Oppikirjamaraton ou comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end !

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Temps de lecture 9 min

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Je suis professeur de mathématiques et à l’initiative de Framasoft. Un tel projet ne pouvait me faire plus plaisir. Vous verrez qu’un jour de plus en plus de manuels seront rédigés ainsi…

Imaginez un groupe d’enseignants qui se retrouvent le week-end pour rédiger ensemble et de A à Z un manuel scolaire sous licence libre  ! (La licence libre est la Creative Commons By, d’où mention sur leur blog, d’où notre traduction ci-dessous).

Il n’ont pas tout à fait achevé l’entreprise dans le temps imparti puisque le livre se trouve aujourd’hui en version 0.92 (et en LaTeX) sur GitHub. Vous pouvez de suite vous rendre compte du résultat actuel en cliquant directement sur le PDF (dont les premières pages vous proposent de soutenir le projet via Flattr et Bitcoin  !).

Au delà de son ô combien utile finalité ce fut également une belle et libre aventure humaine

Vapaa Matikka

Oppikirjamaraton  : comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end

Oppikirjamaraton : How to Write an Open Textbook in a Weekend

Elliot Harmon – 31 octobre 2012 – Creative Commons Blog
(Traduction  : Cyrille L., Kodoque, Nyx, kamui57, Naar, pac)

Il y a quelques semaines de cela nous avons vu passer ce tweet surprenant  :

Il nous fallait en savoir plus. J’ai donc contacté Joonas Mäkinen pour avoir davantage d’informations, et il m’expliqua qu’il a participé à monter une équipe pour écrire un manuel scolaire de mathématiques de cycle secondaire tout le long d’un week-end, lors d’un évènement appelé Oppikirjamaraton (marathon du livre scolaire). Le choix de la licence du livre s’est porté sur la Creative COmmons BY, pour que chacun puisse le réutiliser, le modifier et le traduire, en Finlande et dans le reste du monde.

Le texte, désormais en version 0.91 sur GitHub, s’intitule Vapaa Matikka. Le titre se traduit par «  Mathématiques libres et gratuites  », mais sachant que matikka signifie également lotte en finlandais, on peut aussi le lire comme du «  Poisson libre  ». Et son slogan, Matikka verkosta vapauteen, devient alors soit un cri de ralliement pour garder les ressources éducatives libres et gratuites, soit un mode d’emploi pour libérer un poisson d’un filet  ! (d’où la forme suggérée du poisson sur la couverture du livre)

Mais au delà des jeux de mots mathématico-finlandais, je souhaitais comprendre comment la rédaction express de ce livre s’était déroulée, ce que l’équipe prévoyait de faire du manuel, et quels conseils ils pouvaient donner à d’autres personnes organisant un évènement similaire.

Oppikirjamaraton - Joonas Mäkinen - CC byQue couvre le livre comme concepts mathématiques  ?

C’est un manuel pour le premier cours de mathématiques de niveau avancé du collège finlandais. Bien que les élèves débutant ce cursus viennent en général de finir l’école primaire obligatoire, nous avons décidé d’avoir une approche «  pour les nuls  » en essayant de minimiser les prérequis.

Nous introduisons l’arithmétique, les nombres rationnels, les nombres réels en général. Viennent ensuite les règles de priorité et les racines qui mènent aux bases de la résolution d’équation puis au concept de fonction. Puis leurs mises en application concernent la proportionnalité et le calcul de pourcentages. Nous nous devions de respecter le programme scolaire.

Dites-m’en plus sur les exigences du programme. Sont-elles les mêmes pour toute la Finlande  ?

Il y a un programme national en Finlande et tout le monde le suit. Du coup tous les manuels se ressemblent même s’ils approchent les sujets dans un ordre légèrement différent les une des autres. Mais le seul test standardisé est l’examen de fin d’année et donc Il y a un peu de flexibilité, ce qui a facilité les choses.

Oppikirjamaraton - Vesa Linja-Aho - CC byQui a participé  ? Étaient-ils tous des formateurs  ? Les participants avaient-ils déjà écrit ou édité des manuels scolaires  ?

Environ 20 personnes ont participé à l’écriture du manuel durant le week-end. Nous avions des professeurs ordinaires du secondaire, des étudiants à l’université (mathématiques et informatique), un professeur d’électronique pour automobile, mes propres étudiants et quelques professeurs d’université travaillant sur place ou à distance. Nous avions même notre propre petit cercle d‘intégristes de la grammaire et de l’orthographe pour nous aider à rédiger de meilleurs contenus formels que ceux que l’on peut habituellement trouver dans le devanture des grosses maisons d’édition. La diversité des participants s’est révélée être une très bonne chose pour produire une variété de problèmes et de perspectives.

Seules quelques personnes avaient l’expérience de l’écriture et publication d’un manuel classique, commercial et à l’ancienne, mais cela n’a pas été clivant quand nous avons commencé à travailler.

Comment vous êtes-vous organisés  ? Les rôles des participants avaient-ils été déterminés en amont du week-end  ?

Vesa Linja-aho, qui a eu l’idée de ce book sprint (ou livrathon) était de facto notre coordinateur et s’occupait de la logistique, de l’administratif et de la communication. Lauri Hellsten s’est engagé à prendre le rôle principal pour la maquette et la création de graphiques indispensables à l’ensemble. Mais eux mis à part, aucun auteur n’avait d’assignation prédéfinie. Quelques uns d’entre nous avaient bien leurs sujets de prédilection, mais dans l’ensemble le processus d’écriture fut très spontané et dynamique.

Y a-t-il eu beaucoup de préparation à l’avance  ? Avez-vous commencé le week-end avec un plan du livre  ? Un emploi du temps  ?

Le projet était ambitieux. Nous avons attendu que nos amis et les amis de nos amis remplissent un sondage Doodle pour savoir quel week-end réserver (NdT  : ils ne connaissaient pas Framadate). J’avais préparé une table des matières pour avoir un point de départ, mais elle a été passablement modifiée vendredi et samedi. Juhapekka Tolvanen nous avait concocté un modèle LaTeX, et on a aussi eu une réunion préalable pour planifier les choses, choisir les outils techniques (quel système de contrôle de versions utiliser, etc.), mais rien sur le contenu en tant que tel. Il s’agissait également de trouver d’éventuels sponsors, écrire un communiqué de presse, trouver un local, vérifier si nous avions assez d’ordinateurs…

Une anecdote sur le droit d’auteur  : nous avions réuni plus ou moins tous les livres disponibles sur le sujet. Pour voir un peu comment les autres avaient expliqué ceci ou cela. mais aussi parce que, dans l’enseignement mathématique (et manifestement dans d’autres disciplines aussi), il y a beaucoup d’exemples et d’exercices pathologiques qu’il est bon de faire mais qui finissent par être excessivement récurrents. Et Vesa Linja-aho avait reçu une décision écrite du conseil local confirmant que les exercices ne sont pas des travaux soumis au droit d’auteur. Or un enseignant qui avait écrit un des livres que nous avions nous a laissé un commentaire sur Facebook pour nous rappeler que ce n’est pas bien de copier le travail des autres. Cela nous a bien fait rire :)

Oppikirjamaraton - Lauri Hellsten - CC byQue retirez-vous de cette expérience  ? Qu’est ce qui a été plus difficile que prévu  ? Quels conseils donneriez vous à d’autres envisageant un projet similaire  ?

Le principal conseil est de bien mettre en place l’aspect technique avant de commencer. Cela évitera d’inutiles moments de tension pour vous consacrer pleinement et exclusivement à la rédaction du contenu. On a utilisé LaTeX pour le texte et sa mise en forme et GitHub pour gérer les versions, mais on a connu des soucis qui nous ont retardés. Tout le monde n’était pas forcément familiarisé avec ces outils et les ordinateurs pas toujours bien préparés et optimisés pour leurs usages. Ceci nous a malheureusement fait perdre du temps.

De plus certains étaient encore en train de discuter pour savoir si nous devions ajouter ceci ou cela le samedi voire le dimanche, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. Dans un tel projet, c’est toujours mieux de simplement continuer à écrire davantage de contenu pour éventuellement le commenter ou le modifier plus tard. On a même connu quelques discussions houleuses, peut-être liées au manque de sommeil. Restez calmes et n’oubliez pas d’y prendre plaisir  !

Oppikirjamaraton - Siiri Anttonen - CC byEt après  ? Y a-t-il une période de relecture/modification prévue  ? Des professeurs pensent-ils utiliser d’ores et déjà votre manuel  ?

Le sentiment général, unanime et immédiat après avoir fini le marathon dimanche était l’euphorie. Tout le monde était d’accord pour organiser un autre book sprint. Les retards techniques et le manque de graphistes ont fait que le livre n’a pas atteint le niveau de finition que nous voulions pour l’envoyer à l’impression. Mais c’est vivant maintenant  : les gens nous envoient des rapports de bug sur Github et les participants ont continué à apporter des améliorations  : corriger les coquilles, ajouter des exercices, corriger les incohérences…

Notre livre existe maintenant en version 0.9, et nous allons attendre quelques semaines avant de décider s’il est prêt à être imprimé et traduit. Cependant, on nous a déjà rapporté que le livre avait été utilisé comme manuel par quelques professeurs en proposant notamment à leurs élèves des exercices du livre. Bien entendu, d’autres auteurs et moi-même l’avons aussi utilisé pour enseigner à nos propres élèves. Lorsque nous l’aurons un peu peaufiné, nous sommes confiants quant à sa diffusion.

Le projet était si sympa et son accueil si bien reçu que nous ferons un autre book sprint très bientôt  !

Oppikirjamaraton

Crédit photos  : Senja Opettaa (Creative Commons By)

10 Responses

  1. Ginko

    Petite coquille : s/cette expérience n’a pas clivante/cette expérience n’a été pas clivante/

    Et GG les finlandais (et les frama-traducteurs 😉 ).

  2. vvillenave

    « Je suis professeur de mathématiques » -> euh, il me semblait que ce n’était plus le cas ? :-p

  3. ZondeR

    Il y a d’autres petites erreurs. J’imagine que cette traduction a été faite sur framapad, le lien vers cette page pourrait être donné et les lecteurs voyant des coquilles pourraient aller les corriger eux-mêmes. Étant données l’esprit coopératif et le niveau en orthographe des lecteurs, en 3 jours, il y aurait une meilleure traduction disponible qui pourrait remplacer le texte actuel.

    non?

  4. shokin

    Il faudrait qu’il y ait des enseignants dans tous les domaines et à tous les niveaux (et dans beaucoup de langues) qui créent des cours sous des licences Creative Commons, GPL, etc. Ainsi, tous les élèves et les étudiants, ainsi que les enseignants pourront apprendre sans monnaie. Cela réduira les coûts. L’obstacle économique au savoir sera réduit.

  5. aKa

    @ZondeR : Oui merci, je reconnais une certaine « hâte » dans la publication. Je viens de tout relire, beaucoup modifier et étoffer l’introduction et l’illustration.

    @vvillenave : professeur un jour, professeur toujours 😉

  6. KoS

    Très intéressant cette petite histoire.
    Tiens, ça serait sans doute un petit plus de traduire les tweets pour les non anglophones.

  7. ZondeR

    @ak : je ne t’accuse pas de hâte, je proposais juste une nouvelle façon de faire qui t’épargnerait du travail.

  8. Yann Houry

    Quelle idée géniale !

    On peut, en effet, espérer que l’open source soit l’avenir de l’éducation. Ça ferait de jolies économies en perspective. En 2010, un rapport explique que les manuels ont coûté 280 millions d’euros pour cette seule année ! Encore faut-il ajouter le coût des photocopies qui est lui-même très élevé, peut-être aussi élevé, ne serait-ce que parce que l’on paie des droits d’auteur !