Infoclimat : un commun météorologique et climatologique à préserver !

Infoclimat est une association de passionné·es de météo, qui agit pour favoriser et vulgariser l’échange de données et de connaissances autour de la météo et du climat.
Nous baignons dans les mêmes eaux et partageons les mêmes valeurs : les communs culturels doivent être ouverts à toutes et tous pour l’intérêt général !
L’association va fêter ses 20 ans et se lancer dans un nouveau projet : le recrutement de son·sa premier·ère salarié·e. C’est l’occasion de donner la parole à Frédéric Ameye et Sébastien Brana, tous deux bénévoles.

Bonjour Frédéric et Sébastien, pouvez-vous vous présenter ?

Frédéric Ameye (FA), 27 ans, je suis ingénieur dans les systèmes embarqués pendant les heures ouvrables… et en-dehors de ça, je suis depuis longtemps « Linuxien » et (modeste) défenseur du logiciel libre, mais aussi de l’égalité des chances à l’école — issu d’une famille ouvrière très modeste, c’est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Le reste du temps (quand il en reste), vous me trouverez principalement en rando au fin fond de la montagne…

J’ai intégré l’aventure Infoclimat en 2009 (j’avais alors 15 ans), période à laquelle j’ai « refondu » le site web de l’asso à partir de l’ordinateur familial à écran cathodique, que je monopolisais des dizaines d’heures par semaine, jusqu’à très tard dans la nuit. J’ai continué ce rôle jusqu’à aujourd’hui (avec un écran plat, et moins d’heures dans la nuit car la trentaine arrive vite). Entre-temps, j’ai rejoint le Conseil d’Administration, et je suis ensuite devenu Vice-Président en 2015.

Sébastien Brana (SB), 42 ans. Dans la vie « hors Infoclimat », je suis chef de projet informatique à la Direction générale des finances publiques… et comme Frédéric, en dehors de « ça », j’occupe une grande partie de mon temps libre (soirées, week-end et congés) au profit du site et de l’association que j’ai rejoint en 2005 et dont je suis également Vice-Président depuis 12 ans. Au-delà des phénomènes météo (orages et chutes de neige notamment) qui m’ont toujours fasciné depuis aussi loin que je me souvienne, je suis également passionné par la communauté que nous avons formée depuis une vingtaines d’années, rassemblant des personnes de tous âges (des gamins de 10 ans aux retraités) et de tous milieux, amateurs ou professionnels, scientifiques ou littéraires, ou simplement amoureux de beaux paysages et de photographies. La météo touche tout le monde, les questions liées au climat interrogent tout le monde – bref, ces sujets intéressent voire passionnent bien au-delà des barrières sociales habituelles !

Vous êtes membres bénévoles de Infoclimat, pouvez-vous nous parler du projet de l’association ?

SB : Initialement, Infoclimat était un petit groupe de passionnés de météo et de climat, qui partageaient leurs relevés entre-eux à la fin des années 90, sur un site web appelé « OrageNet ». Tout cela a progressivement grossi, jusqu’à l’année 2003, où l’association a été créée principalement pour subvenir aux besoins d’hébergement du site web. A l’époque, nous étions déjà (et sans le savoir!) en « Web 2.0 » et pratiquions les sciences participatives puisque l’essentiel du contenu était apporté par les passionnés ; nous étions alors bien loin d’imaginer que les problématiques liées au climat deviendraient un enjeu mondial avec une telle résonance médiatique.

Site internet d'Infoclimat entre les années 90 et aujourd'hui
Infoclimat a beaucoup évoluée, entre les débuts sur un internet confidentiel des années 90 dédié au partage, au web d’aujourd’hui.

 

FA : Depuis, l’objet social s’est considérablement diversifié, avec la montée en puissance de notre asso. Aujourd’hui, nous visons trois thématiques particulières :

  • L’engagement citoyen au service de la météo et du climat : partager ses relevés, ses observations météo, installer des stations météorologiques,… au service de tous ! Cela permet de comprendre comment le climat change, mais aussi de déceler des particularités locales que les modèles de prévision ne savent pas bien prendre en compte, ou qui ne peuvent pas être mesurées facilement.
  • Valoriser la donnée météo et climato, qu’elle soit issue de services officiels ou diffusée en « OpenData » par nous ou nos passionnés, et en particulier en faire des outils utiles autant aux « pros » et chercheurs, qu’au service de la vulgarisation des sujets climatiques pour le grand public. Les utilisations sont très nombreuses : agriculture, viabilité hivernale, thermique dans l’habitat, recherches sur le changement climatique, production électrique, journalistes…
  • Former et transmettre les connaissances, par la production de contenus de vulgarisation scientifique, l’organisation de « rencontres météo », ou encore des interventions auprès des écoles, dans des événements sur le terrain ou sur les réseaux sociaux. Bref, contrer la désinformation et le buzz !

 

Installation de matériel météo
Quand Infoclimat débarque quelque part, c’est rarement pour pique-niquer… Mais plutôt pour installer du matériel météo !

 

Vous faites donc des prévisions météo ?

SB : Même si le forum est largement animé par des prévisionnistes amateurs, nous parlons finalement assez peu de prévisions météo : le cœur du site, c’est l’observation météo en temps réel et la climatologie qui résulte des données collectées, qui sont des sujets bien différents ! Il y aurait tant à dire sur le monde de la prévision météo, mais cela mériterait un article à lui seul, car il y a un gros sujet là aussi sur l’ouverture des données et la paternité des algorithmes… Souvent négligée, l’observation météorologique est pourtant fondamentale pour produire une bonne prévision. Pour faire court, la donnée météo « observée » est la nourriture qu’il faut pour entraîner les modèles climatiques, et faire tourner les modèles numériques qui vous diront s’il faut un parapluie demain sur votre pixel de 1km².

Observations météo avec le modèle français AROME
Quantité d’observations météo intégrées dans le modèle de prévisions français « AROME », source principale de toutes les prévisions en France métropolitaine. La performance des modèles météorologiques est fortement corrélée à la quantité, la fréquence, et à la qualité de leurs données d’entrées (observations radar, satellite, avions, stations météo au sol,…). La quantité d’observations des stations Météo-France est à peu près équivalente à la quantité de données produites par les passionnés d’Infoclimat. Graphique simplifié, hors données radar. Avec l’aimable autorisation de Météo-France et du CNRM.

 

FA : Ce qu’il faut savoir, c’est que l’immense majorité des sites internet ou appli que vous consultez ne font pas de prévisions météo, mais utilisent des algorithmes automatisés qui traitent des données fournies (gratuitement ou avec redevance) par les organismes publics (Météo-France, la NOAA, le Met-Office, l’organisme européen ECMWF,…). La qualité des prévisions est en gros corrélée à l’argent que les créateurs des sites et des applis peuvent injecter pour récolter des données brutes de ces modèles numériques. Par exemple, pour avoir les données du modèle de Météo-France « AROME », c’est à peu près gratuit car les données sont sous licence Etalab, mais si vous voulez des données plus complètes, permettant d’affiner vos algorithmes et de proposer « mieux », c’est sur devis.

Dès lors, Infoclimat ne souhaite pas se lancer dans cette surenchère, et propose uniquement des prévisions automatisées issues de données ouvertes de Météo-France et de la NOAA, et indique très clairement la différence entre prévisions automatisées et bulletins rédigés par des passionnés.

Image des "cubes" de données des modèles météo
La Terre est découpée en petits cubes dans lesquels les modèles météo estiment les paramètres de l’atmosphère à venir. Les cubes sont généralement bien plus gros lorsque les échéances sont lointaines (J+4, J+5…), ce qui empêche les modèles météorologiques de discerner les phénomènes météo de petite échelle (averses, orages, neige, effets des reliefs et des côtes). Pourtant, de nombreuses appli météo se contentent de vous fournir grossièrement ces données sans l’explication qui va avec. Chez Infoclimat, on laisse volontairement la résolution native, pour ne pas induire le lecteur en erreur sur la résolution réelle des données.

 

Cela me fait toujours rire (jaune) quand j’entends « [site ou appli] a de meilleures prévisions à chaque fois, et en plus, on les a à 15 jours ! » : lorsqu’il s’agit de prévisions « automatiques », par ville, il est probable qu’il utilise les mêmes données que tous les autres, présentées légèrement différemment, et qu’il s’agisse juste d’un biais de confirmation. Il existe bien sûr quelques exceptions, certaines entreprises faisant un vrai travail de fusion de données, d’analyse, de suppression des biais, pour proposer des informations de très grande qualité, généralement plutôt payantes ou pour les pros. Mais même chez ceux qui vous vendent du service d’aide à la décision, de protection des biens et des personnes, des données expertisées ou à vocation assurantielles, vous seriez très surpris de la piètre qualité de l’exploitation qui est faite de ces données brutes.

Graphique présentant la technique de prévision ensembliste
Les modélisateurs météo ont plein de techniques pour prendre en compte les incertitudes dans les observations et les modèles, notamment ce que l’on appelle la « prévision ensembliste ». Mais ces incertitudes sont rarement présentées ou expliquées au public. Ici par exemple, le graphique présente la quantité de pluie prédite par un modèle météo le 6 janvier, pour la période entre le 6 janvier et le 16 janvier 2022, sur un point de la France. Le modèle considère plusieurs scénarios d’évolution possible des futurs météorologiques. Source : ECMWF, CC BY 4.0.

 

Malheureusement, cette situation rend très délicate la perception des prévisions météo par le grand public (« ils se trompent tout le temps ») : la majorité des applis prend des données gratuites, de faible qualité, sur le monde entier, qui donnent une prévision différente 4 fois par jour au fil des calculs. Cela ne met vraiment pas en valeur le travail des modélisateurs, qui font pourtant un travail formidable, les modèles numériques s’améliorant considérablement, et décrédibilisent aussi les conclusions des organismes de recherche pour le climat (« ils ne savent pas prévoir à 3 jours, pourquoi ils sauraient dans 50 ans ?! »), alors qu’il s’agit surtout d’une exploitation maladroite de données brutes, sans accompagnement dans leur lecture.

Graphique présentant l'amélioration de la qualité des prévisions de l'état de l'atmosphère
Ce graphique présente, grosso-modo, l’amélioration de la qualité des prévisions de l’état de l’atmosphère au fil des années, à diverses échéances de temps (jaune = J+10, vert = J+7, rouge = J+5, bleu = J+3) et selon les hémisphères terrestres. Plus c’est proche de 100%, meilleures sont les prévisions ! Source : ECMWF, CC BY 4.0. 

 

Du coup, quelles actions menez-vous ?

FA : Notre action principale, c’est la fourniture d’une plateforme sur le web, qu’on assimile souvent au « Wikipédia de la météo », ou à un « hub de données » : nous récoltons toutes sortes de données climatiques et météorologiques de par le monde, pour les décoder, les rendre digestes pour différents publics, et la mettre en valeur pour l’analyse du changement climatique. Ce sont par exemple des cartographies, ou des indices d’évolution du climat. C’est notre rôle initial, qui aujourd’hui compile plus de 6 milliards de données météo, à la qualité souvent rigoureusement contrôlée par des passionnés ! Il faut savoir que nous n’intégrons pas toutes les stations météo : nous respectons des normes de qualité du matériel et de l’environnement, pour que les données soient exploitables et comparables entre-elles, comparables avec des séries climatiques historiques, et assimilables dans des modèles numériques de prévision.

 

Infoclimat propose une interface simple et très complète
Infoclimat propose l’accès à toutes les informations météo et climatiques dans des interfaces qui se veulent simples d’accès, mais suffisamment complètes pour les plus experts. Dur équilibre !

 

SB : Avec l’accroissement de notre budget, nous avons pu passer à l’étape supérieure : installer nos propres stations météo, et soutenir les associations locales et les passionnés qui en installent et qui souhaitent mettre leurs données au service d’une base de données commune et libre.

Randonnée pour installer la station météo à Casterino
Les passionnés ne reculent devant rien pour l’intérêt général. Aller installer une station météo à Casterino, village des Alpes Maritimes qui s’est retrouvé isolé de tout après la tempête Alex ? C’est fait, et avec le sourire malgré les kilomètres avec le matériel sur le dos ! Retrouvez l’article ici

 

Il faut savoir que la donnée météo se « monnaye », et chèrement: Météo-France, par exemple, ne met à disposition du grand public que quelques pourcents de ses données, le reste étant soumis à des redevances de plusieurs centaines de milliers d’euros par an (on y reviendra). Ce n’est d’ailleurs pas le cas dans tous les pays du monde, les États-Unis (NOAA) ont été précurseurs, beaucoup de pays Européens s’y mettent, mais la France est un peu en retard… Nous sommes partenaires de Météo-France, participons à des travaux communs dans le cadre du « Conseil Supérieur de la Météorologie », mais c’est très long, trop long, et cela prive Météo-France d’une source de revenus importante dans un contexte de stricte restriction budgétaire. L’établissement public administratif se retrouve en effet pris dans une injonction contradictoire par son autorité de tutelle (le Ministère de la Transition écologique et solidaire) : d’un côté il doit « libérer » les données publiques et mettre en place les infrastructures nécessaires, de l’autre, on lui intime l’ordre de trouver de nouvelles sources de financement par sa branche commerciale, et on lui réduit ses effectifs !

Redevances Météo France
Redevances demandées par Météo-France pour accéder aux données météo de son réseau « RADOME » (90% des stations françaises). Hors de portée de notre association ! Source

 

Données ouvertes météo France et données Infoclimat
Le réseau de stations en France, avec les données ouvertes de Météo-France (à gauche), et avec les données Infoclimat et partenaires en plus (à droite). Remarquez le contraste avec certains autres pays Européens !

 

Aujourd’hui, Infoclimat c’est donc un bon millier de stations météo (les nôtres, celles des passionnés, et de nos associations partenaires), qui complètent les réseaux nationaux dans des zones non couvertes, et qui permettront à l’avenir d’améliorer la fiabilité des modèles météo de Météo-France, dans des travaux que nous menons avec eux sur l’assimilation des réseaux de données partenaires. Parfois d’ailleurs, nous réinstallons des stations météo là où Météo-France est parti ou n’a pas souhaité améliorer ou maintenir des installations, comme au Mont-Ventoux (84), ou à Castérino (06). Et ces données intéressent une multitude d’acteurs, que nous découvrons souvent au hasard des installations : au-delà de l’intérêt pour la météo des particuliers (« combien fait-il au soleil? » « quelle quantité de pluie est tombée la nuit dernière? »), les activités professionnelles météo-sensibles allant de l’agriculture à l’expertise en assurance, en passant par les études de risques et/ou d’impacts jusqu’aux recherches sur les « ICU » (ilots de chaleurs urbains observés dans les milieux urbanisés) se montrent très demandeuses et n’hésitent pas à se tourner vers nous pour leur fournir de la « bonne data-météo ».

Réhabilitation d'une station météo au Mont-Ventoux
Réhabiliter une station météo au sommet du Mont-Ventoux : check. Les données météo sont par ici. 

 

Enfin, le troisième pilier, c’est la pédagogie. Nous avons repris en 2018, à nos frais et sans aucune subvention, l’initiative « Météo à l’École », qui avait été lancée en 2008 par le Ministère de l’Éducation Nationale avec Météo-France et l’Observatoire de Paris, mais qui a failli disparaître faute de budget à la fin du « Grand Emprunt ». L’objectif : sensibiliser de manière ludique les publics du primaire et du secondaire aux enjeux de la météo et du climat. Installer une station météo dans un collège permet de faire un peu de techno, traiter les données en faisant des maths, des stats et de l’informatique, et enfin les analyser pour parler climat et Système Terre.
Aujourd’hui, nous hébergeons les données des quelques 60 stations, ainsi que les contenus pédagogiques de Météo À l’École, permettant aux profs d’échanger entre eux.

Photo : Météo à l'École
Installer des stations météo dans les écoles, expliquer les concepts de la météo et du climat, « jouer » avec des données, et discuter entre profs : c’est ce que permet le programme Météo à l’École

 

Depuis de nombreuses années, nous complétons cela avec des interventions auprès des jeunes et moins jeunes, sous forme d’ateliers ou de journées à thème (« Rencontres Météo et Espace », « Nuit des Chercheurs », « Fête du Vent »,…), un peu partout en France selon la disponibilité de nos bénévoles !

Rencontre Météo et Espace
Lors des Rencontres Météo et Espace organisées par le CNES, Infoclimat et Météo-France, les enfants apprennent par exemple comment on mesure les paramètres en altitude dans l’atmosphère, grâce aux ballons sondes.

 

Photos : évènements tout publics
Nous aimons autant apprendre des choses aux très jeunes (à gauche), qu’aux moins jeunes (à droite), lors d’événements tout-publics.

 

Quelles valeurs défendez-vous ?

FA : La première de nos valeurs, c’est l’intérêt général ! Ce que nous avons conçu au cours de ces vingt dernières années n’appartient à personne, c’est un commun au service de tous, et pour certaines informations, c’est même le point de départ d’un cercle vertueux de réutilisation, par la libération des données en Open-Data.

Page OpenData d'Infoclimat
La page OpenData d’Infoclimat, qui permet de s’abstraire des complexités des formats météo, des différents fournisseurs, et tente de résoudre au mieux la problématique des licences des données.

Comme on l’a dit plus haut, le monde de la météo est un juteux business. Vous trouverez pléthore de sites et applis météo, et leur composante commune, c’est que ce sont des sociétés à but lucratif qui en font un business, sous couvert d’engagement citoyen et de « communauté ». Vous y postez vos données et vos photos, et ils en tirent en retour des revenus publicitaires, quand ils ne revendent pas les données météo à d’autres sociétés (qui les mâchouillent et en font de l’analyse pour d’autres secteurs d’activité).

Parmi les initiatives similaires, on peut citer parmi les plus connues « Weather Underground » (appartenant à IBM et destinée à alimenter Watson) ou encore « Awekas » (Gmbh allemande), « Windy » (société tchèque), « Météociel » (SAS française), qui sont des sociétés privées à plusieurs centaines de milliers ou quelques millions d’euros de CA. On notera d’ailleurs que toutes ces initiatives ont des sites souvent moins complets que le notre !
On se retrouve dans une situation parfois ubuesque : ces types de sociétés peuvent acheter des données payantes à l’établissement public Météo-France (pour quelques centaines de milliers d’euros par an), et les proposent ensuite à tous sur leur site web, rémunéré par la publicité ou par abonnement à des fonctionnalités « premium ». Alors qu’elles pourraient bénéficier à tous dans une base de données librement gérée comme celle d’Infoclimat, et aussi servir nos outils d’analyse du changement climatique ; il faut passer obligatoirement par les sites de ces sociétés privées pour bénéficier des données produites par l’établissement public… et donc en partie avec l’argent public. D’autres acteurs de notre communauté en faisant déjà echo il y a bien des années, et la situation n’a pas changé : https://blog.bacpluszero.com/2014/06/comment-jai-failli-faire-doubler-le.html.

Photo : visite Météo France
Nos adhérents et administrateurs lors d’une visite chez Météo-France, en 2016. Malgré un partenariat depuis 2009, l’établissement public éprouve toujours des difficultés à partager ses données avec la communauté, mais s’engage à ses côtés dans la formation et le support technique. En mémoire de nos bénévoles disparus Pouic, Mich’, Enzo.

 

SB : Notre force, c’est de pouvoir bénéficier d’une totale indépendance, grâce à nos adhérents, mécènes et donateurs. On a réalisé le site dont on a toujours rêvé, pas celui qui générera le plus de trafic possible pour en tirer un revenu. Les données des stations météo que nous finançons sont toutes placées sous licences ouvertes, et nos communications sont rigoureuses et factuelles plutôt que « putaclic » (ce qui nous vaut d’ailleurs une notoriété encore assez limitée chez le grand public, en dehors des photos de nos contributeurs reprises dans les bulletins météo de France TV notamment).

Trouvez-vous aussi votre indépendance vis-à-vis des GAFAM ?

FA : Cela reste encore perfectible : si nous croyons à notre indépendance et au respect des utilisateurs, il y aurait encore des reproches à nous faire. Nous mettons vraiment beaucoup en place pour respecter les données (qu’elles soient météo, personnelles, ou les droits des photographes), nous auto-hébergeons l’immense majorité des contenus (sur 12 serveurs dédiés OVH, du cloud Scaleway, et des machines gracieusement prêtées par Gandi, et même un NAS chez un administrateur fibré !), et essayons d’éviter les services tiers, et les fuyons au possible lorsqu’ils sont hébergés ou contrôlés à l’étranger. Mais tout n’est pas toujours si simple.

Par exemple, nous utilisions jusqu’à très récemment encore Google Analytics, par « simplicité » : tout notre historique depuis 2008 y est stocké, et une instance Matomo assez dimensionnée pour 150M de pages vues par an, ça veut dire gérer une nouvelle machine, et des coûts supplémentaires… pour une utilisation assez marginale, notre exploitation des statistiques étant très basique, puisque pas de publicités et pas de « conversions » ou « cibles d’audience »… Mais tout de même appréciée des bénévoles pour analyser la fréquentation et l’usage des rubriques du site. Il doit aussi traîner quelques polices de caractères hébergées par Google, mais tout le reste est 100% auto-hébergé et/ou « fait maison ».

Complexité des cartes de Infoclimat
Nos cartes sont complexes et nécessitent des données géospatiales de bonne qualité, et à jour. Maintenir à jour une telle base, seuls, et à l’échelle mondiale, est… un projet à lui tout seul.

 

Nous sommes aussi de gros consommateurs de contenus cartographiques, et proposons des interfaces de visualisation mondiales plutôt jolies (basées sur OpenLayers plutôt que GoogleMaps), mais qui nécessitent des extractions de données particulières (juste les villes, un modèle de terrain haute résolution, ou bien juste les rivières ou limites administratives). C’est un sujet qui peut aussi être vite difficile à gérer.
À une époque, on stockait donc une copie partielle de la base de données OpenStreetMap sur l’Europe, et je générais moi-même des carto avec Tilemill / Mapserver / Geowebcache et des styles personnalisés. Les ressources nécessaires pour faire ça étaient immenses (disque et CPU), la complexité technique était grande, et que dire quand il faut tenir toutes ces bases à jour. C’est un projet à lui tout seul, et on ne peut pas toujours réinventer la roue. Bref, pour le moment, nous utilisons les coûteux services de Mapbox.

Vous nous avez parlé de certaines limites dans votre travail bénévole, qu’est-ce qui vous pose problème ?

FA : Le problème majeur, c’est le développement web du site. La majorité de nos outils sont basés sur le site web : cartes, graphiques, statistiques climatiques, espaces d’échange, contenus pédagogiques, tout est numérique. Aujourd’hui, et depuis 13 ans, le développement et la maintenance du site et de ses serveurs repose sur un seul bénévole (moi !). Déjà, ce n’est pas soutenable humainement, mais c’est aussi assez dangereux.
La raison est simple : un logiciel avec 400.000 lignes de code, 12 serveurs, des technologies « compliquées » (formats de fichiers spécifiques à la météo, cartes interactives, milliards d’enregistrements, bases de données de plusieurs téraoctets,…), ce n’est pas à la portée du premier bénévole qui se pointe ! Et il faut aussi beaucoup d’accompagnement, ce qui est difficile à combiner avec la charge de travail existante.

Pour les plus geeks d’entre-vous, concrètement, voici les technos sur lesquelles sont basées nos plateformes : PHP (sans framework ni ORM !), Javascript/jQuery, OpenLayers, Leaflet, Highcharts, Materialize (CSS), pas mal de Python pour le traitement de données météo (Scipy/Numpy) du NGINX, et pour les spécifiques à notre monde, énormément de GDAL et mapserver, geowebcache, des outils loufoques comme NCL, des librairies pour lire et écrire des formats de fichiers dans tous les sens (BUFR, SYNOP, METAR, GRIB2, NetCDF).
Et bien sûr surtout MariaDB, en mode réplication (et bientôt on aura besoin d’un mode « cluster » pour scaler), des protocoles de passage de message (RabbitMQ, WebSockets), de l’ElasticSearch et SphinxSearch pour la recherche fulltext, et du Redis + Memcached pour les caches applicatifs.
Au niveau infra, évidemment de la gestion de firewall, de bannissement automatique des IP, un peu de répartition de charge, de l’IP-failover, un réseau dédié entre machines (« vRack » chez OVH), beaucoup de partages NFS ou de systèmes de fichiers distribués (GlusterFS, mais c’est compliqué à maintenir donc on essaie de migrer vers de l’Object-Storage type S3).
Et on a aussi une appli mobile Android en Java, et iOS en Swift, mais elles sont vieillissantes, fautes de moyens  (leur développement a été sous-traité), et la majorité des fonctionnalités est de toutes façons destinée à être intégrée sur le site en mode « responsive design ».
Je passe sur la nécessité de s’interfacer avec des API externes (envois de mails, récupération de données météo sur des serveurs OpenData, parsing de données météo, API de la banque pour les paiements d’adhésions), des outils de gestion interne (Google Workspace, qui est « gratuit » pour les assos, hé oui !), des serveurs FTP et VPN pour connecter nos stations météo, un Gitlab auto-hébergé pour le ticketing et le code source …

SB : On a aussi des difficultés à dégager du temps pour d’autres actions : installer des stations météo par exemple, ce n’est pas négligeable. Il faut démarcher des propriétaires, obtenir des autorisations, parfois signer des conventions compliquées avec des collectivités locales, gérer des problématiques « Natura 2000 » ou « Bâtiments de France », aller sur site,… c’est assez complexe. Nous essayons de nous reposer au maximum sur notre communauté de bénévoles et adhérents pour nous y assister.

Quels sont vos besoins actuels ?

SB : Dans l’idéal, et pour venir en renfort de Frédéric, nous aurions besoin d’un développeur « full-stack » PHP à plein temps, et d’un DevOps pour pouvoir améliorer l’architecture de tout ça (qui n’est plus au goût des stacks technologiques modernes, et sent un peu trop l’année 2010 plutôt que 2022, ce qui rend la maintenance compliquée alors que le trafic web généré suppose de la perf’ et des optimisations à tous les niveaux).
Ce n’était pas immédiatement possible au vu des revenus de l’association, qui atteignaient environ 60.000€ en 2021, dont 15.000€ sont dépensés en frais de serveurs dédiés chez OVH (passer au tout-cloud coûte trop cher, en temps comme en argent,… mais gérer des serveurs aussi !).

FA : On développe aussi deux applis Android et iOS, qui reprennent les contenus du site dans un format simplifié, et surtout permettent de recevoir des alertes « push » selon les conditions météo, et d’afficher des widgets. Elles sont dans le même esprit que le site (pas de pubs, le moins de contenus tiers possibles), cependant ce sont des applis que l’on a sous-traité à un freelance, ce qui finit par coûter très cher. Nous réfléchissons à quelle direction donner à celles-ci, surtout au vu de l’essor de la version « responsive » de notre site.
Nous aimerions commencer à donner une direction européenne à notre plateforme, et la mettre à disposition des communautés d’autres pays. Il y a un gros travail de traduction, mais surtout de travaux techniques pour rendre les pages de notre site « traduisibles » dans différentes langues.

Vous ouvrez cette année un premier poste salarié, quelle a été votre démarche ?

SB : Dès lors, nous avions surtout un besoin intermédiaire, qui vise à faire progresser nos revenus. Pour cela, notre première marche sur l’escalier de la réussite, c’est de recruter un·e chargé·e de développement associatif, chargé d’épauler les bénévoles du Conseil d’Administration à trouver des fonds : mécènes et subventionneurs publics. Les sujets climat sont au cœur du débat public aujourd’hui, l’engagement citoyen aussi (on l’a vu avec CovidTracker !), nous y participons depuis 20 ans, mais sans savoir nous « vendre ».

FA : Cette première marche, nous l’avons franchie grâce à Gandi, dans le cadre de son programme « Gandi Soutient », qui nous a mis en relation avec vous, Framasoft. Vous êtes gentiment intervenus auprès de nos membres de Conseil d’Administration, et vous nous avez rassurés sur la capacité d’une petite association à se confronter aux monopoles commerciaux, en gardant ses valeurs fondatrices. Sans votre intervention, nous n’aurions probablement pas franchi le pas, du moins pas aussi vite !

Intervention de Framasoft pendant une réunion du CA de Infoclimat

 

SB : Cela va nous permettre de faire souffler une partie de nos bénévoles. Même si cela nous fait peur, car c’est une étape que nous n’osions pas franchir pour préserver nos valeurs, c’est avec une certaine fierté que nous pouvons aujourd’hui dire : « nous sommes une asso d’intérêt général, nous proposons un emploi au bénéfice de tous, et qui prend sa part dans la mobilisation contre le changement climatique, en en donnant des clés de compréhension aux citoyens ».

FA : La seconde étape, c’est recruter un⋅e dév’ web full-stack PHP/JS, quelqu’un qui n’aurait pas été impressionné par ma liste de technos évoquée précédemment ! Comme nous avons eu un soutien particulièrement fort de notre communauté en ce début d’année, et que notre trésorerie le permet, nous avons accéléré le mouvement, et la fiche de poste est d’ores-et-déjà disponible, pour un recrutement envisagé à l’été 2022.

Comment pouvons-nous soutenir Infoclimat, même sans s’y connaître en stations météo ?

FA : Pour celles et ceux qui en ont les moyens, ils peuvent nous soutenir financièrement : c’est le nerf de la guerre. Quelques euros sont déjà un beau geste ; et pour les entreprises qui utilisent quotidiennement nos données (on vous voit !), un soutien plus important permet à nos outils de continuer à exister. C’est par exemple le cas d’un de nos mécènes, la Compagnie Nationale du Rhône, qui produit de l’électricité hydroélectrique et éolienne, et est donc légitimement intéressée de soutenir une asso qui contribue au développement des données météo !
Pour cela, nous avons un dossier tout prêt pour expliquer le détail de nos actions auprès des décideurs. Pour aller plus loin, une seule adresse : association@infoclimat.fr

Et pour ceux qui veulent aussi s’investir, nous avons une page spécifique qui détaille le type de tâches bénévoles réalisables : https://www.infoclimat.fr/contribuer.

Ce n’est pas exhaustif, il y a bien d’autres moyens de nous épauler bénévolement, pour celles et ceux qui sont prêts à mettre les mains dans le cambouis : des webdesigners, développeurs aguerris, experts du traitement de données géographique, « datavizualisateurs », ou même des gens qui veulent faire de l’IA sur des séries de données pour en trouver les erreurs et biais : il y a d’infinies possibilités ! Je ne vous cacherai pas que le ticket d’entrée est assez élevé du point de vue de la technique, cela dit…

SB : Pour les autres, il reste l’énorme possibilité de participer au site en reportant des observations via le web ou l’appli mobile (une paire d’yeux suffit!) ainsi que des photos, ou… simplement nous faire connaître ! Une fois comprise la différence entre Infoclimat et tous les sites météo, dans le mode de fonctionnement et l’exploitation commerciale ou non des données, on comprend vite que notre association produit vraiment de la valeur au service des citoyens, sans simplement profiter des données des autres, sans apporter sa pierre à l’édifice, comme le font nonchalamment d’autres initiatives. Par ailleurs, nous avions pour projet d’avoir une page sur Wikipédia, refusée par manque de notoriété 🙁 . Idem pour la demande de certification du compte Twitter de l’Association, qui pourtant relaie de l’information vérifiée et montre son utilité lors des événements météo dangereux ou inhabituels, comme lors de l’éruption tout récente du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai sur les Iles Tonga qui a été détectée 15h plus tard et 17.000 km plus loin par nos stations météo lors du passage de l’onde de choc sur la métropole!

Capture écran : tweets postés avec le passage de l'onde de choc après l'erruption du volcan des Iles Tonga sur la métropole

FA : Infoclimat, c’est un peu l’OpenFoodFacts du Yuka, l’OpenStreetMap du GoogleMaps, le PeerTube du YouTube, le Wikipédia de l’Encarta (pour les plus vieux)… et surtout une formidable communauté, que l’on en profite pour remercier ici !

On vous laisse maintenant le mot de la fin !

SB : Bien sûr, on aimerait remercier tous ceux qui ont permis à cette aventure de progresser : tous les bénévoles qui ont œuvré depuis 20 ans, tous les adhérent⋅e⋅s qui ont apporté leur pierre, nos mécènes et donateurs, ainsi que les passionnés qui alimentent le site et nous soutiennent depuis toutes ces années!

FA : Le soutien de Gandi et Framasoft a aussi été un déclencheur, et j’espère que cela pourra continuer à être fructueux, au service d’un monde meilleur et désintéressé. Des initiatives comme la notre montrent qu’être une asso, ça permet de produire autant voire plus de valeur que bien des start-up ou qu’un gros groupe qu’on voit passer dans le paysage météo. Et pourtant, nous sommes souvent bien moins soutenus, ou compris.

 

Resources à consulter :




Le Petit Crypto-Prince

À l’heure où l’on en vient à vendre ses propres pets en NFT, notre dessinateur Gee nous offre une parodie du Petit Prince pour le moins… cryptique.

Notez que la BD a été réalisée en direct sur PeerTube ! Vous pouvez regarder la rediffusion ici :

Le Petit Crypto-Prince

Un petit garçon ressemblant au Petit Prince marche vers un homme en train de taper sur ordinateur. L'homme a une cigarette électronique à la bouche.

L'homme murmure plein de calculs : « Trois et deux font cinq. Quinze et sept vingt-deux.  Cinq et sept douze.  Vingt-deux et six vingt-huit.  Douze et trois quinze. » Le garçon : « Bonjour. Votre vapoteuse est déchargée. » L'homme : « Bonjour.  Peux pas la recharger, je mine d'la crypto.  Vingt-six et cinq trente et un.  Ouf ! Ça fait donc cinq cent un million six cent vingt-deux mille sept cent trente et un. »

Le garçon : « Cinq cent un million de quoi ? » L'homme, l'air agacé : « Millions de ces petites choses que l'on voit quelquefois sur les pages web. » Le garçon : « Des pubs pour des rencontres chaudes dans ta région ? » L'homme : « Mais non, des petits trucs rectangulaires avec des couleurs. » Le garçon : « Ah ! Des images ? » L'homme : « C'est bien ça.  Des images. »

Le garçon, dubitatif : « Et que fais-tu de ces images ? » L'homme, se retournant : « Ce que j'en fais ? » Le garçon : « Oui. » L'homme : « Rien. Je les possède. » Le garçon : « Tu possèdes les images ? » L'homme : « Oui. » Le garçon : « Mais si je fais “Impr écran”… » L'homme : « Tu ne la possèdes pas. Tu la copies. C'est très différent. »

Le garçon : « Moi, si je possède un poster, je puis le punaiser au mur de ma piaule. Moi, si je possède un album photo, je puis l'emporter avec moi en voyage. Mais tu ne peux pas “emporter” une image numérique. » L'homme, agitant les bras : « Non, mais je peux en faire un NFT ! » Le garçon : « Qu'est-ce que ça veut dire ? »

L'homme : « Ça veut dire que j'ai une sorte de document numérique qui dit que cette image est à moi et à personne d'autre. » Le garçon, suspicieux : « Et ça suffit ? » L'homme, souriant : « Ah non, il faut que je crame une certaine quantité de la forêt amazonienne pour certifier ce petit document et que tout le monde soit bien sûr qu'il est authentique. »

Un silence. Le garçon est stupéfait, mais l'homme a plutôt l'air fier de lui.

Le garçon s'éloigne en disant : « Les grandes personnes sont décidément de sacrés gros cons. » L'homme est de nouveau concentré sur son ordinateur. Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 17 janvier 2022 par Gee.

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Ce que Framasoft pourrait faire en 2022, grâce à vos dons

« Iels sont bien gentil⋅les à Framasoft, mais pourquoi est-ce que je devrais leur faire un don ? ».
C’est une bonne question, et on vous remercie (sincèrement, oui oui) de l’avoir posée 🙂

D’abord parce que cette question est tout à fait légitime. Votre argent est précieux, et l’incertitude face à l’avenir mérite qu’il soit dépensé ou investi utilement.

Ensuite parce que Framasoft est une association qui ne peut agir que grâce à vos dons. Nous vous devons donc le maximum de transparence quant à nos actions menées et à venir. Vos dons viennent à la fois récompenser le travail effectué, mais aussi encourager les projets futurs.

Depuis le 12 octobre, nous vous présentons un panel de ce que Framasoft a réalisé ces derniers mois, grâce à vos dons.

« Frama, c’est pas que… »Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

Illustrée sous la forme de cartes, cette campagne rappelle que Framasoft, ça n’est pas que Framapad, Framadate, PeerTube ou Mobilizon. Mais bien plusieurs dizaines de projets en parallèle, avançant chacun à leur rythme, tous dans la même direction : vous redonner du pouvoir sur le numérique.

Par contre, ce que cette campagne ne vous a pas encore révélé, c’est ce que nous comptons faire en 2022, si vous nous en donnez les moyens.

Ce sont ces intentions que nous souhaitons vous présenter ci-dessous.

Framasoft 2022
Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Framasoft et les associations

Tout d’abord, et c’est sans doute l’un des principaux points, nous souhaitons vous dévoiler en 2022 un nouvel axe d’actions, qui se prolongera donc sur plusieurs années.

Nous l’exprimions il y a déjà plusieurs années, « Dégoogliser ne suffit pas ». Notre vision, résolument politique, d’un numérique émancipateur, ne peut exister et n’aurait pas de sens en dehors d’autres luttes. Les combats pour plus de justice et d’égalité, donc moins de monopoles et de dominations, s’entrecroisent, se rejoignent et se complètent.
« Pas de société libre sans logiciel libre » est, pour nous, une conviction. Mais cela ne signifie pas qu’une société où le logiciel libre aurait « gagné » suffirait à fournir les conditions d’une société libre.

À Framasoft, nous faisons attention à ne pas (trop) nous épuiser, à éviter le burnout militant. Nous faisons donc le choix d’agir essentiellement là où nous nous sentons fortes et forts : le numérique. Mais cela ne signifie pas que nous ignorons les autres luttes.

Or, l’un des soucis que nous identifions, c’est que celles et ceux qui agissent « pour un monde meilleur » le font souvent dans des milieux associatifs qui disposent de peu de moyens, avec des cultures numériques hétérogènes, et utilisent massivement les outils des GAFAM (qui sont fort efficaces, il faut le reconnaître).

Nous souhaitons donc amorcer en 2022 un ensemble de projets s’adressant particulièrement aux publics associatifs, militants, ou œuvrant pour le progrès social et la justice sociale.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Nextcloud, une suite logicielle pour outiller les assos

Cela fait plusieurs années qu’on tourne autour, nous l’évoquions en 2019, puis 2020, mais clairement la pandémie a limité l’énergie que nous pouvions mettre sur ce projet.

Nextcloud, dont la version 23 vient tout juste de sortir, est un excellente suite logicielle permettant de gérer fichiers, agendas, contacts, rédaction collaborative, etc. Cependant, beaucoup d’associations utilisent Google Docs, Dropbox & co. D’abord, parce que Nextcloud est peu connu (normal, les moyens marketing ne sont pas les mêmes). Ensuite parce que Nextcloud a une ergonomie souvent perfectible (par exemple, partager un fichier n’est pas évident, alors que c’est tout de même une fonctionnalité de base). Enfin, trouver le « bon » prestataire pour vous proposer une instance Nextcloud fiable et correspondant à vos besoins et vos moyens reste relativement complexe (même si de nombreux chatons proposent ce service. Coucou les ami⋅es de IndieHosters ou de Zaclys 👋)

Nous voulons donc, en 2022, travailler à rendre Nextcloud plus simple et plus accessible pour toutes et tous. À la fois en améliorant le logiciel, mais aussi sa notoriété ou sa documentation. Enfin, nous nous efforcerons de proposer une offre spécialement destinée aux associations.

Faire un don à Framasoft, c’est nous donner des moyens pour faciliter l’adoption de Nextcloud.

Émancip’Asso pour une cohérence numérique

Ce projet est né d’un constat partagé avec nos partenaires et ami⋅es d’Animafac : même si de plus en plus d’organisations prennent conscience de la nécessité de mettre en cohérence leurs outils numériques avec leurs valeurs, elles ont peu d’énergie et de compétences en interne pour se lancer dans une telle démarche. À ceci s’ajoute le constat que peu de structures sont actuellement en mesure de réellement guider et orienter les associations dans leur transition numérique libre.

Le projet Émancip’Asso a pour principal objectif de proposer aux associations des acteurs en mesure de les accompagner dans leur démarche de « dégafamisation ».

Nous souhaitons ainsi offrir un programme de formation aux acteurs qui proposent aux associations des services et accompagnements spécifiques. Cela afin que ces structures soient en mesure d’identifier les besoins d’une organisation pour les prendre en charge en intégralité, qu’il s’agisse d’hébergement, d’infogérance, d’installation de logiciels libres particuliers ou d’assurer un support technique ou des formations.

Cela va nous demander du temps et de l’énergie, mais nous sommes convaincu⋅es que l’offre d’accompagnement professionnel est l’un des angles morts du libre associatif, et qu’il faut multiplier et renforcer les acteurs capables de satisfaire ce besoin.

Faire un don à Framasoft, c’est nous aider à accompagner les accompagnateur⋅ices à la dégooglisation des associations.

Un observatoire sur les pratiques numériques libres

La mission de cet observatoire sera d’étudier les évolutions des usages numériques des associations.

Par le biais d’enquêtes, d’analyses (en y associant autant que possible des usager⋅es, des designers, des chercheur⋅euses, des partenaires associatifs, etc), nous souhaitons mieux comprendre les outils, les habitudes, les expériences des personnes qui utilisent le logiciel libre. Ou mieux comprendre pourquoi elles ne l’utilisent pas !

En effet, pour répondre avec pertinence aux besoins des deux projets précédents, nous avons besoin de qualifier et de quantifier aussi objectivement que possible quels sont les logiciels libres utilisés, pour quelles raisons, avec quelles frictions, etc. Bref, qu’est-ce qui « marche » ? Qu’est-ce qui ne « marche pas » ? Et surtout, pourquoi ?

Faire un don à Framasoft, c’est aider à éclairer et enrichir notre compréhension des pratiques associatives libres.

PeerTube v5

La version 4 de PeerTube est à peine sortie du four, que nous vous annonçons déjà notre volonté de travailler sur PeerTube v5 !

Dans cette version, nous souhaitons avant tout nous attacher à résoudre certains points de frustration et améliorer l’utilisabilité, notamment sur les formulaires d’upload de vidéos et d’inscription des utilisateur⋅ices.

Mais nous souhaitons aussi donner plus de maîtrise aux gestionnaires d’instances comme aux vidéastes. Que cela soit en leur permettant plus d’actions par lots (par exemple en permettant le déplacement d’un ensemble de vidéos vers une autre chaîne) ou en affinant les outils de gestion de fichiers (par exemple supprimer une définition d’une vidéo).

Si nous parvenons à faire financer cette fonctionnalité, nous voudrions aussi proposer un outil permettant d’éditer (de façon basique) des vidéos. Cela permettrait, par exemple, aux vidéastes de couper quelques secondes en début ou fin de vidéo directement dans PeerTube.

Enfin, nous désirons aussi améliorer les capacités de synchronisation entre YouTube et PeerTube. Cette possibilité existe déjà, mais uniquement en ligne de commande. Nous voulons donc proposer une interface au sein de PeerTube, qui permettrait, par exemple, de répliquer automatiquement l’intégralité des vidéos d’une chaîne YouTube vers une chaîne PeerTube.

Faire un don à Framasoft, c’est soutenir le développement d’une alternative libre, décentralisée et fédérée à YouTube, pour reprendre le pouvoir sur vos vidéos.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Mobilizon v3

Mobilizon, comme PeerTube, vient tout juste de bénéficier d’une nouvelle mise à jour. Et nous comptons bien vous en proposer une nouvelle version majeure en 2022.

Pour vous donner un petit aperçu du programme : développement d’un outil de recherche global multi-instances, sur le modèle de SepiaSearch ; refonte de la page d’accueil de l’instance ; création d’une toute nouvelle vue « Carte » permettant de visualiser et chercher les événements de façon géographique ; outil d’importation depuis Meetup et Facebook ; et bien d’autres choses !

Faire un don à Framasoft, c’est favoriser l’émergence d’une alternative aux événements et groupes Facebook, éthique et respectueuse de votre vie privée.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Un Framanifeste pour affirmer nos choix

Framasoft travaille, en pointillés depuis 2019, sur la rédaction de son manifeste.

En 2022, nous souhaitons achever ce travail et publier ce texte important non seulement pour nous, mais aussi pour vous, puisqu’il clarifie la raison d’être de l’association. Il définira aussi le cadre de nos actions et les valeurs qui fondent notre identité.

Faire un don à Framasoft, c’est soutenir plusieurs dizaines de projets portés par une association aux multiples facettes techniques, politiques, exploratoires.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Faire collectif : les CHATONS

Le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires compte aujourd’hui une centaine de structures réparties sur le territoire français, avec des membres en Belgique, au Québec et en Suisse. Framasoft assure la coordination et l’animation du collectif depuis sa création fin 2016 (avec une salariée qui y consacre environ 30% de son temps de travail).

En 2022, nous souhaitons lancer une réflexion sur les objectifs que se donne le collectif et les moyens pour y parvenir. Cela passera notamment par l’organisation d’un nouveau camp CHATONS à l’été 2022, et par la poursuite de notre travail de « déframasoftisation » de la coordination du collectif.

Par ailleurs, les contenus produits et captés lors de la formation Émancip’Asso permettront aussi de préparer le travail pour un second module du MOOC CHATONS, afin de faciliter les naissances de chatons solides sur leurs pattes et autonomes face à leurs publics.

Faire un don à Framasoft, c’est permettre la création, la consolidation et la mise en réseau de structures proposant des services web répondant à des critères éthiques forts.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Partager savoirs et connaissances : UPLOAD

UPLOAD, c’est notre proposition de coconstruire avec vous une Université Populaire Libre, Ouverte, Autonome et Décentralisée.

De mois en mois, nous affinons les contours de ce projet. Déjà préfigurées par le MOOC CHATONS, des Librecours ou du podcast UPLOAD, toutes ces expérimentations illustrent notre envie de partager le savoir, et la capacitation qui va de pair avec l’acquisition de savoirs.

Faire un don à Framasoft, c’est concourir à inventer de nouveaux espaces de partage de connaissances.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

Des Livres en Communs

La maison d’édition Framabook est née en 2006; 16 ans plus tard, nous souhaitons la faire évoluer.

Des Livres en Communs (ce sera le nouveau nom de Framabook) a pour intention de se concentrer sur la création et la production de communs culturels.

Depuis plus de deux cents ans, l’édition place les auteurs et autrices en situation de subordination économique, s’arrogeant de fait tous les droits patrimoniaux et n’octroyant un revenu aux auteurs et autrices qu’en consacrant une rente liée à cette propriété, privant le public de tout accès non rémunéré ou rémunérateur au fruit du travail des auteurs et autrices. Ces derniers produisent donc un capital qui ne participe à l’avancement culturel que parce qu’il peut être exploité en tant que valeur marchande monétisée. Cela transforme l’objet culturel en produit industriel comme un autre, balayant la pertinence de ses usages sociaux.

La grande particularité de cette nouvelle maison d’édition sera de reconnaître la réalité de ce travail en amont, en le rémunérant directement par une bourse d’écriture versée aux auteur⋅ices pour reconnaître plus équitablement leur travail de création.

Faire un don à Framasoft, c’est soutenir des créateurs et créatrices d’œuvres mises à disposition sous forme de communs culturels.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Soutiens à la culture, au libre et aux communs

Nous l’exposions il y a peu, nous participons activement à un certain nombre de projets en dehors de Framasoft.

Par exemple, nous soutenons (financièrement ou humainement) des projets de développement informatique tels que la plateforme de pétitions Pytition, le logiciel de comptabilisation du bénévolat valorisé Bénévalibre, l’application pour smartphone PeerTube Live, ou le plugin PeerTube Live Chat.

Nous accompagnons aussi l’émancipation de certains de nos logiciels, tels que Framadate ou Framaforms/Yakforms afin d’en faire, au-delà de simples logiciels libres, de véritables communs.

Nous souhaitons aussi rouvrir un chantier de « dépoussièrage » de MyPads, notre plugin permettant d’organiser vos pads. Nous hébergeons plus de 230 000 utilisateur⋅ices et 300 000 pads sur https://mypads.framapad.org et ce nombre ne cesse de grandir. Il nous parait donc urgent et important de corriger quelques frictions pénibles.

Mais notre soutien ne se limite pas au code.

Nous consacrons aussi du temps à conseiller nombre d’associations ou collectifs en répondant à leurs questions diverses et variées sur le numérique ou le fonctionnement associatif. Contribateliers, Réseau Infoclimat, l’atelier paysan, Exodus Privacy, Contribulle ne sont que quelques exemples de structures que nous accompagnons ponctuellement ou au long cours.

Nous cofinançons et participons activement aux travaux de recherche d’Audrey Guélou, doctorante à l’UTC, dont le sujet de thèse est « Configurations techno-éthiques pour les médias sociaux décentralisés et fédérés », afin de mieux comprendre ce nouveau territoire qu’est le Fediverse.

En 2022, nous poursuivrons aussi notre participation au collectif « La Coalition – Libertés associatives » qui s’est fixé pour mission de proposer des stratégies de riposte contre les répressions subies par le secteur associatif.

Faire un don à Framasoft, c’est participer au soutien et à la consolidation d’initiatives extérieures à Framasoft, mais aux valeurs alignées avec celles de l’association.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

Organisation de rencontres

La situation sanitaire actuelle (oui, la pandémie mondiale, c’est à toi qu’on s’adresse) rend plus difficile le fait de se rencontrer physiquement. Or c’est souvent lors de ces rencontres que les liens se tissent et se renforcent, que les envies s’expriment, que les mobilisations s’inventent. Sans elles, certains projets ont plus de mal à avancer, et surtout la motivation a tendance à stagner, si ce n’est disparaître.

Il ne s’agit pas d’organiser une rencontre estampillée « Framasoft », ou un défilé de conférencier⋅es. Mais bien de proposer des espaces d’échanges, de face-à-face, de dialogue.

Nous souhaitons créer de nouveaux espaces de rencontres physiques, pour faciliter les points de contacts entre des acteur⋅ices aux compétences différentes et aux vécus singuliers : des personnes du libre, mais aussi de l’éducation populaire, de la solidarité, de la redirection écologique, de la médiation numérique, etc. Nos mondes ne se parlent que très peu, et nous passons à côté d’occasions de nous écouter, de nous comprendre, de faire les choses ensemble.

Faire un don à Framasoft, c’est se donner une chance supplémentaire de « croiser les flux » entre différents mouvements et d’élargir les capacités de mobilisations.

Illustration CC BY David Revoy (sources)

 

Nous avons besoin de sous, et donc de vous !

Vous l’aurez compris, les graines que nous voulons planter en 2022 sont nombreuses, et nos ambitions sont grandes au regard de la petite taille de l’association.

Pour avancer, nous avons besoin de moyens financiers, et nous espérons que les (bientôt) 20 ans d’actions de l’association tendent à démontrer que, lorsqu’on nous en donne les moyens, les souhaits que nous exprimons peuvent devenir, pour vous, une réalité.

Merci !

Soutenir Framasoft




Frama, c’est aussi des logiciels pour libérer les usages

PeerTube, Mobilizon, Yakforms, Framadate, des nombreuses contributions à Ethercalc, Etherpad, Nextcloud… et dire qu’à une époque nous disions que « Framasoft contribue au logiciel libre, mais sans coder ! »

« Frama, c’est pas que… »

Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

C’est le cercle vicieux, la pente fatale de la contribution. On commence, presque naïvement, par utiliser un logiciel libre, remercier les devs, et leur suggérer une amélioration qui nous changerait la vie. Puis on se rend compte qu’on peut aider ce logiciel en traduisant, en communiquant, en facilitant, en améliorant son aspect.

Et, sans s’en rendre compte, on se met à contribuer avec un peu de code, une issue par-ci, un bugfix par-là. Jusqu’à ce que l’envie soit trop forte : « y’a personne qui le fait, bon ben OK, on va le faire nous-mêmes ! » Et voilà comment on finit par avoir une activité d’édition de logiciels libres, en plus de tous nos autres projets.

jeu de cartes Framasoft "des logiciels pour libérer les usages"

PeerTube

On ne présente plus ce logiciel qui, une fois installé sur un serveur, permet de proposer une alternative libre et fédérée aux plateformes de diffusion vidéo à la YouTube. Mais si vous voulez découvrir pleinement l’écosystème de PeerTube, cela se passe sur notre site officiel JoinPeertube.

Carte "Peertube" PeerTube est un logiciel libre qui démocratise la diffusion de vidéos, car il permet à des hébergeurs de créer des plateformes vidéos à la YouTube. Ces plateformes peuvent se relier entre elles pour montrer un plus grand choix de vidéos tout en restant indépendantes.

Début 2021, nous avons publié la troisième version majeure (v3) de PeerTube, qui ouvre la possibilité de diffuser ses vidéos en direct (live streaming). Depuis, plusieurs versions mineures ont été publiées. Elles font la part belle à la personnalisation (de son site PeerTube, de ses chaînes vidéos), ainsi qu’à la facilité de présenter, trouver et trier des contenus.

Nous avons aussi financé et accompagné deux développements externes, qui enrichissent l’écosystème PeerTube Live. Le premier c’est l’application Android PeerTube Live App, qui permet aux vidéastes de déclencher un direct très facilement depuis un smartphone. L’autre, c’est PeerTube Live Chat, un plugin qui permet aux personnes qui administrent un site PeerTube d’ajouter une fonction de clavardage aux directs diffusés depuis leur serveur.

Cette année de développement de PeerTube a été financée aux deux tiers par les 50 000 € de la bourse octroyée par NLnet, et pour un tiers par les dons que vous faites à notre association. Nous devrions très (très !) prochainement vous annoncer la v4 de PeerTube, avec une version quasi finie (Release Candidate) d’ici début décembre, pour une version finale prévue fin 2021/début 2022.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Mobilizon

Comme PeerTube, Mobilizon est un logiciel qui, lorsqu’il est installé sur un serveur, vous permet de créer une plateforme libre et de la fédérer avec d’autres serveurs Mobilizon. Mais ici, on ne diffuse pas de vidéos ! Mobilizon vous permet de créer des événements, de découvrir et vous inscrire à des groupes et surtout de vous y organiser ensemble. Bref, c’est une alternative aux événements, pages et groupes Facebook, mais sans tout le méli-mélo social.

Carte "Mobilizon" Mobilizon est une alternative libre et fédérée aux événements et groupes Facebook. Mobilizon n’est pas un réseau social, et ne met pas en valeur les ego. Les groupes, par contre, peuvent y discuter, partager des ressources, publier des articles et organiser leurs événements.

Dans la série Frama-pas-d’bol, on vous présente Mobilizon, ou comment nous avons lancé un logiciel qui sert à se retrouver et se rassembler… en pleine pandémie, option confinements et couvre-feux. De suite, cela semble moins pertinent… Pourtant, nous avions fait les choses en grand, en vous proposant :

  • un site pour vous aiguiller dans cette nouvelle fédération
  • une instance ouverte et maintenue par nous (réservée aux francophones)
  • un site officiel pour vous présenter le logiciel, ses nouvelles, etc.

Certes, Mobilizon n’a pas encore séduit un public aussi large qu’on l’aimerait. Mais cette nouvelle année de développement nous a permis d’étoffer Mobilizon. En effet, que ce soit dans les résultats de l’enquête des besoins que nous avions menée lors de la conception ou grâce aux retours des personnes l’utilisant, nous savions que Mobilizon gagnerait à intégrer certaines fonctionnalités-clés.

Si vous voulez les découvrir, n’hésitez pas à aller lire l’annonce de la sortie de la v2 de Mobilizon, publiée le même jour que cet article, sur le Framablog !

illustration CC-By David Revoy (sources)

Yakforms

Framaforms est l’un des services les plus utilisés parmi ceux que Framasoft propose. Pourtant, alors que les alternatives à Google Forms sont rares et très demandées, très peu d’autres hébergeurs ont installé la solution que nous proposions. C’est en partie de notre faute.

Carte "Yakforms" Yakforms est le logiciel qui fait tourner notre service de formulaires en ligne Framaforms. Installé sur un serveur, il génère un site où l’on peut publier des formulaires, voir les résultats, etc. Framasoft souhaite désormais remettre ce logiciel à la communauté.

Comme nous l’expliquions dans cet article, l’histoire de Framaforms fait qu’il était difficile de l’installer sur son serveur, le paramétrer, etc. Mais grâce à plus d’un an de travail d’un membre de Framasoft, ces problèmes appartiennent désormais au passé !

En effet, nous avons donné un sacré coup de jeune au code de ce logiciel, ainsi qu’un nouveau nom : Yakforms ! Notre objectif est de montrer que c’est un outil demandé, facile à installer, pratique à utiliser. Notre espoir est qu’une communauté se rassemble autour de ce logiciel et s’empare du maintien du code et de la direction à lui donner.

En effet, à Framasoft, nous n’aurons pas les épaules ni l’énergie de poursuivre le maintien de ce logiciel. Alors si cela vous intéresse de prendre le lead du développement (ou juste de découvrir le logiciel !), toutes les informations utiles sont sur le site de Yakforms.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Contributions diverses

Framasoft héberge 16 services en ligne utilisés par plus d’un million de personnes chaque mois. Les logiciels qui font marcher ces services ne sont pas développés par notre petite association, mais par des communautés formidables. Cependant, il nous arrive de contribuer au travail de ces communautés, notamment grâce aux retours des bénéficiaires de nos services.

Carte "Contributions diverses" Nous contribuons souvent au code de logiciels que nous utilisons. Nous avons, entre autres, travaillé sur Sympa (Framalistes – emails de groupes), Nextcloud (Framadrive et Framagenda – Stockage, synchronisation, agenda contacts…) ou Framadate (alternative à Doodle)…

Ainsi, les membres de notre association qui développent ont par exemple trouvé des astuces pour améliorer les performances d’Etherpad (le logiciel derrière Framapad) qu’ils ont fait remonter à la communauté. De même Mobilizon est un logiciel qui possède de nombreuses dépendances auxquelles nous avons aussi contribué, en particulier dans l’écosystème Elixir !

Nextcloud est le logiciel qui nous permet de proposer Framadrive (stockage et synchronisation de fichiers) et Framagenda (agendas, contacts, todo lists…). Nous avons apporté notre pierre au code du logiciel principal pour améliorer des points mineurs, en particulier sur l’agenda, que nous maîtrisons tout particulièrement.

Framadate (notre alternative à Doodle) est un cas à part. Car même si nous assumons le fait que nous ne maintenons plus le développement de ce logiciel, il a quand même reçu 5 nouvelles versions en 2021. En revanche, nous avons passé beaucoup de temps en réunion avec la DINUM, qui est en train de réécrire le code (lequel commençait à marquer son âge, hein ^^). L’objectif de cette institution de l’État est de contribuer au Libre en offrant un logiciel qui ferait au moins aussi bien que le Framadate actuel, et même mieux (utilisable depuis un mobile, parcours clarifié et simplifié, etc.).

illustration CC-By David Revoy (sources)

Découvrez tout ce qu’est Frama !

Voilà qui conclut le focus de cette semaine. Vous pourrez retrouver tous les articles de cette série en cliquant sur ce lien.

Sur la page Soutenir Framasoft, vous pourrez découvrir un magnifique jeu de cartes représentant tout ce que Framasoft a fait ces derniers mois. Vous pourrez ainsi donner des couleurs à l’ensemble des activités que vous financez lorsque vous nous faites un don. Nous espérons que ces beaux visuels (merci à David Revoy !) vous donneront envie de partager la page Soutenir Framasoft tout autour de vous !

En effet, le budget de Framasoft est financé quasi-intégralement par vos dons (pour rappel, un don à Framasoft de 100 € ne vous coûtera que 34 € après défiscalisation). Comme chaque année, si ce que nous faisons vous plaît et si vous le pouvez, merci de soutenir Framasoft.

Frama, c'est pas que Framindmap ! C'est aussi du code, produit pour des logiciels qui favorisent la décentralisation et l’émancipation numérique. Nos actions sont financées par vos dons, alors découvrez l'ensemble du travail de Framasoft sur Soutenir Framasoft.
Cliquez pour découvrir toutes les cartes et soutenir Framasoft

Pour aller plus loin

 

 




Frama c’est aussi des contributions dans un archipel

L’archipélisation de Framasoft prend de nombreuses formes : participer à des collectifs, travailler en partenariat, s’intégrer à des réseaux… Nous expérimentons, de manière quasi-organique, diverses manières de rencontrer, partager et de contribuer avec d’autres communautés.

« Frama, c’est pas que… »

Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

Il y a deux ans, nous expliquions ce que nous entendons par le terme d’archipélisation :

Nous concevons aujourd’hui Framasoft comme une île au sein d’un archipel. Tisser des ponts vers d’autres îles où d’autres que nous font d’autres choses, ne signifie pas qu’on y plante notre drapeau (ni qu’on se laisse imposer le leur).

Deux ans plus tard, il est temps d’un bilan sur ces relations et échanges que l’on fait de manière organique, en respectant l’indépendance de chacun·e.

jeu de cartes Framasoft "des contributions dans un archipel"

Manifeste

Framasoft a changé. C’était prévu, et même souhaitable. Il est plutôt sain de voir que l’on apprend, et que l’on évolue lorsque l’on va à la rencontre de publics variés, lorsque l’on explore nos relations avec celles et ceux qui font la société de contribution et lorsque l’on constate quotidiennement la toxicité du capitalisme de surveillance.

Carte "Manifeste" Au gré de nos actions, rencontres, partages… Framasoft évolue. Notre vision de la société et de la place que nous souhaitons y prendre aussi. Depuis quelques mois, nous travaillons à définir nos valeurs et intentions afin d’élaborer un manifeste clair et sincère.

Le problème quand on change, c’est que tout le monde ne s’en rend pas forcément compte. Nous travaillons donc activement à produire un « manifeste de Framasoft », pour mieux expliquer qui nous sommes, nos valeurs… mais surtout notre rapport au monde et comment nous essayons de le changer (parce que le Libre et les Communs, pour nous, c’est politique !).

illustration CC-By David Revoy (sources)

L. A. Coalition

« L.A. Coalition – Libertés Associatives » est un collectif d’associations nationales qui s’est donné pour mission de proposer des stratégies de riposte contre les répressions subies par le secteur associatif.

Carte "L. A. Coalition" L. A. Coalition est un collectif constitué d'associations militant pour le progrès et la justice sociale. Il a pour objectif de promouvoir et défendre les Libertés Associatives. Framasoft aide et conseille le collectif sur ses outils et usages numériques.

Ce collectif illustre tout à fait notre vision de l’archipel : il rassemble des noms très variés, tels que Attac, La Quadrature du Net, Tous Migrants, le Réseau Sortir du Nucléaire, la Ligue des Droits de l’Homme… (Warning : évoquer de tels noms peut attirer les trolls dans les commentaires. Merci de ne pas les nourrir.)

Ce sont des associations qui travaillent sur des sujets parfois très complexes, faisant souvent l’objet de controverses dans la presse, dont nous ne maîtrisons pas le quart de la moitié des enjeux, et avec qui nous serions bien en peine d’être totalement d’accord sur tout. Pourtant, nous partageons ensemble ce besoin de libertés et ce constat du rétrécissement de la capacité d’action de la société civile.

C’est pour cela que Framasoft est membre fondateur de ce collectif, comme nous en parlions dans notre article blog de 2019. Nous participons à différents groupes de travail, et participons à différentes actions et réflexions, comme celles portées par « L’Observatoire des libertés associatives », qui après avoir publié un premier rapport « Une citoyenneté réprimée » en 2020, et organisé un colloque « Démocraties sous pression » publiera bientôt une enquête sur la répression des associations dites « séparatistes ». À cela s’ajoute un rôle d’accompagnement des membres de L.A. Coalition dans leurs usages numériques pour que leurs outils correspondent à leurs valeurs.

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Pytition

Pytition fait partie de ces projets qui ont tourné au ralenti, pour cause d’humain·es fatigué·es, de pandémie, et de vies avec lesquelles il faut jongler avant de concevoir, créer, et donc coder.

Carte "Pytitions" Logiciel qui permet de créer une plateforme de pétition en ligne, Pytition est développé par l’association Résistance à l’Agression Publicitaire. Framasoft soutient Pytition de multiples manières, dans l’objectif de voir naître une version grand public.

Pour autant, cet outil libre pour lancer des pétitions en ligne n’est pas au point mort. Développé par des membres de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire, ce logiciel a bénéficié cette année d’un accompagnement en design que nous avons financé afin de concevoir un outil plus proche des besoins de personnes qui veulent se passer d’Avaaz ou de Change.org, ainsi que de nombreuses contributions en traductions, en code, etc.

En effet une petite communauté est en train de se créer autour du code de Pytition, qui a été régulièrement amélioré depuis fin 2019, lorsque nous annoncions que c’est cet outil qui remplacerait Framapétitions. Pytition nous prouve que la route est parfois plus longue, lorsque l’on prend soin des humains… et finalement, c’est probablement mieux ainsi !

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Contribateliers et confinateliers

Initiés par des membres de Framasoft il y a plus de deux ans, les Contribateliers ont bien grandi et ont même quitté le giron de notre association ! Alors bien entendu, une belle partie de nos membres continuent d’y participer, mais c’est tout simplement parce qu’on aime ça !

Carte "Contribateliers et confinateliers" Les contribateliers sont des ateliers où l’on vous invite à contribuer à des projets libres, même (et surtout) si vous ne savez pas coder. Notre association se mobilise pour que ces Contribateliers se développent partout en France, et même en ligne avec les Confinateliers !

En effet, ce collectif informel organise régulièrement, et dans de nombreuses communes de France, ces ateliers auto-gérés où l’on vous propose de contribuer au Libre et aux Communs, même (et surtout !) si vous ne savez pas coder.

Découverte et ressenti d’un logiciel libre, traductions et transcriptions, contributions à l’encyclopédie Wikipédia, au projet Common Voice de Mozilla, à l’univers fantastique de Khaganat ou aux cartes libres d’Open Street Map : les programmes des contribateliers sont aussi divers que les personnes qui décident de les animer. Depuis le premier confinement, il existe même une version en ligne : les Confinateliers.

Si le collectif est bien indépendant de Framasoft (ce serait triste que ces ateliers se limitent à notre association !), c’est avec fierté que nous lui fournissons hébergement, nom de domaine, et outils numériques… bref que nous contribuons aux contribateliers !

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CHATONS

Le Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (les CHATONS, quoi !) a été très actif, ces derniers mois ! Ainsi, durant le premier confinement, la Solidarité (le « S » de l’acronyme) a pris tout son sens. Un grand nombre de membres du collectif ont proposés leurs services, que nous avons pu mettre en commun lorsque la demande était gigantesque.

Carte "CHATONS" Ce Collectif rassemble des Hébergeurs Alternatifs qui, partout en France (voire au-delà), offrent des services en ligne auxquels on peut faire confiance. Framasoft anime ce collectif et accompagne sa croissance dans le but qu’il s’autonomise.

D’ailleurs, c’est ainsi qu’est né le site entraide.chatons.org qui, aujourd’hui encore, propose neuf services libres, sans création de compte et sans pistage, pour vous donner des outils numériques décentralisés sans avoir à y penser.

C’est sur le forum que l’on voit le mieux le dynamisme du collectif. D’ailleurs, si la nouvelle portée (les candidatures à rejoindre le collectif) est validée, la centaine de membres devrait être dépassée avant la fin de l’année.

C’est principalement en termes d’animation que Framasoft contribue à CHATONS : préparer les réunions audio mensuelles, organiser le Camp CHATONS de septembre 2021… Cependant, Framasoft ne reste qu’un membre parmi — bientôt — cent, et notre objectif reste l’autonomisation de ce collectif, qui devrait y travailler dans les prochains mois.

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Bénévalibre

Bénévalibre est un outil permettant aux associations de comptabiliser les heures données par leurs bénévoles, ce qui ensuite peut ouvrir droit à de la formation, etc. Nous l’exprimions dès le départ : nous sommes de plus en plus méfiant·es envers cette société qui veut tout comptabiliser, tout déclarer, tout enregistrer, même le temps donné librement.

Carte "Bénévalibre" Pour compter les heures de bénévolat dans une association loi de 1901 (et ouvrir des droits à la formation, etc.), hors de question d’utiliser un logiciel propriétaire ! Framasoft participe au collectif qui développe et améliore le logiciel libre Bénévalibre.

C’est justement pour cela qu’il fallait un logiciel libre : on ne va pas confier de telles collectes de données aux logiciels propriétaires de la Startup Nation, non plus ! C’est en tous cas ce qui nous a incités à rejoindre le comité de pilotage du projet aux côtés des ami·es de l’April (et leur groupe Libre Association), avec la Société Coopérative d’Intérêt Collectif CLISS XXI et le Crajep Bourgogne Franche Comté.

Depuis, Bénévalibre a bien grandi : le projet a été présenté dans de nombreux contextes, plus de 1 000 associations se sont créé un compte sur https://app.benevalibre.org/association, et nous avons co-financé (avec le Fond de Développement de la Vie Associative) de nouveaux développements que CLISS XXI est en train de mettre en œuvre.

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Annuaire médiation numérique

En 2019, nous avons demandé à La Dérivation de recenser les personnes, structures et organisations réalisant des accompagnements au numérique libre. Ainsi, nous avons pu publier leurs coordonnées dans un annuaire pour celles qui le désirent.

Carte " Annuaire médiation numérique" En 2020, Framasoft a publié un annuaire de l'accompagnement au numérique libre. Cet « instantané » recense de nombreux profils, depuis les bénévoles d'associations d'insertion au numérique jusqu'aux professionnel·les de la formation aux logiciels libre.

Cet annuaire a mis près d’un an à être réalisé. Alors en effet, c’était un travail nouveau de trouver comment rassembler, organiser et présenter ces informations. Mais il faut surtout dire que la pandémie est passée par là, qu’il était difficile pour chacun·e de tout faire, et que ce n’était pas pertinent de publier un annuaire d’accompagnateur·ices au moment où la France était confinée, ou sous couvre-feu.

Ce genre d’annuaire est forcément incomplet et obsolète à peine publié : les informations changent, les personnes évoluent, d’autres n’ont pas vu passer l’appel à s’y inscrire, etc. Dans l’idéal, c’est le genre de projet qu’il faudrait tenir à jour et étoffer chaque année. À Framasoft, nous n’avons pas les énergies d’assurer le maintien de ce projet.

Cependant, nous espérons que d’autres s’inspireront de ce travail, n’hésiteront pas à contacter la Dérivation et sauront prendre le relais. Car nous constatons régulièrement combien cet annuaire est utile : les demandes d’accompagnement au numérique libre sont toujours aussi nombreuses, et cet outil a été très téléchargé et partagé… or il est libre : n’hésitez donc pas à vous en emparer !

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Soutiens divers

Parmi les bulles de filtres numériques et sociales où Framasoft évolue, notre association a la privilège d’avoir acquis une petite réputation et une certaine visibilité (mais restons modestes, tout est relatif, hein !). C’est donc tout naturellement que nous essayons de soutenir et de contribuer à des initiatives que nous croisons dans notre archipel : pour nous, les ressources ne se cumulent pas, elles se partagent.

Carte "Soutiens divers" Framasoft met régulièrement son expertise et ses moyens à disposition d’autres initiatives et collectifs. On peut citer, par exemple, Exodus Privacy, Faire École Ensemble, InterHOP, Datagueule, Contribulle, Thunderbird, Entrée Libre, la Bataille du Libre…

Ainsi, nous partageons du temps et de l’expérience avec les ami·es d’Exodus Privacy ou Réseau Infoclimat. Nous relayons et soutenons des collectifs comme Faire École Ensemble ou InterHOP. Nous offrons de hébergement et parfois de l’administration d’outils numériques aux journalistes de DataGueule comme au collectif de Contribulle, l’outil pour trouver où contribuer.

Il nous arrive aussi de faire des dons, comme par exemple à l’équipe de développement de Thunderbird ou à l’événement Entrée Libre. Enfin, nous essayons aussi de mettre en valeur des initiatives culturelles qui libèrent les esprits, par exemple en animant des ciné-débats autour du documentaire La Bataille du Libre, ou autour de certains livres publiés chez C&F éditions qui touchent à des sujets dont nous sommes proches.

Cette petite liste ne pourra jamais être complète, car elle ne cesse d’évoluer, parce que les relations évoluent. Cependant, nous allons essayer de présenter la diversité de nos partenariats sur cette page, en cours de construction, même si elle ne peut être qu’un instantané dont le cadre est trop serré ;).

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Découvrez tout ce qu’est Frama !

Voilà qui conclut le focus de cette semaine. Vous pourrez retrouver tous les articles de cette série en cliquant sur ce lien.

Sur la page Soutenir Framasoft, vous pourrez découvrir un magnifique jeu de cartes représentant tout ce que Framasoft a fait ces derniers mois. Vous pourrez ainsi donner des couleurs à l’ensemble des activités que vous financez lorsque vous nous faites un don. Nous espérons que ces beaux visuels (merci à David Revoy !) vous donneront envie de partager la page Soutenir Framasoft tout autour de vous !

En effet, le budget de Framasoft est financé quasi-intégralement par vos dons (pour rappel, un don à Framasoft de 100 € ne vous coûtera que 34 € après défiscalisation). Comme chaque année, si ce que nous faisons vous plaît et si vous le pouvez, merci de soutenir Framasoft.

Frama, c'est pas que Framadate ! Ce sont des contributions régulières au sein d'un archipel de partenaires aussi divers que mobilisés. Nos actions sont financées par vos dons, alors découvrez l'ensemble du travail de Framasoft sur Soutenir Framasoft.
Cliquez pour découvrir toutes les cartes et soutenir Framasoft

Pour aller plus loin




Frama, c’est aussi des outils pour s’émanciper

Des guides, des cartes à jouer, de la documentation et même un MOOC… La médiation au numérique éthique peut passer par de nombreux outils ! Nous réalisons certains d’entre eux et y contribuons, en espérant qu’ils vous servent.

« Frama, c’est pas que… »

Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

Nous avons eu la chance, à Framasoft, de pouvoir prendre le temps d’apprendre les mécanismes du Web, de documenter le système du capitalisme de surveillance dont les GAFAM sont un des symptômes, et d’expérimenter d’autres manières d’utiliser le numérique dans nos vies.

Partager cette compréhension, ce savoir et cette expérience est important car cela peut aider d’autres personnes à s’émanciper dans leurs usages numériques. Pourtant, transmettre tout cela est une chose complexe. Tout le monde n’a pas les mêmes attentes, les mêmes appétits, les mêmes façons de recevoir ce que nous avons à partager. Voilà pourquoi nous contribuons à et réalisons divers outils de médiation, qui correspondent à divers publics.

jeu de cartes Framasoft "des outils pour s'émanciper"

MOOC CHATONS

C’est quand même bien dommage de sortir un MOOC un mois avant le premier confinement d’une pandémie qui allait nous submerger ! Pourtant ce cours en ligne massivement ouvert se parcourt en autonomie, sans accompagnement de notre part. Il a déjà séduit 1 050 apprenant⋅es.

Carte "MOOC CHATONS" Ce cours en ligne et en autonomie est ouvert à qui veut cheminer vers une émancipation numérique mutualisée. Le 1er module « Internet, pourquoi et comment reprendre le contrôle » compile notre savoir sur l’internet, l’hégémonie toxique des GAFAM et des pistes pour en sortir.

Il faut dire que le premier parcours de ce MOOC, « Internet : pourquoi et comment reprendre le contrôle ? », est un condensé de ce que nous avons appris ces dernières années. Riche de nombreuses vidéos, ressources et références, il peut s’adresser à toute personne, sans connaissance technique particulière.

Ce MOOC permet vraiment de comprendre le fonctionnement d’Internet et du Web, d’appréhender la montée en puissance des GAFAM, géants du web, jusqu’à l’avènement du capitalisme de surveillance, pour mieux cerner enfin en quoi le libre, la décentralisation et les communs sont des pistes fiables pour reprendre le contrôle du numérique dans nos vies.

illustration CC-By David Revoy (sources)

[RÉSOLU]

Comment accompagner les organisations de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) qui souhaitent être fidèles à leurs valeurs dans leurs pratiques numériques ? Notre réponse passe forcément par le Libre, la décentralisation et donc l’adoption sereine et réfléchie d’outils pensés avec une forte éthique.

Carte "[RÉSOLU]" [RÉSOLU] est un guide composé de fiches pratiques pour aider les structures de l’économie sociale et solidaire à adopter des solutions numériques libres et éthiques. Co-construit avec le mouvement des CÉMÉA, ce guide peut être modifié, amélioré et distribué librement.

Co-conçu avec le Chaton Picasoft et la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA, [RÉSOLU] présente des [R]éseaux [É]thiques et [S]olutions [O]uvertes pour [L]ibérer vos [U]sages dans un guide à l’intention des acteurs et actrices de l’ESS. Il se compose d’un ensemble de fiches théoriques et pratiques, classées selon trois types d’actions collectives : collaborer, communiquer et organiser.

L’avantage de ce guide (déjà traduit en italien !), c’est que ses contenus eux aussi sont libres. Imaginez, il a servi à votre association, votre coopérative, mais il vous manquait une information, un outil essentiel que vous avez trouvé par ailleurs : vous pouvez ajouter cette trouvaille à ce guide et la partager avec les prochaines personnes qui le consulteront. Que vous utilisez le site web, le document pdf ou la version papier, vous aussi, soyez [RÉSOLU] !

illustration CC-By David Revoy (sources)

Métacartes « Numérique Éthique »

Nous vous en parlions il y a plus d’un an dans les Carnets de Contributopia… et après plus d’un an de travail (avec des parenthèses dues à une certaine pandémie, bien entendu), ça y est, les Métacartes Numérique Éthique sont enfin disponibles.

Carte "Métacartes" Les métacartes sont des jeux de cartes (physiques) où chaque carte est augmentée par des ressources (numériques). Framasoft a contribué à la production du jeu « Numérique Éthique » qui facilite la médiation vers des pratiques numériques plus saines et sereines.

Le concept des Métacartes, c’est d’augmenter la réalité d’un jeu de cartes papier (avec titre, illustration, symboles, texte court). Car chaque carte dispose aussi d’un QR code et d’un lien qui mène vers une page web où on détaille ce qu’illustre la carte. Voilà un outil concret, agréable, convivial pour partager savoirs, questionnements, expériences !

Mélanie et Lilian ont réalisé un jeu nommé « Numérique Éthique », qui aidera grandement les médiateurs, formatrices et bénévoles du monde du Libre. Ce jeu est composé de trois familles de cartes :

  • Les #critères permettent de questionner les attentes en éthique et le niveau de confiance que l’on a dans un outil numérique.
  • Les #usages permettent de découvrir les possibles que le numérique nous offre en termes de collaboration, d’échanges et d’émancipation.
  • Et les cartes MÉTHODES vous permettront de faire le point sur vos usages, découvrir des alternatives et passer à l’action.

Vous pouvez désormais vous procurer ce jeu directement sur le site des Métacartes.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Documentations

C’est un trait d’humour amer assez révélateur, prononcé par les personnes qui, chez nous, conçoivent et rédigent la documentation :

#LesGens ne lisent pas la doc.

Carte "Documentation" De la documentation générale des services que nous hébergeons aux documentations spécifiques des logiciels que nous développons (PeerTube, Mobilizon, Yakforms)… Chaque année, Framasoft rédige, maintient et met à jour de nombreuses lignes… de texte !

Pourtant, si vous saviez les ressources que l’on met à votre disposition ! Chez Framasoft, nous maintenons :

  • Une Foire aux Questions sur tout ce que nous proposons et nous sommes, conçue à partir des questions que vous nous posez le plus souvent ;
  • La documentation générale de nos services, avec des guides pratiques, des exemples simples à comprendre, et des captures d’écrans à foison pour vous aider à mieux utiliser les Frama-services ;
  • La documentation de PeerTube, très riche en ce qui concerne l’administration d’une instance, mais dans laquelle on veut encore améliorer la partie utilisation ;
  • La documentation de Mobilizon, pour mieux comprendre comment installer, administrer ou utiliser cette alternative aux événements, pages et groupes Facebook ;
  • La documentation de Yakforms, le logiciel qui propulse le service de formulaires libres Framaforms, parce que nous espérons que la communauté va s’emparer du code et que des organisations vont l’installer sur leurs serveurs.

Loin de nous l’idée de rejeter les demandes d’aide et de support d’un méprisant « RTFM » (« Read The Fucking Manual », une expression bien peu glorieuse, quand on sait qu’elle se traduit par « lis le foutu mode d’emploi ! »). Cependant, nous avons l’impression de travailler à rédiger et tenir à jour un véritable trésor de connaissances, d’astuces… À vous de voir comment ce trésor peut vous enrichir.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Découvrez tout ce qu’est Frama !

Voilà qui conclut le focus de cette semaine. Vous pourrez retrouver tous les articles de cette série en cliquant sur ce lien.

Sur la page Soutenir Framasoft, vous pourrez découvrir un magnifique jeu de cartes représentant tout ce que Framasoft a fait ces derniers mois. Vous pourrez ainsi donner des couleurs à l’ensemble des activités que vous financez lorsque vous nous faites un don. Nous espérons que ces beaux visuels (merci à David Revoy !) vous donneront envie de partager la page Soutenir Framasoft tout autour de vous !

En effet, le budget de Framasoft est financé quasi-intégralement par vos dons (pour rappel, un don à Framasoft de 100 € ne vous coûtera que 34 € après défiscalisation). Comme chaque année, si ce que nous faisons vous plaît et si vous le pouvez, merci de soutenir Framasoft.

Frama, c'est pas que Framagenda ! C'est aussi des outils de médiation qui facilitent l'adoption de pratiques numériques saines et sereines. Nos actions sont financées par vos dons, alors découvrez l'ensemble du travail de Framasoft sur Soutenir Framasoft
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Pour aller plus loin




Les 20 ans du domaine « Framasoft.net »

Il est forcément complexe d’évaluer la date anniversaire d’un projet aussi divers que Framasoft. Doit-on retenir la date où le projet a été pensé ? Celle d’une première réunion ? Celle de la première communication publique ?

Comme il nous semblait difficile de choisir, nous avons décidé de ne pas nous limiter, et de fêter plusieurs événements, comme autant d’occasions de célébrer les expériences et les événements qui ont jalonné l’histoire de l’association.

Aujourd’hui, nous fêtons un de ces événements marquants : le dépôt du nom de domaine « Framasoft.net » chez nos partenaires et amis de toujours, Gandi. C’était le 9 novembre 2001. Il y a tout juste 20 ans.

Ce « .net » a précédé l’usage du « .org » déposé – toujours chez Gandi – deux ans plus tard.

Cet épisode de notre histoire est l’occasion de donner la parole à différentes personnes, témoins des évolutions d’un projet toujours très actif.

WHOIS du domaine Framasoft.net, réservé chez Gandi le 09 novembre 2001.
WHOIS du domaine Framasoft.net, réservé chez Gandi le 09 novembre 2001.

C’est l’histoire d’un nom de domaine

Alexis Kauffmann est la personne à l’origine de Framasoft (en 2001), et l’un des cofondateurs de l’association (fin 2003, début 2004) avec Paul Lunetta et Georges Silva. Après avoir été président de l’association de 2004 à 2011, il fut salarié de Framasoft de septembre 2012 à septembre 2014.

Alexis a arrêté de contribuer à Framasoft en 2014, avant le lancement de la campagne « Dégooglisons Internet ». Mais cela ne l’a pas empêché de poursuivre ses actions en faveur de la promotion du logiciel libre et des communs.

Cet article est donc l’occasion de lui donner la parole.

Bonjour Alexis ! Ta dernière participation à Framasoft, et au Framablog, remonte à il y a maintenant plus de 7 ans. Nous imaginons que cela doit te procurer une certaine émotion, et sans doute même plusieurs. Souhaites-tu les partager ?

Alexis : La peinture a été refaite mais il me semble quand même reconnaitre les lieux.

Framasoft c’est une partie de ma vie et j’en aurai passé du temps dessus avec vous (sûrement trop d’ailleurs). Aujourd’hui est une date anniversaire symbolique qui me fait regarder subrepticement dans le rétroviseur mais ce que je souhaite surtout partager c’est mon admiration et ma reconnaissance pour ce qu’est devenu Framasoft depuis que j’ai passé la main. Le chemin tracé par le collectif des CHATONS en est un exemple emblématique, source de liens et signe d’espoir ce dont on a fortement besoin actuellement. Et plus généralement, il y a cette évolution qui fait sens : un autre ordi est possible, un autre internet est possible, un autre monde est possible.

Et dire que j’ai été à l’origine de tout ça. J’en éprouve une certaine ivresse rien que d’y penser 😉

Capture écran de la page d'accueil de Framasoft.net en 2001, telle que présentée sur <a href="http://web.archive.org/web/20011116105007/http://www.framasoft.net/" target="_blank" rel="noopener">archive.org</a>
Capture écran de la page d’accueil de Framasoft.net en novembre 2001, telle que présentée sur archive.org

 

Revenons au dépôt du nom de domaine framasoft.net. Te souviens-tu de l’état d’esprit dans lequel tu étais à ce moment là ? Tu as cliqué sur le bouton « Réserver » sans trop y penser entre deux cafés serrés, ou étais-tu conscient d’être en train d’impulser une aventure qui durerait plusieurs décennies ?

Alexis : C’est surtout qu’il s’en est fallu de peu que Framasoft n’existât pas.

Jeune prof de maths, je travaillais en étroite collaboration avec ma collègue de français Caroline d’Atabekian dans un collège de Seine-Saint-Denis. C’était notre premier poste à tous les deux et ça n’était pas forcément l’endroit le plus facile pour débuter. Il y avait une salle informatique flambant neuve au fond du couloir. Alors nous sommes partis en exploration numérique pédagogique…
Et à chaque fois qu’un logiciel nous semblait utile, je le notais pour ne pas l’oublier sur une discrète page web du site de notre établissement scolaire consacré à notre projet interdisciplinaire « Framanet » (pour FRAnçais et MAthématiques en IntraNET). Et puisqu’il fallait bien lui donner un titre, je l’ai appelée « Framasoft ». Voilà, c’est tout, ça a débuté comme ça comme dirait l’autre.
La page devenant de plus en plus longue, Caroline a commencé à me suggérer, en y revenant à intervalle régulier, que ça méritait peut-être d’en faire un site dédié et que cette distinction libre/pas libre était assez convaincante, a fortiori dans le secteur éducatif.
Un site à part entière ? J’étais dubitatif et en plein syndrome de l’imposteur à vouloir parler du libre sans jamais avoir écrit une seule ligne de code, et à en parler depuis Windows et non GNU/Linux qui plus est !

L’histoire retiendra que plusieurs mois plus tard j’ai fini par céder, le 9 novembre 2001 nous dit le whois de Gandi. Avec le recul, l’initiative n’a pas été si mal accueillie et l’intuition de départ était plutôt bonne : le logiciel libre est plus important que la communauté de celles et ceux qui le créent.

Dans ces années Framasoft de 2001 à 2014, quels ont été les événements les plus marquants dont tu souhaiterais partager le souvenir ?

Alexis : Je suis d’accord avec toi sur la difficulté à dater précisément les débuts de Framasoft.
En amont de la naissance de framasoft.net, il y a eu la lecture, décisive pour moi, de cet article de Jean-Claude Guédon adressé à sa ministre de l’éducation québécoise. Et en aval, je crois que la création du forum a aussi été fondamentale, puisque c’est là que le projet a commencé à prendre son envol collectif. Un total de 268 687 messages mine de rien, à l’époque on s’ennuyait ferme sans les réseaux sociaux. Il y en avait de l’énergie, portée par ces valeurs du libre qui nous réunissaient. De ces nombreux échanges ont émergé de beaux projets collaboratifs mais surtout de belles rencontres. C’est avant tout cela que je retiens.

Parmi ces messages, il y eut un dialogue live en 2006 entre deux députés et les membres du forum autour de la loi DADVSI. On nous avait laissé jouer relativement tranquilles avec notre Internet jusque-là mais le politique avait décidé qu’il était temps de siffler la fin de la récréation, sans forcément tout bien comprendre puisqu’on envisageait par exemple la coupure d’accès au réseau si l’on avait le malheur de confondre partage et piratage. Je me souviens qu’on leur disait que l’offre était rare, dispersée et que s’acquitter d’une sorte de licence globale pour accéder à la culture pouvait être une bonne idée. Aujourd’hui on écoute sa musique sur Spotify et on regarde ses films sur Netflix…

Capture écran de la page d’accueil de Framasoft.net en novembre 2009, telle que présentée sur archive.org

 

Nous ne sommes pas sans savoir que tu as mis entre parenthèses ta carrière de professeur de mathématiques pour occuper un nouveau poste. Souhaites-tu nous en dire plus sur tes missions et tes ambitions quant à celui-ci ?

Alexis : On a organisé l’année dernière des États généraux du numérique pour l’éducation à l’issue desquels de nombreuses personnes ont émis le souhait de donner une plus large place au libre et aux communs. Non pas le libre pour le libre mais pour ce qu’il est susceptible d’apporter à l’éducation en général et aux élèves en particulier.

On a pensé que je pouvais y participer. Et me voici au ministère depuis la rentrée en tant que chef de projet logiciels et ressources éducatives libres et mixité dans les filières du numérique. Ce poste est déjà une belle avancée en soi mais on va essayer de ne pas s’en contenter 😉

Merci Alexis !

C’est l’histoire d’une évolution du numérique

Donnons maintenant la parole à Pouhiou et Pierre-Yves, codirecteurs de Framasoft.

Pierre-Yves Gosset (« pyg »), membre de l’association depuis 2005, en fut le délégué général puis directeur pendant 12 ans (2008 à 2020). Pouhiou, lui, est membre de Framasoft depuis 2011, puis fut embauché en tant que responsable de la communication de 2015 à 2020. Ils forment aujourd’hui un tandem de choc à la codirection de l’association.

Capture écran de la page d'accueil de la campagne « Dégooglisons Internet », en 2015, telle que présentée sur <a href="https://web.archive.org/web/20160314061810/http://degooglisons-internet.org/" target="_blank" rel="noopener">archive.org</a>
Capture écran de la page d’accueil de la campagne « Dégooglisons Internet » en 2015, telle que présentée sur archive.org

 

Pouvez-vous nous parler de la campagne « Dégooglisons Internet » et de son impact pour l’association ?

Pierre-Yves : Cette campagne initiée en 2014 a clairement été le virage le plus marquant pris par l’association.

D’abord parce qu’elle a été un succès vis-à-vis de ses objectifs : elle a participé activement à la sensibilisation de la toxicité des GAFAM (via nos conférences, nos interviews, nos analyses, etc) ; elle a démontré que le logiciel libre était une alternative réelle, concrète, disponible aux services des géants du web, et elle nous a permis d’amorcer la constitution du collectif CHATONS.

Ensuite parce qu’elle a accompagné un certain virage politique : nous restons convaincus qu’il ne peut y avoir de société libre sans logiciel libre. Mais la question de la licence logicielle n’a que peu de sens dans un monde où les enjeux sociaux, politiques, économiques, techniques du numérique restent incompris. Ce fut l’occasion pour nous d’affirmer notre volonté d’accompagner, par l’éducation populaire, les acteurs et actrices du changement vers une plus grande autonomie sur ces questions.

Enfin, la visibilité de cette campagne nous a permis (grâce à vos dons !) de construire une équipe salariée solide et efficace, capable d’accueillir plusieurs millions de visiteur⋅euses par an.

La campagne « Contributopia » a pris le relai de « Dégooglisons Internet » à partir de fin 2017. Pourquoi n’avoir pas « tout simplement » poursuivi l’expérience « Dégooglisons » ? Formulé autrement : qu’attendiez-vous de « Contributopia » ?

Pouhiou : Le succès (relatif, hein) de « Dégooglisons Internet » a été aussi intense et riche d’enseignements sur nos limites, nos impensés, nos imprécisions. Dit moins poliment, ça nous a mis le nez dans notre caca !

D’une part, il était urgent de ralentir. En trois ans, nous avons ouvert trente services. Je me souviens de pyg raillant son embonpoint « Ben oui : 30 services, 30 kilos ! ». La vanne est drôle, mais pour les avoir pris aussi, ces kilos de stress et d’excitation, c’est quand même hyper violent que cela marque ainsi des corps ! Il nous fallait se sortir de cette vision guerrière, de (re-)conquête, de se battre sur le terrain de Google & co.

C’est une des leçons importantes qu’on a appliquées à Contributopia. Non seulement on ne peut pas s’adresser à tout le monde, mais on ne le veut même pas ! Ouvrir des services pour « les gens », ça ne marche pas, parce que #LesGens n’existe pas.

À force d’expliquer la toxicité des géants du web de mille manières différentes, nous avons réalisé que le problème ce n’est pas le logiciel propriétaire, ni la propriété intellectuelle, ni les GAFAM, ni l’Ubérisation. Le problème est systémique, et le système qui engendre ces acteurs et que ces entreprises perpétuent dans nos sociétés s’appelle le Capitalisme de Surveillance.

Car ces entreprises ont un idéal : celui d’un monde où tous les comportements sont captés, et où les consommations sont prédictibles, influençables et pléthoriques. Face à cela, quel est notre monde idéal à nous, qui le partage, et comment on se rencontre pour bidouiller tout ça ?

C’est pour cela que nous avons eu l’envie d’explorer nos utopies. Avec une conviction, une leçon que nous avons tirée des rencontres autour de Dégooglisons, c’est que d’autres partagent nos valeurs, et que ces personnes font partie des milieux associatifs, éducatifs, militants… Bref, des personnes de la « société de contribution » qui partagent les valeurs du Libre mais dans des domaines parfois pas du tout liés au numérique.

Aller à la rencontre de personnes hors de notre sphère libriste, c’est un exercice d’humilité. On n’y va pas pour enseigner, en imposant son savoir de manière verticale. Mais plus pour partager, échanger, et accepter de se voir changer en retour.

De même, nous avons essayé de travailler le logiciel libre autrement. Par exemple en sortant des sentiers battus par Google, et en concevant un PeerTube qui permet de diffuser de la vidéo sans capter les attentions, sans les monétiser, sans chercher à imposer du contenu à coups d’algorithmes.

Nous avons aussi travaillé avec des designers et graphistes dès la conception de Mobilizon. Cela nous a permis de façonner cette alternative aux événements, pages et groupes Facebook directement selon les besoins des groupes militants qui n’avaient pas d’autres endroits pour organiser leurs marches pour le climat ou permanences associatives.

Bref, Contributopia, c’était notre manière à nous de dire que si on se lance dans un Dégooglisons², le retour de la vengeance à la puissance du carré, on va droit dans le mur de la startup nation. Alors, même si on ne sait pas exactement où on va, allons explorer des utopies qui nous permettent de voir comment on peut concrétiser nos valeurs dans des outils numériques.

Quels bilans tirez-vous de cette période ?

Pyghiou : Nous avons beaucoup appris. Sur nous-mêmes, en tant que personnes et en tant que collectif associatif. Mais aussi sur le monde qui nous entoure et les règles qui le régissent, et dont beaucoup ne nous conviennent pas ou plus.

Nous avons aussi pu explorer ce qui constitue aujourd’hui un certain nombre de caractéristiques de Framasoft : la transparence, le désir de « prendre soin des humain⋅es», la dimension d’expérimentation et de prototypage de nos actions, l’acceptation des échecs qui en découlent, un certain « refus de parvenir », la volonté d’archipéliser nos relations et de travailler notre propre compostabilité.

Les routes furent multiples, certaines furent longues, mais nous avons su rester libres.

Merci à vous deux !

Page d’accueil de la campagne « Contributopia », en 2017.

C’est une histoire qu’il nous reste encore à écrire

Pour envisager l’exercice (difficile) de la projection à 10 ans, nous avons sollicité l’avis des membres de l’association. Hommes ou femmes, jeunes ou moins jeunes, ces personnes partagent un intérêt pour le collectif, les communs, les expérimentations sociales et techniques, le « faire » et le « prendre soin ». Leurs espoirs et leurs convictions militantes portent chaque projet, chaque acte posé par Framasoft.

Bonjour, membres de Framasoft ! L’exercice de l’auto-interview en mode « boule de cristal » n’est pas simple, mais pour celles et ceux qui souhaiteraient s’exprimer sur le sujet : comment imaginez-vous l’avenir de Framasoft pour les 10 prochaines années ?

  • kinou : le nouveau projet est la framamaison où des amis viennent pour parler, manger et se retrouver. Une île loin de la fureur extérieure, mais pas déconnectée. Juste un endroit où reprendre des forces pour essayer de construire ensemble.
  • Marien : Framasoft n’est plus, vive Framasoft ! L’association s’est mise d’accord : nous venons de voter sa dissolution. Rassurez-vous, tout va bien : le vote a été unanime — une fois de plus ! Elle sera bientôt remplacée par une myriade d’autres structures, avec des idées et des projets toujours plus utopiques et farfelus. Tout ce petit monde bénéficiera des connaissances et des ressources que Framasoft aura pris le soin de rédiger et de partager au fil des années : la nouvelle mode est de faire du Frama dans son garage ! C’est quoi « faire du Frama » ? Tout simplement penser un monde plus social, plus solidaire et émancipateur, tout en agissant concrètement pour le voir advenir… sans trop se prendre au sérieux, évidemment. Finalement, ce qu’il reste de Framasoft, c’est un groupe de potes ; et c’est franchement pas mal, non ?
  • Goofy : Novembre 2031. Framas0ft est depuis 5 ans dans la clandestinité et diffuse des samizdats électroniques sur le libRezo pour maintenir la flamme de la rébellion techno-luddiste. Dans son dernier communiqué passé en boucle 3D sur les PolComm du Triumvirat grâce à un hack illégal, Framas0ft annonce avoir repris le contrôle de la ZEL (Zone Électronique Libre) de Lyon4, rendue silencieuse pendant plusieurs mois après la « neutralisation » policière de sa co-direction. Grâce à l’alliance avec l’Anarchipel se construit, je cite, « une zone étendue de libération qui ambitionne de faire échec à la tyrannie numérocratique »
  • stph : Framasoft a initié le réseau d’universités populaires UPLOAD. Ce sont des lieux bricolés un peu partout. Des granges, des garages, des sous-sols, quelques bâtiments prêtés par des communes ou des boîtes privées. On y apporte et y trouve un peu de tout, mais globalement ça tourne autour de savoir-faire simples et accessibles qui permettent de comprendre comment les machines, les humains et les réseaux qu’ils forment fonctionnent. Un peu de philo, un peu de tech, et du jardinage et du bricolage. C’est pas grand-chose, mais tout de même, c’est quelques milliers de personnes par an qui partagent une autre vision de ce qu’on peut faire quand on est grand.
  • Cyrille :
    • Vision négative : Framasoft, comme toutes les structures d’éducation populaire, est devenue hors-la-loi depuis l’élection du nouveau président qui veut contrôler strictement l’éducation. MJC et autres structures associatives ont été dissoutes. Tous les membres de Frama ont été fichés. Pouhiou tricote des pulls pour Pyg qui est emprisonné. Nos techs essaient de hacker le système de sécurité pour le faire sortir de là. L’asso continue la lutte illégalement.
    • Vision positive : Le combat est gagné. Avec les différents chatons et autres structures d’éducation populaire, nous avons réussi à essaimer suffisamment. La très grande majorité des associations ont repris le contrôle de leurs données et les GAFAM n’ont plus le droit de leur proposer leurs produits. Framasoft n’a plus de raison d’être et les membres votent avec joie la fin de cette belle aventure.

Merci à toustes pour votre participation et ce récit à plusieurs voix !

On se donne rendez-vous dans 10 ans (Place des AMAP numériques ?) pour fêter une nouvelle décennie ? À moins que nous n’ayons tellement bien travaillé notre « compostabilité » que finalement, notre présence ne soit devenue superflue ? 😉

Quoi qu’il en soit, merci aussi à toustes les anonymes, celles et ceux qui ont contribué, par leurs codes, leurs écrits, leurs encouragements, leurs dons (on vous a dit que Framasoft ne vivait que grâce à vos dons ? Ça tombe bien, on est en campagne !). C’est grâce à vous que nous pouvons continuer, ensemble, à écrire de nouvelles pages, et de nouveaux chapitres !




Quand le militantisme déconne : injonctions, pureté militante, attaques… (6/8)

La question compliquée et parfois houleuse du militantisme nous intéresse depuis longtemps à Framasoft, aussi avons-nous demandé à Viciss de Hacking Social, de s’atteler à la tâche.

Voici déjà le sixième épisode [si vous avez raté les épisodes précédents] de son intéressante contribution, dans laquelle elle examine des causes classiques ou plus inattendues du militantisme déconnant.

Nous publions un nouveau chapitre de son travail chaque vendredi à 13:37 sur le Framablog, mais si vous préférez, vous pouvez télécharger dès maintenant l’essai intégral de Viciss qui comprend une bibliographie revue et augmentée :

Quand le militantisme déconne, format .pdf (5,6 Mo)

Toutes les sources sont sous licence Creative Commons CC-BY-SA et disponibles sur ce dépôt.

D’autres causes du militantisme déconnant

Le surmenage

Quand on est surmené, on essaye de régler les problèmes au plus vite pour en traiter d’autres plus urgents, donc il est totalement logique qu’on en vienne à être plus sec dans notre ton, qu’on ait plus tendance à l’injonction pour obtenir de l’autre un comportement immédiat afin qu’il cesse de nous solliciter. Le problème ce n’est ni nous, ni l’autre qui sollicite ou fait un truc pour lequel on va l’injonctiver en réaction, mais bien la situation de surmenage. Or, c’est extrêmement courant en militance, parce que les mouvements n’ont pas souvent les moyens de gérer tout ce qu’il y a à gérer, parce que la militance mène à affronter des situations particulièrement surmenantes, stressantes, parfois oppressantes et violentes. Et même lorsque la situation surmenante est loin derrière, il y a toujours cette menace qu’elle revienne sous peu, d’autant qu’elle laisse souvent des traces. En conséquence, notre cerveau maintient ce mode « sous tension » par prévention, parce que cela s’est avéré une manière efficace de gérer le moment tendu.

Autrement dit, dans ce cas de figure ce n’est ni la faute du militant, ni de l’allié qui faute ou qui aurait un comportement qui va générer une critique, mais bien un problème situationnel qui demande des solutions organisationnelles. La situation d’urgence, de surmenage peut être inévitable, en ce cas, l’idéal est d’avoir un mode de fonctionnement préétabli pour ces situations particulières, et d’autres modes de fonctionnement pour les autres situations. Ce n’est pas forcément incohérent d’avoir un mode plus « hiérarchique » dans une situation de forte confrontation avec l’adversaire, avec des règles plus serrées, parce que la violence ou les risques peuvent obliger à cela, et parfois le rôle donné à chacun dans un groupe peut avoir des effets protecteurs ; parmi les hackers, j’ai pu voir à l’œuvre à la fois un mode quasi-militaire lors d’opérations risquées impliquant beaucoup de monde, avec des instructions très strictes qui ne laissaient pas de place à de l’initiative personnelle, parce que c’était à la fois le moyen de mener à bien l’opération et de protéger tout le monde de risques très concrets. Mais dès que l’opération était terminée, l’autogestion sans chef, do-ocrate (le pouvoir à celui qui fait/initie un projet), anti-autoritaire, reprenait le dessus pour fomenter de nouvelles opérations. Il s’agit de pouvoir switcher, être flexible dans l’organisation et dans les modes d’agir afin de coller aux besoins particuliers de la situation, et ne pas rester en mode « menaces » lorsque celles-ci ne sont pas présentes.

Quoi qu’il en soit, le surmenage et les dérives que cela entraîne ne peuvent être résolus que par des modes d’organisation qui sont pensés en fonction des situations. Cela n’est pas un problème qui peut être résolu en se focalisant sur un individu « fautif ».

Le manque d’information

Pour reprendre l’exemple de « vous connaissez PeerTube ? » qu’on a eu des centaines de fois, c’était saoulant non pas parce que les gens l’étaient, mais parce qu’il leur manquait l’information que nous étions déjà partisans de PeerTube, que nous avions déjà nos vidéos sur des instances, que des dizaines d’individus avant eux n’arrêtaient pas de nous le dire, et qu’ils ne devinaient pas eux-mêmes qu’il leur manquait ces informations. Et si nous l’avions répété sans cesse, nous aurions été nous-mêmes saoulants, c’est pourquoi nous ne l’avons pas fait. J’ai vu aussi le même genre de problème chez des individus participant à des formes de cancel culture1 – malgré eux : ils se permettaient une certaine agressivité se pensant seuls dans les commentaires à avoir ce ton et ne se rendant pas compte qu’ils contribuaient à rejoindre une meute qui attaquait déjà de toutes parts sur le même ton.

Avant de conseiller, ordonner, critiquer, s’énerver contre quelqu’un ou un groupe, on pourrait tenter de s’informer au préalable des positions de la personne qu’on cible, en regardant ce qu’elle a pu déjà répondre par le passé à ce sujet, si elle a parlé de ses positions quelque part, si elle n’a pas déjà fait ce qu’on voudrait qu’elle fasse, etc. Parfois, cela suffira à combler le manque d’informations et il n’y aura pas besoin d’interpeller la personne (par exemple, on pourra voir qu’elle connaît déjà PeerTube ou qu’elle a déjà exprimé son choix pour/contre en public).

Il s’agirait avant toute interaction de partir du principe qu’on ne sait pas d’emblée les positions des personnes, leur savoir ou leur ignorance d’un sujet, mais d’enquêter avant.

Cela peut fonctionner en situation où l’on initie l’interaction avec un autre sur le Net, comme dans une situation où l’on est attaqué par un autre. Même si on repère que l’autre veut par exemple nous humilier ou nous écraser, on peut partir du principe que ce n’est peut-être pas ça, et tout simplement poser des questions pour bien comprendre sa position2. Par exemple « Vous me dites que d’avoir mis le mot « bonheur » dans ce titre est odieux et insupportable, quel est l’élément associé à bonheur qui vous parait odieux ? » et on cherche à comprendre ce qui a éveillé le sentiment négatif chez l’autre, on enquête sans jugement ni défensivité. Cela peut lever pas mal de malentendus et pacifier l’échange.

Sur Internet, le manque d’informations c’est aussi l’absence de langage non verbal (absence du ton de la voix, des mimiques de visage, des gestes du corps, etc.). Ainsi, on a tous un déficit d’informations parfois énorme sur l’état émotionnel dans lequel a été posté un message et dans quelle visée. Et encore une fois, on oublie totalement qu’il nous manque quantité d’informations pour interpréter ce message parce qu’IRL, lorsqu’on est neurotypique, on a l’habitude d’avoir toutes ces informations automatiquement sans qu’on en ait conscience. Sur la toile, on va alors avoir le même réflexe et interpréter le message automatiquement, en voyant une offense dans une ironie, en voyant de l’ironie dans un message pourtant sérieux, etc. Pour pallier ce manque d’informations non verbales, on va se concentrer sur d’autres indices tels que la ponctuation, y plaquant un sens qui n’est pourtant pas celui du locuteur. D’autant que l’usage et la connotation des ponctuations varient selon des facteurs socio-culturels, tels que l’âge de la personne : les boomers pourront avoir tendance par exemple à terminer tous leurs tweets d’un point, selon l’usage « académique » qu’ils ont profondément intériorisé, sans exclamation ni smiley3, ce qui pourra donner l’impression, selon le propos tenu, à un ton brutal, voire un mode passif-agressif, alors qu’il s’agissait parfois tout simplement d’une volonté de soigner son écriture, sans froisser son interlocuteur. Même chose pour l’usage des points de suspension dans un message, qui pourra être utilisé différemment et suggérer de multiples interprétations contradictoires… On se focalise sur ces petits détails, car on cherche une substitution à ce langage non-verbal qui nous manque cruellement. S’ensuivent donc quantité de malentendus de toutes parts.

Là encore, on peut prévenir la situation en étant très explicite lorsqu’on s’exprime, avec tout ce qu’on a disposition (smiley, formulation de politesse, soin aux styles de la phrase, mots, expression explicite de son émotion/son état/ses buts, etc.).

Ou encore lorsqu’on est l’interlocuteur, demander des précisions sur le message, poser des questions jusqu’à être sûr de bien comprendre, avant de juger son but. Ça peut paraître long dit comme ça, mais en fait poser une question ce n’est parfois qu’une seule phrase. Et parfois la réponse suffit à se faire une idée.

 

Abassadeur
« Ambassadeur : Honte et fierté mélangées. Nos ennemis nous ont appelés « tanks vivants ». Ainsi que par des noms moins flatteurs. » On peut même s’amuser à utiliser la méthode Elcor (dans les jeux Mass Effect, les Elcors sont des êtres qui ne peuvent partager une communication non-verbale avec les autres espèces, ni même faire transparaître leurs émotions dans leurs voix ; pour pallier ce manque, ils commencent systématiquement leur propos par un mot qui donnera la bonne teinte émotionnelle à leur discours). D’autres exemples ici.

La réaction à la notoriété bizarre du Net : les relations parasociales

C’est un terme qui a été formulé en 1956 par Horton et Wohl pour décrire les relations unilatérales d’un·e artiste avec son public : les spectateurs peuvent se sentir comme amis avec ceux-ci, donc croire tout connaître de lui, alors qu’en fait non. Aujourd’hui, ce type de relations est encore plus répandu parce qu’on peut tous être cet « artiste » qui envoie ou partage du contenu avec une communauté qui le suit.

D’une part, la personne qui une petite ou grande notoriété sur le Net ne sait rien de vous et ne peut rien déduire de votre comportement habituel (par exemple, elle ne peut pas savoir que lorsque vous employez des injures, c’est du second degré ou une marque d’amitié ; elle ne sait pas que vous êtes peu versé dans les formules de politesse mais néanmoins cordial), elle peut donc difficilement interpréter des remarques qui seraient à double sens, encore plus sans avoir accès à votre langage non verbal pour comprendre. Le militant déconnant peut croire que cette personne à notoriété va parfaitement le comprendre, qu’il est sympa d’office, qu’importe le style du message, parce que lui, il la connaît bien mais oublie qu’elle, elle ne le connaît pas du tout. Et là peuvent se créer de très forts malentendus.

D’autre part, en tant que spectateur, bien qu’on ait ce sentiment de familiarité avec la personne à notoriété, on ne la connaît pas du tout : on ne peut pas savoir si elle est en dépression ou si elle traverse une phase difficile, elle peut très bien partager quelque chose de sombre tout en étant dans une situation joyeuse dans son quotidien, tout comme partager de la joie en broyant du noir. Là encore, avant d’entamer une démarche qui risque potentiellement d’être dure à digérer pour l’autre, on peut poser des questions, « tâter le terrain » pour savoir si c’est le bon moment ou non de parler de telle chose ; on peut aussi se rappeler qu’on ne connaît la personne qu’à travers son travail/œuvre/partage, pas sa vie tout entière qui peut être radicalement différente. Même des vlogs réguliers qui pourtant renseignent sur la vie de la personne sont sélectifs, ne sont qu’un aperçu de sa vie, ce qu’elle accepte de montrer. Tout comme on ne peut déduire le bien-être d’un vendeur de sandwichs à la qualité dudit sandwich (qui peut par exemple avoir été cuisiné sous une pression énorme), on ne peut pleinement déduire l’état d’esprit d’un partageur à son seul partage. Pour connaître un peu le milieu, je dirais que lorsque vous vous adressez un partageur/créateur sur le Net, il est probable qu’il est en dépression, en burn-out ou surmené, qu’importe la vivacité dont il peut faire preuve dans ses œuvres. Il serait plus prudent d’éviter de partir du principe qu’il peut encaisser toutes les récriminations.

L’autre aspect de cette relation parasociale, c’est que parfois, les spectateurs confondent ces petites célébrités du Net avec les célébrités classiques : c’est-à-dire qu’ils partent du principe que la notoriété est accompagnée d’un statut supérieur (plus de pouvoir, plus de possibilités, plus d’argent, plus de moyens, plus d’influence, etc.), donc qu’elles auraient en quelque sorte pour devoir d’utiliser ce trop-plein de privilèges qu’il leur serait offert, notamment pour vanter ou exercer une pureté militante. Or, même des gens qui ont une forte audience sur le Net peuvent n’avoir aucun privilège matériel par rapport au spectateur moyen, peuvent toujours être salarié smicard, au chômage, voire dans des situations de grande pauvreté, de sérieuses difficultés. Et vous n’en saurez généralement rien.

Cependant je comprends, ça peut être trompeur qu’une petite célébrité sur le Net en galère au quotidien puisse avoir le même nombre de followers4 qu’une petite célébrité de la télévision qui elle, peut avoir des moyens plus importants, le soutien d’une structure, des relations qui la mettent à l’abri, etc. Bref, la notoriété du Net doit être déconnectée dans nos représentations des privilèges, car la notoriété sur la toile n’est pas synonyme d’avantages matériels ou sociaux5.

La suspicion d’infiltrés/d’ennemis

L’infiltration dans un groupe militant est malheureusement une pratique existante, d’autant plus sur le Net où il est souvent facile de rejoindre le Discord d’un autre groupe militant pour glaner des informations ou pour troller en interne (ce que l’on peut retrouver par exemple dans des groupes politiques fortement engagés, notamment entre fascistes et anti-fascistes). La suspicion d’infiltrés (ou la présence effective de ceux-ci) peut nous faire nous méfier des alliés, des spectateurs, et nous mettre en mode paranoïa. C’est un cercle vicieux terrible, et j’avoue que je n’ai pas la solution contre cela d’autant que je l’ai malheureusement déjà vécu dans certains mouvements (présence réelle d’infiltrés professionnels, confirmée par des leaks découverts plus tard et publiés dans certains médias). L’idée serait peut-être de se concentrer davantage sur les actions qui sont proposées, de les évaluer au regard du mouvement et des buts de celui-ci, ce qui permettrait d’éviter des catastrophes. Les infiltrés ou individus malveillants auront tendance à diviser, créer des conflits internes, proposer de s’attaquer aux alliés et spectateurs, chercher à obtenir des postes à pouvoir de décisions, épuiser les éléments les plus doués, proposer des actions honteuses/inefficaces qui ne permettent pas de se confronter à l’adversaire. Donc, ce n’est pas tant qu’il faudrait le traquer pour le virer, mais davantage prendre soin des alliés, des spectateurs car c’est une politique plus puissamment établie : ces projets saboteurs ne seront alors pas suivis parce qu’ils apparaîtront incohérents, inadaptés.

La suspicion qu’il y ait des infiltrés ou qu’untel ait des projets malveillants ou potentiellement destructeurs pour le groupe (par exemple, un membre qu’on pense vouloir nuire au mouvement suite à un conflit mal résolu en interne, ce qui arrive assez fréquemment : tout militant d’expérience aura sans doute en mémoire l’exemple d’un ancien camarade qui, sous l’effet du ressentiment, a pu se mettre à saper activement un mouvement ou à vouloir nuire à ses membres) peut également n’être qu’une simple suspicion qui s’avérera plus tard infondée, et ça serait dommage que l’activité militante soit détournée juste parce qu’on est en mode méfiance et qu’on a peur des menaces internes. Cependant, là aussi, je pense qu’on peut tenter d’éviter les problèmes en se concentrant sur les actions au cœur du mouvement, celles qui sont les plus concrètes et les plus cohérentes.


  1. « Cancel culture » : « pratique qui consiste à dénoncer des individus (ou structures) dans le but de les ostraciser ». Plus d’infos sur Wikipédia, ou sur Neonmag.
  2. Ici, je me base sur les pratiques et méthodes de Carl Rogers, psychologue humaniste qui visait l’empuissantement et l’autodétermination des personnes, tant dans des contextes thérapeutiques, de groupes aux buts divers (académique, religieux, politique à visée de résolution de conflits, etc.). Ces écrits sont particulièrement accessibles, y compris pour les personnes non formées à la psychologie, notamment ses ouvrages Liberté pour apprendre, Le développement de la personne.
  3. Si vous êtes acolyte des illustres de l’académie française, vous devez dire « binette » ou « frimousse » pour désigner un smiley.
  4. Follower = « acolyte des illustres » si votre allégeance va à l’Académie française, quoique je pense qu’elle se fout un peu de la gueule des personnes utilisant Internet, voire de la population tout court, quand on voit qu’elle a rejeté l’usage commun du masculin pour « covid » à la grande joie des Grammar Nazis qui auront une occasion supplémentaire de corriger leurs interlocuteurs. Voir l’explication de l’académie sur cette traduction ; on pourrait dire « abonnés » mais il me semble que cela reste trop associé à l’image de quelqu’un qui a acheté un abonnement pour accéder à un contenu. Le terme « adepte » est utilisé aussi par bing, mais là encore il me semble que cela nous renvoie à une image erronée du follower (qui n’est pas forcément partisan du contenu suivi, encore moins fidèle à lui comme il le serait d’une religion).
  5. Une étude sur les vulgarisateurs le montre bien : « Frontiers. French Science Communication on YouTube : A Survey of Individual and Institutional Communicators and Their Channel Characteristics Communication », frontiersin.org ; ou en vidéo : Analyse des vulgarisateurs scientifiques sur Youtube ; ou dans ce thread : « On a analysé plus de 600 chaînes et 70 000 vidéos de vulgarisation scientifique en français, et complété cette analyse par un sondage auprès de 180 youtubeurs. Nos résultats (avec @SciTania @MasselotPierre @tofu89) viennent d’être publiés dans Frontiers in communication », Stéphane Debove sur Twitter ; par exemple seul 12 % des vulgarisateurs (sur 600 chaînes françaises) gagnent plus de 1000 euros par mois, 44 % ne gagnent rien du tout.

(à suivre…)

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