Le SCÉRÉN CNDP : showroom Microsoft avec la complicité du Café pédagogique ?

Le « Tour de France du Numérique pour l’Éducation » est officiellement organisé par le Café pédagogique et le service public SCÉRÉN CNDP mais la présence plus ou moins discrète de Microsoft pose question pour ne pas dire problème.

Le Framablog en avait fait écho dès l’annonce de l’évènement dans un billet vindicatif : Tour de France du Numérique pour l’Éducation ou pour Microsoft ?

Pour aller plus loin nous avons décidé de rédiger un communiqué commun avec l’April demandant l’arrêt de l’opération en l’état actuel de son dispositif qui, pur hasard, fait comme si le Libre n’existait pas.

Et en cadeau bonus, une petite comparaison : La page d’accueil de Microsoft Education…

…et la page d’accueil du Tour de France !

Quelle étrange coïncidence 😉

Le service public d’éducation SCÉRÉN CNDP est-il le nouveau showroom de Microsoft avec la complicité du Café pédagogique ?

Paris, le 12 mars 2013. Communiqué de presse.

Le Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP) en collaboration avec le Café pédagogique organise une opération nommée « Tour de France du Numérique pour l’éducation »1. Officiellement un « tour de l’Hexagone en 20 étapes pour découvrir les meilleurs projets numériques au service de l’éducation », en réalité une tournée au profit de Microsoft partenaire de l’opération et soutien du Café pédagogique2. L’April et Framasoft demandent que cette opération soit sérieusement amendée en faisant toute la place nécessaire aux logiciels libres et ressources libres pour l’éducation. Des agents de l’État étiquetés « innovants » par on ne sait qui , un service public d’éducation ne peuvent servir de caution morale et pédagogique à une opération qui a pour effet collatéral de contribuer à enfermer élèves et personnels dans un écosystème propriétaire et fermé avec de l’argent public.

Une vision du « numérique » à l’école éloignée de la réalité

Une des principales animations de ces évènements est constituée de « démonstrations des dernières innovations technologiques : tablettes Windows 8, plateformes de communication et collaboration (visio conférence, chat, réseaux sociaux…), expériences immersives grâce à de nouveaux terminaux comme la table Pixelsens… »3 par Microsoft. Au lieu d’une présentation d’une variété de solutions existantes, les évènements sont centrés sur la présentation commerciale unique des produits Microsoft.

Ainsi, aucune place n’est faite pour le logiciel et les ressources libres dans l’éducation, alors même qu’ils en font partie intégrante. De nombreux professeurs, associations et entreprises développent des ressources et des logiciels libres pour l’enseignement4. Si certaines personnes s’en sont émues, présenter la diversité des solutions ne semble pas être la priorité de ces évènements.

Pourtant, l’enseignement et l’Éducation nationale ont beaucoup à gagner du logiciel et des ressources libres. D’abord parce que la mission d’enseignement dévolue aux professeurs est, par définition, basée sur le partage de connaissances. Dans l’intérêt de ses élèves, un professeur doit avoir la possibilité d’utiliser, d’étudier, de modifier, de mettre à la disposition de tous logiciels ou ressources éducatives. Pour fluidifier les échanges, la mutualisation, on se doit d’utiliser des formats de fichiers ouverts et interopérables. Les logiciels et ressources utilisés à l’école doivent pouvoir être utilisés librement au domicile par les élèves, les étudiants ainsi que leurs familles. Le libre est moteur sur ces aspects et en phase avec ces valeurs fondatrices pour l’école de la République.

Le modèle présenté par cette caravane est basé au contraire sur un bridage de l’innovation avec des modèles passéistes basés sur des licences privatrices et restrictives 5, des formats de fichiers propriétaires et fermés voire des brevets sur de la connaissance. Il est donc surprenant et inquiétant de voir le service public se faire le porte-parole de ce seul modèle, en excluant clairement le logiciel libre et les ressources libres pour l’éducation.

Ces étapes se déroulent en grande partie dans les Centre Régionaux de Documentation Pédagogique (CRDP). Fort opportunément pour la campagne de marketing de Microsoft, ils sont dirigés par des personnels qui sont souvent aussi les conseillers TICE6 auprès du recteur d’Académie. Voilà une bonne occasion de présenter ses produits directement auprès des décideurs académiques dans leurs propres locaux. D’ailleurs, les commerciaux de Microsoft Éducation ne se cachent même pas, sur un réseau de micro-blogging, on lit de leur part : « Inscrivez-vous dès à présent à l’une de nos 21 étapes ! »7. On appréciera le pronom possessif.

Le Café Pédagogique, cheval de Troie de Microsoft dans l’éducation ?

Le groupe éducation de l’April et Framasoft s’interrogent depuis longtemps sur les liens entre le Café Pédagogique et Microsoft8. Rappelons que le Café pédagogique représente une source d’information pour de nombreux enseignants, personnels de direction ou décideurs académiques9. Pourtant, on peut s’interroger sur la partialité des informations diffusées notamment dans le domaine des TICE. De fait, on constate que depuis la mise à jour du site réalisée par Microsoft 10, on fait très peu de cas des projets libres, pourtant nombreux, dans la revue quotidienne du Café pédagogique alors que les nouveautés des produits Microsoft sont quant à elles bien mises en avant11.

Selon Rémi Boulle, vice-président de l’April en charge des questions d’éducation : « le Café Pédagogique et Microsoft n’ont pas le monopole de l’innovation dans l’éducation. Un enseignant n’est pas innovant parce qu’il utilise une tablette sous Windows 8 et sait remplir un court dossier de candidature au format Word. Au contraire, il serait urgent de définir ce qu’est précisément l’innovation et ses objectifs : simple promotion commerciale ou ouverture de nouvelles connaissances et possibilités pour les élèves en développant leur esprit critique ? ».

Selon Alexis Kauffmann de Framasoft : « L’expression “enseignant innovant” dérive directement du programme mondial “innovative teachers” de Microsoft12. Le Café pédagogique n’a fait que répondre à la demande de son généreux sponsor en la popularisant, tout en prenant bien soin de taire son origine. Tout ceci n’est qu’un échange de bons procédés entre amis, malheureusement au détriment du développement du logiciel libre, des formats ouverts et des ressources libres dans l’éducation. C’est pour cela que le SCÉRÉN CNDP ne doit pas dérouler le tapis rouge13 à un tel projet mais bien au contraire se montrer critique vis-à-vis des risques de marchandisation de l’école par le logiciel propriétaire, ses pratiques et ses logiques. »

L’April et Framasoft demandent donc au CNDP l’arrêt de cette opération ou, à défaut, qu’elle soit sérieusement amendée pour que toute la place nécessaire aux logiciels libres et ressources libres pour l’éducation soit faite.

À propos de l’April

Pionnière du logiciel libre en France, l’April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l’espace francophone. Elle veille aussi, dans l’ère numérique, à sensibiliser l’opinion sur les dangers d’une appropriation exclusive de l’information et du savoir par des intérêts privés.

L’association est constituée de plus de 5 500 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.

Contacts presse :

Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82

À propos de Framasoft

Issu du monde éducatif, Framasoft est un réseau d’éducation populaire consacré principalement au logiciel libre et s’organise en trois axes sur un mode collaboratif : promotion, diffusion et développement de logiciels libres, enrichissement de la culture libre et offre de services libres en ligne.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.framasoft.org/ et nous contacter par notre formulaire de contact.

Contact presse :

Alexis Kauffmann, fondateur et chargé de mission, aka@framasoft.org +33 6 95 01 04 55




Un salon de beauté conçu avec Blender et Cycles (en lieu et place de 3ds Max)

Dans le milieu du design et de la CAO, la part belle est encore trop souvent faite aux logiciels propriétaires.

Mais il n’y pas que 3ds Max & co dans la vie logicielle. On peut faire tout aussi bien, voire mieux, avec le libre Blender et son moteur de rendu Cycles.

C’est que ne nous prouve par l’exemple cet entretien du talentueux ukrainien Igor Shevchenko.

Backstage - Blender

Un salon de beauté conçu et visualisé grâce à Blender et Cycles

Beauty salon designed and visualized with Blender and Cycles

Alexandre Prokoudine – 25 février 2013 – LibreGraphicsWorld.org
(Traduction : Alpha, Max, KoS + anonymes)

Parmi toutes les choses intéressantes qui sont réalisables à l’aide de logiciels libres, ce que LGW aime faire le plus, c’est produire un travail commandé qui soit reconnu. Parlons d’un cas particulier, celui de l’utilisation de Blender et Cycles pour la visualisation d’architectures commerciales.

Je suis récemment tombé sur ce travail sur Behance (NdT : une plateforme de partage de projets de design pour les professionnels) et je n’ai pas pu résister à l’envie de contacter Igor Shevchenko, son auteur.

Igor travaille pour une entreprise ukrainienne appelée « Magis ». Il s’occupe de la modélisation, du texturage et du rendu d’intérieur. « Backstage », le salon de beauté en question, est un véritable établissement qui a ouvert à Kiev en septembre 2012.

Igor, s’agit-il de ton premier projet sérieux réalisé à l’aide de Blender ? Le reste de ton album sur Behance semble porter les étiquettes de 3DS Max, Adobe Photoshop et d’autres logiciels du même genre.

Oui, c’est vrai, c’est le premier vrai projet que l’on m’a commandé et que j’ai réalisé avec Blender. J’étais vraiment curieux de savoir s’il allait être possible de réaliser un tel projet uniquement avec un logiciel libre et de voir les difficultés auxquelles on pouvait s’attendre. Lorsque j’ai commencé à travailler sur le projet, j’ai eu peur que ma connaissance de Blender ne soit pas suffisante pour le mener à bien et de devoir retourner sous 3DS Max. Ça ne s’est pas produit.

Combien de temps cela a-t-il pris ?

Le travail sur le design intérieur a été fait en 3 mois. Mais les rendus du portfolio pour Behance ont été une toute autre affaire. Je suis parti de rien, surtout pour Behance.

Vraiment ?

L’année dernière, en novembre, notre administrateur système m’a demandé de lui envoyer quelques rendus de ce que j’avais fait avec Blender. Il souhaitait les montrer à un ami qu’il tentait de convaincre que Blender était en fait un outil très correct. J’ai donc fouillé parmi mes fichiers et je fus horrifié de constater que je n’avais aucun rendu lissé. J’ai alors décidé de repartir de zéro pour refaire les rendus du projet « Backstage ».

Attends, donc tu n’as pas fait ces visualisations pour le client ?

Le client ne voulait pas des rendus de haute qualité dans un premier temps. Nous avons juste fait le design et décrit le reste avec des mots.

OK, donc de combien de temps as-tu eu besoin pour réaliser la version portfolio du projet ?

Je n’avais aucune date limite, ça ne pressait donc pas, je l’ai fait pendant mon temps libre. Je pense qu’en m’y mettant et en ne faisant rien d’autre, ça m’aurait pris une journée pour faire la modélisation, une autre pour peaufiner les détails et encore une autre pour effectuer le rendu global.

Backstage - Blender

D’où vient ton intérêt pour Blender ?

Il y a environ trois ans, j’ai fini par en avoir marre d’utiliser 3DS Max, j’ai donc commencé à chercher des alternatives. J’ai d’abord essayé Maya et Cinema 4D et j’ai opté pour Maya. Cependant, je me suis rendu compte que soit je n’arrivais pas à trouver le temps pour apprendre à l’utiliser, soit il ne me convenait pas. Peut-être un peu des deux.

J’ai fini par revenir à 3DS Max, faute d’autre chose. Notre administrateur système, qui est un grand adepte du logiciel libre m’a suggéré d’utiliser Blender, mais il s’agissait de la version 2.49 que je n’ai vraiment pas appréciée.

Fin 2011, j’ai lu un article sur « Sintel » le film libre, je l’ai alors regardé. J’ai adoré à la fois l’histoire et les visuels, j’ai donc donné une seconde chance à Blender : j’ai téléchargé une version plus récente et je me suis mis à lire les tutoriels d’Andrew Price, j’ai alors commencé à comprendre comment ce logiciel fonctionnait.

Puis, Cycles est arrivé, et ça a achevé de me convaincre. Mi-2012, j’étais déjà en train de réaliser des petits projets avec Blender, puis « Backstage » est devenu le premier grand projet pour lequel je m’en suis servi. Ça n’a pas été facile, mais je ne suis pas déçu. Avant je considérais que les logiciels libres performants ne pouvaient pas exister. Blender est une exception remarquable dans ce domaine.

L’un dans l’autre, une expérience positive ?

Oui. Mes collègues ont remarqué que je travaillais plus rapidement. Blender a une logique réellement différente, pas comme dans 3DS Max :

  • manipulation d’objets,
  • personnalisation facile de l’interface,
  • approche différente de la modélisation de polygone,
  • paramétrage nodal des matériaux,
  • traitement « post-processing » intégré,
  • modificateurs (il n’y en pas beaucoup, mais ils sont très efficaces pour accélérer le processus de modélisation),
  • raccourcis clavier (il y en a beaucoup et ils améliorent grandement mon efficacité).

Blender possède des fonctionnalités sans lesquelles je ne m’imagine pas travailler aujourd’hui. 3DS Max n’en possède pas autant.

Cette liste pourrait s’allonger mais le plus important est que Blender est tout simplement mon type d’application.

Et Cycles ?

Cycles est un formidable moteur de rendu. J’ai récemment implémenté le matériau caoutchouc dans 3DS Max pour les pneus, et c’était vraiment la misère : paramétrage, rendu, paramétrage, rendu ainsi de suite… Dans Cycles, j’ai juste ajusté les paramètres et vu le résultat immédiatement.

Vois-tu une utilité au moteur de rendu interne de Blender dans ton travail quotidien ?

Non, c’est plutôt inutile en ce qui me concerne.

Est-ce que l’aspect libre et gratuit, en plus de la faible taille du fichier à télécharger a joué un rôle ?

Tout à fait. À plusieurs reprises, j’ai eu besoin de télécharger Blender lors d’un rendez-vous avec un client sur son ordinateur (5 minutes), de le lancer (2 secondes) et de travailler sur un projet. Ça fait une grande différence.

Au vu de tout ça, est-ce que l’un de tes collègues a déjà eu envie d’utiliser Blender ?

Non, et je ne m’attends pas à ce qu’ils le fassent. Soyons réalistes, la seule façon pour que cela arrive, c’est de les forcer à l’utiliser, et rien de bon n’en sortira. En réalité, les gens n’ont soit pas le temps, soit pas l’envie d’apprendre de nouvelles choses, et certains ne savent même pas que des alternatives existent.

Quels types de difficultés as-tu rencontrés lorsque tu travaillais avec Blender sur le projet « Backstage » ?

Le principal défaut de Blender est que la phase de développement actif a commencé assez récemment et beaucoup de fonctionnalités de base ne sont pas encore présentes. Il y a aussi les problèmes de compatibilité avec les formats de fichiers : c’est difficile d’ouvrir des fichiers Blender dans AutoCAD et dans 3DS Max, c’est même quasiment impossible.

As-tu rencontré des problèmes purement techniques avec Cycles ? Quelque chose qui manque ?

J’ai un peu de mal à me rappeler ce qui manque. De manière générale, les fonctionnalités compatibles par défaut dans les autres moteurs de rendu. La gestion des fichiers IES (NdT : qui gèrent la répartition de la lumière) en faisait partie il y a peu, mais ça a été résolu.

D’un autre côté, j’ai trouvé des méthodes parfaitement fonctionnelles pour contourner la plupart — sinon toutes — des fonctionnalités manquantes. La seule chose que je n’arrive pas à contourner c’est que Cycles est plutôt inutile sans une carte graphique chère.

Penses-tu que la fréquence des mises à jour de versions interfère avec les méthodes de travail en entreprise ? Les studios seraient plus enclins à n’utiliser que des mises à jour importantes et à ne les mettre à jour que pour corriger les bugs, c’est assez connu.

La fréquence d’apparition des nouvelles versions semble être une des principales particularités des logiciels libres. Je pense qu’en réalité, Blender en tire profit, parce qu’il reste beaucoup de choses à faire.

En plus, Blender a une bonne compatbilité ascendante et, de cette manière, rien n’empêche un studio de se limiter à une version particulière et à l’utiliser pendant quelques années.

Backstage - Blender

La galerie complète du projet « Backstage » est disponible sur Behance.




7 raisons pour ne pas utiliser les tablettes dans l’éducation

Une récente passe d’armes sur le bien fondé d’offrir des iPad à des collégiens en Corrèze avait fait couler beaucoup d’encre dans les commentaires du Framablog.

Nous récidivons aujourd’hui en laissant de côté les arguments du libre pour se concentrer uniquement sur la pertinence de la tablette en milieu scolaire.

Urban Hippie Love - CC by-sa

Trop cool pour l’école : 7 raisons pour lesquelles les tablettes ne devraient PAS être utilisées dans l’enseignement

Too cool for school: 7 reasons why tablets should NOT be used in education

Donald Clark – 24 février – Blog perso
(Traduction : Moosh, Max, DansLeRuSH, CedricA, Sphinx, Mila Saint Anne, Catalaburro, VifArgent, goofy, @paul_playe, Miles, Alpha + anonymes)

Est-ce que les élèves en achètent ? NON

J’écris ceci sur un netbook. J’ai un iPad mais je ne rêve pas de m’en servir pour faire des recherches, prendre des notes, écrire ou pour mon travail. Je m’en sers à la maison comme une sorte de matériel de découverte, davantage pour « chercher, regarder et découvrir » que pour « écrire, créer et travailler ». Mes enfants ne s’en servent jamais. Quand je leur demande si certains de leurs camarades en ont acheté, ça les fait rire. De toute façon, « pour le même prix on a des ordinateurs portables ». Ils veulent un truc pour aller sur Facebook, lire leurs courriels, éditer du son ou de la vidéo, jouer, programmer et télécharger. Sur mes deux garçons, l’un a un MacBook, l’autre un PC survitaminé. Je ne m’en sers jamais dans la mesure où j’ai surtout besoin d’écrire et de communiquer — c’est simplement trop malcommode et limité.

Est-ce que les étudiants en achètent ? NON

Que ce soit à l’école, au lycée ou à l’université, il semble que les jeunes préfèrent les ordinateurs, que ce soit pour prendre des notes, écrire des devoirs ou autres choses. Ils veulent la souplesse d’un ordinateur complet, pas un appareil qui ait un look sympa. Les tablettes n’ont pas envahi nos bibliothèques. Les étudiants font des recherches, communiquent et, par-dessus tout, ont besoin d’écrire des quantités non négligeables de texte, voire de code. Les tablettes ne le font pas pour eux.

Est-ce que les employés s’en servent ? NON

Et puis il y a l’entreprise. Je n’ai pas encore vu une entreprise qui ait décidé de généraliser les iPad ou des tablettes si ce n’est pour des raisons ésotériques tournant autour de leur image de communicants. Encore une fois, les gens au travail veulent un ordinateur complet et connecté qui leur permet de faire des tâches fonctionnelles rapidement. Quand je vois des iPad sur un lieu de travail, ils sont généralement entre les mains de personnes d’un certain âge qui prennent des notes (lentement) avec un seul doigt, qui se débattent pour télécharger des documents et des feuilles de calcul et qui sont souvent les mêmes qui demandent une copie papier de tous les documents de travail avant la réunion. Un netbook à 299 £, pas de papier : ça me satisfait.

Alors pourquoi cet engouement pour les tablettes et les iPad dans les écoles ?

Mis à part ces motivations d’achat, pourquoi cette obsession des iPad ? Je n’ai pas été séduit et je n’achèterai pas le package. Si comme moi vous considérez que l’enseignement doit faire émerger des individus autonomes qui peuvent construire une vie dans laquelle ils se sentent en confiance avec la technologie, acquièrent des compétences grâce à elle et en retirent le maximum à la maison ou au boulot, alors un iPad ou une tablette est un mauvais choix et voici selon moi pourquoi…

1. L’écriture

La capacité à écrire se retrouve au cœur de l’éducation primaire, secondaire et supérieure. Les enfants ont besoin d’être encouragés à beaucoup écrire pour apprendre, que ce soit en prenant des notes, en rédigeant des devoirs, des rapports, des manipulations de données, des écrits d’invention ou des dissertations. Les claviers des écrans tactiles sont inconfortables avec des taux d’erreur élevés et la manière de sauvegarder, travailler en réseau, ou d’imprimer est tortueuse. On revient à l’ardoise victorienne, voire bien pire en fait. J’en possède une et je trouve qu’il est plus facile d’écrire sur cette ardoise plutôt que de taper sur un iPad. Fait intéressant, en leur fournissant un appareil si hostile à la création de l’écriture, vous pouvez faire passer l’envie d’écrire aux élèves débutants. Répondre à cela en disant qu’il est possible d’acheter des claviers pour les tablettes revient à admettre une défaite. C’est répondre que les tablettes ne fonctionnent que si vous les transformez en ordinateur. À quels coûts supplémentaires ?

2. La créativité

Les tablettes sont faites pour consommer du contenu, les ordinateurs (portables) permettent la création de contenus. Ce n’est pas parce que les choses sont belles sur un iPad qu’elles sont faciles à faire avec celui-lui. Les outils de création dans la plupart des domaines de l’art et du design sont très différents des outils de diffusion. Essayez d’utiliser Photoshop, Illustrator ou encore 3D Studio sur une tablette. Essayez de faire une sélection pixel par pixel, d’utiliser des calques, de faire des ajustements précis. L’écran n’est tout simplement pas assez grand pour ce genre de travail. C’est un appareil que l’on tient à la main, pas un outil de travail. Les tablettes sont rares dans le monde du travail où l’écriture demeure nécessaire. La maîtrise du clavier et les compétences sur d’autres appareils dont vous pouvez avoir besoin dans la vraie vie ont peu de chances d’être acquises grâce à l’iPad.

3. L’informatique, les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), la programmatue je passe ion

Peu importe le but de l’apprentissage de l’informatique, de la programmation ou des technologies de l’information à l’école, je ne pense pas que l’iPad ou les tablettes soient appropriés. Apprendre à manipuler un tableur sur un iPad est pénible. Vouloir apprendre à programmer avec, ridicule. Quelle personne sensée voudrait utiliser une interface tactile pour programmer, ce qui implique beaucoup d’écritures détaillées, supprimant, ajoutant des lignes, aussi bien que dans un environnement plus ouvert ?

4. Un appareil de consommation, pas d’apprentissage

Par-dessus tout, un iPad est un outil de consommateur, fait pour lire et pas pour écrire. Il a un rôle à jouer dans les apprentissages, particulièrement au niveau pré-scolaire pour les tout-petits, mais au-delà, il n’y a pas d’argument sérieux pour justifier un investissement de grande ampleur dans ce genre de matériel. La meilleure preuve en est que quand les élèves ou les étudiants s’équipent en informatique, ils n’achètent pas de tablettes. Ils achètent des ordinateurs de bureau, des netbooks ou des ordinateurs portables.

5. Inadéquation avec les besoins des enseignants

Il y a l’exemple d’une école qui avait échangé ses ordinateurs portables contre des tablettes, et qui souhaite aujourd’hui faire machine arrière. « La salle des profs se lamente », car les problèmes pédagogiques sont évidents. D’un point de vue technique, les enseignants ont vécu cela comme un cauchemar. La plupart des enseignants et le matériel pédagogique qu’ils utilisent s’appuient sur Word et PowerPoint, et l’utilisation de tablettes a entraîné des problèmes d’incompatibilité. Certains professeurs ont dû faire héberger leur contenu à l’extérieur de l’établissement, ce qui a posé des problèmes d’accès aux ressources. Il y a également des problèmes d’affichage avec l’écran au format 4:3 des iPad, des problèmes d’accès à Internet au travers des proxy. Mais le principal problème reste la capacité de stockage et le manque de ports USB. Cela implique l’utilisation de procédures plus complexes, comme par exemple l’usage de DropBox et de tous les problèmes afférents. Les tablettes ne sont pas des outils adaptés aux enseignants. Sans une véritable connaissance des logiciels et des besoins des enseignants, il n’y a aucune plus-value pour les apprenants.

6. Le prix élevé

Les iPad sont chers à l’achat et à l’entretien, et sont compliqués à mettre en œuvre en termes de réseau et de périphériques. Ils sont conçus pour être utilisés à la maison et non à l’école, dans les laboratoires ou les salles de classe. Ce constat a été dressé par l’Honnywood Community Science School, une école qui vient tout juste de se créer, qui a acheté 1200 iPad pour un montant de 500000€ , dont la moitié sont maintenant inutilisables. Il existe donc une réelle interrogation sur la solidité de la technologie à l’école et dans les sacs des élèves, où ces équipements sont malmenés, tombent et sont rayés. Pire encore, 20% de ceux qui ont été envoyés en réparation en sont à leur deuxième ou troisième retour au SAV. Bien qu’il ait été demandé 50€ aux parents par tablette, ces dernières coûtent en réalité 450€ et les élèves ne semblent pas prendre particulièrement soin de quelque chose qu’ils n’ont pas acheté. Le coût final, quand on ajoute les réparations, est encore plus élevé que prévu.

7. Des projets vaniteux

Une personne très bien informée, ayant participé à une réunion dans les hautes sphères du gouvernement qui a décidé d’introduire les tablettes à l’école, m’a dit que cela avait été pénible et bordélique. Les tablettes, données par une entreprise informatique, furent bien livrées à l’école, où le chef de l’établissement les dissimula aux autres enseignants. C’est exactement comme cela qu’il ne faut PAS introduire les nouvelles technologies dans les écoles : acheter des appareils à la mode en grande quantité, les distribuer dans de belles boites et espérer que tout ira bien. C’est le danger avec ces projets fondés sur des tablettes, nous nous basons rarement sur une analyse poussée pour choisir la technologie la plus appropriée, nous avons plutôt tendance à nous baser sur le fait qu’Apple est à la mode ou sur les conseils des fans de cette marque. Nous devons éviter de faire comme tout le monde et de mettre en place des projets prétentieux qui présupposent que ce qui est cool pour les consommateurs adultes sera cool pour l’école.

J’ai passé toute ma vie d’adulte à encourager l’adoption des technologies dans l’enseignement mais je veux être sûr qu’on ne se tire pas une balle dans le pied avec des projets qui n’ont pas pris en compte les sept points ci-dessus. Pour être honnête, je ne suis pas du tout certain du bien-fondé d’une technologie imposée aux salles de classe. Laissons les enseignants enseigner et, si vous introduisez ce genre de choses, réservez plutôt une bonne part du budget à leur formation.

Conclusion

Une bonne technologie a toujours du style, et les iPad en ont à revendre, mais c’est un style qui attire les adultes, pas les enfants. Je peux comprendre l’utilité des tablettes pour des jeunes enfants, de 3 à 9 ans, et peut-être ayant des besoins spécifiques. Mais une fois acquis les rudiments, les iPad sont un luxe que les écoles ne peuvent pas se permettre. Ils ne sont pas non plus souhaitables, au regard de l’apprentissage que dispensent les écoles à grande échelle. Ces initiatives sont souvent menées avec un but technologique et non pédagogique.

Remarquez que tout cela ne constitue pas une attaque contre les iPad et les tablettes. J’en ai acheté une et je trouve ça bien. C’est un ensemble d’arguments contre leur utilisation dans l’enseignement. Les élèves à l’école, au lycée et à l’université ne les achètent pas avec leur argent. Pas plus qu’il ne les utilisent lorsqu’ils en ont le choix. Même s’ils étaient fournis, ces outils sont largement inadaptés à l’écriture, aux besoins de l’informatique, des technologies de l’information, de la programmation ou encore des autres tâches lors du cursus scolaire. Cela est principalement lié au fait que ce sont des appareils de consommation, passifs et non pas actifs, utilisés pour lire et non écrire, avec une mise en avant de la consommation et non de la création. Ils ne sont certainement pas adaptés à l’éducation.

P.S. : Je suis conscient de passer peut-être à côté de quelque chose mais j’ai hâte de voir les recherches sur les améliorations effectives dans les acquisitions, par opposition aux enquêtes qualitatives et aux questionnaires.

Crédit photo : Urban Hippie Love (Creative Commons By-Sa)




Pas de bol : quand les Américains nous copient c’est pour notre Hadopi !

Riposte graduée, sécurisation de son réseau, oubli systématique du copyleft, répression qui s’accompagne d’une prévention propagande… les Américains sont sur le point de lancer leur propre Hadopi, qui porte le nom chantant de Copyright Alert System.

Pourtant on ne peut pas dire que ce soit un franc succès chez nous, n’est-ce pas Monsieur Lescure ?

Ici comme ailleurs, de grands mais vains efforts pour transformer la « génération du partage » en une « génération pirate » !

Martin Fisch - CC by-sa

La propagande du copyright s’offre un nouvel acteur : votre fournisseur d’accès à Internet (FAI)

The Copyright Propaganda Machine Gets a New Agent: Your ISP

Corynne McSherry – 25 février – EFF.org
(Traduction : Moosh, goofy, Alpha, LGT + anonymes)

Voilà un moment qu’on le redoutait, la machine de surveillance du copyright connue sous le nom de Copyright Alert System (CAS) est finalement en marche. Le CAS est un accord entre les plus grands fournisseurs de contenus et les principaux fournisseurs d’accès (FAI) qui vise à surveiller les réseaux de peer-to-peer pour détecter la violation de copyright et sanctionner les abonnés supposés coupables par des rappels à l’ordre « éducatifs » voire une réduction importante de la vitesse de connexion.

Pour preuve de ce lancement, le centre d’information sur le copyright (Center for Copyright Information ou CCI), qui administre le programme, a refondu son site web. Ce site est censé contribuer à la sensibilisation des internautes sur le système et le copyright. Malheureusement, le site est rempli de signes qui indiquent que cette campagne va dériver.

Par exemple, concernant le processus de ciblage des utilisateurs, le site explique :

Avant d’envoyer une nouvelle alerte, un processus rigoureux permet de s’assurer que le contenu concerné est bel et bien protégé par un copyright et que la notification est envoyée au bon abonné.

Le simple fait que le contenu soit soumis à copyright ne signifie pas que son partage soit illégal. Il serait préférable d’avoir un processus rigoureux afin de s’assurer que l’utilisation identifiée constitue bien une violation. Il serait encore mieux d’avoir un processus qui soit approuvé par une entité parfaitement indépendante, suivi d’un examen public du résultat global.

Et puis il y a ces quelques pépites :

La CCI encourage tous les utilisateurs à sécuriser leurs réseaux privés, mais c’est encore plus important pour ceux qui ont reçu un avertissement à la violation de copyright (Copyright Alert).

En d’autres termes, si vous recevez un avertissement vous feriez mieux de verrouiller votre réseau, et vite. Comme nous (NdT : l’Electronic Frontier Foundation) l’avions expliqué, il semble que cela ait pour objectif de saper le mouvement pour un Wi-Fi ouvert, même si l’accès libre sans fil est largement reconnu comme bénéfique au public.

La responsabilité incombe aux abonnés de s’assurer que leur accès Internet n’est pas utilisé pour violer le copyright.

Pas tant que ça, au moins, pas d’après les lois pour le copyright, pas tant que des conditions supplémentaires ne sont pas remplies. Nous n’avons pas souhaité faire partie de la brigade de surveillance du copyright, mais si votre FAI a signé l’accord (AT&T, Cablevision, Comcast, Time Warner, and Verizon), vous avez souscrit à cette surveillance.

Et puis on retrouve les abus classiques et orientés de leur approche du copyright :

Quand vous créez un poème, une histoire ou une chanson, elle vous appartient, et personne d’autre ne peut s’en servir sans votre permission.

Encore raté : grâce au principe de l’usage raisonnable (fair use) d’autres personnes peuvent utiliser les œuvres que vous créez de différentes façons. C’est grâce à cela que nous sommes assurés du bon usage du copyright, permettant ainsi la créativité et l’innovation plutôt qu’une entrave.

Tout aussi inquiétant : le site du CIC renvoie les utilisateurs vers la Copyright Alliance pour en apprendre plus sur l’histoire du copyright. La Copyright Alliance est loin d’être une « ressource » neutre – il s’agissait de l’un des principaux acteurs du combat pour faire voter SOPA et elle reste un fervent défenseur du copyright tout-puissant.

En conclusion, le CIC entrera probablement en partenariat avec iKeepSafe pour développer un cursus sur le copyright au sein des universités publiques de Californie. Qui pourrait s’appeler « Sois un créateur : la valeur ajoutée du copyright ». Basé sur ce que l’on voit venir depuis longtemps, ce cursus devrait pouvoir aider les plus jeunes à comprendre les enjeux du copyright. Par ailleurs, cela apprendra aux plus jeunes comment les droits sur la création peuvent être acquis et les étapes de vérification avant l’utilisation de la création de l’œuvre.

Loin de nous l’idée de faire notre propre publicité, mais l’EFF a développé un cours visant à expliquer ce que la loi sur le copyright permet et interdit, et qui, nous l’espérons, encourage les étudiants à réfléchir de manière critique sur la créativité, l’innovation et la culture. De plus, il est sous licence CC (Creative Commons), ainsi, le CIC ne devrait pas hésiter à s’en servir, ça lui économisera du temps et de l’argent.

Dans le même temps, nous sommes déçus, pour ne pas dire désagréablement surpris, de l’approche du CIC en matière de surveillance et d’éducation. Suivez-nous pour plus d’informations à venir sur le CAS et ce que vous pouvez faire pour vous y opposer.

Crédit photo : Martin Fisch (Creative Commons By-Sa)




Les lunettes Google Glass ou la fin définitive de notre vie privée ?

Google Glass c’est le projet Google de lunettes révolutionnaires à réalité augmentée. On nous promet leur commercialisation avant la fin de l’année. Une vidéo spectaculaire a été publiée récemment. Si vous ne l’avez pas encore vue, nous vous invitons à le faire car vous allez mieux comprendre la traduction qui suit.

Bientôt donc vous retrouverez quelque part avec des gens qui porteront ces lunettes. À tout moment, ceux-ci peuvent vous filmer à votre insu et mettre en ligne en temps réel la vidéo sur YouTube, non sans qu’un système automatisé de reconnaissance faciale et de tags vous ait peut-être identifié au passage !

Ce n’est plus de la science-fiction et comme Google n’est pas une entreprise philanthropique, on imagine sans peine l’impact majeur d’une telle innovation sur notre vie privée et le devenir de nos données personnelles.

Max Braun - CC by-sa

Gare aux Google Glasses !

Watch Out for Google Glasses

Anton Wahlman – 25 février 2013 – TheStreet.com
(Traduction : jtanguy, 3wen, Benoît, Jeanba88, misterk, goofy + anonymes)

D’ici la fin de cette année, notre société va subir un changement très particulier, qui va susciter beaucoup de controverses. La cause ? Les Google Glasses.

Les Google Glasses vont impacter les comportements sociaux dès leur mise en circulation. Au moment où vous les apercevez, vous savez que vous pouvez être filmé. Et les gens n’aiment pas être filmés.

Bien sûr, tous les smartphones peuvent enregistrer des vidéos et prendre des photos. Mais vous savez quand ça arrive. Vous n’avez pas constamment l’impression que tout le monde autour de vous est en train de vous filmer sous tous les angles. Vous les voyez faire quand ils le font.

Les Google Glasses sont différentes. Au-delà des photos et des vidéos, qu’advient-il de ces données ?

Imaginons que je sois derrière le guichet d’une entreprise : banque, restauration rapide, guichet d’enregistrement à l’aéroport, peu importe. Mes Google Glasses pourraient afficher le numéro de sécurité sociale, le casier judiciaire, la présence sur les réseaux sociaux, etc. de la personne en face de moi.

C’est peut-être un progrès pour certains mais d’autres trouveront cela terrifiant. Pouvez-vous imaginer la scène dans un bar où les gens commencent à porter des Google Glasses ? En l’espace d’une seconde ou deux, vous aurez toutes les informations disponibles à propos de la personne en face de vous. Et certaines de ces informations pourraient ne pas être flatteuses.

Les lieux publics devront élaborer de nouvelles politiques. Hôtels, aéroports, restaurants, salles de sport et écoles voudront avoir leur mot à dire concernant le port des Google Glasses dans leurs locaux. Vous pourrez entendre les tollés dès que les premières images de gens trichant dans les écoles, ou filmant dans les vestiaires seront publiées sur YouTube. De futurs conflits vont certainement très mal tourner.

D’autre dimensions du problème apparaissent aussitôt. Que se passera-t-il si les versions futures des Google Glass deviennent très difficiles à distinguer des lunettes traditionnelles ?

Aujourd’hui, que se passe-il si vous pénétrez dans un établissement en tenant une caméra qui filme les visages des gens, dans un restaurant, une banque ou une salle de sport ? On vous demandera d’éteindre votre caméra, et si vous n’obéissez pas rapidement, on vous jettera dehors.

Les Google Glasses vont rendre les interactions publiques et sociales très délicates car vous prenez le risque potentiel d’être sur YouTube quel que soit l’endroit où vous allez. Quelques mois après leur arrivée sur le marché, les Google Glasses pourraient être déjà si répandues que vous serez filmé dès que vous pointerez le nez dehors.

Défenseurs de la vie privée, en avant !

Les données photos et vidéos des Google Glasses ne vont pas être utilisées seulement par la personne qui porte les lunettes. La personne qui prend ces images voudra peut-être « taguer automatiquement » ces médias avec l’identité des personnes dans la photo ou vidéo.

Il y a des gens qui préfèrent passer sous les radars. Ils payent en liquide, n’utilisent pas de GPS en voiture, n’ont pas de téléphone, et ne sont membres d’aucun réseau social en ligne. Ils ont réussi à rester en-dehors de la plupart des bases de données disponibles publiquement.

Une fois qu’une partie significative de la population aura commencé à déambuler dans les rues avec des Google Glasses, ils ne le pourront plus vraiment. Il n’y aura plus de place pour se cacher, à moins que les gouvernements ne légifèrent sur ces Google Glasses, ou que les établissements privés décident de les interdire.

Qu’en est-il de Google lui-même ?

Les Google Glasses deviendront une arme décisive dans la guerre imminente pour les données personnelles. Si d’autres personnes les utilisent, pourquoi pas moi ? Je prédis que toutes les personnes avec suffisamment de moyens vont se ruer pour en obtenir, surtout si le prix baisse de 1 500$ à 1 000$, puis à 500$ et finalement en-dessous, lors des deux premières années de commercialisation.

Si Google arrive à sortir ce genre de lunettes avant ses concurrents directs, non seulement Apple, mais aussi Microsoft, son avance pourrait bien être décisive. Google possède déjà 70% des parts de marché des smartphones avec Android, donc il est plutôt bien parti, mais n’oublions pas que la part de marché des PC de Microsoft atteignait 95% il y a seulement quelques années.

Comme Google va probablement inventer un lien fort entre les Google Glasses et les smartphones Android, les Google Glasses vont être une véritable aubaine pour Android. N’importe qui regardera son iPhone et devra sérieusement envisager de passer à Android.

Les Google Glasses risquent de causer un chaos social, mais elles vont être très bénéfiques pour les finances de Google.

Crédit photo : Max Braun (Creative Commons By-Sa)




L’appel GNU/Linux d’un fanboy Microsoft dégoûté par la licence Office 2013

Comme le soulignait PCInpact récemment Microsoft interdit le transfert de la licence Office 2013 vers un autre PC.

L’arrivée de la nouvelle version de la célèbre suite bureautique s’accompagne en effet d’un contrat de licence encore plus restrictif qu’auparavant, ce qui revient bien moins à acheter un logiciel qu’à le louer sur un seul et unique ordinateur en priant pour que ce dernier n’expire pas tout de suite (malgré son obsolescence programmée, ce qui est un autre sujet).

Du coup, certains utilisateurs, même parmi les plus fidèles, réalisent (enfin) qu’on les prend vraiment pour des vaches à lait et lorgnent (enfin) du côté de GNU/Linux et LibreOffice.

Pcs007 - CC by-sa

Microsoft perd un fanboy de plus

Microsoft loses yet another fanboy

Jack Wallen – 19 février 2013 – TechRepublic.com
(Traduction : jay91, lukkas35, Goodbox, aKa, nepski, VIGNERON, RavageJo, goguette, Texmix, Kyriog, Penguin, QC, chdorb, Norore, maxlath + anonymes)

Un autre mord la poussière pendant que Microsoft (et son utilisation déplaisante des licences) fait fuir un fan de longue date. Jack Wallen jette un œil à ce qui attend Microsoft.

Non, ce n’est pas quelqu’un de connu. Ce n’est même pas quelqu’un qui soit déjà apparu dans les médias, dans un mème, ou qui aurait participé à un hashtag ou une flashmob. Microsoft a perdu un des fanboys avec lesquels je travaille. Cette personne est un de ces types qui comprennent les choses à plusieurs niveaux. Non seulement il est incroyablement intelligent, mais c’est aussi un brillant électronicien.

Mais lorsque Microsoft a commencé à annoncer leurs termes de licence pour Office 2013 — il a commencé à me poser des questions. Elles commençaient toutes par « Au fait Jack, parle moi de Linux ». Et c’est ce que j’ai fait. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’il installe Ubuntu 12.10 à la place de Windows 7 et qu’il soit heureux de travailler, sans Microsoft, et ce sans perdre le rythme.

Vous devez vous demander en quoi exactement les nouveaux termes du contrat de licence d’Office 2013 peuvent faire changer d’avis un fan Microsoft de longue date ? Laissez-moi vous lister les points les plus importants :

  • Chaque licence est liée à un compte Microsoft Live (qu’il vous faut posséder) ;
  • Seules cinq licences peuvent être liées à un même compte (nous avons des clients qui en passent par une dizaine de versions d’Office par semaine — ça pourrait causer quelques problèmes) ;
  • Chaque licence sera définitivement assignée à une seule machine.

Ces points sont seulement les plus néfastes, des points qui vont faire mal aux utilisateurs à différents niveaux. Ces conditions de licence partent du principe que les machines ne tombent jamais en panne – et que si elles le font, les utilisateurs ne verront pas d’inconvénient à sortir à nouveau la liasse de billets pour racheter la licence.

Faux et archi faux.

Les ordinateurs tombent en panne, certains sont parfois d’emblée défectueux avec des défauts qui ne seront parfois visibles qu’après plusieurs jours (ou semaines) d’utilisation. Que vont faire ces utilisateurs là ? Acheter Office 2013 deux fois en l’espace de quelques semaines ?

À cela, Microsoft va répondre, « Vous pouvez souscrire à Office 365 ». À ça, je répondrai d’utiliser gratuitement Google Docs pour n’avoir plus aucun problème.

Au cours de l’année dernière, Microsoft en a fait plus pour pousser les gens vers des solutions alternatives qu’il ne l’avait fait pendant très longtemps. D’abord, il a mis sur le marché l’une des interfaces graphiques les moins intuitives qui soit. Aujourd’hui, c’est la licence de Microsoft Office qui change. En bref, Microsoft est en train de perdre des fans et des utilisateurs. Vers quoi se tournent-t-il ? Linux. De plus en plus de gens se rendent finalement compte qu’il y a une alternative et que cette alternative est en fait MEILLEURE !

« Toutes ces années gâchées. » disais-je, secouant ma tête, tentant de cacher ma joie.

Les entreprises et les consommateurs ont beaucoup dépensé dans les produits Microsoft. Comment sont-ils remerciés de leur fidélité ? Une baffe en plein visage, et un trou dans le porte-monnaie ! Cette pagaille ne va pas bien se finir pour Microsoft. En revanche, cela va dans le bon sens pour les systèmes d’exploitation et logiciels comme Ubuntu et LibreOffice.

Beaucoup d’entre nous ont dit qu’il serait inévitable d’en arriver là. À un moment, on a vu venir le côté binaire — Microsoft allait brûler le seul pont qu’il ne pouvait se permettre de brûler — celui qui se trouvait entre Redmond et ses légions de fanboys. Cela ne se fera sans doute pas en une nuit, mais les aficionados d’une des plus grosses entreprises à avoir jamais honoré les bits et les octets vont lui tourner le dos et chercher de plus (ou)vertes pâtures. Quand cela va se produire, Linux aura enfin ce qui lui est dû. L’effet cascade forcera Microsoft à re-calibrer ses pratiques commerciales dans l’urgence.

Bien sûr, on a déjà entendu cet air-là avant. Microsoft va probablement tenter de mener le combat devant les tribunaux, mais pas là où il devrait : dans les cœurs et les esprits de ses consommateurs.

Crédit photo : Pcs007 (Creative Commons By-Sa)




Connivences entre lobbys américains et députés européens sur le dos des citoyens

Les lobbys ont toujours tenté d’influencer les politiques. Mais lorsqu’il s’agit de lobbyistes américains qui arrivent à faire passer mot pour mot certains textes de loi en Europe avec la complicité de nos députés, il y a d’autant plus de quoi s’interroger que cela va dans le sens des entreprises US et non du citoyen européen.

Un article traduit du chroniqueur anglais Glyn Moody, souvent traduit sur le Framablog)

Heureusement que nous avons désormais des sites qui permettent de mieux connaître le comportement individuel des députés et leurs éventuelles « sources d’inspiration ». Heureusement aussi que nous avons des structures comme la Quadrature du Net qui tente tant bien que mal d’agir et veiller au grain. Mais la vigilance reste de mise.

European People's Party - CC by

Protection des données dans l’Union Européenne : Les amendements proposés, écrits par des lobbyistes américains

EU Data Protection: Proposed Amendments Written by US Lobbyists

Glyn Moody – 11 février 2013 – ComputerWorld.uk
(Traduction : Fly, Alpha + anonymes)

Il devient évident que le lobby autour des directives européennes sur la protection des données est l’un des plus intenses lobbys jamais rencontrés, certains activistes ont déclaré que le phénomène était même pire que durant le projet de loi ACTA, alors que du côté des États-Unis, le bruit court qu’une guerre commerciale est sur le point d’être lancée si la loi est voté sous sa forme actuelle.

Etant donné la pression exercée pour affaiblir la protection de notre vie privée, une question-clé est : qui défend nos intérêts ?. La réponse évidente serait les députés européens, puisqu’il s’agit de nos représentants élus au Parlement Européen. Leur travail consiste précisément à nous représenter et dans ces circonstances particulières et à nous défendre. Et certains, tel le député européen Vert, Jan Albrecht, font probablement de leur mieux, comme j’ai pu l’écrire dans un billet précédent. Mais qu’en est-il du reste ? Que font-ils exactement ?

Dans le passé il était impossible de répondre à cette question, mais grâce aux miracles de la technologie moderne, et à l’avènement de l’ouverture des données qui permettent l’accès à toutes sortes d’informations. Il est désormais possible d’obtenir une vision claire de ce que font nos représentants européens.

Un nouveau site a été créé, il porte le nom plutôt lourd de LobbyPlag (NdT : Association des mots lobby et plagiat). Aussi disgracieux, que son nom puisse être, ce site ne décrit pas moins une vérité choquante : les députés européens proposent des amendements sur le projet de loi sur la protection des données qui reprennent mot pour mot les propositions des lobbyistes. En tout état de cause, ce qui est inquiétant ici n’est pas le plagiat, mais plutôt le fait que les mesures destinées à protéger les populations européennes soient supprimées ou altérées par les mêmes personnes que nous avons élues pour nous défendre.

Voici par exemple, un paragraphe important sur le fichage. On peut lire, sur la version originale :

Chaque personne physique (NdT : every natural person) doit avoir le droit de ne pas être soumis à une mesure entraînant des effets juridiques relatifs à cette personne physique particulière ou l’atteignant de manière significative, dès lors qu’elle se base uniquement sur un traitement automatisé ayant pour but l’analyse ou la prédiction de certains aspects personnels en lien avec cette personne physique, en particulier, l’efficacité au travail, la situation financière, la localisation, la santé, les préférences personnelles, la fiabilité, ou le comportement de cette personne physique.

Mais la Chambre de Commerce américaine, cette célèbre organisation européenne, n’aimait pas cette version et a souhaité la changer en :

Une personne concernée par la collecte des données (NdT : a data subject) ne doit pas faire l’objet d’une décision injuste ou discriminatoire uniquement basée sur le traitement automatisé ayant pour but l’évaluation de certains aspects personnels liés à cette personne.

Ce qui est sensiblement différent car on supprime ici un droit important.

Or quel texte a été proposé par des députés européens dans pas moins de trois commissions ? Le voici :

Une personne concernée par la collecte des données ne doit pas faire l’objet d’une décision injuste ou discriminatoire uniquement basée sur le traitement automatisé ayant pour but l’évaluation de certains aspects personnels liés à cette personne.

Ce qui correspond donc mot pour mot à la demande de la Chambre de Commerce américaine.

Voici un exemple explicite, issu d’une section extrêmement récente, rédigée par des députés européens, on peut y lire ce qui suit :

La personne responsable est supposée avoir accompli les obligations en exergue dans le paragraphe 1,lorsqu’il s’agit de choisir un organisme certifié de manière autonome ou ayant obtenu une certification, un sceau ou marqué comme étant conforme aux articles 38 ou 39 de ce Réglement, démontrant l’implémentation de normes techniques et de mesures organisationnelles appropriées en réponse aux exigences mises en exergue dans ce Règlement.

Ce qui rend la certification autonome quasiment suffisante pour les services de cloud computing. Alors, d’où vient ce texte sinon d’une modification précise suggérée par Amazon ?

La personne responsable est supposée avoir accompli les obligations en exergue dans le paragraphe 1,lorsqu’il s’agît de choisir un organisme certifié de manière autonome ou ayant obtenu une certification, un sceau ou marqué, démontrant l’implémentation de normes techniques et de mesures organisationnelles appropriées en réponse aux exigences mises en exergue dans ce Règlement.

Ce qui donc, par une autre extraordinaire coïncidence, est quasiment identique à ce que des députés européens ont choisi comme une très bonne idée.

LobbyPlag fournit une analyse intéressante sur le pourcentage d’amendements proposés avec du contenu repris des lobbyistes. Ci-dessous les chiffres pour les députés anglais calculés par le site :

  • Giles Chichester (giles.chichester@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 10 sur 44 (22.73%)
  • Malcolm Harbour (malcolm.harbour@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 14 sur 55 (25.45%)
  • Sajjid Karim (sajjad.karim@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 13 sur 55 (23.64%)
  • Emma McClarkin (emma.mcclarkin@europarl.europa.eu): amendements repris des lobbys : 1 sur 8 (12.50%)

Malheureusement, à l’heure actuelle, aucun de ces députés européens ne me représente donc je ne pourrais pas les contacter. Mais si l’un de vos députés apparaît, ils ont le devoir de vous répondre donc peut-être que vous devriez leur envoyer un courriel et leur demander pourquoi ils ont proposé ces amendements qui sont repris mot-à-mot ou presque d’entreprises américaines et de lobbyistes et que cela nuira à la population européenne tout en bénéficient à ces mêmes entreprises américaines.

Vous pourriez leur demander qui ils pensent représenter réellement : vous et 500 millions citoyens européens dont les impôts paient leurs salaire, qui s’élève actuellement à 80.000 £ par an (NdT : 93 000 € environ) ou alors, une poignée d’entreprises américaines ayant pour but de nous spolier notre vie privée pour pouvoir devenir encore plus riche ?

Si jamais vous recevez un réponse intéressante, merci de me l’envoyer à glyn.moody(AT)gmail.com que je puisse la partager avec mes lecteurs. Je suis certain que les explications seront passionnantes.

Crédit photo : European People’s Party (Creative Commons By)




Aaron Swartz n’était pas un hacker solitaire mais le membre d’une armée

Nous ne sommes pas des criminels et nous sommes de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs de l’armée d’Aaron Swartz.

Le 24 janvier dernier s’est déroulée une émouvante cérémonie à la mémoire d’Aaron Swartz, dans ce lieu hautement symbolique qu’est l’église de San Francisco qui abrite l’Internet Archive.

Parmi les personnalités qui se sont succédées, il y eut ainsi sa fiancée Taren Stinebrickner-Kauffman, le fondateur d’Internet Archive Brewster Kahle ( allocution remarquée par Calimaq qui en a fait un billet dédié) et son ami Carl_Malamud, fondateur de Public.Resource.org.

C’est cette dernière intervention que nous vous proposons traduite ci-dessous (disponible ici en vidéo).

« J’aimerais que nous puissions changer le passé, mais c’est impossible. Par contre, nous pouvons changer le futur, et nous le devons. »

Open Knowledge Foundation - CC by-sa

L’armée d’Aaron

Aaron’s Army

Carl Malamud – 24 janvier 2013 – PublicRessource.org
(Traduction : brandelune, aKa, Lamessen, KoS, Pouhiou, Garburst, Luc, Tr4sK, Astalaseven)

Ne croyez pas un instant que le travail d’Aaron sur JSTOR était l’acte incohérent d’un hacker solitaire, un peu fou, un téléchargement massif un peu dingue décidé sur un coup de tête.

Depuis longtemps, JSTOR a fait l’objet de critiques cinglantes de la part du net. Dans une conférence, Larry Lessig a qualifié JSTOR d’outrage à la morale et je dois vous avouer qu’il me citait. Nous n’étions pas les seuls à attiser ces flammes.

Emprisonner la connaissance derrière des péages, en rendant les journaux scientifiques accessibles uniquement à quelques gamins suffisamment fortunés pour aller dans des universités de luxe et en demandant vingt dollars par article pour le reste d’entre nous, était une plaie purulente qui choquait beaucoup de gens.

De nombreux auteurs de ces articles furent gênés que leur travail soit devenu la marge de profit de quelqu’un, un club privé du savoir réservé à ses adhérents.

Beaucoup d’entre nous ont aidé à attiser ce feu. Beaucoup d’entre nous s’en sentent coupables, aujourd’hui.

Mais JSTOR n’était qu’une des nombreuses batailles. On a essayé de dépeindre Aaron comme un hacker solitaire, un jeune terroriste à l’origine d’un carnage numérique qui fit 92 millions de dollars de dégâts.

Aaron n’était pas un loup solitaire, il faisait partie d’une armée, et j’ai eu l’honneur de m’engager à ses côtés pendant une décennie. De nombreuses choses ont été dites sur sa vie hors du commun, mais ce soir je ne parlerai que d’un aspect de celle-ci.

Aaron faisait partie d’une armée de citoyens qui pensent que la démocratie ne fonctionne que si les citoyens sont informés, s’ils connaissent leurs droits et leurs devoirs. Une armée qui estime que nous devons rendre la justice et le savoir accessibles à tous, et pas uniquement à ceux qui sont bien nés ou qui ont saisi les rênes du pouvoir, afin que nous puissions nous gouverner de manière plus éclairée.

Aaron faisait partie d’une armée de citoyens qui rejette les rois et les généraux et qui croit au consensus général et à son application pratique immédiate.

Nous avons travaillé ensemble sur une douzaine de bases de données gouvernementales. Lorsque nous travaillions sur quelque chose, les décisions n’étaient pas irréfléchies. Notre travail prenait souvent des mois, parfois des années, parfois même une décennie, mais Aaron Swartz n’a pas eu droit à sa part de décennies.

Longtemps, nous avons observé et bidouillé la base de donnée du droit d’auteur américain, un système si vieux qu’il utilisait encore WAIS. Le gouvernement , croyez-le ou non, avait revendiqué le droit d’auteur sur cette base de données du droit d’auteur. Il m’est impossible de concevoir qu’il puisse y avoir des droits d’auteur sur une base de données qui découle directement de la constitution des États-Unis, mais nous savions que nous jouions avec le feu en enfreignant les clauses d’utilisations. Nous étions donc très attentifs.

Nous avons récupéré ces données. Elles ont été utilisées pour alimenter l’Open Library d’Internet Archive ainsi que Google Books. Puis, nous avons reçu une lettre du Bureau du droit d’auteur indiquant qu’il abandonnait son droit d’auteur sur cette base de données. Mais avant cela, nous avons dû consulter de nombreux avocats par crainte que le gouvernement nous traîne devant les tribunaux pour téléchargement massif, malveillant et prémédité.

Ce n’était pas une agression irréfléchie. Nous travaillions sur les bases de données pour les améliorer, pour aider au fonctionnement de notre démocratie, pour aider notre gouvernement. Nous n’étions pas des criminels.

Lorsque nous avons libéré 20 millions de pages de documents de l’U.S District Court de leur péage à 8 cents par page, nous avons découvert que ces fichiers publics étaient infestés d’atteintes à la vie privée : noms de mineurs, noms d’informateurs, dossiers médicaux, dossiers psychiatriques, rapports financiers, des dizaines de milliers de numéros de sécurité sociale.

Nous étions des lanceurs d’alerte et nous avons transmis nos résultats aux juges en chef de 31 cours de justice de district et ces juges ont été choqués, consternés. Ils ont modifié ces documents puis ont incendié les avocats qui les avaient remplis. Finalement, la Conférence judiciaire a changé ses règles de respect de la vie privée.

Mais savez-vous ce qu’ont fait les bureaucrates qui dirigent le Bureau Administratif de la Cour des États-Unis ? Pour eux, nous n’étions pas des citoyens ayant amélioré les données publiques, nous étions des voleurs qui les privions d’1,6 millions de dollars.

Ils ont donc appelé le FBI et ont dit qu’ils avaient été hackés par des criminels, une bande organisée qui mettait en péril leur revenu de 120 millions de dollars provenant de la vente de documents publics du gouvernement.

Le FBI s’est installé devant la maison d’Aaron. Il l’ont appelé et ont essayé de le piéger pour qu’il les rencontre sans son avocat. Le FBI a installé deux agents armés dans une salle d’interrogatoire avec moi pour nous faire avouer les dessous de cette conspiration présumée.

Mais nous n’étions pas des criminels, nous étions seulement des citoyens.

Nous n’avons rien fait de mal. Ils n’ont rien trouvé. Nous avions fait notre devoir de citoyen et l’enquête du gouvernement n’a rien trouvé de répréhensible mais ce fut une perte de temps et d’argent.

Si vous voulez faire peur, faites asseoir quelqu’un avec deux agents fédéraux pendant un moment et vous verrez la vitesse à laquelle son sang se glace.

Il y a des gens qui affrontent le danger tous les jours pour nous protéger — les policiers, les pompiers et les services d’urgence — je leur en suis reconnaissant et je suis ébahi par ce qu’ils font. Mais le travail des gens comme Aaron et moi, faire des DVD et faire tourner des scripts shell sur des documents publics, ne devrait pas être une profession dangereuse.

Nous n’étions pas des criminels, mais des crimes furent commis, des crimes contre l’idée même de la justice.

Quand la procureure fédérale a dit à Aaron qu’il devrait plaider coupable de treize crimes pour avoir tenté de propager le savoir avant qu’elle ne puisse envisager de négocier sa peine, c’était un abus de pouvoir, une utilisation frauduleuse du système de justice criminelle, un crime contre la justice.

Et la procureure fédérale n’a pas agi seule. Elle fait partie d’un groupe dont l’intention est de protéger la propriété, pas les gens. Tous les jours, partout aux États-Unis, des démunis n’ont pas accès à la justice et sont confrontés à ces abus de pouvoir.

C’était un crime contre le savoir qu’une organisation à but non lucratif telle que JSTOR transforme un téléchargement qui n’a causé aucun préjudice ni dommage, en une procédure fédérale de 92 millions de dollars.

Et le monopole de JSTOR sur la connaissance n’est pas unique. Partout aux États-Unis, des sociétés ont planté leurs griffes sur les champs de l’éducation : universités privées qui volent nos vétérans, organismes de normalisation à but non lucratif qui rationnent les codes de sécurité publique alors qu’ils payent des salaires d’un million de dollars, et les conglomérats multinationaux qui évaluent la valeur des articles scientifiques et des documents juridiques à l’aune de leur marge brute.

Dans le procès JSTOR, la position plus qu’agressive des procureurs du Département de la Justice et des agents de la force publique était-elle une vengeance liée à l’embarras de nous avoir vu nous tirer à bon compte, en tout cas à leur yeux, de l’affaire du PACER ? Est-ce que la poursuite sans merci de JSTOR était la revanche de bureaucrates embarrassés d’avoir été ridiculisés dans le New York Times, d’avoir reçu un blâme du Sénat ?

Nous n’aurons probablement jamais la réponse à cette question, mais il semble certain qu’ils ont détruit la vie d’un jeune homme par simple abus de pouvoir. Ce n’était pas une question criminelle, Aaron n’était pas un criminel.

Si vous pensez posséder quelque chose et si je pense que ce bien est public, il me semble juste de vous voir au tribunal. Si vous avez raison et que je vous ai fait du tort, je prendrais mes responsabilités. Mais quand nous retournons le bras armé de la Loi contre les citoyens qui contribuent à accroître l’accès à la connaissance, nous brisons l’esprit de la loi, nous profanons le temple de la justice.

Aaron Swartz n’était pas un criminel. C’était un citoyen et un soldat courageux dans une guerre qui continue aujourd’hui, une guerre dans laquelle des profiteurs corrompus et vénaux essayent de voler, de profiter, d’assécher notre domaine public au profit de leurs gains privés.

Quand des gens essaient de restreindre l’accès à la loi, ou qu’ils essaient de collecter des droits de péage sur les routes du savoir, ou refusent l’éducation à ceux qui n’ont pas de moyens, c’est eux qui devraient subir le regard sévère d’un procureur outragé.

Ce que le Département de la justice a fait endurer à Aaron pour avoir essayé de rendre notre monde meilleur, ils peuvent vous l’infliger. Notre armée n’est pas réduite à un loup solitaire, elle est forte de milliers de citoyens, beaucoup d’entre vous dans cette pièce, qui se battent pour la justice et le savoir.

J’affirme que nous sommes une armée, et je mesure bien l’usage de ce mot car nous affrontons des personnes qui veulent nous emprisonner pour avoir téléchargé une base de données afin de l’examiner de plus près, nous affrontons des personnes qui croient qu’ils peuvent nous dire ce que nous pouvons lire et ce que nous pouvons dire.

Mais quand je vois notre armée, je vois une armée qui crée au lieu de détruire. Je vois l’armée du Mahatma Gandhi marchant pacifiquement vers la mer pour récolter du sel pour les gens. Je vois l’armée de Martin Luther King marchant pacifiquement mais avec détermination sur Washington pour réclamer ses droits, car le changement ne coule pas de source, il provient de luttes continues.

Quand je vois notre armée, je vois l’armée qui crée de nouvelles opportunités pour les pauvres, une armée qui rend notre société plus juste et plus égalitaire, une armée qui rend le savoir universel.

Quand je vois notre armée, je vois les gens qui ont créé Wikipédia et l’Internet Archive. Je vois ceux qui ont programmé GNU, Apache, BIND et Linux. Je vois ceux qui ont fait l’EFF et les Creative Commons. Je vois les gens qui ont créé notre internet en tant que cadeau au monde.

Quand je vois notre armée, je vois Aaron Swartz et j’ai le cœur brisé. Nous avons vraiment perdu l’un de nos anges gardiens.

J’aimerais que nous puissions changer le passé, mais c’est impossible. Par contre, nous pouvons changer le futur, et nous le devons.

Nous le devons à Aaron, nous nous le devons à nous-mêmes, nous le devons pour rendre notre monde meilleur, en faire un lieu plus humain, un endroit où la justice fonctionne et où l’accès à la connaissance est un droit de l’Homme.

Crédit photo : Open Knowledge Foundation (Creative Commons By)