Un nouveau polar médiéval dans la collection Framabook

Yann Kervran continue à rééditer les enquêtes d’Ernaut de Jérusalem chez Framabook, pour notre plus grand plaisir.

Nous lui avons demandé de répondre à quelques questions à l’occasion de la publication de son deuxième tome, Les Pâques de sang.

Yann, peux-tu nous rappeler qui est Ernaut de Jérusalem ?

C’est le personnage récurrent de ma série d’enquêtes qui se déroule pendant les Croisades, essentiellement dans le royaume de Jérusalem, au milieu du XIIe siècle. C’est un jeune Bourguignon de Vézelay qui vient avec son frère comme pèlerin et qui va rester comme colon. C’est un géant, un colosse dont le physique hors-normes n’est surpassé que par la curiosité. Le premier tome le présentait lors du voyage de traversée, en Méditerranée. Là, on le retrouve quelques huit mois plus tard, pendant les cérémonies de Pâques, à Jérusalem. C’est le moment fort des visites et célébrations pour les pèlerins venus d’Europe.

Ernaut est le fil rouge des intrigues policières, vu que le lecteur enquête dans ses pas, mais c’est aussi un naïf qui découvre un nouveau monde, et qui sert donc de passeur, de guide, pour arpenter cet univers. Celui-ci, que j’ai appelé Hexagora, dépasse d’ailleurs le cadre des enquêtes car je tente de le rendre plus vaste encore, plus complexe, avec un ensemble de récits courts que j’appelle Qit’a. J’ai aussi l’envie d’écrire des textes parallèles, qui n’appartiennent pas au registre policier. Mon espoir est de rendre plus vivante cette période de l’histoire méconnue du grand public, tout en faisant œuvre pour le commun, en caractérisant fortement un univers imaginaire, même si puissamment ancré dans la réalité historique.

Argh, mais c’est de l’Histoire avec un grand H… Rassure-nous, tu nous fais pas un cours non plus, hein ?

Pourquoi ce «Argh» ? L’histoire peut être passionnante, comme n’importe quel sujet, pour peu que le passeur qui t’y emmène soit habile et intéressant. Alors, bien sûr, c’est en effet extrêmement documenté, autant que je peux me le permettre. Dans le cas contraire, ce serait mensonger de s’attribuer l’épithète «historique». Mais je travaille énormément à rendre ça fluide, accessible et indolore pour ceux qui ont des boutons à l’idée qu’on leur demande de dater le siècle de Philippe Auguste.

Les retours que j’ai vont d’ailleurs toujours dans ce sens : le public aime autant le récit en lui-même que l’immersion temporelle et géographique que je propose. Je suis également photographe et reconstitueur, donc je puise largement dans mon expérience personnelle pour rendre sensuelle l’expérience de lecture. Je me souviens qu’un de mes lecteurs de la première édition m’avait dit qu’il avait eu faim à lire le passage d’Ernaut dans les quartiers où l’on s’achetait à manger. Il avait l’impression d’entendre le grésillement des plats sur le feu, de sentir les effluves de pâtes chaudes luisantes de graisse cuite.

Couverture du roman Les Pâques de sang

 

Non, mais on aime bien l’Histoire, hein… Mais faudrait pas en oublier l’aspect roman…

Bien sûr. Il est essentiel pour moi que le lecteur oublie qu’il tient un livre qui propose une vision de l’histoire, avec des sources (que je présente à la fin, pour les curieux et les historiens qui veulent vérifier ma documentation). J’ai l’espoir qu’il accompagne Ernaut dans les ruelles, soit bousculé avec lui dans la foule sur le parvis, s’éponge le front au haut d’une longue côte, avant d’embrasser la vue sur les jardins de Gethsémané où frissonnent les oliviers sous le vent.

Par ailleurs, avec mon premier éditeur, nous avions pas mal échangé sur les dialogues, et c’est lui qui m’a convaincu de créer cette langue pseudo-médiévale, dépaysante dans ses structures et sonorités. Bien que cela demeure un subterfuge narratif, des lecteurs m’ont indiqué que cela les faisait voyager en un «ailleurs». En outre, pour certains, cela les avait fait réfléchir à leur propre usage de la langue, au sens de certaines expressions ou habitudes grammaticales contemporaines. C’est donc bien plus intéressant et efficace que si j’avais tenté de faire des vrais dialogues en français médiéval, qui auraient été indigestes.

Alors, que se passe-t-il dans ce tome 2 ?

Ernaut et son frère Lambert sont en Terre sainte depuis quelques mois. Ils ont écumé tous les sites de dévotion catholique et sont à Jérusalem pour assister aux célébrations les plus importantes, celles de Pâques qui commémorent la victoire du Christ sur la mort. Des événements tragiques viennent ébranler la ville et Ernaut ne peut s’empêcher d’aller y mettre son nez une fois de plus. Mais il y découvrira plus qu’il ne l’aurait voulu, y compris sur lui-même.

C’est l’occasion de découvrir un peu Jérusalem sous son aspect de cité sainte pour la chrétienté médiévale, mais aussi comme ville régie par des pouvoirs et des luttes d’influence. Je me suis consacré à une partie bien délimitée de la topographie, autour du Saint-Sépulcre en gros, mais il y a là déjà beaucoup de choses à présenter, que ce soit d’un point de vue urbanisme, société mais aussi pouvoirs locaux.

Plan du Saint-Sépulcre CC-BY-SA Yann Kervran

J’ai aussi souhaité donner une idée de ce que pouvait représenter la religion pour les simples fidèles. Ernaut est catholique, bien sûr, d’autant qu’il a grandi à l’ombre de la basilique abritant des reliques de Marie-Madeleine. Mais ce terme est trop fourre-tout pour rendre compte d’une réalité fluctuante selon l’époque, la classe sociale et même les personnes. Alors j’ai tenté de mettre en scène ces importantes célébrations religieuses vues de l’extérieur, du profane populaire. J’avais la chance d’avoir le texte complet de la liturgie du XIIe siècle, et j’ai donc travaillé à partir de là pour mettre en place la trame.

Par ailleurs, de nouveaux personnages qui prendront de l’importance à l’avenir sont introduits dans ce tome.

J’ai besoin d’avoir lu le tome 1, La Nef des loups ?

Absolument pas. Chaque nouveau volume initie une enquête distincte qui s’achève en ses pages. Je conseille de lire les tomes dans l’ordre, de façon à pouvoir assister à l’évolution du personnage, de son environnement, mais ce n’est nullement nécessaire. On peut se contenter d’en lire un seul, indépendamment de tous les autres textes Hexagora.

Je conçois l’ensemble de mes écrits de façon cohérente et organisée, mais en laissant à chacun le choix du parcours. Il est même possible de reprendre toutes les sections de mes différents textes et de les réorganiser par date (vu que chacun est précisément daté et localisé) et découvrir comment les choses se déroulent de façon purement temporelle, indépendamment de la cohérence narrative que je conçois pour chaque œuvre que je réalise.

Ce pourrait être un exercice intéressant quoique je crains que ce ne soit vertigineux, j’ai presque 300 personnages et plus de 70 textes qu s’imbriquent dans l’univers Hexagora. D’ailleurs, une édition papier des textes courts Qit’a est prévue chez Framabook, en plusieurs volumes.

La nef des loups était quasiment un huis-clos en pleine mer… Tu as repris la même formule pour Les Pâques de sang ?

Non, j’ai abordé ce second tome de façon complètement opposée. La nef des loups, c’est un whodunnit à la Agatha Christie, avec tous les indices semés pour que le lecteur puisse trouver qui est l’assassin, avec une problématique qui tient un peu de l’exercice de style, du mort retrouvé dans une pièce fermée de l’intérieur. J’avais par ailleurs opposé à ce lieu clos qu’était le Falconus, perdu au milieu des flots un temps extrêmement long, pour dépayser le lecteur. Au XIIe siècle, tout était lent, à l’aune de nos sociétés effervescentes d’aujourd’hui et j’ai beaucoup travaillé cet aspect.

La seconde enquête m’a permis une approche inverse : je suis dans un lieu bien plus large : Jérusalem et ses abords immédiats, mais avec un écart temporel réduit, la Semaine sainte. Je me suis donc attaché à y appliquer un traitement qui tient plus du thriller, avec un Ernaut qui court ici et là, qui s’agite beaucoup plus.

Du coup y’aura de l’action…?

Oui. Je me suis même amusé à concevoir une scène qui fait également partie de l’arsenal narratif du genre policier, mais dans l’audiovisuel : la course-poursuite. J’ai gardé un souvenir extrêmement fort de la scène où, dans French Connection, Popeye Doyle/ Gene Hackman poursuit le métro aérien (tellement un classique que la séquence est même sur YT). Une scène d’anthologie qui a marqué les esprits. Cela m’a donné envie de voir comment je pouvais rendre compte d’une telle intensité avec l’écrit, et sans voiture ni métro. J’ai été très heureux quand des lecteurs m’ont fait part de leur plaisir à lire cette scène qu’ils avaient trouvée haletante, sans bien sûr y détecter une telle influence, fort éloignée.

De façon plus générale, j’ai abordé ce second volume encore une fois avec une préparation formelle assez précise, en étudiant certains codes pour voir comment je pouvais m’en emparer. Cela m’offrait l’opportunité de me frotter à différentes approches du genre policier à travers ses déclinaisons, de façon à laisser à un style personnel le temps d’émerger. J’ai continué avec le tome trois et c’est encore un peu vrai avec le quatre, que je suis actuellement en train d’écrire. Néanmoins, je me sens plus à l’aise pour arpenter une voie moins balisée et il m’est de moins en moins possible de me définir par rapport à un genre précis. Je définis mes propres formes narratives désormais en fonction de la pertinence qu’elles me semblent avoir par rapport à mon projet fictionnel. Cela permet d’avoir une écriture moins affectée au final.

Si ça me plaît, et que je veux contribuer à ton univers, je fais comment ?

Il y a de nombreuses façon de contribuer, mais pour pouvoir créer à partir de mon travail, dans la plupart des cas, le mieux sera de commencer par récupérer tous mes textes dans un format simple (j’utilise le markdown pour rédiger). J’indique comment s’y prendre sur mon site.

Après, si vous avez envie de m’aider à faire connaître le monde des croisades, mon travail d’écriture, vous pouvez en parler autour de vous, diffuser les epubs sur les réseaux pair-à-pair, remplir des notices sur des sites de partage. N’hésitez pas à me contacter à ce sujet si vous avez besoin d’éléments que je n’ai pas encore partagés.
De la même façon, si vous avez l’opportunité d’organiser des rencontres autour de l’histoire, de l’écriture, avec les enquêtes d’Ernaut comme prétexte, prenez contact avec moi. Je suis très disert sur ces sujets et toujours heureux de partager avec tous les publics, étudiants, scolaires ou simples curieux. La grande difficulté aujourd’hui est d’arriver à se faire connaître, donc il s’agit là d’une contribution essentielle.

Je cherche également des partenaires qui seraient intéressés pour traduire vers d’autres langues. Le site Internet a été conçu pour être multilingue et ouvert à la contribution (c’est un moteur dokuwiki en fait), pour accueillir les idées d’autres personnes qui souhaitent participer à l’univers Hexagora, donc n’hésitez pas.

Enfin, une autre contribution, et pas la moindre, c’est le soutien financier. J’ai mis en place une page pour accueillir les dons, en particulier via Liberapay, qui propose le moins de frais de transaction possible. Le support matériel du public est essentiel pour permettre une création sereine et pérenniser mon activité d’écriture. Lorsque vous achetez un livre papier, vous financez surtout les marchands de papier et les transporteurs routiers. Avec les technologies modernes, vous pouvez soutenir directement un artiste.




Working Class Heroic Fantasy, le roman-feuilleton qui vous fera l’année

Gee, notre Simon, l’auteur des bandes dessinées GKND et Grise Bouille, que sa plume démange depuis un bon moment comme en témoignent ses nouvelles, se lance dans le roman avec Working Class Heroic Fantasy (notez le jeu de mots, il en est super content, faudrait pas lui gâcher le plaisir).

Gee

Il va publier son ouvrage sous forme de feuilleton (on se demande qui lui a donné des idées pareilles). Pour vous faire découvrir cet univers, les trois premiers chapitres sont disponibles dès aujourd’hui sur son blog, et il devrait poursuive la publication avec un chapitre par semaine.

L’action se passe dans un monde un peu comme le nôtre, avec des open-space, des divorces et des syndicats… Mais aussi avec des elfes, mages, orques et gobelins. Imaginez que nos meilleurs romans de Fantasy soient en fait le chapitre Moyen-Âge de leurs livres d’histoire… Vous y êtes ?

Voilà : c’est la Terre de Grilecques, le monde où vit Barne Mustii, petit employé de bureau chez Boo’Teen Corp, une entreprise qui vend des bottes. Barne est un humain un peu résigné qui subit les brimades de son gobelin de patron, jusqu’au jour où c’est l’insulte de trop. Et si un simple tour à la permanence du syndicat l’entraînait dans une épique lutte des classe contre l’oligarchie orquogobelinesque…?

La couv qui a la classe, et si vous cliquez dessus elle vous mène au premier chapitre.

 

Ne ratez pas ça, c’est féroce et drôle, et ça rebondit comme une balle magique dans tous les sens : dystopie et gaudriole, anarchie et fantasy, non-binarité et lutte des classes. Ce roman, c’est peu comme si Marx et Tolkien avaient eu un enfant qui aimerait bien se poiler avec Pratchett.

Oui, c’est du copinage, ou alors de la publicité en avance, parce que forcément, il le publiera chez Framabook ensuite. Et tant mieux !

En attendant, filez lire ça sur : https://grisebouille.net/working-class-heroic-fantasy/




Papiray fait du Komascript

Raymond Rochedieu est, depuis des années, un pilier de l’équipe bénévole qui relit et corrige les framabooks. Quand ce perfectionniste a annoncé vouloir s’attaquer à la traduction et l’adaptation d’un ouvrage kolossal, personne ne pouvait imaginer la masse de travail qui l’attendait. Surtout pas lui !
Personnage haut en couleur et riche d’une vie déjà bien remplie, ce papi du Libre nous offre aujourd’hui le fruit d’un travail acharné de plusieurs années. Framabook renoue ainsi le temps d’un précieux ouvrage avec sa tradition de manuels et guides.

Markus Kohm, Raymond Rochedieu (traduction et adaptation), KOMA-Script. Typographie universelle avec XƎLATEX, Framabook, octobre 2017.

KOMA-Script. Typographie universelle avec XƎLATEX

Bonjour Raymond, si tu aidais nos lecteurs à faire connaissance avec toi ?

Bonjour, je m’appelle Raymond Rochedieu et depuis une quinzaine d’année, lors de la naissance de mon premier petit fils, tout le monde m’appelle Papiray. Je suis âgé de 72 ans, marié depuis 51 ans, j’ai deux garçons et 6 petits-enfants.

Je suis à la retraite, après avoir exercé des métiers aussi variés que : journaliste sportif vacataire (1959-1963), agent SNCF titulaire (1963-1967), VRP en machines-outils bois Guilliet (1967-1968), éducateur spécialisé (1968-1970, école d’éducateur de Reims), artisan imprimeur en sérigraphie (1970-1979), VRP (Textiles Florimond Peugnet – Cambrai, Éditions Paris-Match, Robert Laffont et Quillet, Laboratoires Messegué, Électro-ménager Vorwerk et Electrolux, Matra-Horlogerie JAZ…), puis ingénieur conseil, directeur commercial, artisan menuisier aluminier, avant de reprendre des études à 52 ans et de passer en 10 mois un BTS d’informaticien de gestion. Malgré les apparences, je ne suis pas instable, seulement curieux, « jusqu’auboutiste » et surtout socialement et individuellement responsable mais (très) indépendant, ce que j’appelle mon « Anarchie Utopiste » (expression qui, comme chacun le sait, vaut de l’or) : je rêve d’un monde où tous seraient responsables et égaux… mais ce n’est qu’un rêve !

J’ai terminé ma carrière professionnelle comme intervenant en informatique, installateur, dépanneur, créateur de sites internet, formateur agréé éducation nationale, chambre de commerces et chambre des métiers et même jury BTS à l’IUT de Reims.

Ton projet de traduction et de Framabook a été une œuvre de longue haleine et aboutit à un ouvrage massif. Comment tout cela a-t-il commencé ? Pourquoi as-tu entamé seul ce gigantesque labeur ?

Je me suis tout d’abord intéressé à l’ouvrage de Vincent Lozano Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur LATEX sans jamais oser le demander (Ou comment utiliser LATEX quand on n’y connaît goutte) auquel j’ai participé, à l’époque, en qualité de correcteur. Mais 2008, c’est aussi, pour moi, une rupture d’anévrisme et 14 jours de coma dont je suis sorti indemne, bien que physiquement diminué.

Puis j’ai enchaîné opération du genou droit, infection nosocomiale, prothèse du genou gauche, phlébite, re-opération pour éviter l’amputation, bref vous comprenez pourquoi j’ai mis du temps pour poursuivre le travail !

J’ai cependant connu quelques moments de bonheur : deux stages de tourneur sur bois, à l’école Jean-François Escoulen d’Aiguines (83630) avec le « Maître » qui m’ont conduit à un premier projet : construire un tour à bois fonctionnant à l’ancienne sans électricité et raconter mon ouvrage, projet toujours d’actualité mais qui s’est fait croquer, l’âge aidant, par l’envie d’écrire mes souvenirs, moins de sport… car même la marche m’est devenue pénible… un refuge, mon bureau… l’ordi…et KOMA-Script…

En réalité, ce n’est pas tout à fait ça. Début 2014, je rencontre une amie  qui se plaint de l’utilisation du logiciel Word, inadapté à son besoin actuel : à 72 ans, elle a repris ses études et prépare un doctorat de théologie. Chapeau, Françoise… elle a aujourd’hui 75 ans et elle est, je crois, en dernière année…

Je cherche donc quels sont les outils utilisés par les « thésards » et les « doctorants », et je découvre LaTeX que l’on dit « créé par les Américains, pour les Américains » et mal adapté à la typographie du reste du monde. J’achète le livre de Maïeul Rouquette et découvre finalement cette perle qu’est KOMA-Script, à travers « Les fiches de Bébert » (voir liste de références plus bas).

Ce qu’il en écrit me donne envie d’aller plus loin dans la connaissance de l’ouvrage de Markus KOHM, mais pour moi, c’est l’horreur : l’original en langue allemande n’existe que dans une traduction en langue anglaise.

Et qu’est-ce qu’y fait, Papiray ? Hein ? Qu’est-ce qu’y fait ?

Ben y contacte Markus Kohm pour lui demander l’autorisation de passer l’ouvrage en langue française et y demande à ses « amis » de Framasoft ce qu’ils en pensent… ou l’inverse… toujours est-il que Markus m’y autorise en date du 19 juillet 2014 et que mes amis de Framasoft me disent « vas-y, fonce », le début d’une aventure commencée en réalité en mai de la même année.

Dans l’absolu, je n’ai pas l’impression d’avoir été réellement seul. La curiosité, la découverte des différents systèmes, les réponses – surtout par Christophe Masutti – aux questions posées, les lectures des multiples articles et ouvrages consacrés au sujet, les tests permanents des codes (dont les résultats n’étaient pas toujours ce que j‘en attendais), les erreurs de compilation non identifiées et dont il me fallait corriger la source…

Et puis, pour tout avouer, je ne savais pas réellement où je mettais les doigts… une fois la machine lancée, fallait bien assurer et assumer…

Tu as travaillé dur pendant longtemps et par-dessus le marché, les passes de révision des bénévoles de Framabook ont été nombreuses et t’ont souvent obligé à reprendre des détails, version après version. Comment tu as vécu ça, tu ne t’es jamais découragé ?

Vu dans l’instance Framapiaf du 26 juillet 2017 à propos de l’utilisation d’une varwidth dans une fbox :

Ce sont surtout les modifications de versions dues à Markus qui m’ont « obligé ».

Comme je l’ai indiqué ci-dessus, j’ai démarré ce travail, en mai 2014, sur la base de la version de l’époque qui a évolué le 16 avril, le 15 septembre, le 3 octobre 2015, avant de devenir la v3.20 en date du 10 mai 2016, la v3.21 le 14 juin puis la v3.22 le 2 janvier 2017, enfin la v3.23 le 13 avril 2017 et chaque fois, pour coller à la réalité, je me suis adapté en intégrant ces modifications.

De plus, Markus Kohm a multiplié des extensions et additifs publiés sur internet et j’ai décidé de les intégrer dans la version française de l’ouvrage. KOMA-Script est bien entendu le noyau, mais LaTeX, le système d’encodage abordé, m’était totalement inconnu. Je me suis inspiré, pour le découvrir à travers XƎLATEX, des ouvrages suivants qu’il m’a fallu ingérer, sinon comprendre :

Cette liste n’est pas exhaustive et ne mentionne que les quelques ouvrages et sites parcourus le plus fréquemment.

Quant au bon usage de la langue française, j’ai toujours, à portée de main,

que je consulte régulièrement. En cas de doute, il me reste trois références françaises solides :

Et j’ai navigué au hasard de mes hésitations (merci Mozilla), sur de nombreux sites que je n’ai pas cités dans mes références.

Que leurs auteurs et animateurs ne m’en tiennent pas rigueur.

Tu es donc passionné de LaTeX ? Pourquoi donc, quels avantages présente ce langage ?

LaTeX — prononcer « latèk » ou « latèr » comme avec le « j » espagnol de « rota » ou le « ch » allemand de « maren » (machen), selon votre goût — est un langage de description de document, permettant de créer des écrits de grande qualité : livres, articles, mémoires, thèses, présentations projetées…

On peut considérer LaTeX comme un collaborateur spécialisé dans la mise en forme du travail en typographie tandis que l’auteur se consacre au contenu. La fameuse séparation de la forme et du fond : chacun sa spécialité !

Et ce KOMA-Script c’est quoi au juste par rapport à LaTeX ?

LaTeX a été écrit par des Américains pour des Américains. Pour pouvoir l’utiliser convenablement il nous faut charger des paqs qui permettent de l’adapter à notre langue car les formats de papiers américains et européens sont très différents et les mises en page par défaut de LaTeX ne sont adaptées ni à notre format a4, ni à notre typographie.

L’utilisation de KOMA-Script, outil universel d’écriture, permet de gérer la mise en page d’un ensemble de classes et de paqs polyvalents adaptés, grâce au paq babel, à de multiples langues et pratiques d’écriture, dont le français. Le paq KOMA-Script fonctionne avec XƎLATEX, il fournit des remplacements pour les classes LaTeX et met l’accent sur la typographie.

Les classes KOMA-Script permettent la gestion des articles, livres, documents, lettres, rapports et intègrent de nombreux paqs faciles à identifier : toutes et tous commencent par les trois lettres scr : scrbook, scrartcl, scrextend, scrlayer

Tous ces paqs peuvent être utilisés non seulement avec les classes KOMA-Script, mais aussi avec les classes LaTeX standard et chaque paq a son propre numéro de version.

Donc ça peut être un ouvrage très utile, mais quel est le public visé particulièrement ?

j’ai envie de répondre tout le monde, même si, apparemment, ce système évolué s’adresse d’avantage aux étudiants investis dans des études supérieures en sciences dites « humaines » (Géographie, Histoire, Information et communication, Philosophie, Psychologie, Sciences du langage, Sociologie, Théologie…) et préparant un DUT, une licence, une thèse et même un doctorat plutôt qu’aux utilisateurs des sciences « exactes » qui peuvent être néanmoins traitées.

En réalité, je le pense aussi destiné aux utilisateurs basiques de MSWord, LibreOffice ou de logiciels équivalents de traitement de texte, amoureux de la belle écriture, respectueux des règles typographiques utilisées dans leur pays, désireux de se libérer des carcans plus ou moins imposés par la culture anglo-saxonne, même s’il n’est pas évident, au départ, d’abandonner son logiciel wysiwyg pour migrer vers d’autres habitudes liées à la séparation du fond et de la forme.

Est-ce que tu as d’autres projets pour faire partager des savoirs et savoir-faire à nos amis libristes ?

Oui, dans le même genre, j’ai sous le coude un ouvrage intitulé « Utiliser XƎLATEX c’est facile, même pour le 3e âge  » écrit avec la complicité de Paul Bartholdi et Denis Mégevand, tous deux retraités de l’université de Genève, l’Unige. Ces derniers sont les co-auteurs, en octobre 2005, d’un didacticiel destiné à leurs étudiants « Débuter avec LaTeX » simple, clair, plutôt bien écrit et dont je m’inspire, avec leurs autorisations, pour composer la trame de mon ouvrage qui sera enrichi (l’original compte 98 pages) et portera – comme son titre le laisse supposer – sur l’usage de XƎLATEX, incluant des développements et surtout des exemples de codes détaillés et commentés de diverses applications (mon objectif est de me limiter à 400 pages), mais ne le répétez pas…

 

 




La Nef des loups, un framabook au XIIème siècle

Le nouveau Framabook est… un polar historique ! Ce premier tome des aventures d’Ernaut de Jérusalem va vous faire aimer le Moyen Âge (ou encore plus, si vous l’aimiez déjà ^^).

Gênes, 1156. Le Falconus quitte le port. À son bord, pèlerins, marchands, membres de l’équipage et… un crime.
« À ainsi te mêler de tout, tu sais que tu t’attires des ennuis. »
Tandis que le jeune Ernaut mène l’enquête, l’exaltation des débuts laisse place à la maturité. Et si le voyage vers la Terre Promise était aussi un cheminement spirituel ?

Dans cette première enquête, à mi-chemin entre polar médiéval et roman d’aventure, Yann Kervran nous embarque dans un huis clos à la fois haletant et érudit. Sur cette inquiétante nef des fous, c’est aussi une partie de nous-mêmes que nous retrouvons, comme si nous étions compagnons d’Ernaut. En maître du genre, l’auteur ne fait pas que nous envoûter, il nous transporte dans ce monde tourmenté des croisades.

Ancien rédacteur en chef de magazines historiques (Histoire Médiévale, Histoire Antique, L’Art de la Guerre…), Yann Kervran se consacre désormais à l’écriture de fiction.

Photographe et reconstitueur historique enthousiaste depuis la fin de ses études universitaires, il trouve dans ces passions l’occasion de concilier goût pour la recherche et intérêt pour la mise en pratique et en scène de savoirs théoriques. Libriste convaincu, il participe de plus à de nombreux projets (dont un jeu vidéo libre !) : nous ne pouvions pas résister à l’envie de l’interviewer !

Cliquez sur la photo de Yann Kervran pour découvrir son site et son univers.

Bonjour Yann, pourrais-tu te présenter brièvement ?

Je suis un passionné d’histoire. J’ai créé et dirigé un certain nombre de magazines papier sur le sujet par le passé et j’ai eu envie de me tourner vers le livre voilà une dizaine d’années. Je fais également de la photographie, toujours sur des sujets historiques, et je donne parfois des conférences. J’ai également été très actif pour la promotion de la reconstitution historique, surtout médiévale, que je pratique depuis plus de vingt ans.

J’ai décidé voilà 5 ou 6 ans de me lancer dans un cycle de romans policiers au Moyen Âge, autour de la Méditerranée, surtout dans les territoires où se déroulaient les Croisades. Dans le troisième quart du XIIe siècle précisément. Je propose également des textes courts, Qit’a, qui prennent place dans cet univers, en périphérie et en marge des principaux récits. Ils sont publiés chaque mois sur mon site.

Tu publies aujourd’hui un roman d’aventures historiques, pourquoi le choix de ce genre ?

Je suis plongé dans l’univers des croisades depuis la fin de mes études et j’ai toujours eu envie d’en faire découvrir l’infinie richesse. C’est à chaque fois un crève cœur pour moi de constater la façon caricaturale dont elle est perçue. C’était ce qui avait motivé la création de mon premier magazine, Histoire Médiévale. Je suis en outre partisan d’une diffusion large des connaissances et la forme du roman d’aventure, du roman policier, me semblaient tout indiqués. J’en suis moi-même très amateur et il faut bien reconnaître que c’est là souvent la base de la culture historique de beaucoup de gens. L’enquête offre l’occasion de s’attacher aux humains, tout en mettant en valeur un ou deux aspects de la société.

Chouette ! C’est bourré d’Histoire ! Mais dis-moi, je peux emmener ton roman sur la plage sans me mettre à dormir ? Y’a une « histoire » avec un petit h ?

C’est là le cœur de mon travail : mettre en forme de façon attrayante toutes les informations que je dévore dans les articles et publications universitaires. Ce n’est que par la fictionnalisation, l’histoire avec un petit h, comme tu dis, que cela pourra se faire. Mes récits concernent des personnes inventées (pour la plupart), mais dont j’espère qu’elles sont des liens, des ami-e-s qui nous prennent par la main pour aller visiter leur monde. L’intrigue policière me donnait l’occasion d’avoir un cadre où faire cela, car j’étais inexpérimenté pour la rédaction de ce genre d’ouvrage. C’est ce qui m’a aidé à franchir le pas : j’avais des codes à respecter.

De façon générale, je ne suis vraiment pas amateur des livres où l’histoire est un décor plaqué sur un récit qui pourrait être moderne, comme peuvent l’être la plupart des films hollywoodiens, qui racontent toujours la même chose, au même rythme. Il me semble qu’il faut vraiment digérer longuement la documentation pour la faire sienne, et ensuite en nourrir son imagination. Il faut faire œuvre alchimique en quelque sorte. Ce n’est pas sans raison si le roman policier historique de référence est Le nom de la rose. Umberto Eco a longuement intériorisé tous les sujets dont il parle et les choses prennent vie sous sa plume sans qu’on ait l’impression de s’y confronter à du carton pâte. Bien au contraire, on en vient à oublier que Guillaume de Baskerville n’a jamais existé, pas plus que le manuscrit d’Adzo.

Cliquez sur la couverture pour aller télécharger et/ou acheter la version papier du Framabook.

Qu’est-ce qui t’attire donc dans ces siècles un peu obscurs ?

À dire le vrai, j’aime l’histoire de façon générale et j’ai choisi de me focaliser sur une courte tranche car on ne peut pas tout faire. Quoi qu’il en soit il me semble que cela m’a particulièrement attiré car j’ai le sentiment qu’il s’agit d’un siècle des possibles. Le monde est ouvert, bouillonnant, empli de symboles encore vivants, riches de potentiel. C’est à ce moment que le chœur de Saint-Denis est édifié, rien d’obscur là-dedans.

Mais c’est aussi une culture radicalement autre, même en Europe. Ils vivent dans un univers mental complètement étranger au nôtre, malgré la filiation que certains en tracent. De plus, en plaçant ma saga essentiellement au Moyen-Orient, j’augmente l’altérité. Mais en même temps, j’espère en faire percevoir toute l’humanité, les passions semblables, malgré les apparentes dissemblances.

Tu as dû te documenter assez longuement et de façon approfondie, est-ce parce que tu veux atteindre un certain réalisme ? Parce que tu as voulu donner un aspect documentaire au récit ?

Absolument. Cela fait partie selon moi du contrat passé avec lecteur : je me dois d’être le plus précis possible si je veux mériter le terme « historique ». À défaut d’une obligation de résultat, je me fixe une obligation de moyens. Je me tiens donc le plus possible au courant des dernières recherches (c’est pour cela que je fournis toujours une petite bibliographie). C’est aussi pour cela que j’indique le jour et le lieu précis de chaque scène, de façon à permettre de replacer chaque petit élément dans le cadre plus large de l’Histoire. Quand cela n’est pas fait, c’est juste pour ne pas trop en dévoiler au lecteur, pour les besoins narratifs.

Mais dans le wiki qui me sert à tracer tout cela, c’est noté précisément.

Tu décris des éléments de paysage, des odeurs, des couleurs qui permettent aux lecteurices de s’imaginer les lieux. Tu es allé dans les régions que tu évoques ?

En rêve souvent. Mais uniquement au XIIe siècle. Je n’ai malheureusement jamais eu l’occasion d’aller au Moyen-Orient, je ne connais l’endroit que par les textes des chroniqueurs et voyageurs, ainsi que grâce à quelques correspondants. Par contre, pour les scènes qui se déroulent en Europe, c’est souvent lié à des endroits qui me parlent personnellement : j’ai grandi à la Charité-sur-Loire, en Bourgogne, je vis désormais dans le Cantal (où passe mon héros Ernaut et d’où viennent certains personnages secondaires).

Jusqu’à quel degré de précision historique vas-tu ?

Aussi loin que mon temps et la documentation que j’arrive à m’offrir me le permettent. J’essaie par exemple de vérifier les quartiers de lune ou le prix des denrées quotidiennes aussi bien que l’origine des proverbes et dictons. Là encore, je ne prétends pas ne jamais faire d’erreur, mais j’essaie de les éviter au mieux en m’appuyant sur des travaux de recherche de spécialistes. Je dis souvent que je ne suis absolument pas historien (je n’en ai pas les méthodes ni les objectifs), mais je suis néanmoins un expert de cette période. Des amis universitaires sont d’ailleurs souvent enthousiasmés de voir que je donne vie à une hypothèse peu connue ou que je fais référence par sous-entendu à des aspects de leur spécialité de recherche. C’est aussi une façon de rendre hommage à leur travail de bénédictin, tout en servant de passeur vers le grand public.

Est-ce que c’est difficile de caser une intrigue dans la réalité historique si tu te donnes aussi peu de liberté ?

Bien sûr que non, c’est au contraire une formidable source de jouvence. J’ai des idées qui naissent à chaque lecture de charte ou d’article historique. Il y a tellement de blancs, de non-dits, de négligés de l’histoire qu’il y a largement la place pour que l’imagination s’y déploie, nourrie de ces informations. Je ne fais que proposer des liens, des relations, des symboles, qui unissent et mettent en valeur ce que je perçois de la réalité historique. C’est incroyablement libérateur.

L’époque des croisades te passionne. Dans le roman, tu relates les relations entre les cultures de l’époque en restant assez factuel, ton narrateur ne prend pas parti. Est-ce que tu penses comme d’autres (Amin Maalouf, par exemple) que cette période a durablement influencé le monde d’aujourd’hui ?

Bien sûr. C’est valable de toute période historique, mais ce qui est particulièrement vivace avec les Croisades, c’est que cela alimente des discours extrêmement politisés, aux extrêmes. Je ne cherche pas à l’idéaliser, je suis très heureux de vivre au XXIe siècle en France, mais ce n’est pas une raison pour n’y voir que des arguments utilisables a posteriori. Les individus qui vivaient à cette époque avaient leurs propres valeurs, leur vision du monde et leur humanité. Leur logique, pour autant qu’ils puissent en avoir une (quand on pense à soi, on se dit que la cohérence n’est pas notre fort), est interne à leur culture, leur civilisation, leur histoire personnelle. Je cherche avant tout à rendre cela sensible : ils sont, fondamentalement comme nous, tout en étant autre. Loin et proches à la fois.

C’est de là d’ailleurs que vient le terme qui désigne mon univers romanesque « Hexagora ». Cela fait référence à la théorie des 6 degrés de séparation (ou 7, ou 8, cela dépend) : nous sommes une chaîne de relations, et jamais très éloignés les uns des autres. Pour les curieux, je m’en explique un peu plus dans un court texte sur mon blog.

Ton roman historique est plein de rebondissements, des crimes et des énigmes, une trame largement policière… Quelles sont les lectures qui t’ont inspiré ou donné envie d’écrire dans ce genre ?

Je l’ai déjà cité, mais il y a bien évidement Le nom de la rose, qui constitue un canon du genre. Il y a ensuite la série des enquêtes de frère Cadfael, d’Ellis Peeters, qui se déroule au début du XIIe siècle, pendant la guerre civile anglaise. C’est aussi une référence classique. Dans les auteurs encore actifs, je suis un inconditionnel de Jean-François Parot, avec les enquêtes de Nicolas Le Floch, commissaire au Châtelet. Je suis admiratif de son talent d’écrivain et de sa capacité à lier la grande histoire, le quotidien des protagonistes et le déroulement du récit. J’ai récemment redécouvert les enquêtes du juge Ti, par Frédéric Lenormand. Là j’y apprécie l’humour féroce pour dépeindre une galerie de personnages d’une grande humanité.

J’ai essayé dans les premiers tomes de me frotter à plusieurs sous-genres : whodunit à la Agatha Christie, thriller plus contemporain dans son rythme ou polar à la française dans la lignée des Nestor Burma de Léo Malet. J’espère ainsi arriver à trouver mon style personnel, qui mélange au final un peu de tout ça, peut-être saupoudré d’Alexander Kent, qui ne fait pas dans le policier mais qui est un maître du roman d’aventure historique avec sa saga des Bolitho.

Au-delà des auteurs strictement policiers, j’ai beaucoup lu de SF et de fantasy quand j’étais jeune, avec Philip K. Dick et J.R.R. Tolkien à mon chevet. Du second j’ai gardé une tendance à vouloir brosser un univers complet, d’en faire un véritable protagoniste. Au final, mon héros, c’est Hexagora, encore plus qu’Ernaut.

Mais dis donc, ce premier roman d’un cycle, tu l’avais déjà publié ? Pourquoi as-tu voulu en faire un framabook ?

Oui, j’ai déjà été publié chez La Louve éditions, avec qui j’avais un contrat traditionnel. Les deux premiers tomes sont d’ailleurs encore disponibles chez lui dans le circuit des librairies (jusqu’à épuisement des stocks). J’ai souhaité en faire un Framabook car j’avais l’envie de publier sous licence libre. Je suis utilisateur de logiciels libres depuis pas mal d’années (sous Debian) et je m’intéresse à la culture libre, les communs, depuis très longtemps. Il m’a fallu du temps pour accepter le fait que je n’étais pas satisfait du système de l’édition traditionnelle.

Il y a tout d’abord la question de la licence, bien sûr, sur laquelle je reviendrai plus tard, mais c’est aussi que j’ai constaté que l’édition traditionnelle est génératrice de beaucoup de souffrance. J’ai eu la chance de n’y travailler qu’avec des gens que j’estime beaucoup professionnellement et personnellement. Des personnes de talent, travailleuses et compétentes. Ceci d’un bout à l’autre de la chaîne : éditeur, diffuseur, libraire… Au fil des ans, j’ai vu leur situation se dégrader, en même temps que la mienne, d’auteur, sans que personne n’arrive à expliquer pourquoi. Et puis un jour cela m’est enfin apparu : nous sommes devant une bêtise systémique. De là à se dire qu’il fallait changer de système, le pas était aisé. C’est ce que j’ai voulu faire. J’ai demandé à l’éditeur de mes romans s’il serait d’accord pour me redonner les droits sur mes textes (car, comme habituellement, il en détenait l’intégralité exclusive jusqu’à 70 ans après ma mort) et il a accepté. Je tiens à l’en remercier car ce n’est pas toujours si simple et amical. Cela a malgré tout demandé quelques mois pour se finaliser. Entretemps, j’avais contacté Framabook car j’avais envie de faire ce nouveau chemin avec des partenaires.

C’est un des aspects importants dans ce travail d’écrivain, de trouver les bons interlocuteurs avec qui avancer. Il est déjà extrêmement difficile d’accoucher d’un roman, et le faire sans assistance extérieure relève de l’audace la plus folle selon moi. Je crois vraiment qu’il est essentiel d’avoir un retour sur son travail et c’est la partie du métier d’éditeur qui ne pourra jamais disparaître, quel que soit le professionnel qui s’en chargera (c’est l’agent dans le monde anglo-saxon).

Pour revenir à la licence, j’ai longtemps réfléchi à ce rapport entre l’auteur et son œuvre, entre l’écrivain et ses lecteurs. La licence libre signifie un lâcher prise consubstantiel à l’acte d’écrire selon moi. Je fournis un écheveau de fils dont chacun fait sa trame et sa chaîne, pour en tirer sa propre étoffe. Difficile de placer une pancarte sur ce paysage mental signifiant « Ici c’est à moi ». J’ai finalement opté pour une licence intégrant le copyleft (CC BY SA précisément) car j’ai envie de voir l’écosystème se développer sans que des enclosures en naissent. Ce serait extrêmement frustrant pour moi de voir un rejeton issu de mon travail m’être interdit d’accès (ce que permettrait le BY ou CC0). De plus cela offre cette même protection à ceux qui souhaiteraient, à l’avenir, contribuer à l’univers d’Hexagora : le rapport sera toujours symétrique et inter-fécond.

Un lecteur de Yann avait compris son amour pour les manchots !

Il demeure la question de la rémunération dans notre monde pas idéal, et il est certain que les licences libres n’offrent pas de modèle économique avéré. Néanmoins, celui proposé aux écrivains de nos jours est boiteux et de plus en plus défavorable. C’est donc un saut de la Foi que je tente. Reste à voir si je volerai ou si je m’écraserai. J’ai mis en place une page d’appel au don, en complément du pourcentage que Framabook me reversera sur les ventes papier, le format électronique étant gratuit.

Et à ce propos, un des aspects importants du travail proposé par Framabook est la confection d’un ebook accessible au format epub. Je crois à ces nouveaux supports de lecture (que j’utilise volontiers), d’autant plus quand ils offrent, comme là, la possibilité de renouer avec un public jusqu’alors exclu. En s’efforçant de faire un fichier qui puisse être lu par des machines à braille ou vocalisé via le matériel adapté, Framabook permet d’accueillir en toute équité des personnes exclues par le simple support papier. Le numérique offre cette chance et peu d’éditeurs la saisissent. Après avoir vu le travail que cela représente, je comprends pourquoi d’ailleurs, ce n’est pas bénin en termes d’investissement. Cela demande des compétences pointues et beaucoup de temps pour ne laisser passer aucun détail.

Comment s’est déroulée la collaboration avec l’équipe de Framabook ? Ils ont pris leur temps hein ? Ils et elles étaient un peu pénibles non avec leurs couches de révisions multiples ? Comment tu as vécu ça ?

La collaboration s’est très bien passée, et c’est une des meilleures ambiances de travail que j’ai pu avoir, car les personnes qui ont travaillé sur mes manuscrits le faisaient sans être pressées par des impératifs externes. Uniquement par goût pour mon travail et envie de l’améliorer en vue d’en faire un bon récit, un beau livre ou un fichier epub de qualité. C’est extrêmement valorisant et motivant, cette recherche d’excellence. Elle est bien sûr présente dans l’édition traditionnelle, mais souvent amoindrie, voire carrément biffée -dans la douleur- à cause d’une course à la rentabilité imposée à tous.
Venant de la presse, je n’ai pas un rapport jaloux à mes écrits et j’essaie d’entendre ce que chacun m’en dit comme une occasion de l’améliorer, éventuellement (car il m’est arrivé de refuser des corrections). Avoir un comité de lecture bienveillant est une chance de progresser dans ce que j’appréhende comme un artisanat. Je dis souvent que ce n’est pas parce que je ne suis pas Victor Hugo que je dois m’interdire d’écrire. Cela veut dire aussi que je dois pratiquer, comme un musicien fait ses gammes ou un peintre ses esquisses, tout en échangeant avec mon public, pour nourrir mon travail. Là encore, c’est une relation de flux et de reflux.

Le long temps passé est en partie ma faute, car j’ai voulu voir si on pouvait améliorer les procédures de façon à simplifier le travail pour les prochains tomes (car oui, je ne vous l’ai pas dit mais c’est un cycle qui, je l’espère, va battre la comédie Humaine de Balzac en termes de volume). Au final, cela n’a pas débouché sur ce que j’espérais et il va falloir améliorer ça à l’avenir. Au passage, ce long délai m’a permis d’ailleurs de rejoindre l’équipe de Framabook pour que mes expérimentations servent sur d’autres projets, à terme. C’est dire comme l’accueil a été plus qu’agréable.

La suite de tes aventures d’écrivain avec Framabook ? D’autres projets ?

Énormément. Je prévois plusieurs dizaines d’enquêtes d’Ernaut, sur environ cinquante ans (jusque 1204 environ), la période que je connais le mieux. Les trois premiers tomes sont rédigés et j’espère qu’on pourra les sortir assez vite. Je viens par ailleurs d’obtenir une bourse d’écriture du Centre National du Libre pour le tome 4, dont le plan est fixé. Quelques pistes ont été tracées pour les tomes 5, 6 et 7 ainsi que des idées pour de futurs volumes, dans la décennie 1170 essentiellement. J’ai aussi environ 70 nouvelles qui attendent d’être mises en recueil, à propos de l’enfance du héros, d’histoires annexes aux romans, de personnages secondaires. Et je conserve sous le coude plusieurs récits « spin off » comme on dit qu’il me plairait bien d’écrire. Quelques destins de personnages historiques hors norme dont la consistance romanesque est considérable. J’ai même un synopsis de bande-dessinée et des envies sur d’autres médias… Donc si vous espériez un one-shot, c’est raté…

Le mot de la fin est pour toi.

En publiant sous licence libre, je fournis aussi tous mes textes au format source, le markdown, sur un dépôt avec les différentes versions de travail. Cela constitue un autre des avantages de la licence libre : mon processus de création est accessible et lisible. J’espère ainsi également promouvoir l’idée qu’il ne faut nul génie pour se lancer dans une activité artistique. Il faut surtout du travail et une bonne dose de témérité peut-être tellement l’ambition est grande. Mais ce qu’on en retire est absolument incroyable. Il en découle une liberté, un enthousiasme revivifiants.

J’aime aller à la rencontre du public pour parler de mon travail car j’ai envie de faire accepter cette idée que nous sommes tous artistes. Enfant nous le savons parfaitement, mais nous l’oublions en grandissant. Et puis lorsque le temps se met à l’orage, il me paraît essentiel de déployer ses mots, de bâtir sa parole, de construire son langage propre. Sans les mots, pas de rêve, et sans rêve, nul monde ne peut advenir de soi. Écrire, c’est résister mais aussi proposer, échanger, offrir. Personne ne devrait s’interdire cela.

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