Troisième manuel libre de mathématiques de Sésamath

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Temps de lecture 6 min

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Sésamath - Manuel 3ème - Couverture

Clap troisième ! Déjà disponible pour les niveaux Cinquième et Quatrième, la très libre association de professeurs de mathématiques Sésamath nous propose son nouveau manuel scolaire de mathématiques, cette fois-ci pour le niveau Troisième.

Outre la qualité et l’originalité de son contenu (et son prix serré de 11 €), ce manuel se démarque de ses petits camarades de l’édition classique de part son mode collaboratif d’élaboration (une petite centaine de collègues ont participé à sa rédaction) mais aussi et surtout par sa licence libre (la GNU/FDL) qui autorise quiconque (profs, élèves, parents…) à utiliser, copier, modifier et distribuer la version numérique du manuel.

Si j’étais prof de maths (ce que je suis du reste !), je tenterais de ce pas de convaincre les collègues de mon établissement de faire le choix du manuel Sésamath pour la rentrée scolaire prochaine[1].

L’occasion d’un court entretien avec l’un de ses membres fondateurs, Sébastien Hache.

Sésamath - Manuel 3ème - Exemple

Pourriez-vous nous présenter votre nouveau bébé ? (y a-t-il des nouveautés par rapport aux 2 précédents ?)

Sébastien Hache : Le Sésamath 3e est le 3e ouvrage de la collection (après le Sésamath 5e il y a 2 ans et celui de 4e l’an dernier). Il s’agit d’un manuel scolaire sous licence FDL, écrit avec la suite Open Office.org. Près de 80 auteurs, professeurs de Mathématiques, ont travaillé ensemble, essentiellement à distance, pour construire cet ouvrage.

Sur le fond, la ligne éditoriale du Sésamath 3e est restée très proche de celle de ses 2 prédécesseurs afin de garantir une continuité entre les différents ouvrages de la collection : utilisation des TICE, travail de groupe, narrations de recherches, QCM… et toujours énormément de compléments en ligne.

Ceci dit, le mode de conception a mûri ; de nouveaux outils ont été utilisés : par exemple, pour la première fois, un Wiki a servi à créer les feuilles de route de chaque chapitre. Globalement, ce processus complexe du « travailler ensemble » a été mieux géré que les années précédentes, l’expérience aidant. Au final, on peut donc dire que le Sésamath 3e est encore plus coopératif que ses petits frères en 5e et 4e.

Une autre constatation importante : depuis 2 ans, l’équipe de rédaction a été profondément renouvelée. Beaucoup de ceux qui avaient fait les premiers manuels se sont investis dans d’autres projets de Sésamath, souvent avec succès. De nouvelles énergies ont pris le relais sur le projet de manuel, avec efficacité et conviction. Cela peut signifier que le modèle est assez indépendant des individus et procède plutôt d’un certain état d’esprit. A ce titre, il devrait être reproductible ou transférable.

Quel bilan faites-vous des deux précédents ?

Le bilan est très positif. A n’en pas douter, ce concept de manuel scolaire libre a été (et est toujours) un levier important du développement de l’association. Tout d’abord, il a permis de créer de nombreuses synergies entre les différents projets de Sésamath, grâce en particulier aux compléments du manuel en ligne. Ensuite, comme je l’ai dit précédemment, beaucoup de collègues entrent dans Sésamath par le projet du manuel, se formant au passage aux techniques de travail coopératif… puis s’investissent dans d’autres projets de l’association, y amenant ainsi encore davantage de coopération.

Par ailleurs, le succès éditorial de ces manuels (près de 95 000 vendus l’an dernier en 4e) a permis à Sésamath d’être financièrement indépendant et de pouvoir salarier un de ses membres. Depuis des années, Sésamath demande du temps de décharge à l’Institution, en vain. Et pourtant, Sésamath a besoin de temps pour mieux accompagner les usages, les pratiques, les développements.

Plus généralement, il était primordial de pérenniser ce modèle d’édition afin de le rendre attractif et viable pour d’autres. Nous pensons avoir relevé ce défi.

Effectuez-vous des mises à jour des 2 précédents à partir des retours des collègues en situation ?

Pour le moment, nous tenons essentiellement compte des coquilles signalées qui, au demeurant, restent assez peu nombreuses. Mais de plus en plus de collègues nous envoient, et c’est important, des activités dérivées de celles du manuel, ou d’autres types de compléments. Sésamath est en train de mettre en place une sorte d’Espace Numérique de Travail pour les professeurs de Maths. L’un des objectifs de cet espace est justement de mutualiser autour du travail coopératif initial afin de favoriser à terme la refonte des manuels Sésamath. Ce site contiendra également un « livre du maître » pour le manuel 3e ainsi que des compléments spécifiques aux enseignants.

Vous travaillez sur un projet de manuel libre au Sénégal. Pourriez-vous nous en dire plus ?

A la suite de la mention d’honneur obtenue par Sésamath lors du prix sur l’utilisation des TICE à l’UNESCO, de nombreuses perspectives concrètes se sont ouvertes. En particulier, nous sommes en discussion sur la possible création de manuels libres en Mathématiques au Sénégal, en prenant appui sur les manuels Sésamath. L’idée n’est pas tant de donner des contenus qu’une certaine expertise du travail coopératif. Ainsi l’association espère aussi recevoir beaucoup en retour sur les pratiques et usages au Sénégal. Très honnêtement, en créant un manuel libre, Sésamath n’avait jamais pensé à ce type de possibilité. Mais si cela pouvait se faire (car malgré tout c’est un processus long et difficile) nous en serions vraiment fiers et très heureux.

Comment expliquez-vous que les autres disciplines ne vous aient pas encore emboîté le pas ?

Il y a eu des essais, mais provenant souvent de collègues isolés qui ne se rendent pas nécessairement compte de tout le travail et de l’énergie que cela demande. Il y a beaucoup de compétences différentes qui sont en jeu. Il faut à la fois les rassembler et les faire travailler ensemble. A ce stade, nous pensons que cela ne peut pas se faire spontanément ou de façon trop déconcentrée.

C’est évidemment plus facile si les collègues sont déjà organisés entre eux. Sésamath n’a pas vocation à créer ces premiers noyaux, mais peut essayer de les accompagner. Pour cela, il faut réussir à synthétiser le processus d’édition coopérative : quels outils ? quelles structures ? Quelle organisation ? Il n’est pas facile de faire ce travail d’abstraction, mais il est sans doute nécessaire pour facilité les transferts.

Il nous semble aussi qu’il y a actuellement un enjeu fort dans le premier degré.

Quels sont les futurs projets de Sésamath ?

Le prochain défi que doit relever Sésamath, c’est l’accompagnement de tous ceux qui utilisent les ressources de l’association. Cet accompagnement passe par une meilleure prise en compte de ces utilisateurs : professeurs, parents ou élèves. Des accès spécifiques vont être créés. La plate-forme pour les enseignants et un site dédié entièrement à l’accompagnement à la scolarité (libre et gratuit) pour les élèves et parents. Ce sont 2 énormes chantiers qui sont déjà en préparation depuis un certain temps et qui devraient éclore pendant l’année 2008.

Notes

[1] Chaque établissement peut commander un specimen avant le 24 avril chez le partenaire éditeur Génération 5.

7 Responses

  1. cemoi

    Bonjour!

    Je suis trés interessé par votre retour d’expérience vis à vis du travail collaboratif effectué! J’aimerai connaitre quelles ont été les outils de travail collaboratif utilisé surtout quand cela c’est fait à distance.
    Avez vous un espace de type webdav aevc un outil de type alfreco pour gérer le workflow? Savez vous que le logiciel scenari pourai vous apporter pas mal de solution concernant le travail collaboratif et l’édition en ligne direct de ce travail?

    En espérant avoir une réponse (si vous passez par là) si non je vais vous faire un petit mail 😉

    @+

  2. Sébastien hache

    Bonjour,
    Pratiquement tout le travail s’est fait à distance (il n’y a eu que 3 réunions en présentiel, et jamais avec tous les auteurs). Nous avons utilisé plusieurs listes de diffusion, un Wiki et une interface de versioning développée en php/mysql à l’interne (sur mesure pour le projet).
    Nous sommes évidemment intéressés par tout outil qui pourrait nous aider.
    Au plaisiir,
    Sébastien

  3. Jean K C

    Bonjour,

    Excellente initiative !

    Mais comment on fait si on est parent pour gentiment suggérer aux professeurs de mathématiques de nos enfants de choisir votre manuel ?

    (surtout qu’ils sont susceptibles dès qu’on touche au pédagogique)

  4. idoric

    > «Si j’étais prof de maths (ce que je suis du reste !), je tenterais de ce pas de convaincre les collègues de mon établissement de faire le choix du manuel Sésamath pour la rentrée scolaire prochaine.»

    Pour moi la difficulté ne se situe pas au niveau des collègues, mais plutôt du côté de l’intendance…

  5. Noël Debarle

    @ Jean K C

    Je pense qu’il vaut mieux s’abstenir. Je ne pense pas que le choix d’un manuel scolaire doive se faire sur le motif de la licence, ni même du prix, mais sur sa qualité sur le plan pédagogique.
    Il se trouve quand même que je pense que le modèle de développement du manuel, et sa licence libre, permettent une réelle plus-value sur ce plan là.
    Ceci dit, je ne vous conseille pas d’essayer de convaincre les profs de maths de vos enfants de choisir ce manuel… Par contre, si vous avez l’occasion de leur en signaler l’existence, de les diriger vers le site web, ou de leur expliquer en quoi ce manuel est différent des autres, pourquoi pas ?

    Cordialement,
    Noël

  6. Visiteur du soir

    Si Sésamath tient bon et se développe alors dans dix ans ils nous proposeront tout le secondaire avec des manuels qui s’amélioreront année après année.

    Pour l’instant j’imagine que l’édition commerciale classique (Hachette, Nathan, Hatier, etc.) regarde ça de loin, mais il faut bien qu’elle se rende compte qu’elle ne peut pas lutter contre ça d’autant que toutes les disciplines y passeront.

    Tout ce que le libre touche tend vers la constitution de biens communs mais vient aussi mettre un joyeux bordel dans l’économie d’avant le numérique.

  7. jocarret

    Ce que vous avez expérimenté, la richesse du travail coopératif, le faites vous passer, le proposez vous, aux élèves qui utiliseront vos manuels comme une méthode non seulement rentable pour l’apprentissage des maths mais aussi comme une avancée vers un vivre ensemble plus enthousiasmant que le chacun pour soi habituellement proposé à l’école….