Désinformation, le rapport – 1

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La traduction suivante est la brève présentation initiale du long rapport final élaboré par le comité « Digital, Culture, Media and Sport » du Parlement britannique, publié le 14 février dernier, sur la désinformation.

Ce rapport interpelle les plus hauts responsables politiques du Royaume-Uni sur de nombreux sujets d’actualité qu’il aborde sans concessions :

  • Le profilage et l’utilisation des données d’utilisateur de service
  • La non-régulation des géants d’Internet dont Facebook
  • Les scandales liés au Brexit, Aggregate IQ, SCL et Cambridge Analytica
  • Les publicités politiques et la manipulation d’élections
  • La campagne de désinformation de la Russie
  • Les lacunes des citoyens dans leurs pratiques et compétences numériques, voire leur illectronisme.

Le groupe Framalang a entrepris de vous communiquer l’intégralité du rapport en feuilleton suivant l’avancement de la traduction.

Vous trouverez le texte intégral en suivant ce lien vers le PDF original (3,8 Mo) : https://publications.parliament.uk/pa/cm201719/cmselect/cmcumeds/1791/1791.pdf

La traduction est effectuée par le groupe Framalang, avec l’aide de toutes celles et ceux qui qui veulent bien participer : Penguin, Lumibd, goofy, maximefolschette, Maestox, Mika, Khrys, serici, Barbara, Cyrilus, simon

Page de couverture du rapport des Commons britanniques sur la désinformation.
Page de couverture du rapport des Commons britanniques sur la désinformation.

Résumé

Voici le rapport final d’une enquête sur la désinformation qui s’est étalée sur 18 mois. Elle couvre les droits des individus concernant leur vie privée, la manière dont leurs choix politiques peuvent être influencés par l’information en ligne et l’ingérence dans les scrutins politiques, tant au Royaume-Uni que dans le monde, animée par des forces malveillantes qui sèment la confusion et la discorde.

Nous nous sommes appuyés sur les pouvoirs du système de Comités, en exigeant des preuves et en obtenant des documents sous scellés dans les systèmes juridiques d’autres pays. Nous avons invité les représentants démocratiquement élus de huit autres pays à rejoindre notre comité au Royaume-Uni afin de créer un « Grand Comité international », le premier du genre, pour promouvoir davantage de coopération transnationale et endiguer la diffusion de la désinformation et sa capacité pernicieuse à dénaturer, perturber et déstabiliser. Au travers de cette enquête nous avons bénéficié de la coopération d’autres parlements. Ce travail est continu, avec de nouvelles sessions planifiées en 2019. Il s’agit de mettre en avant une volonté d’agir à l’échelle mondiale pour s’attaquer à des problématiques similaires à celles que nous avons identifiées dans d’autres juridictions.

C’est le rapport final de notre enquête, mais ce ne sera pas notre dernier mot.

Nous avons toujours connu la propagande et les préjugés politiques, qui se targuent d’être de l’information, mais cette activité a pris de nouvelles formes et a été grandement amplifiée par les technologies de l’information et l’omniprésence des réseaux sociaux. Dans cet environnement, les utilisateurs acceptent et accordent du crédit aux informations qui confortent leur point de vue, même si elles sont déformées ou fausses, tout en rejetant le contenu contradictoire comme des fake news. Cela a un effet de polarisation qui réduit la base commune de faits objectifs sur laquelle un débat raisonné peut s’appuyer. On a beaucoup parlé de la grossièreté du débat public mais lorsque ces éléments interfèrent directement avec les processus électoraux, les fondements mêmes de notre démocratie se trouvent menacés.

Il est peu probable que la situation change. Une évolution nécessaire serait la mise en application d’une plus grande transparence dans la sphère numérique, afin de s’assurer de connaître la source de ce que nous sommes en train de lire, de savoir qui a payé pour cela et pourquoi cette information nous a été envoyée.

Nous avons besoin de comprendre comment les géants de l’Internet travaillent et ce qu’il advient de nos données. Facebook opère sa surveillance à la fois sur ceux qui l’utilisent et sur ceux qui ne l’utilisent pas, en pistant leurs activités et en conservant leurs données. Cette entreprise gagne de l’argent en vendant l’accès aux données de ses utilisateurs à travers ses outils à visée publicitaire. Elle accroît davantage encore sa valeur via un échange de données réciproque et global avec des développeurs d’applications majeures qui font leurs affaires à travers la plateforme de Facebook.

Pendant ce temps, parmi les innombrables messages inoffensifs avec des photos de vacances ou d’anniversaires, des forces malveillantes utilisent Facebook pour menacer et harceler, pour divulguer des images intimes par représailles, pour répandre des propos haineux et de propagande de toute sorte ainsi que pour influencer des élections et des processus démocratiques, autant de choses que Facebook, et les autres réseaux sociaux, ne veulent pas ou ne peuvent pas enrayer. Nous devons appliquer les principes démocratiques universels aux outils de l’ère numérique.

Les géants de l’Internet ne doivent pas être autorisés à croître exponentiellement, sans contrainte ni surveillance réglementaire appropriée. Mais seuls les gouvernements et les lois sont suffisamment puissants pour les y contraindre. Les outils législatifs existent déjà. Il faut maintenant les appliquer au numérique à l’aide d’outils tels que les lois sur la protection de la vie privée, les lois sur la protection des données, les lois antitrust et les lois sur le droit de la concurrence.

Si les entreprises deviennent des monopoles, elles peuvent être démantelées, dans n’importe quel domaine. Le traitement des données personnelles par Facebook et leur utilisation dans le cadre de campagnes politiques sont les domaines primordiaux que les organismes de réglementation doivent légitimement inspecter. Facebook ne devrait pas être en mesure de se soustraire à toute responsabilité éditoriale pour les contenus partagés par ses utilisateurs sur ses plateformes.

Dans une démocratie, nous devons faire l’expérience de la pluralité des voix et, surtout, posséder les compétences, l’expérience et les connaissances nécessaires pour évaluer la véracité de ces voix. Bien qu’Internet ait apporté de nombreuses libertés dans le monde entier et une capacité de communication sans précédent, il comporte également la capacité insidieuse de déformer, d’induire en erreur et de produire haine et instabilité. Il fonctionne à une échelle et à une vitesse sans précédent dans l’histoire de l’humanité.

L’un des témoins à notre enquête, Tristan Harris, du Center for Humane Technology, basé aux États-Unis, décrit l’utilisation actuelle de la technologie comme un « détournement de nos esprits et de notre société ». Nous devons plutôt utiliser la technologie pour libérer nos esprits et recourir à la réglementation pour rétablir la responsabilité démocratique. Nous devons nous assurer que les humains restent aux commandes des machines.

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