Fermer ses comptes… et respirer !

Temps de lecture 7 min

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L’équipe de traduction des bénévoles de Framalang vous propose aujourd’hui le bref témoignage de Silvia, une designeuse indépendante1, qui avait atteint comme beaucoup un degré d’addiction élevé aux réseaux sociaux. Comme d’autres aussi, elle a renoncé progressivement à ces réseaux, et fait le bilan après six mois du nouvel état d’esprit dont elle a bénéficié, une sorte de sentiment de soulagement, celui d’avoir retrouvé un peu de liberté…
Bien sûr chacun a une trajectoire différente et la démarche peut n’être pas aussi facile, mais pourquoi ne pas tenter ?

Article original sur le blog de l’autrice : Life off social media, six months in
Traduction Framalang : Bromind, Diane, Florence, goofy, Marius, ngfchristian, Penguin

Six mois hors réseaux sociaux, six mois dans ma vie

par Silvia Maggi

J’étais vraiment partout. Citez-moi un réseau social, et sans doute, j’y avais un compte… Internet a toujours été important pour moi, et un certain degré de présence en ligne était bon pour mon travail, mes hobbies et mes relations sociales.

Mes préférés étaient Twitter, Flickr et LinkedIn. J’ai été une utilisatrice plutôt précoce. Puis sont arrivés Facebook et Instagram, qui sont ensuite devenus les principales raisons pour lesquelles j’ai fermé la plupart de mes comptes. Dès l’origine, j’ai eu une relation d’amour-haine avec Facebook. La première fois que je m’y suis connectée, j’ai détesté l’interface, les couleurs, et j’avais du mal à voir l’intérêt. D’ailleurs, j’ai aussitôt fermé le compte que je venais d’ouvrir, et je n’y suis revenue que plus tard, poussée par des amis qui me disaient « on y est tous et c’est marrant ».

Avec Instagram, le ressentiment est monté progressivement. Mon amour pour la photographie aurait pu être satisfait par l’application mais c’était également une période où les filtres étaient utilisés à outrance – à l’époque, l’autre application en vogue pour la prise de photos était Hipstamatic – et je préférais de toute façon prendre des clichés plutôt avec un appareil photo.

À mesure que la popularité d’Instagram augmentait, associée à la qualité du contenu, je suis devenue accro. Je n’ai jamais effacé mon compte Flickr, mais je ne visitais que rarement la plateforme : à un moment, on a eu l’impression que tout le monde avait migré vers l’application aux photos carrées. Cependant, quand Facebook a acheté Instagram pour 1 milliard de dollars en 2012, son avenir est devenu malheureusement évident. Avance rapide jusqu’à janvier 2021 : j’ai désactivé ce que je considérais à une époque comme mon précieux compte Instagram, et j’ai également fermé mon compte WhatsApp. Avant cela, j’avais fermé mes comptes Twitter, Facebook et Pinterest. Six mois plus tard, je peux dire comment les choses se sont passées.

Le bruit de fond s’est tu

Au début, c’était une sensation étrange : quelque chose manquait. Dans ma vie, je m’étais habituée à un certain niveau de bruit, au point de ne plus m’en rendre compte. Une fois qu’il a disparu, cela est devenu si évident que je m’en suis sentie soulagée. J’ai désormais moins d’opportunités de distractions et ainsi, il m’est devenu progressivement, plus facile de rester concentrée plus longtemps. En conséquence, cela a considérablement amélioré ma productivité et désormais, je suis à même de commencer et terminer la lecture de livres.

Le monde a continué de tourner

Je ne prête plus l’oreille aux mèmes, scandales ni à tout ce qui devient viral ou tendance sur les réseaux sociaux. Au lieu d’avoir peur de rater quelque chose, j’y suis indifférente. Le temps que je passais à suivre ce qui arrivait en ligne, je le passe ailleurs. Et le mieux dans tout ça, c’est que je ne me sens pas obligée de donner mon avis. J’ai des opinions précises sur les choses qui me tiennent à cœur, mais je doute que le monde entier ait besoin de les connaître.

En ce moment historique, tout peut être source de division, et les réseaux sociaux sont un endroit où la plupart des gens choisissent un camp. C’est un triste spectacle à voir car les arguments clivants sont amplifiés mais jamais réellement apaisés.

Ma santé mentale s’est améliorée

Il y a quelques années, je pensais qu’avoir du succès sur Instagram pourrait devenir mon boulot d’appoint. C’est arrivé à beaucoup de gens, alors pourquoi pas moi ? J’avais acheté un cours en ligne, proposé par un influenceur célèbre, pour comprendre comment rendre mon compte Instagram digne d’intérêt, et faire monter mes photos tout en haut grâce à l’algorithme.

À partir de ce moment, je me suis retrouvée enfermée dans une boucle. Je sortais et prenais avec frénésie plein de photos, les publiais puis je vérifiais les statistiques pour voir comment elles évoluaient. J’ai eu de bons moments, rencontré des personnes géniales, mais ce n’était jamais assez. En tant que photographe, je n’en faisais jamais assez. Les statistiques sont devenues un problème : j’en étais obsédée. Je les vérifiais tout le temps, me demandant ce que je faisais mal. Quand tout cela est devenu trop, je suis passée à un compte personnel, espérant résoudre mon problème en cliquant sur un simple bouton. Ça ne s’est pas passé ainsi : les chiffres n’étaient pas le vrai problème.

À chaque fois que j’éprouvais comme une démangeaison de photographier, et que je ne pouvais pas prendre de photos, je me sentais coupable parce que je n’avais rien à poster. Ma passion pour la photographie est passée d’une activité qui ne m’a jamais déçue, à une source d’anxiété et de sentiment d’infériorité. Depuis que j’ai désactivé mon compte Instagram, je prends des photos quand j’en ai envie. Je les poste sur Flickr, ou bien je les garde pour moi. Ça ne compte plus vraiment, tant que c’est un exutoire créatif.

écrit au néon rose sur fond de feuillage 'and breathe' (en français : et respirez)- Photo de Max van den Oetelaar.
Photo de Max van den Oetelaar, licence Unsplash

 

Finie l’immédiateté

Chaque fois que j’avais quelque chose à dire ou à montrer, je postais presque immédiatement sur un réseau social. C’était la chose normale à faire. Même si cela a diminué pendant les dernières années, je vois cela comme une attitude étrange de ma part. C’est peut-être une réflexion due au fait que je me connais un peu mieux désormais, mais il m’a toujours fallu du temps pour assimiler des concepts et me forger des opinions. C’est pour cela que je préfère écrire sur mon blog et que j’ai réduit récemment ma fréquence de publication : je donne davantage de détails sur mes apprentissages et mes réalisations récentes.

Conclusion

Quitter les réseaux sociaux a été une bonne décision pour moi. Je suis plus concentrée, moins anxieuse et j’ai à présent plus de temps libre. Cela, en plus des divers confinements, m’a permis de mieux me concentrer et réfléchir davantage à ce qui compte vraiment. Prendre cette décision ne conviendrait certainement pas à tout le monde, mais il est important de réaliser à quel point les réseaux sociaux influencent nos vies, et à quel point ils peuvent changer nos habitudes ainsi que notre manière de penser. Et ainsi, prendre des décisions à notre place.

Pour aller plus loin
Des articles en anglais

Des très nombreux témoignages en français qui mettent souvent l’accent sur la difficulté à se « sevrer »…

Mise à jour

22 Novembre 2021. Il y a deux mois, je me suis connectée à Instagram et n’ai rien ressenti. J’ai vu une vidéo d’un ami, mais je n’ai nullement éprouvé le besoin de regarder plus loin.
Il n’y avait aucun intérêt à maintenir ce compte en mode inactif, alors j’ai demandé sa suppression.
Maintenant c’est fini.

 

  1. bio rapide en anglais
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5 Responses

  1. Stemy

    J’ai fermé mon compte facebook il y a 5 ans et je n’ai jamais eu à le regretter.

  2. Hémérien

    Nous somme en 2022, et il y a encore des gens qui publient des articles sur leur expérience de désintoxication aux media sociaux.

    Et en plus pour arriver à une conclusion que n’importe qui qui n’est pas addict peut voir de lui-même.

    Il faut que ces personnes comprennent que les media sociaux ne sont pas un choix, à part pour eux, et que c’est majoritairement subit. Et que l’alternative n’est pas la même chose en décentralisée et/ou open source.

    Avoir le choix de s’en passer est du même ordre que d’avoir le choix de passer un confinement dans sa résidence secondaire au lieu de son appartement/enfer en ville et d’en faire un journal pour expliquer les vertues du retour aux choses simples comme de regarder son jardin et les petits zozios en culpabilisant ceux qui ne font pas comme eux.

    Ce type de billet sur les vertues de la déconnexion est le fruit d’esprits de petit bourgeois de Droite qui n’ont visiblement pas assez de problème dans leur vie qu’il faut qu’ils s’en inventent, en pensant, au passage, que ça va intéresser les autres. Ils sont comme ces emmerdeurs qui rencontrent Dieu après une vie de débauche et dont la mission est la culpabilisation des autres.

    Les media sociaux ne sont pas un choix démocratique. Comme tous les services issues des cerveaux malades de la Sillicon Valley, il nous ont été imposé sans que jamais un quelconque débat démocratique n’ait été proposé aux citoyens.

    Alors que n’importe quel produit arrivant dans nos vies est soumis à des examens et des normes, les services informatiques, eux, débarquent du jour au lendemain, transforment la société, les rapports entres les gens, remplacent les services publics détruits par les libéraux et leurs cabinet de conseils, influencent via les algorithmes, enferment les êtres dans leurs enfers personnels, rendent psychotiques et à aucun moment le législateur et les représentants du peuple n’interviennent dans la boucle.

    Nous sommes livrés à nous-mêmes, seuls et en détresse, et des influenceurs et autres micro-autorités sur ces mêmes media viennent régulièrement, depuis dix ans, nous conter leurs aventures de déconnectés volontaires en nous envoyant une image de nous-même qui est que si nous ne nous déconnectons pas comme eux, c’est que nous approuvons le système, la surveillance, les boucles de rétroactions, la dépendance et le narcissisme, d’être des produits.

    Allez au Diable !

    La réalité est que si les gens avaient le choix, si ces media étaient contraints par le pouvoir politique et le choix démocratique, si ils étaient interopérables et les algorithmes soumis à contrôle par le légilsateur, ils ne seraient pas un problème, juste un moyen parmi d’autres de communiquer avec ses semblables.

    Pour finir, ce type de billet qui ne sert qu’à culpabiliser sans apporter d’autres solution que « faîtes comme moi » en se présentant comme subversif ne sert qu’une chose, le projet libéral, en faisant de chacun un individu isolé acteur de sa vie, ce que nous ne sommes pas car nous sommes imbriqués dans des systèmes plus forts que nous.

    La seule solution pour qu’un jour nous ayons le choix de nous déconecter ne peut être que politique.

    • BY

      Se « déconnecter » n’est en rien du ressort d’une décision politique (renvoyer toujours la responsabilité vers d’autres…) Une « liberté personnelle » suffit pour y parvenir. Encore faut-il savoir être libre ! Le problème est surtout que nos sociétés sont faites en grande majorité de « moutons de Panurges », et que tout le monde veut ce que tout le monde a ou fait. On voit, ces récentes dernières années, où mène la standardisation à outrance…

    • Orengo

      Nous avons toujours le choix, pour tout, en tout, et tout le temps, mais pour comprendre cela il faut avoir fait un petit travail sur soi et saisir comment nous fonctionnons et comment la société a fabriqué notre consentement, Philippe Bobola Physicien, biologiste, anthropologue psychothérapeute, nous l’explique très bien dans « la fabrique du consentement », une fois compris on peut sortir ou pas …de ce consentement, mais cette fois en conscience
      Est ce qu’on ne peut pas plus tôt utiliser ce que nous avons à disposition pour en faire un outil utile plutôt que destructeur?
      Se référer aux conférences du Dr de Louis Fouché qui en parle très bien.
      Elia

  3. Krysztof

    Un critère : qu’est-ce qui sera encore d’actualité/lisible/intéressant dans 10 ans ? 20 ans ?
    Mon site web perso a 25 ans. Mon blog 20. Ils bougent peu mais seront sans doute encore là d’un manière ou d’une autre dans 20 ans. Tout ce qui a été posté sur Facebook ou Insta finira sans doute dans un grand trou noir mémoriel collectif. Pas forcément un mal d’ailleurs.