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Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.
Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :
Aujourd’hui, découvrons un étrange personnage accroc au papier dans un monde où ce matériau est devenu… interdit !
100 Papier
Auteur·rices : Zatar Myriam , ASPE Candice , MOURCHID Soumaya ,GAO Rongtian, KADRI Elias, Nkoumba Eric Donald
Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.
« Bonjour Paris, il est 8 heures, on est le 9 septembre 2042 et la journée s’annonce ensoleillée ! Aujourd’hui, je rappelle que c’est la douzième journée mondiale sans papier. Alors, la question du jour est : comment vivez-vous sans papier ? Tout le monde est invité à laisser un message sur notre ToothBook. »
« Bonjour à tous ! Vous êtes chanceux aujourd’hui, je suis un précurseur de la vie sans papier ! Je m’appelle Jordan. Ça fait 20 ans que je l’ai aboli. Avec mon casque VR et mon PC, je vis la belle vie tout en protégeant la planète. Je peux jouer à GTA et envoyer un mail en même temps ! Le papier était une véritable catastrophe écologique. Maintenant, je m’amuse sans couper aucun arbre ! »
Léon Roman éteignit sa radio, marmonnant des injures : « Comment avez-vous pu… »
« Chéri, regarde devant toi ! » s’exclama Juliette en tendant le bras depuis le siège passager.
Devant, la police effectuait une fouille des véhicules. La voiture freina, écrasant la ceinture de sécurité sur le ventre arrondi de sa femme. Son mari inspira bruyamment, le cœur battant à tout rompre, face aux gyrophares bleus et rouges vers lesquels ils progressaient lentement. Il ne remarqua pas la goutte de sueur coulant sur son front. Le souvenir de sa rencontre avec la police lors de la précédente manifestation lui procura une impression désagréable.
Loin d’être dupe, Léon respirait de plus en plus vite : de toute évidence, ils étaient en quête de contrebande. Et juste sous la banquette arrière de sa voiture se trouvait aujourd’hui le trafic le plus important au monde : du papier.
Un jeune policier, le regard vif et un sourire crispé sur le visage, s’approcha du jeune couple.
— Bonjour madame et monsieur, inspecteur Hernandez. Nous sommes tenus de contrôler tous les véhicules. Sortez du véhicule. Où allez-vous ?
— Nous allons à la campagne chez ma belle-famille jusqu’à l’accouchement de ma femme, répondit Léon, d’une voix plus aiguë que d’habitude. Un peu en retrait, Juliette observait l’échange, priant pour que l’interrogatoire se finisse sans encombre. Les deux policiers soulevèrent la banquette arrière, dévoilant une pile de livres, à sa grande surprise.
— Cela n’a rien à voir avec ma femme, vous ne…, s’écria Léon, avant d’être plaqué au sol.
— Épargnez-nous ces bêtises, vous en parlerez au juge.
Quelques mois plus tard, la jeune femme, son bébé sur les genoux, pâle de rage, recevait un appel. « Oui, Roman, ici Maître Gimenez. Je suis au regret de vous annoncer la condamnation à perpétuité de votre mari pour trafic de papier. »
« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 9 septembre 2152 et la journée s’annonce caniculaire ! N’oubliez pas de vous hydrater et de vous abriter durant les heures les plus chaudes. On accueille aujourd’hui sur notre chaîne le spécialiste M. … »
Mathieu coupa l’hologramme en jurant. Encore une fois, il allait devoir installer le « Sunshade », un pare-soleil blanc de son invention. En effet, il a lu que le blanc est la couleur qui absorbe le moins la chaleur. Aujourd’hui, c’était le grand jour !
Mathieu descendit dans sa cave, pour échapper à la chaleur étouffante qui alourdissait l’atmosphère. Son plan, préparé depuis plusieurs années, nécessitait encore quelques retouches. Les escaliers craquaient sous ses pieds alors qu’il descendait dans l’obscurité rafraîchissante de sa bibliothèque secrète, héritée de sa famille. Des livres ouverts jonchaient le sol, annotés d’une écriture soignée. Les murs étaient couverts de câbles, de serveurs et d’écrans lumineux.
9h00 : il s’installa devant son poste de travail, ajustant les lignes de code qu’il avait préparées. Chaque partie qu’il modifiait le rapprochait de son objectif : démontrer les vulnérabilités d’une société entièrement numérique.
J’ai jusqu’à minuit pour exécuter mon plan, avant la mise à jour des serveurs.
Sous la pression, il fabriquait des cigarettes en déchirant des pages de livre. Des recettes de cuisine par-ci, des extraits de comédie par là. Après tout, qui aurait besoin de savoir faire une béchamel ou de lire des pièces ennuyeuses ? Les mots imprimés se transformaient en fumée et remplissaient l’air de la cave d’un épais nuage gris.
10h00 : il recevait un coup de fil de sa petite amie Soraya, ingénieure à l’Agence de Sauvegarde des Données Nationales. Une journée portes ouvertes du macro serveur X2150 était prévue sur invitation.
11h00 : il avait déjà fumé sa 39ème clope, le livre de cuisine arrivait bientôt à sa fin.
11h45 : « ÇA Y EST ! », cria-t-il, « La clé USB est prête. »
Son plan était simple mais brillant. Le virus qu’il avait créé était conçu pour tout détruire sur son passage.
12h00 : pour se récompenser de sa victoire, il prit une longue inspiration : « il est temps de fumer ».
12h15 : Mathieu commença à préparer ses affaires. Je suis tellement stressé, je ne tiendrai pas la journée sans papier, songea-t-il en fouillant frénétiquement dans ses étagères. Il chercha un livre d’où il pourrait arracher des feuilles pour faire ses cigarettes. En ouvrant le premier venu, il découvrit d’anciennes notes familiales entre les pages. Submergé par la culpabilité, il referma délicatement le livre et en prit un autre. Cette fois, il choisit un vieux recueil de contes pour enfants et, avec une nouvelle pointe de honte, arracha plusieurs pages.
13h00 : il quitta son appartement en direction du centre-ville. Il marchait, jetant des coups d’œil à sa montre. Le bâtiment de l’ASDN n’était pas loin, mais chaque minute lui semblait une éternité.
14h00 : « Bienvenue, mesdames et messieurs, à la journée d’inauguration du Macro serveur X2150 », annonça un présentateur.
15h00 : après avoir fait une visite guidée des lieux avec Soraya, Mathieu se dirigea vers le stand d’exposition de la maquette du X2150.
16h00 : un baiser langoureux lui permit de subtiliser à Soraya son badge d’accès à la salle des machines.
17h00 : Mathieu n’avait toujours pas trouvé la salle des machines, peu habitué à utiliser la padlocalisation. Il se cacha pour fumer des clopes de plus.
18h00 : après plusieurs essais, il réussit enfin à identifier le chemin d’accès vers la salle des machines.
19h00 : Mathieu effectua un dernier tour en salle des machines. Puis il rejoignit Soraya dans le hall.
20h00 : des applaudissements retentirent en l’honneur de Soraya. Sa présentation fit un carton !
21h00 : Mathieu s’approcha pour la féliciter. Il se dirigea vers les toilettes avant de rejoindre la salle des machines.
22h00 : les mains tremblantes, il inséra sa clé USB dans un serveur. La barre de transfert s’afficha à l’écran : « Téléchargement du fichier en cours %2 % ». Ça y est, j’ai réussi ! Épuisé et ruisselant de sueur, il se laissa tomber sur une chaise. Il profita de cette pause bien méritée pour entamer sa 87ème clope de la journée.
22h10 : « OÙ EST MON BADGE ? ! » s’exclama Soraya. Elle fonça à son bureau et se jeta sur son PC. Elle localisa le badge dans la salle des machines et remarqua le téléchargement d’un fichier inconnu en cours. Elle parvint à le stopper puis prévint la police.
22h30 : des bruits dans le couloir de plus en plus proches se firent entendre. Mathieu barricada la porte. « POURQUOI LE TÉLÉCHARGEMENT N’AVANCE PLUS ? ! ». Des mégots s’accumulaient au sol, une voix grave se fit entendre de l’autre côté de la porte :
— Police ! Sortez immédiatement ou on enfonce la porte !
— Je vous interdis de tenter quoi que ce soit sinon JE VAIS TOUT CRAMER ! La sueur perlait sur son front, et chaque mouvement semblait plus laborieux que le précédent. La patience des policiers était mise à l’épreuve. Certains d’entre eux commençaient à se lasser de cette opération. D’autres vérifiaient leur équipement. Quelques-uns échangeaient des blagues nerveuses pour alléger la tension.
23h00 : assis dans la pénombre, les mains tremblantes, le regard perdu, il savait que la police finirait par entrer. Ses pensées tourbillonnaient, une tempête de regrets et de colère contre une société qui l’avait poussé à bout. « Pourquoi ? » murmura-t-il en fixant la barre de téléchargement statique. « Une société sans âme, sans mémoire. Ils disent que le papier est obsolète, que tout doit être numérique. Mais le papier, c’est l’histoire, c’est la culture, c’est nous. »
23h12 : il se leva lentement, les jambes flageolantes, et s’approcha de la porte. « Si près du but… »
— Commissaire, il faut intervenir, on ne peut pas attendre plus longtemps !
— Non, surtout pas. Les serveurs sont trop précieux. Si on cause des dégâts, ce sera encore pire. La seule chose qu’on puisse faire, c’est le persuader.
23h28 : il fuma sa dernière lueur d’espoir avec sa 100ème clope, ignorant les appels insistants de la police.
00h00 : Les larmes coulaient lentement sur ses joues alors que la fumée noire envahissait la pièce, une chaleur intense l’enveloppant. Les alarmes se déclenchèrent, stridentes. « Peut-être qu’un jour, ils comprendront… »
« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 10 septembre 2152, et la journée s’annonce étouffante ! Aux dernières nouvelles, un acte terroriste a été commis cette nuit. La salle des serveurs de l’ASDN a été incendiée, entraînant la perte totale des données du pays. L’auteur de cet acte, identifié comme Mathieu Roman, descend d’une célèbre famille de terroristes. Il a péri dans l’incendie. »
Soraya, encore sous le choc des événements de la veille, écoutait le cœur serré à l’annonce du nom de Mathieu. « Non… ça ne peut pas être vrai… »
50 ans plus tard… Des enfants s’amusaient dans le parc. L’un d’eux s’aventura un peu plus loin qu’à son habitude. Et là, il l’aperçut, à moitié caché sous une pierre, un livre abîmé intitulé « La culture des pommes de terre au XXIe siècle ». Il y manquait des pages… Fier de sa trouvaille, le petit garçon courut montrer le livre à ses parents.
« C’est quoi, les pommes de terre ? »
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