L’éducation utilise une licence Creative Commons défectueuse, par R. Stallman

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Nous vous proposons ci-dessous la traduction d’un récent article de Richard Stallman sur l’usage des licences Creative Commons dans l’éducation.

Et c’est bien le pluriel de ces licences Creative Commons qui pose problème. Le choix majoritaire de la fameuse clause non commerciale NC serait contre-productive voire toxique dans le champ considéré ici.

«  J’exhorte Creative Commons à prendre position et à déclarer que les œuvres censées être utilisés en pratique, y compris la documentation pédagogique et les œuvres de référence soient, comme les logiciels, diffusés uniquement sous des licences libres… Les licences CC BY-NC et CC BY-NC-SA, telles qu’elles existent aujourd’hui, doivent être évitées.  »

L’occasion également pour Stallman de rappeler que cohabitent au sein des Creative Commons des licences libres et d’autres non libres, et que ces dernières sont tout à fait acceptables voire légitimes lorsqu’il s’agit d’œuvres artistiques ou d’opinion (ce qui n’est donc pas le cas pour l’éducation).

Un article à confronter avec celui de Calimaq sur Owni  : Le non commercial, avenir de la culture libre.

Preliminares 2013 - CC by-sa

L’éducation en ligne utilise une licence Creative Commons défectueuse

On-line education is using a flawed Creative Commons license

Richard Stallman – version du 14 janvier 2013 – Site personnel
(Traduction du 28 janvier 2013  : albahtaar, Vrinse, goofy, MdM, aKa, KoS, FirePowi, Thérèse, Penguin, revue et corrigée par Richard Stallman)

Des universités de premier plan utilisent une licence non-libre pour leurs ressources d’enseignement numérique. C’est déjà une mauvaise chose en soi, mais pire encore, la licence utilisée a un sérieux problème intrinsèque.

Lorsqu’une œuvre doit servir à effectuer une tâche pratique, il faut que les utilisateurs aient le contrôle de cette tâche, donc ils ont besoin de contrôler l’œuvre elle-même. Cela s’applique aussi bien à l’enseignement qu’au logiciel. Pour que les utilisateurs puissent avoir ce contrôle, ils ont besoin de certaines libertés (lisez gnu.org), et l’on dit que l’œuvre est libre. Pour les œuvres qui pourraient être utiles dans un cadre commercial, les libertés requises incluent l’utilisation commerciale, la redistribution et la modification.

Creative Commons publie six licences principales. Deux sont des licences libres  : la licence «  Partage dans les mêmes conditions  » CC BY-SA est une licence libre avec gauche d’auteur (en anglais, «  copyleft  ») forçant l’utilisation de la même licence pour les œuvres dérivés, et la licence «  Attribution  » (CC BY) qui est une licence libre sans gauche d’auteur. Les quatre autres ne sont pas libres, soit parce qu’elles ne permettent pas de modification (ND) soit parce qu’elles ne permettent pas d’utilisation commerciale (NC).

Selon moi, les licences non libres qui permettent le partage sont légitimes pour des œuvres artistiques ou de divertissement. Elle le sont également pour des œuvres qui expriment un point de vue (comme cet article lui-même). Ces œuvres ne sont pas dédiés à une utilisation pratique, donc l’argument concernant le contrôle par l’utilisateur ne s’y applique pas. Ainsi, je ne vois pas d’objection à ce qu’elles soient publiées sous licence CC BY-NC-ND, qui ne permet que la redistribution non commerciale de copies identiques à l’original.

L’utilisation de cette licence pour une œuvre ne signifie pas qu’il soit totalement impossible de la publier commercialement ou avec des modifications. La licence n’en donne pas la permission, mais vous pouvez toujours demander la permission au détenteur du droit d’auteur, peut-être avec un contrepartie, et il se peut qu’il vous l’accorde. Ce n’est pas obligé, mais c’est possible.

Cependant, deux des licences non libres CC mènent à la création d’œuvres qui, en pratique, ne peuvent pas être publiées à des fins commerciales, car il n’existe aucun moyen d’en demander l’autorisation. Ce sont les licences CC BY-NC et CC BY-NC-SA, les deux licences CC qui autorisent les modifications mais pas l’utilisation de manière commerciale.

Le problème survient parce que, avec Internet, les gens peuvent facilement (et légalement) empiler les modifications non-commerciales les unes sur les autres. Sur des décennies, il en résultera des œuvres avec des centaines, voire des milliers de contributeurs.

Qu’arrive-t-il si vous voulez utiliser commercialement l’une de ces œuvres  ? Comment pouvez-vous en obtenir l’autorisation  ? Il vous faut demander aux principaux titulaires de droits. Peut-être que certains d’entre eux ont apporté leur contribution des années auparavant et sont impossibles à retrouver. D’autres peuvent avoir contribué des décennies plus tôt, ou même sont décédés, mais leurs droits d’auteur n’ont pas disparu avec eux. Il vous faut alors retrouver leurs descendants pour demander cette autorisation, à supposer qu’il soit possible de les identifier. En général, il sera impossible de se mettre en conformité avec les droits d’auteur sur les œuvres que ces licences incitent à créer.

C’est une variante du problème bien connu des «  œuvres orphelines  », mais en pire, et ce de manière exponentielle  ; lorsque l’on combine les œuvres de très nombreux contributeurs, le résultat final peut se trouver orphelin un nombre incalculable de fois avant même d’être né.

Pour éliminer ce problème, il faudrait un mécanisme impliquant de demander l’autorisation à quelqu’un (faute de quoi la condition NC devient sans objet) mais pas de demander l’autorisation à tous les contributeurs. Il est aisé d’imaginer de tels mécanismes  ; ce qui est difficile, c’est de convaincre la communauté qu’un de ces mécanismes est juste et d’obtenir un consensus pour l’accepter.

Je souhaite que cela puisse se faire, mais les licences CC BY-NC et CC BY-NC-SA, telles qu’elles existent aujourd’hui, doivent être évitées.

Malheureusement, l’une d’entre elle est très utilisée. La CC BY-NC-SA, qui autorise la publication non commerciale de versions modifiées sous la même licence, est devenue à la mode dans le milieu de la formation en ligne. Les Open Courseware (didacticiels «  ouverts  ») du Massachusetts Institute of Technology (MIT) l’ont lancée, et de nombreux autres établissements d’enseignement ont suivi le MIT dans cette mauvaise direction. Alors que, pour les logiciels, «  open source  » signifie «  probablement libre mais je n’ose pas communiquer à ce sujet donc tu dois vérifier toi-même  », dans la plupart des projets d’enseignement en ligne «  open  » veut dire «  non libre, sans aucun doute  ».

Quand bien même le problème posé par les CC BY-NC-SA et BY-NC serait résolu, elles continueront de ne pas être la bonne façon de publier des œuvres pédagogiques censées servir à des tâches pratiques. Les utilisateurs de ces œuvres, enseignants et étudiants, doivent avoir le contrôle de leur travail, et cela requiert de les rendre libres. J’exhorte Creative Commons à prendre position et à déclarer que les œuvres censées être utilisés en pratique, y compris la documentation pédagogique et les œuvres de référence doivent être, comme les logiciels, diffusés uniquement sous des licences libres.

Éducateurs, enseignants, et tous ceux qui souhaitent contribuer aux œuvres de formation en ligne  : s’il vous plaît, veillez à ce que votre travail ne devienne pas non libre. Offrez votre aide et vos textes à des œuvres pédagogiques qui utilisent des licences libres, de préférence des licences de gauche d’auteur de façon à ce que toutes les versions de l’œuvre respectent la liberté des enseignants et des étudiants. Ensuite, invitez les projets éducatifs à utiliser et redistribuer ces œuvres sur ces bases de respect de la liberté, s’ils le souhaitent. Ensemble, nous pouvons faire de l’éducation un champ de liberté.

Copyright 2012 Richard Stallman
Publié sous licence Creative Commons Attribution – Pas de Modification 3.0 (CC BY-ND 3.0)

Crédit photo  : Preliminares 2013 (Creative Commons By-Sa)

36 Responses

  1. Léna

    Je ne suis pas d’accord avec le postulat que les clauses NC ou ND sont non problématiques pour les essais ou les opinions.

    La NC empêche l’édition d’un livre « Stallman : 30 ans au service du Libre ».

    La ND empêche les traductions vu qu’elles sont des oeuvres dérivées. Je ne veux pas vous troller, mais Framasoft n’avait pas le droit de traduire l’opinion de Stallman à moins qu’ils vous aient explicitement donné l’autorisation de le faire.

    En revanche, une licence intéressante pour les opinions, c’est la Art Libre, vu qu’elle oblige que la source soit toujours accessible avec les versions modifiées et permet donc de vérifier facilement qu’il n’y a pas de contresens introduits. (Sachant aussi que le droit moral protège aussi contre les déformations).

  2. Wan

    @Lena : Comme indiqué au début du texte, la traduction a été relue et approuvée par Stallman. Il a donc bien donné son accord 😉

  3. Léna

    @Wan autant pour moi, je ne lis pas toujours les crédits de traduction (honte à moi) 🙂

  4. Remi

    Euh… suis-je le seul à me demander pourquoi l’article de RMS est publié sous license CC-BY-ND, décriée car non libre par ce même article ?

  5. Wan

    Il dit bien dans le texte que, pour lui, des oeuvres artistiques ou qui expriment un point de vue ne sont pas obligés d’être libres :
    « Selon moi, les licences non libres qui permettent le partage sont légitimes pour des œuvres artistiques ou de divertissement. Elle le sont également pour des œuvres qui expriment un point de vue (comme cet article lui-même).  » (c’est discutable, mais son point de vue peut se défendre)

    Il parle ici des ressources pédagogiques qui selon lui doivent être libres.

  6. aKa

    @Lena et @Wan : Et un jour je vous raconterai la dizaine de mails échangés à cette occasion entre Stallman et moi 😛

  7. ex-EVS

    Moi j’ai du mal à comprendre comment c’est possible que des enseignants du public puissent mettre leurs cours sous des licences non-libres ! Mais mince à la fin, on les paie pour qu’ils nous pondent des cours et on ne peut pas les utiliser sans leur demander la permission !!? C’est pire que de marcher sur la tête !
    Y a pas une loi pour interdire ça ? (ou rendre le copyright non-valide)
    Un cours, c’est comme une recette ou des instructions à mon sens…

  8. Dalz

    C’est un article bien d’actualité, surtout avec le « cas d’Aaron ». Je connais beaucoup de collègue qui ne diffuseront jamais leur savoir « gratuitement » car ils auront l’impression de ne pas pouvoir en vivre. La plupart des écoles, actuellement ne sont pas forcément « publiques » au sens universitaires et interdisent littéralement la libre diffusion des cours. Encore pire, quand tu publies un article (de recherche hein, pas un truc dans les échos ou autreà aussi par exemple tu cèdes tous tes droits (sauf les patrimoniaux of course). Je suis donc grandement pour la LaL, mais y’a des trucs à réfléchir sur le modèle avant.

  9. idoric

    À propos de Calimaq, même si je continue à relayer avec plaisir certains de ses billets, il est à regretter qu’il ne se contente pas de défendre des licences non commerciales pour certains usages comme peut le faire RMS, mais voudrait qu’on les considère comme libres.

  10. vvillenave

    +1 idoric. Inviter dans l’introduction à « confronter » RMS et Calimaq, c’est quand même un peu mélanger les torchons et les serviettes.

  11. vvillenave

    (… et je dis cela sans pour autant souscrire entièrement aux points de vue de Stallman, qui a évidemment tout à fait raison sur les licences non-libres de type NC mais est par ailleurs affligé d’une véritable tache aveugle lorsqu’il publie lui-même sous des licences ND. Mais c’est un autre problème, et en tout cas très, très au-dessus de ce qu’on peut lire chez tel ou tel commentateur pseudo-libriste à la mode dans les sphères parisianistes.)

  12. gnuzer

    @Léna :

    « @aKa on doit te payer combien de bières pour ça ? 🙂 »

    Tu veux le remercier d’avoir obtenu un privilège ? ô_o

  13. gnuzer

    @Dalz :

    « Je connais beaucoup de collègue qui ne diffuseront jamais leur savoir « gratuitement » car ils auront l’impression de ne pas pouvoir en vivre. »

    L’absurdité réside dans le fait d’être soumis à un système économique qui considère que n’ont droit de vivre que les individus qui produisent de la richesse échangeable sur le marché.

    « y’a des trucs à réfléchir sur le modèle avant. »

    C’est tout réfléchi : http://blog.rom1v.com/2011/06/labon

    @vvillenave :

    « qui a évidemment tout à fait raison sur les licences non-libres de type NC »

    Je suis surpris. Quel est ton avis sur les licences NC précisément ?

    Il me semble que les arguments que Stallman donne ici contre le NC sont aussi applicables à la culture (la culture, au même titre qu’un manuel ou une encyclopédie, est évolutive, contrairement à ce qu’essaie de nous faire croire de plus en plus l’industrie du _divertissement_ qui voudrait nous vendre des œuvres figées, éphémères, _consommables_), et tu es mieux placé que moi pour le savoir.

  14. gwen.cyber

    Pour le reste je ne sais pas, mais pour l’éducation, ou plutôt l’instruction, la politesse serait le domaine publique directement.
    Cela permet de traduire, de modifier, d’imprimer, de vendre, mais surtout d’avoir un accès libre pérenne.

  15. jerome

    Je fabrique des animations pour mes élèves et d’autres, Elles sont sous Licence Creative Commons avec la clause NC. J’ai du mal à comprendre pourquoi le travail que je publie gratuitement devrait permettre à d’autre de gagner de l’argent avec. J’utilise donc la CC BY-NC-SA

  16. aucuneimportance

    @jerome : avoir du mal à comprendre ne signifie pas que cela est donc absurde …

    on touche là aux limites de la psychologie humaine. Il faudrait distinguer si « tu » ne fais pas d’utilisation commerciale de ta production parce que ce n’est pas possible, cela ne t’intéresse pas ou …

    si « toi » tu n’en a pas la possibilité (« liberté »), un autre peut l’avoir (autre contexte, autre objecti) … pourquoi l’en empécher ?

    Dans le « permettre à d’autre de gagner », il peut y avoir du travail supplémentaire (une contribution, une amélioration), ce n’est pas nécessairement la caricature « je prends, je revends »…

    Il faut aborder la question globalement, un enseignant du public __peut__ (et pas forcément « doit ») concevoir qu’il est déjà payé pour cette production et donc n’envisage pas de contre-partie… par contre un formateur dans une boite privée peut passer de son temps rémunéré pour contribuer au produit et donc induire une compensation (manque à gagner) sur le résultat…

    Tout dépend donc si le temps passé à contribuer était un temps « gratuit » (bénévole) ou un temps « rémunéré »… la gratuité des uns ne s’imposent pas nécessairement aux autres

  17. Greg

    @jerome: L’école publique a de tout temps donné gratuitement des connaissances à des élèves qui, par la suite, les ont utilisées pour avoir un métier (et donc gagner de l’argent). C’est marrant ces histoires de licences «non commerciales»: on finit par remettre en cause, en toute bonne foi, tout ce qui a été fait naturellement durant des siècles…

  18. jerome

    @Greg

    Je suis payé pour donner un enseignement mais mon activité de création d’animations est totalement bénévole. Je la considère comme un loisir qui ne me rapporte rien, si ce n’est le plaisir de le faire.
    Certaines activités doivent pouvoir échapper au domaine marchand.

  19. shokin

    En fait, la diversité des licences est une bonne chose. Mais certaines (CC-BY, CC-BY-SA et CC0) sont préférables à d’autres (celles contenant le NC et/ou le ND).

    Logiquement, étant donné que, à partir d’une oeuvre originale, nous ne pouvons émettre/créer une copie que sous une licence plus ou autant restrictive que l’originale, il serait de bon aloi que toute oeuvre soit par défaut dans le domaine public (le régime le plus libre). Et ce serait aux créateurs de faire les démarches actives s’ils veulent mettre leurs oeuvres sous des licences plus restrictives que le domaine public (ou CC0).

    Malheureusement, actuellement, c’est aux nombreux volontaires de la CC0 et des autres licences CC de faire les démarches (apposer la licence CC) pour que leurs oeuvres puissent être partagées le plus librement possible. Donc avec le moins de contrôle.

    Je perds le contrôle de mon oeuvre et ça me fait rire. 😆

    Heureusement qu’il y a des écoles (de divers niveaux) qui ont compris et ont mis leurs oeuvres (cours, outils didactiques) en libre téléchargement (sans DRM, même pas besoin d’être inscrit à ladite école) et sous des licences libératrices (et non privatrices). Si vous encouragez les relations de coopération (et non celles de compétition), vous êtes mieux de prendre en compte ce critère si vous voulez vous inscrire à une école.

    Je fabrique des fichiers pdf pour mes élèves. Je les mets sous CC0. Je les partage sur UbuntuOne, Mega.co.nz et en pire-tout-pire. ^^

    Tu fais partie de mon hasard. Tu fais donc partie de ma liberté. Si je réduis ta liberté, je réduis donc la mienne. Ensemble créons du hasard, pas du contrôle (hormis le contrôle de soi éventuellement).

  20. gwen.cyber

    En suivant ce que dit shokin, nous ne pouvons pas nous arrêter à une réflexion d’action immédiate.
    Comme tous, nous avons appris, appris des précédents. Nous en faisons quelque chose, peut-être un métier, peut-être une œuvre, et peut-être même serons-nous capable d’améliorer avec une petite touche personnelle. Touche qui sera apprise et ainsi de suite.
    « Nous ne sommes que des nains qui nous hissons sur les épaules des géants ». Voulons-nous être les géants de demain ?
    Dans l’absolu, c’est une question de temps, ce qui n’aura pas été rendu public finira sans doute dans l’oubli avant même d’être utilisé ou caduc, ce qui sera rendu public pourra être utiliser et continuera à grandir.

  21. ht

    Apparemment la traduction a été lue et relue et vérifiée par RMS, mais je me permets de faire remarquer que « copyleft » est un jeu de mot anglais fondé sur le fait que « right » est le contraire de « left », mais également sur le passage de « right » (droit) à « left » (laissé).

    Le traduire par « gauche d’auteur » fait mal aux yeux et n’a aucun sens.

    Enfin j’imagine que je ne suis pas le premier à faire cette remarque…

  22. aucuneimportance

    @Jérôme : « Je la considère comme un loisir qui ne **me** rapporte rien »

    Ok. Mais il n’y a pas d’articulation logique (au sens de conséquence) avec l’impossibilité que tu pose que d’autres puissent en tirer un profit. Cette articulation relève en fait d’une morale, qui donc est personnelle, et qui peut être explicitée par le choix d’une licence.

    Visiblement tu es hostile à ce que d’autres « rebondissent » (ou profitent) de ta production. Soit. C’est bien compréhensible. Mais cela n’est pas nécessairement une «universalité».

    On peut, par exemple imaginer, être pleinement satisfait qu’une association d’ordre charitatif, social, humanitaire puisse tirer ressources en exploitant (parce qu’elle en fait l’effort) une production créée initialement sur un temps « gratuit »…

    « Certaines activités doivent pouvoir échapper au domaine marchand. »

    Bien évidemment. Mais en quoi ton (objectif) plaisir originel serait atténué par le fait qu’ultérieurement une autre exploitation (commerciale et éventuellement dérivée) serait faite de ton oeuvre ?

    l’expression classique « je ne fais pas ça pour l’argent mais je ne supporte pas que d’autre puisse en faire de l’argent », comporte à mon sens une contradiction flagrante… (c’est ça qui m’intrigue 😉

  23. Greg

    @jerome: «Certaines activités doivent pouvoir échapper au domaine marchand.» C’est tout à fait ce que Stallman dit, en citant précisément les «œuvres artistiques ou de divertissement», pour lesquelles il trouve les licences non libres «légitimes». Ce qu’il critique, et je comprends bien son point de vue, c’est que ces licences non libres (avec le critère « NC ») s’appliquent aux cours dispensés par les (hautes) écoles – il cite le MIT. Ton point de vue rejoint donc le sien 🙂

  24. Dalz

    C’est pas tout à fait tout réfléchi. En revanche y’a beaucoup de choses de commencer, mais il en reste. Du reste je suis bien d’accord que toute connaissance devrait être libre, gratuite et universelle pour paraphraser M. Pasquini ^_^

  25. vvillenave

    @gnuzer: Très juste, j’ai encore été trop elliptique. Je considère que RMS a tout à fait raison quant à l’_incongruité_ des licences non-libres de type NC dans le domaine éducatif, pas lorsqu’il en fait l’éloge (de celles-là ou du ND) dès qu’il s’agit du domaine culturel (ce qui correspond, disais-je, à sa « tache aveugle », j’en ai d’ailleurs parlé dans une de mes chroniques. Merci de m’avoir conduit à clarifier mon propos.

    @jerome: Vous vous fourvoyez sur la signification des licences NC. Pour reprendre une phrase que j’utilise souvent, « elles ne protègent _pas_ de ce contre quoi vous voulez vous protéger, et elles ne donnent _pas_ les libertés que vous croyez accorder ». J’ai essayé d’expliquer cela (et quelques autres choses) dans l’article suivant : http://valentin.villenave.net/une-i

  26. ttoine

    Comme quoi en fait, j’étais complètement sur la même longueur d’onde que RMS sur les Creative Common et leur usage.

    Pour ce qui est du choix d’un ND pour son opinion, c’est logique: c’est pour éviter qu’elle ne soit tronquée, modifiée, etc… et s’assurer qu’elle soit bien diffusée dans son intégralité ! D’ailleurs, M. Stallman diffuse régulièrement des comics, des opinions, etc… en NC ou ND.

  27. Framatophe

    Hello

    J’interviens peut-être un peu tard dans ces commentaires 🙂
    Juste pour vous dire qu’entre Framasoftien, ces questions sur les clauses NC et ND reviennent très régulièrement sur le tapis.
    Je réagis au commentaire de ttoine. En fait, il faut bien considérer que nous avons tendance à reprendre les dits et écrits de Stallmann comme s’ils étaient universels. Or, il ne le sont pas. Tout simplement parce que les lois sont différentes entre la France et les USA , et entre ben d’autres pays.
    Je reviens sur la clause NC :
    La clause NC est selon moi stupide, pour les mêmes raisons énoncées par RMS, et d’autres encore. Mais la principale est l’attitude illogique consistant à dire « je mets dans le pot commun… mais pas tout à fait ». Une manière de s’assurer le monopole de la vente de l’oeuvre. Or, cela va selon moi à l’encontre de la notion de bien commun, qui par vocation, est universel. Si par exemple nous mettions les Framabook (http://framabook.org) sous clause -NC, d’un point de vue purement pratique, nous vendrions donc des livres sans que personne ne puisse prendre le PDF, l’imprimer et le vendre à son tout, même sans but lucratif et juste pour couvrir les frais d’impression. Voilà déjà un obstacle. On pourra rétorquer : « mais quel intérêt aurait un « utilisateur » à vouloir re-publier un livre qui l’est déjà? ». La réponse est facile : admettons que cet utilisateurs se trouve dans un pays lointain, la commande de son ouvrage nécessiterait des frais de port délirants qu’il n’a peut-être pas les moyens financiers de couvrir. Par ailleurs, en re-publiant le livre, il se fait le maillon d’une chaîne de al diffusion du savoir, envers des population qui peut-être n’ont pas les accès Internet suffisant pour se procurer les fichiers ou qui ont des difficultés à lire sur un écran.
    Donc la clause -NC est source d’inégalité d’accès. –> bonne à jeter à la poubelle.

    Je reviens maintenant sur la clause -ND.
    Je la considère comme inutile dans certains pays , dont la France. En effet, les pays signataire de la convention de Berne (http://fr.wikipedia.org/wiki/Conven…), dont les Etats-Unis (mais c’est tellement compliqué pour eux), n’ont pas besoin de al clause -ND. En effet, que craignent ceux qui placent leur oeuvre sous cette clause ?
    1/ que l’oeuvre soit dévoyée
    2/ que son auteur pâtissent des modifications
    Et bien qu’ils se rassurent tout ceci est déjà couvert par la loi qui distingue entre les aspect patrimoniaux de l’oeuvre (le fait de pouvoir la vendre ou céder une exclusivité à un tiers pour al diffuser) et les aspect moraux de l’oauvre. Ce droit moral de l’oeuvre est dit *inaliénable*, et par conséquent, ce qui est validé ici est la notion d’intégrité de l’oeuvre : personne n’a le droit de modifier l’oeuvre de telle manière à ce que cela préjudicie à l’oeuvre ou à son créateur.
    Par conséquent, en sachant cela, celui qui place son oeuvre sous clause -ND, fait encore une démarche illogique : il met son oeuvre dans le pot commun .. mais pas tout à fait.
    Or, comme il a été soulevé quelques commentaires plus haut, une traduction est une modification de l’oeuvre. Cet article ci-dessus a vu sa traduction « approuvée par RMS », un peu comme s’il s’agissait d’un label. OK. Maintenant, j’ai envie de traduire cette oeuvre en russe : RMS pourra-t-il « valider » cette traduction ?
    … et en cas de mort de l’auteur, vers qui se tourner en cas de clause -ND pour traduire une oeuvre ? vers les ayants droit héritiers… et là commence le parcours du combattant pour les retrouver, surtout 100 ans plus tard.
    Donc la clause ND est aussi bonne à jeter à la poubelle…

    Tout cela pour dire : soit on parle de « Bien commun », soit on parle de « diffusion gratuite et permissive ». Ce sont pour moi deux choses différentes. Une autre chose différente est bien sûr le Domaine Public, mais c’est une autre histoire.

  28. bob l'éponge

    @ ex-EVS

    présenté comme tu le fait, la chose semble effectivement surprenante mais elle n’est pas si simple.

    La rémunération d’un enseignant est lié à sa mission : le plus souvent « faire cours ».

    La *création* de contenus pédagogiques originaux n’entre pas clairement dans cette mission, même si bien souvent c’est le cas. En y réfléchissant c’est assez logique : l’enseignant peut faire cours avec le manuel et rien d’autre, il rempli sa mission. (S’agissant de droit, on ne rentrera pas dans des considération de qualité et d’efficacité d’enseignement 😉 )

    Voilà pour les grandes lignes, le détail ici :
    http://www.injep.fr/Creation-de-con

  29. Philippe-Charles Nestel

    @Framatophe

    Entièrement d’accord pour critiquer les clauses NC qui sont privatrices.
    Pas d’accord avec le sytématisme des licences libres à tout prix pour les oeuvres non fonctionnelles. Une oeuvre d’opinion n’a pas forcément besoin d’être libre, idem pour un contrat ou une licence. La preuve, la licence même du texte de la LAL est verbatim et l’on comprend très bien pourquoi.
    Et la problématique de la traduction est un problème réel, lorsqu’elle attribue à un auteur des propos contraires à son opinion. Ce fut le cas de certaines traductions qui traduisaient au début : « libre » par « gratuit » ou encore « libre » par « open source ».

    J’approuve à 100% l’April qui, sauf exception, est sous ces trois licences réunies :
    LAL version 1.3 ou ultérieure, CC-BY-SA version 2.0 ou ultérieure et GNU FDL version 1.3 ou ultérieure (Richard Stallman et la FSF furent parmi les premiers à reconnaître la Licence Art Libre). Pour autant, je ne connais pas de membres de l’April qui considèrent que toutes les oeuvres de l’esprit non fonctionnelles doivent être forcément modifiées (il doit bien y en avoir).

    Tout dépend des contextes et tout n’est pas modifiable.

    Les données publiques, par exemple, relèvent du droit res communis, et personne n’a le droit de les modifier (excepté si c’est pour créer une oeuvre nouvelle), et c’est très bien comme cela. Exemple : des sujets d’examens.
    Mais pour l’éducation, les licences auxquelles se réfère l’April sont préférables, car il s’agit la plupart du temps d’oeuvres fonctionnelles que l’on peut tout le temps améliorer et adapter à ses besoins.
    Mais je comprends très bien qu’un texte d’une Constitution ou un Manifeste ne peuvent être redistribués que dans leur intégrité.

    Tout le reste n’est que du pinaillage et excusez-moi l’expression : de l’enculage de mouches.

    Librement,
    Charlie

  30. Philippe-Charles Nestel

    @Bob l’éponge
    L’avis de l’OFRATEME c’est bien sympa mais entre temps, nous avons eu la loi DADVSI qui, pour ne pas créer d’exception au droit d’auteur et aux droits voisins, a clairement tranché pour la reconnaissance du droit d’auteur des fonctionnaires (hormis un ou deux cas particulier) dans l’exercice de leur fonction.
    Avant, il fallait distinguer entre « obligations de service » et hors des « obligations de service ».
    Désormais, la seule chose qui ne soit pas soumise au droit d’auteur, à ma connaissance, sont les sujets d’examens qui relèvent du droit res communis.

    Les enseignants ont donc le choix entre partage des savoirs ou privatisation des savoirs. Puisque DADVSI n’avait pas songé un seul instant qu’ils puissent être producteurs, mais uniquement consommateurs zinnovant d’un Minitel 2.0.

    Point barre.

    Dans ce contexte, diffuser des contenus implique un choix de licence.

    Laquelle/lesquelles choisir ?

    Pour ma part je recommande d’opter simultanément pour ces trois licences : LAL version 1.3 ou ultérieure, CC-BY-SA version 2.0 ou ultérieure et GNU FDL version 1.3 ou ultérieure.

    Cela ne signifie pas de nous focaliser sur ces seules licences. Il nous faut également défendre le domaine public, menacé de toutes parts par des artifices juridiques que nous devons combattre, de même que les donnée publiques qui, elles aussi, sont menacées de privatisation.
    Alors que les distributeurs d’Ibad affirment que lutter contre la « fracture numérique » c’est de doter chaque enfant d’une machine fermée et d’un système privateur de libertés, nous devons à l’inverse considérer que l’égalité, doit être avant tout une égalité de droits d’accès pour tous, sans discrimination numérique, à la connaissance. Nous devons favoriser le partage des savoirs et la collaboration, car nous savons tous ici, nous qui sommes attachés plus que tout à la LIBERTE et à la singularité de chaque être humain sur cette planète, que l’intelligence collective, l’intelligence en réseau, l’intelligence de pair à pair, démultiplie l’intelligence de chacun.
    Librement,
    Charlie

  31. ttoine

    @framatophe, je crois que justement, si tu veux traduire dans une autre langue l’article de RMS, il te faudra son accord: il prendra le temps de s’assurer que la traduction ait bien le sens qu’il voulait donner à l’original.

    Il suffit d’avoir participé ne serait-ce qu’une fois à une traduction sur le framapad, ou d’être régulièrement confronté à des traductions pour s’apercevoir que c’est très compliqué de bien traduire: idiomatiques, faux amis, sens des mots variables en fonction du contexte….

    D’autre part, tout le monde n’est pas un gourou des droits d’auteur et d’utilisation. Les licence -ND et -NC permettent à un auteur non juriste d’expliquer simplement à un utilisateur non juriste ces deux limites.

    Ce sont des licences de libre diffusion. En aucun cas des licences de bien commun. Ca n’a rien à voir.

  32. Philippe-Charles Nestel

    @ttoine
    a) Les NC ne garantissent pas une libre redistribution contrairement aux ND commerciales.

    b) Le bien commun, qualifié dans notre droit latin de res communis, ne peut pas être soumis à une licence. Une licence renvoie au droit et patrimonial et au droit moral du droit d’auteur.

    J’ai tenté d’expliquer ce qu’était cette « chose commune » en commentaire sur le site Actualitté, dans le contexte des débats à propos de la propriétarisation du domaine public ici (mon message est parti trop tôt suite à une fausse manip sans que je puisse terminer de l’écrire) :
    http://www.actualitte.com/bibliothe

    Je fais néanmoins un copîer/coller partiel :

    « Sur les res communis (notre équivalent latin des commons anglo-saxons que nous traduisons, dans les communautés du Libre, par « biens communs informationnels)

    Les res communis sont des biens insusceptibles d’appropriation par quiconque. Il n’y a pas de propriété, privée ou publique, qui puisse s’exercer sur eux parce qu’ils ont une utilité commune.

    Ils sont définis par l’article Article 714, créé par la loi 1803-04-19 promulguée le 29 avril 1803 du code civil qui stipule :

     » Il est des choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous.
    Des lois de police règlent la manière d’en jouir. »
    http://www.legifrance.gouv.fr/affic

    Pour autant, il est possible d’enclore ces choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous, par un artifice : le droit sui generis du producteur d’une base de données. »

    Le domaine public peut être qualifié de bien commun en ce qu’il n’appartient à personne et son usage, en théorie commun à tous ; de la même manière que les données publiques – qui ne relèvent pas du tout droit d’auteur – peuvent être également considérées comme res communis.

    Les licences de libres logiciels de type copyleft et les licences copyleft des libres cultures (ce qui exclut les licences NC) s’apparentent aux biens communs informationnels par la volonté de leurs auteurs qui, pour ce faire, mettent une licence.

    Librement,
    Charlie

  33. Framatophe

    Hello

    Oui.. en fait ce que je voulais surtout dire, c’est que si quelqu’un choisi une licence Creative Commons, c’est qu’il a envie de déposer quelque chose dans le bien commun. Et pour moi, c’est une démarche illogique que de le faire de manière incomplète.
    Une oeuvre dite « d’opinion » (pour moi, ce distingo n’a pas lieu d’être : une oeuvre est toujours d’opinion : il n’y a jamais rien d’objectif) a le choix d’être sous licence libre ou pas. Soit l’auteur décide de le faire, soit il ne le fait pas. Mais dire à un auteur qu’il peut libérer son oeuvre tout en gardant une clause ND, pour moi, c’est juste pour le rassurer… mais contre quoi? c’est juste inutile par rapport au droit existant.

    Mais attention, je ne dis pas que toute oeuvre doit pouvoir être modifiée, je dis que toute oeuvre est susceptible d’être modifiée, et que par conséquent il y a déjà le droit « classique » qui régule tout cela. La clause est ND est une surcouche inutile.

    Par ailleurs, pour revenir sur la traduction : même si l’auteur est très cultivé, il est assez rare de tomber sur un auteur connaissant suffisamment toutes les langues pour « valider » toutes les traductions de ses propres textes. La seule chose qu’il peut faire, c’est faire confiance à un tiers éventuellement pour expertiser la traduction. Mais quand on crée un texte que l’on publie sur Internet, au nom de quoi devrait-on pouvoir décider qu’une partie seulement de la population puisse le lire parce qu’on valide certaines traductions et pas d’autres ?
    Si je traduis un texte et que le sens s’en trouve changé de telle manière à ce que l’intégrité de l’oeuvre en est affectée, je n’en ai de toute façon pas le droit, quelle que soit la licence choisie.
    Par contre, c’est vrai, j’ai le devoir de demander l’accord de l’auteur pour traduire un de ses textes : mais il y a une différence entre demander l’autorisation et demander la validation du résultat final.

    Sans parler de traduction, c’est bien le problème rencontré lors de la publication de la biographie de RMS en version française dans la collection Framabook : l’autorisation de cette traduction est passée par une « obligation » à remanier le texte original de Sam Williams par le sujet même de la biographie. Cela aurait pu de pas être le cas car l’oeuvre est sous GNU FDL, mais justement c’est ce que regrettait RMS. Heureusement, RMS s’est montré très honnête sur de multiples points historiques, mais j’avais bien envie de demander aussi à E. S. Raymond, par exemple, de contribuer lui aussi… après tout, il n’y a pas de raison. Du moins, heureusement que Sam Williams a donné son accord pour une telle modification de SON oeuvre ! Et on a peut-être tendance à l’oublier…. tout comme RMS ne mentionne même pas Framasoft dans la publication anglaise de cette version remaniée de sa bio alors que Framasoft a joué un rôle de premier ordre. Mais là aussi, ca doit être secondaire…^^
    Donc d’un côté on a quelqu’un qui souhaite faire du verbatim pour ses « oeuvres d’opinion », de l’autre l’oeuvre a pu être modifiée dans son intérêt 🙂