De l’usage des « œuvres protégées » à l’Éducation Nationale

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MK Media - CC byD’un côté vous avez le «  copyright  », qui donne à l’auteur un droit exclusif d’exploitation sur son œuvre (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) et qui s’applique par défaut en l’absence de toute autre mention.

C’est ce qu’a toujours connu l’Éducation Nationale avant l’apparition des nouvelles technologies, et mis à part le problème du «  photocopillage qui tue le livre  », tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. D’autant que l’on ne pouvait pas avoir conscience qu’il pouvait en être autrement. Et puis, il suffisait d’être patient et d’attendre que certaines œuvres tombent dans le domaine public.

Puis est arrivé le «  copyleft  », c’est-à-dire la possibilité donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) de copier, d’utiliser, d’étudier, de modifier et de distribuer son œuvre dans la mesure où ces possibilités restent préservées.

Ce copyleft ouvre la voie aux Open Educational Ressources. Nous en avons un bel exemple chez nous avec Sésamath et ses «  manuels libres  », et rien que cette semaine j’ai noté deux nouvelles ressources scolaires dans la sphère anglophone  : Collaborative Statistics, un manuel sous licence Creative Commons By-Sa et Chemical Process Dynamics and Controls édité à même un wiki et sous la même licence[1].

Question  : Qui du copyright ou du copyleft est plus adapté aux situations d’enseignement à l’ère du numérique  ?

Pour nous aider à répondre nous allons nous appuyer sur les accords issus du texte toujours en vigueur paru au Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007 concernant l’usage en situation scolaire de l’écrit, de la presse, des arts visuels, de la musique et de l’audiovisuel.

L’un des problèmes de ces accords c’est qu’il y a confusion et collusion entre «  œuvres protégées  » et «  œuvres protégées sous le classique copyright  ». Le copyleft, qui n’est à aucun moment mentionné, protège lui aussi les œuvres, par exemple en garantissant toujours la paternité des auteurs, mais pas de la même façon et pas dans le même but.

Toujours est-il que voici donc nos enseignants confrontés uniquement à des œuvres protégées sous copyright. Et là, tout petit hiatus, on ne peut a priori strictement rien faire avec de telles œuvres puisque l’auteur (ou les ayant-droits) en détient les droits exclusifs d’exploitation. Pour lever l’interdit il faudrait en théorie demander au cas par cas les autorisations. Vous imaginez un professeur d’histoire et géographie contactant tous les ayant-droits des illustrations qu’ils comptent montrer à ses élèves pendant toute l’année avec toutes ses classes  ? Ce n’est pas réaliste.

Dans la mesure où «  l’exception pédagogique  » n’est parait-il qu’un mythe sans le moindre fondement juridique, l’Institution se devait de faire quelque chose et c’est ce qui fut fait avec ce texte officiel du BO, conséquence directe des négociations avec les ayant-droits de «  l’industrie culturelle  ».

En voici quelques extraits (évidemment choisis et commentés à dessein, donc je vous invite à le lire en intégralité, histoire de vous en faire une meilleure idée, c’est un peu indigeste mais juridiquement et aussi «  culturellement  » c’est fort instructif et pas seulement si vous faites partie de la maison).

Accrochez-vous et ayez une pensée compatissante pour nos enseignants qui doivent en connaître les détails sur le bout des doigts et ne surtout pas commettre d’erreurs dans leurs applications.

Mise en œuvre des accords sectoriels sur l’utilisation des œuvres protégées à des fin d’enseignement et de recherche

C’est l’accord général qui fixe le cadre et donne le modèle.

Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, avec les titulaires des droits d’auteur et en présence du ministre de la culture et de la communication, cinq accords sur l’utilisation des œuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche, à raison d’un accord pour chacun des grands secteurs de la propriété littéraire et artistique  : l’écrit, la presse, les arts visuels, la musique et l’audiovisuel.

Louable intention.

Le champ de ces accords recoupe dans une large mesure celui de la clause introduite au e) du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information parfois appelé aussi DADVSI.

Conformément aux principes fondamentaux du droit de propriété intellectuelle, constamment rappelés par la législation française, l’utilisation collective d’une œuvre protégée est soumise en principe au consentement préalable du titulaire des droits d’auteur. Pour répondre aux besoins du service public de l’enseignement et favoriser la diversification des supports pédagogiques, les cinq accords sectoriels proposent un cadre général pour les utilisations les plus usuelles. Les utilisations qui entrent dans le champ de ces accords et qui en respectent les clauses sont réputées autorisées sans que les établissements ou les personnels n’aient à effectuer de démarches particulières.

C’est ce que j’évoquais plus haut. L’idée c’est d’obtenir une sorte de passe-droit pour ne plus avoir à demander d’autorisations. Bien entendu, comme nous le verrons plus bas, il y a quelques compensations.

La représentation dans la classe d’œuvres protégées est couverte de façon générale dès lors qu’elles illustrent le cours. Il en va ainsi de la projection d’une image, d’un document audiovisuel ou de la diffusion d’une chanson qui éclaire un point de l’enseignement ou qui en constitue l’objet principal. Cette représentation collective peut également intervenir pour illustrer le travail qu’un élève ou un étudiant présente à la classe.

Cette couverture est pleine de bon sens sauf si c’est le seul cas de couverture possible.

Les accords autorisent la représentation d’extraits d’œuvres lors de colloques, conférences ou séminaires organisés à l’initiative et sous la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Les accords exigent que le colloque, la conférence ou le séminaire soit destiné aux étudiants ou aux chercheurs. Dans le cas contraire, la représentation d’œuvres sera subordonnée à l’accord préalable des titulaires de droit.

Le supérieur n’est pas très gâté. On lui fixe un cadre très précis et dans le cas contraire c’est interdit (sauf accord préalable…).

Les dimensions des œuvres qui peuvent être numérisées et incorporées dans un travail pédagogique ou de recherche mis en ligne sont précisées pour chaque catégorie  :
– pour les livres  : 5 pages par travail pédagogique ou de recherche, sans coupure, avec reproduction en intégralité des œuvres des arts visuels qui y figurent, dans la limite maximum de 20 % de la pagination de l’ouvrage. Dans le cas particulier d’un manuel scolaire, l’extrait ne peut excéder 4 pages consécutives, par travail pédagogique ou de recherche, dans la limite de 5 % de la pagination de l’ouvrage par classe et par an  ;
– pour la presse  : deux articles d’une même parution sans excéder 10 % de la pagination  ;
– pour les arts visuels  : le nombre d’œuvres est limité à 20 œuvres par travail pédagogique ou de recherche mis en ligne. Toute reproduction ou représentation numérique de ces œuvres doit avoir sa définition limitée à 400×400 pixels et avoir une résolution de 72 DPI.

Arbitraire et pour le moins alambiqué tout ça  ! Limite ubuesque  ! Rappelons, pour mémoire, qu’avec le copyleft il n’y aucune contrainte d’utilisation.

La mise en ligne de thèses sur le réseau internet est admise en l’absence de toute utilisation commerciale et, le cas échéant, après accord de l’éditeur de la thèse. La mise en ligne devra utiliser un procédé empêchant celui qui consulte la thèse sur internet de télécharger les œuvres qui y sont incorporées.

Nouvelle barrière.

La reproduction numérique d’une œuvre doit faire l’objet d’une déclaration pour permettre d’identifier les œuvres ainsi reproduites. Cette déclaration consiste à compléter le formulaire mis en ligne à l’adresse suivante.

Il y a donc obligation de déclarer chaque œuvre utilisée  ! Ce qui, pour notre professeur d’histoire-géographie, peut prendre un certain temps. Mais ayez la curiosité de vous rendre sur le site de la déclaration. Aucune identification n’est demandée, je me suis imaginé renseignant une photographie et me suis retrouvé avec deux uniques champs  : «  Auteur  » et «  Nbre estimé d’élèves/étudiants destinataires  ». On clique sur valider et c’est tout. Est-ce ainsi que l’on va redistribuer équitablement les droits  ?

Accord sur l’utilisation des livres et de la musique imprimée à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas particulier des livres (et des partitions musicales). Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), agissant également au nom de la société de perception et de répartition de droits suivante AVA, sur mandat exprès de ces dernières, La Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) ci-après dénommés «  les représentants des ayants droit  ».

Le ministère réaffirme son attachement au respect des droits de propriété littéraire et artistique. Il partage le souci des ayants droit de mener des actions coordonnées pour sensibiliser l’ensemble des acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, étudiants et chercheurs – sur l’importance de ces droits et sur les risques que la contrefaçon fait courir à la vitalité et la diversité de la création littéraire et artistique.

J’ai déjà entendu cela quelques part…

Pour ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord  : de parties d’œuvres musicales visées par l’accord dont la longueur sera déterminée d’un commun accord entre les Parties, en fonction des œuvres concernées et des usages appliqués  ; à défaut d’accord particulier, l’extrait ne peut excéder 20  % de l’œuvre musicale concernée (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 3 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord  ; pour les ouvrages de formation ou d’éducation musicales et les méthodes instrumentales, l’extrait ne peut excéder 5  % d’une même œuvre musicale visée par l’accord (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 2 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord.

Bienvenue dans le monde de la complexité…

En ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord, sont autorisées exclusivement les reproductions numériques graphiques temporaires exclusivement destinées à la représentation en classe par projection collective. Les reproductions d’œuvres musicales par reprographie ne sont en aucune manière autorisées par le présent accord ainsi que rappelé à l’article 4.2 ci-après. Il est précisé que le présent article n’autorise pas les reproductions numériques temporaires des œuvres musicales visées par l’accord disponibles uniquement à la location auprès des éditeurs concernés.

Un vrai terrain miné…

L’accord n’autorise pas la distribution aux élèves, étudiants ou chercheurs de reproductions intégrales ou partielles d’œuvres visées par l’accord.

C’est bien dommage parce qu’avec le copyleft l’élève peut tranquillement repartir de l’école avec l’œuvre numérique dans sa clé USB.

Les moteurs de recherche des intranets et extranets des établissements permettront l’accès aux travaux pédagogiques ou de recherche, ou aux communications faites lors de colloques, conférences ou séminaires, mais ne comporteront en aucune manière un mode d’accès spécifique aux œuvres visées par l’accord ou aux extraits d’œuvres visées par l’accord ou une indexation de celles-ci.

De la recherche bridée en somme.

Le ministère informera les établissements du contenu et des limites de l’accord. Il s’engage également à mettre en place dans l’ensemble des établissements des actions de sensibilisation à la création, à la propriété littéraire et artistique et au respect de celle-ci. Ces actions, définies en liaison avec les représentants des ayants droit, interviendront au moins une fois par an et par établissement. Elles pourront prendre des formes diverses en partenariat avec des auteurs, des compositeurs, des éditeurs de livres ou de musique ou des artistes plasticiens.

Je veux bien participer ;-)

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera au CFC et à la SEAM une somme de  :
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007  ;
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC et la SEAM entre les titulaires de droits ou leur représentant qui leur ont donné mandat pour conclure l’accord.

C’est précis et non négligeable.

Dans l’hypothèse où il apparaîtrait que, dans le cours de l’application de l’accord, les utilisations numériques d’œuvres visées par l’accord augmenteraient de façon significative, la rémunération définie ci-dessus devra être révisée en conséquence. Les Parties se rapprocheront pour fixer la rémunération adaptée.

Je suis curieux de savoir comment on peut réellement se rendre compte de cela. Via le formulaire de renseignement mentionné plus haut  ? Je n’ose à peine le croire  !

Les représentants des ayants droit pourront procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord. Les agents assermentés de chaque représentant des ayants droit auront la faculté d’accéder aux réseaux informatiques des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils pourront contrôler notamment l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord avec chaque stipulation de l’accord.

Quand les «  agents assermentés  » des ayant-droits sont autorisés à pénétrer dans le sanctuaire scolaire… Je ne sais pas trop (ou trop bien) comment qualifier cela.

Accord sur l’utilisation des publication périodiques imprimées à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas de la presse. Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) agissant au nom des éditeurs de publications périodiques imprimées.

En contrepartie des autorisations consenties par le présent accord, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche versera au CFC une somme de  :
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007  ;
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC entre les titulaires de droits qui lui ont donné mandat pour conclure le présent accord.

Accord sur l’utilisation des œuvres des arts visuels à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Passons aux œuvres des arts visuels (images, photos, illustrations, etc.). Accord signé entre le ministère et l’AVA, société de perception et de répartition de droits, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits suivantes sur mandat exprès de ces dernières  : ADAGP, SACD, SAIF et SCAM, l’ensemble de ces sociétés étant ci-après dénommées «  les sociétés de perception et de répartition de droits  ».

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera à AVA une somme de  :
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007  ;
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par AVA aux titulaires de droits ou leur représentant.

Accord sur l’interprétation vivante d’œuvres musicales, l’utilisation d’enregistrements sonors d’œuvres musicales et l’utilisation de vidéomusiques à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Quant à la musique… Accord entre le ministère et La SACEM, société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, agissant pour elle- même et au nom des sociétés de perception et de répartition suivantes sur mandat exprès de celles-ci  : ADAMI, SACD, SCPP, SDRM, SPPF, SPRE, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la SACEM, étant ci-après dénommées «  les sociétés de perception et de répartition de droits  ».

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la SACEM une somme de  :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007  ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la SACEM entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Accord sur l’utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Et pour finir le cinéma. Accord entre le ministère et la PROCIREP, société des producteurs de cinéma et de télévision, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits assurant la gestion des droits sur les œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ci- dessous désignées  : ARP, ADAMI, SACD, SACEM, SCAM, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la PROCIREP, étant ci-après dénommées «  les sociétés de perception et de répartition de droits  ».

Est autorisée par l’accord la représentation dans la classe, aux élèves ou étudiants, de toute œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée par un service de communication audiovisuelle hertzien non payant (…) L’utilisation d’un support édité du commerce (VHS préenregistrée du commerce, DVD vidéo, etc.) ou d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée sur un service de communication audiovisuelle payant, tel que, par exemple, Canal+, Canalsatellite, TPS, ou un service de vidéo à la demande (VOD ou S-VOD), n’est pas autorisée par l’accord, sauf dans le cas prévu à l’article 3.2.

Ne reste plus, si j’ai bien compris, que nos chères chaînes de télévision généralistes à voir uniquement en direct live.

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la PROCIREP une somme de  :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007  ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la PROCIREP entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Je prends ma calculette… ce qui nous donne pour les seules années 2007 et 2008… quatre millions d’euros tout rond pour toutes «  les sociétés de perception et de répartition de droits  ». C’est pas mal, surtout si l’on se souvient des nombreuses clauses restrictives qui parsèment les accords (et puis, au risque de m’égarer, n’oublions pas également la taxe sur la copie privée, qui certes s’applique à tout le monde mais qui participe de la même logique).

Voilà. Dans un monde où n’existerait que le copyright, on se retrouve à négocier ainsi avec les ayant-droits de l’industrie culturelle pour le résultat que vous avez donc aujourd’hui sous les yeux. Reconnaissons que ce n’est pas toujours évident pour les enseignants (et leurs élèves) de s’y retrouver  !

Il est à noter qu’à l’époque de la discussion de ces accords, c’est-à-dire en 2006 au fameux temps de l’examen de la loi DADVSI, certains enseignants n’avaient pas hésité à carrément prôner la «  désobéissance civile  ». Avec une pétition à le clé ayant regroupée pas moins de 5000 signataires.

Il y a cependant une bonne nouvelle. Tous ces accords se terminent le 31 décembre 2008. Nous attendons donc avec impatience (et fébrilité) les nouvelles directives 2009. Peut-être que cette fois-ci le copyleft aura doit de cité  ? Dans le cas contraire, cela n’empêchera nullement les enseignants de s’y intéresser toujours davantage, pour finir par lentement mais sûrement construire ensemble les bases d’un nouveau paradigme.

Notes

[1] Crédit photo  : MK Media (Creative Commons By)

19 Responses

  1. Maps

    Eeeeerkkkk… Ça donne mal au cœur tout ça.

    Bon, je vais sortir prendre l’air en méditant sur mon salaire, et en me disant que ces 4 millions financent l’inclusion de médias Wikipedia dans mes cours. Super.

    Je crois aussi que je vais arrêter de lire tes billets sur l’EN, ça me fait du mal à mon cynisme. Y a un moyen de virer le tag «education» du RSS ? 😉

  2. Olivier

    Du grand, du très grand n’importe quoi !!!

    Dans une dizaine d’années, on conservera ce texte comme symbole des temps obscurs dans lesquels nous vivons, où l’économie prime sur l’éducation.

    Je suis certain en plus que 0,1% des profs doivent connaître ces textes. Personne ne doit les appliquer. C’est juste une manière de refiler 4 millions en 2 ans aux lobbyistes de l’industrie pseudo-culturelle.

    Cela me dégoûte au plus haut point. Savoir qu’en portant mes enfants à l’école je donne indirectement de l’argent à Johnny, byark !

  3. Florient

    Lundi 8 décembre 2008, Collège Vitrine, Brigny.

    – Donc vous voyez les enfants, on peut alors dire que le carré de l’hypoténuse est égal à la somme…

    Toc, toc, toc !

    – Oui, entrez…

    – Bonjour nous sommes des agents assermentés des sociétés de perception et de répartition de droits. Nous venons procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord du Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007.

    – Ah, Heu… oui

    – Nous pouvons regarder cet ordinateur ?

    – Heu, oui, faites, enfin c’est-à-dire que nous étions en plein Pythagore…

    – Chef, regardez, cette image sur le réseau interne, là, dans un travail d’élève. Elle dépasse les 400×400 pixels !!!

    – En effet, incroyable ! Monsieur le professeur, veuillez nous suivre. Nous venons de constater une grave infraction aux accords tels que stipulés par le Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007.

    – Heu, vraiment ? Peut-on attendre la sonnerie afin de ne pas laisser les élèves sans surveillance ?

    – Soit.

    – Le Théorème de Pythagore disais-je, qui heureusement n’a pas d’ayant-droits, s’énonce ainsi…

  4. Domi

    Je trouve ça lamentable… Je suis également personnel de l’EN et pour trouver un document exploitable nous sommes obligés de le monter en prenant des petits bouts par-ci et par-là ! Plutôt que nous pondre de telles con…ie, pourquoi notre cher ministère ne crée pas un site (unique) où nous pourrions trouver les documents (images, photos, extraits de textes, films…) dont nous pourrions nous servir gratuitement ! De toute façon, la politique actuelle est d’enrichir ceux qui ont déjà tout et de ponctionner au maximum ceux qui travaillent !
    On nous laisse déjà payer notre matériel informatique, les feuilles que nous utilisons pour imprimer les documents, les cartouches d’encre, on pourrait peut-être nous faire payer à chaque fois que nous utilisons un document protégé (Johnny va être content !)
    J’arrête-là ! j’ai des docs à chercher, déclarer (pour ne pas être un grand bandit), modifier, adapter pour enfin pouvoir les montrer à nos chères têtes blondes !
    Bon week-end à tous

  5. Karl Meyer

    C’est de la science-fiction, n’est-ce pas ? C’est ce qui peut nous arriver si nous n’agissons pas, n’est-ce pas ?

    Ne me dites surtout pas que c’est déjà la réalité !

  6. Guerain DD

    Ce ne sont pas les œuvres mais toute l’Education Nationale qui a besoin de protection…

    Ce qui passe par une certaine éducation aux médias, aux formats et aux licences.

    Voilà c’est ça, l’Education Nationale a besoin d’un peu d’éducation ! Sinon ce sont les marchands qui lui imposent des accords iniques qui vont à l’encore de l’intérêt de l’élève.

    Je veux bien qu’on dise que le libre ne fait pas de politique mais ce billet est éminemment politique selon moi.

    Je rappelle que les ayant-droits ça dure pour les droits patrimoniaux (exploitation commerciales des œuvres) jusqu’à 70 ans après la mort de l’auteur. Du coup on a par exemple toujours pas le droit d’utiliser le Petit Prince à l’école sans les autorisations… blabla. On marche sur la tête.

  7. Alexandre

    Le découpage d’aKa n’est pas neutre et il est là pour produire un certain effet. Sauf que justement il le produit bien cet effet ! C’est édifiant.

    Pourtant l’intention est bonne : faire en sorte que les profs puissent utiliser des œuvres protégées sans devoir s’emmerder à demander à chaque fois les autorisations.

    Et sans léser les ayant-droits. C’est là que ça coince pour moi. C’est totalement disproportionné en faveur des ayant-droits. L’école c’est une priorité de la Nation oui ou non ? La réponse est non, il est plus important de tout faire pour conserver les positions et structures obsolètes de l’industrie culturelle avec tous ses intermédiaires non auteurs qui ne servent plus à rien au temps d’internet et du numérique.

    Petite question pour finir : Qu’en est-il d’un prof qui montrerait des œuvres protégées sur des sites web directement connecté à internet (dans une salle info, un tableau numérique interactif, etc.) ?

    Merci en tout cas pour avoir mis le focus sur ces accords (mineurs pour l’école, majeurs pour les auteurs) que j’ignorais.

    Alexandre O.

  8. Michel Derais

    Et n’oublions pas aussi la proposition du Sénat de "sensibiliser à l"Hadopi" au sein même de B2i.

    Je copie/colle : "Toutefois, afin d’aller encore plus loin en ce sens, elle propose, dans le cadre du présent projet de loi, de compléter le code de l’éducation afin de prévoir une information des élèves sur les risques liés aux usages d’Internet, sur les dangers du piratage des oeuvres culturelles pour la création artistique et sur les sanctions possibles (chapitre et article additionnels après l’article 9). Cela s’inscrira notamment dans le cadre du Brevet informatique et Internet (B2i) que préparent désormais tous les élèves."

    En bas de cet article du site du Sénat :
    http://www.senat.fr/rap/l08-053/l08

    De l’air, de l’air, les mômes et les profs étouffent…

  9. Bionet

    Bonjour,

    ça fait plusieurs années que j’essaie, en vain, d’intéresser les collègues à cet état de fait. Mais il faut bien admettre que, malheureusement, je n’en ai pas trouvé dans mes établissements successifs. Les seuls collègues suffisamment motivés pour s’y intéresser se trouvent essentiellement déjà impliqué sur framasoft ou à l’april.

    Je pense qu’il faudrait qu’on se fendent d’une série d’affiches (à imprimer ou photocopier pour affichage en salle des profs) pour traiter de ces points.

    Sinon, je voulais signaler qu’il existait des ressources copyleft ici : http://www.biotechno.fr. Nous avons retiré tous les articles pour ne les replacer que progressivement en ligne suite à une menace (vraisemblablement un employé compatissant travaillant chez un éditeur d’ouvrage scolaires).

    En effet, après avoir reçu plusieurs mails d’éditeurs me demandant (voire même exigeant !) que certains de leurs ouvrages spécialisés soient cités de meilleure manière sur le site, j’ai reçu un coup de fil (amical il faut bien le dire) m’annonçant que certains cours renfermaient des documents copyrightés (certainement des extraits d’ouvrages pédagogiques). Nous sommes donc en train de re-vérifier tous les articles publiés sur ce site pour qu’ils restent conforment à la licence Créative Commons Share Alike.

    Et pour les 4 millions d’euros, n’eut-il pas été nettement moins onéreux et certainement beaucoup plus simple pour nous à l’application de faire passer une loi sur l’exception pédagogique ?

    Bien cordialement,

    Patrice HARDOUIN

  10. Bionet

    Et les autres dépenses inutiles ?

    Il faudrait estimer à combien s’élèvent les dépenses inutiles de ce genre dans l’Education Nationale.

    Je pense aux licences Microsoft (Windows, Office) fournies avec les PC pré-installés.

    Je plain également les quelques collègues de Compta et Secrétariat qui sont en proie avec de gros crétins qui ne jurent que par Microsoft Excell ou MS Word et ne veulent entendre parler de rien d’autre alors que les entreprises migrent progressivement vers les suites libre comme OpenOffice.org. Ces collègues et décideurs malsains qui se veulent être des "spécialistes" et qui ne pensent pas "tableur" mais "Excell". Ces personnages ignobles qui continuent à sabrer de grands pans des budgets pédagogiques pour acheter ces licences de MS Office et qui se battent même pour que les sujets d’examens soient estampillés Microsoft ! Tout ça pour ne pas avoir à reprendre quelques captures d’écran et quelques procédures de leurs sacro-saint cours !

    Dans un précédent établissement c’était plus de 1000 Euros dépensés pour un logiciel serveur alors que le SLIS (Serveur Linux pour un Internet Scolaire) existait déjà et était libre de droit. C’est d’ailleurs le SLIS qui a été installé l’année suivante par le service informatique du Rectorat. 1000 Euros de moins sur les budgets pédagogiques d’un établissement de 500 élèves… une goutte d’eau !

    Je tiens à rappeler l’effet très néfaste qu’à eu le relais fait par le ministère de l’offre de la suite MS Office 2007 pour les enseignants : une grande majorité des enseignants exigent l’achat de licences MS Office 2007 dans les établissements car ils pensent que cela résoudra leurs problèmes de perte de mise en page lorsqu’ils ouvrent leur document sous OpenOffice.org.

    Il n’existe pas de véritables spécialistes en informatique dans les établissements scolaires. Les enseignants ou personnels administratifs sachant manier une souris s’auto-proclament très rapidement "reponsable TICE" ou autre. C’est très souvent une catastrophe car les connaissances ne sont souvent pas là et les achats (matériel et logiciels) deviennent délirants dans certains cas.

    Bon, bref, je vais aller plonger, les poissons ne parlent pas de gestion financière eux… mais ils en pâtissent tout autour du globe !

    cordialement

  11. LordPhoenix

    Je ne comprends pas trop pourquoi tu reproches à cet accord de ne pas mentionner les documents sous copyleft puisque de toute façon ils ne sont pas concerné par le problème.

    Et si les restrictions de cet accord sont si contraignantes pourquoi les enseignants eux-mêmes ne changent-ils pas leurs pratiques en utilisant massivement ces ressources?

    Ceci dit un vrai cadre juridique à l’exception pédagogique serait effectivement bien plus judicieux.

  12. jacob s92

    @LordPhoenix

    Ils ne sont pas concernés mais un préambule mentionnant leur existence n’aurait pas forcément été hors-sujet.

    Si tu vas sur le très officiel site Educnet et que tu cherches des infos sur le droit d’auteur tu dois suivre le parcours suivant :

    Educnet > Textes de référence > Textes réglementaires > Aspects juridiques > Droit d’auteur et exception pédagogique

    Et là tu tombes sur cette page :
    http://www.educnet.education.fr/dos

    Et sur cette page on te parle bien de la loi DADVSI, on te parle bien et dans le détail des accords de ce billet. Mais aucune mention des ressources et licences libres et ouvertes.

    C’est exactement pareil avec le Café Pédagogique qui te parle de TICE en évoquant Microsoft sans jamais parler du logiciel libre.

    Toutes ces omissions finissent par faire sens non ?

  13. Bionet

    <cite>Et si les restrictions de cet accord sont si contraignantes pourquoi les enseignants eux-mêmes ne changent-ils pas leurs pratiques en utilisant massivement ces ressources?</cite>

    Les enseignants ne connaissent pas ces ressources libres car les Instances Officielles ne passent des accords qu’avec les organismes privés et ne parlent que de cela. Les accords précédents avec l’APRIL par exemple ne sont visibles que sur le site de l’APRIL, nullement sur le site Eduscol ou sur le site du Ministère.

    Donc quasiment aucun enseignant n’est au courant de ces ressources libres (documents et logiciels) et ne s’oriente que vers les ressources qui lui sont données par le ministère (grands éditeurs et Microsoft) !

  14. Simon Chapelle

    Que les ayant-droits de l’industrie culturelle ne permettent pas à l’Education Nationale de faire ce qu’elle veut avec ses oeuvres (comprendre tout utiliser "gratuitement") c’est compréhensible.

    Mais proposer des tels accords, désolé mais c’est délirant ! L’Education Nationale s’est tout simplement fait roulée dans les négociations et n’a pas sur défendre ses intérêts, càd ceux des élèves.

    Les lobbyistes ont gagné une bataille mais ils ne pourront pas gagner la "guerre" justement parce que le copyleft existe. Ce copyleft vient à peine de naître, il n’en est qu’à ses prémisses mais son potentiel est extraordinaire. Les profs vont le comprendre bien plus vite que leur hierarchie, qui à partir d’une certaine masse critique ne pourra plus rien faire d’autre que constater les évolutions et s’adapter.

  15. VVL :: Le Blog sur les Licences Libres, Open Source, et leur

    Article du Framablog sur l’exception pédagogique et

    Les articles d’Alexis sont toujours aussi agréables et édifiants pour ses lecteurs. Ainsi, sans critique et uniquement pour « apporter ma pierre à l’édifice », je vais rebondir sur l’un d’eux afin d’apporter quelques réflexions pseudo-juridiques au…

  16. fremen10

    Voilà voilà je pose un commentaire ici ne sachant pas trop où le faire.

    Voici un film intéressant sur le copyright. Il est sous licence creative commons, en anglais et s’intitule Why Copyright?

    Voici le lien : http://www.michaelgeist.ca/content/

    Je me disais qu’une traduction et un article là dessus serait intéressant!
    A plus

  17. aKa

    Pour ce qui concerne le "photocopillage", je ne puis m’empêcher d’évoquer la mort du mensuel Le Monde de l’Education dont on peut lire dans l’édito du dernier numéro de décembre le passage suivant :

    "Un succès confirmé par une récente enquête auprès de nos abonnés qui nous ont crédités d’un taux de satisfaction exceptionnellement élevé. Mais ces abonnés sont souvent des établissements scolaires… où Le Monde de l’éducation est le magazine français le plus «photocopillé» : environ 40000 exemplaires vendus pour plus d’un million cent mille lecteurs ! Un écart ventes-lectorat devenu insupportable dans le contexte de crise de la presse que nous connaissons."

    No comment…

  18. Laurence Allard

    Ayant suivi de très très près cette action de désobéissance civile pour l’exception pédagogique au moment du vote de la loi DADVSI 🙂 et mon UFR "Arts et Culture" à Lille 3 ayant signé une motion en ce sens à l’époque, je ne manque pas une occasion de mentionner votre article ainsi que le chiffrage significatif auquel vous aboutissez à mes collègues et interlocuteurs. Merci encore à vous! Laurence Allard, Maître de conférences, Sciences de la Communication, Université Lille 3. S

  19. André Cotte

    "Quand on se compare on se console", je croyais que le Québec traînait de la patte en matière de contenu et de logiciels libres dans l’éducation. Je me console en me disant que vous êtes plus mal pris que nous. Courage!