La troisième révolution industrielle est en marche et nous pouvons tous y participer

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La «  troisième révolution industrielle  » est une expression popularisée par un récent essai de Jeremy Rifkin. Mais s’il se penche attentivement sur la question de l’énergie, qu’il envisage durable et distribuée, il se montre moins prolixe sur la question de la production.

Or là aussi de profonds bouleversements nous attendent…

Je casse une assiette aujourd’hui. Je prends ma voiture pour aller chez Ikea en acheter une autre (construit en Chine). Je casse une assiette demain. Je vais chercher sur Internet le fichier numérique «  assiette  », puis je demande à mon imprimante 3D de m’en créer une nouvelle sous mes yeux ébahis.

Et là où ça devient encore plus intéressant c’est quand l’imprimante tout comme le fichier sont libres, m’assurant alors que j’aurais une grande variétés de fichiers «  assiette  » à télécharger et que je pourrais même les modifier à ma guise avant de les imprimer :)

Pasukaru76 - CC by

La Troisième Révolution industrielle

The third industrial revolution

The Economist – Avril 2012
(Traduction  : Louson, Lolo le 13, angezanetti, Fe-lor, GPif, xaccrocheur, @poulpita, fck, Coyau)

La numérisation de la fabrication modifiera la manière de fabriquer les biens ainsi que la notion même de travail.

La première révolution industrielle commença à la fin du XVIIIe siècle, avec la mécanisation de l’industrie du textile. Les tâches qui avant étaient exécutées laborieusement à la main par des centaines de petites industries de tisserand ont été réunies en une seule fabrique, et l’usine était née. la seconde révolution industrielle arriva au début du XXe siècle quand Henry Ford maîtrisa l’évolution des lignes d’assemblage et conduit à l’âge de la production de masse. Les deux premières révolutions rendirent les gens plus riches et plus urbains. Maintenant une troisième révolution est en cours. La fabrication devient numérique. Elle risque pas de ne changer que les affaires, mais bien plus de choses encore.

De nombreuses technologies innovantes convergent  : logiciels, nouveaux matériaux, robots plus habiles, nouveaux procédés (en particulier l’impression 3D) et une large variété de services web. L’usine du passé reposait sur la production en masse de produits identiques  : Ford disait que les acheteurs de voiture pouvaient avoir la couleur qu’ils voulaient, tant que c’était noir. Mais le coût de production de lots plus petits, d’une plus grande variété, où chaque produit est fait précisément sur mesure selon le vœu de chaque client, est en train de chuter. L’usine du futur se concentrera sur la personnalisation de masse et ressemblera bien davantage à de toutes petites industries qu’à la ligne de montage de Ford.

Vers une troisième dimension

Autrefois, pour faire des choses, on vissait et on soudait. Maintenant un produit peut être conçu sur un ordinateur et «  imprimé  » sur une imprimante 3D, qui crée un objet en volume en accumulant des couches successives de matière. La conception numérique peut être ajustée en quelques coups de souris. L’imprimante 3D peut fonctionner sans surveillance et peut faire des objets trop complexes pour être produits dans une usine traditionnelle. Un jour, ces machines étonnantes pourront faire presque tout, partout, dans votre garage ou dans un village en Afrique.

Les applications d’impression 3D sont particulièrement époustouflantes. Déjà, les prothèses auditives, et les parties haute technologie des avions militaires sont imprimées avec des formes adaptées. Un ingénieur travaillant au milieu du désert, à qui il manquerait un certain outil n’a plus besoin de se le faire livrer dans la ville la plus proche. Il peut simplement télécharger le design et l’imprimer. Les jours où les projets sont arrêtés pour cause de pièce manquante, ou encore, lorsque les clients se plaignent de ne plus pouvoir trouver les pièces de rechange de ce qu’ils avaient achetés, seront bientôt de lointains souvenirs.

Les autres changements sont presque aussi capitaux. Les nouveaux matériaux sont plus légers, plus résistants et ont une durée de vie plus longue que les anciens. Les fibres de carbone remplacent l’acier et l’aluminium pour des produits allant du VTT aux avions de ligne. Les nouvelles techniques permettent aux ingénieurs de réduire la taille des objets. Les nanotechnologies donnent de nouvelles fonctions aux produits comme les bandages qui guérissent les coupures, les moteurs avec un rendement supérieur ou de la vaisselle qui se nettoie plus facilement. Les virus crées génétiquement sont développés pour être utilisés comme batteries. Et, avec Internet qui permet aux designers de collaborer sur les nouveaux produits, les barrières d’entrées sont en train de s’effondrer. Ford avait besoin d’un gros tas de capital pour construire sa colossale usine River Rouge ; son équivalent moderne peut commencer avec trois fois rien dont un ordinateur portable connecté et la soif d’inventer.

Comme toutes les révolutions, celle-ci sera fortement perturbatrice. La technologie numérique a déjà renversé les média et la vente au détail, comme les filatures de coton ont écrasé les métiers à tisser manuels et la Ford T a mis les maréchaux-ferrants au chômage. Les gens seront extrêmement surpris devant les usines du futur. Elle ne seront pas pleines de machines crasseuses commandées par des hommes en blouse graisseuse. Beaucoup seront d’une propreté irréprochable et quasi-désertes. Certains fabricants de voitures produisent le double de véhicules par employé qu’il y a dix ans. La plupart des emplois ne sera plus dans les usines mais dans les bureaux non loin, qui seront pleins de designers, d’ingénieurs, d’informaticiens, d’experts en logistique, de commerciaux et d’autre professions. Les emplois manufacturiers du futur demanderont d’avantage de compétences. De nombreuses taches répétitives et ennuyeuses deviendront obsolètes  : on n’a pas besoin de riveteur quand un produit n’a plus de rivets.

La révolution n’affectera pas seulement la façon dont les choses sont faites, mais aussi le lieu où elles sont produites. Avant les usines se délocalisaient dans des pays à bas salaires pour diminuer le coût du travail. Mais le coût du travail est de moins en moins important  : un iPad de première génération à 499 $ comprend aujourd’hui seulement 33 $ de travail manufacturé sur lequel l’assemblage final en Chine ne représente que 8 $. La production aujourd’hui offshore va de plus en plus souvent revenir dans les pays riches, bien moins à cause d’une hausse des salaires chinois que parce que les compagnies veulent désormais être plus proches de leurs clients de façon à pouvoir répondre plus rapidement à leurs demandes de modifications. Et certains produits sont si sophistiqués qu’il est pratique d’avoir les personnes qui les ont conçus et celles qui les ont fabriqués au même endroit. Le Boston Consulting Group estime que dans des domaines comme les transports, les ordinateurs, la fabrication de produits métalliques et la machinerie, 10 à 30  % des biens que les américains importent actuellement de Chine pourraient être fabriqués à domicile d’ici 2020, stimulant l’exportation américaine de 20 à 55 milliards de dollars par an.

Le choc de la nouveauté

Les consommateurs auront peu de difficultés à s’adapter à cette nouvelle ère de meilleurs produits rapidement livrés et créés près de chez eux. Les gouvernements pourraient toutefois commencer par résister au mouvement. Leur instinct est de protéger les industries et les entreprises qui existent déjà plutôt que de promouvoir les nouvelles qui les détruiront. Ils attirent les anciennes usines avec des subventions et stigmatisent les patrons qui voudraient délocaliser. Ils dépensent des milliards dans de nouvelles technologies qui, à leur avis, prévaudront dans l’avenir. Et ils s’accrochent à la croyance romantique que la fabrication est supérieure aux services, sans prendre en compte la finance.

Rien de ceci n’a de sens. Les frontières entre la manufacture et les services deviennent floues. Rolls-Royce ne vend plus de réacteurs, elle vend les heures pendant lesquelles chaque moteur propulse un avion dans le ciel. Les gouvernements ont rarement choisi les vainqueurs, et ils vont probablement mettre du temps à voir ces légions d’entrepreneurs et de bricoleurs qui s’échangent des plans en ligne, les transforment en produits chez eux et les vendent à l’échelle mondiale depuis un garage.

Pendant que la révolution gronde, les gouvernements devraient en rester aux bases  : de meilleures écoles pour une main d’œuvre qualifiée, des règles claires et équitables pour les entreprises de toutes sortes. Laissez le reste aux révolutionnaires.

Crédit photo  : Pasukaru76 (Creative Commons By)

15 Responses

  1. Natacha Regime

    Excellent article merci. Cette révolution technologique risque effectivement de réellement changer la donne.

  2. Ginko

    >Pendant que la révolution gronde, les gouvernements devraient en rester aux bases : de meilleures écoles pour une main d’œuvre qualifiée, des règles claires et équitables pour les entreprises de toutes sortes. Laissez le reste aux révolutionnaires.

    Perso, je ne pense pas que les gouvernements résisteront bien longtemps à la révolution en cours.

    La rupture technologique est bien trop à la fois globale et brutale. Les lumières et les révolutions européennes, c’est des broutilles comparé à ce qui se passe en ce moment.

    La conjonction de la crise économique permanente, de la crise du pétrole, de la crise alimentaire, de l’accès généralisé à Internet (et toutes ses innombrables conséquences) et de l’impression 3D (et toutes ses innombrables conséquences) va faire de sacrées étincelles.

  3. Antonin

    Avoir une imprimante 3D pour se faire une assiete n’a pas pour seule alternative Ikea…

    La production de masse personnalisée reste une production de masse, générant déchets, problèmes énergétiques, et j’en passe.

    On ne parlera même pas des nanotechnologies, ou « comment foncer dans un mur sans prendre 2cm de recul ».

    Les imprimantes 3D sont certes intéressantes, mais leur utilisation ne remet pas en cause les problèmes de la production industrielle : elle rajoute au contraires de nouveaux paramètres et nouveau problèmes (nouveau déchets liés aux imprimantes, début de la frabrication d’armes artisanale facile,…)

    Alors, oui c’est chouette, oui c’est geek. On peut même y apercevoir un début d’autonomie, de liberté. Mais l’accepter sans se poser de question, juste parce que c’est étiquetté « révolution », c’est la dernière des choses à faire…

  4. Libruc

    Pas convaincu pas « la troisième révolution industrielle » de Rifkin pour l’énergie (j’ai l’impression qu’l n’a pas idée des ordres de grandeurs de nos consommation d’énergie, ni des pic de demande concernant l’électricité, ni de la pénurie à venir).

    Pas convaincu par la révolution des imprimantes 3D : ca fabrique des petits objets en « plastique », mais ça ne travaille pas le bois, les métaux, le verre, …etc… ??

    (mais je ne demande qu’à être convaincu !)

  5. totopipo

    Bien d’accord avec Antonin concernant les nano, généraliser ces produits avec donc pour conséquence en disséminer encore plus dans la nature aura des conséquence bien plus dramatique que le scandale de l’amiante. Quand on songe déjà que le TiO2 est employé à toute les sauces jusqu’à notre alimentation et qu’il passe allègrement la barrière hémato-encéphalique, ça laisse rêveur les industriels et totalement incrédule le commun geekesque.

    @Libruc : pour l’énergie, à part pour un « gros » réfrigérateur pour conserver un minimum d’aliments au frais, une machine à laver et peut-être un four, la plupart des autres objets électroniques ont déjà leur alimentation transformée (ça consomme quoi de nos jours une machinbox par exemple ?); donc à part militer pour la décroissance, ça fait un bout de temps que les industriels naviguent sur la vague de l’économie d’énergie pour nous en refourguer toujours plus et il m’est donc avis que la production centralisée de l’énergie avec ses capacité promises comme démentielles (à part si les équipementiers et erdf/areva veulent préserver notre dépendance à ce mode) ont peu de chance d’avoir vraiment un avenir si radieux.
    Sur un autre point : pas d’accord pour le bois, il faut tout de même dégrossir l’arbre pour obtenir des planches ou des blocs, mais ça se travaille facilement avec une reprap et découpage laser pour les plus fadas. Ceci dit, pourquoi pas la pierre et le métal avec de l’eau pulsée à l’avenir; mais une chose que signale Antonin : les nouveaux déchets n’auront probablement pas les même possibilités de « revalorisation » dans un process industriel que chez le particulier. Et au fait, c’est quoi cette pate plastique miracle qui est utilisée pour fabriquer ce monde promis de demain ?

  6. Ginko

    @totopipo,

    Yep, certains nanomatériaux feront les prochains scandales en matière de toxicité. Ce serait bien que les tests ne se fasse pas directement sur la population, que l’on anticipe un peu plus…

    @Antonin,

    En même temps, on parle de révolution industrielle, qui, par nature concerne la révolution des moyens de production. D’ailleurs, arrête-moi si j’ai faux, mais le terme « production de masse » concerne la production en série dans de grandes usines. Ici, plus d’usine, plus de grandes séries. La production est locale et personnalisable. Donc c’est bien une rupture par rapport à la seconde révolution industrielle, non ?

    Pour les déchets, on jette déjà plein de matériaux toxiques (piles, électronique)… est-ce que cela va changer radicalement ? Je n’en ai pas trop l’impression.

    Par contre, si ce n’est pas la première fois que je vois ce problème de la fabrication artisanale d’armes soulevé, je n’ai pas croisé de solutions (même d’ébauches de solution).

  7. Ploum

    Libruc > Les imprimantes 3D ne font que des petits outils en plastique… pour le moment.

    Il y a déjà des prototypes qui travaillent le métal et d’autres qui font des circuits imprimés. Avec des pièces de métal, des pièces de plastique et des circuits imprimés, on peut déjà faire « énormément » de choses. N’ai-je pas vu un projet de voiture entièrement fabriquée avec des pièces « imprimées » ?

    Quand aux conséquences écologiques : plus de transport (qui est responsable de la toute grande majorité de la pollution), plus de stockage, plus sur-production (on ne produit que ce que l’on consomme) mais surtout beaucoup moins d’incitation à la consommation matérielle (celle-ci n’étant plus rentable pour les producteurs) !

    Bref, c’est très intéressant. Alors cela aura certainement beaucoup de défauts et de problèmes mais, de toutes façons, c’est inéluctable. Autant l’accepter plutôt que de lutter à tout prix (comme le fait l’industrie du disque).

    Pour rappel: http://ploum.net/post/nons-humains-

  8. Recher

    @Ginko :
    Pas besoin d’imprimantes 3D ni de 3ème révolution industrielle pour fabriquer des armes artisanales facilement, et à peu de frais.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Patato
    http://patatorandco.free.fr/

    Donc, puisque c’est déjà possible, comment se fait-il qu’il n’y ait pas plus de gens que ça qui s’entretuent allègrement à coups de Patator ? Je pense que c’est grâce à l’éducation, tout simplement.

    Dans d’autre pays, où l’éducation des jeunes est « moins fournie », il y a effectivement des gros problèmes : bombes artisanales, terrorisme, …

    Donc la solution que tu cherches, c’est l’éducation, tout simplement. (A l’école et ailleurs).

  9. idoric

    > « Elle risque pas de ne changer que les affaires, mais bien plus de choses encore. »
    Je pense qu’il y a un problème avec cette phrase, non ?

  10. Yva

    « N’ai-je pas vu un projet de voiture entièrement fabriquée avec des pièces « imprimées » ? » Oui pratique d’avoir une voiture pour aller acheter ce que l’on peut produire chez soi!!
    Non plus sérieusement je n’avais entendu parler de cette imprimante 3D, même si à ce niveau là ça ne s’appelle plus une imprimante mais une « usine miniature ». Bientôt il suffira juste de penser à quelque chose pour que cela se concrétise en quelques secondes ou quelques minutes, certains appellent ça la prière d’autres la technologie, quoi qu’il en soit l’un et l’autre sont très surprenants!

  11. totopipo

    @Yva
    La science te fera encore plus rêver à défaut de te sur-prendre. 😀
    Tu n’es pas au courant de ce que fait IBM ? Tu ne sait pas ce qu’il se trame au Clinatec de Grenoble ? Tu ne suis pas l’actualité en apprenant que le MIT à réussi à modifier les rêves de rats ? Alors surfe vite sur ces sujets, et tu vas voir que l’implantation de souvenir façon « total recall », voire plus, n’est plus très loin.

  12. Flaburgan

    Vaste sujet, mais pour moi, tout n’est pas si rose, loin de là.
    Déjà, je ne vois pas pourquoi il y aurait moins de transport, puisque s’il ne faut pas amener le produit fini jusqu’à chez nous, il faut bien y amener la matière première. Donc tant que « l’imprimante 3D » ne créera pas les choses à partir de matériaux disponibles à tous sur place, les problèmes seront les mêmes : transport, pollution… Et cette matière première, il faut bien un minimum la transformer..

    Et économiquement parlant, si on produit tout chez nous, plus d’usine, donc on pourrait se dire, plus que des bureaux, comme dit dans le texte. Mais si les plans sont disponibles à tous gratuitement, comment financer les ingénieurs… ?

    Plus de pub, plus rien, il n’y a plus rien à acheter, rien d’autre que cette fameuse matière première..

  13. Louus

    Erreur d’interprétation. Selon Rifkin, une révolution industrielle se produit quand un nouveau moyen de communication entre en convergence avec une nouvelle source d’énergie. Le textile, les autos ou les imprimantes 3D n’en sont qu’une conséquence anecdotique, pas le moteur.

    La 3e révolution industrielle sera la convergence entre les énergies renouvelables et la technologie de l’internet. Nous assisterons à un développement collaboratif de la production de l’énergie qui est aujourd’hui centralisée.

    Ceci inévitablement influencera nos habitudes, principalement notre façon de travailler, pour se développer latéralement au détriment d’une organisation pyramidale et hiérarchique. L’EU, de très nombreux Etat ou villes ou chefs d’Etats prennent très au sérieux le discours de M. Rifkin. Les décideurs français, coulés dans le bronze colbertiste semblent quant à eux à la ramasse.

  14. jaglus

    de meilleures écoles pour une main d’œuvre qualifiée , comme en Tunisie , où ils s’imaginent qu’ils vont tous être notaires ?
    La vérité , c’est Robert Reich qui la décrit dans l’économie mondialisée :
    une élite constituée par les créateurs ( manipulateurs de symboles ) d’une part , et les esclaves routiniers de l’autre

    http://www.amazon.fr/LECONOMIE-MOND