Et si je proposais ma musique gratuitement sur le Web pendant une journée ?

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Temps de lecture 6 min

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«  J’ai encaissé deux fois plus d’argent en une seule journée que ce que je touche d’habitude en un mois  !  »

Andy Othling est musicien. Il est guitariste de tournée pour Future of Forestry et il a enregistré des albums personnels sous le nom Lowercase Noises.

Sa musique est cool et planante :)

Mais ce qui est encore plus cool c’est la très originale et probante expérience qu’il vient de mener sur Internet.

Sous le régime du copyright classique, ses albums sont présents sur le site de vente de musique en ligne Bandcamp (en passant cette plateforme est sans DRM et propose la format FLAC et Ogg Vorbis).

Présents et tous payants, sauf pendant 24h…

C’est le récit de cette folle journée qu’il vous raconte ci-dessous.

Attention, les conclusions pourront fortement heurter la sensibilité de certains hadopistes  !

Lowercase Noises - Knate Myers

Que se passe-t-il lorsque votre musique est gratuite pendant une journée  ?

What happens when your music is free for a day ?

Andy Othling – 23 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction  : Cyrille L., ehsavoie, Martin, Gatitac, Yann, ZeHiro, geecko, Naar, Sparty, Gaëtan, e-Jim, Tchevengour)

Il existe un débat houleux pour savoir si donner gratuitement sa musique est une bonne pratique ou non. Certains disent que cela dévalorise votre musique et vous empêche d’être pris au sérieux. D’autres pensent que c’est nécessaire pour attirer l’attention du public sur celle-ci.

Ce billet n’est pas là pour vous faire adhérer à l’une ou l’autre de ces thèses, mais plutôt pour vous présenter les résultats d’une expérience que j’ai menée il y a quelques semaines. J’ai voulu voir ce qu’il se passerait si je mettais toute ma musique à prix libre (avec un minimum de 0 $) sur ma page Bandcamp pendant 24 heures.

Comment je m’y suis pris

Voici comment j’ai travaillé  : j’ai programmé l’envoi d’un e-mail à ma liste de diffusion le 4 octobre à 1 heure du matin annonçant à tout le monde que toute ma musique était disponible à prix libre, à partir de 0 $, et leur indiquant de faire passer le message à toutes leurs connaissances.

J’ai aussi programmé des mises à jour de mes statuts Facebook et Twitter pour la même heure, en demandant aux gens de diffuser l’information les prochaines 24 heures. Ensuite, j’ai programmé des tweets toutes les 2 à 4 heures et des mises à jour du statut Facebook toutes les 4 à 6 heures durant les 24 heures de l’opération, afin de leur rappeler l’offre spéciale.

Les résultats

C’était attendu, l’un des résultats est que beaucoup plus de personnes ont eu accès à ma musique. Ils ont tapé 0 $ et ont téléchargé tout ce qu’ils voulaient gratuitement. Mais d’autres choses intéressantes se sont produites.

Sur Bandcamp, le nombre de téléchargements est le facteur principal de la notoriété.

Puisqu’un grand nombre de personnes ont téléchargé ma musique (gratuitement ou non), mes albums furent propulsés en haut de beaucoup de listes du site. L’image ci-dessous montre les albums d’ambiance les plus vendus de ce jour si spécial  :

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Comme vous pouvez le voir, mes six albums sont directement en haut de cette section. Génial  ! (Y voir aussi Karl Verdake me réjouis  !)

Être en haut de ces listes, c’est plus de nouveaux visiteurs.

Parce que ma musique a atteint les sommets de certaines listes de Bandcamp, elle est devenue plus visible à ceux qui parcouraient ces listes ce jour-là. Ci-dessous, quelques captures d’écran des pages de statistiques de Bandcamp du jour J  :

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Plus de 100 personnes sont allées écouter ma musique depuis la page d’accueil de Bandcamp et 50 autres l’ont fait grâce aux listes mentionnées plus haut. Ce sont des personnes qui ne connaissaient pas même l’existence de ma musique.

Les gens se sont vraiment passés le mot.

Je n’ai eu aucune honte a demander aux gens de diffuser autour d’eux que mes morceaux restaient gratuits pendant ces 24 heures. Grâce à cela, quelqu’un a spontanément relayé l’info sur Reddit. Comme vous pouvez le voir ci-dessous, cela m’a apporté encore plus de nouveaux auditeurs  :

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Une fois de plus, 202 nouveaux auditeurs rien qu’en demandant aux gens d’en parler autour d’eux  !

Les gens continuaient de payer pour ma musique.

Maintenant, vous vous demandez probablement qu’est-ce que ça a donné en terme de rentabilité. J’avais prévu une chute des revenus, car c’est généralement ce à quoi on s’attend quand on commence à distribuer les choses sans contrepartie. Mais ce qui est en fait arrivé, c’est que, sur les ventes, j’ai encaissé deux fois plus en une seule journée que ce que je touche d’habitude EN UN MOIS. Oui, parfaitement, vous lisez bien. Une journée a davantage rapporté que deux mois en temps normal  !

Je ne suis pas vraiment capable d’expliquer cela, mais je pense que ça s’est joué pour beaucoup sur la générosité réciproque. Les gens ont vraiment semblé apprécier que je fasse ce geste et ont répondu en donnant plus qu’ils ne le faisaient auparavant. J’ai ainsi été stupéfait par ceux qui ont décidé de donner davantage pour un album que le prix qu’il leur aurait coûté la veille.

Le plus important  : les contacts

Plus d’argent, c’est génial, mais à mon avis ce n’est pas le plus grand succès de cette expérience.

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Vous pouvez constater qu’en une journée, j’ai ajouté plus de 450 noms à mon carnet d’adresses. Ce sont 450 nouveaux contacts dont je pourrais bénéficier à l’avenir, et 450 personnes de plus qui peuvent à leur tour relayer l’info si jamais je venais à répéter ce genre d’opération. C’est bien plus important à mes yeux que l’argent.

Récapitulatif

Donc, que s’est-t-il passé là ?

  • Beaucoup de personnes ont récupéré ma musique gratuitement  ;
  • J’ai gagné beaucoup d’argent de manière inattendue  ;
  • J’ai de nouveaux auditeurs et des contacts pour mes prochaines sorties d’albums.

D’après moi, c’est du gagnant-gagnant. Il n’y a vraiment eu aucun coût pour moi à réaliser cette expérience, les gains se sont avérés énormes et mes auditeurs n’ont pas été abusés. Pour ne rien vous cacher mon taux de téléchargements payants a baissé de 22 % à 8 %, mais étant donné tout ce qui est arrivé, cela ne me gêne pas le moins du monde.

Alors, que cela signifie-t-il pour vous en tant qu’artiste  ? C’est un peu plus dur à dire, étant donné que cela dépend de ce que vous avez mis en place et que la situation de chacun est différente. Mais, cela montre au moins l’importance de l’expérimentation. N’hésitez pas à essayer des choses pour voir à quoi vos fans vont réagir. Vous devez apprendre d’eux comme ils ont appris de vous.

Question  : Et vous, avez-vous déjà proposé votre musique gratuitement ou bien à prix libre  ? Cela a-t-il fonctionné  ?

Crédit photo  : Knate Myers

13 Responses

  1. BlackTrust

    j’ajouterai qu’il y a énormément de groupes et label de tous les horizons qui proposent de la musique à prix libre et avec une qualité plus qu’exemplaire (autant en terme de production que de composition).
    bon, ça fait un peu pub mais ce site (assez axé musique expétrange) propose des critiques de ce genre de label :http://descendresalacave.blogspot.f… ainsi qu’un lien vers un album/single gratuit par jour sur leur page facebook.

  2. tuxmouraille

    Bonjour,
    Est ce que le titre: « Et si je proposais ma musique à prix libre sur le Web pendant une journée ? » n’aurait pas était mieux?

    Je ne croit pas à la gratuité avec appel aux dons, ni la vente à prix fixe soient les bonnes solutions.
    Faire la charité n’encourage pas vraiment les utilisateurs donner. La vente à prix fixe ne permet pas l’acquisition à ceux qui n’ont pas les moyens et encourage le piratage. Ceux auraient voulu payer plus ne le peuvent pas.
    La vente à prix libre est une bonne solution. On est plus enclin à acheter à prix libre qu’à faire un don.
    Si l’album est disponible gratuitement sur le site de l’auteur pourquoi le partager sur les sites pirates, aussi ceux qui n’ont pas les moyens ou ne veulent payer, iront sur le site de l’auteur pour le télécharger ce qui en augmente de trafic.

  3. ZeHiro

    @tuxmuraille
    La traduction « gratuit » et non « prix libre » est ici littérale (« free » dans le texte original). L’utilisation du terme « free » a clairement un but de provocation, vu que plus loin l’auteur parle de « name-your-price » traduit par prix libre.

  4. mouha

    Super initiative mais….

    Au court d’un diner avec Jean jacques Milteau je lui ait posé la question sur la notion de libre.Il ne connaissais pas encore le principe mais n’était pas totalement contre… ni totalement pour. En fait son soucis majeur est justement la rétribution et que les exemples comme ici,Radiohead ou George Michael ne sont viables que lorsque l’on ne vit pas de sa musique. J’avoue que même si informatiquement je reste convaincu, étant informaticien j’ai eut du mal à trouver des arguments pour dire : »fournit ta musique et tu vivra de ce que les gens voudront bien donner ».
    Finalement, en toute objectivité je pense que même en visant des revenus modestes il est difficile pour un musicien pro actuel de changer pour du CC ou autre.

  5. shokin

    Et si je partageais ma musique gratuitement (partiellement* ou totalement) ?

    « Certaines chansons seraient librement téléchargeables, sans DRM et sans inscription nécessaire.

  6. ttoine

    Pour ma part, j’ai produit par le passé l’album d’Osira, tout en étant le bassiste du groupe à cette époque. L’album est sur Jamendo, et nous avons tenté de vendre des versions CD à la fin des concerts.

    Ca m’a couté une fortune, et je ne reverrai jamais cet argent. D’autant plus que le groupe s’est séparé de moi peu de temps après, me donnant un peu l’impression d’être une vache à lait. Mais je ne crois qu’eux non plus ait vraiment vendu quoi que ce soit. C’était il y a 4 ans, en pleine crise du disque, les Deezers, Spotify ou BandCamp n’existaient pas et la Sacem mettait beaucoup de battons dans les roues des gens comme nous.

    Il semble que les choses ont changé, un peu. Mais pour reprendre l’album de Radiohead, leur album In Rainbows, distribué indépendamment, n’est toujours pas disponible en streaming légal. Comme quoi, ça reste compliqué. Il vaut donc mieux jouer de le musique en concert que d’essayer de vivre de la vente ou du streaming de disques.

    D’ailleurs, l’artiste de cet article ne gagne pas vraiment sa vie avec sa musique : son job principal est d’être guitariste pour d’autres, en tournée.

  7. anonyme

    Et pour cause, la place principal d’un musicien c’est sur scène…
    Même une inge son quoi…

    Ensuite comme d’hab, si des gens énervé et rien a perdre arrivent a faire et a bouger les choses, il faut quoi qu’il en soit pour que ce soit vraiment viable et durable que la loi passe par là pour réelement avoir un changement « officiel » et efficient.

    Avoir un réel salaire minimum a vie pour tout le monde par exemple.

    Avec ca les gens seraient de suite plus tranquille et n’hésiteraient pas a essayer ou a se lancer dans tel ou tel chose par exemple.

  8. BlackTrust

    Il y a quand même un paradoxe : aujourd’hui nous écoutons plus de musique enregistrée qu’en live, c’est un fait.
    Alors bon économiquement ça se passe assez mal pour les maisons de disque, mais pour les artistes surtout indé c’est plutôt bénéfique : en général le public indé est passionné et je le sais d’expérience, bien moins enclin à télécharger gratuitement (même, quand il aime, il n’hésite pas à donner) pour les groupes indés que pour les groupes venant des majors (il va de soi que de toute façon, les artistes produit par les majors sont de toute façon de moins en moins intéressant artistiquement)
    Après, en France, la scène indépendante est gigantesque, vraiment, des concerts y en a des milliers par soir rien qu’à Paris, les scènes punk en particulier alors là le nombre de groupe actifs est impressionnant et y a du très très bon.
    Le problème est évidement que ces groupes et événements (concerts, festivals) sont assez honnête avec le public pour ne pas s’en mettre plein les fouilles sans trop d’effort, ce qui malheureusement dans notre joli monde occidental ne permet pas une couverture médiatique assez importante pour qu’on les prenne au sérieux.
    Et pour en revenir à l’enregistrement, bah il y a vraiment un paquet de groupe qui produisent en toute petite quantité des albums souvent sous forme de cassette ou vinyle (bon ça c’est venant du fait que le CD soit le symbole de l’industrie musicale) et le reste gratuit ou à prix libre sur internet.
    Aussi, ce n’est pas un milieu de professionnel, moi par exemple j’ai des amis qui sont en tournée cette semaine en Europe de l’est et la semaine prochaine retour à la fac. Et c’est pas spécialement un problème. Même, avec un tourneur, on peut en vivre assez facilement : la j’ai des amis à Berlin, ils font du jazz : 6 à 8 concerts par semaine, ils en vivent sans trop de problème. Mais c’est pas uniquement aux musiciens de faire toutes les démarches pour faire des concerts, et le milieu est tellement pourri : copinage et pot de vins, que vivre de sa musique, ou même de son art en général est assez compliqué. J’avais vu une étude dans je sais plus quel journal (Beaux-Art me semble) que 5% des RMIstes sont des artistes plasticiens.

  9. Éric

    Cela ressemble fortement à du dumping commerciale et/ou marketing.

  10. infomag

    Ça me rappelle les concours sur les blogs .. on attire l’attention, on fait aux gens gagner des cadeaux et comme ça, on obtient en contre partie des recommandations .. un peu le même principe quoi !

  11. restouble

    Au delà de la discussion sur la gratuité ou pas …
    j’adore cette musique, je ne connaissais pas cet artiste.
    Merci au framablog.