Wikipédia en route vers la licence Creative Commons By-Sa

Drunkprincess - CC byIl y a à peine un mois la Free Software Foundation sortait la version 1.3 de sa licence de documentation libre la GNU Free Documentation License (ou GNU FDL).

Ceci peut apparaître totalement anodin, d’autant qu’il ne s’agit d’une d’une version intermédiaire avant la 2.0, mais c’est en fait un évènement à marquer d’une pierre blanche dans la petite histoire de la « culture libre ».

Cette nouvelle version a en effet été principalement motivée pour répondre au souhait de la Wikimedia Foundation de pouvoir changer la licence du contenu de ses projets, la fameuse encyclopédie libre Wikipédia en tête.

À sa création en 2001 Wikipédia a certainement adopté la meilleure des licences libres existantes, à savoir justement la GNU Free Documentation License. Or cette licence a été principalement créée pour la documentation de logiciels libres et posséde certaines contraintes qui peuvent compliquer la vie des utilisateurs de l’encyclopédie. Ainsi un enseignant qui souhaite distribuer l’imprimé d’un article de Wikipédia à ses élèves doit nécessairement y adjoindre l’intégralité de la licence (à savoir plusieurs pages) quand bien même l’article considéré ne remplit pas une page. Dans la pratique notre enseignant ne le fait généralement pas et se retrouve donc à ne pas respecter les termes de la licence.

De plus sont arrivées dans l’intervalle les licences Creative Commons avec le succès que l’on sait. Plus souples, mieux adaptées aux contenus culturels (textes, multimédias…) et possédant une traduction juridique officielle dans de nombreux pays, elles ont été massivement adoptées par les auteurs de l’ère numérique. Et d’ailleurs la grande majorité des images, sons et vidéos qui apparaissent aujourd’hui dans Wikipédia se trouvent être placés sous licence Creative Commons (et plus précisément les plus libres de la gamme, à savoir la By et By-Sa).

On peut affirmer sans risque de se tromper que si Wikipédia avait vu le jour en 2008, elle aurait choisi la licence Creative Commons By-Sa[1].

Le problème c’est qu’elle n’a jamais pu envisager cela parce que les deux licences étaient incompatibles. C’est justement cette incompatibilité que vient de lever la Free Software Foundation dans la nouvelle version de sa licence GNU FDL modifiée quasiment sur mesure pour que Wikipédia puisse passer sous Creative Commons By-Sa.

Dans la mesure où Free Software Foundation ne souhaite pas voir toutes les ressources sous GNU FDL suivre le même chemin, la clause est restreinte aux wikis créés avant le premier novembre 2008 et s’arrêtera après le 1er août 2009. Autrement dit la Wikimedia Foundation a quelques mois pour se décider mais il serait étonnant qu’elle ne profite pas d’une opportunité qu’elle a elle-même ardemment désirée.

Et pour ajouter plus de poids encore à cette information rien de telle que la traduction de l’annonce de Larry Lessig sur son blog où il témoigne aussi bien de son enthousiasme que de sa reconnaissance envers Richard Stallman[2].

Nouvelle de la plus haute importance émanant de la Free Software Foundation

Enormously important news from the Free Software Foundation

Lawrence Lessig – le 3 novembre 2008
(Traduction Framalang : Olivier)

La Free Software Foundation a publié la nouvelle version 1.3 de sa GNU Free Document License. La section 11 de cette licence permet (principalement) maintenant à certains wikis d’être publiés sous licence Creative Commons Paternité-Partage des Conditions Initiales à l’Identique (By-Sa v3.0) à condition que le changement de licence soit effectué avant le 1er août 2009. Ceci implique donc que la communauté Wikipédia a le choix de modifier sa licence au profit d’une licence Creative Commons (voir la FAQ pour cette amendement).

C’est un changement d’une importance majeure pour la communauté de la culture libre, difficile de le nier. Un défaut élémentaire du mouvement de la culture libre actuel est que la licence qui protège son projet le plus important, Wikipédia, le rend incompatible avec une qmajorité d’autres contenus du mouvement de la culture libre. Une solution pour y remédier serait évidemment de tout mettre sous Free Document License (FDL). Mais cette licence a été créée à l’origine pour les manuels et pour certaines raisons techniques elle était peu (voire parfois pas du tout) adaptée à d’autres types importants de contenu.

Cette modification devrait maintenant permettre l’interopérabilité des projets de culture libre, tout comme la prédominance de la GNU GPL permet l’interopérabilité entre les projets de logiciels libres. Cette modification abat des obstacles inutiles et contre-productifs à la diffusion et au développement de la culture libre.

Richard Stallman y est pour beaucoup dans ce changement. Nombreux étaient en effet ceux qui pensaient qu’il n’autoriserait jamais le changement de licence d’un Wikipédia devenu par sa licence FSF l’exemple emblématique de son mouvement pour les libertés. Car c’est de cela qu’il est question, tout comme le système d’exploitation GNU/Linux qui a été rendu possible par son mouvement, Wikipedia a été rendu possible par la liberté qu’offre la FDL. Qu’un homme moins noble que Richard Stallman trouve toute sorte d’excuses pour faire opposition à ce changement serait compréhensible.

Mais voici les mots de Richard, en 2002 et dans un autre contexte : « Si nous ne voulons pas vivre dans la jungle, nous devons changer notre manière de faire. Nous devons commencer par faire comprendre à tout le monde qu’un bon citoyen est une personne qui coopère quand cela s’avère nécessaire… ».

Vous pouvez ajouter « bon citoyen » à la liste des grandes qualités de ce père de la liberté moderne.

Notes

[1] On notera que Framasoft s’est aussi retrouvé avec ce dilemme quand sont apparues les licences Creative Commons, dilemme que nous avons résolu par le « tour de passe-passe » consistant à adopter au choix les deux licences en question pour notre contenu. Ce qui donne depuis 2004 : « Sauf mention contraire, le site est placé sous double licence Creative Commons By-Sa et GNU Free Documentation License ».

[2] Crédit photo : Drunkprincess (Creative Commons By)




Un jusqu’Ubuntiste se cache à la rédaction de Libération

Ce jusqu’Ubuntiste, les lecteurs du Framablog commencent à bien le connaître puisqu’il s’agit du « novice » Erwan Cario.

Son fameux journal n’en finit pas d’essaimer car le voici aujourd’hui (dans sa version condensée) rien moins qu’en pleine page 32 du Libération papier du jour, qui pour le coup porte plutôt bien son nom 😉

Libération du 29 novembre - Page 32

Sachant que le tirage moyen du quotidien tourne autour des 140.000 unités (source Wikipédia), je vous laisse imaginer le nombre de personnes qui auront parcouru l’article qui commence ainsi :

« Fin octobre, un bouquetin intrépide a débarqué sur des milliers d’écrans. Il s’agit de la version 8.10 de la distribution Linux Ubuntu, Interpid Ibex en VO. Mais pourquoi donc Libération se met-il à parler de ce genre de trucs obscurs qu ne concernent qu’une poignée d’informaticiens barbus ? Sans doute parce que cette idée reçue n’a pas de raison d’être. Linux, qui est un système d’exploitation au même titre que Windows de Microsoft ou OS X d’Apple, se tourne vers le grand public et devient petit à petit très accessible. Récit d’une transition pas si compliquée… »




Les 46 meilleurs logiciels libres et/ou gratuits ?

Guillermo Esteves - CC byHier, c’était Thanksgiving aux USA. Et « ce jour-là, on remercie Dieu par des prières et des réjouissances pour les bonheurs que l’on a pu recevoir pendant l’année » (source Wikipédia).

Et si l’on détournait la chose pour se demander pour quel(s) logiciel(s) nous sommes le plus reconnaissant en le(s) remerciant de ce qu’il(s) nous apporte(nt) pendant toute l’année ? C’est cette idée qu’a eu Lifehacker, l’un des blogs références outre-atlantique pour tout ce qui tourne autour du logiciel.

Et comme c’est une référence, il est fort fréquenté et cela a donné… près de 800 réponses ! Réponses que l’on peut supposer signifiantes si l’on se hasarde à penser que le public de ce blog est lui aussi un peu spécialiste[1].

La question exacte était : « What Free Software are You Most Grateful For? », ce qui (au grand dam de Richard Stallman) aboutit à une liste qui mélange les free software libres et les free software gratuits, autrement appelés freewares ou gratuiciels.

Voici en tout cas ci-dessous la fameuse liste dont je me suis permis, contrairement à Lifehacker, de mettre en exergue les logiciels libres (accompagnés parfois de quelques liens bien sentis du réseau Framasoft) histoire de bien faire la distinction.

Pour ce qui me concerne elle m’aura permis de renouer un peu le contact avec certains free softwares non libres que j’avais perdu de vue depuis un certain temps déjà…

Quelques petites remarques à la va-vite :

  • Près de la moitié des logiciels de la liste sont libres
  • Les 6 premiers sont libres
  • Firefox est le grand gagnant puisque quasiment cité dans 50 % des cas (voir le camembert sur le site d’origine)
  • Le trio Firefox + VLC + Ubuntu approchent les 75% de citations
  • Pas beaucoup de nouveaux logiciels a priori (mais je ne les connais pas tous), certains sont là depuis un bail et se bonifient avec le temps
  • Pas mal de produits Google (Gmail, Picasa, Apps, Docs, Calendar) sans concurrence libre sur le terrain qu’ils occupent à savoir l’informatique dans les nuages
  • Un peu plus de logiciels pour Mac que pour un échantillon lambda
  • C’en est fini des eMule et autres Bittorrent
  • Ubuntu est largement devant Linux et sans autre distributions citée (cette remarque est hautement trolliphère)

The Lifehacker List

1. Firefox (FramasoftFramakey)
2. VLC Media Player (FramasoftFramakey)
3. Ubuntu (FramasoftFramabook)
4. OpenOffice.org (FramasoftFramakeyFramabook)
5. Pidgin (FramasoftFramakey)
6. Launchy (Framasoft)
7. Digsby
8. Gmail
9. Adium (Framasoft)
10. CCleaner
11. Picasa
12. AutoHotKey (Framasoft)
13. Google
14. Quicksilver
15. GIMP (FramasoftFramakey)
16. Foobar 2000
17. Thunderbird (FramasoftFramakeyFramabook)
18. 7-Zip (FramasoftFramakey)
19. DropBox
20. uTorrent
21. Winamp
22. Google Apps
23. AVG Antivirus
24. Evernote
25. IrfanView
26. Opera
27. Google Chrome
28. Google Calendar
29. HandBrake
30. Skype
31. Linux
32. Paint.NET (FramasoftFramakey)
33. Ad-Aware
34. Avast Antivirus
35. Google Docs
36. LogMeIn
37. Transmission (Framasoft)
38. TrueCrypt (FramasoftFramakey)
39. Amarok (Framasoft)
40. FileZilla (FramasoftFramakey)
41. Notepad++ (Framasoft)
42. PortableApps.com
43. Rocket Dock
44. Spybot Search & Destroy
45. UltraVNC (Framasoft)
46. VirtualBox

Et bien entendu, vous avez les commentaires pour nuancer, amender, critiquer et ajouter les logiciels selon vous scandaleusement oubliés 😉

Notes

[1] Crédit photo : Guillermo Esteves (Creative Commons By)




Le million ! le million ! ou les statistiques du réseau Framasoft

Statistiques du réseau Framasoft - Oct. Nov. 2008Suite (mais pas encore fin) des billets d’auto-promotion comme celui-ci ou celui-là.

Voici quelques statistiques sur l’ensemble du réseau Framasoft d’après l’outil que nous utilisons, à savoir Google Analytics. Elles ont été prises sur le mois courant, c’est-à-dire sur la période 24 octobre au 23 novembre 2008.

Vous trouverez bien plus de détails dans les fichiers joints comme les mots-clés, la provenance géographiques, les sites référants, les pages les plus visitées, etc.

J’ai pris ma calculatrice pour constater qu’on approche du million pour les visiteurs (807.000), qu’on le dépasse pour les visites (1.124.000) et qu’on le surpasse pour les pages vues (2.911.000). On remarque aussi qu’il peut y avoir de fortes variations d’un site à l’autre. Ainsi par exemple il est assez logique de voir Framakey fréquenté presque exclusivement par des visiteurs sous Windows puisque nos applications portables ne sont pour le moment disponibles que pour ce seul OS.

  • Framasoft
    • visiteurs/mois : 573 000
    • visites/mois : 752 000
    • pages vues/mois : 2 023 000
    • Les 3 premiers OS : Windows 83%, Linux 11%, Mac 5%
    • Les 3 premiers navigateurs : Firefox 57%, IE 35%, Safari 3%
  • Framakey
    • visiteurs/mois : 118 000
    • visites/mois : 230 000
    • pages vues/mois : 621 000
    • Les 3 premiers OS : Windows 98%, Linux 1%, Mac 1%
    • Les 3 premiers navigateurs : Firefox 78%, IE 12%, Mozilla 8%
  • Framabook
    • visiteurs/mois : 33 000
    • visites/mois : 40 000
    • pages vues/mois : 92 000
    • Les 3 premiers OS : Windows 66%, Linux 30%, Mac 4%
    • Les 3 premiers navigateurs : Firefox 71%, IE 22%, Safari 2%
  • Framablog
    • visiteurs/mois : 40 000
    • visites/mois : 52 000
    • pages vues/mois : 77 000
    • Les 3 premiers OS : Windows 68%, Linux 27%, Mac 5%
    • Les 3 premiers navigateurs : Firefox 65%, IE 25%, Mozilla 4%
  • Framagora[1]
    • visiteurs/mois : 43 000
    • visites/mois : 50 000
    • pages vues/mois : 98 000
    • Les 3 premiers OS : Windows 74%, Linux 22%, Mac 4%
    • Les 3 premiers navigateurs : Firefox 61%, IE 30%, Mozilla 3%

Notes

[1] Les statistiques sur nos forums Framagora ne sont que partielles puisque elles n’ont été prises en compte qu’à partir du 11 novembre (et par dessus le marché on connait actuellement de grosses difficultés techniques, depuis la mise à jour de phpBB, dont on cherche vaille que vaille à se dépatouiller).




Internet libre ou Minitel 2.0 ? – La conférence culte de Benjamin Bayart

Je ne sais ce qu’il en est pour les autres auteurs de blog mais pour ma part je pense arriver à mettre en ligne à peine 20% de ce que je souhaiterais réellement mettre en ligne. C’est d’ailleurs pas de bol pour le lecteur puisque c’est dans le 80% restant que se nichent certainement mes meilleurs billets 😉

Ainsi en va-t-il de Benjamin Bayart, personnalité de la communauté haute en couleur (surtout la cravate) qui figure en bonne place dans ma liste de billets en retard. Un sacré retard même puisque je vais vous présenter une conférence datant des Rencontre mondiales du logiciel libre de juillet 2007 !

Mais il ne s’agit pas de n’importe quelle conférence, il s’agit d’une conférence qui est devenue une véritable référence, un peu comme celle d’Eben Moglen.

Désolé donc pour ceux qui l’ont déjà vue. Quant aux autres, vous avez bien de la chance parce que pour la même durée ça vous changera un peu de votre série américaine préférée qui ne vous a que trop pris de votre temps de cerveau disponible.

En voici le pitch : « Internet vient du libre, comme le libre vient d’Internet. Cependant l’évolution récente du réseau, essentiellement financière et commerciale, le fait dériver vers d’autres modèles sociaux et économiques. Comment décrypter cette évolution, son origine, ses conséquences ? Comment agir pour rectifier le tir ? »

—> La vidéo au format webm

Vous trouverez sur cette page une version AVI (100 Mo) de la vidéo mais également les slides de la conférence au format PDF.

Bonne séance, mais autant vous prévenir tout de suite je n’en ai pas encore tout à fait fini avec mon Bayart en retard car il faut absolument que je consacre un billet à FDN le seul (et unique en son genre) fournisseur d’accès à internet associatif.




Détournement de liens

Au cours du billet inaugural sur les académies nous annoncions que vous alliez de temps en temps subir quelques articles nombrilistes ayant pour objectif de témoigner de notre prétendue utilité avant ambitieuse « campagne de soutien » dont le but est de trouver assez de fonds pour échapper au prochain voyage à Hong-Kong.

Témoigner de notre utilité et donc, corollaire et sortez les violons, de la grande perte pour le logiciel libre francophone si nous en venions disparaître, snif, snif…

Aujourd’hui c’est un peu particulier puisqu’il s’agit de simples statistiques, qui plus est uniquement celles du Framablog restreintes à la recherche par mots clés. Lorsque les visiteurs s’en viennent sur ce blog via un moteur de recherche, quels mots clés ont-ils donc saisis ? Telle est la question du jour et la réponse est assez surprenante, ou tout du moins elle nous est apparue comme telle.

Voici en (longue) image le top 50 des mots clés de ces 6 derniers mois[1] :

stats_framablog_keywords_11jun-12_nov2008.png

And the winner is… Microsoft assurément dont les différentes déclinaisons fournissent 50% des 50 premiers liens.

Du coup nous y sommes allés pour voir et effectivement Google semble penser qu’on pourrait rendre service aux internautes en tapant par exemple « ms office 2007 ». On remarquera au passage qu’on s’en sort aussi plutôt bien chez le pas rancunier Live Search de Microsoft.

Il est évident que la grande majorité de ces visiteurs doit alors rebrousser chemin aussi sec constatant qu’ils ne sont pas arrivés à bon port. Mais il nous plaît à penser que certains s’y arrêtent, étudient son contenu, y font quelques découvertes et en tirent parfois la conclusion qu’il est peut-être opportun d’évaluer de près certaines alternatives libres.

L’idée de la campagne de soutien c’est aussi être capable d’exister et se développer pour lentement mais sûrement continuer à donner le change. Nous n’avons pas le budget d’un Microsoft. Nous n’avons ni le relais internet du Café Pédagogique ni le relais du terrain d’un Projetice (capable d’assurer à lui tout seul rien moins que 120 formations « Office 2007 pour l’Éducation » dans les établissements scolaires). Alors on fait avec les moyens du bord et tant que les moteurs de recherche resteront de purs algorithmes, on aura toujours une chance de toucher de nouveaux publics, quitte à les tromper gentiment au départ sur « la marchandise ».

Et pour finir sur un sourire le « bêtisier et autres incongruités » :

stats_framablog_keywords_betisier_11jun-12_nov2008.png

Ben oui, c’est vrai ça, pourquoi faire un don ?
😉

Notes

[1] Oui il s’agit bien de statistiques issues de Google Analytics mais on étudie de près Piwik qui est d’ailleurs n°23 dans la liste des mot-clés.




En réponse au Café Pédagogique

Kevinmcgrewphoto.com - CC byLe site du Café Pédagogique compte plus de 150 000 abonnés à ses différentes éditions et avoisine le million de visiteurs par mois. Il est sans conteste la principale source d’information d’un monde enseignant hautement reconnaissant du service rendu. Là où le bât blesse c’est que faute d’aides institutionnelles il a contracté depuis un certain temps déjà un solide partenariat avec Microsoft qui s’apparente un peu au mariage de la carpe et du lapin.

Les conséquences sont malheureusement assez lourdes pour ceux qui souhaitent faire avancer le logiciel libre à l’école car avec la caution du Café Pédagogique les enseignants se sentent en confiance et en sécurité. Si le Café organise un forum d’enseignants innovants, il n’y a qu’à se réjouir et profiter d’une telle opportunité sans trop se poser de questions. Si le Café héberge en son sein le forum de l’opération Microsoft Office 2007 gratuite pour les enseignants c’est que l’offre est sans entourloupe. Si le Café ne fait pas mention de documents critiques vis-à-vis de son partenaire alors il n’y a pas matière à débat. Si le Café parle peu ou pas du logiciel libre, c’est que sa présence et son utilité doivent être scolairement négligeables[1].

Et si, comme aujourd’hui, le Café se décide néanmoins à l’évoquer ne serait-ce qu’à la marge et implicitement, c’est pour en donner une image où j’ai eu tant et si bien du mal à le reconnaître que je n’ai pu m’empêcher de mordre à l’hameçon et réagir, quitte à fournir de nouvelles armes à ceux qui aiment à me faire passer pour un agité, quitte aussi à donner un énième coup d’épée dans l’eau.

Il y a une semaine avait lieu à Hong-Kong le quatrième Forum mondial des enseignants innovants organisé et donc financé de A à Z par Microsoft. Ce forum était ainsi présenté sur le communiqué de presse : « 250 enseignants, administrateurs d’école et responsables d’éducation en provenance de 64 pays à travers le monde se rassemblent pour récompenser l’excellence en matière d’éducation (…) L’Innovative Teachers Forum s’inscrit dans le programme Partenaires en apprentissage de Microsoft (Partners in Learning), une initiative internationale dans le cadre du projet Unlimited Potential conçue pour rendre la technologie plus accessible aux écoles, à stimuler des conceptions innovatrices de l’éducation et à fournir aux éducateurs les outils pour gérer et mettre en oeuvre des changements. Depuis sa création en 2003, le programme Partenaires en apprentissage a bénéficié à plus de 123 millions de professeurs et d’étudiants dans 103 pays. Microsoft apporte un soutien financier continu à cette initiative depuis déjà cinq ans, et l’investissement d’une durée de dix ans atteint presque 500 millions USD, ce qui témoigne de l’engagement de la société à rendre la technologie plus adaptée et plus accessible à chacun grâce à des programmes, des formations et des partenariats de licence abordables. »

Le Café Pédagogique était bien entendu présent et y avait envoyé, c’est l’expression employée, l’une de ses « journalistes » Monique Royer. Le 3 novembre dernier elle rédigeait sur le blog dédié à l’évènement un billet titré Honni soit qui mal y pense que je me suis permis de commenter ci-dessous.

(…) Dans ce décor sans limites, la délégation française se pose sur une terrasse. Et tandis que les yeux sont baignés dans la magnifique vue, les débats s’engagent, plus prosaïques. Puisque nous sommes en terre de Chine, résumons-le ainsi : Microsoft est il un dragon dévoreur de système éducatif qui cherche à prospérer encore et sans partage ?

Je dois manquer d’humour parce que, Chine ou pas, j’ai beaucoup de mal à croire que le débat ait pu se résumer à cette question qui n’appelle qu’une seule réponse possible pour le clore aussitôt. Forçons le trait jusqu’à la caricature pour déplacer la conversation et éviter de toucher aux réels enjeux. C’est la même posture adoptée par le Directeur des partenariats éducation chez Microsoft France en réponse à mon billet sur l’association d’enseignants Projetice.

Pour les non initiés à ce type de querelle, il faut mentionner que cette question est vive dans les milieux associatifs d’enseignants.

Navré de vous contredire mais non, je ne crois pas que la question ainsi posée intéresse le moins du monde « les milieux associatifs d’enseignants », tout simplement parce qu’à ma connaissance personne ne voit Microsoft comme « un dragon dévoreur de système éducatif qui cherche à prospérer encore et sans partage ».

Quant au début de votre phrase, il eut été peut-être plus judicieux encore d’écrire « Pour les non initiés à ce type de querelle stérile », l’effet souhaité n’en aurait été alors que plus accentué…

Mais redevenons un peu sérieux. Il y a bien quelques questions à se poser mais elles sont d’une toute autre envergure. Par exemple, en référence à un récent billet : l’école doit-elle poursuivre un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication ?

Nous voici d’un coup assez loin des « querelles d’initiés »…

Toujours est-il que si vous jugez cette question d’importance alors, et telle sera mon hypothèse, il est difficile de ne pas rencontrer un jour ou l’autre le logiciel libre et sa culture. C’est ce que pensent nos amis du Département de l’instruction publique du Canton de Genève et bien d’autres acteurs éducatifs derrière eux pour qui cette rencontre fut si ce n’est comme une évidence tout du moins allant dans le sens d’un certain bon sens.

Entendons-nous bien, le logiciel libre n’est bien entendu pas LA solution mais il participe assurément à poursuivre les objectifs décrits ci-dessus. C’est pourquoi, contre vent et marée mais avec un certain enthousiasme, nous travaillons au quotidien à créer des conditions favorisant cette rencontre entre le logiciel libre et l’école, qui par delà leurs spécificités sont selon nous faits pour avancer ensemble.

Et c’est à mon avis ici qu’intervient Microsoft. Non seulement la société Microsoft ne répond que trop imparfaitement aux objectifs mentionnés mais elle a fortement tendance à consciemment ou non retarder cette fructueuse, pour ne pas dire « naturelle », rencontre. Un retard qui s’accompagne d’un frein si d’aventure cette rencontre avait malgré tout bien lieu. Ce ne serait pas bien grave si il ne s’agissait que de la praticité et du confort de tel ou tel logiciel, ça l’est peut-être plus si l’on se place dans le vaste cadre de ma question exposée plus haut.

Ce dernier paragraphe mériterait bien sûr précisions, développements et arguments. Gageons que vous ne serez pas d’accord. Très bien, ouvrons le débat mais de grâce oublions les dragons dévoreurs d’enfants !

Deux points sont dénoncés par les défenseurs du libre. Le premier touche au mode de commercialisation des ordinateurs qui sont quasi systématiquement équipés du système Windows et contraignent les acheteurs à l’acquérir et l’utiliser.

Tout à fait, et merci d’évoquer le problème. Cela s’appelle de la vente liée. Il est vrai que les « défenseurs du libre » ont été parmi les premiers à souligner la situation et à agir en conséquence (tout comme la question des brevets logiciels en Europe, des DRM, des lois DADVSI et aujourd’hui Hadopi, sauriez-vous nous expliquer pourquoi ?)

Mais cela nous concerne tous et il n’est pas étonnant de retrouver également des associations de consommateurs dans la bataille.

La réponse pour ce type d’argument est plutôt une nuance : la plupart des acheteurs ne sont pas des utilisateurs avertis de l’informatique, ils ont le choix entre deux systèmes Microsoft et Mac qui leur permet de se servir de leur ordinateur sans se préoccuper de programmation complexe.

Nos initiés (ou utilisateurs avertis) sont vraiment d’étranges personnages. Quand il ne s’engagent pas dans de vaines querelles, c’est pour mieux s’adonner à leur passe-temps favori : la programmation, si possible complexe.

Je sais bien que le Café Pédagogique n’est malheureusement pas le meilleur média pour se tenir au courant des avancées du logiciel libre mais quitte à jouer les journalistes TICE autant se mettre un peu à jour.

« Les logiciels dits libres ont atteint aujourd’hui un niveau de maturité technique qui en fait une alternative fiable, stable, adaptable et pérenne aux logiciels dits propriétaires ». Telle est l’introduction de la récente directive du Département de l’instruction publique du Canton de Genève. Sachant que les « systèmes Microsoft et Mac » sont bien propriétaires, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’on se retrouve avec un troisième choix.

Ce troisième choix c’est donc celui du logiciel libre. Son niveau de maturité est tel qu’il postule aujourd’hui sans attendre à se retrouver lui aussi sur les postes de travail de nos élèves et ce jusqu’au système d’exploitation où GNU/Linux fera d’autant mieux l’affaire que certaines autorités compétentes déconseillent sagement de passer à Windows Vista.

Il est vrai que le changement passe souvent par une période de perturbation liée à ses habitudes antérieures mais il sera d’autant mieux accepté qu’il aura été explicité et justifié. La directive citée plus haut dit encore : « Lors des choix de solutions informatiques pédagogiques, les produits sous licence libre et les standards ouverts sont choisis par défaut. Tout choix de solutions propriétaires devra être dûment justifié par les demandeurs, en expliquant de façon détaillée les usages qui rendent indispensable l’acquisition d’un produit ou l’utilisation d’un standard non libre. » Et d’ajouter lucidement : « Les migrations importantes qui sont prévues seront annoncées suffisamment à l’avance pour permettre l’accompagnement nécessaire au changement. »

Une fois de plus il ne s’agit pas ici de faire table rase de l’existant pour s’en aller vers le « tout libre ». Mais, au nom d’une certaine pluralité, puissions-nous faire en sorte que de telles propositions soient elles aussi évaluées chez nous ?

Le deuxième point porte sur la politique de Microsoft en éducation, en particulier sur son programme « partners in learning » qui soutient des projets et des associations ou encore sur la mise à disposition gratuite de suites Office pour les enseignants, et se focalise donc sur une supposée recherche d’hégémonie, voire de captation de la firme.

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce programme « partners in learning » qui en France ne voulait pas dire son nom.

Pour ce qui concerne la mise à disposition gratuite de la suite MS Office, l’explication n’est pas philanthropique mais toute entière contenue dans le rapport Becta Microsoft Office 2007 et Windows Vista que le Café Pédagogique n’a d’ailleurs pas cru bon de retenir dans son fil d’informations, privant ainsi de nombreux enseignants de la possibilité de s’interroger sur le pourquoi du comment d’un tel « cadeau ». C’est d’autant plus dommage que le Café n’ignore pas le Becta (voir l’Expresso de lundi dernier). De là à penser que le Café Pédagogique, soutenu par Microsoft, ne s’intéresse plus au Becta dès lors que ce dernier se montre critique vis-à-vis de son partenaire « premium », il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.

Quant à votre fin de phrase, je me focalise bien moins sur la « supposée hégémonie captive de la firme » que sur le fait qu’une rédactrice du si réputé Café Pédagogique évite de se poser les bonnes questions en feignant de croire que certains se focalisent sur un Microsoft tellement décrié qu’on a presqu’envie de lui venir en aide, surtout quand il permet gracieusement à des enseignants du monde entier de se rencontrer.

Les associations, les animateurs des projets soutenus pointent comme réponse le faible soutien des pouvoirs publics, du ministère de l’éducation notamment. Pour vivre, même en reposant sur le bénévolat, les associations ont besoin d’argent pour financer leur structure, leur site, bref, tout ce qui concrétise, solidifie le projet. Leur survie repose souvent sur une quête perpétuelle de financement auprès des collectivités locales, d’entreprises, de fondations. Idem pour les projets, les innovations pédagogiques ; pour se développer elles ont besoin d’une reconnaissance, de matériels, de logiciels, parfois cruellement absents dans l’institution. Microsoft se positionne comme un financeur potentiel pour des partenaires qui bien souvent ont d’autres financements.

Quelle est la part de Microsoft dans le financement du Café Pédagogique ? J’ai souvent posé la question mais n’ai jamais eu de réponse…

Pour qu’on en arrive là l’Institution doit effectivement procéder à son autocritique. Toujours est-il que si l’on vous suit c’est exclusivement pour son argent que Microsoft intéresse les associations. Il n’y aurait donc pas d’adhésion à un projet commun, à des valeurs communes… ou plus modestement à la qualité de leurs logiciels. Cela leur aurait fait plaisir pourtant, histoire de se sentir moins « vaches à lait ».

« Survie », « quête perpetuelle », besoins cruciaux »… Il y a visiblement extrême urgence ! Et pour nous tirer de là, reposons-nous sur les épaules d’un Microsoft, véritable sauveur d’associations d’enseignants en péril abandonnées lâchement par leurs institutions ! Merci donc à Microsoft de nous offrir cette manne financière providentielle que d’autres ne peuvent ou ne veulent nous proposer.

Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la provenance de cette manne financière. Quand on soutire des sommes considérables aux pouvoirs publics du monde entier, on a beau jeu par la suite d’en redistribuer une infime partie à ceux qui nous ont enrichis.

L’équation est certes un peu plus complexe que cela mais pourquoi ne pas procéder autrement ? Par exemple en s’appuyant massivement sur le logiciel libre et avec l’argent ainsi économisé soutenir non seulement les associations d’enseignants mais également un véritable développement logiciel local, ouvert et adapté aux besoins du terrain. Ce ne sont pas les AbulEdu, Adullact, EducOO, Ofset, Scideralle et autres qui me contrediront.

Ceci dit, et pour tout vous avouer, Framasoft se trouve aujourd’hui également dans la difficulté financière. Il n’empêche qu’on aura tenu bon pendant pas mal d’années et que l’on ne désespère pas de trouver des soutiens moins, comment dire, « problématiques ».

Le partenariat tournera d’autant moins à la main mise que les données du marché sont claires et le financement multiple.

Cette dernière phrase que l’on dirait extraite d’un conseil d’administration d’une grande entreprise, vient fort à propos nous rappeler la nature même de Microsoft. Si l’école n’était qu’un marché comme un autre nous n’en ferions pas grand cas.

(…) Une rencontre entre enseignants innovants du monde entier, d’Israël, de Thaïlande, d’Australie, d’Autriche, du Sénégal, du Brésil, des Seychelles et de tant de pays différents, n’est elle pas à même de changer les idées, les opinions les plus tranchées. En regardant ce que font les autres, en écoutant leur expérience, leurs doutes, leurs solutions, dans ce voyage dans les mondes de l’éducation, le débat perd de son acuité.

Je ne vous le fais pas dire. Et Microsoft de s’en frotter les mains. Bingo, c’est à n’en pas douter le type de témoignages que la société souhaitait susciter.

Et puis, « ce qui est important pour les enseignants c’est la pédagogie. Pour innover, on a besoin d’outils qui nous conviennent. Les querelles risquent plus de freiner l’innovation pédagogique, qu’autre chose », ainsi Annie clôt le débat (…).

Il se trouve que c’est à peu près le même discours que nous sert Microsoft depuis des années. Cette symbiose finale entre l’enseignant et son partenaire fournit effectivement une excellente conclusion.

Quant à « l’innovation » que Microsoft et le Café citent ad nauseam, il tend à devenir un mantra vidé de toute substance et qui se suffit à lui-même. Je n’arrive plus vraiment à comprendre ce que vous y mettez dedans, si ce n’est que les enjeux dépassent de très loin la question des « outils qui nous conviennent ».

Soit, allons-y, restons sur ce mot et répétons nous aussi notre propos. L’innovation peut-elle venir d’une école résolument décidée à poursuivre un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication ?

J’en suis intimement persuadé. Et vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Kevinmcgrewphoto.com (Creative Commons By)




Hadopiraterisible !

Désolé pour ceux qui comme moi sont abonnés à leur flux RSS mais voici reproduite en intégralité la dernière dépêche de la Quadrature du Net.

Histoire de nous associer à l’indignation du collectif mais aussi peut-être sensibiliser quelques nouveaux lecteurs sur un sujet qui nous concerne tous. Prochain rendez-vous : l’Assemblée nationale.

The thing they call progress - Shutterhack - CC-by-nc-nd

"Création et internet" – Riposte graduée – Le Sénat déconnecté.

URL d’origine de l’article (CC by-nd)

Paris, le 31 Octobre 2008. La loi « Création et Internet » a été débattue et votée à toute allure en trois séances au Sénat, au terme d’un débat navrant, indigne des enjeux et des citoyens, mercredi 29 et jeudi 30 octobre. Sous le regard attentif des lobbyistes initiateurs et seuls bénéficiaires de cette loi (Vivendi, SACD, SACEM, SNEP, etc.)[1], le coûteux projet de loi décrété par Nicolas Sarkozy en novembre 2007 a été adopté sans aucune opposition. Les sénateurs ont plébiscité et voté à l’unanimité[2] l’usine à gaz administrative de la « riposte graduée » contre les partageurs sur Internet. Le Sénat français, tout entier au service de l’exécutif, contredit ainsi superbement l’Europe.

Un fossé générationnel au service de modèles économiques du passé…

Les sénateurs légiférant sur un domaine qu’ils ne maîtrisent pas, fossé générationnel et culturel aidant[3], ont pour beaucoup déchiffré, souvent mot à mot, des discours pré-mâchés par les industries du divertissement et leur ministre, Christine Albanel.

« Inconsistances, mensonges, amalgames et insultes que les industriels profèrent habituellement à l’encontre de leurs clients[4] servent de justification à des votes autistes, dans l’ignorance du débat public qui se tient dans la société française[5]. », résume Jérémie Zimmermann, co-fondateur de la Quadrature du Net.

… sous contrôle de l’executif, sans opposition.

Jeudi matin, dans un frémissement, quelques mesures adoucissant vainement la « riposte » sont votées contre l’avis du gouvernement et du groupe socialiste. Quelques courageux sénateurs centristes et UMP tentent de faire remplacer par des amendes la coupure d’accès à internet, afin de réduire le caractère visiblement injuste et disproportionné de la « riposte graduée ».

La majorité reprend les choses en main à la faveur d’une opportune suspension de séance juste avant le scrutin tranchant cette question. Une poignée de frais représentants de l’UMP parmi la vingtaine de sénateurs présents et le renfort de Roger Karoutchi[6] permettent un vote de la loi en un temps record, sans heurts, sans surprise et sans aucune forme d’opposition. Christine Albanel, « réconfortée », recevra-t-elle un accueil aussi chaleureux lors de la suite de l’examen de la loi à l’Assemblée Nationale ?

« La seule option acceptable aurait été le rejet pur et simple de ce texte. Les quelques modifications cosmétiques, vaguement positives, votées avant que le gouvernement ne reprenne un contrôle qui commençait à échapper à Christine Albanel, n’y changeront rien. Le Parti Socialiste a même surmonté ses divisions afin d’unanimement[7] voter ce texte anachronique si cher à Nicolas Sarkozy ! » affirme Gérald Sédrati-Dinet, analyste pour La Quadrature du Net.

Un déni manifeste des citoyens français et de l’Europe.

Plus se précise la mise en œuvre pratique de la "riposte graduée", plus elle dévoile son incapacité intrinsèque à fonctionner sans mettre en place une surveillance automatique à grande échelle du Net. Les processus techniques qu’on a demandé aux sénateurs de prendre pour argent comptant sont facilement contournables. Ils occasionneront, inévitablement et à grande échelle, des sanctions d’internautes qui n’auront commis aucune contrefaçon (faux positifs) et n’inquiéteront pas la plupart des contrefacteurs (faux négatifs). Le droit à la défense des personnes suspectées n’existe donc pas, car on ne peut garantir ni son innocence ni sa culpabilité ; ce texte est donc manifestement anti-constitutionnel.

« Cette loi est scandaleuse et ne sert que quelques industries qui refusent l’évolution de la société. Le Sénat aide le gouvernement à s’asseoir sur la démocratie européenne et à nier les droits fondamentaux des citoyens. Ces manœuvress représentent la pire façon de faire de la politique et d’écrire la loi. Il faut mettre un terme à ce processus dans l’intérêt de tous, en France et dans le reste de l’Europe. » concluent, de concert, les représentants du collectif citoyen.

Notes

[1] Crédit photo : The thing they call progress de Shutterhack sous licence Creative COmmons By-Nc-Nd. Légendée ainsi par la Quadrature du Net : « Riposte graduée : une usine à gaz contre les citoyens. »

[2] À l’unanimité de tous les groupes votant, le groupe des sénateurs Communiste, républicains et citoyens (CRC) ayant revendiqué son « abstention combative »…

[3] À l’exception notable du sénateur Bruno Retailleau, seul à paraître familier de l’environnement numérique et de ses réalités économiques et sociales au travers de quelques interventions salutaires.

[4] Clients présents, potentiels futurs clients, et anciens clients pour qui le rejet des pratiques de ces industries se traduit par un refus d’achat…

[5] Des propositions sont pourtant avancées pour discuter enfin une solution au problème que ce projet de loi a oublié : financer la création culturelle à l’ère numérique.

[6] Émissaire du gouvernement auprès du Parlement, il remplace le zélé conseiller Henrard aux côtés de la ministre Albanel, le temps de s’assurer que la situation était maîtrisée.

[7] Au plus fort de la séance durant laquelle le texte a été voté, seuls 2 sénateurs sur la vingtaine présente en hémicycle étaient socialistes, votant pour tout leur groupe.