La coopération, selon Krishnamurti

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Krishnamurti - Wikimedia Commons - Public DomainSur ma table de chevet traîne en ce moment un livre de Krishnamurti.

Rien de tel en effet selon moi, pour se vider d’une journée encombrée de données de toutes sortes, que quelques lignes de cette personnalité universelle et iconoclaste qui ne se voulait ni penseur, ni gourou, ni philosophe[1].

Hier soir, je tombe sur un chapitre dédié à la coopération et au partage.

Tiens, me dis-je, cela n’est pas sans présenter quelques affinités avec mon activité pour Framasoft. Une rapide recherche sur le Web et je retrouve mon passage.

Je n’idéalise pas, loin s’en faut, la coopération qui peut exister au sein du logiciel libre. Égoïsmes mal dissimulés, soif de reconnaissance parfois exacerbée… les passions humaines s’y exercent ici comme ailleurs. Il n’en demeure pas moins qu’au delà de l’objectif commun, on retrouve souvent ce «  plaisir d’être et d’agir ensemble »…

Coopération et partage (extrait)

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Jiddu Krishnamurti – Le sens du bonheur – Points Sagesses

L’un des problèmes de base auquel le monde est confronté est celui de la coopération. Que veut dire le mot «  coopération  »  ? Coopérer, c’est faire des choses ensemble, les construire ensemble, les ressentir ensemble, c’est avoir un objectif commun de manière à pouvoir travailler ensemble librement.

Mais les gens sont généralement peu enclins à collaborer naturellement, facilement, avec bonheur  ; ils ne le font que contraints et forcés par divers modes de persuasion  : la menace, la peur, le châtiment, la récompense. C’est une pratique répandue dans le monde entier. Sous des gouvernements tyranniques, on vous force à travailler ensemble de manière brutale  : si vous ne «  coopérez  » pas, vous êtes liquidé ou envoyé dans un camp de concentration. Dans les pays prétendument civilisés, on vous incite à travailler ensemble grâce au concept de patrie, ou au nom d’une idéologie très soigneusement élaborée et largement propagée pour que vous l’acceptiez  ; ou bien vous travaillez ensemble pour faire aboutir un projet conçu par d’autres, un programme visant à l’utopie.

C’est donc le projet, l’idée, l’autorité qui incitent les gens à travailler ensemble. C’est cela qu’on appelle en général la «  coopération  », et le terme sous-entend toujours la notion de châtiment ou de récompense, ce qui signifie que derrière cette «  coopération  » se cache la peur. Vous travaillez toujours pour quelque chose, pour le pays, pour le roi, pour le parti, pour Dieu ou le Maître, pour la paix, ou pour mettre en œuvre telle ou telle réforme. Votre idée de la coopération, c’est de travailler ensemble en vue d’un résultat particulier. Vous avez un idéal édifier l’école parfaite, ou que sais-je encore auquel vous travaillez, et vous dites donc que la coopération est nécessaire. Tout cela implique l’intervention d’une autorité, n’est-ce pas  ? Il y a toujours quelqu’un censé savoir ce qu’il convient de faire, ce qui vous amène à dire  : «  Nous devons coopérer à l’exécution du projet.  »

Je n’appelle pas cela de la coopération, mais alors pas du tout  ! Loin d’être de la coopération, c’est une forme d’avidité, une forme de peur, de coercition, dissimulant une menace  : si vous refusez de coopérer, le gouvernement ne vous reconnaîtra pas, ou bien le plan quinquennal va échouer, ou bien on va vous envoyer dans un camp de concentration, ou bien votre pays va perdre la guerre, ou bien vous risquez de ne pas aller au ciel. Il y a toujours un argument de persuasion, et dans ce cas il ne peut y avoir de coopération réelle.

Lorsque vous et moi travaillons ensemble simplement parce que nous nous sommes mis d’accord pour effectuer une tâche, ce n’est pas non plus de la coopération. Dans tout accord de ce genre, ce qui compte c’est l’accomplissement de la tâche, pas le travail en commun. Vous et moi pouvons être d’accord pour bâtir un pont, ou construire une route, ou planter des arbres ensemble, mais dans cet accord il y a toujours la peur du désaccord, la crainte que je ne fasse pas ma part de travail et ne vous en laisse effectuer la totalité.

Lorsqu’on travaille ensemble suite à une forme quelconque de persuasion ou en vertu d’un simple d’accord, ce n’est pas de la coopération, car derrière tous les efforts de ce type se cache la volonté de gagner ou d’éviter quelque chose.

Pour moi, la coopération est tout autre chose. C’est le plaisir d’être et de faire ensemble mais pas forcément de faire une chose en particulier. Comprenez-vous  ? Les jeunes enfants ont normalement cet instinct d’être et de faire ensemble, l’avez-vous remarqué  ? Ils sont prêts à coopérer à tout. Il n’est pas question d’accord ou de désaccord, de châtiment ou de récompense  : ils ont seulement envie de se rendre utiles. Ils coopèrent instinctivement, pour le plaisir d’être et d’agir ensemble. Mais les adultes détruisent cet esprit de coopération naturel et spontané chez les enfants en disant  : «  Si vous faites telle chose, je vous récompenserai  ; si vous ne faites pas telle chose, vous n’irez pas au cinéma  », ce qui introduit un élément corrupteur.

La coopération authentique ne naît donc pas simplement d’un accord visant à réaliser un projet commun, mais de la joie, du sentiment d’unité, si l’on peut dire  ; car dans ce sentiment n’entre pas l’obstination de la conception personnelle, de l’opinion personnelle.

Quand vous saurez ce qu’est cette coopération-là, vous saurez aussi quand il faut refuser de coopérer, ce qui est tout aussi important. Vous comprenez  ? Nous devons tous éveiller en nous cet esprit de coopération, car ce ne sera pas alors un simple projet ou un simple accord qui nous poussent à travailler ensemble, mais un extraordinaire sentiment d’unité, une sensation de joie à être et à agir ensemble hors de toute notion de châtiment ou de récompense. Ce point est très important. Mais il est tout aussi important de savoir quand il faut dire non  ; car nous risquons, par manque de discernement, de coopérer avec des gens malavisés, avec des leaders ambitieux porteurs de projets grandioses, d’idées fantastiques, comme Hitler et d’autres tyrans qui sévissent depuis la nuit des temps. Nous devons donc savoir quand refuser de coopérer  ; et ce n’est possible que si nous connaissons la joie de la véritable coopération.

Il est important de discuter ensemble de cette question, car lorsqu’on nous suggère de travailler en commun, votre réaction immédiate risque d’être  : «  Pour quoi faire  ? Qu’allons-nous faire ensemble  ?  » Autrement dit, la chose à faire compte plus que le sentiment d’être ensemble et de collaborer  ; et quand la chose à faire le projet, le concept, l’utopie idéologique prend le pas sur le reste, il n’y a pas de coopération véritable. Nous ne sommes plus liés alors que par l’idée  ; et si une idée peut nous lier, une autre peut nous diviser. Ce qui compte, c’est donc d’éveiller en nous-mêmes cet esprit de coopération, ce sentiment de joie et d’action commune, hors de toute considération de châtiment ou de récompense. La plupart des jeunes ont cet esprit-là, spontanément, librement, à condition qu’il ne soit pas corrompu par leurs aînés.

Notes

[1] Crédit photo  : Bibliothèque du Congrès des États-Unis (Wikimedia Commons)

12 Responses

  1. Adrienne

    Cela veut-il dire que dans nos projets collaboratifs (tiens, je dis collaboratif et pas coopératif 😉 qui tournent autour du Libre, Framasoft, Wikipédia, développement de logiciels etc, il nous faudrait garder une âme d’enfant s’émerveillant simplement de faire ensemble et de faire pour les autres en gardant ouvertes non seulement nos sources, nos contributions, mais aussi nos esprits ?

    J’en suis totalement persuadée : on contribue forcément avec en arrière-plan tout un tas de motivations philosophiques, politiques, individuelles voire individualistes (je m’épanouis comme ça etc…), mais le simple plaisir de « faire ensemble » et d’être ensemble dans un chemin commun doit à mon sens rester un des piliers de nos projets.

    Un peu d’humanisme dans ce monde de brutes, merci aKa 🙂

  2. samuel

    si’ « être ensemble » sans raison prime sur se demander « pourquoi ? » en adultes « corrompus », alors un apéro suffit…:)).

  3. Adrienne

    Bah en fait, l’apéro c’est important aussi 🙂

    Ça soude, ça permet aussi de voir qu’on n’est pas que des machines et que derrière les contributeurs d’un projet, il y a des personnes, qui ont parfois bien d’autres richesses que celles qu’elles montrent au quotidien dans le projet. Et pour avoir pratiqué, avec et sans apéro, la motivation a tendance à augmenter quand on se sent appartenir à une vraie communauté (je ne parle pas de communautés Facebook ou autres choses artificielles, non, une vraie communauté avec un projet etc). Donc les projets avancent mieux.

    Ne voir que l’aspect bisounours du texte de Krishnamurti (l’esprit des enfants est bien, les adultes sont corrompus), àmha c’est passer à côté du vrai sens du truc. Ce n’est pas grave, mais c’est dommage 😉

  4. cheval_boiteux

    Je rapprocherai cette idée de la coopération avec l’idée d’un salaire de vie, c’est à dire un salaire acquis par tous sans avoir besoin d’aller travailler. Cela entrainerai les gens à participer à des projets non plus pour gagner leur vie et vivre dignement, mais pour le plaisir de contribuer à un projet tous ensemble, pour le plaisir d’aider.

    J’ai l’impression que les deux notions sont assez proches en réalité. Aujourd’hui, il faut aller travailler pour vivre, il faut être reconnu dans son travail pour gagner plus d’argent et pour vivre plus aisément. Cela empêche d’avoir un esprit communautaire, car il faut être le meilleur pour gagner plus. L’individualité passe avant la communauté car le combat est rude pour trouver du travail, pour être reconnu dans son travail…

  5. tala

    Le texte cité me parait bien idéaliste.
    La coopération qu’il défend est expurgée de toute « impureté », de tout mobile (sauf la communauté ressentie) et le raisonnement me semble assez péremptoire .
    D’abord pour ce qui est de la coopération « gratuite » chez les « jeunes », d’une part il me semble y avoir une différence de nature entre le jeu des enfants et le travail, la construction des adultes. Si ces deux activités partagent des points communs, les adultes doivent souvent s’investir dans la longueur pour que leurs constructions aboutissent. Le plaisir de l’instant ne suffit donc plus à motiver ce genre d’actions.
    D’autre part, je crois avoir constaté que les conflits, les tentatives de domination/sujétions ne sont pas absentes des activités des enfants.
    Ensuite, pour ce qui est de l’idée défendue, je trouve très contestable que travailler ensemble sans se soucier du but soit plus souhaitable que la coopération autour d’un projet auquel nous soyons directement intéressé.
    A première vue le premier comportement peut paraître plus « moral » ou « généreux » mais il encourage à ne pas se soucier des conséquences de nos actes et masque les conflits qui me semblent faire partie de la nature des rapports humains. Ce qui peut mener justement aux errements que l’auteur cite dans son avant-dernier paragraphe (la coopérations avec des individus malavisés apporte à priori la même satisfaction du point de vue du sentiment communautaire).
    Bref, je crois que la force d’une coopération concrète, contrairement à ce qui est soutenu dans ce texte, ce n’est pas seulement l’idée qui la sous-tend, mais aussi son but et surtout les étapes déjà réalisées qui donnent un sens supplémentaire à la communauté.

  6. idoric

    @tala

    > D’autre part, je crois avoir constaté que les conflits, les tentatives de
    > domination/sujétions ne sont pas absentes des activités des enfants.

    Jiddu Krishnamurti ne dit pas le contraire quand il dit que « les jeunes enfants ont normalement cet instinct d’être et de faire ensemble ».

    > Ensuite, pour ce qui est de l’idée défendue, je trouve très contestable que travailler
    > ensemble sans se soucier du but soit plus souhaitable que la coopération autour d’un
    > projet auquel nous soyons directement intéressé.

    Si on coopère par pur intérêt, cela implique que peut-être les amis d’hier seront les ennemis de demain (« si une idée peut nous lier, une autre peut nous diviser »). De là, tout dépend de ce que l’on met derrière le mot coopération, mais pour moi il ne s’agit que de gens qui vont fortuitement dans le même sens.

    > A première vue le premier comportement peut paraître plus « moral » ou « généreux » mais
    > il encourage à ne pas se soucier des conséquences de nos actes et masque les conflits
    > qui me semblent faire partie de la nature des rapports humains.

    Pourtant on peut jouer, seul ou en équipe, donner le meilleur de soi et respecter les règles, sans pour autant être mauvais perdant ou mauvais gagnant. Quand Jiddu Krishnamurti dit que« lorsque vous et moi travaillons ensemble simplement parce que nous nous sommes mis d’accord pour effectuer une tâche, ce n’est pas non plus de la coopération », le mot important est simplement : même s’il ne peut y avoir de coopération sans un objet visé par cette coopération, la thèse ici défendue est que l’envie de coopérer doit venir avant le choix du but particulier sur lequel va porter cette coopération.

    > Ce qui peut mener justement aux errements que l’auteur cite dans son avant-dernier
    > paragraphe (la coopérations avec des individus malavisés apporte à priori la même
    > satisfaction du point de vue du sentiment communautaire).

    Reprenons les propos de l’auteur : « Mais il est tout aussi important de savoir quand il faut dire non ; car nous risquons, par manque de discernement, de coopérer avec des gens malavisés, avec des leaders ambitieux porteurs de projets grandioses, d’idées fantastiques, comme Hitler et d’autres tyrans qui sévissent depuis la nuit des temps. ». Discernement par rapport à quoi ? Si c’est par rapport aux gens, cela se tient : si on ne coopère qu’avec des gens « bien », il ne peut en sortir que du « bien », non ? (du moins chacun aura fait au mieux dans le choix de l’action et la réalisation, quitte à se planter complètement mais c’est un autre problème) S’il s’agit du discernement par rapport au but, cela peut sembler contradictoire avec ses propos précédents, mais là encore tout dépend de ce que l’on entend par coopérer, si on l’entend dans le sens d’agir par tous et pour tous avant tout (« car dans ce sentiment n’entre pas l’obstination de la conception personnelle, de l’opinion personnelle »), il n’y a plus de contradiction.

    Mais pour prendre de la hauteur, je remarque à quel point il est difficile de s’exprimer sur de tels sujets fondamentaux sans être équivoque quant au fond de notre pensée. Quand je me relis, je vois très bien les endroits où on peut comprendre mes propos dans le sens exactement opposé à ce que je veux dire, mais si je reformule, le problème continue à se poser même si de manière différente. L’écrit de Juddi Krishnamurti qui nous est proposé ici ne fais pas exception. Tout au plus pour espérer mieux cerner sa pensée et moins lui prêter des arrière-pensées qu’il n’avait pas, j’invite à lire sa déclaration pour la dissolution de l’Ordre de l’Étoile :
    http://www.krishnamurti-france.org/

  7. Jacob

    Merci pour ce texte et pour cette découverte d’une personne que je ne connaissais pas.

    Je pense que c’est intéressant d’interroger la nature même du concept de coopération parce qu’on a tendance à lui accorder une connotation positive quel que soit le projet et l’objectif alors qu’il n’en est rien a priori.

    Je ne citerai pas d’exemples de coopération négative sous peine de tomber tout de suite sous le coup du point Godwin 🙂

  8. tala

    @Idoric :
    Si l’on accepte l’existence de relation de sujétion/domination dans les rapports qu’entretiennent entre eux les enfants qui jouent, cela entre en contradiction avec la coopération idéalisée que je lis dans le texte.

    >Pourtant on peut jouer, seul ou en équipe, donner le meilleur de soi et respecter les règles, >sans pour autant être mauvais perdant ou mauvais gagnant.
    Dans cette situation « on » est justement guidé par un objectif et cela ne se déroule pas sans heurts et sans « conflits relationnels » à dépasser au sein d’une même équipe.

    Si je conteste le raisonnement exposé, je ne crois avoir prêté d’arrière-pensée à personne. Je pense que chaque écrit fournit en effet des accroches à une critique ultérieure. Personnellement, je trouve ça très sain et je revendique le droit de le faire sans devoir d’abord lire les nombreux écrits de l’auteur.

    Plus généralement, ton commentaire me permet de préciser ce qui me gêne dans le texte :
    il incite à porter des jugements moraux sur les personnes avec qui l’on coopèrent plutôt que de réfléchir aux conséquences (pour nous ou pour d’autres) du projet poursuivi ou sur le sens qu’on lui donne.
    Un peu comme ton dernier paragraphe me semble -d’une certaine manière- vouloir justifier le texte par l’aura de son auteur.

  9. Yamaplos

    en anglais si vous voulez… (des amis à moi dirigent l’école Krisnamurti en Inde http://www.rishivalley.org/ , et je m’en inspire de votre billet pour envoyer ce matériel à des amis en commun aux Etats Unis et ailleurs)

    One of the basic problems confronting the world is the problem of cooperation. What does the word « cooperation » mean? To cooperate is to do things together, to build together, to feel together, to have something in common so that we can freely work together. But people generally don’t feel inclined to work together naturally, easily, happily; and so they are compelled to work together through various inducements: threat, fear, punishment, reward. This is the common practice throughout the world. Under tyrannical governments you are brutally forced to work together; if you don’t « cooperate » you are liquidated or sent to a concentration camp. In the so-called civilized nations you are induced to work together through the concept of « my country, » or for an ideology which has been very carefully worked out and widely propagated so that you accept it; or you work together to carry out a plan which somebody has drawn up, a blueprint for Utopia. So, it is the plan, the idea, the authority which induces people to work together. This is generally called cooperation, and in it there is always the implication of reward or punishment, which means that behind such « cooperation » there is fear. You are always working for something–for the country, for the king, for the party, for God or the Master, for peace, or to bring about this or that reform. Your idea of cooperation is to work together for a particular result. You have an ideal–to build a perfect school, or what you will–towards which you are working, therefore you say cooperation is necessary. All this implies authority, does it not? There is always someone who is supposed to know what is the right thing to do, and therefore you say, « We must cooperate in carrying it out. » Now, I don’t call that cooperation at all. That is not cooperation, it is a form of greed, a form of fear, compulsion. Behind it there is the threat that if you don’t « cooperate » the government won’t recognize you, or the Five Year Plan will fail, or you will be sent to a concentration camp, or your country will lose the war, or you may not go to heaven. There is always some form of inducement, and where there is inducement there cannot be real cooperation. Nor is it cooperation when you and I work together merely because we have mutually agreed to do something. In any such agreement what is important is the doing of that particular thing, not working together. You and I may agree to build a bridge, or construct a road, or plant some trees together, but in that agreement there is always the fear of disagreement, the fear that I may not do my share and let you do the whole thing. So it is not cooperation when we work together through any form of inducement, or by mere agreement, because behind all such effort there is the implication of gaining or avoiding something. To me, cooperation is entirely different. Cooperation is the fun of being and doing together–not necessarily doing something in particular. Do you understand? Young children normally have a feeling for being and doing together. Haven’t you noticed this? They will cooperate in anything. There is no question of agreement or disagreement, reward or punishment; they just want to help. They cooperate instinctively, for the fun of being and doing together. But grown-up people destroy this natural, spontaneous spirit of cooperation in children by saying, « If you do this I will give you that; if you don’t do this I won’t let you go to the cinema, » which introduces the corruptive element. So, real cooperation comes, not through merely agreeing to carry out some project together, but with the joy, the feeling of togetherness, if one may use that word; because in that feeling there is not the obstinacy of personal ideation, personal opinion. When you know such cooperation, you will also know when not to cooperate, which is equally important. Do you understand? It is necessary for all of us to awaken in ourselves this spirit of cooperation, for then it will not be a mere plan or agreement which causes us to work together, but an extraordinary feeling of togetherness, the sense of joy in being and doing together without any thought of reward or punishment. That is very important. But it is equally important to know when not to cooperate; because if we are not wise we may cooperate with the unwise, with ambitious leaders who have grandiose schemes, fantastic ideas, like Hitler and other tyrants down through the ages. So we must know when not to cooperate; and we can know this only when we know the joy of real cooperation. This is a very important question to talk over, because when it is suggested that we work together, your immediate response is likely to be, « What for? What shall we do together? » In other words, the thing to be done becomes more important than the feeling of being and doing together; and when the thing to be done–the plan, the concept, the ideological Utopia–assumes primary importance, then there is no real cooperation. Then it is only the idea that is binding us together; and if one idea can bind us together, another idea can divide us. So, what matters is to awaken in ourselves this spirit of cooperation, this feeling of joy in being and doing together, without any thought of reward or punishment. Most young people have it spontaneously, freely, if it is not corrupted by their elders.

  10. david Lewin

    Pour Tala et Idoric,

    Je dirai ni pour, ni contre, bien au contraire. Je crois que l’écrit est toujours sujet à une interprétation comme le dit Idoric. Et je rejoins également le commentaire de Tala qui explique que les indications de Krishnamurti ne sont pas applicables . Comme quand on lit Tchouang-Tseu, Lao -Tseu : autre temps autre moeurs mais la nature humaine reste cependant.
    Et Kirshnamurti l’indique bien dans ses dialogues : il ne faut pas prendre ce qu’il dit à la lettre mais en faire sa propre reflexion. Cela s’applique ici également, car bien sur tel que c’est dit cela semble à l’écart du monde dans un univers « parfais » une comunauté sans défauts.
    En le lisant je vois plus une tendance vers une solution intéresante afin de s’en inspirer car finalement, il faudra bien qu’un jour l’on ne distingue plus le monde de l’open source, GPL, GNU, etc pour avancer un peu ensembles sans totale rivalité.

    Car je continue de penser que « la rivalité révèle le talent » est une ineptie apprise depuis l’école. Une communauté d’efforts me semble plus adapté avec une population qui sera bientot de 9 Milliards.

  11. idoric

    @tala

    Je ne reviendrai plus sur la dichotomie adulte/enfant, parce Jiddu Krishnamurti peut bien avoir tort sur ce point (mais je reste persuadé qu’il n’en dit pas autant que ce qu’il lui est prêté dans la réponse ;)), cela n’est qu’un exemple et nullement un argument clé de son argumentation.

    > il incite à porter des jugements moraux sur les personnes avec qui l’on coopèrent plutôt
    > que de réfléchir aux conséquences (pour nous ou pour d’autres) du projet poursuivi ou
    > sur le sens qu’on lui donne.
    Tout au contraire, il ne veut pas de jugements moraux. Il déplore que c’est « l’idée, l’autorité qui incitent les gens à travailler ensemble » : toutes les idées, y compris l’idée du bien et du mal, toutes les autorités, y compris les « bons » gourous et leaders (à supposer que ça existe).

    Ceci dit, je dois bien admettre que la citation ci-dessus peut être complétée comme suit : «le projet, l’idée, l’autorité qui incitent les gens à travailler ensemble». Mais quand il dit projet, il en parle au sens strict, comme but immuable, il invite donc bel et bien à réfléchir aux conséquences du projet, ou plus précisément à toujours le réinterroger, à être prêt à le lâcher si les conditions changent, bref à ne pas s’y attacher au détriment des personnes.

    Dans le même ordre d’idée, si on s’engueule véritablement pour un but encaissé ou un point non marqué, c’est qu’on fait passer la victoire avant le plaisir de jouer avec l’autre, et cela n’a alors plus rien d’un jeu.

    > Un peu comme ton dernier paragraphe me semble -d’une certaine manière- vouloir
    > justifier le texte par l’aura de son auteur.
    Là clairement on me prête une arrière-pensée que je n’ai pas eu, j’ai été très clair sur le pourquoi je citais ce texte : indiquer un de ses écrits qui me semble dessiner plus clairement (car bien plus général) le cadre de sa pensée pour augmenter nos chances de voir ce qu’il met derrière les mots du présent texte.

    > Je pense que chaque écrit fournit en effet des accroches à une critique ultérieure.
    > Personnellement, je trouve ça très sain et je revendique le droit de le faire sans devoir
    > d’abord lire les nombreux écrits de l’auteur.
    Je suis tout à fait d’accord. Or, ce qui nous est proposé ici n’est qu’un extrait d’un écrit de Jiddu Krishnamurti. Et c’est uniquement à défaut d’inviter à lire tout le livre dont il est extrait que j’ai invité à lire sa déclaration pour la dissolution de l’Ordre de l’Étoile.

  12. tala

    @Idoric
    J’admets que la dernière phrase de mon commentaire précédent comportait une certaine forme de provocation inutile.
    Cependant, concernant le comportement des enfants cité dans le texte, il a une grande importance dans le raisonnement puisque c’est le seul élément qui donne une once de réalité à la coopération « purement gratuite ». C’est bien un argument : la coopération gratuite est possible, la preuve : les enfants l’expérimentent.

    Ensuite, je ne comprends pas comment l’auteur peut nous inciter à réfléchir aux conséquences du projet tout en nous encourageant à coopérer sans nous intéresser à l’objectif poursuivi.

    Enfin, dans son raisonnement, il écarte une à une toutes les motivations de la coopération, pour ne laisser que le plaisir d’agir ensemble, le sentiment d’unité, de communauté, en nous avertissant que nous devront distinguer malgré tout les « mauvaises coopérations ».
    Et que fait l’auteur pour nous présenter ces mauvaises coopérations ? Il cite « des gens malavisés, (…) des leaders ambitieux porteurs de projets grandioses, d’idées fantastiques, comme Hitler et d’autres tyrans ».
    Nous abandonnons donc au fil du discours, une réflexion sur les motifs de la coopération, ses conséquences pour nous et pour les autres pour ne garder comme garde-fou que la conscience qu’il existe des individus « mauvais ».
    J’y vois une réelle régression.

    Ce mythe de coopération gratuite, quelque soit la valeur de l’auteur ou de ses autres textes, me semble devoir être évacué au profit de critères plus concrets, par exemple :
    – la réalisation prévue sert-elle mes intérêts ou ma vision de l’intérêt collectif ?
    – ai-je des garanties que les efforts mutualisés ne seront pas détournés vers d’autres objectifs ? (ex : GPL)
    – les tâches à effectuer sont-elles à ma portée ? m’enthousiasment-elles ?
    – ai-je voix au chapitre dans l’évolution du projet ?
    Et, éventuellement en dernier recours : ai-je suffisamment confiance en mes partenaires si les garanties précédentes sont floues ?