pas savoir implémenter correctement un format ouvert, mais ce qui compte, c’est l’avis de Mme Michu. Format marche pas bien = format caca.
Mais rien n’est encore fait, ce n’est que de la spéculation. Restons simplement sur nos gardes et préparons nos armes pour le cas ou ça arriverait.
PillOow
Sorry pour le double post mais j’ai oublié une petite chose.
Si l’ODF est très bien supporté en revanche, n’oublions pas de les féliciter ! =’]
deadalnix
Je mise sur un bon support en lecture et un mauvais en ecriture. Allez savoir pourquoi . . .
Grunt
C’est aujourd’hui, et personne n’en parle sur le Web. Bizarre.
Gilles
Mmmm est-il possible sous MSO de donner un format d’enregistrement par défaut ? Histoire de "forcer" la main 🙂
Grunt
@Gilles:
Oui, c’est possible. ;+)
Ycrouton ! (VV666)
Oui c’est possible et avec l’arrivée d’Office 2007 beaucoup de boite on forcé l’enregistremnt en .doc (2003) car les .doc était pas compatible avec les .docx de 2007, etc … aors, passer en .odf par défaut, je crois qu’il ne faut pas trop se faire d’illusion….
Snifff
Apitux
Itrmanager.com confirme « le support des formats de fichier ODF 1.1 (lecture, écriture et sauvegarde) »
Et aussi :
« Une API de conversion de format de fichiers : Cette API va permettre à n’importe quel développeur de proposer le support d’un format de fichier non encore supporté dans Office 2007. Une fois réalisé, ce support de conversion verra apparaitre ce nouveau format de fichier dans la liste des formats gérés nativement par Office 2007. »
Source :
http://www.itrmanager.com/articles/…
gut
Cela n’a pas l’air de comprendre le pack office 2008 pour les macintosh 🙁
Domino
Les photos du dossier sont en JPEG, rien à voir avec ODF…
J’ai loupé une étape ?
Dom
popart
Correctif Microsoft Office 2007 Service Pack 2 (SP2) = 304 Mo
Programme complet, ouvert, libre, gratuit (JRE included) OpenOffice 3.01 = 137 Mo
Internaute, ne te trompe pas de correctif, télécharge oOo
apitux
Voici un retour d’expérience intéressant :
Summary: Never even try to use M$ Office
Excerpts from http://homembit.com/2009/05/microso…
"The technical details are all on Rob’s blog, but in summary, when
opening an ODF spreadsheet (.ods file) using Office 2007, it simply
removes all existing formulas without telling anything to the user,
leaving only the values in cells (results of formulas evaluation,
previously stored in the document). If a user wants to test the ODF
support in Office, and without giving due attention, save an existing
spreadsheet, will overwrite the document removing all the formulas (as
if you were writing a table). I saw absurdities in life, but nothing
compared to this.
When using Office 2007 to generate a new worksheet, the formulas will
be stored in a way that only will be understood by Office 2007 (or by
CleverAge, an MS Office plug-in to support ODF, developed as Open
Source and sponsored by Microsoft), eliminating the possibility that
any other existing application could be used to usefully read the
document.
While the first problem simply throw out all the business intelligence
inside the spreadsheet (formulas), the second locks in the user on
Office 2007 forever (we have seen this movie before…).
The justification that could be used by Microsoft about it, is the
lack of spreadsheet formula definition in ODF 1.0/1.1. Interesting to
note that in ODF 1.2 (which is developed with the participation of
Microsoft) this problem has been resolved with the creation of
OpenFormula).
The first comparative table of Rob’s post, summarizes a test on the
same subject that he did a few weeks ago, it is easy to see that even
without any spreadsheet formula definition inside ODF 1.1,
interoperability between the tested set of existing applications (
KOffice, OpenOffice, Google Docs, Symphony and Sun’s plug-in for
Office) really exists on the real world (except for CleverAge that
presented some problems). This means that all other developers are not
concerned only to ‘comply with standard’s requirements’ (conformance)
but also in developing a truly useful and interoperable application to
users. Rob also says that the set of formulas used by these
applications (based on OpenOffice) was developed based on existing
formulas from Excel (at least ironic, huh?).
Microsoft Office 2007 does not support encryption (password
protection) in ODF documents !
I generated a simple text document (.odt) in ODF using OpenOffice and
saved it with password protection. I sent the document (and password)
to several friends and the result was the same: MS Office cannot open
the document because it is password protected (some of those friends
also have installed on their computers other tools that support ODF
and on 100% of those tools it worked).
I also asked them to generate a document in Office 2007 with password
protection and send me, but they said that when trying to do this,
MSOffice presented a warning message saying that you cannot use
password protection using the ODF format.
I would really like to find a good technical explanation for this,
since the encryption and password protection are fully specified in
ODF 1.0/1.1 (item 17.3 of the specification), and they are using
existing algorithms, very familiar to any developer.
A comment from Rob in his post (that not dealt with the encryption) is
able to comment with mastery the problem I found (and I fully agree
with him):
“…I was taught to never assume malice where incompetence would be the
simpler explanation. But the degree of incompetence needed to explain
SP2’s poor ODF support boggles the mind and leads me to further
uncharitable thoughts… ”
"
Read More at
– http://homembit.com/2009/05/microso…
– http://www.robweir.com/blog/2009/05…
– http://standardsandfreedom.net/inde…
mydjey
Fréquentable ? Pas si sur………
………..http://sebsauvage.net/rhaa/index.ph…
PillOow
@mydjey, j’allais poster le même lien \o/
Bon c’est vrai ou pas ? L’ ODF serait mal supporté ? Je ne peux pas tester étant donné qu’il y a fort longtemps que je ne touche plus un produit Microsoft. Mais même quand on est plus chez eux, ils trouvent encore le moyen de nous faire chier ( échanges de docs avec les utilisateurs d’OS proprio ). D’ou l’importance des formats de fichiers ouvert, on est jamais complétement indépendant d’une firme monopolisatrice même lorsque l’on se tourne vers du libre.
apitux
L’ODF Alliance dénonce des failles sérieuses dans le support ODF de Microsoft :
http://www.lemagit.fr/article/micro…