Et les artistes dans tout ça ?

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Dno1967 - CC byLe choix actuel de la répression et des verrous numériques est peut-être une solution à court terme pour l’industrie musicale mais il place les artistes en position plus que délicate vis-à-vis de leurs fans. Difficile en effet de ne pas réaliser que, le temps passant, les intérêts des uns et des autres sont de plus en plus divergents.

Dans le très tendu climat du moment (crise des ventes, «  piratage  » généralisé…), il est alors assez logique de voir des musiciens prendre ouvertement leur distance avec la logique des Majors et se regrouper pour faire entendre leur voix (sic  !). C’est déjà le cas en Angleterre où quelques grands noms de la chanson britannique[1] se sont tout récemment réunis au sein de la Featured Artists Coalition (FAC) afin de «  prendre le contrôle de leur musique et défendre leurs droits d’auteur face aux opportunités que représentent les technologies digitales  ». C’est l’objet de notre traduction ci-dessous issue d’un article dédié du journal The Independent.

«  La révolution digitale a balayé le vieux business de la musique des années soixante et a changé pour toujours la relation entre les artistes et les fans  », explique le batteur du groupe Blur, David Rowntree. «  Nous sommes à la recherche d’une nouvelle donne, basée sur l’équité, avec nos fans, l’industrie du disque et les gouvernements  ». À rapprocher de ce que disait Mike Masnick dans sa très éclairante conférence consacrée au «  cas Trent Reznor  ».

Et en France, me direz-vous, où sont donc nos artistes, alors même qu’ils sont les premiers impliqués dans le projet de loi «  Création et Internet  » qui se discute en ce moment même à l’Assemblée  ?

Force est de constater qu’on ne les entend pas beaucoup, comme si la majorité d’entre eux restaient prostrés dans une sorte de silence gêné, ayant par trop conscience des effets dévastateurs produits par des discours dont Thomas Dutronc offre une magnifique caricature.

Quitte à tomber dans l’excès inverse, nous lui préférons les propos du documentariste Grand François qui donnent peut-être plus à réfléchir  :

—> La vidéo au format webm

Mais revenons à nos anglais qui se rebiffent…

Ce n’est pas un crime de télécharger disent les musiciens

It’s not a crime to download, say musicians

Arifa Akbar – 12 mars 2009 – The Independent
(Traduction Framalang  : Poupoul2)

Des musiciens, dont Robbie Williams, Annie Lennox, Billy Brag, David Rowntree (Blur) et Ed O’Brien (Radiohead) ont déclaré hier soir que le public ne devrait pas être poursuivi pour avoir téléchargé illégalement de la musique sur Internet.

la Featured Artists Coalition, qui intègre 140 des plus grandes stars pop et rock de Grande Bretagne a indiqué, lors de son inauguration, que des entreprises telles que MySpace ou Youtube devraient être mises à contribution, lorsqu’elles utilisent leur musique à des fins publicitaires.

Brag a déclaré à The Independent que la plupart des artistes ont voté contre toute tentative visant à criminaliser le téléchargement illégal de musique par le public.

Les musiciens exprimeront leur point de vue à Lord Carter, qui a suggéré que les particuliers qui se livrent au téléchargement illégal devraient être amenés devant les tribunaux.

Alors qu’Annie Lennox n’a pas pu assister à l’inauguration, elle a adressé un message de soutien, tout comme Peter Gabriel, tandis que David Gray, Fran Heal (Travis), Nick Mason (Pink Floyd) et Mick Jones (The Clash) ont fait une apparition.

Brag s’est exprimé comme membre clé de cette coalition, qui a été créée afin de donner une voix collective aux artistes qui veulent défendre leurs droits dans le monde numérique. Elle s’engage en faveur d’un marché plus équitable pour les musiciens, au moment où il peuvent utiliser Internet pour créer des liens directs avec leurs fans. «  Ce que j’ai déclaré pendant l’inauguration est que l’industrie culturelle en Grande Bretagne poursuit son chemin vers la criminalisation de notre public, celui qui télécharge illégalement des mp3  », a-t-il déclaré.

«  Si nous suivons l’industrie culturelle sur cette voie, nous ne ferons rien d’autre que de participer à ce mouvement protectionniste. Cela revient à essayer de remettre le dentifrice dans son tube  ».

«  Les artistes devraient être détenteurs de leurs propres droits, et devraient décider à quel moment leur musique peut être utilisée gratuitement, et à quel moment ils devraient être payés.  »

Les artistes souhaitaient dire à Lord Carter  : «  Nous voulons nous ranger aux côtés du public, des consommateurs  ».

O’Brien a déclaré «  qu’il s’agit d’une période charnière pour l’industrie  », ajoutant que «  de nombreux droits et sources de revenu sont charcutés, et nous avons besoin de faire entendre notre voix. Je pense que tous les intervenants principaux veulent entendre ce que nous avons à dire.  »

Notes

[1] Crédit photo  : Dno1967 (Creative Commons By)

13 Responses

  1. unsurexcionkivien

    C’est la première fois que j’entends quelqu’un – de moins de 40 ans disons – dire qu’internet tue la musique… et empêche les fabriquants de mediators de survivre. Là, le Thomas Dutronc, il fait très très fort. La liberté, ça nuit… aux riches ou aux cons ? Ou aux deux ?
    Mais il n’est pas spécialiste non plus… des libertés publiques, s’entend. Bien sûr.
    Aux armes, citoyens.

  2. bdp

    Thomas Dutronc doit trouver que le piratage nuit aux revenus de papa et maman.

    C’est souvent marrant de voir que certains artistes renier leurs textes pour leur pognon.

    Je pense par exemple à Ridan (qui a soutenu les lois sur le controle d’internet) dans sa chanson "l’agriculteur"

    "J’préfère vivre pauvre avec mon âme
    Que vivre riche avec la leur
    Et si le blé m’file du bonheur
    Je me ferai peut-être agriculteur"

    Nous prendrait-il pour des cons?

  3. Nicklaus

    C’est une situation assez litigeuse malgré tout.

    Bon deja on peut discrediter le joli monsieur a l’air gentil en chemise qui pense qu’on tue des fabriquant de mediators. Pour ma part, je suis étudiant, j’adore la musique. Seulement j’ai un budget d’étudiant, et je peux pas m’acheter tous les CD que je voudrais. Quand j’ai accés au net, il y a deezer, mais sinon ben…oui je telecharge je suis un criminel !

    Cependant : j’ai claqué 400 euros pour un tres joli synthé, plus quelques autres pour un micro, et puis pour une école de musique. Et alors je tue l’industrie de la musique ?

    J’ajoute également que quand il y’a un artiste que j’apprécie vraiment, j’achète au moins un de ces CD, même si je l’ai deja et surtout si l’artiste est assez peu connu. Évidemment, ça va dans les poches d’une maison d’édition mais bon…Et si je peux je m’offre éventuellement un concert.

    En revanche, mon ancien prof de guitare et quand même heureux de toucher le peu que son éditeur veux bien lui donner et que les impôts ne prennent pas, et ne voudraient pas qu’on puisse s’offrir gratuitement son travail…

    Donc on est face à un dilemme.
    Je pense qu’effectivement le téléchargement peut nuire d’une certaine façon au très petits artistes. Encore que, sur le principe du P2P, des œuvres méconnues sont quasi impossible a trouver par ce réseau (j’ai test). Remarquons toutefois une chose comme dit Thomas Dutronc, les gamins vont télécharger le dernier Disney, et puis les gamins un peu plus vieux vont télécharger le dernier film hyper à la mode d’Hollywood, où un navet qu’ils vont regarder pour se vider l’esprit. Généralement les gens qui produisent ça ne manquent pas d’argent, et puis on ne peut pas dire que ce soit de la qualité de culture exceptionnelle. Enfin chacun a son jugement à ce sujet et je ne réclame pas la mort de ces films.
    Sauf que l’industrie culturelle est quand meme monopolisée par ces gros producteurs, qui eux peuvent se payer un contrat juteux avec un éditeurs voire s’éditent eux-même.

    Enfin bref le problème cest que ca s’est construit autour de ces gros trucs d emasses et que quand quelqu’un veut sortir du lot il doit de demerder pour ramasser les miettes, et CA doit changer

  4. Ginko

    Arrrgh, Thomas Dutronc m’a tué … X-(

    Le coup des fabricants de médiator, c’est vraiment du joli, que dis-je, du grand art!

    En tous cas, ça fait plaisir de voir que de nombreux artistes (plus seulement quelques uns, NiN?) réalisent que le modèle actuel est périmé (ou du moins en voie de péremption) et que la meilleure chose à faire est d’aller vers leurs fans en se séparant du carcan formé autours d’eux par les Majors.

  5. Les culs de pyramide

    Les internautes, c’ est-à-dire tout le monde en général qui, comme moi, utilisent les réseaux de bourses d’ échanges culturels, ne s’ opposent pas à la culture mais…la cultive.

    Quant au reproche de nuisance financière qui serait faite aux artistes, déjà blanchis jusqu’ à la dernière goutte par les multinationnales du disque et du cinéma aux dents longues, c’ est comme qui dirait recevoir l’ hommage de la vertue par le vice.

    J’ ai bien peur que derrière les rideaux de la culture et de l’ argent ne se cache en réalité la cause justifiant ce terrorisme industriel contre des peuples innocents: la menace de la perte d’ un pouvoir sur un précieux moyen de contrôle et d’ influence des masses par la culture.

    Ainsi, les utilisateurs des réseaux modernes de bourses d’ échanges culturels se voient alors transformés en véritables héros du premier coup historique mondial de résistance numérique citoyenne donné contre le vieil empire désormais édenté.

  6. Trapik

    Parait même que bientôt ils poursuivront ceux qui lisent des livres empruntés aux
    bibliothèques ( donc sans les avoir acheté ,et les droits de l’écrivain alors ?s’ils sont compris dans l’abonnement que l’on paie pour la biblio ,y vont tous se déplacer en vélo !!) ça devient du délire!
    comme le dit le copain au dessus voila une bonne démarche : celle d’aller vers ses fans ..
    Il va être temps de remarquer que tous ceux qui râlent contre "l’illégalité " des téléchargements
    peuvent très bien en être les premières instigatrices dans le sens où sur une galette (cd ou vinyl
    sur tous les morceaux présentés, rares sont les fois où ceux qui pourraient s’appeler "tubes " sont en nombre suffisant !
    Continuez les "musiciens " et autres "chanteurs " à refuser une évidence : en étant empêché par des "moyens " dignes d’un totalitarisme (pousuites ,condamnations et autres interdictions d’accès a internet ,bravo les FAI !) on se passera de la vôtre de musique il y en a de très bien sur les radios du web et qui méritent d’être écoutés voire acheté ou du moins aidés !

  7. Christian (alias Christian Albanel)

    Vous voulez que les artistes se libèrent des Majors. Mais cela voudrait dire, du moins en ce qui concerne la culture musicale, que cette situation serait incontrôlable. Alors comment faire de la pédagogie auprès de la population ?

  8. unsurexcionkivien

    @Nicklaus :
    pas du tout d’accord avec toi. Il n’y a aucun dilemne. On ne peut pas se réclamer de l’imagerie du saltimbanque, du troubadour et en même temps compter la création artistique comme une simple activité de salarié voire de fonctionnaire.
    Les arts et les artistes n’ont jamais eu besoin de l’industrie pour exister.
    J’ai du mal à croire qu’un artiste ou un prof digne de ce nom refuse de voir son travail bénéficier gratuitement à la population. Simplement, déconnectons cela de leurs revenus.
    J’attends avec impatience le jour où l’accès aux oeuvres sera gratuit ET légal (comme l’ont été les chansons du Moyen-Age à Fréhel… sans parler des discours d’un Vian ou d’un Brassens sur le sujet) sur internet et où il me sera possible de verser une contribution directement à mes artistes préférés (Paypal pourquoi pas). On leur évitera une dépendance tout à fait malsaine… et on gagnera en humanité : la culture, c’est du read/write/rewrite, non ?

  9. Joni A. Lee Day

    Contrairement à ce qu’affirme Thomas Dutronc, il n’y a pas « quelques originaux qui ont dit n’importe quoi » mais 13500 signataires d’une pétition demandant l’extension aux réseaux de l’exception pour copie privée avec en contrepartie une rémunération pour les artistes et les producteurs. Il conviendrait de ne pas les oublier plutôt qu’à chaque fois faire la pub de têtes d’affiche qui ne comprennent rien à une loi qu’ils soutiennent et qui ne servira à rien.

    http://alliance.bugiweb.com/usr/Doc

    À noter que la SPEDIDAM est en contact avec la Featured Artists Coalition (FAC) dans le cadre de l’harmonisation européenne des droits voisins car ces pauvres Britanniques sont sous le régime du Copyright qui est bien pire que celui du droit d’auteur.

    Pour finir, plutôt que d’écouter Thomas Dutronc, allez donc lire Attali. À l’inverse du suscité il réfléchit sur le web, la société, la culture et les bouleversements des usages induits par l’internet.

    http://www.slate.fr/story/jacques-a

    J’insiste. Relayer les paroles ineptes des chanteurs à la mode est contreproductif. C’est un piège dans lequel il ne faut pas tomber. Oublions les et réfléchissons aux choses sérieuses.

  10. compositeur

    certains propos de grand francois sont totalement contredits par mon vécu professionel.
    quand aux commentaires sur le boycott des artistes qui sont contre le peer to peer quel argument édifiant! vous ne méritez que ce que vous aimez…
    respect !
    .Allons y, pendant qu’on y est prenons aussi d’assaut les magasins …

    Si les gens ne veulent plus payer pour la culture,apres tout tant pis pour eux car
    il n’y en aura bientôt plus et ca sera la meilleure punition .
    il vous restera de la merde faite par des gens sans talent les autres étant parti ailleurs …
    Heureusement tout le monde ne pense pas comme la moyenne des posts publiés ici

    A bon entendeur!

    2

  11. UrsuleDePanne

    Chèr "compositeur", tu t’arrêtes sur la vidéo alors que le plus intéressant c’est bien l’article du journal anglais parlant des artistes qui se regroupent pour ne plus dépendre des Majors ne souhaitant pas (ou plus), comme elles, criminaliser les fans qui téléchargent.

    Typique de la peur qui s’est installée dans le milieu des "artistes", peur savamment entretenu par les Majors, les politiques et les médias. Il n’y a aucune peur à avoir puisque jamais on n’a écouté autant de musique que ce soit chez soi ou en concert.

  12. MrBlue

    Dire que je voulais acheter le dernier album de Thomas DUTRONC, celui avec les dessinateurs, pour l’objet… C’est pas d’bol je viens de changer d’avis.
    Il mélange tout, les artistes bling bling et les vrais !, les gens qui travaillent autour des artistes, le cinéma et les pédophiles… Visiblement il ne comprend pas grand chose.
    Je cite "dès qu’un film sort tout le monde le copie". Ah ! tient je vais vérifier dans mon pc si j’ai pas le dernier Fast and Furious ??? Je l’ai peut-être téléchargé à l’insu de mon plein gré.
    En revanche il ne cite pas les succès comme "Bienvenue chez les ch’tis" qui a fait 20 millions d’entrée et encore on aurai pu faire mieux mais Mon épouse et moi nous n’y sommes pas allés 😉
    Pathétique le rejeton de Françoise et Jacques…