Infrastructures numériques de communication pour les anarchistes
(et tous les autres…)

Des moyens sûrs de communiquer à l’abri de la surveillance ? Évitons l’illusion de la confidentialité absolue et examinons les points forts et limites des applications…

 

PRÉAMBULE

Nous avons des adversaires, ils sont nombreux. Depuis la première diffusion de Pretty Good Privacy (PGP) en 1991 par Philip Zimmermann, nombreuses furent les autorités publiques ou organisations privées à s’inquiéter du fait que des individus puissent échanger des messages rigoureusement indéchiffrables en vertu de lois mathématiques (c’est moins vrai avec les innovations en calculateurs quantiques). Depuis lors, les craintes ne cessèrent d’alimenter l’imaginaire du bloc réactionnaire.

On a tout envisagé, surtout en se servant de la lutte contre le terrorisme et la pédopornographie, pour mieux faire le procès d’intention des réseaux militants, activistes, anarchistes. Jusqu’au jour où les révélations d’E. Snowden (et bien d’autres à la suite) montrèrent à quel point la vie privée était menacée (elle l’est depuis 50 ans de capitalisme de surveillance), d’autant plus que les outils de communication des multinationales du numérique sont largement utilisés par les populations.

Les libertariens s’enivrèrent de cette soif de protection de nos correspondances. Ils y voyaient (et c’est toujours le cas) un point d’ancrage de leur idéologie capitaliste, promouvant une « liberté » contre l’État mais de fait soumise aux logiques débridées du marché. Dès lors, ceux qu’on appelle les crypto-anarchistes, firent feu de ce bois, en connectant un goût certain pour le solutionnisme technologique (blockchain et compagnie) et un modèle individualiste de communication entièrement chiffré où les crypto-monnaies remplissent le rôle central dans ce marché prétendu libre, mais ô combien producteur d’inégalités.

Alimentant le mélange des genres, certains analystes, encore très récemment, confondent allègrement les anarchistes et les crypto-anarchistes, pour mieux dénigrer l’importance que nous accordons à la légitimité sociale, solidaire et égalitaire des protocoles de communication basés sur le chiffrement. Or, ce sont autant de moyens d’expression et de mobilisation démocratique et ils occupent une place centrale dans les conditions de mobilisation politique.

Les groupes anarchistes figurent parmi les plus concernés, surtout parce que les logiques d’action et les idées qui y sont partagées sont de plus en plus insupportables aux yeux des gouvernements, qu’il s’agisse de dictatures, d’illibéralisme, ou de néofascisme. Pour ces adversaires, le simple fait d’utiliser des communications chiffrées (sauf quand il s’agit de protéger leurs corruptions et leurs perversions) est une activité suspecte. Viennent alors les moyens de coercition, de surveillance et de contrôle, la technopolice. Dans cette lutte qui semble sans fin, il faut néanmoins faire preuve de pondération autant que d’analyse critique. Bien souvent on se précipite sur des outils apparemment sûrs mais peu résilients. Gratter la couche d’incertitude ne consiste pas à décourager l’usage de ces outils mais montrer combien leur usage ne fait pas l’économie de mises en garde.

Dans le texte qui suit, issu de la plateforme d’information et de médias It’s Going Down, l’auteur prend le parti de la prévention. Par exemple, ce n’est pas parce que le créateur du protocole Signal et co-fondateur de la Signal Foundation est aussi un anarchiste (quoique assez individualiste) que l’utilisation de Signal est un moyen fiable de communication pour un groupe anarchiste ou plus simplement militant. La convivialité d’un tel outil est certes nécessaire pour son adoption, mais on doit toujours se demander ce qui a été sacrifié en termes de failles de sécurité. Le même questionnement doit être adressé à tous les autres outils de communication chiffrée.

C’est à cette lourde tâche que s’attelle l’auteur de ce texte, et il ne faudra pas lui tenir rigueur de l’absence de certains protocoles tels Matrix ou XMPP. Certes, on ne peut pas aborder tous les sujets, mais il faut aussi lire cet article d’après l’expérience personnelle de l’auteur. Si Signal et Briar sont les objets centraux de ses préoccupations, son travail cherche surtout à produire une vulgarisation de concepts difficiles d’accès. C’est aussi l’occasion d’une mise au point actuelle sur nos rapports aux outils de communication chiffrée et la manière dont ces techniques et leurs choix conditionnent nos communications. On n’oubliera pas son message conclusif, fort simple : lorsqu’on le peut, mieux vaut éteindre son téléphone et rencontrer ses amis pour de vrai…

Framatophe / Christophe Masutti

 

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Infrastructures numériques de communication pour les anarchistes

(et tous les autres…)

Un aperçu détaillé et un guide des diverses applications qui utilisent le pair-à-pair, le chiffrement et Tor

Source : The Guide to Peer-to-Peer, Encryption, and Tor: New Communication Infrastructure for Anarchists, It’s Going Down, 06 oct. 2022.
Traduction : Christophe Masutti
Révisions Framalang : ellébore, goofy, Henri-Paul, jums, Sichat, Wisi_eu

Les applications de chat sécurisées avec chiffrement constituent une infrastructure numérique essentielle pour les anarchistes. Elles doivent donc être examinées de près. Signal est un outil de chiffrement sécurisé très utilisé par les anarchistes aujourd’hui. Au-delà des rumeurs complotistes, l’architecture de base et les objectifs de développement de Signal présentent certaines implications en termes de sécurité pour les anarchistes. Signal est un service de communication centralisé. La centralisation peut avoir des conséquences sur la sécurité, en particulier lorsque elle est mise en perspective avec l’éventail des menaces. D’autres applications de chat sécurisées, comme Briar et Cwtch, sont des outils de communication pair-à-pair qui, en plus d’être chiffrés comme Signal, font transiter tout le trafic par Tor (appelé aussi CPT pour communication Chiffrée en Pair-à-pair via Tor). Cette conception de communication sécurisée offre de grands avantages en termes de sécurité, d’anonymat et de respect de la vie privée, par rapport à des services plus courants tels que Signal, malgré quelques réserves. Cependant, les anarchistes devraient sérieusement envisager d’essayer et d’utiliser Briar et/ou Cwtch, pour pouvoir former une infrastructure de communication plus résiliente et plus sûre.

Malgré tout, la meilleure façon de communiquer en toute sécurité demeure le face à face.

Chhhhuuut…

Il est ici question des outils numériques qui permettent de communiquer en toute sécurité et en toute confidentialité. Pour bien commencer, il s’agit d’insister sur le fait que le moyen le plus sûr de communiquer reste une rencontre en face à face, à l’abri des caméras et hors de portée sonore d’autres personnes et appareils. Les anarchistes se promenaient pour discuter bien avant que les textos chiffrés n’existent, et ils devraient continuer à le faire aujourd’hui, à chaque fois que c’est possible.

Ceci étant dit, il est indéniable que les outils de communication numérique sécurisés font maintenant partie de notre infrastructure anarchiste. Peut-être que nous sommes nombreux à nous appuyer sur eux plus que nous ne le devrions, mais ils sont devenus incontournables pour se coordonner, collaborer et rester en contact. Puisque ces outils constituent une infrastructure indispensable, il est vital pour nous d’examiner et réévaluer constamment leur sécurité et leur aptitude à protéger nos communications contre nos adversaires.

Au cours des dix ou vingt dernières années, les anarchistes ont été les premiers à adopter ces outils et ces techniques de communication chiffrée. Ils ont joué un rôle majeur dans la banalisation et la diffusion de leur utilisation au sein de nos propres communautés, ou auprès d’autres communautés engagées dans la résistance et la lutte. Le texte qui suit a pour but de présenter aux anarchistes les nouveaux outils de communication chiffrée et sécurisée. Il s’agit de démontrer que nous devrions les adopter afin de renforcer la résilience et l’autonomie de notre infrastructure. Nous pouvons étudier les avantages de ces nouvelles applications, voir comment elles peuvent nous aider à échapper à la surveillance et à la répression – et par la suite les utiliser efficacement dans nos mouvements et les promouvoir plus largement.

schéma d'une bulle de conversation en partie pointillée, en partie en traits pleins

Le plus simple est de présenter les nouvelles applications de chat sécurisé en les comparant avec celle que tout le monde connaît : Signal. Signal est de facto l’infrastructure de communication sécurisée de beaucoup d’utilisatrices, du moins en Amérique du Nord. Et de plus en plus, elle devient omniprésente en dehors des cercles anarchistes. Si vous lisez ceci, vous utilisez probablement Signal, et il y a de fortes chances que votre mère ou qu’un collègue de travail l’utilise également. L’utilisation de Signal a explosé en janvier 2021 (à tel point que le service a été interrompu pendant 24 heures), atteignant 40 millions d’utilisateurs quotidiens. Signal permet aux utilisateurs d’échanger très facilement des messages chiffrés. Il est issu d’un projet antérieur appelé TextSecure, qui permettait de chiffrer les messages SMS (les textos à l’ancienne, pour les baby zoomers qui nous lisent). TextSecure, et plus tard Signal, ont très tôt bénéficié de la confiance des anarchistes, en grande partie grâce au réseau de confiance IRL entre le développeur principal, Moxie Marlinspike, et d’autres anarchistes.

Au début de l’année 2022, Moxie a quitté Signal, ce qui a déclenché une nouvelle vague de propos alarmistes à tendance complotiste. Le PDG anarchiste de Signal a démissionné. Signal est neutralisé. Un article intitulé « Signal Warning », publié sur It’s Going Down, a tenté de dissiper ces inquiétudes et ces hypothèses complotistes, tout en discutant de la question de savoir si les anarchistes peuvent encore « faire confiance » à Signal (ils le peuvent, avec des mises en garde comme toujours). L’article a réitéré les raisons pour lesquelles Signal est, en fait, tout à fait sûr et digne de confiance (il est minutieusement audité et examiné par des experts en sécurité).

Cependant, l’article a laissé entendre que le départ de Moxie établissait, à tout le moins, une piqûre de rappel sur la nécessité d’un examen critique et sceptique permanent de Signal, et qu’il en va de même pour tout outil ou logiciel tiers utilisé par les anarchistes.

« Maintenant que la couche de vernis est enlevée, notre capacité à analyser Signal et à évaluer son utilisation dans nos milieux peut s’affranchir des distorsions que la confiance peut parfois engendrer. Nous devons désormais considérer l’application et son protocole sous-jacent tels qu’ils sont : un code utilisé dans un ordinateur, avec tous les avantages et les inconvénients que cela comporte. On en est encore loin, et, à ce jour, on ne va même pas dans cette direction. Mais, comme tous les systèmes techniques, nous devons les aborder de manière sceptique et rationnelle »

Signal continue de jouir d’une grande confiance, et aucune contre-indication irréfutable n’a encore été apportée en ce qui concerne la sécurité de Signal. Ce qui suit n’est pas un appel à abandonner Signal – Signal reste un excellent outil. Mais, étant donné son rôle prépondérant dans l’infrastructure anarchiste et l’intérêt renouvelé pour la question de savoir si nous pouvons ou devons faire confiance à Signal, nous pouvons profiter de cette occasion pour examiner de près l’application, son fonctionnement, la manière dont nous l’utilisons, et explorer les alternatives. Un examen minutieux de Signal ne révèle pas de portes dérobées secrètes (backdoors), ni de vulnérabilités béantes. Mais il révèle une priorité donnée à l’expérience utilisateur et à la rationalisation du développement par rapport aux objectifs de sécurité les plus solides. Les objectifs et les caractéristiques du projet Signal ne correspondent peut-être pas exactement à notre modèle de menace. Et en raison du fonctionnement structurel de Signal, les anarchistes dépendent d’un service centralisé pour l’essentiel de leurs communications sécurisées en ligne. Cela a des conséquences sur la sécurité, la vie privée et la fiabilité.

Il existe toutefois des alternatives développées en grande partie pour répondre spécifiquement à ces problèmes. Briar et Cwtch sont deux nouvelles applications de chat sécurisé qui, comme Signal, permettent également l’échange de messages chiffrés. Elles sont en apparence très proches de Signal, mais leur fonctionnement est très différent. Alors que Signal est un service de messagerie chiffrée, Briar et Cwtch sont des applications qui permettent l’échange de messages Chiffrés et en Pair-à-pair via Tor (CPT). Ces applications CPT et leur fonctionnement seront présentés en détail. Mais la meilleure façon d’expliquer leurs avantages (et pourquoi les anarchistes devraient s’intéresser à d’autres applications de chat sécurisées alors que nous avons déjà Signal) passe par une analyse critique approfondie de Signal.

Modèle de menace et avertissements

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il est important de replacer cette discussion dans son contexte en définissant un modèle de menace pertinent. Dans le cadre de cette discussion, nos adversaires sont les forces de l’ordre au niveau national ou bien les forces de l’ordre locales qui ont un accès aux outils des forces de l’ordre nationale. Malgré le chiffrement de bout en bout qui dissimule le contenu des messages en transit, ces adversaires disposent de nombreuses ressources qui pourraient être utilisées pour découvrir ou perturber nos activités, nos communications ou nos réseaux afin de pouvoir nous réprimer. Il s’agit des ressources suivantes :

  • Ils ont un accès facile aux sites de médias sociaux et à toutes autres informations publiques.
  • Dans certains cas, ils peuvent surveiller l’ensemble du trafic internet du domicile d’une personne ciblée ou de son téléphone.
  • Ils peuvent accéder à des données ou à des métadonnées « anonymisées » qui proviennent d’applications, d’opérateurs de téléphonique, de fournisseurs d’accès à Internet, etc.
  • Ils peuvent accéder au trafic réseau collecté en masse à partir des nombreux goulots d’étranglement de l’infrastructure internet.
  • Avec plus ou moins de succès, ils peuvent combiner, analyser et corréler ces données et ce trafic réseau afin de désanonymiser les utilisateurs, de cartographier les réseaux sociaux ou de révéler d’autres informations potentiellement sensibles sur des individus ou des groupes et sur leurs communications.
  • Ils peuvent compromettre l’infrastructure de l’internet (FAI, fournisseurs de services, entreprises, développeurs d’applications) par la coercition ou le piratage1.

Le présent guide vise à atténuer les capacités susmentionnées de ces adversaires, mais il en existe bien d’autres qui ne peuvent pas être abordées ici :

  • Ils peuvent infecter à distance les appareils des personnes ciblées avec des logiciels malveillants d’enregistrement de frappe au clavier et de pistage, dans des cas extrêmes.
  • Ils peuvent accéder à des communications chiffrées par l’intermédiaire d’informateurs confidentiels ou d’agents infiltrés.
  • Ils peuvent exercer de fortes pressions ou recourir à la torture pour contraindre des personnes à déverrouiller leur téléphone ou leur ordinateur ou à donner leurs mots de passe.
  • Bien qu’ils ne puissent pas casser un système de chiffrement robuste dans un délai raisonnable, ils peuvent, en cas de saisie, être en mesure d’obtenir des données à partir d’appareils apparemment chiffrés grâce à d’autres vulnérabilités (par exemple, dans le système d’exploitation de l’appareil) ou de défaillances de la sécurité opérationnelle.

Toute méthode de communication sécurisée dépend fortement des pratiques de sécurité de l’utilisateur. Peu importe que vous utilisiez l’Application de Chat Sécurisée Préférée d’Edward Snowden TM si votre adversaire a installé un enregistreur de frappe sur votre téléphone, ou si quelqu’un partage des captures d’écran de vos messages chiffrés sur Twitter, ou encore si votre téléphone a été saisi et n’est pas correctement sécurisé.

Une explication détaillée de la sécurité opérationnelle, de la culture de la sécurité, des concepts connexes et des meilleures pratiques dépasse le cadre de ce texte – cette analyse n’est qu’une partie de la sécurité opérationnelle pertinente pour le modèle de menace concerné. Vous devez envisager une politique générale de sécurité pour vous protéger contre la menace des infiltrés et des informateurs. Comment utiliser en toute sécurité des appareils, comme les téléphones et les ordinateurs portables, pour qu’ils ne puissent pas servir à monter un dossier s’ils sont saisis, et comment adopter des bonnes habitudes pour réduire au minimum les données qui se retrouvent sur les appareils électroniques (rencontrez-vous face à face et laissez votre téléphone à la maison !)

La « cybersécurité » évolue rapidement : il y a une guerre d’usure entre les menaces et les développeurs d’applications. Les informations fournies ici seront peut-être obsolètes au moment où vous lirez ces lignes. Les caractéristiques ou la mise en œuvre des applications peuvent changer, qui invalident partiellement certains des arguments avancés ici (ou qui les renforcent). Si la sécurité de vos communications électroniques est cruciale pour votre sécurité, vous ne devriez pas vous croire sur parole n’importe quelle recommandation, ici ou ailleurs.

Perte de Signal

Vous avez probablement utilisé Signal aujourd’hui. Et Signal ne pose pas vraiment de gros problèmes. Il est important de préciser que malgré les critiques qui suivent, l’objectif n’est pas d’inciter à la panique quant à l’utilisation de Signal. Il ne s’agit pas de supprimer l’application immédiatement, de brûler votre téléphone et de vous enfuir dans les bois. Cela dit, peut-être pourriez-vous le faire pour votre santé mentale, mais en tout cas pas seulement à cause de ce guide. Vous pourriez envisager de faire une petite randonnée au préalable.

Une parenthèse pour répondre à certaines idées complotistes

Une rapide recherche sur DuckDuckGo (ou peut-être une recherche sur Twitter ? Je ne saurais dire) avec les termes « Signal CIA », donnera lieu à de nombreuses désinformations et théories complotistes à propos de Signal. Compte tenu de la nature déjà critique de ce guide et de l’importance d’avoir un avis nuancé, penchons-nous un peu sur ces théories.

La plus répandue nous dit que Signal aurait été développé secrètement par la CIA et qu’il serait donc backdoorisé. Par conséquent, la CIA (ou parfois la NSA) aurait la possibilité d’accéder facilement à tout ce que vous dites sur Signal en passant par leur porte dérobée secrète.

« L’étincelle de vérité qui a embrasé cette théorie complotiste est la suivante : entre 2013 et 2016, les développeurs de Signal ont reçu un peu moins de 3 millions de dollars américains de financement de la part de l’Open Technology Fund (OTF). L’OTF était à l’origine un programme de Radio Free Asia, supervisé par l’Agence américaine pour les médias mondiaux (U. S. Agency for Global Media, USAGM – depuis 2019, l’OTF est directement financé par l’USAGM). L’USAGM est une « agence indépendante du gouvernement américain », qui promeut les intérêts nationaux des États-Unis à l’échelle internationale et qui est financée et gérée directement par le gouvernement américain. Donc ce dernier gère et finance USAGM/Radio Free Asia, qui finance l’OTF, qui a financé le développement de Signal (et Hillary Clinton était secrétaire d’État à l’époque !!) : c’est donc la CIA qui aurait créé Signal… »

L’USAGM (et tous ses projets tels que Radio Free Asia et l’OTF) promeut les intérêts nationaux américains en sapant ou en perturbant les gouvernements avec lesquels les États-Unis sont en concurrence ou en conflit. Outre la promotion de contre-feux médiatiques (via le soutien à une « presse libre et indépendante » dans ces pays), cela implique également la production d’outils pouvant être utilisés pour contourner la censure et résister aux « régimes oppressifs ».

Les bénéficiaires de la FTO sont connus et ce n’est un secret pour personne que l’objectif affiché de la FTO consiste à créer des outils pour subvertir les régimes qui s’appuient fortement sur la répression en ligne, sur la surveillance généralisée et sur la censure massive de l’internet pour se maintenir au pouvoir (et que ces régimes sont ceux dont le gouvernement américain n’est pas fan). Comment et pourquoi cela se produit en relation avec des projets tels que Signal est clairement rapporté par des médias grand public tels que le Wall Street Journal. Des médias comme RT rapportent également ces mêmes informations hors contexte et en les embellissant de manière sensationnelle, ce qui conduit à ces théories complotistes.

Illustration 2: Le journaliste Kit Klarenburg se plaît à produire des articles farfelus sur Signal pour des médias tels que RT.
Illustration 2: Le journaliste Kit Klarenburg se plaît à produire des articles farfelus sur Signal pour des médias tels que RT.

Signal est un logiciel open source, ce qui signifie que l’ensemble de son code est vérifié et examiné par des experts. C’est l’application-phare où tout le monde cherche une porte dérobée de la CIA. Or, en ce qui concerne la surveillance de masse, il est plus facile et plus efficace pour nos adversaires de dissimuler des dispositifs de surveillance dans des applications et des infrastructures internet fermées et couramment utilisées, avec la coopération d’entreprises complices. Et en termes de surveillance ciblée, il est plus facile d’installer des logiciels malveillants sur votre téléphone.

De nombreux projets de logiciels open-source, comme Signal, ont été financés par des moyens similaires. La FTO finance ou a financé de nombreux autres projets dont vous avez peut-être entendu parler : Tor (au sujet duquel il existe des théories complotistes similaires), K-9 Mail, NoScript, F-Droid, Certbot et Tails (qui compte des anarchistes parmi ses développeurs).

Ces financements sont toujours révélés de manière transparente. Il suffit de consulter la page des sponsors de Tails, où l’on peut voir que l’OTF est un ancien sponsor (et que son principal sponsor actuel est… le département d’État des États-Unis !) Les deux applications CPT dont il est question dans ce guide sont en partie financées par des sources similaires.

On peut débattre sans fin sur les sources de financement des projets open source qui renforcent la protection de la vie privée ou la résistance à la surveillance : conflits d’intérêts, éthique, crédibilité, développement de tels outils dans un contexte de géopolitique néolibérale… Il est bon de faire preuve de scepticisme et de critiquer la manière dont les projets sont financés, mais cela ne doit pas nous conduire à des théories complotistes qui obscurcissent les discussions sur leur sécurité dans la pratique. Signal a été financé par de nombreuses sources « douteuses » : le développement initial de Signal a été financé par la vente du projet précurseur (TextSecure) à Twitter, pour un montant inconnu. Plus récemment, Signal a bénéficié d’un prêt de 50 millions de dollars à taux zéro de la part du fondateur de WhatsApp, qui est aujourd’hui directeur général de la Signal Foundation. Il existe de nombreuses preuves valables qui expliquent pourquoi et comment Signal a été financé par une initiative des États-Unis visant à dominer le monde, mais elles ne suggèrent ni n’impliquent d’aucune façon l’existence d’une porte dérobée, impossible à dissimuler, conçue par la CIA pour cibler les utilisatrices de Signal.

– Alors, Signal c’est bien, en fait ?

Si Signal n’est pas une opération secrète de la CIA, alors tout va bien, non ? Les protocoles de chiffrement de Signal sont communément considérés comme sûrs. En outre, Signal a l’habitude d’améliorer ses fonctionnalités et de remédier aux vulnérabilités en temps voulu, de manière transparente. Signal a réussi à rendre les discussions chiffrées de bout en bout suffisamment faciles pour devenir populaires. L’adoption généralisée de Signal est très certainement une bonne chose.

Thèses complotistes mises à part, les anarchistes ont toutefois de bonnes raisons d’être sceptiques à l’égard de Signal. Pendant le développement de Signal, Moxie a adopté une approche quelque peu dogmatique à l’égard de nombreux choix structurels et d’ingénierie logicielle. Ces décisions ont été prises intentionnellement (comme expliqué dans des articles de blog, lors de conférences ou dans divers fils de discussion sur GitHub) afin de faciliter l’adoption généralisée de Signal Messenger parmi les utilisateurs les moins avertis, mais aussi pour préparer la croissance du projet à long terme, et ainsi permettre une évolution rationalisée tout en ajoutant de nouvelles fonctionnalités.

Les adeptes de la cybersécurité en ligne ont longtemps critiqué ces décisions comme étant des compromis qui sacrifient la sécurité, la vie privée ou l’anonymat de l’utilisateur au profit des propres objectifs de Moxie pour Signal. S’aventurer trop loin risquerait de nous entraîner sur le terrain des débats dominés par les mâles prétentieux du logiciel libre (si ce n’est pas déjà le cas). Pour être bref, les justifications de Moxie se résument à maintenir la compétitivité de Signal dans l’écosystème capitaliste de la Silicon Valley, axé sur le profit. Mise à part les stratégies de développement logiciel dans le cadre du capitalisme moderne, les caractéristiques concrètes de Signal les plus souvent critiquées sont les suivantes :

  1. Signal s’appuie sur une infrastructure de serveurs centralisée.
  2. Signal exige que chaque compte soit lié à un numéro de téléphone.
  3. Signal dispose d’un système de paiement en crypto-monnaie intégré.

schéma simplifié de la centralisation des conversations vers un serveur unique.

Peut-être que Moxie a eu raison et que ses compromis en valaient la peine : aujourd’hui, Signal est extrêmement populaire, l’application s’est massivement développée avec un minimum de problèmes de croissance, de nombreuses nouvelles fonctionnalités (à la fois pour la convivialité et la sécurité) ont été facilement introduites, et elle semble être durable dans un avenir prévisible2. Mais l’omniprésence de Signal en tant qu’infrastructure anarchiste exige un examen minutieux de ces critiques, en particulier lorsqu’elles s’appliquent à nos cas d’utilisation et à notre modèle de menace dans un monde en mutation. Cet examen permettra d’expliquer comment les applications CPT comme Briar et Cwtch, qui utilisent une approche complètement différente de la communication sécurisée, nous apportent potentiellement plus de résilience et de sécurité.

Signal en tant que service centralisé

Signal est moins une application qu’un service. Signal (Open Whisper Systems/The Signal Foundation) fournit l’application Signal (que vous pouvez télécharger et exécuter sur votre téléphone ou votre ordinateur) et gère un serveur Signal3. L’application Signal ne peut rien faire en soi. Le serveur Signal fournit la couche de service en traitant et en relayant tous les messages envoyés et reçus via l’application Signal. C’est ainsi que fonctionnent la plupart des applications de chat. Discord, WhatsApp, iMessage, Instagram/Facebook Messenger et Twitter dms sont tous des services de communication centralisés, où vous exécutez une application sur votre appareil et où un serveur centralisé, exploité par un tiers, relaie les messages entre les individus. Une telle centralisation présente de nombreux avantages pour l’utilisateur : vous pouvez synchroniser vos messages et votre profil sur le serveur pour y accéder sur différents appareils ; vous pouvez envoyer un message à votre ami même s’il n’est pas en ligne et le serveur stockera le message jusqu’à ce que votre ami se connecte et le récupère ; les discussions de groupe entre plusieurs utilisateurs fonctionnent parfaitement, même si les utilisateurs sont en ligne ou hors ligne à des moments différents.

Signal utilise le chiffrement de bout en bout, ce qui signifie que le serveur Signal ne peut lire aucun de vos messages. Mais qu’il soit un service de communication centralisé a de nombreuses implications importantes en termes de sécurité et de fiabilité.

petit bureau de poste imaginaire où figure le drapeau de Signal, une boîte aux lettres et l'indication "comme en Europe" sous le titre "Bureau de poste de Signal"

Le bureau de poste de Signal

Signal-en-tant-que-service est comparable à un service postal. Il s’agit d’un très bon service postal, comme il en existe peut-être quelque part en Europe. Dans cet exemple, le serveur Signal est un bureau de poste. Vous écrivez une lettre à votre ami et la scellez dans une enveloppe avec une adresse (disons que personne d’autre que votre ami ne peut ouvrir l’enveloppe – c’est le chiffrement). À votre convenance, vous déposez toutes les lettres que vous envoyez au bureau de poste Signal, où elles sont triées et envoyées aux différents amis auxquels elles sont destinées. Si un ami n’est pas là, pas de problème ! Le bureau de poste Signal conservera la lettre jusqu’à ce qu’il trouve votre ami à la maison, ou votre ami peut simplement la récupérer au bureau de poste le plus proche. Le bureau de poste Signal est vraiment bien (c’est l’Europe, hein !) et vous permet même de faire suivre votre courrier partout où vous souhaitez le recevoir.

Peut-être aurez-vous remarqué qu’un problème de sécurité potentiel se pose sur le fait de confier tout son courrier au bureau de poste Signal. Les enveloppes scellées signifient qu’aucun facteur ou employé ne peut lire vos lettres (le chiffrement les empêche d’ouvrir les enveloppes). Mais celles et ceux qui côtoient régulièrement leur facteur savent qu’il peut en apprendre beaucoup sur vous, simplement en traitant votre courrier : il sait de qui vous recevez des lettres, il connaît tous vos abonnements à des magazines, mais aussi quand vous êtes à la maison ou non, tous les différents endroits où vous faites suivre votre courrier et toutes les choses embarrassantes que vous commandez en ligne. C’est le problème d’un service centralisé qui s’occupe de tout votre courrier – je veux dire de vos messages !

Les métadonnées, c’est pour toujours

Les informations que tous les employés du bureau de poste Signal connaissent sur vous et votre courrier sont des métadonnées. Les métadonnées sont des données… sur les données. Elles peuvent inclure des éléments tels que l’expéditeur et le destinataire d’un message, l’heure à laquelle il a été envoyé et le lieu où il a été distribué. Tout le trafic sur Internet génère intrinsèquement ce type de métadonnées. Les serveurs centralisés constituent un point d’entrée facile pour observer ou collecter toutes ces métadonnées, puisque tous les messages passent par un point unique. Il convient de souligner que l’exemple ci-dessus du bureau de poste Signal n’est qu’une métaphore pour illustrer ce que sont les métadonnées et pourquoi elles constituent une préoccupation importante pour les services de communication centralisés. Signal est en fait extrêmement doué pour minimiser ou masquer les métadonnées. Grâce à la magie noire du chiffrement et à une conception intelligente du logiciel, il y a très peu de métadonnées auxquelles le serveur Signal peut facilement accéder. Selon les propres termes de Signal :

«  Les éléments que nous ne stockons pas comprennent tout ce qui concerne les contacts d’un utilisateur (tels que les contacts eux-mêmes, un hachage des contacts, ou toute autre information dérivée sur les contacts), tout ce qui concerne les groupes d’un utilisateur (les groupes auxquels il appartient, leur nombre, les listes de membres des groupes, etc.), ou tout enregistrement des personnes avec lesquelles un utilisateur a communiqué.  »

Il n’existe que deux parties de métadonnées connues pour être stockées de manière persistante, et qui permettent de savoir :

  • si un numéro de téléphone est enregistré auprès d’un compte Signal
  • la dernière fois qu’un compte Signal a été connecté au serveur.

C’est une bonne chose ! En théorie, c’est tout ce qu’un employé curieux du bureau de poste Signal peut savoir sur vous. Mais cela est dû, en partie, à l’approche « Moi, je ne le vois pas » du serveur lui-même. Dans une certaine mesure, nous devons croire sur parole ce que le serveur Signal prétend faire…

Bien obligés de faire confiance

Tout comme l’application Signal sur votre téléphone ou votre ordinateur, le serveur Signal est également basé sur du code principalement4 open source. Il est donc soumis à des contrôles similaires par des experts en sécurité. Cependant, il y a une réalité importante et inévitable à prendre en compte : nous sommes obligés de croire que le serveur de Signal exécute effectivement le même code open source que celui qui est partagé avec nous. Il s’agit là d’un problème fondamental lorsque l’on se fie à un serveur centralisé géré par une tierce partie.

« Nous ne collectons ni ne stockons aucune information sensible sur nos utilisateurs, et cela ne changera jamais. » (blog de Signal)

En tant que grande association à but non lucratif, Signal ne peut pas systématiquement se soustraire aux ordonnances ou aux citations à comparaître qui concerne les données d’utilisateurs. Signal dispose même d’une page sur son site web qui énumère plusieurs citations à comparaître et les réponses qu’elle y a apportées. Mais rappelons-nous des deux types de métadonnées stockées par le serveur Signal qui peuvent être divulguées :

Illustration 3: Les réponses de Signal indiquent la date de la dernière connexion, la date de création du compte et le numéro de téléphone (caviardé)
Illustration 3: Les réponses de Signal indiquent la date de la dernière connexion, la date de création du compte et le numéro de téléphone (caviardé)

À l’heure où nous écrivons ces lignes, il n’y a aucune raison de douter de ce qui a été divulgué, mais il faut noter que Signal se conforme également à des procédures-bâillon qui l’empêchent de révéler qu’elle a reçu une citation à comparaître ou un mandat. Historiquement, Signal se bat contre ces injonctions, mais nous ne pouvons savoir ce qui nous est inconnu, notamment car Signal n’emploie pas de warrant canary, ces alertes en creux qui annoncent aux utilisateurs qu’aucun mandat spécifique n’a été émis pour le moment [une manière détournée d’annoncer des mandats dans le cas où cette annonce disparaisse, NDLR]. Il n’y a aucune raison sérieuse de penser que Signal a coopéré avec les autorités plus fréquemment qu’elle ne le prétend, mais il y a trois scénarios à envisager :

  1. Des modifications de la loi pourraient contraindre Signal, sur demande, à collecter et à divulguer davantage d’informations sur ses utilisateurs et ce, à l’insu du public.
  2. Signal pourrait être convaincu par des arguments éthiques, moraux, politiques ou patriotiques de coopérer secrètement avec des adversaires.
  3. Signal pourrait être infiltré ou piraté par ces adversaires afin de collecter secrètement davantage de données sur les utilisateurs ou afin que le peu de métadonnées disponibles puissent leur être plus facilement transmis.

Tous ces scénarios sont concevables, ils ont des précédents historiques ailleurs, mais ils ne sont pas forcément probables ni vraisemblables. En raison de la « magie noire du chiffrement » susmentionnée et de la complexité des protocoles des réseaux, même si le serveur Signal se retrouvait altéré pour devenir malveillant, il y aurait toujours une limite à la quantité de métadonnées qui peuvent être collectées sans que les utilisatrices ou les observateurs ne s’en aperçoivent. Cela n’équivaudrait pas, par exemple, à ce que le bureau de poste Signal laisse entrer un espion (par une véritable « porte dérobée installée par la CIA ») qui viendrait lire et enregistrer toutes les métadonnées de chaque message qui passe par ce bureau. Des changements dans les procédures et le code pourraient avoir pour conséquence que des quantités faibles, mais toujours plus importantes de métadonnées (ou autres informations), deviennent facilement disponibles pour des adversaires, et cela pourrait se produire sans que nous en soyons conscients. Il n’y a pas de raison particulière de se méfier du serveur Signal à ce stade, mais les anarchistes doivent évaluer la confiance qu’ils accordent à un tiers, même s’il est historiquement digne de confiance comme Signal.

Illustration 4: Intelligence Community Comprehensive National Initiative Data Center (Utah) Vue aérienne des bâtiments
Illustration 4: Intelligence Community Comprehensive National Initiative Data Center (Utah)

Mégadonnées

De nombreux et puissants ennemis sont capables d’intercepter et de stocker des quantités massives de trafic sur Internet. Il peut s’agir du contenu de messages non chiffré, mais avec l’utilisation généralisée du chiffrement, ce sont surtout des métadonnées et l’activité internet de chacun qui sont ainsi capturées et stockées.

Nous pouvons choisir de croire que Signal n’aide pas activement nos adversaires à collecter des métadonnées sur les communications des utilisateurs et utilisatrices, mais nos adversaires disposent de nombreux autres moyens pour collecter ces données : la coopération avec des entreprises comme Amazon ou Google (Signal est actuellement hébergé par Amazon Web Services), ou bien en ciblant ces hébergeurs sans leur accord, ou tout simplement en surveillant le trafic internet à grande échelle.

Les métadonnées relatives aux activités en ligne sont également de plus en plus accessibles à des adversaires moins puissants, ceux qui peuvent les acheter, sous forme brute ou déjà analysées, à des courtiers de données, qui à leur tour les achètent ou les acquièrent via des sociétés spécialisées dans le développement d’applications ou les fournisseurs de téléphones portables.

Les métadonnées ainsi collectées donnent lieu à des jeux de données volumineux et peu maniables qui étaient auparavant difficiles à analyser. Mais de plus en plus, nos adversaires (et même des organisations ou des journalistes) peuvent s’emparer de ces énormes jeux de données, les combiner et leur appliquer de puissants outils d’analyse algorithmique pour obtenir des corrélations utiles sur des personnes ou des groupes de personnes (c’est ce que l’on appelle souvent le « Big Data »). Même l’accès à de petites quantités de ces données et à des techniques d’analyse rudimentaires permet de désanonymiser des personnes et de produire des résultats utiles.

Histoire des messages de Jean-Michel

salle de projection de cinéma avec dans l'ombre un type qui consulte ses mails dans un halo lumineux, au-dessus de lui, le faisceau de projection du film

Voici un scénario fictif qui montre comment l’analyse du trafic et la corrélation des métadonnées peuvent désanonymiser un utilisateur de Signal.

Imaginez un cinéphile assidu, mais mal élevé, disons Jean-Michel, qui passe son temps à envoyer des messages via Signal pendant la projection. Les reflets de l’écran de son téléphone (Jean-Michel n’utilise pas le mode sombre) gênent tout le monde dans la salle. Mais la salle est suffisamment sombre pour que Lucie, la gérante qui s’occupe de tout, ne puisse pas savoir exactement qui envoie des messages en permanence. Lucie commence alors à collecter toutes les données qui transitent par le réseau Wi-Fi du cinéma, à la recherche de connexions au serveur Signal. Les connexions fréquentes de Jean-Michel à ce serveur apparaissent immédiatement. Lucie est en mesure d’enregistrer l’adresse MAC (un identifiant unique associé à chaque téléphone) et peut confirmer que c’est le même appareil qui utilise fréquemment Signal sur le réseau Wi-Fi du cinéma pendant les heures de projection. Lucie est ensuite en mesure d’établir une corrélation avec les relevés de transactions par carte bancaire de la billetterie et d’identifier une carte qui achète toujours des billets de cinéma à l’heure où l’appareil utilise fréquemment Signal (le nom du détenteur de la carte est également révélé : Jean-Michel). Avec l’adresse MAC de son téléphone, son nom et sa carte de crédit, Lucie peut fournir ces informations à un détective privé véreux, qui achètera l’accès à de vastes jeux de données collectées par des courtiers de données (auprès des fournisseurs de téléphones portables et des applications mobiles), et déterminera un lieu où le même téléphone portable est le plus fréquemment utilisé. Outre le cinéma, il s’agit du domicile de Jean-Michel. Lucie se rend chez Jean-Michel de nuit et fait exploser sa voiture (car la salle de cinéma était en fait une couverture pour les Hell’s Angels du coin).

Des métadonnées militarisées

Général Michael Hayden
Général Michael Hayden

« Nous tuons des gens en nous appuyant sur des métadonnées… mais ce n’est pas avec les métadonnées que nous les tuons ! » (dit avec un sourire en coin, les rires fusent dans l’assistance)

Général Michael Hayden, ancien Directeur de la NSA (1999-2005) et Directeur de la CIA (2006-2009).

Sur un Internet où les adversaires ont les moyens de collecter et d’analyser d’énormes volumes de métadonnées et de données de trafic, l’utilisation de serveurs centralisés peut s’avérer dangereuse. Ils peuvent facilement cibler les appareils qui communiquent avec le serveur Signal en surveillant le trafic internet en général, au niveau des fournisseurs d’accès, ou éventuellement aux points de connexion avec le serveur lui-même. Ils peuvent ensuite essayer d’utiliser des techniques d’analyse pour révéler des éléments spécifiques sur les utilisatrices individuelles ou leurs communications via Signal.

Dans la pratique, cela peut s’avérer difficile. Vous pourriez vous demander si un adversaire qui observe tout le trafic entrant et sortant du serveur Signal pourrait déterminer que vous et votre ami échangez des messages en notant qu’un message a été envoyé de votre adresse IP au serveur de signal à 14:01 et que le serveur de Signal a ensuite envoyé un message de la même taille à l’adresse IP de votre ami à 14:02. Heureusement, une analyse corrélationnelle très simple comme celle-ci n’est pas possible en raison de l’importance du trafic entrant et sortant en permanence du serveur de Signal et de la manière dont ce trafic est traité à ce niveau. C’est moins vrai pour les appels vidéo/voix où les protocoles internet utilisés rendent plus plausible l’analyse corrélationnelle du trafic pour déterminer qui a appelé qui. Il n’en reste pas moins que la tâche reste très difficile pour qui observe l’ensemble du trafic entrant et sortant du serveur de Signal afin d’essayer de déterminer qui parle à qui. Peut-être même que cette tâche est impossible à ce jour.

Pourtant, les techniques de collecte de données et les outils d’analyse algorithmique communément appelés « Big Data » deviennent chaque jour plus puissants. Nos adversaires sont à la pointe de cette évolution. L’utilisation généralisée du chiffrement dans toutes les télécommunications a rendu l’espionnage illicite traditionnel beaucoup moins efficace et, par conséquent, nos adversaires sont fortement incités à accroître leurs capacités de collecte et d’analyse des métadonnées. Ils le disent clairement : « Si vous avez suffisamment de métadonnées, vous n’avez pas vraiment besoin du contenu »5. Ils tuent des gens sur la base de métadonnées.

Ainsi, bien qu’il ne soit peut-être pas possible de déterminer avec certitude une information aussi fine que « qui a parlé à qui à un moment précis », nos adversaires continuent d’améliorer à un rythme soutenu leur aptitude à extraire, à partir des métadonnées, toutes les informations sensibles qu’ils peuvent. Certaines fuites nous apprennent régulièrement qu’ils étaient en possession de dispositifs de surveillance plus puissants ou plus invasifs qu’on ne le pensait jusqu’à présent. Il n’est pas absurde d’en déduire que leurs possibilités sont bien étendues que ce que nous en savons déjà.

Signal est plus vulnérable à ce type de surveillance et d’analyse parce qu’il s’agit d’un service centralisé. Le trafic de Signal sur Internet n’est pas difficile à repérer et le serveur Signal est un élément central facile à observer ou qui permet de collecter des métadonnées sur les utilisateurs et leurs activités. D’éventuelles compromissions de Signal, des modifications dans les conditions d’utilisation ou encore des évolutions législatives pourraient faciliter les analyses de trafic et la collecte des métadonnées de Signal, pour que nos adversaires puissent les analyser.

Les utilisateurs individuels peuvent mettre en œuvre certaines mesures de protection, comme faire transiter leur trafic Signal par Tor ou un VPN, mais cela peut s’avérer techniquement difficile à mettre en œuvre et propice aux erreurs. Tout effort visant à rendre plus difficile la liaison d’une utilisatrice de Signal à une personne donnée est également rendu complexe par le fait que Signal exige de chaque compte qu’il soit lié à un numéro de téléphone (nous y reviendrons plus tard).

Dépendances et points faibles

Un service centralisé signifie non seulement qu’il existe un point de contrôle central, mais aussi un point faible unique : Signal ne fonctionne pas si le serveur Signal est en panne. Il est facile de l’oublier jusqu’au jour où cela se produit. Signal peut faire une erreur de configuration ou faire face à un afflux de nouveaux utilisateurs à cause d’un tweet viral et tout à coup Signal ne fonctionne carrément plus.

message de service de Signal, indisponibilité du service due à des difficultés techniques qui seront bientôt réglées blablabla

Signal pourrait également tomber en panne à la suite d’actions intentées par un adversaire. Imaginons une attaque par déni de service (ou tout autre cyberattaque) qui viserait à perturber le fonctionnement de Signal lors d’une rébellion massive. Les fournisseurs de services qui hébergent le serveur Signal pourraient également décider de le mettre hors service sans avertissement pour diverses raisons : sous la pression d’un adversaire, sous une pression politique, sous la pression de l’opinion publique ou pour des raisons financières.

Des adversaires qui contrôlent directement l’infrastructure Internet locale peuvent tout aussi bien perturber un service centralisé. Lorsque cela se produit dans certains endroits, Signal réagit en général rapidement en mettant en œuvre des solutions de contournement ou des modifications créatives, ce qui donne lieu à un jeu du chat et de la souris entre Signal et l’État qui tente de bloquer Signal dans la zone qu’il contrôle. Une fois encore, il s’agit de rester confiant dans le fait que les intérêts de Signal s’alignent toujours sur les nôtres lorsqu’un adversaire tente de perturber Signal de cette manière dans une région donnée.

Cryptocontroverse

En 2021, Signal a entrepris d’intégrer un nouveau système de paiement dans l’application en utilisant la crypto-monnaie MobileCoin. Si vous ne le saviez pas, vous n’êtes probablement pas le seul, mais c’est juste là, sur la page de vos paramètres.

bandeaux pour paiements sur l'application

MobileCoin est une crypto-monnaie peu connue, qui privilégie la protection de la vie privée, et que Moxie a également contribué à développer. Au-delà des débats sur les systèmes pyramidaux de crypto-monnaies, le problème est qu’en incluant ce type de paiements dans l’application, Signal s’expose à des vérifications de légalité beaucoup plus approfondies de la part des autorités. En effet, les crypto-monnaies étant propices à la criminalité et aux escroqueries, le gouvernement américain se préoccupe de plus en plus d’encadrer leur utilisation. Signal n’est pas une bande de pirates, c’est une organisation à but non lucratif très connue. Elle ne peut pas résister longtemps aux nouvelles lois que le gouvernement américain pourrait adopter pour réglementer les crypto-monnaies.

Si les millions d’utilisateurs de Signal utilisaient effectivement MobileCoin pour leurs transactions quotidiennes, il ne serait pas difficile d’imaginer que Signal fasse l’objet d’un plus grand contrôle de la part de l’organisme fédéral américain de réglementation (la Securities and Exchange Commission) ou autres autorités. Le gouvernement n’aime pas les systèmes de chiffrement, mais il aime encore moins les gens ordinaires qui paient pour de la drogue ou échappent à l’impôt. Imaginez un scénario dans lequel les cybercriminels s’appuieraient sur Signal et MobileCoin pour accepter les paiements des victimes de rançongiciels. Cela pourrait vraiment mettre le feu aux poudres et dégrader considérablement l’image de Signal en tant qu’outil de communication fiable et sécurisé.

Un mouchard en coulisses

Cette frustration devrait déjà être familière aux anarchistes qui utilisent Signal. En effet, les comptes Signal nécessitent un numéro de téléphone. Quel que soit le numéro de téléphone auquel un compte est lié, il est également divulgué à toute personne avec laquelle vous vous connectez sur Signal. En outre, il est très facile de déterminer si un numéro de téléphone donné est lié à un compte Signal actif.

Il existe des solutions pour contourner ce problème, mais elles impliquent toutes d’obtenir un numéro de téléphone qui n’est pas lié à votre identité afin de pouvoir l’utiliser pour ouvrir un compte Signal. En fonction de l’endroit où vous vous trouvez, des ressources dont vous disposez et de votre niveau de compétence technique, cette démarche peut s’avérer peu pratique, voire bien trop contraignante. Signal ne permet pas non plus d’utiliser facilement plusieurs comptes à partir du même téléphone ou ordinateur. Configurer plusieurs comptes Signal pour différentes identités, ou pour les associer à différents projets, devient une tâche énorme, d’autant plus que vous avez besoin d’un numéro de téléphone distinct pour chacun d’entre eux.

Pour des adversaires qui disposent de ressources limitées, il est toujours assez facile d’identifier une personne sur la base de son numéro de téléphone. En outre, s’ils se procurent un téléphone qui n’est pas correctement éteint ou chiffré, ils ont accès aux numéros de téléphone des contacts et des membres du groupe. Il s’agit évidemment d’un problème de sécurité opérationnelle qui dépasse le cadre de Signal, mais le fait que Signal exige que chaque compte soit lié à un numéro de téléphone accroît considérablement la possibilité de pouvoir cartographier le réseau, ce qui entraîne des conséquences dommageables.

On ignore si Signal permettra un jour l’existence de comptes sans qu’ils soient liés à un numéro de téléphone ou à un autre identifiant de la vie réelle. On a pu dire qu’ils ne le feront jamais, ou que le projet est en cours mais perdu dans les limbes6. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un problème majeur pour de nombreux cas d’utilisation par des anarchistes.

Vers une pratique plus stricte

Après avoir longuement discuté de Signal, il est temps de présenter quelques alternatives qui répondent à certains de ces problèmes : Briar et Cwtch. Briar et Cwtch sont, par leur conception même, extrêmement résistants aux métadonnées et offrent un meilleur anonymat. Ils sont également plus résilients, car ils ne disposent pas de serveur central ou de risque de défaillance en un point unique. Mais ces avantages ont un coût : une plus grande sécurité s’accompagne de quelques bizarreries d’utilisation auxquelles il faut s’habituer.

Rappelons que Cwtch et Briar sont des applications CPT :

C : comme Signal, les messages sont chiffrés de bout en bout,

P : pour la transmission en pair-à-pair,

T : les identités et les activités des utilisatrices sont anonymisées par l’envoi de tous messages via Tor.

Parce qu’elles partagent une architecture de base, elles ont de nombreuses fonctionnalités et caractéristiques communes.

Pair-à-pair

communication pair-à-pair illustrée par le vieux truc de la liaison par fil de deux boîtes de conserve percées, avec un "hello" à chaque bout

Signal est un service de communication centralisé, qui utilise un serveur pour relayer et transmettre chaque message que vous envoyez à vos amis. Les problèmes liés à ce modèle ont été longuement discutés ! Vous êtes probablement lassés d’en entendre parler maintenant. Le P de CPT signifie pair-à-pair. Dans un tel modèle, vous échangez des messages directement avec vos amis. Il n’y a pas de serveur central intermédiaire géré par un tiers. Chaque connexion directe s’appuie uniquement sur l’infrastructure plus large d’Internet.

facteur à vélo qui tient une enveloppe

Vous vous souvenez du bureau de poste Signal ? Avec un modèle pair-à-pair, vous ne passez pas par un service postal pour traiter votre courrier. Vous remettez vous-même chaque lettre directement à votre ami. Vous l’écrivez, vous la scellez dans une enveloppe (chiffrement de bout en bout), vous la mettez dans votre sac et vous traversez la ville à vélo pour la remettre en main propre.

La communication pair-à-pair offre une grande résistance aux métadonnées. Il n’y a pas de serveur central qui traite chaque message auquel des métadonnées peuvent être associées. Il est ainsi plus difficile pour les adversaires de collecter en masse des métadonnées sur les communications que de surveiller le trafic entrant et sortant de quelques serveurs centraux connus. Il n’y a pas non plus de point de défaillance unique. Tant qu’il existe une route sur Internet pour que vous et votre amie puissiez vous connecter, vous pouvez discuter.

Synchronisation

Il y a un point important à noter à propos de la communication pair-à-pair : comme il n’y a pas de serveur central pour stocker et relayer les messages, vous et votre ami devez tous deux avoir l’application en cours d’exécution et avoir une connexion en ligne pour échanger des messages. C’est pourquoi ces applications CPT privilégient la communication synchrone. Que se passe-t-il si vous traversez la ville à vélo pour remettre une lettre à vos amis et… qu’ils ne sont pas chez eux ? Si vous voulez vraiment faire du pair-à-pair, vous devez remettre la lettre en main propre. Vous ne pouvez pas simplement la déposer quelque part (il n’y a pas d’endroit assez sûr !). Vous devez être en mesure de joindre directement vos amis pour leur transmettre le message – c’est l’aspect synchrone de la communication de pair à pair.

Un appel téléphonique est un bon exemple de communication synchrone. Vous ne pouvez pas avoir de conversation téléphonique si vous n’êtes pas tous les deux au téléphone en même temps. Mais qui passe encore des appels téléphoniques ? De nos jours, nous sommes beaucoup plus habitués à un mélange de messagerie synchrone et asynchrone, et les services de communication centralisés comme Signal sont parfaits pour cela. Il arrive que vous et votre ami soyez tous deux en ligne et échangiez des messages en temps réel, mais le plus souvent, il y a un long décalage entre les messages envoyés et reçus. Au moins pour certaines personnes… Vous avez peut-être, en ce moment, votre téléphone allumé, à portée de main à tout moment. Vous répondez immédiatement à tous les messages que vous recevez, à toute heure de la journée. Donc toute communication est et doit être synchrone… si vous êtes dans ce cas, vous vous reconnaîtrez certainement.

Le passage à la communication textuelle synchrone peut être une vraie difficulté au début. Certaines lectrices et lecteurs se souviendront peut-être de ce que c’était lorsque on utilisait AIM, ICQ ou MSN Messenger (si vous vous en souvenez, vous avez mal au dos). Vous devez savoir si la personne est réellement en ligne ou non. Si la personne n’est pas en ligne, vous ne pouvez pas envoyer de messages pour plus tard. Si l’une d’entre vous ne laisse pas l’application en ligne en permanence, vous devez prendre l’habitude de prévoir des horaires pour discuter. Cela peut s’avérer très agréable. Paradoxalement, la normalisation de la communication asynchrone a entraîné le besoin d’être toujours en ligne et réactif. La communication synchrone encourage l’intentionnalité de nos communications, en les limitant aux moments où nous sommes réellement en ligne, au lieu de s’attendre à être en permanence plus ou moins disponibles.

Une autre conséquence importante de la synchronisation des connexions pair-à-pair est qu’elle peut rendre les discussions de groupe un peu bizarres. Que se passe-t-il si tous les membres du groupe ne sont pas en ligne au même moment ? Briar et Cwtch gèrent ce problème différemment, un sujet abordé plus bas, dans les sections relatives à chacune de ces applications.

Tor

grand type perplexe et chapeauté au t-shirt BIG DATA, qui se pose des questions (3 points d'interrogation) tandis qu'à ses pieds deux enfants communiquent avec des boites de conserve reliées par un fil

Bien que la communication pair-à-pair soit très résistante aux métadonnées et évite d’autres écueils liés à l’utilisation d’un serveur central, elle ne protège pas à elle seule contre la collecte de métadonnées et l’analyse du trafic dans le cadre du « Big Data ». Tor est un très bon moyen de limiter ce problème, et les applications CPT font transiter tout le trafic par Tor.

Si vous êtes un⋅e anarchiste et que vous lisez ces lignes, vous devriez déjà connaître Tor et la façon dont il peut être utilisé pour assurer l’anonymat (ou plutôt la non-associativité). Les applications CPT permettent d’établir des connexions directes pair-à-pair pour échanger des messages par l’intermédiaire de Tor. Il est donc beaucoup plus difficile de vous observer de manière ciblée ou de vous pister et de corréler vos activités sur Internet, de savoir qui parle à qui ou de faire d’autres analyses utiles. Il est ainsi bien plus difficile de relier un utilisateur donné d’une application CPT à une identité réelle. Tout ce qu’un observateur peut voir, c’est que vous utilisez Tor.

Tor n’est pas un bouclier à toute épreuve et des failles potentielles ou des attaques sur le réseau Tor sont possibles. Entrer dans les détails du fonctionnement de Tor prendrait trop de temps ici, et il existe de nombreuses ressources en ligne pour vous informer. Il est également important de comprendre les mises en garde générales en ce qui concerne l’utilisation de Tor. Comme Signal, le trafic Tor peut également être altéré par des interférences au niveau de l’infrastructure Internet, ou par des attaques par déni de service qui ciblent l’ensemble du réseau Tor. Toutefois, il reste beaucoup plus difficile pour un adversaire de bloquer ou de perturber Tor que de mettre hors service ou de bloquer le serveur central de Signal.

Il faut souligner que dans certaines situations, l’utilisation de Tor peut vous singulariser. Si vous êtes la seule à utiliser Tor dans une région donnée ou à un moment donné, vous pouvez vous faire remarquer. Mais il en va de même pour toute application peu courante. Le fait d’avoir Signal sur votre téléphone vous permet également de vous démarquer. Plus il y a de gens qui utilisent Tor, mieux c’est, et s’il est utilisé correctement, Tor offre une meilleure protection contre les tentatives d’identification des utilisateurs que s’il n’était pas utilisé. Les applications CPT utilisent Tor pour tout, par défaut, de manière presque infaillible.

Pas de téléphone, pas de problème

Un point facilement gagné pour les deux applications CPT présentées ici : elles ne réclament pas de numéro de téléphone pour l’enregistrement d’un compte. Votre compte est créé localement sur votre appareil et l’identifiant du compte est une très longue chaîne de caractères aléatoires que vous partagez avec vos amis pour qu’ils deviennent des contacts. Vous pouvez facilement utiliser ces applications sur un ordinateur, sur un téléphone sans carte SIM ou sur un téléphone mais sans lien direct avec votre numéro de téléphone.

Mises en garde générales concernant les applications CPT

La fuite de statut

Les communications pair-à-pair laissent inévitablement filtrer un élément particulier de métadonnées : le statut en ligne ou hors ligne d’un utilisateur. Toute personne que vous avez ajoutée en tant que contact ou à qui vous avez confié votre identifiant (ou tout adversaire ayant réussi à l’obtenir) peut savoir si vous êtes en ligne ou hors ligne à un moment donné. Cela ne s’applique pas vraiment à notre modèle de menace, sauf si vous êtes particulièrement négligent avec les personnes que vous ajoutez en tant que contact, ou pour des événements publics qui affichent les identifiants d’utilisateurs. Mais cela vaut la peine d’être noté, parce qu’il peut parfois arriver que vous ne vouliez pas que tel ami sache que vous êtes en ligne !

message dans une bulle dont l'auteur se réjouit de "voir" sa maman en ligne au moment où il écrit

Un compte par appareil

Lorsque vous ouvrez ces applications pour la première fois, vous créez un mot de passe qui sera utilisé pour chiffrer votre profil, vos contacts et l’historique de vos messages (si vous choisissez de le sauvegarder). Ces données restent chiffrées sur votre appareil lorsque vous n’utilisez pas l’application.

Comme il n’y a pas de serveur central, vous ne pouvez pas synchroniser votre compte sur plusieurs appareils. Vous pouvez migrer manuellement votre compte d’un appareil à l’autre, par exemple d’un ancien téléphone à un nouveau, mais il n’y a pas de synchronisation magique dans le cloud. Le fait d’avoir un compte distinct sur chaque appareil est une solution de contournement facile, qui encourage la compartimentation. Le fait de ne pas avoir à se soucier d’une version synchronisée sur un serveur central (même s’il est chiffré) ou sur un autre appareil est également un avantage. Cela oblige à considérer plus attentivement où se trouvent vos données et comment vous y accédez plutôt que de tout garder « dans le nuage » (c’est-à-dire sur l’ordinateur de quelqu’un d’autre). Il n’existe pas non plus de copie de vos données utilisateur qui serait sauvegardée sur un serveur tiers afin de restaurer votre compte en cas d’oubli de votre mot de passe ou de perte de votre appareil. Si c’est perdu… c’est perdu !.

Les seuls moyens de contourner ce problème sont : soit de confier à un serveur central une copie de vos contacts et de votre compte de média social, soit de faire confiance à un autre média social, de la même manière que Signal utilise votre liste de contacts composée de numéros de téléphone. Nous ne devrions pas faire confiance à un serveur central pour stocker ces informations (même sous forme chiffrée), ni utiliser quelque chose comme des numéros de téléphone. La possibilité de devoir reconstruire vos comptes de médias sociaux à partir de zéro est le prix à payer pour éviter ces problèmes de sécurité, et encourage la pratique qui consiste à maintenir et à rétablir des liens de confiance avec nos amis.

Durée de la batterie

Exécuter des connexions pair-à-pair avec Tor signifie que l’application doit être connectée et à l’écoute en permanence au cas où l’un de vos amis vous enverrait un message. Cela peut s’avérer très gourmand en batterie sur des téléphones anciens. Le problème se pose de moins en moins, car il y a une amélioration générale de l’utilisation des batteries et ces dernières sont de meilleure qualité.

Rien pour les utilisateurs d’iOS

Aucune de ces applications ne fonctionne sur iOS, principalement en raison de l’hostilité d’Apple à l’égard de toute application qui permet d’établir des connexions pair-à-pair avec Tor. Il est peu probable que cela change à l’avenir (mais ce n’est pas impossible).

Le bestiaire CPT

Il est temps de faire connaissance avec ces applications CPT. Elles disposent toutes les deux d’excellents manuels d’utilisation qui fournissent des informations complètes, mais voici un bref aperçu de leur fonctionnement, de leurs fonctionnalités et de la manière dont on les peut les utiliser.

Briar

Site officiel de BriarManuel de Briar

Histoire et philosophie de l’application

petit logo de Briar

Briar est développé par le Briar Project, un collectif de développeurs, de hackers et de partisans du logiciel libre, principalement basé en Europe. En plus de résister à la surveillance et à la censure, la vision globale du projet consiste à construire une infrastructure de communication et d’outils à utiliser en cas de catastrophe ou de panne d’Internet. Cette vision est évidemment intéressante pour les anarchistes qui se trouvent dans des régions où il y a un risque élevé de coupure partielle ou totale d’Internet lors d’une rébellion, ou bien là où l’infrastructure générale peut s’effondrer (c.-à-d. partout). Si les connexions à Internet sont coupées, Briar peut synchroniser les messages par Wi-Fi ou Bluetooth. Briar permet également de partager l’application elle-même directement avec un ami. Elle peut même former un réseau maillé rudimentaire entre pairs, de sorte que certains types de messages peuvent passer d’un utilisateur à l’autre.

Briar est un logiciel open source et a également fait l’objet d’un audit de sécurité indépendant en 2013.

  • À l’heure où nous écrivons ces lignes, Briar est disponible pour Android et la version actuelle est la 1.4.9.
  • Une version desktop bêta est disponible pour Linux (version actuelle 0.2.1.), bien qu’il lui manque de nombreuses fonctionnalités.
  • Des versions Windows et macOS du client desktop sont prévues.

Utiliser Briar

Conversation basique

Le clavardage de base fonctionne très bien. Les amis doivent s’ajouter mutuellement pour pouvoir se connecter. Briar dispose d’une petite interface agréable pour effectuer cette opération en présentiel en scannant les codes QR de l’autre. Mais il est également possible de le faire à distance en partageant les identifiants (sous la forme d’un « lien briar:// »), ou bien un utilisateur peut en « présenter » d’autres dans l’application, ce qui permet à deux utilisatrices de devenir des contacts l’une pour l’autre par l’intermédiaire de leur amie commune. Cette petite contrainte dans la manière d’ajouter des contacts peut sembler gênante, mais pensez à la façon dont ce modèle encourage des meilleures pratiques, notamment sur la confiance que l’on s’accorde en ajoutant des contacts. Briar a même un petit indicateur à côté de chaque nom d’utilisateur pour vous rappeler comment vous le « connaissez » (en personne, via des liens de partage, ou via un intermédiaire).

Actuellement, dans les discussions directes, vous pouvez envoyer des fichiers, utiliser des émojis, supprimer des messages ou les faire disparaître automatiquement au bout de sept jours. Si votre ami n’est pas en ligne, vous pouvez lui écrire un message qui sera envoyé automatiquement la prochaine fois que vous le verrez en ligne.

Groupes privés

Les groupes privés de Briar sont des groupes de discussion de base. Seul le créateur du groupe peut inviter d’autres membres. La création de groupes privés est donc très pensée en amont et destinée à un usage spécifique. Ils prennent en charge un affichage par fil de discussion (vous pouvez répondre directement à un message spécifique, même s’il ne s’agit pas du message le plus récent de la discussion), mais il s’agit d’un système assez rudimentaire. Il n’est pas possible d’envoyer des images dans un groupe privé, ni de supprimer des messages.

Avec Briar, les discussions de groupe étant véritablement sans serveur, les choses peuvent être un peu bizarres lorsque tous les membres du groupe ne sont pas en ligne en même temps. Vous vous souvenez de la synchronicité ? Tout message de groupe sera envoyé à tous les membres du groupe qui sont en ligne à ce moment-là. Briar s’appuie sur tous les membres d’un groupe pour relayer les messages aux autres membres qui ne sont pas en ligne. Si vous avez manqué certains messages dans une discussion de groupe, n’importe quel autre membre qui a reçu ces messages peut vous les transmettre lorsque vous êtes tous les deux en ligne.

Forums

Briar dispose également d’une fonction appelée Forums. Les forums fonctionnent de la même manière que les groupes privés, sauf que tout membre peut inviter d’autres membres.

Blog

La fonction de blog de Briar est plutôt sympa ! Chaque utilisateur dispose par défaut d’un flux de blog. Les articles de blog publiés par vos contacts s’affichent dans votre propre flux. Vous pouvez également commenter un billet, ou « rebloguer » le billet d’un contact pour qu’il soit partagé avec tous vos contacts (avec votre commentaire). En bref, c’est un réseau social rudimentaire qui fonctionne uniquement sur Briar.

Lecteur de flux RSS

Briar dispose également d’un lecteur de flux rss intégré qui récupère les nouveaux messages des sites d’information via Tor. Cela peut être un excellent moyen de lire le dernier communiqué de votre site de contre-information anarchiste préféré (qui fournit sûrement un flux rss, si vous ne le saviez pas déjà !). Les nouveaux messages qui proviennent des flux rss que vous avez ajoutés apparaissent dans le flux Blog, et vous pouvez les « rebloguer » pour les partager avec tous vos contacts.

Devenez un maillon

Briar propose de nombreux outils pour faire circuler des messages entre contacts, sans avoir recours à des serveurs centraux. Les forums et les blogs sont relayés d’un contact à l’autre, à l’instar des groupes privés qui synchronisent les messages entre les membres sans serveur. Tous vos contacts peuvent recevoir une copie d’un billet de blog ou de forum même si vous n’êtes pas en ligne en même temps – les contacts partagés transmettent le message pour vous. Briar ne crée pas de réseau maillé où les messages sont transmis via d’autres utilisateurs (ce qui pourrait permettre à un adversaire d’exploiter plusieurs comptes malveillants et de collecter des métadonnées). Briar ne confie aucun de vos messages à des utilisateurs auxquels ils ne sont pas destinés. Au contraire, chaque utilisatrice censée recevoir un message participe également à la transmission de ce message, et uniquement grâce à ses propres contacts. Cela peut s’avérer particulièrement utile pour créer un réseau de communication fiable qui fonctionne même si Internet est indisponible. Les utilisatrices de Briar peuvent synchroniser leurs messages par Wi-Fi ou Bluetooth. Vous pouvez vous rendre au café internet local, voir quelques amis et synchroniser divers messages de blogs et de forums. Puis une fois rentré, vos colocataires peuvent se synchroniser avec vous pour obtenir les mêmes mises à jour de tous vos contacts mutuels partagés.

Mises en garde pour Briar

Chaque instance de l’application ne prend en charge qu’un seul compte. Il n’est donc pas possible d’avoir plusieurs comptes sur le même appareil. Ce n’est pas un problème si vous utilisez Briar uniquement pour parler avec un groupe d’amis proches, mais cela rend difficile l’utilisation de Briar avec des groupes différents que vous voudriez compartimenter. Briar fournit pour cela plusieurs arguments basés sur la sécurité, dont l’un est simple : si le même appareil utilise plusieurs comptes, il pourrait théoriquement être plus facile pour un adversaire de déterminer que ces comptes sont liés, malgré l’utilisation de Tor. Si deux comptes ne sont jamais en ligne en même temps, il y a de fortes chances qu’ils utilisent le même téléphone portable pour leurs comptes Briar individuels. Il existe d’autres raisons, et aussi des solutions de contournement, toujours est-il qu’il n’est pas possible, pour le moment, d’avoir plusieurs profils sur le même appareil.

type ligoté avec l elogo de Briar sur la tête auquel un personnage du dessin animé Scoobidoo s'apprête à mettre un baîllon

Le protocole Briar exige également que deux utilisatrices s’ajoutent mutuellement en tant que contacts, ou qu’ils soient parrainés par un ami commun, avant de pouvoir interagir. Cela empêche de publier une adresse Briar pour recevoir des messages anonymes. Par exemple, vous voudriez publier votre identifiant Briar pour recevoir des commentaires honnêtes sur un article qui compare différentes applications de chat sécurisées.

Briar et la communication asynchrone

De manière générale, les utilisateurs et utilisatrices apprécient beaucoup la communication asynchrone. Le projet Briar travaille sur une autre application : une boîte aux lettres (Briar Mailbox) qui pourrait être utilisée facilement sur un vieux téléphone Android ou tout autre machine bon marché. Cette boîte aux lettres resterait en ligne principalement pour recevoir des messages pour vous, puis se synchroniserait avec votre appareil principal via Tor lorsque vous êtes connecté. C’est une idée intéressante. Une seule boîte aux lettres Briar pourrait potentiellement être utilisée par plusieurs utilisateurs qui se font confiance, comme des colocataires dans une maison collective, ou les clients réguliers d’un magasin d’information local. Plutôt que de s’appuyer sur un serveur central pour faciliter les échanges asynchrones, un petit serveur facile à configurer et contrôlé par vous-même serait utilisé pour stocker les messages entrants pour vous et vos amis lorsque vous n’êtes pas en ligne. Ce système étant encore en cours de développement, son degré de sécurité (par exemple, savoir si les messages stockés ou d’autres métadonnées seraient suffisamment sûrs si un adversaire accédait à la boîte aux lettres) n’est pas connu et devra faire l’objet d’une évaluation.

Cwtch

Site officiel de CwtchManuel de Cwtch

Historique et philosophie de l’application

petit logo de Cwtch

Alors oui ce nom pas facile à prononcer… ça rime avec « butch ». Apparemment, il s’agit d’un mot gallois qui signifie une étreinte offrant comme un refuge dans les bras de quelqu’un.

Cwtch est développé par l’Open Privacy Research Society, une organisation à but non lucratif basée à Vancouver. Dans l’esprit, Cwtch pourrait être décrit comme un « Signal queer ». Open Privacy s’investit beaucoup dans la création d’outils destinés à « servir les communautés marginalisées » et à résister à l’oppression. Elle a également travaillé sur d’autres projets intéressants, comme la conception d’un outil appelé « Shatter Secrets », destiné à protéger les secrets contre les scénarios dans lesquels les individus peuvent être contraints de révéler un mot de passe (comme lors d’un passage de frontière).

Cwtch est également un logiciel open source et son protocole repose en partie sur le projet CPT antérieur nommé Ricochet. Cwtch est un projet plus récent que Briar, mais son développement est rapide et de nouvelles versions sortent fréquemment.

  • À l’heure où nous écrivons ces lignes, la version actuelle est la 1.8.0.
  • Cwtch est disponible pour Android, Windows, Linux et macOS.

Utiliser Cwtch

Lorsque vous ouvrez Cwtch pour la première fois, vous créez votre profil, protégé par un mot de passe. Votre nouveau profil se voit attribuer un mignon petit avatar et une adresse Cwtch. Contrairement à Briar, Cwtch peut prendre en charge plusieurs profils sur le même appareil, et vous pouvez en avoir plusieurs déverrouillés en même temps. C’est idéal si vous voulez avoir des identités séparées pour différents projets ou réseaux sans avoir à passer d’un appareil à l’autre (mais dans ce cas attention aux possibles risques de sécurité !).

Pour ajouter un ami, il suffit de lui donner votre adresse Cwtch. Il n’est pas nécessaire que vous et votre ami échangiez d’abord vos adresses pour discuter. Cela signifie qu’avec Cwtch, vous pouvez publier une adresse Cwtch publiquement et vos ami⋅e⋅s’ou non peuvent vous contacter de manière anonyme. Vous pouvez également configurer Cwtch pour qu’il bloque automatiquement les messages entrants provenant d’inconnus. Voici une adresse Cwtch pour contacter l’auteur de cet article si vous avez des commentaires ou envie d’écrire un quelconque message haineux :

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En mode conversation directe, Cwtch propose un formatage de texte riche, des emojis et des réponses. Chaque conversation peut être configurée pour « enregistrer l’historique » ou « supprimer l’historique » à la fermeture de Cwtch.

C’est le strict minimum et cela fonctionne très bien. Pour l’instant, toutes les autres fonctionnalités de Cwtch sont « expérimentales » et vous pouvez les choisir en y accédant par les paramètres. Cela comprend les discussions de groupe, le partage de fichiers, l’envoi de photos, les photos de profil, les aperçus d’images et les liens cliquables avec leurs aperçus. Le développement de Cwtch a progressé assez rapidement, donc au moment où vous lirez ces lignes, toutes ces fonctionnalités seront peut-être entièrement développées et disponibles par défaut.

Discussions de groupe

Cwtch propose également des discussions de groupe en tant que « fonction expérimentale ». Pour organiser cela, Cwtch utilise actuellement des serveurs gérés par les utilisateurs, ce qui est très différent de l’approche de Briar. Open Privacy considère que la résistance aux métadonnées des discussions de groupe est un problème ouvert, et j’espère qu’en lisant ce qui précède, vous comprendrez pourquoi. Tout comme le serveur Signal, les serveurs Cwtch sont conçus de telle sorte qu’ils soient toujours considérés comme « non fiables » et qu’ils puissent en apprendre le moins possible sur le contenu des messages ou les métadonnées. Mais bien entendu, ces serveurs sont gérés par des utilisateurs individuels et non par une tierce partie centrale.

Tout utilisateur de Cwtch peut devenir le « serveur » d’une discussion de groupe. C’est idéal pour les groupes à usage unique, où un utilisateur peut devenir l’« hôte » d’une réunion ou d’une discussion rapide. Les serveurs de discussion de groupe de Cwtch permettent également la transmission asynchrone des messages, de sorte qu’un groupe ou une communauté peut exploiter son propre serveur en permanence pour rendre service à ses membres. La façon dont Cwtch aborde les discussions de groupe est encore en cours de développement et pourrait changer à l’avenir, mais il s’agit pour l’instant d’une solution très prometteuse et sympathique.

Correspondance asynchrone avec Cwtch

Les discussions de groupe dans Cwtch permettent la correspondance asynchrone (tant que le serveur/hôte est en ligne), mais comme Briar, Cwtch exige que les deux contacts soient en ligne pour l’envoi de messages directs. Contrairement à Briar, Cwtch ne permet pas de mettre en file d’attente les messages à envoyer à un contact une fois qu’il est en ligne.

petit logo de cœur barré

Cwtch et la question des crypto-monnaies

Fin 2019, Open Privacy, qui développe Cwtch, a reçu un don sans conditions de 40 000 dollars canadiens de la part de la fondation Zcash. Zcash est une autre crypto-monnaie centrée sur la vie privée, similaire mais nettement inférieure à Monero7. En 2019, Cwtch en était au tout début de son développement, et Open Privacy a mené quelques expériences exploratoires sur l’utilisation de Zcash ou de crypto-monnaies blockchain similaires comme des solutions créatives à divers défis relatifs au chiffrement, avec l’idée qu’elles pourraient être incorporées dans Cwtch à un moment ou à un autre. Depuis lors, aucun autre travail de développement avec Zcash ou d’autres crypto-monnaies n’a été associé à Cwtch, et il semble que ce ne soit pas une priorité ou un domaine de recherche pour Open Privacy. Toutefois, il convient de mentionner ce point comme un signal d’alarme potentiel pour les personnes qui se méfient fortement des systèmes de crypto-monnaies. Rappelons que Signal dispose déjà d’une crypto-monnaie entièrement fonctionnelle intégrée à l’application, qui permet aux utilisateurs d’envoyer et de recevoir des MobileCoin.

Conclusions

(… « X a quitté le groupe »)

De nombreux lecteurs se disent peut-être : « Les applications CPT ne semblent pas très bien prendre en charge les discussions de groupe… et j’adore les discussions de groupe ! »… Premièrement, qui aime vraiment les discussions de groupe ? Deuxièmement, c’est l’occasion de soulever des critiques sur la façon dont les anarchistes finissent par utiliser les discussions de groupe dans Signal, pour faire valoir que la façon dont elles sont mises en œuvre dans Briar et Cwtch ne devrait pas être un obstacle.

Signal, Cwtch et Briar vous permettent tous les trois d’organiser facilement un groupe en temps réel (synchrone !) pour une réunion ou une discussion collective rapide qui ne pourrait pas avoir lieu en présentiel. Mais lorsque les gens parlent de « discussion de groupe » (en particulier dans le contexte de Signal), ce n’est pas vraiment ce qu’ils veulent dire. Les discussions de groupe dans Signal deviennent souvent d’énormes flux continus de mises à jour semi-publiques, de « shitposts », de liens repartagés, etc. qui s’apparentent davantage à des pratiques de médias sociaux. Il y a plus de membres qu’il n’est possible d’en avoir pour une conversation vraiment fonctionnelle, sans parler de la prise de décision. La diminution de l’utilité et de la sécurité selon l’augmentation de la taille, de la portée et de la persistance des groupes Signal a été bien décrite dans l’excellent article Signal Fails. Plus un groupe de discussion s’éloigne de la petite taille, du court terme, de l’intention et de l’objectif principal, plus il est difficile à mettre en œuvre avec Briar et Cwtch — et ce n’est pas une mauvaise chose. Briar et Cwtch favorisent des habitudes plus saines et plus sûres, sans les « fonctionnalités » de Signal qui encouragent la dynamique des discussions de groupe critiquées dans des articles tels que « Signal Fails ».

Proposition

Briar et Cwtch sont deux initiatives encore jeunes. Certains anarchistes en ont déjà entendu parler et essaient d’utiliser l’un ou l’autre pour des projets ou des cas d’utilisation spécifiques. Les versions actuelles peuvent sembler plus lourdes à utiliser que Signal, et elles souffrent de l’effet de réseau – tout le monde utilise Signal, donc personne ne veut utiliser autre chose 8. Il est intéressant de souligner que les obstacles apparents à l’utilisation de Cwtch et Briar (encore en version bêta, effet de réseau, différent de ce à quoi vous êtes habitué, sans version iOS) sont exactement les mêmes que ceux qui ont découragé les premiers utilisateurs de Signal (alias TextSecure !).

Il est difficile d’amener les gens à se familiariser avec un nouvel outil et à commencer à l’utiliser. Surtout lorsque l’outil auquel ils sont habitués semble fonctionner à merveille ! Le défi est indéniable. Ce guide a pris des pages et des pages pour tenter de convaincre les anarchistes, qui sont peut-être ceux qui se préoccupent le plus de ces questions, qu’ils ont intérêt à utiliser ces applications.

Les anarchistes ont déjà réussi à adopter de nouveaux outils électroniques prometteurs, à les diffuser et à les utiliser efficacement lors des actions de lutte et de résistance. La normalisation de l’utilisation des applications CPT en plus ou à la place de Signal pour la communication électronique renforcera la résilience de nos communautés et de ceux que nous pouvons convaincre d’utiliser ces outils. Ils nous aideront à nous protéger de la collecte et de l’analyse de métadonnées de plus en plus puissantes, à ne pas dépendre d’un service centralisé et à rendre plus facile l’accès à l’anonymat.

Voici donc la proposition. Après avoir lu ce guide, mettez-le en pratique et partagez-le. Vous ne pouvez pas essayer Cwtch ou Briar seul, vous avez besoin d’au moins un ami pour cela. Installez-ces applications avec votre équipe et essayez d’utiliser l’une ou l’autre pour un projet spécifique qui vous convient. Organisez une réunion hebdomadaire avec les personnes qui ne peuvent pas se rencontrer en personne pour échanger des nouvelles qui, autrement, auraient été partagées dans un groupe de discussion agglutiné sur Signal. Gardez le contact avec quelques amis éloignés ou avec une équipe dont les membres sont distants. Vous n’êtes pas obligé de supprimer Signal (et vous ne le devriez probablement pas), mais vous contribuerez au minimum à renforcer la résilience en établissant des connexions de secours avec vos réseaux. Alors que la situation s’échauffe, la probabilité d’une répression intensive ou de fractures sociétales telles que celles qui perturbent Signal dans d’autres pays est de plus en plus grande partout, et nous aurons tout intérêt à mettre en place nos moyens de communication alternatifs le plus tôt possible !

Briar et Cwtch sont tous deux en développement actif, par des anarchistes et des sympathisants à nos causes. En les utilisant, que ce soit sérieusement ou pour le plaisir, nous pouvons contribuer à leur développement en signalant les bogues et les vulnérabilités, et en incitant leurs développeurs à continuer, sachant que leur projet est utilisé. Peut-être même que les plus férus d’informatique d’entre nous peuvent contribuer directement, en vérifiant le code et les protocoles ou même en participant à leur développement.

Outre la lecture de ce guide, essayer d’utiliser ces applications en tant que groupe d’utilisateurs curieux est le meilleur moyen d’apprécier en quoi elles sont structurellement différentes de Signal. Même si vous ne pouvez pas vous résoudre à utiliser ces applications régulièrement, le fait d’essayer différents outils de communication sécurisés et de comprendre comment, pourquoi et en quoi ils sont différents de ceux qui vous sont familiers améliorera vos connaissances en matière de sécurité numérique. Il n’est pas nécessaire de maîtriser les mathématiques complexes qui sous-tendent l’algorithme de chiffrement à double cliquet de Signal, mais une meilleure connaissance et une meilleure compréhension du fonctionnement théorique et pratique de ces outils permettent d’améliorer la sécurité opérationnelle dans son ensemble. Tant que nous dépendons d’une infrastructure pour communiquer, nous devrions essayer de comprendre comment cette infrastructure fonctionne, comment elle nous protège ou nous rend vulnérables, et explorer activement les moyens de la renforcer.

Le mot de la fin

Toute cette discussion a porté sur les applications de communication sécurisées qui fonctionnent sur nos téléphones et nos ordinateurs. Le mot de la fin doit rappeler que même si l’utilisation d’outils de chiffrement et d’anonymisation des communications en ligne peut vous protéger contre vos adversaires, vous ne devez jamais saisir ou dire quoi que ce soit sur une application ou un appareil sans savoir que cela pourrait être interprété devant un tribunal. Rencontrer vos amis, face à face, en plein air et loin des caméras et autres appareils électroniques est de loin le moyen le plus sûr d’avoir une conversation qui doit être sécurisée et privée. Éteignez votre téléphone, posez-le et sortez !

Appendice : d’autres applications dont vous n’avez pas forcément entendu parler

Ricochet Refresh

Ricochet était une toute première application CPT de bureau financée par le Blueprint for Free Speech, basé en Europe. Ricochet Refresh est la version actuelle. Fondamentalement, elle est très similaire à Cwtch et Briar, mais assez rudimentaire – elle dispose d’un système basique de conversation directe et de transfert de fichiers, et ne fonctionne que sur MacOS, Linux et Windows. Cette application est fonctionnelle, mais dépouillée, et n’a pas de version pour mobiles.

OnionShare

OnionShare est un projet fantastique qui fonctionne sur n’importe quel ordinateur de bureau et qui est fourni avec Tails et d’autres systèmes d’exploitation. Il permet d’envoyer et de recevoir facilement des fichiers ou d’avoir un salon de discussion éphémère rudimentaire via Tor. Il est également CPT !

Telegram

Telegram est en fait comme Twitter. Il peut s’avérer utile d’y être présent dans certains scénarios, mais il ne devrait pas être utilisé pour des communications sécurisées car il y a des fuites de métadonnées partout. Il n’est probablement pas utile de passer plus de temps à critiquer Telegram ici, mais il ne devrait pas être utilisé là où la vie privée ou la sécurité sont exigées.

Tox

Tox est un projet similaire à Briar et Cwtch, mais il n’utilise pas Tor – c’est juste CP. Tox peut être routé manuellement à travers Tor. Aucune des applications développées pour Tox n’est particulièrement conviviale.

Session

Session mérite qu’on s’y attarde un peu. L’ambiance y est très libertarienne, et activiste façon « free-speech movement ». Session utilise le protocole de chiffrement robuste de Signal, est en pair-à-pair pour les messages directs et utilise également le routage Onion pour l’anonymat (le même principe que celui qui est à la base de Tor). Cependant, au lieu de Tor, Session utilise son propre réseau de routage Onion pour lequel une « participation financière » est nécessaire afin de faire fonctionner un nœud de service qui constitue le réseau Onion. Point essentiel, cette participation financière prend la forme d’une crypto-monnaie administrée par la fondation qui développe Session. Le projet est intéressant d’un point de vue technologique, astucieux même, mais il s’agit d’une solution très « web3 » drapée dans une culture cryptobro. Malgré tout ce qu’ils prétendent, leurs discussions de groupe ne sont pas conçues pour être particulièrement résistantes à la collecte de métadonnées, et les grandes discussions de groupe semi-publiques sont simplement hébergées sur des serveurs centralisés (et apparemment envahis par des cryptobros d’extrême-droite). Peut-être que si la blockchain finit par s’imposer, ce sera une bonne option, mais pour l’instant, on ne peut pas la recommander en toute bonne conscience.

Molly

Molly est un fork du client Signal pour Android. Il utilise toujours le serveur Signal mais propose un peu plus de sécurité et de fonctionnalités sur l’appareil.

Contact

Cet article a été écrit originellement en août 2022. Courriel de l’auteur : pettingzoo riseup net ou via Cwtch : g6px2uyn5tdg2gxpqqktnv7qi2i5frr5kf2dgnyielvq4o4emry4qzid


dessin en noir et blanc. Main qui brandit un smartphone émettant un message (bulle) qui prend feu. Légende : le soulèvement ne dure qu'une nuit… les métadonnées sont éternelles


  1. Par le biais d’un hameçonnage ou d’une ruse
  2. Cependant, Signal semble vraiment vouloir obtenir davantage de dons de la part des utilisateurs, malgré le prêt de 50 millions de dollars contracté par l’entreprise. ¯_(ツ)_/¯
  3. Au lieu d’un serveur physique unique, il s’agit en fait d’un énorme réseau de serveurs loués dans les datacenters d’Amazon un peu partout aux États-Unis – ce qui peut être résumé à un serveur Signal unique pour les besoins de notre discussion.
  4. Récemment, Signal a choisi de fermer une partie du code de son serveur, soi-disant pour lui permettre de lutter contre le spam sur la plateforme. Cela signifie que désormais, une petite partie du code du serveur Signal n’est pas partagée publiquement. Ce changement dénote également une augmentation, bien qu’extrêmement minime, de la collecte de métadonnées côté serveur, puisqu’elle est nécessaire pour faciliter la lutte efficace contre le spam, même de manière basique. Il n’y a aucune raison de suspecter une manœuvre malveillante, mais il est important de noter qu’il s’agit là encore d’une décision stratégique qui sacrifie les questions de sécurité dans l’intérêt de l’expérience de l’utilisateur.
  5. Stewart Baker, Conseiller Général de la NSA.
  6. Pardonnez ce pavé sur les numéros de téléphone. Bien que, dans les fils de questions-réponses sur Github, Signal ait mentionné être ouvert à l’idée de ne plus exiger de numéro de téléphone, il n’y a pas eu d’annonce officielle indiquant qu’il s’agissait d’une fonctionnalité à venir et en cours de développement. Il semblerait que l’un des problèmes liés à l’abandon des numéros de téléphone pour l’enregistrement soit la rupture de la compatibilité avec les anciens comptes Signal, en raison de la manière dont les choses étaient mises en œuvre à l’époque de TextSecure. C’est paradoxal, étant donné que le principal argument de Moxie contre les modèles décentralisés est qu’il serait trop difficile d’aller vite – il y a trop de travail à faire avant de pouvoir mettre en œuvre de nouvelles fonctionnalités. Et pourtant, Signal est bloqué par un problème très embarrassant à cause d’un ancien code concernant l’enregistrement des comptes auprès d’un serveur central. Moxie a également expliqué que les numéros de téléphone sont utilisés comme point de référence de votre identité dans Signal pour faciliter la préservation de votre « graphe social ». Au lieu que Signal ait à maintenir une sorte de réseau social en votre nom, tous vos contacts sont identifiés par leur numéro de téléphone dans le carnet d’adresses de votre téléphone, ce qui facilite le maintien et la conservation de votre liste de contacts lorsque vous passez d’autres applications à Signal, ou si vous avez un nouveau téléphone, ou que sais-je encore. Pour Moxie, il semble qu’avoir à « redécouvrir » ses contacts régulièrement et en tout lieu soit un horrible inconvénient. Pour les anarchistes, cela devrait être considéré comme un avantage d’avoir à maintenir intentionnellement notre « graphe social » basé sur nos affinités, nos désirs et notre confiance. Nous devrions constamment réévaluer et réexaminer qui fait partie de notre « graphe social » pour des raisons de sécurité (est-ce que je fais encore confiance à tous ceux qui ont mon numéro de téléphone d’il y a 10 ans ?) et pour encourager des relations sociales intentionnelles (suis-je toujours ami avec tous ceux qui ont mon numéro de téléphone d’il y a 10 ans ?). Dernière anecdote sur l’utilisation des numéros de téléphone par Signal : Signal dépense plus d’argent pour la vérification des numéros de téléphone que pour l’hébergement du reste du service : 1 017 990 dollars pour Twillio, le service de vérification des numéros de téléphone, contre 887 069 dollars pour le service d’hébergement web d’Amazon.
  7. Le créateur de Zcash, un cypherpunk du nom de Zooko Wilcox-O’Hearn, semble prétendre que Zcash est privé mais ne peut pas être utilisé dans un but criminel…
  8. Avez-vous un moment pour parler d’interopérabilité et de fédération ? Peut-être plus tard…



Piwigo, la photo en liberté

Nous avons profité de la sortie d’une nouvelle version de l’application mobile pour interroger l’équipe de Piwigo, et plus particulièrement Pierrick, le créateur de ce logiciel libre qui a fêté ses vingt ans et qui est, c’est incroyable, rentable.

 

 

 

Salut l’équipe de Piwigo ! Nous avons lu avec intérêt la page https://fr.piwigo.com/qui-sommes-nous

Moi je note que «Piwigo» c’est plus sympa que « PhpWebGallery », comme nom de logiciel. Enfin, un logiciel libre qui n’a pas un nom trop tordu. Qu’est-ce que vous pouvez nous apprendre sur Piwigo, le logiciel ?

Piwigo est un logiciel libre de gestion de photothèque. Il s’agit d’une application web, donc accessible depuis un navigateur web, que l’on peut également consulter et administrer avec des applications mobiles. Au-delà des photos, Piwigo permet d’organiser et indexer tout type de média : images, vidéos, documents PDF et autres fichiers de travail des graphistes. Originellement conçu pour les particuliers, il s’est au fil des ans trouvé un public auprès des organisations de toutes tailles.

 

Le logo de Piwigo, le logiciel

 

La gestation du projet PhpWebGallery démarre fin 2001 et la première version sortira aux vacances de Pâques 2002. Pendant les vacances, car j’étais étudiant en école d’ingénieur à Lyon et j’ai eu besoin de temps libre pour finaliser la première version. Le logiciel a tout de suite rencontré un public et des contributeurs ont rejoint l’aventure. En 2009, « PhpWebGallery » est renommé « Piwigo » mais seul le nom a changé, il s’agit du même projet.

Les huit premières années, le projet était entièrement bénévole, avec des contributeurs (de qualité) qui donnaient de leur temps libre et de leurs compétences. Le passage d’étudiant à salarié m’a donné du temps libre, vraiment beaucoup. Je faisais pas mal d’heures pour mon employeur mais en comparaison avec le rythme prépa/école, c’était très tranquille : pas de devoirs à faire le soir ! Donc Piwigo a beaucoup avancé durant cette période. Devenu parent puis propriétaire d’un appartement, avec les travaux à faire… mon temps libre a fondu et il a fallu faire des choix. Soit j’arrêtais le projet et il aurait été repris par la communauté, soit je trouvais un modèle économique viable et compatible avec le projet pour en faire mon métier. Si je suis ici pour en parler douze ans plus tard, c’est que cette deuxième option a été retenue.

En 2010 vous lancez le service piwigo.com ; un logiciel libre dont les auteurs ne crèvent pas de faim, c’est plutôt bien. Est-ce que c’est vrai ? Avez-vous trouvé votre modèle économique ?

 

Le logo de Piwigo, le service

 

Pour ce qui me concerne, je ne crève pas du tout de faim. J’ai pu rapidement retrouver des revenus équivalents à mon ancien salaire. Et davantage aujourd’hui. J’estime vivre très confortablement et ne manquer de rien. Ceci est très subjectif et mon mode de vie pourrait paraître « austère » pour certains et « extravagant » pour d’autres. En tout cas moi cela me convient 🙂

Notre modèle économique a un peu évolué en 12 ans. Si l’objectif est depuis le départ de se concentrer sur la vente d’abonnements, il a fallu quelques années pour que cela couvre mon salaire. J’ai eu l’opportunité de réaliser des prestations de dev en parallèle de Piwigo les premières années pour compenser la croissance lente des ventes d’abonnements.

Ce qui a beaucoup changé c’est notre cible : on est passé d’une cible B2C (à destination des individus) à une cible B2B (à destination des organisations). Et cela a tout changé en terme de chiffre d’affaires. Malheureusement ou plutôt « factuellement » nous plafonnons depuis longtemps sur les particuliers. Nos offres Entreprise quant à elles sont en croissance continue, sans que l’on atteigne encore de plafond. Nous avons donc décidé de communiquer vers cette cible. Piwigo reste utilisable pour des particuliers bien sûr, mais ce sont prioritairement les organisations qui vont orienter notre feuille de route.

Grâce à la réorientation de notre modèle économique, il a été possible de faire grossir l’équipe.

Donc on a Piwigo.org qui fournit le logiciel libre que chacun⋅e peut installer à condition d’en avoir les compétences, et Piwigo.com, service commercial géré par ton équipe et toi. Vous vous chargez de la maintenance, des mises à jour, des sauvegardes.

Qui est vraiment derrière Piwigo.com aujourd’hui ? Et combien de gens est-ce que ça fait vivre ?

Une petite équipe mêlant des salariés, dont plusieurs alternants, des freelances dans les domaines du support, de la communication, du design ou encore de la gestion administrative. Cela représente 8 personnes, certaines à temps plein, d’autres à temps partiel. J’exclus le cabinet comptable, même s’il y passe du temps compte tenu du nombre de transactions que les abonnements représentent…

Qu’est-ce qui est lourd ?

Certains aspects purement comptables de l’activité. La gestion de la TVA par exemple. Non pas le principe de la TVA mais les règles autour de la TVA. Nous vendons en France, dans la zone Euro et hors zone Euro : à chaque situation sa règle d’application des taxes. Les PCA (produits constatés d’avance) sont aussi une petite source de tracas qu’il a fallu gérer proprement. Jamais je n’aurais imaginé passer autant de temps sur ce genre de sujets en lançant le projet commercial.

Qu’est-ce qui est cool ?
Constater que Piwigo est leur principal outil de travail de nombreux clients. On comprend alors que certains choix de design, certaines optimisations de performances font pour eux une grande différence au quotidien.

 

Création d’un⋅e utilisateur⋅ice

 

Nous avons lancé depuis quelques semaines une série d’entretiens utilisateurs durant lesquels des clients nous montrent comment ils utilisent Piwigo et c’est assez génial de les voir utiliser voire détourner les fonctionnalités que l’on a développées.

D’un point de vue vraiment personnel, ce que je trouve cool c’est qu’un projet démarré sur mon temps libre pendant mes études soit devenu créateur d’emplois. Et j’espère un emploi « intéressant » pour les personnes concernées. Qu’elles soient participantes à l’aventure ou utilisatrices dans leur métier. Je crois vraiment au rôle social de l’entreprise et je suis particulièrement fier que Piwigo figure dans le parcours professionnel de nombreuses personnes.

Votre liste de clients https://fr.piwigo.com/clients est impressionnante…

Oui, je suis d’accord : ça claque ! et bien sûr tout est absolument authentique. Évidemment on n’affiche qu’une portion microscopique de notre liste de clients.

Recevez-vous des commandes spécifiques des gros clients pour développer certaines fonctionnalités ?

Pourquoi des « gros » ? Certaines entreprises « pas très grosses » ont des demandes spécifiques aussi. Bon, en pratique c’est vrai que certains « gros » ont l’habitude que l’outil s’adapte à leur besoin et pas le contraire. Donc parfois on adapte : en personnalisant l’interface quasiment toujours, en développant des plugins parfois. C’est moins de 5% de nos clients qui vont payer une prestation de développement. Vendre ce type de prestation n’est pas au cœur de notre modèle économique mais ne pas le proposer pourrait nuire à la vente d’abonnements, donc on est ouverts aux demandes.

Est-ce que vous refusez de faire certaines choses ?

D’un point de vue du développement ? Pas souvent. Je n’ai pas souvenir de demandes suffisamment farfelues… pardon « spécifiques » pour qu’on les refuse a priori. En revanche il y a des choses qu’on refuse systématiquement : répondre à des appels d’offre et autre « marchés publics ». Quand une administration nous contacte et nous envoie des « dossiers » avec des listes de questions à rallonge, on s’assure qu’il n’y a pas d’appel d’offre derrière car on ne rentrera pas dans le processus. Nous ne vendons pas assez cher pour nous permettre de répondre à des appels d’offre. Je comprends que les entreprises qui vendent des tickets à 50k€+ se permettent ce genre de démarche administrative, mais avec notre ticket entre 500€ et 4 000€, on serait perdant à tous les coups. Le « coût administratif » d’un appel d’offre est plus élevé que le coût opérationnel de la solution proposée. C’est aberrant et on refuse de rentrer là-dedans.

Bien que nous refusions de répondre à cette complexité administrative (très française), nous avons de nombreuses administrations comme clients : ministère, mairies, conseils départementaux, offices de tourisme… Comme quoi c’est possible (et légal) de ne pas gaspiller de l’énergie et du temps à remplir des dossiers.

Y a-t-il beaucoup de particuliers qui, comme moi, vous confient leurs photos ? Faites péter les chiffres qui décoiffent !

Environ 2000 particuliers sont clients de notre offre hébergée. Ils sont bien plus nombreux à confier leurs photos à Piwigo, mais ils ne sont pas hébergés sur nos serveurs. Notre dernière enquête en 2020 indiquait qu’environ un utilisateur sur dix était client de Piwigo.com [donc 90% des gens qui utilisent le logiciel Piwigo s’auto-hébergent ou s’hébergent ailleurs, NDLR] .

Si on élargit un peu le champ de vision, on estime qu’il y a entre 50 000 et 500 000 installations de Piwigo dans le monde. Avec une énorme majorité d’installations hors Piwigo.com donc. Difficile à chiffrer précisément car Piwigo ne traque pas les installations.

 

La page d’administration de Piwigo

 

Pour des chiffres qui « décoiffent », je dirais qu’on a fait 30% de croissance en 2020. Puis encore 30% de croissance en 2021 (merci les confinements…) et qu’on revient à notre rythme de croisière de +15% par an en 2022. Dans le contexte actuel de difficulté des entreprises, je trouve qu’on s’en sort bien !

Autre chiffre qui décoiffe : on n’a pas levé un seul euro. Aucun business angel, aucune levée de fonds auprès d’investisseurs. Notre croissance est douce mais sereine. Attention pour autant : je ne dénigre pas le principe de lever des fonds. Cela permet d’aller beaucoup plus vite. Vers le succès ou l’échec, mais beaucoup plus vite ! Rien ne dit que si c’était à refaire, je n’essaierais pas de lever des fonds.

Encore un chiffre respectable : Piwigo a soufflé sa vingtième bougie en 2022. Le projet a connu plusieurs phases et nous vivons actuellement celle de la professionnalisation. Beaucoup de projets libres s’arrêtent avant et disparaissent car ils ne franchissent pas cette étape. Si certains voient dans l’arrivée de l’argent une « trahison » de la communauté, je trouve au contraire que c’est sain et gage de pérennité. Lorsque les fondateurs d’un projet ont besoin d’un modèle économique viable pour payer leurs propres factures, vous pouvez être sûrs que le projet ne va pas être abandonné sur un coup de tête.

Est-ce que les réseaux sociaux axés sur la photographie concurrencent Piwigo ? On pense à Instagram mais aussi à Pixelfed, évidemment.

J’ai regardé rapidement ce qu’était Pixelfed. Ma conclusion au bout de quelques minutes : c’est un clone opensource à Instagram, en mode décentralisé.

Piwigo n’est pas un réseau social. Pour certains utilisateurs, Piwigo a perdu de son intérêt dès lors que Facebook et ses albums photos sont arrivés. Pour d’autres, Piwigo constitue au contraire une solution pour ceux qui refusent la centralisation/uniformisation telle que proposée par Facebook ou Google. Enfin pour de nombreux clients pro (photographes ou entreprises) Piwigo est un outil à usage interne de l’équipe communication pour organiser les ressources média qui seront ensuite utilisées sur les réseaux sociaux. Il faut comprendre que pour les chargés de communication d’un office de tourisme, mettre sa photothèque sur Facebook n’a aucun sens. Ils ou elles publient quelques photos sur Facebook, sur Instagram ou autres, mais leur photothèque est organisée sur leur Piwigo.

Bref, même si les premières années je me suis demandé si Piwigo était encore pertinent face à l’émergence de ces nouvelles formes de communication, je sais aujourd’hui que Piwigo n’est pas en concurrence frontale avec ces derniers mais qu’au contraire, l’existence de ces réseaux nécessite pour les marques/entreprises qu’elles organisent leurs photothèques. Piwigo est là pour les y aider.

Quelles sont les différences ?

La toute première des choses, c’est la temporalité. Les réseaux sociaux sont excellents pour obtenir une exposition forte et éphémère de votre « actualité ». À l’inverse, Piwigo va exceller pour vous permettre de retrouver un lot de photos parmi des centaines de milliers, organisées au fil des années. Piwigo permet de gérer son patrimoine photo (et autres médias) sur le temps long.

L’autre aspect important c’est le travail en équipe. Un réseau social est généralement conçu autour d’une seule personne qui administre le compte. Dans Piwigo, plusieurs administrateurs collaborent (à un instant T ou dans la durée) pour construire la photothèque : classification, indexation (tags, titre, descriptions…)

Enfin, certaines fonctionnalités n’ont tout simplement rien à voir. Par exemple, dans un réseau social le cœur de métier va être d’obtenir des likes. Dans un Piwigo, vous allez pouvoir mettre en place un moteur de recherche multicritères avec vos propres critères. Par exemple on a un client qui fabrique des matériaux acoustiques. Ses critères de recherche sont collection, coloris, lieu d’implantation… Cela n’aurait aucun sens sur l’interface uniformisée d’un Instagram.

Qui apporte des contributions à Piwigo ? Est-ce que c’est surtout la core team ?

Cela a beaucoup changé avec le temps. Et même ce qu’on appelle aujourd’hui « équipe » n’est plus la même chose que ce qu’on appelait « équipe » il y a 10 ans. Aujourd’hui, l’équipe c’est essentiellement celle du projet commercial. Pas uniquement mais quand même pas mal.

On a donc beaucoup de contributions « internes » mais ce serait trop simplificateur d’ignorer l’énorme apport de la communauté de contributeurs au sens large. Déjà parce que l’état actuel de Piwigo repose sur les fondations créées par une communauté de développeurs bénévoles. Ensuite parce qu’on reçoit bien sûr des contributions sous forme de rapports de bugs, des pull-requests mais aussi grâce à des bénévoles qui aident des utilisateurs sur les forums communautaires, les bêta-testeurs… sans oublier les centaines de traducteurs.

Petite anecdote dont je suis fier : Rasmus Lerdorf, créateur de PHP (le langage de programmation principalement utilisé dans Piwigo) nous a plusieurs fois envoyé des patches pour que Piwigo soit compatibles avec les dernières versions de PHP.

 

Quel est votre lien avec le monde du Libre ? (<troll>y a-t-il un monde du Libre ?</troll>)

Je ne sais pas s’il y a un « monde du libre ». Historiquement Les contributeurs sont d’abord des utilisateurs du logiciel qui ont voulu le faire évoluer. Je ne suis pas certain qu’il s’agisse de fervents défenseurs du logiciel libre.

Franchement je ne sais pas trop comment répondre à cette question. Je sais que Piwigo est une brique de ce monde du libre mais je ne suis pas sûr que l’on conscientise le fait de faire partie d’un mouvement global. Je pense qu’on est pragmatique plutôt qu’idéologique.

 

En tant que client, je viens de recevoir le mail qui annonce le changement de tarif. Pouvez-vous nous expliquer l’origine de cette décision ?

Là on est vraiment sur l’actualité « à chaud ». Le changement de tarif pour les nouveaux/futurs clients a fait l’objet d’une longue réflexion et préparation. Je dirais qu’on le prépare depuis 18 mois.

 

Si j’ai bien compris la clientèle particulière est un tout petit pourcentage de la clientèle de Piwigo.com ?

Les clients de l’ancienne offre « individuelle » représentent 30 % du chiffre d’affaires des abonnements pour 91% des clients. J’exclus les prestations de dev, qui sont exclusivement ordonnées par des entreprises. Donc « tout petit pourcentage », ça dépend du point de vue 🙂

Est-ce que l’offre de stockage illimité devient trop chère ?

En moyenne sur l’ensemble des clients individuels, on est à ~30 Go de stockage utilisé. La médiane est quant à elle de 5Go. Si la marge financière dégagée n’est pas folle, on ne perd pas d’argent pour autant, car nous avons réussi à ne pas payer le stockage trop cher. Pour faire simple : on n’utilise pas de stockage cloud type Amazon Web Services, Google Cloud ou Microsoft Azure. Sinon on serait clairement perdant.

Ceci est vrai tant qu’on propose de l’illimité sur les photos. Sauf que la première demande au support, devant toutes les autres, c’est : « puis-je ajouter mes vidéos ? », et cela change la donne. Hors de question de proposer de l’illimité sur les vidéos. De l’autre côté, on entend et on comprend la demande des utilisateurs concernant les vidéos. Donc on veut proposer les vidéos, mais il faut en parallèle introduire un quota de stockage.

Ensuite nous avions un souci de cohérence entre l’offre individuelle (stockage illimité mais photos uniquement) et les offres entreprise (quota de stockage et tout type de fichiers). La solution qui nous paraît la meilleure est d’imposer un quota pour toutes les offres, mais un quota généreux. L’offre « Perso » est à 50 Go de stockage, donc largement au-delà de la conso moyenne.

Enfin la principe de l’illimité est problématique. En 12 ans, la perception du grand public sur le numérique a évolué. Je parle spécifiquement de la consommation de ressources que le numérique représente. Le cloud, ce sont des serveurs dans des centres de données qui consomment de l’électricité, etc. En 2023, je pense que tout le monde a intégré le fait que nous vivons dans un monde fini. Ceci n’est pas compatible avec la notion de stockage infini. Je peux vous assurer que certains utilisateurs n’ont pas conscience de cette finitude.

Est-ce que des pros ont utilisé cette offre destinée aux particuliers pour «abuser» ?

Il y a des abus sur l’utilisation de l’espace de stockage, mais pas spécialement par des pros. On a des particuliers qui scannent des documents en haute résolution par dizaine de milliers pour des téraoctets stockés… On a des particuliers qui sont fans de telle ou telle star de cinéma et qui font des captures d’écran chaque seconde de chaque film de cet acteur. Ne rigolez pas, cela existe.

En revanche on avait un soucis de positionnement : l’offre « individuelle » n’était pas très appropriée pour les photographes pros mais l’offre entreprise était trop chère. On a maintenant des offres mieux étagées et on espère que cela sera plus pertinent pour ce type de client.

Enfin on a des entreprises qui essaient de prendre l’offre individuelle en se faisant passer pour des particuliers. Et là on est obligés de faire les gendarmes. On a même détecté des « patterns » de ses entreprises et on annulait les commandes « individuelles » de ces clients. J’en avais personnellement un petit peu ras le bol 🙂

Les nouvelles offres, même « Perso » sont accessibles même à des multinationales. Évidemment, les limites qu’on a fixées devraient naturellement les orienter vers nos offres Entreprise (nouvelle génération) voire VIP.

 

Est-ce qu’il s’agissait d’une offre qui se voulait temporaire et que vous avez laissé filer parce que vous étiez sur autre chose ?

 

Pendant 12 ans ? Non non, le choix de proposer de l’illimité en 2010 était réfléchi et « à durée indéterminée ». Les besoins et les possibilités et surtout les demandes ont changé. On s’adapte. On espère ne pas se tromper et si c’est le cas on fera des ajustements.

L’important c’est de pas mettre nos clients au pied du mur : ils peuvent renouveler sur leur offre d’origine. On a toujours proposé cela et on ne compte pas changer cette règle. C’est assez unique dans notre secteur d’activité mais on y tient.

Nous avons vu que votre actualité c’était la nouvelle version de Piwigo NG. Je crois que vous avez besoin d’aide. Vous pouvez nous en parler ?

Nous avons plusieurs actualités et effectivement côté logiciel, c’est la sortie de la version 2 de l’application mobile pour Android. Piwigo NG (comme Next Generation) est le résultat du travail de Rémi, qui travaille sur Piwigo depuis deux ans. Après avoir voulu faire évoluer l’application « native » sans succès, il a créé en deux semaines un prototype d’application mobile en Flutter. Ce qu’il avait fait en deux semaines était meilleur que ce que l’on galérait à obtenir avec l’application native en plusieurs mois. On a donc décidé de basculer sur cette nouvelle technologie. Un an après la sortie de Piwigo NG, Rémi sort une version 2 toujours sur Flutter mais avec une nouvelle architecture « plus propice aux évolutions ». Le fameux « il faut refactorer tous les six mois », devise des développeurs Java.

En effet nous avons besoin d’aide pour bêta-tester cette version 2 de Piwigo NG. Plus nous avons de retours, plus nous pouvons la stabiliser.

Pour aller plus loin




Google et son robot pipoteur(*), selon Doctorow

Source de commentaires alarmants ou sarcastiques, les robots conversationnels qui reposent sur l’apprentissage automatique ne provoquent pas seulement l’intérêt du grand public, mais font l’objet d’une course de vitesse chez les GAFAM.

Tout récemment, peut-être pour ne pas être à la traîne derrière Microsoft qui veut adjoindre un chatbot à son moteur de recherche Bing, voilà que Google annonce sa ferme résolution d’en faire autant. Dans l’article traduit pour vous par framalang, Cory Doctorow met en perspective cette décision qui lui semble absurde en rappelant les échecs de Google qui a rarement réussi à créer quoi que ce soit…

(*) Merci à Clochix dont nous adoptons dans notre titre la suggestion.

Article original : Google’s chatbot panic

Traduction Framalang : Fabrice, goofy, jums, Henri-Paul, Sysy, wisi_eu,

L’assistant conversationnel de Google en panique

par Cory Doctorow

 

Photo Jonathan Worth CC-BY-SA

 

 

Il n’y a rien d’étonnant à ce que Microsoft décide que l’avenir de la recherche en ligne ne soit plus fondé sur les liens dans une page web, mais de là à la remplacer par des longs paragraphes fleuris écrits dans un chatbot qui se trouve être souvent mensonger… — et en plus Google est d’accord avec ce concept.

Microsoft n’a rien à perdre. Il a dépensé des milliards pour Bing, un moteur de recherche que personne n’utilise volontairement. Alors, sait-on jamais, essayer quelque chose d’aussi stupide pourrait marcher. Mais pourquoi Google, qui monopolise plus de 90 % des parts des moteurs de recherche dans le monde, saute-t-il dans le même bateau que Microsoft ?

le long d'un mur de brique rouge sur lequel est suspendu un personnage ovoïde au visage très inquiet (Humpty-Dumpty le gros œuf), deux silhouettes jumelles (Tweedle-dee et Tweedle-dum les personnages de De l'autre côté du_miroir de Lewis Carroll) représentent avec leur logo sur le ventre Bing et google, chacun d'eaux a une tête qui évoque le robot Hal de 2001, à savoir une lueur rouge sur fond noir qui fait penser à un œil.

Il y a un délicieux fil à dérouler sur Mastodon, écrit par Dan Hon, qui compare les interfaces de recherche merdiques de Bing et Google à Tweedledee et Tweedledum :

https://mamot.fr/@danhon@dan.mastohon.com/109832788458972865

Devant la maison, Alice tomba sur deux étranges personnages, tous deux étaient des moteurs de recherche.
— moi, c’est Google-E, se présenta celui qui était entièrement recouvert de publicités
— et moi, c’est Bingle-Dum, fit l’autre, le plus petit des deux, et il fit la grimace comme s’il avait moins de visiteurs et moins d’occasions de mener des conversations que l’autre.
— je vous connais, répondit Alice, vous allez me soumettre une énigme ? Peut-être que l’un de vous dit la vérité et que l’autre ment ?
— Oh non, fit Bingle-Dum
— Nous mentons tous les deux, ajouta Google-E

Mais voilà le meilleur :

— Cette situation est vraiment intolérable, si vous mentez tous les deux.

— mais nous mentons de façon très convaincante, précisa Bingle-Dum

— D’accord, merci bien. Dans ce cas, comment puis-je vous faire jamais confiance ni / confiance à l’un ni/ou à l’autre ? Dans ce cas, comment puis-je faire confiance à l’un d’entre vous ?

Google-E et Bingle-Dum se tournèrent l’un vers l’autre et haussèrent les épaules.

La recherche par chatbot est une très mauvaise idée, surtout à un moment où le Web est prompt à se remplir de vastes montagnes de conneries générées via l’intelligence artificielle, comme des jacassements statiques de perroquets aléatoires :

La stratégie du chatbot de Google ne devrait pas consister à ajouter plus de délires à Internet, mais plutôt à essayer de trouver comment exclure (ou, au moins, vérifier) les absurdités des spammeurs et des escrocs du référencement.

Et pourtant, Google est à fond dans les chatbots, son PDG a ordonné à tout le monde de déployer des assistants conversationnels dans chaque recoin de l’univers Google. Pourquoi diable est-ce que l’entreprise court après Microsoft pour savoir qui sera le premier à décevoir des espérances démesurées ?

J’ai publié une théorie dans The Atlantic, sous le titre « Comment Google a épuisé toutes ses idées », dans lequel j’étudie la théorie de la compétition pour expliquer l’insécurité croissante de Google, un complexe d’anxiété qui touche l’entreprise quasiment depuis sa création:

L’idée de base : il y a 25 ans, les fondateurs de Google ont eu une idée extraordinaire — un meilleur moyen de faire des recherches. Les marchés financiers ont inondé l’entreprise en liquidités, et elle a engagé les meilleurs, les personnes les plus brillantes et les plus créatives qu’elle pouvait trouver, mais cela a créé une culture d’entreprise qui était incapable de capitaliser sur leurs idées.

Tous les produits que Google a créés en interne, à part son clone de Hotmail, sont morts. Certains de ces produits étaient bons, certains horribles, mais cela n’avait aucune importance. Google, une entreprise qui promouvait la culture du baby-foot et la fantaisie de l’usine Willy Wonka [NdT: dans Charlie et la chocolaterie, de Roald Dahl], était totalement incapable d’innover.

Toutes les réussites de Google, hormis son moteur de recherche et gmail, viennent d’une acquisition : mobile, technologie publicitaire, vidéos, infogérance de serveurs, docs, agenda, cartes, tout ce que vous voulez. L’entreprise souhaite plus que tout être une société qui « fabrique des choses », mais en réalité elle « achète des choses ». Bien sûr, ils sont très bons pour rendre ces produits opérationnels et à les faire « passer à l’échelle », mais ce sont les enjeux de n’importe quel monopole :

La dissonance cognitive d’un « génie créatif » autoproclamé, dont le véritable génie est de dépenser l’argent des autres pour acheter les produits des autres, et de s’en attribuer le mérite, pousse les gens à faire des choses vraiment stupides (comme tout utilisateur de Twitter peut en témoigner).
Google a longtemps montré cette pathologie. Au milieu des années 2000 – après que Google a chassé Yahoo en Chine et qu’il a commencé à censurer ses résultats de recherche, puis collaboré à la surveillance d’État — nous avions l’habitude de dire que le moyen d’amener Google à faire quelque chose de stupide et d’autodestructeur était d’amener Yahoo à le faire en premier lieu.

C’était toute une époque. Yahoo était désespéré et échouait, devenant un cimetière d’acquisitions prometteuses qui étaient dépecées et qu’on laissait se vider de leur sang, laissées à l’abandon sur l’Internet public, alors que les princes duellistes de la haute direction de Yahoo se donnaient des coups de poignard dans le dos comme dans un jeu de rôle genre les Médicis, pour savoir lequel saboterait le mieux l’autre. Aller en Chine fut un acte de désespoir après l’humiliation pour l’entreprise que fut le moteur de recherche largement supérieur de Google. Regarder Google copier les manœuvres idiotes de Yahoo était stupéfiant.

C’était déconcertant, à l’époque. Mais à mesure que le temps passait, Google copiait servilement d’autres rivaux et révélait ainsi une certaine pathologie d’insécurité. L’entreprise échouait de manière récurrente à créer son réseau « social », et comme Facebook prenait toujours plus de parts de marché dans la publicité, Google faisait tout pour le concurrencer. L’entreprise fit de l’intégration de Google Plus un « indictateur1 de performance » dans chaque division, et le résultat était une agrégation étrange de fonctionnalités « sociales » défaillantes dans chaque produit Google — produits sur lesquels des milliards d’utilisateurs se reposaient pour des opérations sensibles, qui devenaient tout à coup polluées avec des boutons sociaux qui n’avaient aucun sens.

La débâcle de G+ fut à peine croyable : certaines fonctionnalités et leur intégration étaient excellentes, et donc logiquement utilisées, mais elles subissaient l’ombrage des incohérences insistantes de la hiérarchie de Google pour en faire une entreprise orientée réseaux sociaux. Quand G+ est mort, il a totalement implosé, et les parties utiles de G+ sur lesquelles les gens se reposaient ont disparu avec les parties aberrantes.

Pour toutes celles et ceux qui ont vécu la tragi-comédie de G+, le virage de Google vers Bard, l’interface chatbot pour les résultats du moteur de recherche, semble tristement familier. C’est vraiment le moment « Mourir en héros ou vivre assez longtemps pour devenir un méchant ». Microsoft, le monopole qui n’a pas pu tuer la jeune pousse Google à cause de son expérience traumatisante des lois antitrust, est passé d’une entreprise qui créait et développait des produits à une entreprise d’acquisitions et d’opérations, et Google est juste derrière elle.

Pour la seule année dernière, Google a viré 12 000 personnes pour satisfaire un « investisseur activiste » privé. La même année, l’entreprise a racheté 70 milliards de dollars en actions, ce qui lui permet de dégager suffisamment de capitaux pour payer les salaires de ses 12 000 « Googleurs » pendant les 27 prochaines années. Google est une société financière avec une activité secondaire dans la publicité en ligne. C’est une nécessité : lorsque votre seul moyen de croissance passe par l’accès aux marchés financiers pour financer des acquisitions anticoncurrentielles, vous ne pouvez pas vous permettre d’énerver les dieux de l’argent, même si vous avez une structure à « double pouvoir » qui permet aux fondateurs de l’emporter au vote contre tous les autres actionnaires :

https://abc.xyz/investor/founders-letters/2004-ipo-letter/

ChatGPT et ses clones cochent toutes les cases d’une mode technologique, et sont les dignes héritiers de la dernière saison du Web3 et des pics des cryptomonnaies. Une des critiques les plus claires et les plus inspirantes des chatbots vient de l’écrivain de science-fiction Ted Chiang, dont la critique déjà culte est intitulée « ChatGPT est un une image JPEG floue du Web » :

https://www.newyorker.com/tech/annals-of-technology/chatgpt-is-a-blurry-jpeg-of-the-web

Chiang souligne une différence essentielle entre les résultats de ChatGPT et ceux des humains : le premier jet d’un auteur humain est souvent une idée originale, mal exprimée, alors que le mieux que ChatGPT puisse espérer est une idée non originale, exprimée avec compétence. ChatGPT est parfaitement positionné pour améliorer la soupe de référencement que des légions de travailleurs mal payés produisent dans le but de grimper dans les résultats de recherche de Google.

En mentionnant l’article de Chiang dans l’épisode du podcast « This Machine Kills », Jathan Sadowski perce de manière experte la bulle de la hype ChatGPT4, qui soutient que la prochaine version du chatbot sera si étonnante que toute critique de la technologie actuelle en deviendra obsolète.

Sadowski note que les ingénieurs d’OpenAI font tout leur possible pour s’assurer que la prochaine version ne sera pas entraînée sur les résultats de ChatGPT3. Cela en dit long : si un grand modèle de langage peut produire du matériel aussi bon qu’un texte produit par un humain, alors pourquoi les résultats issus de ChatGPT3 ne peuvent-ils pas être utilisés pour créer ChatGPT4 ?

Sadowski utilise une expression géniale pour décrire le problème :  « une IA des Habsbourg ». De même que la consanguinité royale a produit une génération de prétendus surhommes incapables de se reproduire, l’alimentation d’un nouveau modèle par le flux de sortie du modèle précédent produira une spirale infernale toujours pire d’absurdités qui finira par disparaître dans son propre trou du cul.

 

Crédit image (modifiée) : Cryteria, CC BY 3.0




La dégooglisation du GRAP, partie 3 : Le bilan

On vous a partagé la semaine dernière la deuxième partie de La dégooglisation du GRAP qui vous invitait à découvrir comment iels avaient réussi à sortir de Google Agenda et gmail. Voici donc la suite et fin de ce récit palpitant de dégooglisation. Encore merci à l’équipe informatique du GRAP d’avoir documenté leur démarche : c’est vraiment très précieux ! Bonne lecture !

 

Dans l’épisode précédent…

Après la sortie de Google Drive remplacé par Nextcloud, Google Agenda par Nextcloud Agenda, nous avons fini par le plus gros bout en 2021-2022, sortir de Gmail et en finir avec le tentaculaire Google.

Le mardi 23 novembre, nous débranchions enfin Google. Nous voilà libres ! Presque 😉

Bilan dégooglisation

Après 4 ans de dégooglisation, où en sommes-nous de notre utilisation de logiciels non libres ?

Dans l’équipage ⛵

Système d’exploitation Libre ? Commentaire
Windows 13 personnes
Ubuntu 9 personnes
Gestion documentaire et travail collaboratif
Nextcloud Files Tout le monde depuis 2020 ✅
Nextcloud Agenda Tout le monde depuis 2021 ✅
Téléphonie et visio
3CX Tout le monde  ❌
Nextcloud Discussions
Mail et nom de domaine
Gandi
Tout le monde depuis 2022 ✅
Logiciels métier
Odoo (suivi des actis, achat/revente, facturation)
Pôles info, accompagnement et logistique
EBP (compta)
Pôle compta
Cegid (paie) Pôle social
Gimp, Inkscape, Scribus (graphisme et mise en page)
Pôle communication
BookstackApp (documentation) Tous pôles
Logiciels bureautique
Suite Office
Suite LibreOffice
Réseaux sociaux
Facebook, Linkedin, Twitter, Eventbrite
Peertube

Nos pistes d’amélioration en logiciel libre sont donc du côté du système d’exploitation et des logiciels métiers.

Les blocages sont dus :

  1. à certains logiciels métiers qui n’existent pas en logiciel libre
    → à voir si on arrive à développer certains bouts métier sur Odoo dans les prochaines années
  2. à la difficulté de se passer d’Excel pour certaines personnes grandement habituées à ses logiques et son efficacité
    → à voir si LibreOffice continue à s’améliorer et/ou si on se forme plus sur LibreOffice

Dans la coopérative  🌸

Système d’exploitation Libre ? Commentaire
Ubuntu Dans tous les points de vente
ordinateurs portables
Windows ou Mac Les autres ordinateurs portables
Gestion documentaire et travail collaboratif
Nextcloud Files Tout le monde y a accès depuis 2020 ✅
Fournisseur mail principal
Gandi
55%
Gmail 37%
Ecomail ? 4%
Logiciels métier
Odoo (achat, revente, stock, facturation, intelligence décisionnelle)
Utilisé par 95% des activités
Autres
❌ ✅ Dur à dire, mais la majorité des activités de transformation utilise des tableaux Excel ou des logiciels dédiés
Logiciels bureautique
Suite Office Pas de référencement fait. Aucune visibilité actuellement
Suite LibreOffice

Nos pistes d’amélioration sont donc du côté des logiciels mails et des logiciels métiers.

→ Un des gros chantiers de 2022-2023 est justement le développement et la migration sur Odoo Transfo. Pas pour le côté politique du logiciel libre mais bien de l’amélioration continue d’un même logiciel partagé dans la coopérative.

→ À voir si la dégooglisation de l’équipe « inspire » certaines activités pour se motiver à se dégoogliser. Nous serons là pour les accompagner et continuer à porter le message à qui veut l’entendre.

Bilan humain

À l’heure où nous écrivons (fin octobre 2022), il est trop tôt pour faire le bilan de la sortie de Gmail. Nous comptons d’ailleurs envoyer un nouveau questionnaire dans quelques mois qui nous permettra d’y voir plus clair. Mais nous pouvons d’ores et déjà dire que ce fut clairement l’étape la plus compliquée de la dégooglisation.

Sortir d’un logiciel fonctionnel, performant et joli est forcément compliqué quand on migre vers un logiciel aux logiques différentes (logiciel bureau VS web par exemple) et qui souffre de la comparaison au premier abord. Pour compenser cela, nous avons fait le choix de dédier beaucoup de temps humains (nombreuses formations par mini groupes ou en individuels, réponses rapides aux questions posées) et beaucoup de documentations et de partage de retour d’expériences.

La sortie de Google Drive et Google Agenda furent relativement douces et moins complexes que Gmail. Le logiciel Nextcloud étant assez mature pour assurer un changement plutôt simple et serein.

Ça paraît simple une fois énoncé, mais plus les gens travaillent avec un outil (Google par exemple), plus il sera difficile de les amener à changer facilement d’outil.

Conseil n°5 :
Dans la mesure du possible, la meilleure des dégooglisation est celle qui commence dès le début, par l’utilisation d’outils Libres. En 2022, quasiment tout logiciel a son alternative Libre mature et fonctionnel.
Si ce n’est pas possible, dès que les moyens humains sont disponibles et que la majorité le veut, envisagez votre dégooglisation ?

À Grap, il existe une certaine culture politique de compréhension autour des enjeux du logiciel libre et des GAFAM. Cela nous a aidé. Et cela nous parait quasiment obligatoire avant d’envisager une dégooglisation. Car c’est un processus long où l’on a besoin du consentement – au moins théorique – des gens impactés pour que celleux-ci acceptent de se former à de nouveaux outils, s’habituer à de nouvelles habitudes etc.

Conseil n°6 : avant d’entamer une dégooglisation, faire monter en compétences votre groupe sur les sujets autour du Logiciel Libre et des enjeux des Gafam à travers des projections de films par exemple.
Voici un récap de quelques ressources.

Bilan technique

Voici nos choix de logiciels pour notre dégooglisation :

  • Nextcloud pour la gestion documentaire et le travail collaboratif (agenda, visio, gestion de tâches)
    • complété par Onlyoffice avec une image Docker sans limitation d’usage (pendant 2 ans l’image nemskiller007/officeunleashed puis désormais alehoho/oo-ce-docker-license)
    • sauvegarde quotidienne par le logiciel de sauvegarde Borg
  • BookstackApp et Peertube pour la documentation écrite et vidéo
  • Meshcentral pour la prise en main à distance d’autres ordinateurs
  • Gandi pour le prestataire de mails
  • Thunderbird pour le logiciel bureau pour gérer ses mails (et K9Mail sur téléphone)

Voici nos choix d’infrastructure :

  • OVH et Online  pour la location de serveurs faisant tourner ses services (choix historique)
  • 4 serveurs :
    • 1 serveur dédié Nextcloud de 2To (Gamme Start-1-L Intel Xeon E3 1220v2 @3,1 Ghz, 16Go RAM)
    • 1 serveur dédié Nextcloud Test en miroir du Nextcloud
    • 1 serveur de sauvegarde (mutualisé avec d’autres services de la coopérative)
    • 1 serveur dédié à différents services (Peertube, Meshcentral, Bookstackapp)

Bilan économique

Pour calculer le coût économique de notre dégooglisation commencé en 2018, voici les chiffres retenus.

☀️ Le scénario « Dégooglisation » est celui réellement effectué depuis 2018.
Son coût comprend :

  • le temps de travail du service informatique, découpé en
    • l’aide au collègue habituelle : qui subit une augmentation du fait de l’internalisation de certaines questions, notamment avec le changement de Gmail à Thunderbird
    • le support et administration système des services :
      • toutes les recherches techniques (comment bien gérer les installations, sauvegardes etc.)
      • toutes les questions / réponses par mail et téléphone
    • le « temps de dégooglisation » qui correspond
      • les temps d’écriture de documentation et de formation
      • les mails d’annonce, de relance, de re-re-relance  😉
  • le coût des serveurs informatiques pour faire tourner les logiciels remplaçant les services Google et Teamviewer

🤮 À l’opposé, le scénario Google comprend :

  • le temps de travail du service informatique sur l’aide au collègue – accès stable dans le temps – qui augmente par le nombre de gens dans l’équipe, mais diminue par notre appropriation des logiciels, améliorations de l’existant, documentation etc.
  • la facturation des comptes Google Workspace
    • stable depuis 2018, Google a annoncé cet été l’augmentation de ces prix. Les pauvres n’ont eu que 6% de croissance en 2022 avec 14 milliards de dollars de bénéfices. Passant donc les comptes pro de 4€ à 10,40€/mois à partir de juin 2023.
  • la facturation hypothétique (car elle n’a jamais eu lieu) de Teamviewer Pro
    • En effet, jusqu’à juin 2019, nous utilisions Teamviewer pour aider les activités de la coopérative à distance. Mais notre utilisation intensive ne rentrait plus dans la version gratuite et Teamviewer nous bloquait l’usage du logiciel pour que l’on souscrive à leur abonnement.
    • Heureusement, nous sommes passés sur des logiciels auto-hebergés et libre : RemoteHelp (un logiciel libre abandonné depuis) puis en décembre 2020 sur Meshcentral.

En prenant en compte ces données, le scénario « Dégooglisation » finit par devenir moins cher que le scénario « Google ».
Pour le coût mensuel, cela arrive dès septembre 2022 (quasi à la fin de la sortie de Gmail donc) !  🎉
Pour le coût cumulé, cela devient rentable deux ans après, en septembre 2024 !  🎉

Ces chiffres s’expliquent par :

  • le coût important au démarrage de la sortie de Google Drive
    • 128h passées sur les 5 premiers mois pour valider la solution Nextcloud
  • un temps de support / administration système pour Nextcloud qui baisse progressivement
    • passant de 14h mensuels en 2019, à 9h en 2020, à 5h en 2021, à 3h en 2022
  • le prix de Google qui aurait augmenté (mais on y a échappé avant, ouf !)

Bilan politique

Nous sommes fièr·es en tant que coopérative de porter concrètement nos valeurs dans le choix de nos logiciels qui sont plus que de simples outils.

Ces outils sont porteurs de valeurs démocratiques très fortes. Nous ne voulons pas continuer à engraisser Google – et autres GAFAM – de nos données privées et professionnelles qui les revendent à des entreprises publicitaires et des états à tendance anti-démocratique (voir les révélations Snowden, le scandale Facebook-Cambridge Analytica). Cela est en contradiction avec ce que nous prônons : la coopération, de l’entraide et le lien humain.

Nous avons besoin d’outils conviviaux, modulables et modifiables selon qui nous sommes. Nous avons besoin de pouvoir trifouiller les outils que nous utilisons, comme nous pouvons trifouiller un vélo pour y réparer le frein ou y rajouter un porte-bagages. Des outils émancipateurs en somme, qui nous empouvoire et ne rendent pas plus esclave de la matrice capitaliste.

Notre démarche n’aurait pas pu avoir lieu sans le travail et l’aide de millions de personnes qui ont construit des outils Libres, des documentations Libres, des conférences et autres vidéos Libres. Elle n’aurait pas eu lieu non plus sans l’inspiration de structures comme Framasoft ou la Quadrature du Net. Merci.

 🍎 La route est longue, la voie est libre, et sur le chemin nous y cueillerons des pommes bios et paysannes.  🍏

Encore un grand merci aux informaticiens du GRAP pour leur travail de documentation sur cette démarche. D’autres témoignages de Dégooglisation ont été publiés sur ce blog, n’hésitez pas à prendre connaissance. Et si vous aussi, vous faites partie d’une organisation qui s’est lancée dans une démarche similaire et que vous souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à nous envoyer un message pour nous le faire savoir. On sera ravi d’en parler ici !

 




Collectivise the Internet : Three years to Ruffle the Feathers of Surveillance Capitalism

If the major issue in the digital world is systemic (a system called Surveillance Capitalism), then the answer cannot be limited to  » individual degoogleizing initiatives ». Our new roadmap Collectivise the Internet / Convivialise the Internet 🦆🦆  is all out on providing digital tools for non-profit organizations and collectives that work for the common good and the good of the Commons.

Let us tell you this story…

This article was published in French in October 2022 as part of the launch of Framasoft’s new roadmap Collectivise the Internet / Convivialise the Internet.

Simple banquet, in a shared garden, where free-software mascot animals are being served by Collectivise, convivialise ducks - Illustration by David Revoy - Licence: CC-By 4.0
Collectivise, convivialise – Illustration by David Revoy – License: CC-By 4.0

Emancipating Ourselves from Googles’ Industrial Animal Farmland

At Framasoft, we learn by doing. With every new campaign, with every new three-year roadmap, we try to apply lessons from the past. And every time, we discover more about our own misconceptions, our mistakes and ways forward to fix them.

During the Degoogleize The Internet campaign (2014-2017), we have learned that, although our small association could not degoogleize the whole planet, there is still a great deal of people who show interest in web-based tools that respect their values and integrity. Providing Free and open-source services to a as many people as possible ensures a large-scale deployment, even if that means risking focusing the demand and expectations on us. During this time period, we also initiated the alternative hosting collective CHATONS (an acronym that also means « kitties », in French), so that other hosts could join us in this adventure.

Then, we started the Contributopia roadmap (2017-2020), in which we contributed to many collective, popular and federated project, therereby meeting like-minded contributors, with whom we share the common values of sharing, fairness, caring, and emancipation, free and open-source software (FOSS) values that attracted us. We’ve come to realize, walking down this path, gathering and relating, that digital choices are societal choices, and that the choices made by FANGs are the pillars of a system: surveillance capitalism.

Illustration Quit planet GAFAM NATU BATX , CC BY David Revoy
« Quit planet GAFAM NATU BATX » Illustration by David Revoy – License: CC-By 4.0

Entire books are merely attempting to define what surveillance capitalism is, so what we are sharing here is just a rough summary of what it actually is. Surveillance capitalism is a system that transforms collective behaviours into data sets by prioritizing profit and power above all. The aim is to sell prediction and manipulation of our future behaviours, generally as commercial, cultural or electoral propaganda. In order to do so, some mega corporations try to establish monopolies on digital tools that maximize the acquisition and monopoly on our attention.

Simply put, surveillance capitalism creates industrial data farms, where we are the cattle. On the one hand, we are force-fed with attention mush (enriched with ads), and, on the other, part of our lives and our social behaviours are snatched from us to be resold to prosperous buyers at premium price.

That is why, at Framasoft, we have developped tools designed away from the values pushed by this system. Among the solutions we developed are PeerTube, a video platform software, and Mobilizon, a group and events management system. However, these tools require an entire group of people managing, maintaining, drafting and ensuring its editorial policy, and moderating: many small organizations do not have the human ressources to handle this in-house.

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Requiring digital tools that do not give goose bumps

From 2019 to 2022, we also ran the Déframasoftisons Internet action plan. We closed several projects which were underused or available through other trusted « CHATONS » hosts. This allowed us to save some energy for future projects, to reinforce our will to take care of our organization by avoiding unreasonable growth or restructuring that would disrupt our collective and the way it operates – which has made us pretty effective so far! – but especially to promote the decentralization of ethical digital tools.

Between 2020 and 2022, right in the middle of a gobal pandemic that confirmed our general dependency on online services, we intensified our efforts in maintaining our actions. Incidentally, we revised our plans for « Let’s deframasoftize » and chose to maintain some of the tools we intended to restrain or close: Framalistes, Framagit, Framateam, Framacalc…. We made that choice because we could see little to no other alternatives, and we did not want to let so many people down.

During this period of forced isolation, a pressing need began to be voiced more and more:

I am willing to ‘degoogle-ize’ myself, but I need someone to assist me, who can be here, in person to help me throughout this transition.

a pastry chef kitten presenting a cake-cloud prepared on demand, while in the background other kittens cook another cake-cloud in the middle of their cat-scratching tree village
Emancip’Asso – Illustration by David Revoy – License: CC-By 4.0

We have been hearing this need for this kind of human, tangible support for a while, and this is not unexpected. One of the mechanisms of capitalism is to individualize (« the customer is always right ») so as to better isolate and place the responsibility on each of us. For example, the information that we name « personal data » is neither personal nor data: it is more accurately the digital harvesting of our lives linked to those of others. Those are our social behaviours.

Conversely, if so many organizations, federations, etc. are so efficient in their task for the common good (whether they help us discover knitting or fighti climate inaction), it is precisely because they rest on the enjoyment of being and doing together, on the joy of meeting and exchanging, on the human warmth we find in the collective.

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Ducking out the slump thanks to conviviality

The future Big Tech is designing for us is one where humans are being:
* isolated – so that connections between humans rely solely upon their tools
* exploited – so that more and more tools are being created for us to consume
* singled out – so that no collective action is put in place that challenges their methods
* dependent – on their system of absolute monopoly
* greedy – so our lack of money can be weaponized against us
* competing – to pit us against each other and justify the rise of their elite class

This future that surveillance capitalism is designing for us as we speak, is neither engaging nor sustainable.. It treats both people and the Earth as a liability and will lead us straight to destruction.

On the other hand, trying to step out of our comfortable FOSS-enthusiasts’ bubble to try and reach out to other communities that are changing the world, has proved to be not as desorienting as we might have thought. We found that oftentime we shared the same utopias and the same definition of society: one based on contributing.

Drawing of five isles in a circle, each with buildings from different cultures. They are communicating together using waves and echoes.
ECHO Network – Illustration by David Revoy – License: CC-By 4.0

These « Contributopians » share the same dream as us: a future where humans are proud, autonomous, emancipated, knowledgeable, sharing and helpful to each other… a future where digital tools are under control, transparent, user-friendly and enhance the emancipation of human beings.

Thus, let’s summarize the lessons learned from our previous endeavours:

  • We did not yet have tools that fit the needs of the small organizations and associations that do so much with so little, but most of all with a lot of good will.
  • We are aware of the risk of remaining isolated, singled out in our « small, individual ‘degoogleization’ initiatives » against a whole system that can only be faced effectively through collective action.
  • We can see how crucial it is to put humans back at the center, the need for human presence and kindness when assisting others throughout their transition towards ethical digital practises.
  •  We have been able to confirm that a good number of associations and organizations from civil society which are working for the commons share with us these common values.

These patrons/champions of a « society of contribution » work hard to make our common dreams a reality.

 Long story short: it’s high time we degooglized the Contributopians!

(… those who wish to be, of course. We have never forced anyone to do anything, and we won’t start now!)

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Finding warmth with the jolly fellows

The four long-term actions we introduced in the article « Convivialise the Internet » 🦆(Framaspace, Émancip’Asso, ECHO Network, Peer.tube) all serve the same purpose: to equip organizations with online tools that fit their values.

These four projects rely on the strength of the collective while also taking into account the known constraints and limits that associations face. Kindness alone cannot magically and miraculously provide people with knowledge, time and means to train to use Nextcloud, PeerTube and other ethical tools.

 

Sepia, PeerTube cuttlefish mascot, is by the sea shore. She invites us on the pier where many sailboats berthed. Movies are played on the sails.
Peer.Tube – Illustration by David Revoy – License: CC-By 4.0

Similarly, the 39 members that compose Framasoft (10 of whom are employees) cannot spawn everywhere to personally train each and every new organization that wants to use, let’s say Framaspace, especially as that number could rise – with the help of your generous donations – up to thousands of organizations within 3 years!

That is why all of these projects are both about building a sense of community through shared spaces and some time allocated to community-building activities and sharing practices, challenges, etc., and providing support via coaching, improvements tailored for specific needs, and learning content to help people to be more autonomous and master the different tools, etc. Going blindly ahead with preconceived notions and a “we know best what works best for you” kind of attitude does not seem to be the most suitable — let alone humane — approach.

 

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Let’s steer our ship into a virtuous circle

We want to be efficient, so we want our tools to actually be used. Our goal is thus to make our tools useful – yeah, because designing tools that are actually useful is what disruptive innovation is all about, to make Tech for good that is community-owned and still very much online!)

We are thus planning not to plan everything, except time and space dedicated to your feedback. We also want to be available to tackle issues we might face on each of the actions that we feel ready to take. In other words, if we already plan to develop new features, create tutorials, host webinars and draft learning content, we do not want to predefine everything upfront, so as to save some time to help our users, our main target.

A unicorn dressed as an astronaut (with a spaghetti strainer on its head) is walking on the clouds and is blowing bubbles. Inside the bubbles, we can see cubes that represent collective work (files, toolboxes, books, typewriters, abacus, etc.)
Frama.space – Illustration by David Revoy – License: CC-By 4.0

This is the virtuous circle that we defined over the course of our various experimentations and that best fits our workflow:

1. Launch a first draft of our project, although imperfect

It’s OK if the paint is still fresh, or if it’s still a rough sketch. It’s absolutely OK too to start with a very small target audience. We have 3 years ahead of us to improve all that, and we have time and resources in store to do so.

For example, while we hope to provide millions of organizations with Framaspace within 3 years, it will be a good start to offer it to 200-300 organizations by the end of 2022!

2. Take users’ feedback into account

The Frama.space forum, the PeerTube community the study programs on ECHO Network and the comments received on Emancip’Asso are all important resources to gather feedback on our tools. It’d be too easy to lock ourselves in an echo chamber and avoid the reality of those who are actually fighting on the battlefield.
We go as far as considering the creation of an Observatory of Practices and Free Open-Source Digital Experiences, basing ourselves on the organizations that make up the Frama.sapce user community. Codename: OPEN-L. Stay tuned for that… And let’s hope we manage to set it up!

3. Improve our solutions step by step

Our goal is to improve each of those actions over time. This could be done by creating documentation and pedagogical tools, moderating and facilitating user communities, working on the ergonomy or on new features to be developed.
We want to keep total freedom to improve each action depending on the feedback we get from users.

4. Link humans to tools, and to other humans

Here’s another important, yet often overlooked aspect: connections. Such a shame, considering that the Web is, by definition, designed to connect people, ideas and things. This step can take many forms. It may mean taking the time to introduce our users to the new improvements brought about by each of our actions. It may also mean broadening our user community for any given project. Finally, it may mean taking advantage of having organizations share a common tool by sharing with them, offering them and informing them on what their fellows are doing.

Additionally, it will take some journaling: to summarize experiences, the lessons learned, to gather the relevant resources… and share all of that with the community. Whatever the form, this connecting step is when we take the time to reflect, to review our actions so as to better start a new virtuous circle and launch a better version of the project.

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We ain’t no quacks. Please support us!

Ain’t gonna beat around the bush: Collectivise the Internet / Convivialise the Internet 🦆🦆 is a roadmap with a clear political purpose, in the sense that it shall contribute to changing the world (if only one byte at a time).

After eight years spent observing and informing the public on the future that Big Tech is already materializing for us day by day and the political choices that they are forcing on our societies, it feels more and more crucial to keep one corner of the Web free from their influence.

Such is « also » our role, because these new actions do not and will not replace the ones we are already conducting. All the ‘degoogleized » software already available to everyone, the development of PeerTube and Mobilizon, the FOSS collective CHATONS, the common cultural resources… All of these projects are still ongoing and will still require more work over the upcoming three years.

 

Portrait of a duck cheering in the foreground, while other ducks in the background are having a lantern-lit celebration among trees.
Quack-quack – Illustration by David Revoy – License: CC-By 4.0

If you agree with our set goals and strategy, if the actions that we are currently undertaking seem important to you, then we would like to remind you that Framasoft is exclusively funded by… You. It is only your kind contributions, eligible to a 66% tax cut for French taxpayers, that allow us to keep going in total independence.

If you can (as we are well aware that our current times are particularly harsh), and if you wish to, please support us.

 

🦆 Support Framasoft


This page has been translated from French to English by Framalang volunteers: Bastien, Bromind, Ellébore (proofreading), Goofy, GPSqueeek, Mathilde (proofreading), Stan, Susy




L’aventure de la modération – épisode 1

Maiwann, membre de l’association, a publié sur son blog une série de cinq articles sur la modération. Nous les reproduisons ici pour leur donner (encore) plus de visibilité.

Voici le premier.

Il me semble que mon parcours rassemble plusieurs spécificités qui me permettent d’analyser sous un angle particulier les différentes particularités de la modération :

  • Je suis une femme féministe, et une “geek”,
  • Je suis de gauche (= progressiste), et soutiens tous les mouvements pour plus de justice sociale,
  • Je suis conceptrice d’outils numériques, donc je connais le pouvoir que nous avons lorsque nous créons un produit numérique,
  • Je suis critique du numérique, et notamment du numérique capitaliste (de son petit nom, capitalisme de surveillance). J’enrichis cette réflexion grâce aux discussions que nous avons au sein de l’association Framasoft dont je suis membre bénévole.
  • J’ai fait de la modération pour un réseau social et ce réseau social n’était pas capitaliste.

 

Pepper la sorcière et Carrot le chat dorment paisiblement contre un éléphant (un mastodonte) dans une jolie jungle.
My Neighbor Mastodon – CC-BY David Revoy

 

C’est parti !

3615 ma vie : d’où je parle

Un ordi dès l’enfance

J’ai toujours été utilisatrice d’ordinateurs.
J’ai retrouvé récemment des photos d’un Noël où j’avais peut-être 4 ou 5 ans et où j’ai eu le droit à un ordinateur format jouet, le genre de trucs qui doit faire des chansons ou proposer des mini-jeux en répétant les mêmes phrases à voix robotique à longueur de journée. Quand j’ai vu cette image, j’ai tout de suite pensé à cette courbe qui montre que l’intérêt des enfants pour l’informatique est similaire pour les filles et les garçons… jusqu’au moment où l’on offre des ordinateurs aux petits garçons et pas aux petites filles.

La courbe montre le pourcentage de femmes diplômées dans quatre sections : médecine, droit, physique, informatique, qui augmente au fur et à mesure du temps. Mais on observe un décrochage des diplômées en informatique juste après que l’ordinateur soit promu comme un jouet pour les garçons.

Or, j’ai eu la chance d’avoir une petite sœur, aussi pas de compétition genrée au sein de la fratrie. Par la suite en 1999 nous avons déménagé en Polynésie Française et dans notre chambre d’enfants nous avions un ordinateur, un Windows 98 que nous pouvions utiliser pour jouer à de nombreux jeux vidéos avec bonheur.

Internet n’était qu’une possibilité très lointaine, réservée à mon père qui parfois tentait de m’aider à me connecter pour pouvoir accéder aux jeux de réseau… mais ça n’a jamais fonctionné (peut-être dû au décalage horaire de douze heures avec l’hexagone, je ne le saurai jamais !).

Une fois de retour en France hexagonale, mon père qui était le technicien de la maison, décède. Ma mère n’étant absolument pas intéressée par le sujet, je deviens l’informaticienne de la maison : c’est souvent moi qui installe les logiciels (par exemple le Scrabble pour jouer en ligne), qui sait comment libérer de la place sur l’ordinateur en désinstallant des logiciels (parce que je le faisais souvent sur le Windows 98, j’avais donc déjà de la pratique).

Dans mon milieu familial, si personne n’est admiratif de mes bidouilles, personne ne m’empêche de les faire et je deviens assez vite autonome. De plus, le collège porte un projet de numérisation et on offre aux 4ᵉ et aux 3ᵉ un ordinateur portable. Il est difficile de se connecter à Internet, il n’y a pas de Wifi, mais cela me permet déjà de jouer, de regarder des films de façon indépendante, bref encore plus d’autonomie pour moi !

Un début de pratique collective du numérique (forums, skyblogs, réseaux sociaux).

Plus tard au lycée, l’accès internet est plus simple (on a du wifi !) et je traine sur des forums notamment liés aux génériques de dessins animés (oui c’est un de mes trucs préférés de la vie, je ne sais toujours pas pourquoi). J’ai souvenir d’être déjà pas mal méfiante, assez poreuse aux discours de “on ne sait pas qui nous parle sur Internet”. C’est le grand moment des skyblogs, qu’on ouvre en deux clics pour raconter sa vie (quel bonheur !). Et enfin, c’est l’arrivée de Facebook qui devient un outil très répandu.

Si je n’ai pas de souvenirs de harcèlement via les réseaux sociaux, je me souviens déjà d’une pression sociale pour s’y inscrire. Nous organisions toutes nos sorties cinéma, anniversaires, soirées via les évènements Facebook, et l’une de nos amies n’y était pas inscrite… nous oubliions de la prévenir systématiquement. =/

Pour la suite je vous la fais rapide, je vieillis, c’est le temps des études que j’oriente d’abord malgré moi vers le design web (j’avais envie de faire des dessins animés mais j’étais pas assez bonne dessinatrice !).


Le début d’un lien entre politique et numérique

Je prends conscience du pouvoir mêlé à l’enfer de l’instantanéité des réseaux sociaux en 2015, au moment des attentats de Charlie Hebdo : je suis fébrilement l’actualité via le hashtag… avant de voir une vidéo de meurtre et de fermer lentement mon ordinateur, horrifiée par ce que je viens de voir. C’est une période où je fais “connaissance” avec les discours islamophobes qui superposent les raccourcis.

Je ne suis, à l’époque, pas très politisée, mais pas à l’aise avec ces discours… jusqu’à ce que je fasse connaissance avec une personne qui a un discours que je trouve très juste sur ce sujet (il doit me faire découvrir le concept d’islamophobie, ce qui est déjà pas mal). Et il s’avère que cette personne étant également dans la mouvance du logiciel libre : je découvre alors un monde numérique qui a une intention éloignée de celles du capitalisme, et notamment l’association Framasoft.


Alternatif, vous avez dit alternatif ?

Je découvre donc ce monde numérique alternatif, ou “libre” et au bout de quelques années, un réseau social alternatif : début 2018, alors que j’utilise beaucoup Twitter, une alternative nommée Mastodon se lance. Je m’y inscris, et l’utilise peu, avant de m’y constituer un petit réseau qui me fait y rester (autant que sur Twitter).

Les années passent encore, nous sommes en 2019 et on me propose de rejoindre Framasoft, ce que j’accepte ! Je découvre un collectif qui développe une réflexion très poussée sur ce qu’il y a de délétère dans la société et notamment le numérique, et qui propose des alternatives émancipatrices.

Lorsque je rejoins l’association, au printemps 2019, un sujet est brûlant au sein de l’asso comme à l’extérieur : la modération du réseau social Framapiaf.


Framapiaf ? Mastodon ? Kezako ?

En 2017, un réseau social alternatif commence à faire parler de lui : il s’agit de Mastodon.

Ce réseau social a un fonctionnement un peu particulier : il est décentralisé, en opposition a plein d’autres réseaux sociaux, notamment les réseaux capitalistes, qui sont eux tous centralisés : Il y a 1 Facebook, 1 Twitter, 1 Instagram, 1 TikTok… etc.

Pour comprendre en moins de deux minutes le concept, je vous laisse regarder cette petite vidéo, sous-titrée en français :  https://framatube.org/w/9dRFC6Ya11NCVeYKn8ZhiD 

Il y a donc une multitude de Mastodon, proposés par une multitude de personnes, associations ou entreprises différentes.
Mais ces Mastodon sont tous connectés les uns aux autres, ce qui permet que les personnes inscrites sur le Mastodon de Framasoft peuvent tout à fait discuter avec des personnes inscrites sur les Mastodon d’autres associations, exactement comme pour les mails ! (si vous avez un mail en @orange.fr et moi un mail en @laposte.net, nous pouvons nous écrire).

Cette spécificité de fonctionnement a plusieurs intérêts, et une grand influence sur les possibilités de modération. Par exemple :

— Le modèle économique de chaque Mastodon est choisi par la structure qui le porte. Chez Framasoft par exemple, se sont les dons qui permettent de tout faire tourner.

— Les règles de modération de chaque Mastodon sont choisies par la structure qui le porte. Aussi, c’est à elle de définir ce qu’elle accepte ou n’accepte pas, en toute indépendance.

— Si les règles ou le modèle économique d’un Mastodon ne vous conviennent pas, vous pouvez… déménager sur un autre Mastodon, tout simplement !


Quel était le problème avec la modération ?

Il faut savoir que Framasoft, entre 2014 et 2019 lançait en moyenne un service par mois (framapad, framadate, framaforms…). Elle a donc lancé Framapiaf pour participer à la promotion du réseau social, sans prendre particulièrement en compte la nécessité de gérer les interactions qui se dérouleraient sur ce média social.

L’association n’était à l’époque composée que de huit salarié·es pour plus de quarante services proposés, des conférences  réalisées, des interventions médias, des billets de blog, des campagnes de dons et financement participatif… bref, l’existence du réseau social n’était qu’un petit élément de cet univers, et sa modération un sous-élément en plus de l’aspect technique…

Je parle des interactions et non pas de la modération car sur d’autres services, les salariés géraient déjà de la modération de contenu : images violentes, notamment de pédopornographie… Mais cela impactait uniquement les salariés et ne se propageait pas vers l’extérieur, donc restait du travail totalement invisible.

Or, avec Framapiaf, s’il y avait des contenus problématiques qui étaient diffusés, ils n’impactaient pas seulement les salariés qui faisaient la modération mais aussi leurs destinataires, et potentiellement tous les usagers du média social.

Aussi de nombreuses utilisatrices ont signalé à l’association (parfois violemment, j’y reviendrais) que l’état de la modération leur semblait insuffisant, et que des personnes avaient des interactions problématiques avec iels.

Les salariés n’ayant pas la disponibilité pour gérer pleinement ce sujet, ce sont des bénévoles qui s’en sont chargés.


Avant la charte : Un flou qui crée des tensions


Recette pour abimer des modérateurices

En effet, jusqu’à présent quelques salarié·es de l’association géraient la modération avec les moyens du bord, étaient souvent seuls à s’occuper des signalements dans leur coin, alors que cette tâche est particulièrement complexe.

 

Pourquoi complexe ? Parce que lorsque l’on est modérateurice, et qu’on souhaite faire un travail juste, notre notion de ce qui est juste est sans cesse réinterrogée.

 

Déjà dans l’analyse de la situation : Est-ce que la personne qui a posté ce contenu l’a fait en sachant sciemment qu’elle risquait de blesser quelqu’un, ou non ?

 

Dois-je lui donner le bénéfice du doute ? Est-elle agressive ou seulement provocante ? Est-ce qu’on doit agir contre une personne provocante ? Est-ce que ce contenu est vraiment problématique, ou est-ce que c’est moi qui me suis levé·e du mauvais pied ? Qui suis particulièrement sensible à cette situation ?

 

Ensuite dans les actions à effectuer : dois-je supprimer ce contenu ? Supprimer ce compte ? Prévenir la personne pour lui expliquer le pourquoi de mes actions, par transparence ? Comment cela va-t-il être reçu ? Quel est le risque de retour de flammes pour moi ? Pour l’association ?

 

Et le meilleur pour la fin : on se sent seul responsable lorsque des personnes extérieures viennent critiquer, parfois violemment, la façon dont la modération est réalisée.

 

Il n’y a aucune réponse universelle à ces questions. Ce qui simplifie, en général, le processus de modération, c’est :

— un collectif qui permet de prendre une décision collégiale (ce qui évite de faire reposer une décision difficile et ses conséquences sur un seul individu)

— une vision politique qui facilite d’autant ces prises de décisions.

Nous avons une chance immense à Framasoft, c’est que toutes les personnes actives au sein de l’association sont très alignées politiquement (ça se sent dans le manifeste que nous venons de publier). Mais il n’y avait pas de collectif de modérateurices pour traiter ces questions et prendre les décisions qui sont les plus dures : celles pour les situations qui se trouvent “sur le fil”.


Structurer un groupe de modérateurices pour s’améliorer

J’arrive donc à Framasoft avec l’envie d’aider sur le sujet de la modération, qui est instamment priorisé par le directeur de l’association au vu du stress dans lequel étaient plongés les salariés-modérateurs.

Nous sommes un petit groupe (trois personnes) à proposer de rédiger une charte qui transposera notre vision politique en discours lisible, sur laquelle nous pourrons nous appuyer et nous référer pour expliciter nos choix de modération futurs et trancher des situations problématiques qui ont profité d’un flou de notre politique de modération.

Nous n’avons pas de débat majeur, étant assez alignés politiquement ; c’est la rédaction de la charte qui a été la plus complexe, car nous étions deux sur trois à être novices en modération, nous ne savions donc pas précisément ce qui nous
servirait dans le futur. La charte est disponible sur cette page et a été publiée le 8 juillet 2019.


Publication de la charte

Donc une fois la charte réalisée, il a fallu la poster.

Et là.

J’ai déjà raconté en partie ce qui s’est passé sur un précédent billet de blog nommé Dramasoft, du nom du hashtag utilisé pour parler de la vague de réactions suite à cette publication.

Pour résumer, nous avons subit une vague de harcèlement, de la part de personnes directement touchées par des oppressions systémiques (ça fait tout drôle). Il s’agit d’un type particulier de harcèlement donc je reparlerai : il n’était pas concerté. C’est à dire que les personnes ayant contribué au harcèlement ne l’ont pas fait de façon organisée. Mais l’accumulation de reproches et d’accusations a exactement le même effet qu’une vague de harcèlement opérée volontairement.

 

D’ailleurs pour moi, elle était pire qu’une vague de masculinistes du 18-25 que j’avais vécu un an auparavant. Car il est bien plus facile de les mettre à distance, en connaissant les mécanismes utilisés et leurs méthodes d’intimidation. Ce n’est pas la même chose de se faire harceler par des personnes qui sont dans le même camp que nous. Et je n’ai pas réussi à créer de la distance, en tout cas sur le moment (maintenant j’ai compris que les façons de communiquer comptaient !).

La charte

Je reviens sur ses différents articles :

1 — Cadre légal

Nous sommes placé·e⋅s sous l’autorité de la loi française, et les infractions que nous constaterons sur nos médias pourront donner lieu à un dépôt de plainte. Elles seront aussi modérées afin de ne plus apparaître publiquement.

Cela concerne entre autres (sans être exhaustif) :

— l’injure
— la diffamation
— la discrimination
— les menaces
— le harcèlement moral
— l’atteinte à la vie privée
— les appels à la haine
— La protection des mineurs, en particulier face à la présence de contenu à caractère pornographique (Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 — Article 227-22-1 et Article 227-23 du code pénal).

Alors respecter la loi, ça peut sembler bête de le rappeler, mais ça nous permet de faire appel à un argument d’autorité qui peut être utile lorsqu’on n’a pas envie de faire dans la dentelle.


2 — Autres comportements modérés

Ici nous avons fait en sorte d’être, autant que possible, “ceinture et bretelles” pour rendre explicites que nous trouvons ces différents comportements problématiques. Et si vous avez l’impression qu’il s’agit parfois de choses évidentes, eh bien sachez que ça n’est pas le cas pour tout le monde.

Nous n’accepterons pas les comportements suivants, qui seront aussi modérés :

— Envoyer des messages agressifs à une personne ou à un groupe, quelles que soient les raisons. Si on vous insulte, signalez-le, n’insultez pas en retour.

Permet de ne pas tomber dans le “mais c’est pas moi c’est lui qui a commencé”.

—  Révéler les informations privées d’une personne. Dévoiler ses pseudonymes et les caractères de son identité est un choix personnel et individuel qui ne peut être imposé.

Ici par exemple, on explicite clairement un comportement qui n’a rien de répréhensible en soi (c’est pas interdit de donner des infos sur une personne !) mais qu’on sait avoir des effets délétères sur les personnes visées (si on donne le numéro de téléphone ou l’adresse d’une personne, même si rien ne se passe ensuite, il y a a minima la peur d’être contacté·e par des inconnus qui est vraiment problématique).

 

— Insister auprès d’une personne alors que cette dernière vous a demandé d’arrêter. Respectez les refus, les « non », laissez les gens tranquilles s’iels ne veulent pas vous parler.

On rappelle la base de la notion de consentement, ce qui permet aussi d’encourager les utilisateurices à poser leurs limites si elles souhaitent arrêter un échange.

 

— Tenir des propos dégradants sur les questions de genre, d’orientation sexuelle, d’apparence physique, de culture, de validité physique ou mentale, etc. et plus généralement sur tout ce qui entretient des oppressions systémiques. Si vous pensiez faire une blague, sachez que nous n’avons pas d’humour sur ces questions et que nous ne les tolérerons pas. Dans le doute, demandez-vous préalablement si les personnes visées vont en rire avec vous.

 

Ici, petit point “oppression systémique” aussi résumable en “on est chez les woke, déso pas déso” ; de plus on coupe court à toute tentative de négocier par un prétendu “humour”.

 

— Générer des messages automatiques de type flood, spam, etc. Les robots sont parfois tolérés, à condition d’être bien éduqués.

Les bots pourquoi pas mais selon ce qui nous semble être “une bonne éducation” et oui c’est totalement arbitraire. 🙂

 

— Partager des émotions négatives intenses (notamment la colère), en particulier à l’égard d’une personne. Les médias sociaux ne sont pas un lieu approprié pour un règlement de compte ou une demande de prise en charge psychologique. Quittez votre clavier pour exprimer les émotions intenses, trouvez le lieu adéquat pour les partager, puis revenez (si nécessaire) exposer calmement vos besoins et vos limites.

Ici on partage notre vision des réseaux sociaux : Ils ne permettent pas d’avoir une discussion apaisée, ne serait-ce que parce qu’ils limitent grandement le nombre de caractères et par là même, la pensée des gens. Donc si ça ne va pas, si vous êtes en colère, éloignez-vous-en et revenez quand ça ira mieux pour vous.

 

— Participer à un harcèlement par la masse, inciter à l’opprobre général et à l’accumulation des messages (aussi appelé dog piling). Pour vous ce n’est peut-être qu’un unique message, mais pour la personne qui le reçoit c’est un message de trop après les autres.

Ici on place la différence entre une action et l’effet qu’elle peut avoir sur les personnes. En effet, si le harcèlement organisé est facile à imaginer, on se rend moins compte de l’effet que peut avoir un flot de messages envoyé à une personne, quand bien même les expéditeur·ices ne se sont pas coordonnés pour générer une vague de harcèlement… le ressenti final est similaire : on reçoit des tonnes de messages propageant de la colère ou des reproches, alors qu’on est seul·e de l’autre coté de l’écran.

 

— Dénigrer une personne, un comportement, une croyance, une pratique. Vous avez le droit de ne pas aimer, mais nous ne voulons pas lire votre jugement.

On conclut avec une phrase plus généraliste, mais qui nous permet d’annoncer que le réseau social n’est pas là pour clamer son avis en dénigrant les autres.


3 — Les personnes ne sont pas leurs comportements

Nous différencions personnes et comportements. Nous modérerons les comportements enfreignant notre code de conduite comme indiqué au point 5, mais nous ne bannirons pas les personnes sous prétexte de leurs opinions sur d’autres médias.

Nous changeons et nous apprenons au fil de notre vie… aussi des comportements que nous pouvions avoir il y a plusieurs années peuvent nous sembler aujourd’hui complètement stupides… Cette phrase est donc là pour annoncer que, a priori, nous aurons une tolérance pour les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes.

Cependant, nous bannirons toute personne ayant mobilisé de façon répétée nos équipes de modération : nous voulons échanger avec les gens capables de comprendre et respecter notre charte de modération.

Cette phrase est parmi celles qui nous servent le plus : à Framasoft, ce qui nous sert de ligne de rupture, c’est l’énergie que nous prend une personne. Quand bien même ce qui est fait est acceptable du point de vue de la charte, si nous sommes plusieurs à nous prendre la tête pour savoir si oui, ou non, les contenus partagés méritent une action de modération… Eh bien c’est déjà trop.

Après tout, nous avons d’autres projets, l’accès à nos services est gratuit, mais il n’y a pas de raison de nous laisser
vampiriser notre temps par quelques utilisateurs qui surfent sur la frontière du pénible.


4 — Outils à votre disposition

Nous demandons à chacun⋅e d’être vigilant⋅e. Utilisons les outils à notre disposition pour que cet espace soit agréable à vivre :

 

Si quelqu’un vous pose problème ou si vous vous sentez mal à l’aise dans une situation, ne vous servez pas de votre souffrance comme justification pour agresser. Vous avez d’autres moyens d’actions (détaillés dans la documentation)

  • fuir la conversation,
  • bloquer le compte indésirable,
  • bloquer l’instance entière à laquelle ce compte est rattaché (uniquement disponible sur Mastodon),
  • signaler le compte à la modération.

Copie d’écran d’un signalement sur Framapiaf

Une partie de l’action des modérateurices est de faire (ce que j’appelle personnellement) “la maîtresse”. J’ai plusieurs fois l’impression de me faire tirer la manche par un enfant qui me dirait “maîtresse, untel est pas gentil avec moi”. J’y reviendrai, mais c’est pour cela que nous listons les façons d’agir : pour que dans les cas mineurs, les personnes puissent agir elles-mêmes. Déjà parce que se sera toujours plus rapide, que cela permet à la personne de faire l’action qu’elle trouve juste, et puis parce que ça permet de ne pas nous prendre du temps pour des cas qui restent des petites prises de bec individuelles.

 

— Si quelqu’un vous bloque, entendez son souhait et ne cherchez pas à contacter cette personne par un autre biais, ce sera à elle de le faire si et quand elle en aura envie.

 

Petit point consentement, ça fait pas de mal.

 

— Si vous constatez des comportements contraires au code de conduite menant des personnes à être en souffrance, signalez-le à la modération afin de permettre l’action des modérateurs et modératrices. Alerter permet d’aider les personnes en souffrance et de stopper les comportements indésirables.

 

Il ne nous est pas possible d’être pro-actif sur la modération, pour deux raisons simples :

1. On a autre chose à faire que passer notre temps à lire les contenus des un·es et des autres.

2. Nous avons nos propres comptes bloqués, masqués, et nous ne sommes pas au sein de toutes les conversations. Aussi il n’est pas possible de tout voir (et de toute façon, ça nous ferait bien trop de boulot !).

 

— S’il n’est pas certain qu’une personne est en souffrance, mais que les comportements à son égard sont discutables, engagez la conversation autour de ces comportements avec chacune des personnes concernées, dans le respect, afin d’interroger et de faire évoluer votre perception commune des comportements en question.

 

Petit point : chacun·e peut être médiateurice, il n’y a pas que les modérateurices qui doivent le faire. J’insiste sur ce point,
car on a tendance à créer une dichotomie entre “les utilisateurs” qui peuvent faire preuve d’immaturité, et les modérateurices qui eux seraient paroles d’évangile ou au moins d’autorité. Il est dommage de ne pas avoir davantage de personnes qui se préoccupent d’un entre deux où elles pourraient ménager les 2 parties afin que chacun·e clarifie pacifiquement sa position, ce qui permettrait sûrement d’éviter les actions de modération.

 

— Dans le cadre du fediverse (Framapiaf, PeerTube, Mobilizon,…), vous pouvez également masquer un compte (vous ne verrez plus ses messages dans votre flux mais vous pourrez continuer à discuter avec la personne). Vous pouvez aussi bloquer un compte ou une instance entière depuis votre compte : à ce moment, plus aucune interaction ne sera possible entre vous, jusqu’à ce que vous débloquiez.

 

Référez-vous à la documentation sur les façons de signaler et se protéger suivant les médias utilisés.

 

Et pour conclure, on donne d’autres indications sur la façon de s’auto-gérer sur une partie de la modération.

5 — Actions de modération

Lorsque des comportements ne respectant pas cette charte nous sont signalés, nous agirons dans la mesure de nos moyens et des forces de nos bénévoles.

Les outils de modération à notre disposition dans Framapiaf

Dans certains cas, nous essayerons de prendre le temps de discuter avec les personnes concernées. Mais il est aussi possible que nous exécutions certaines de ces actions sans plus de justification :
— suppression du contenu (des messages, des vidéos, des images, etc.)

— modification (ou demande de modification) de tout ou partie du contenu (avertissement de contenu, suppression d’une partie)

— bannissement de compte ou d’instance, en cas de non-respect des CGU (usage abusif des services) ou de non-respect de cette charte.

N.B. : dans le cadre du fediverse (Framapiaf, PeerTube, Mobilizon, etc.), nous pouvons masquer les contenus problématiques relayés sur notre instance, voire bloquer des instances  problématiques, mais non agir directement sur les autres instances.

La modération est effectuée par des bénévoles (et humain⋅es !), qui n’ont pas toujours le temps et l’énergie de vous donner des justifications. Si vous pensez avoir été banni⋅e ou modéré⋅e injustement : nous sommes parfois injustes ; nous sommes surtout humain⋅e⋅s et donc faillibles. C’est comme ça.

Utiliser nos services implique d’accepter nos conditions d’utilisation, dont cette charte de modération.

Nous faisons ici un récapitulatif des différents pouvoirs que nous avons et surtout que nous n’avons pas :

— le fonctionnement de Mastodon fait que nous pouvons discuter avec des personnes qui ne sont pas inscrites chez nous : nous ne pouvons donc pas supprimer leurs comptes (mais nous pouvons couper leur communication avec nous) ;

— nous sommes principalement des bénévoles, et de ce fait notre temps et énergie est limitée. Aussi, souvent, alors que nous aimerions discuter posément avec chacun·e pour expliquer les tenants et les aboutissants d’une situation… nous n’en avons simplement pas l’énergie, alors nous allons au plus simple. Et c’est frustrant, c’est injuste, mais c’est l’équilibre que nous avons trouvé.

6 — En cas de désaccord

Si la façon dont l’un de nos services est géré ne vous plait pas :

 

— Vous pouvez aller ailleurs.

— Vous pouvez bloquer toute notre instance.

Framasoft ne cherche pas à centraliser les échanges et vous trouverez de nombreux autres hébergeurs proposant des services similaires, avec des conditions qui vous conviendront peut-être mieux. Que les conditions proposées par Framasoft ne vous conviennent pas ou que vous ayez simplement envie de vous inscrire ailleurs, nous essaierons de faciliter votre éventuelle migration (dans la limite de nos moyens et des solutions techniques utilisées).

J’ai dit plus haut que les personnes qui rejoignaient Mastodon ne s’inscrivaient pas toutes chez nous. Cela nous permet par ailleurs de dire aux personnes qui se sont inscrites chez nous “désolés mais vous nous prenez trop d’énergie, trouvez-vous un autre endroit”. Cela ne prive en rien les personnes car elles peuvent s’inscrire ailleurs et avoir accès exactement aux mêmes contenus… mais nous ne sommes plus responsables d’elles !


7 — Évolution de la Charte

Toute « charte de modération » reste imparfaite car il est très difficile de l’adapter à toutes les attentes. Nous restons à votre écoute afin de la faire vivre et de l’améliorer. Pour cela vous pouvez contacter les modérateurs et modératrices pour leur faire part de vos remarques.

Vous pouvez nous faire vos retours, on est pas des zânes ni des têtes de mules.

La suite

Après ce tour sur mon arrivée dans le monde de la modération, la découverte de ce qu’est Mastodon, et ce par quoi nous avons démarré pour structurer une petite équipe de modération face aux difficultés vécues par les salarié·es, le second article de cette série parle de cas concrets.

 

Si vous voulez savoir comment on fait pour gérer les fachos, ça va vous plaire.

 

Illustration : CC-BY David Revoy




#Framastats – Framasoft en chiffres, édition 2022

Vous aimez les chiffres ? Ça tombe bien, nous aussi ! Framasoft sert à combien de personnes ? Combien de Framadate, Framapads, d’emails envoyés par Framalistes ?

Nous reprenons dans cet article les données fournies récemment dans un long fil Twitter (« thread » en anglais), ce qui explique sa forme de rédaction un peu particulière.


« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

[💥 Attention Mega Thread 💥]

Framasoft est en campagne de dons pour pouvoir vous offrir de nouveaux services et maintenir l’existant. Vous trouverez plus d’explications dans cet article bilan :

Framasoft 2022 : une tambouille mijotée grâce à vous, grâce à vos dons

 

Mais au fait, Framasoft : ça donne quoi en chiffres ?

L’idée de cet article n’est pas (que) de montrer qu’on a de gros bras.
Mais aussi qu’on est peut-être légitimes à accueillir vos dons. Non pas parce qu’on les mériteraient plus qu’une autre asso, mais parce qu’un tel résultat ne peut s’obtenir qu’avec beaucoup de temps, d’énergie, voire d’amour ❤️

Les mascotte des actions de Framasoft (Un chatons, la licorne Frama.space, Sepia de PeerTube, Rose de Mobilizon, un canard) sont réunies autour d'un écriteau. Elles font la fête, avec grands sourires et confettis. Sur l'écriteau il y a marqué : "Merci à nos donateurs et donatrices de rendre toutes nos actions possibles - L'équipe de Framasoft".
Merci – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Commençons par les services les plus connus.

#Framastats #Framadate

  • 623 000 sondages hébergés (les sondages sont automatiquement supprimés au bout de 6 mois au plus).
  • 200K sondages de + qu’en février dernier.
  • Et environ 💥 30 millions de visites en 2022. Et ça continue de monter…

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https://framadate.org

#Framastats #Framapad

  • Quasiment 💥 500 000 pads hébergés à l’instant t
  • Plusieurs millions de pads hébergés depuis le lancement du service
  • 💥 250k comptes MyPads

De ce fait, Framasoft héberge sans doute l’un des plus gros services https://etherpad.org au monde ! 🌍

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https://framapad.org

#Framastats #Framalistes

  • 💥 56 400 listes ouvertes
  • + de 💥 1 million d’utilisateurs
  • ~ 120 000 mails envoyés par jour ouvré

Sans doute l’un des + gros services de listes de discussions (hors big tech, évidemment) au monde 🌍

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https://framalistes.org

#Framastats #Framaforms

  • +700 000 visites / mois
  • 💥 150 000 formulaires créés cette année
  • ~70 000 nouveaux utilisateurs en 2022
  • une base de données de +50GB

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https://framaforms.org

#Framastats #Framacalc

  • 4 millions de visites en 2022
  • 💥 200 000 calcs hébergés

Peut-être la plus grosse base https://ethercalc.net au monde 🌍 (?)

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https://framacalc.org

#Framastats #Framateam

  • 133 195 utilisateurs
  • 💥 27 329 équipes
  • 150 438 canaux
  • 💥 37 millions de messages
  • 4 240 users quotidiens
  • 11 151 users mensuels

On se demande si on n’est pas une des + grosses instances https://mattermost.org du monde 🌍 🤔

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https://framateam.org

#Framastats #Framagit

  • 💥 65 261 projets hébergés !
  • 41 788 users
  • 4 686 groups
  • Forks 7 204
  • Issues 138 063
  • Merge requests 82 984
  • Notes 1 691 000

Là encore, probablement un des + gros https://gitlab.org de France (Europe ? Monde ? 🌍 )

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https://framagit.org

#Framastats #Framacarte

  • 2,7 millions de pages vues en 2022
  • 5 444 users
  • 💥 137 369 cartes hébergés

On doit être encore assez loin des stats du service https://umap.openstreetmap.fr/fr/ mais ça chiffre déjà pas mal.

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https://framacarte.org

#Framastats #Framatalk

  • 450 000 visites en 2022
  • 💥 ~ 4 700 visioconférences créées
  • 💥 ~ 15 000 personnes accueillies sur l’année

Merci à https://jitsi.org/ <3

#gallery-9 { margin: auto; } #gallery-9 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-9 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-9 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

https://framatalk.org

#Framastats #Framindmap

  • – ~300 000 visites en 2022
  • 💥 1 206 433 cartes hébergées
  • 💥 522 667 utilisateurs

#gallery-10 { margin: auto; } #gallery-10 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-10 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-10 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

https://framindmap.org

#Framastats #Framavox

  • – 175k visites en 2022
  • 💥 15 319 groupes principaux (93 494 groupes/forums au total)
  • 💥 109 030 users (17 413 coordinateurs)

#gallery-11 { margin: auto; } #gallery-11 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-11 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-11 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

→ Merci à https://loomio.org pour cet excellent logiciel, dont https://framavox.org doit être une des plus grosses instances existantes

#Framastats #Framapiaf

  • 💥 2,21 millions de Toots/Pouets/Messages
  • environ 10 000 comptes sur la plateforme, mais…
  • … seulement 800 utilisateurs réguliers (actifs les 7 derniers jours)

#gallery-12 { margin: auto; } #gallery-12 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-12 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-12 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

https://framapiaf.org

#Framastats #Framalibre

  • – 800 000 visites en 2022
  • 💥 plus de 1 000 notices logicielles dans l’annuaire
  • 💥 1 (!) bénévole pour modérer/animer le site :-/ (😘 et 💪 @GavyNum )

https://framalibre.org

#Framastats #Framablog

  • – 222k visites en 2022
  • 💥 2 758 articles (dont 💥 106 en 2022)
  • 31 000 commentaires

#gallery-13 { margin: auto; } #gallery-13 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-13 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-13 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

https://framablog.org

#Framastats #PeerTube

Notre alternative éthique aux YouTube, Twitch, Vimeo & co.

  • ~ 400k visites sur JoinPeerTube.org
  • 💥 1 000 instances
  • 398k users
  • 302k comments
  • 💥 805k videos
  • 472 M vues
  • 350 TB fichiers
  • 4 300 issues (dont 3 800 fermées)
  • 💥 1 (!) dév salarié

#gallery-14 { margin: auto; } #gallery-14 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-14 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-14 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

https://joinpeertube.org

#Framastats #Mobilizon

Notre alternative aux groupes et événements Facebook.

  • ~ 90 instances
  • ~ 2 000 groupes
  • 💥 573k événements
  • ~ 14k users
  • 💥 1 seul développeur (même pas à temps plein !)

https://joinmobilizon.org

#Framastats #CHATONS

  • 💥 + de 100 chatons (membres du collectif)
  • 1/3 temps de coordination salarié par Framasoft
  • 321 services hébergés de façon décentralisés
  • 117 logiciels différents proposés par les membres du collectif

#gallery-15 { margin: auto; } #gallery-15 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-15 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-15 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

https://chatons.org

#Framastats #Framasoft

  • bientôt 20 ans d’existence de l’asso @framasoft
  • 💥 38 adhérent⋅es
  • dont 10 salarié⋅es
  • ~40 interventions en 2022
  • 💥 115 serveurs (dont 57 physiques)
  • 171 domaines (!) chez @gandi_net
  • 💥 448 000 abonné⋅es à la NL

https://framasoft.org

Voilà !

Vous pouvez aimer ou pas ce que Framasoft fait, mais en (presque) toute objectivité, pour une micro-asso francophone, on pense qu’on peut être fier⋅es du travail accompli cette année !

Framasoft souhaite, dans les années à venir, continuer à vous outiller numériquement, vous aider à développer vos compétences collaboratives et coopératives afin de transformer le monde.

Pour cela, nous avons besoin de vos dons.

Je soutiens les actions de Framasoft

(bonus) #Framastats #Framasous

Barre de dons de la campagne de dons 2022 de Framasoft, remplie à 80 % soient 160 849 € sur 200 000 €

Notre budget 2021, c’est (on a arrondi, mais nos rapports financiers et d’activités sont publiés ici) 640 000 € de dépenses, financées par les dons (à 98,5 %) avec 80 000 € de dons de fondations (NLnet, Fondation pour le Progrès de l’Homme), cela signifie que 86 % des dons qui ont financé notre année viennent… de vous !

À Framasoft, nous sommes fiers de ce modèle solidaire où les dons de quelques milliers de personnes permettent à plus d’un million de bénéficier de tout ce que l’on fait. Rappelons d’ailleurs que Framasoft est reconnue d’intérêt général. Ainsi, un don de 100 € revient, après déduction fiscale, à 34 € pour les contribuables de France.

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 39 100 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.

Si vous le pouvez (eh oui, en ce moment c’est particulièrement compliqué), et si vous le voulez, merci de soutenir les actions de notre association.

 

Je fais un don à Framasoft

 




Framasoft 2022 : a casserole cooked up thanks to you, thanks to your donations

Did you know that 98% of Framasoft’s budget is based on donations (86% of which are from individuals). It is therefore thanks to you and your support (thank you!) that all our actions are possible. So we wanted to give you a summary of what we have done in 2022. A look back at 12 months of popular education on the challenges of digital and cultural commons, which we wanted to be rich in flavours to please your (and our!) taste buds.

« Collectivise Internet / Convivialise Internet🦆🦆 » The actions of our new roadmap are funded by your donations, You will find a short presentation of this roadmap on our Support Framasoft website.

➡️ Read all blogposts of this campaign (oct. – déc. 2022, mostly in French)

Illustration CC BY David Revoy

But who is behind the stove?

Behind this little feast, who is there? A small group of 38 people: 28 volunteers and 10 employees, convinced that a world where digital technology allows us to gain freedom is possible! We tell you here what we did, thought about and moved forward in the kitchens. And the ovens are still hot!

Sharing our values, intentions and actions loud and clear

After 3 years of work, workshops guided by Marie-Cécile Godwin and fine-tuning by the association, we published our manifesto in November. This long work made us think a lot and allowed us to highlight very simply the political dimension of our associative project: we want to change the current world for a better one, where the Commons are favoured, where social justice is a fundamental value and where our liberties are preserved.

The second part of this important work was to make sure that our manifesto intentions are understood as soon as they arrive on framasoft.org. We have therefore completely redesigned our main website to make our associative project clear, fluid and easily understandable.

Illustration CC BY David Revoy

Collectivise Internet / Convivialise Internet: our new roadmap 2023-2025

After 5 years on course with Contributopia, we needed to refine our compass and review our direction: where do we want to continue our exploration for the next few years? This is how the new roadmap Collectivise Internet / Convivialise Internet (code name: COIN / COIN – quack in french) was created: we want to address more directly the collectives and associations committed to a better world (without putting aside the thousands of people who use our tools!).

4 projects have been unveiled and will be progressively improved as the months go by thanks to the beneficiaries’ feedback, with the idea of creating more links between the tools and the people:

  • Frama.space: offering liberated cloud to small activist collectives
  • Peer.tube: to promote the PeerTube for which we are working
  • Emancip’Asso: to promote the digital emancipation of the associative world
  • ECHO Network: to understand the needs of popular education in different European countries.

We have detailed the actions of this roadmap and why we are undertaking them on the Framablog (in french…!).

Banquet simple, dans une jardin partagé, où des animaux mascottes du libre sont servis par des canards
Illustration CC BY David Revoy

Seeing each other again and seeing you again: it’s a real boost!

This year 2022 will also have been marked by a more intense resumption of shared moments, in the flesh (with good airing!): GAs, Framacamp, events, fairs, conferences, festivals, film screenings, round tables… Because as much as we love doing all this, seeing you and us motivates us, boosts us and encourages us to continue testing new, ambitious, wacky and funny projects (Remember Proutify? The extension has just been updated by one of our volunteers)… it’s so important to have fun doing all this!

Dessin d'un Canard qui sourie en très gros plan, de manière comique, tandis que derrière lui des canards font la fête dans une kermesse champêtre
Illustration CC BY David Revoy

 

Without you, everything we do would not be possible: 98% of the association’s resources come from donations. Do you think that our reflections are going in the right direction? If you have the means, if you have the desire, we thank you in advance for your support.

 

Support Framasoft

 

As an appetizer: popular education buffet

For us, popular education is the basis for a better world: everyone can share their knowledge and access it, in all simplicity. We present here the different popular education actions carried out this year.

Sharing knowledge and points of view

To begin with, Framasoft intervened, in person or remotely, in various spaces, to talk about digital emancipation, alternative digital, or how to be free online. Our members have made more than 70 interventions, for different structures, associations or groups, in different regions of France. You can watch some of these interventions on our Framatube channel.

Then, Framasoft keeps the pen active on the Framablog. More than 100 articles have been published this year, between presentations of our different actions, translations of Framalang, weekly press review, guest keyboards, interviews of various emancipatory projects, audio articles… The Framablog is a space where we express ourselves without limits.

We also intervened about twenty times in the media when we were asked to share our points of view on digital issues: video interviews, podcasts, articles… You will find the different links accessible on this page.

Illustration CC BY David Revoy

Des Livres en Communs: the publishing house that breaks the rules

Our publishing house, Des Livres en Communs (formerly Framabook), is turning the publishing codes upside down by offering a grant to authors upstream of the writing process, as well as the publication of the work under a free licence, in digital form only.

Following the first call for publication launched in January: « Towards a more contributive, more united, more ethical and more free world: how to equip and organise ourselves together », the project « L’amour en Commun », by Margaux Lallemant and Timothé Allanche was selected. The objective of this publication is to question how the commonality of love, as a means of organisation and a motor of commitment, allows us to build an alternative to capitalist society.

The book is currently being created, between fieldwork and immersions, while being accompanied by our publishing committee.

Des Livres en Communs also participated in the co-editing and proofreading of the « Guide du connard professionnel », a work carried out with PtiloukEditions.

Illustration CC BY David Revoy

UPLOAD: a free university that is growing

The Free, Open, Autonomous and Decentralised Popular University (UPLOAD: standing for Université Populaire Libre, Ouverte, Autonome, et Décentralisée in french) is a large popular education project initiated and coordinated by Framasoft (for the moment), in a decentralised and networked logic. The objective is to contribute (on our scale) to making society more just and our world more liveable, by focusing on the training of citizens by citizens.

This project is largely formed by the LibreCourses, online courses allowing access to different knowledge and skills. Stéph offered us a conference (in french) to present the topic during the Free Software Days.

This year’s Librecourses will have been punctuated by the theme « Low-tech and digital »: a first session between April and June and a second between November and January 2023. Do you also find the exponential growth of digital technology problematic? Are you interested in reducing the technical footprint of a tool? You can find the videos of the courses here.

Illustration CC BY David Revoy

Peer.tube: a showcase for PeerTube that looks like us

With Peer.tube, we want to create a showcase for PeerTube, with quality content selected in advance. It’s our answer to a question we’re often asked: « But where do I find interesting content on PeerTube? The Peer.tube site is already available with a first selection of channels and videos, but the project will only really move forward next year.

Sepia, læ poulple mascotte de PeerTube, est au bord de la mer. Iel nous invite sur un ponton menant à une plein de voiliers. Un film est projeté sur chacune des voiles de ces voiliers.
Illustration CC BY David Revoy

 

Has our popular education buffet piqued your curiosity? Do you think our contributions are going in the right direction? Then we’d like to reiterate that all this was made possible thanks to you and your donations – thank you!

I support Framasoft’s popular education actions

 

Main course: digital empowerment frying pan

Enabling citizens to become digitally empowered and free their practices is the core of our actions. But what is this good pan made of? Liberated ingredients, quality, and a good pinch of love. We tell you all about it.

Online services to do without the digital giants

Our online services are often the reason why people know us: more than 9 out of 10 people told us so during our survey « What you think of Framasoft » launched at the end of May. And to tell the truth, we were not very surprised. To give you some figures, we count more than 50 million visits on all our sites since the beginning of the year, more than 350 surveys are created every day on Framadate, nearly 15,000 forms are created every month on Framaforms, nearly 110,000 collaborative writing pads are active on Framapad. We still find this incredible!

Between 2014 and 2019, our little association has made around 40 free and trusted online services available to Internet users (yes, 40!). For many reasons, this was too much, and we have gradually closed, between 2019 and 2022, a part of these services, while proposing alternatives. This period of closure is now over: our 16 online services are available to anyone who wants to use tools that respect our freedoms. We have therefore decided to update and redesign the degooglisons-internet.org website to make it an easily accessible gateway, to make it reflect our image and above all to reassure our users.

Keeping these services up to date, managing the machines that run them or answering your questions about support, is a daily job, and we try to put our best efforts into it!

Illustration « Quittons la planète GAFAM NATU BATX », CC BY David Revoy
Illustration CC BY David Revoy

 

PeerTube: freeing your videos and channels is getting easier

PeerTube is the software we develop (well, one of our employees, yes, one!) to offer an alternative to video platforms. And 2022 will have been a year rich in evolutions, where we now count more than 1000 active PeerTube platforms.

Let’s go to V5!

To begin with, version 4.1 was released in February, bringing interface improvements, new mobile features, an improved plugin system, new search filters and new instance customization possibilities for admins.

In June, we released version 4.2, which brought a great new feature: the Studio, or the possibility to edit videos directly from the web interface. This version also brought more detailed viewing statistics, the possibility to adjust the latency during a broadcast or the direct editing of subtitles (thanks Lutangar!)

In September, version 4.3 was released, allowing the automatic import of videos from a remote channel (thanks to Florent, one of the administrators of the PeerTube Skeptikón instance) and new improvements to the interface and the integration of live videos (a collaborative effort with a designer from la Coopérative des Internets).

And we can already tell you that the new major version, v5, will be released in a few days with (exclusive information!) two-factor authentication or the possibility to send live files to the cloud for admins…

Edit of December 13th : V5 is released ! Find all the information on this article.

Collecting your ideas to enrich the software

Do you create content on PeerTube? Do you enjoy watching videos on PeerTube? In July, we launched the ideas.joinpeertube.org tool (in english) to collect your needs for the software and help us identify new features to develop to make PeerTube more enjoyable to use.

Please feel free to take a look around, to vote for one of the features already proposed or to propose a new one. A big thank you to everyone who took the time to share their opinion!

joinpeertube.org: easier access to PeerTube

joinpeertube.org is THE site that introduces PeerTube, THE gateway to information about this alternative to centralized video platforms, and we want to leave it wide open!

The previous version of joinpeertube.org was mainly focused on the technical features of PeerTube, and therefore addressed to technical profiles. However, now that there are more than 1,000 PeerTube platforms, we felt that it was necessary to promote the software to a wider audience who may be less digitally literate.

After an audit of the site via user tests carried out by La Coopérative des Internets, the web agency proposed improvements to allow a better understanding of PeerTube. You will find all the details of this version on this article of the Framablog: and we hope that this redesign will be useful and will facilitate the use of PeerTube!

Illustration CC BY David Revoy

Mobilizon: we make it easy for you to search

Mobilizon is the software that Framasoft is developing (well, one of our employees⋅es and not even full time!) to offer an alternative to Facebook events and groups.

Mobilizon Search Index, a search engine in the fediverse

As we did before with Sepia Search (our search engine for discovering content published on PeerTube), we want to offer a gateway to Mobilizon to show its emancipatory potential.

Mobilizon Search Index references the events and server groups that we have approved on instances.joinmobilizon.org (currently a little over 80 instances, and we hope the list will grow!). The search engine then allows you to explore the events and groups of all these servers, and in different ways: search bar (well, it’s rather classic), by categories (interesting, isn’t it?) or even by geolocating yourself to find events nearby (crazy!).

The source code is free-libre : anyone (with some computer skills, anyway…!) can install a Mobilizon Search Index, and adapt it to their needs.

So, does this make you want to test it?

A v3 focused on research

We released the 3rd major version of Mobilizon in November. The software has reached the maturity we wanted it to have, and that is very motivating!

In the new features: many elements of the software have been modified to avoid accumulating technical debt, the design of the homepage has evolved in design, and the search results page has also been revised (hello Mobilizon Search Index!). Increasing the possibilities of discovering events and groups to make the diversity of content published on Mobilizon more visible was also the goal of this v3.

This v3 was able to evolve thanks to the various contributions (thanks to the community!), was partly financed by a grant from NLNet (thanks to them!), and of course by you, and your donations (again a big thank you).

gros plan sur Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, qui tient une loupe à la main. En fond, une carte représentant un village où des chemins mènent à un poitn commun. Au dessus d'elle, le symbole d'un lieu estampillé "v3"
Illustration CC BY David Revoy

Frama.space: emancipating small associations and activist collectives

Frama.space is a new service (in french) that we offer to small associations and activist collectives, to allow them to match their strong internal values (of social justice and emancipation) with digital tools in the same direction (free and non-monopolistic tools). We want to empower associations and activist collectives by opening digital spaces for sharing, working and organising (up to 50 accounts per collective, based on the free software Nextcloud with: office suite, 40 GB of storage, synchronisation of diaries and contacts, video tools, etc.).

Announced on 15 October when our roadmap Collectivisons / Convivialisons Internet was released, pre-registration has been open since 18 November. Currently, applications are being reviewed (by real⋅es human⋅es!) to open 250 first spaces by the end of the year. Our ultimate goal (a tad ambitious, yes!) being to make 10,000 Frama.space spaces available by the end of 2025.

Do you want to read more about the political aim of the project? We invite you to read this article or to watch this conference, which provides all the important details.

Une licorne déguisée en cosmonaute (avec une passoire sur la tête) marche sur les nuages et souffle des bulles. Dans ces bulles, on retrouve des cubes symbolisant le travail en commun (dossiers, boite à outils, livres, machine à écrire, boulier, etc.).
Illustration CC BY David Revoy

 

Do you find our actions to empower citizens through digital technology interesting? Do you think we are going in the right direction? All this was possible thanks to you and your donations. Thank you!

 

I support Framasoft’s digital empowerment actions

 

For dessert: farandole of a better world (to share!)

Because a good meal is always better when shared. And because it’s by sharing our know-how that we can go further. We act with other structures, which, like independent islands, bathe in the common waters of the same archipelago (can you also imagine floating islands with a good custard?): we keep our independence while sharing values of social justice. Acting together is obvious!

From the kittens’ side

The CHATONS (kittens in french) collective is a bit like a network of online service CSA(Community Supported Agriculture). Where Google, Facebook or Microsoft would represent the agri-food industry, the members of CHATONS would be computer farmers offering organic online services without GMOs, pesticides, aggressive marketing, in short: without a « race for purchasing power ».

At the end of this year, after already 14 litters of kittens, we count 97 members in the collective, i.e. 97 alternative hosts working in the same direction: resisting the gafamisation of the Internet and proposing alternatives respectful of our private lives.

The collective was present on different events during the year (Free Software Days, Digital Accessibility Workshop, Geek Faeries, Freedom Not Fear, Fête de l’Huma, Capitole du Libre), to present its actions. The second CHATONS camp took place this summer, a great time to meet and to relaunch great collective dynamics. Different working groups were created, in particular the group « An association for the CHATONS collective » aiming at an autonomization of the collective with the aim that we (Framasoft) leave little by little the coordination of the collective to the collective itself.

Illustration CC BY David Revoy

Emancip’Asso: promoting the digital emancipation of the associative world

The aim of Emancip’Asso is to help associations to find support to help their digital practices evolve towards more ethical practices. Designed in partnership with Animafac, 2022 will have been a year of… paperwork (yes, this is often the beginning of ambitious projects!).

We spent some time putting together a steering committee (20 members) that was varied, heterogeneous and representative of the diversity of the associative world. Then, as the project was intended to be financially independent, the first six months of the year were devoted to fundraising, which bore fruit (hurrah!). We currently have four funders (and we hope that the list will continue to grow!): the Charles Léopold Mayer Foundation for the Progress of Humankind, the Crédit Coopératif Foundation, the Un monde par Tous Foundation and the Libérons nos ordis Association.

The first funding allowed us to work on the first stage of the project: a training course for ethical hosts to help them accompany associations in their digital transition. Search for speakers, preparation of the programme and logistics: the training (it’s full!) will take place in Paris, from 16 to 20 January 2023 (the programme in detail is here).

Finally, at the end of this year, we applied to different student programs to set up two working groups: one on the graphic identity of Emancip’Asso (in progress!), and a second one on the realization of the emancipasso.org website (to come).

You can find Angie and Anne-Laure presenting the project on video here.

un chaton patissier qui présente un nuage-gateau fait sur commande, tansdi qu'en arrière plan d'autres chatons cuisinent un autre nuage gâteau au millieu de leur village arbre-à-chats
Illustration CC BY David Revoy

ECHO Network: understanding the digital needs of popular education, here and elsewhere

2022 will also have been the year of the development of the European project « Ethical, Commons, Humans, Open-Source Network » (ECHO Network, it’s a bit easier to remember…). Led by the popular education movement CEMÉA France, the project brings together 7 structures from 5 European countries (France, Belgium, Croatia, Germany, Italy). What do they have in common? The support, each at its own level, of the public in their autonomy and emancipation.

The objective of the project is to exchange on the difficulties, opportunities and ways to accompany the public that our associations serve towards a digital transition. And the background: how to accompany this emancipation in (or even by) a digital world centralised by the web giants?

The first meeting of the exchange will take place in Paris from 14 to 17 January 2023. This opening seminar will allow us to unpack the general theme: supporting the digital transition of associations that train citizens. Read more here.

Dessin de cinq iles en cercle, chacune avec des constructions d'une culture différente. Elles communiquent ensemble en s'envoyant des ondes, des échos.
Illustration CC BY David Revoy

And that’s not all!

Knowledge transfer

With Hubikoop (territorial hub of the New Aquitaine region for an inclusive digital environment) we started in September the animation of the course « Accompaniment to the discovery of ethical digital services » : 8 workshops for the actors of the digital mediation in New Aquitaine. This partnership is starting to give rise to new ideas, which we will tell you about next year!

In the framework of the PENSA project with Aix-Marseille University, we intervened in June for a training of trainers on the theme « Free software and services for the digital emancipation of citizens ». The final objective is to enable teachers to develop their skills for a critical use of digital technology in education.

We have also carried out various actions in connection with AFPA and more specifically the people in charge of the training of Digital Mediation Space Managers, to transmit more knowledge on ethical digital.

Framasoft also became a member of the MedNum. Our ambitions behind this? To raise awareness of free tools among digital mediation actors, to train digital mediators in ethical alternatives and to equip the cooperative itself with free tools.

Finally, you will find us in the booklet « Le temps des conquêtes, les nouveaux horizons de l’ESS » published by ESS France.

Important statements taken

The L.A. Coalition (of which Framasoft is a member) took a position in April on the Republican Commitment Contract: the collective denounced it as a potential source of litigation and abusive sanctions by the administration or public authorities to the detriment of associations and foundations.

The first abuses of the republican commitment contract quickly emerged. We signed the tribune «Civil disobedience is part of the freedom of expression and the repertoire of legitimate actions of associations », published in l’Humanité in September: associative freedoms are essential and currently in danger.

We also signed the tribune « For the digital commons to become a pillar of European digital sovereignty » by Wikimedia France in June. Cultural commons are an integral part of Framasoft’s social purpose, defending them is essential!

Support by conviction

Following the announcement of its very difficult financial situation this summer, we supported the media NextINpact (very qualitative digital watch) by buying « suspended » subscriptions that we drew at random.

We also supported affordance.info (qualitative content on digital and relevant social issues) by migrating its blog from a non-free tool (Typepad) to a free tool (WordPress), all hosted by us.

We proposed a Signal proxy (free messaging) following a call from the structure informing of the blocking of its application by the Iranian regime in the face of the current revolts.

Illustration CC BY David Revoy

 

Did you like our shared dessert? You think that these actions carried out with other islands of our archipelago are to be encouraged? Know that they are also only possible thanks to you and your donations. Thank you again!

 

I support Framasoft’s archipelago actions

 

Framasoft, today, is more than 50 000 € of expenses per month. We closed the 2021 accounting year with a deficit of €60,000 (which donations – more generous during the 2020 confinements – fortunately allowed us to absorb).

At the time of writing, we estimate that we are €127,500 short of our annual budget and can confidently launch our actions in 2023.
If you can (yes, at the moment it is particularly complicated), and if you want to, please support the actions of our association.

I support the actions of Framasoft