Interfaces, une association de lutte contre la précarité énergétique en cours de dégafamisation

 

Temps de lecture 7 min

Aujourd’hui, nous publions un nouveau témoignage de dégafamisation qui vient rejoindre ceux que nous avons déjà précédemment recueillis. C’est un message posté sur la Communauté Emancip’Asso, un espace d’entraide mis à disposition des associations qui souhaitent se lancer dans une démarche de transition numérique éthique, qui nous a donné envie d’en apprendre plus sur Interface, cette association du Nord de la France qui œuvre pour l’inclusion au quotidien.

Un très grand merci à Nicolas pour le temps consacré à cette entrevue.

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ?

Je m’appelle Nicolas Bertrand et je suis conseiller numérique au sein de l’association Interfaces depuis avril 2022. À mon arrivée, en dehors de mes missions de conseiller numérique, la direction m’a demandé de participer au développement et à la modernisation de l’infrastructure informatique de l’association. À titre personnel, je mesure ma dépendance aux GAFAM et j’essaie de m’auto-former à Linux pour me passer à court, moyen ou long terme de Windows.

Nicolas, peux-tu nous présenter ton association ?

Depuis sa création en 1997, l’association Interfaces mène des actions pour lutter contre la précarité énergétique et permet aux publics de mieux gérer leurs démarches administratives quotidiennes liées aux thématiques du logement, de l’énergie, des transports, des services bancaires, des services postaux et de la consommation. Nous développons également, afin de faire face à la dématérialisation croissante des démarches, l’accompagnement vers l’autonomisation sur les outils numériques.

Toutes nos interventions répondent aux piliers de la médiation sociale que sont le « aller vers » et le « faire avec ». Les valeurs de solidarité, de rigueur et de transparence animent nos équipes au quotidien. Une autre définition extraite de nos statuts : « Innover avec des entreprises pour lutter contre l’exclusion, la pauvreté et les discriminations. Pour cela, elle agit au quotidien avec des entreprises, les organismes publics, les relais, les prescripteurs et les habitants. À travers ses actions, Interfaces vise à anticiper et accompagner les situations sociales et sociétales en s’appuyant sur une posture de tiers médian, des compétences et un réseau d’acteurs. L’association crée, développe et accompagne des antennes Interfaces en tous lieux de la Région des Hauts de France et notamment dans les quartiers en difficulté ».

Logo de l’association Interfaces

L’association compte une quarantaine de salariés et des bénévoles. Nous intervenons sur 3 territoires du département du Nord : la Métropole Européenne de Lille (le siège se situe à Lille), le Valenciennois et le Douaisis.

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

Tous les salariés sont équipés d’un ordinateur portable et d’un téléphone professionnel. En 2023, les salariés ont été évalué sur leur niveau numérique à travers un test PIX. L’analyse des résultats a démontré que si la majorité d’entre eux étaient à l’aise, même si d’autres l’étaient un peu moins. Nous avons donc proposé un accompagnement personnalisé pour les salariés qui en exprimeraient le besoin.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Dans le cadre de ce projet, nous avons voulu nous démarquer de ce qui pouvait se faire déjà dans d’autres espaces publics numériques en montrant un autre usage de l’informatique (plus responsable et plus éthique) via la sensibilisation du public sur l’économie circulaire et le numérique libre. Nous avons donc lié des partenariats avec un centre de reconditionnement (Bak2) et un auto-entrepreneur spécialisé dans le numérique libre (Patrice ANDREANI – Numéricatous) qui nous aident à mettre en place ce projet.

Logo de Numericatous

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ?

J’ai monté ce projet seul en lien avec la direction de l’association.

Comment organisez-vous votre dégafamisation ?

Lorsque nous sommes à la recherche d’un nouvel outil ou logiciel répondant à nos besoins, nous essayons de nous tourner au maximum vers une solution libre ou open-source.

Est-ce que vous avez rencontré des résistances ?

Il est encore très difficile d’éveiller les consciences au passage à un numérique libre. Certains partenaires utilisent des logiciels propriétaires et nous n’avons pas d’autres possibilités que de les utiliser afin de leur rendre compte de nos missions ou activités sur le terrain. Les GAFAM font tellement partie de notre quotidien et il est encore compliqué d’inciter les personnes à ne plus les utiliser et passer à un numérique plus libre et plus éthique. Le chemin à parcourir semble encore long…

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Nous avons vécu 2 grands changements au sein de l’association :

  • Depuis octobre 2023, nous avons fait l’acquisition d’un serveur cloud (hébergé chez OVH) sur lequel nous avons installé, entre autre, les logiciels que nous utilisions au quotidien : SynerGaïa (notre système d’information) et NextCloud (notre gestion électronique des documents).
  • Depuis le 1er janvier 2024, nous avons abandonné les outils Google : nous avons remplacé Google Drive et Dropbox par NextCloud et avons migré nos anciennes adresses Gmail vers un compte Exchange hébergé chez OVH.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Nous essayons de trouver une alternative à l’utilisation de Microsoft Outlook en testant prochainement Mozilla Thunderbird. Nous réfléchissons à intégrer sur notre serveur d’autres outils libres/open-source courant 2025,  comme par exemple GLPI et nous aimerions passer sous Linux et LibreOffice les ordinateurs présents dans notre Espace Public Numérique. Nous allons continuer à exploiter NextCloud en testant notamment certaines applications proposées et poursuivre la recherche d’autres solutions libres comme RocketChat pour mieux communiquer en interne.

Quels étaient vos moyens humains et financiers pour effectuer cette transition vers un numérique éthique ?

Au lancement de ce projet, j’ai essayé de faire en sorte qu’il soit le moins onéreux possible mais cela n’a pas forcément été évident ;-)

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière ?

De manière générale, lorsqu’un salarié rencontre un problème sur l’un des logiciels que nous utilisons, nous fonctionnons par mail et nous pouvons également intervenir à distance si le salarié est sur le terrain. Nous avons également rédigé de nombreuses procédures/fiches process et celles-ci sont mises à disposition et accessibles à tout moment en cas de besoin sur NextCloud.

De plus, nous organisons des temps forts au sein de l’association (comme les réunions d’équipe et/ou de salariés) pour accompagner et former le personnel dans la prise en main de nouveaux outils. Nous essayons également d’évoluer le plus possible vers des solutions libres afin de sécuriser au mieux les informations de nos usagers et celles liées à nos missions et activités.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ?

Nous profitons actuellement de notre campagne « Questionnaires de satisfaction 2024 » pour tester l’application « Formulaires » disponible dans NextCloud. Les envois se font en ce moment, il est donc encore trop tôt pour analyser les retours de nos usagers, salariés ou partenaires. À travers ce test, nous démontrons à nos partenaires qu’il est possible de faire sans les GAFAM et de recueillir des informations de manière sécurisée.

En ce qui concerne notre Espace Public Numérique, nous sensibilisons notre public sur le numérique libre et éthique et l’économie circulaire en utilisant par exemple du matériel reconditionné et en explicitant que le fait de passer sous Linux peut prolonger la durée de vie d’un ordinateur jugé comme dépassé.

Les différentes missions des accompagnements numériques d’Interface.

Quels conseils donneriez-vous à des structures comparables à la vôtre qui voudraient se dégafamiser elles aussi ?

Il est essentiel de trouver un contact qui peut nous conseiller sur des solutions libres afin de se passer le plus possible des solutions GAFAM dans l’intérêt de la sécurisation des données.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Migrer vers les outils libres c’est s’ouvrir à un nouveau numérique où règne la sécurité :-)

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