Frama.space : du cloud pour renforcer le pouvoir d’agir des associations

Framasoft souhaite mettre à disposition, d’ici 3 ans,  jusqu’à 10 000 espaces « cloud » collaboratifs, gratuitement, à destination des associations et collectifs militants. 40 Go et de nombreuses fonctionnalités à se partager entre 50 comptes sur un espace de type https://monasso.frama.space. Voici pourquoi nous nous lançons ce défi technique, humain, et politique.

« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

Basé sur la solution collaborative libre Nextcloud, votre espace Frama.space vous permettra de gérer (sur votre ordinateur ou smartphone) :

  • des fichiers de tous types et de les partager
  • des agendas, publics ou privés
  • des contacts
  • des photos (partageables sous forme d’albums)
  • des projets (méthode Kanban)
  • de la documentation (en mode wiki)
  • des visioconférences (jusqu’à une dizaine de personnes)
  • l’édition en ligne ou à plusieurs, de documents bureautiques (textes, feuilles de calculs, présentations, etc.)

Tout ça gratuitement.

Gif de Barack Obama faisant un mic drop

Mais derrière cet objectif technique déjà ambitieux (et coûteux : soutenez-nous !), un autre, politique, l’est plus encore : nous voulons accroître les capacités de collaboration numérique libre de ces structures, afin de renforcer leur pouvoir d’agir.

 

Soutenir ce projet

 

Image d'accueil du service Frama.space, avec une choupi-licorne (choupicorne ?) soufflant des bulles de liberté et de collaboration.
Page d’accueil du service Frama.space. Illustration CC by-sa David Revoy

 

Pourquoi Frama.space ?

Pour comprendre la volonté de Framasoft d’investir autant d’énergie dans un projet aussi ambitieux, il va nous falloir prendre un peu de hauteur et de recul historique sur la question associative.

D’abord, nous affirmons sans ambage que nous constatons, ces dernières années, une volonté politique de l’État de… dépolitiser le champ associatif.

Les gouvernements et les institutions n’apprécient que moyennement de voir des militant·es associatifs leur réclamer des comptes, les bousculer pour lever le voile et élever la voix sur les indignités et injustices. Qu’il s’agisse d’environnement, de logement, de santé publique, etc., les associations sont, depuis la loi de 1901, l’un des fers de lance des luttes sociales.

Afin de leur ôter cette épine du pied, nous assistons depuis des années à une forme de « ringardisation » du statut associatif par les grandes institutions publiques. Pour cela, elles n’ont pas hésité à supprimer les emplois aidés, à réduire le montant des subventions ou à les orienter sur du financement « d’investissement » en finançant des appels à projets spécifiques, plutôt que du financement de « fonctionnement » (participant par exemple aux salaires ou aux frais associatifs, et donc plus pérenne). Le discours ambiant et médiatique décrédibilise peu à peu le rôle et les actions des associations, actrices du contrat social.

À cela s’ajoute un mouvement de « marchandisation » des associations. Elles sont d’une part de plus en plus mises en concurrence, notamment par la communication qui devient un élément central — parfois au détriment des actions associatives — pour pouvoir être plus visibles et compenser la perte de subventions par des crowdfundings, collectes, et campagnes. Framasoft n’y échappe d’ailleurs pas.

D’autre part, le courant de l’entrepreneuriat social engage les associations à copier les modèles de l’entreprise privée jugée plus efficace, plus moderne, plus innovante…

Enfin, de belles saloperies et machineries comme les « contrats à impacts » transforment les associations en blanchisseuses sociales des entreprises du CAC40.

Schéma du Contrat à Impact Social
Vous avez bien compris ce schéma (officiel) du « Contrat à Impact Social » : ce sont des entreprises (pardon « des investisseurs privés » ) qui décident quelles sont les associations (pardon « acteurs sociaux » ) à soutenir, et vont financer leur action (pardon « besoin social » ). Mais cette action sera remboursée par l’État (pardon « puissance publique » ), donc avec nos impôts, à l’entreprise en cas de « succès » 😱 . Vous voyez venir les problèmes que cela pose ? Parce que nous, oui ! Ce fonctionnement dit tellement de choses sur notre société et sa façon de percevoir les associations qu’il mériterait un article à part entière.

 

Mème Drake : "Signer un Contrat à Impact Social" non. "Faire vivre le contrat social" : oui.

 

Mais en plus d’assécher les capacités d’action des associations, il y a maintenant la volonté de les faire « marcher au pas », par exemple en les contraignants à signer des textes tels que le « Contrat d’Engagement Républicain » , aux contours flous et sujet à interprétation, dans lequel les associations doivent s’engager formellement à respecter les lois et les symboles de la République sous peine de se voir refuser toute subvention publique. Cela place de facto toute structure qui, par exemple, refuserait de chanter la Marseillaise, dans une situation où elle pourrait perdre des financements publics.

Pour résumer, on peut dire qu’il y a une volonté à ne garder que les « bonnes » associations : celles qui se tiennent sages et ne viennent pas questionner les pouvoirs en place. Une espèce de paternalisme, si ce n’est de caporalisation, de la part de l’État envers le mouvement associatif. Pas de souci pour les collectivités à soutenir un club de bridge, ou une association sportive d’aïkido. Mais pour les associations d’aide aux migrants, ou pour une association de défense de l’environnement, l’État semble avoir acté que toute structure qui ne va pas dans le sens de sa politique est nécessairement contre lui, et devient potentiellement ennemie.

Dépolitisation, caporalisation, ringardisation, marchandisation sont autant d’attaques contre les libertés associatives, et donc contre leur capacité à faire évoluer le contrat social et la société toute entière.

mème du choix entre deux boutons. Bouton 1 "se vendre aux entreprises", bouton 2 : "se prosterner devant l'État" En dessous, les associations ne savant pas sur quel bouton appuyer.

Or, nous pensons que dans un monde où les crises se multiplient, et sont amenées à se multiplier encore, l’importance des actions de la société civile, et notamment des associations, permettent d’envisager des réponses réellement innovantes et résilientes, adaptées aux terrains, proches des citoyen⋅nes, impliquées, et éloignées des propositions tièdes et centralisées portées par les gouvernements (ex. : numéros verts, Grenelle de MachinTruc, …) ou le système capitaliste (ex : greenwashing, start-ups « à impact », tech « for good »…).

Framasoft est une association, fière de son statut, et souhaite soutenir — autant que possible et dans la mesure de ses moyens — les associations les plus fragiles, mais dont la société a radicalement besoin.

Mais… quel rapport avec le numérique ?

Aujourd’hui, les pratiques collaboratives numériques peuvent permettre aux associations d’être plus réactives et efficaces, en actionnant des réseaux et des personnes plus rapidement, en facilitant l’implication de bénévoles ou de partenaires, en permettant de mieux répartir les pouvoirs et la responsabilité, en encourageant la transparence, etc.

Cependant, ces collectifs et associations sont parfois à la peine avec les outils numériques, qui permettent parfois (ce n’est pas systématique) d’accroître leur pouvoir d’agir. Notamment, elles disposent rarement de parcours de formation adaptés à leurs besoins ou leurs moyens et elles doivent composer avec des niveaux de compétences numériques très différents dans leurs structures.

Par ailleurs, même lorsqu’elles ont des connaissances et des facilités avec le numérique, elles sont poussées à utiliser des outils toxiques (ex : Google Workspace, Microsoft 365, Zoom, etc) dont elles n’ont pas réellement la maîtrise, et qui, surtout, sont rarement en cohérence avec leurs objectifs et leurs valeurs.

Formulé autrement : les associations sont souvent consommatrices d’un numérique pensé par des acteurs qui veulent créer un monde dont les associations ne veulent pas. La réciproque est aussi vraie : le monde rêvé par ces acteurs du numérique ne veut pas d’associations puissantes, politiques, proposant d’autres façons de vivre ensemble.

En effet ces entreprises (notamment les GAFAM) ont une vision du monde très libérale où l’argent compte plus que la générosité. Où le succès compte plus que la solidarité. Où un profit immédiat vaut plus qu’un impact à long terme sur la planète.

Leurs outils comportent donc, dans leur code même, une partie de cette vision du monde. Et les utiliser revient non seulement à renforcer le pouvoir de ces entreprises et à leur donner raison, mais empêche aussi le développement de pratiques adaptées à des structures dont l’objet n’est pas la croissance ou le profit.

Les associations sont passées en « mode survie »

Les associations sont coincées entre ces entreprises qui les utilisent pour blanchir leurs pratiques, et l’État qui a rompu la confiance avec elles en jouant du bâton et de la carotte. Elles sont passées en mode « survie ».

Nous pensons qu’il s’agit réel danger pour une société bien portante et une démocratie vivante. Mais c’est peut-être, aussi, une occasion d’agir.

Alors : on fait quoi ?

On prend un risque.

On tire la langue au diable. On lui montre qu’on existe, qu’on est là, et qu’on est prêt à en découdre, comme à se lever et se casser. Qu’il ne nous impressionne pas. Qu’on est libres.

Pour Framasoft, à notre modeste hauteur, cela se traduit par un acte qu’on pense politique, une « recette » en quatre étapes : 1) rendre visibles les alternatives ; 2) faciliter leur découverte et leur usage ; 3) aider à faire émerger des communautés ; 4) participer avec humilité à leur donner du pouvoir, de la confiance, et soyons dingues – un peu d’espoir.

C’est ce que pratique Framasoft depuis 20 ans (Framalibre, Framakey, Framabook, etc), et sans doute plus encore ces 10 dernières années avec notre campagne « Dégooglisons Internet ».

Et c’est ce que nous comptons faire dans les prochaines années avec notre feuille de route « Collectivisons Internet / Convivialisons Internet » (COIN COIN pour les intimes), qui s’adresse particulièrement aux associations et collectifs militants.

Banquet simple, dans une jardin partagé, où des animaux mascottes du libre sont servis par des canards
Collectivisons, convivialisons – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

 

Dans ce cadre, si on applique la recette ci-dessus à une offre d’espace « cloud associatifs » cela pourrait se traduire comme suit.

1) Rendre visible Nextcloud

Le service Frama.space repose sur la suite collaborative libre Nextcloud. Il existe plusieurs logiciels libres pour faire du « cloud », mais aucun ne nous semble aussi riche en fonctionnalités et en promesses que celui-ci.

Partage de fichiers, agendas, gestion de tâches et de projets, documentations collectives, visio-conférences, … Nextcloud, même s’il est perfectible, permet de répondre immédiatement à un grand nombre de besoins.

Cependant, si vous prenez au hasard 100 personnes dans la rue, il est peu probable que plus de 5 (et encore, on est sympas) vous disent avoir déjà entendu parler de ce logiciel. D’ailleurs, si vous faites partie des 95%, rassurez-vous, la suite est justement faite pour vous 🙂

1️⃣ Donc, notre première mission sera de faire connaître et d’accroître la notoriété de Nextcloud aux personnes francophones. Par des conférences de sensibilisation, des webinaires, des ateliers, la production de vidéos et tutoriels ou… en offrant la possibilité d’utiliser gracieusement Nextcloud via le service Frama.space.

Graphique (en allemand) présentant les parts de marché des suites collaboratives en ligne en 2022. Microsoft 365 représente 48,1%, Google Apps 46,4%, "Autres" 4,2%. Sources : Statista, Enlyft
Bon, c’est de l’allemand certes, mais le graphique est plutôt parlant : sur les marchés des suites collaboratives en ligne en 2022, Microsoft 365 représente 48,1%, Google Apps 46,4%, « Autres » 4,2%. Nextcloud ne représentant lui même qu’un petit pourcentage de ces 4,2%. Duopole, vous avez dit ?

 

2) Faciliter l’accès à Nextcloud

Il existe déjà des centaines d’hébergeurs proposant une offre Nextcloud. De Gandi à OVH ou Hetzner (pour les « gros » hébergeurs), d’IndieHosters à Zaclys, en passant par Paquerette (pour les membres du collectif CHATONS).

Mais, dès qu’il s’agit d’avoir accès à un espace collaboratif dédié (pour une entreprise, une association, une collectivité), il faut être prêt à payer. Et c’est bien normal : libre ne veut pas dire gratuit, et ces hébergeurs ont des coûts (humains, matériels et financiers) qu’ils doivent bien répercuter.

Cependant, le problème financier reste entier pour les petites associations ou les collectifs militants que nous évoquions en début d’article. Certaines ont un budget inférieur à 1 000€ par an pour leurs actions, et ne peuvent tout simplement pas consacrer 10% ou 20% de ce budget à un outil numérique. Donc : elles utilisent massivement Microsoft 365 ou Google Workspace (souvent en version limitée gratuite, ou à prix cassé).

À Framasoft, nous sommes convaincu⋅es qu’il faut faire comprendre le prix des choses, mais nous sommes aussi convaincu⋅es que le prix ne doit pas être la barrière qui empêche les gens de s’émanciper. Nous avons donc mis en place sur Frama.space une infrastructure technique capable d’accueillir gratuitement des milliers d’espaces Nextcloud (type https://mon-asso.frama.space), à destination des structures qui n’ont pas ou peu de moyens.

Une licorne déguisée en cosmonaute (avec une passoire sur la tête) marche sur les nuages et souffle des bulles. Dans ces bulles, on retrouve des cubes symbolisant le travail en commun (dossiers, boite à outils, livres, machine à écrire, boulier, etc.).
Frama.space – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un autre frein identifié au passage au libre, est la relative difficulté technique à mettre en place et à maintenir une solution logicielle. Avec Frama.space, la gestion technique de votre espace est déléguée à Framasoft. Nous nous chargeons de fournir une instance à jour, correctement sécurisée, directement utilisable, et à la maintenir dans le temps.

Ces espaces Frama.space comportent la plupart des outils nécessaires pour collaborer entre membres, y compris une suite bureautique collaborative en ligne (par défaut Collabora Online), mais le référent du Frama.space pourra lui préférer OnlyOffice).

Pour préserver le modèle économique des entreprises ou CHATONS déjà en place, nous limiterons cette offre à des structures ayant des besoins mesurés (50 comptes max, 40Go d’espace tous utilisateurs confondus) et des moyens modestes (c’est-à-dire n’étant pas prêtes à franchir le cap de payer chez un autre hébergeur).

2️⃣ C’est pourquoi notre seconde mission est de mettre gratuitement à disposition, sur les trois ans à venir, jusqu’à 10 000 espaces Nextcloud, pour des petites structures associatives ou militantes.

Capture écran montrant le fonctionnement de Collabora Online au sein de Nextcloud
Les espaces Frama.space sont livrés avec Collabora Online par défaut (OnlyOffice en alternative), ce qui permet une collaboration à plusieurs au sein d’un même document bureautique (texte, tableur, présentation, etc)

3) Aider à faire émerger une communauté Nextcloud francophone

Nextcloud est un logiciel complet, mais parfois complexe (« Comment synchroniser mon agenda sur mon smartphone ? », « Comment faire pour partager mon budget prévisionnel en ligne ? » « Comment rédiger collaborativement le compte-rendu de notre Assemblée Générale ? »).

Il existe de nombreuses documentations en ligne. Mais encore faut-il les trouver, et pouvoir se les approprier. Par ailleurs, certaines personnes sont à l’aise avec les documentations écrites, d’autres avec les courtes vidéos explicatives, d’autres encore préfèrent être accompagnées par des formations.

Or, aujourd’hui, alors que Nextcloud compte plus de 40 millions d’utilisateur⋅ices dans le monde, il n’existe pas réellement de communauté francophone autour de ce logiciel. Il existe certes des espaces plutôt réservés aux personnes administrant techniquement le logiciel, mais reconnaissons qu’il ne s’agit pas vraiment de lieux d’entraide destinés aux personnes découvrant le logiciel.

Par ailleurs, chaque hébergeur et utilisateur a tendance à exploiter ses espaces Nextcloud « dans son coin ». Nous voudrions d’une part qu’ils puissent se connaître, partager leurs expériences (leurs difficultés comme leurs succès). Mais nous souhaitons aussi pouvoir réfléchir collectivement aux apports que cette communauté souhaiterait apporter au logiciel. Par exemple, pouvoir importer une liste d’utilisateurs sans passer par la ligne de commande, améliorer l’onboarding, c’est-à-dire l’accueil des nouveaux utilisateurs, etc. Discuter ensemble de nos besoins communs nous permettra d’améliorer ensemble Nextcloud pour qu’il corresponde mieux à nos attentes et nos pratiques.

3️⃣ C’est pourquoi notre troisième mission consistera à faire émerger une communauté Nextcloud francophone, notamment par le biais d’un forum d’entraide.

Capture écran du forum d'entraide de Frama.space
https://forum.frama.space : le forum d’entraide Frama.space, et plus largement autour des usages de Nextcloud

4) Utiliser Nextcloud comme outil d’empuissantement

Vous l’aurez compris, notre objectif est ici avant tout politique : fournir des planches, des marteaux et des clous à des associations, afin qu’elles puissent construire et développer leurs projets, leurs envies, sans être liées à des entreprises dont la vision du monde est aux antipodes de la leur.

Le fait que Frama.space ne s’adresse qu’à des petites associations ou collectifs permet aussi d’envisager d’autres possibilités intéressantes.

Par exemple, cela nous permet d’envisager de mettre les associations en contact entre elles beaucoup plus facilement, puisqu’elles utiliseront le même outil (petite parenthèse technique : Nextcloud est un outil fédéré, c’est à dire qu’il est simple de « connecter » entre eux différents espaces associatifs pour partager par exemple des dossiers privés pour une action ou des communiqués de presse en communs).

Cela nous permet aussi de faire circuler de l’information relative aux questions associatives très facilement (par exemple en informant sur un nouveau texte de loi, sur une mobilisation spécifique, etc.).

Par ailleurs, en interrogeant régulièrement les utilisatrices et utilisateurs par le biais de courtes enquêtes, Framasoft pourra développer, ou faire développer, de nouvelles fonctionnalités à Frama.space. Par exemple, en intégrant une application de gestion de membres et cotisations, ou une application de comptabilité basique. Notre volonté est de faire en sorte que l’outil corresponde au mieux aux besoins réels et exprimés des personnes qui utilisent Frama.space.

Enfin, nous souhaitons permettre à chacune et chacun d’améliorer sa capacité à collaborer et à coopérer. Nous savons qu’il faudra, pour cela, faire évoluer certaines pratiques. Par exemple, il existe de nombreux outils de prises de notes collaboratives (de Google Docs à Framapad, en passant par… Nextcloud), mais combien d’associations expérimentent au quotidien une situation de réunion à distance ? Une transparence radicale de l’information ? Une gestion de projet en ligne ?

Nous pensons que Frama.space peut être une formidable porte d’entrée pour réfléchir (avec d’autres ?) à ces changements de pratiques, sans pour autant laisser sur le carreau celles et ceux qui ont du mal avec les outils numériques.

L’objectif étant ici de faire en sorte que Frama.space ne soit pas qu’un simple outil numérique de plus, mais plutôt le support à l’expérimentation de pratiques numériques nouvelles, qui pourront se refléter dans des changements au sein de l’organisation (par exemple en finir avec Le-président-tout-puissant, ou La-secrétaire-qu’on-cantonne-aux-compte-rendus).

4️⃣ Notre quatrième mission (le boss de fin de jeu) sera donc d’accompagner les bénéficiaires de Frama.space vers un accroissement de leurs compétences coopératives, afin d’amplifier leur pouvoir d’agir.

Vidéo (© Nextcloud GmbH) de présentation de Nextcloud Hub, représentative des outils que vous pourrez retrouver dans Frama.space (hors Nextcloud mail).

Agrandir la taille du gâteau

Une autre façon de comprendre Frama.space, c’est que Framasoft ne souhaite pas prendre une part du gâteau du « marché de Nextcloud » : nous ne vendons rien, et nous souhaitons au contraire que l’écosystème autour de Nextcloud se développe et se renforce, y compris pour les structures commerciales.

Nous essayons plutôt d’agrandir la taille du gâteau, pour que chaque entreprise ou chaton puisse en avoir une part raisonnable.

Nous pensons en effet qu’en augmentant significativement la base d’utilisateur⋅ices de Nextcloud à l’aide de Frama.space, qu’en travaillant les aspects entraide et accompagnement, et qu’en favorisant les développements et améliorations du logiciel, cela crédibilisera cette solution libre par rapport à celles de Microsoft ou de Google.

Comment ça va se passer ?

Bien. Enfin… on l’espère !

Tout d’abord, si vous êtes un ou une responsable d’une association correspondant aux critères de sélection, vous pouvez d’ores et déjà candidater. Nous prévoyons d’ouvrir quelques centaines d’espaces d’ici fin décembre 2022, puis nous ferons une pause de 3 mois environ dans les inscriptions afin de stabiliser les choses, récolter les premiers retours, et apporter les corrections et améliorations les plus demandées.

Si la candidature de votre association correspond aux critères mais n’est pas validée, pas de souci : nous rouvrirons les inscriptions régulièrement à partir du second trimestre 2023 afin d’atteindre 10 000 espaces actifs fin 2025. Inscrivez-vous à la Newsletter Framaspace pour avoir les dates des périodes d’inscription.

Si vous êtes une entreprise, une école, une mairie, une « grosse » association, alors nous sommes sincèrement désolé·es, mais nous ne pouvons vous accueillir sur Frama.space. Cependant, comme nous vous le disions, de nombreuses autres alternatives à Frama.space existent ! Voir notamment cette réponse dans notre Foire Aux Questions qui pourra vous orienter.

Une fois votre candidature validée (le processus étant manuel, cela peut prendre jusqu’à 30 jours !), vous recevrez un lien vous permettant de vous identifier sur votre espace (de type https://mon-asso.frama.space) et commencer à utiliser votre espace Frama.space. Vos membres pourront s’y inscrire (par lien d’invitation) ou vous pourrez directement créer leurs comptes.

Par dessus les nuages un groupe de licornes volent et ont des activités que l'on peut avoir dans le cloud (lire, compter, clamer, faire de la musique, peindre, planter des graines, partager des fichiers, chercher, réparer, etc.)
Frama.space accueil – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Mais…

À ce stade, nous ne pouvons que vous féliciter de nous avoir lu jusqu’ici. 🙂 Cependant, nous imaginons qu’il vous reste pas mal de questionnements.

« Quelles sont les applications utilisables ? », « Comment protégez-vous mes données et mes utilisateurs ? », « Comment personnaliser mon espace ? », « Frama.space, c’est centraliser des données, mais je croyais que Framasoft voulait décentraliser Internet ?! »

Nous avons tenté de répondre à ces questions (et bien d’autres) dans notre Foire Aux Questions. N’hésitez pas à aller y jeter un œil. Si vous n’y trouvez pas votre réponse, posez nous vos questions en commentaire de cet article, nous tâcherons d’y répondre de notre mieux.

Découvrir Frama.space

Nous avons besoin de vous

Nous pensons qu’un service réalisé par une association pour des associations a du sens.

Frama.space est, techniquement, le projet le plus ambitieux mené par Framasoft à ce jour.

C’est aussi le plus coûteux. C’est aussi une des raisons qui explique que, contrairement aux services « Dégooglisons Internet » type Framapad ou Framadate, nous ne pouvons pas l’ouvrir sans limite ni discrimination.

Offrir jusqu’à 10 000 espaces, pouvant accueillir jusqu’à 500 000 personnes, c’est clairement une prise de risque financière pour Framasoft.

Surtout quand nous voulons les offrir, justement, à un public désargenté. Ajoutez à cela des crises sociales, énergétiques, économiques qui ont déjà mis plus que le pied dans la porte, et vous comprendrez que ce projet se fera très probablement à perte pour Framasoft. Nous rappelons que 98% des ressources de l’association provient de vos dons.

Barre de dons de Framasoft au 15 novembre 2022 à 33821 € sur 200000€.

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 166 200 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.

Nous avons donc besoin de votre soutien pour réussir le pari Frama.space, mais nous pensons sincèrement qu’un service réalisé par une association pour des associations a du sens.

Si vous le pensez aussi, que vous bénéficiez d’un Frama.space ou pas, nous avons donc besoin de votre soutien, dès maintenant, afin de nous « aider à aider » ces milliers de structures non seulement à quitter les GAFAM et à mettre leurs outils en cohérence avec leurs valeurs, mais aussi et surtout à mieux agir, à mieux coopérer, à mieux créer du lien. À mieux faire société, ensemble.

🦆 Découvrir Frama.space 🦆 Soutenir ce projet

(Médias : lire notre communiqué de presse)




De la friture sur le Fediverse ?

Nous vous avons proposé déjà trois articles qui font écho à l’actualité récente autour de Mastodon en voici un 4e, celui d’Aral Balkan, traduit pour vous par Framalang. Le héraut du SmallWeb insiste avec humour sur un point en effet crucial : la taille géante de certaines instances, due à la conception technique même du Fédiverse, risque d’être problématique…

Donc, après :

Voici Is the fediverse about to get Fryed ?

Traduction Framalang :  Claire, Fabrice, goofy, Henri-Paul, jums

Le Fédiverse va-t-il stephenfrire ?

(Ou « Pourquoi chaque pouet est aussi potentiellement une attaque par déni de service »)

par Aral Balkan

bandeau du compte mastodon de Fry, avec sa tête (homme âgé barbu souriant) en médaillon. le compte annonce (au moment de sa capture 5 pouets, 0 abonnements 27 000 abonnés"
Stephen Fry est une célébrité outre-Manche  : écrivain, humoriste, acteur et vedette de la TV (sa page Wikipédia)

 

Stephen est un gros poisson dans une petite mare (oui, j’en ai d’autres en réserve).

Attention : le Fédivers est sur le point de frire. Stephen Fry(re) bien sûr.

À la suite du récent rachat de Twitter par un milliardaire proto-fasciste immature, des gens ont fui1 vers le Fédiverse2. Parmi eux, certains avaient, au moins sur Twitter, des millions de followers, comme Greta Thunberg et, plus récemment, Stephen Fry3

— Eh bien, c’est sûrement une bonne chose, non ? Tout le monde va parler du Fédiverse, de la décentralisation, et peut-être même de ce Small Web dont tu parles tout le temps, Aral, non ?

Eh bien, oui et non… Trop de bonnes choses tue les bonnes choses. Et, dans le Fédiverse actuel, les bonnes choses seraient les « comptes populaires ». En fait, cela pourrait bien être fatal (pour les instances Mastodon). Je vais essayer de détailler dans cet article ce que je veux dire en prenant mon propre compte comme exemple.

Comment tuer un Mastodon(te)

(indice : en étant bavard quand vous êtes populaire)

Inutile de le préciser, je ne suis pas une célébrité.
Et pourtant, dans le Fédiverse, je me retrouve dans une situation un peu unique dans laquelle :

1. J’ai ma propre instance Mastodon, juste pour moi4.
2. Je suis suivi par pas mal de personnes. Plus de 22 000, pour être précis5.
3. Je suis beaucoup de personnes, et j’aime vraiment avoir des conversations avec elles (je pense que c’est ce que les jeunes branchés appellent « l’engagement »).

Malheureusement, la combinaison de ces trois facteurs a créé la tempête parfaite6, ce qui veut dire que désormais, chaque fois que je poste quelque chose qui suscite beaucoup d’engagement, je finis par conduire une attaque par déni de service contre moi-même.

Mastodon : déni de service en tant que service ?

Hier, c’était mon anniversaire.
Et, bien sûr, j’ai posté sur ce sujet depuis mon instance Mastodon.

tête d'Aral qui fait l'andouille sur un pouet de mastodon et demande en anglais : "qui a deux pouces et 46 ans aujourd'hui ?"

J’ai eu pas mal de réponses. Et, pour être poli, j’ai commencé à répondre à tout le monde avec des messages de remerciements. Oh non, mon pauvre naïf ! Qu’est-ce que tu n’avais pas fait ?

Je vais laisser mon ami Hugo Gameiro, qui gère masto.host et héberge mon instance, expliquer ce qui s’est passé ensuite7 :

Vous avez beaucoup d’engagement et cela sollicite beaucoup Sidekiq8.

Prenez, par exemple, votre message d’anniversaire. En plus de demander à des milliers de serveurs de traiter votre demande de réalisation (on appelle ça des « jobs ») pour propager votre message (pour 23 000 abonnés, disons 3 000 serveurs), votre serveur au moment de la création de votre message va créer 3 000 jobs Sidekiq. Et comme votre Sidekiq n’a que 12 threads, traiter 3 000 jobs va prendre du temps puisqu’il ne peut en traiter que 12 à la fois.
Ensuite, pour chaque réponse à ce message, 3 000 jobs sont à nouveau créés, afin que vos abonnés puissent voir votre réponse sans avoir à changer de serveur ou aller sur votre profil. Et puis, si vous répondez à votre réponse, 3 000 jobs supplémentaires sont créés, etc.
Si vous répondez aux 100 réponses que vous avez reçues en 10 minutes (en supposant que l’estimation de mon nombre de serveurs est correcte), vous créez 300 000 jobs Sidekiq. C’est pour cela que ça bouchonne.

Mais qu’est-ce que tout cela veut bien dire, si on omet le jargon technique ?
Eh bien, que je parlais trop en étant trop connu de tous.

tableau de bord de sidekiq avec plusieurs graphiques et des chiffres qui montrent un pic de fréquentation que le logiciel a du mal à traiter
Voilà à quoi ressemble un embouteillage sur Mastodon.

Alors, quelle est la solution ?
Eh bien, il n’y a qu’une chose à faire quand vous vous retrouvez dans ce pétrin : agrandir votre instance Mastodon9. Le problème ? Ça commence à coûter cher.
Avant la dernière migration de Twitter10, je payais environ 280 €/an (un peu plus de 20 €/mois) pour mon instance Mastodon grâce à un partenariat que j’avais avec Hugo depuis le début. Cette semaine, je l’ai agrandie avec un plan à 50 €/mois. Et ce n’est toujours pas assez, comme le montre mon message d’anniversaire, donc Hugo a gentiment suggéré de me proposer un plan sur mesure.
Le problème n’est pas résolu pour autant, il est juste repoussé (sauf si cet article énerve tout le monde, bien sûr).
Heureusement, comme j’ai ma propre instance, la seule personne pénalisée par cette dépense supplémentaire, c’est moi. Mais que se serait-il passé si j’étais sur une instance publique gérée par quelqu’un d’autre ?

Tu déconnes, Elon ?

tweet iroique d'Aral en anglais ; Silicon Vallée : on va rendre les gens dépendants en leur filan des sucreries gratuites pour qu'ils ne se rendent pas compte qu'on les trait comme des vaches à lait / Elon Musk : faisons-les payer 8 dollars par moi pour les sucreries

Si Elon Musk voulait détruire mastodon.social, l’instance phare de Mastodon, il lui suffirait de s’y inscrire11.
Heureusement, Elon n’est pas assez intelligent pour ça.

Je plaisante, bien sûr… Eugen bannirait très probablement son compte dès qu’il le verrait. Mais ça illustre un problème : Elon est facile à bannir. Stephen Fry l’est beaucoup moins. C’est un véritable trésor national pour nous tous. On ne le bannit pas comme ça.
Et pourtant, Stephen peut lui aussi (bien qu’involontairement) coûter très cher aux gens qui gèrent des instances Mastodon, simplement en rejoignant l’une d’elles12..
La solution, pour Stephen tout du moins, est simple : il devrait gérer sa propre instance personnelle.
Ou demander à quelqu’un de le faire à sa place, comme je le fais13.
Gérer sa propre instance apporterait aussi à Stephen un autre bénéfice : il serait automatiquement vérifié. Après tout, si vous parlez à, mettons, @stephen@social.stephenfry.com, vous pouvez être certain que c’est bien lui parce que vous savez qu’il gère son propre domaine.

Des instances personnelles à la rescousse



Mon discours au Parlement européen sur les problèmes avec la Big Tech et les approches différentes que proposent Mastodon, le Fédiverse, et le Small Web.

— Attends, je suis largué… Tu ne viens pas de dire que les instances personnelles étaient une partie du problème ?
— Oui et non : elles le sont et elles ne devraient pas l’être.

Si ActivityPub (le protocole) et Mastodon (un serveur qui adhère à ce protocole) avaient été conçus pour promouvoir la décentralisation, alors avoir plus d’instances sur le réseau ne serait pas un problème. En fait, ça serait même le signe d’un réseau décentralisé sain.
Cependant, ActivityPub et Mastodon ont été conçus de la même manière que la Big Tech / Big Web : pour encourager des services qui hébergent le plus d’utilisateurs14 possible.
Cette architecture est à la fois complexe (ce qui la rend difficile et coûteuse à héberger) et très efficace pour la Big Tech (où les choses sont centralisées et passent à l’échelle verticalement, et où le but est d’avoir / de contrôler / d’exploiter autant d’utilisateurs que possible).
Dans la Big Tech, le coût initial pour passer à l’échelle est subventionné par de nombreuses sociétés de capital-risque (des personnes riches investissant dans de nouveaux business d’extraction et d’exploitation – ce que la Silicon Valley appelle des startups – dans le but de devenir encore plus riches), et ça mène à ces silos géants15 que sont aujourd’hui les Google, Facebook et Twitter.
Toutefois, à la différence de la Big Tech, le but avoué du Fédiverse est de décentraliser les choses, pas de les centraliser. Du coup, comment pourrions-nous atteindre l’opposé des buts de la Big Tech en adoptant leurs architectures de base ?
Lorsque vous adoptez le design de quelque chose, vous héritez aussi des critères de réussite qui ont mené à ce design. Si ces critères de réussite ne correspondent pas à vos objectifs, vous avez un sacré problème.
Pour le dire plus simplement :
N’adoptez pas les critères de réussite de la Big Tech, sinon vous deviendrez la Big Tech.

Ce n’est pas la taille qui compte

Aujourd’hui, il y a une équivalence entre la taille de mastodon.social (l’instance gérée par Eugen) et le succès de Mastodon (le logiciel créé par Eugen). C’est très dangereux. Plus mastodon.social grossit, plus il va ressembler à Twitter.
Je peux presque vous entendre crier : « Mais Aral, c’est fédéré ! Au moins, il n’y a pas de verrous sur mastodon.social ! ».
Et c’est vrai.
Vous savez ce qui est également fédéré ? L’e-mail.
Avez-vous déjà entendu parler de cette petite et vieille instance appelée Gmail ? (Ou peut-être les termes « adopte, étend, étouffe » ?)
Savez-vous ce qui arrive à votre e-mail si Google déclare (à tort ou à raison) que vous êtes un spam ? Personne ne voit votre e-mail.
Vous savez ce qui se passe si mastodon.social bloque votre instance ? Des centaines de milliers de gens (bientôt des millions ?) ne pourront plus décider d’afficher ou non vos messages.
Que se passe-t-il quand votre instance bloque mastodon.social ? Absolument rien.
C’est un réel déséquilibre des puissances.

La décentralisation commence par soi-même

Mastodon est non-lucratif, et je n’ai pas de raison de croire qu’Eugen n’ait pas les meilleures intentions du monde. Et pourtant, la décentralisation commence par se décentraliser soi-même.
C’est dans l’intérêt du Fédiverse que mastodon.social donne le bon exemple en limitant sa taille volontairement.
En fait, ça devrait même être intégré au logiciel. Les instances Mastodon devraient être empêchées de croître au-delà d’une certaine taille. Les instances qui sont déjà trop grosses devraient avoir des moyens d’encourager les gens à migrer vers des plus petites.
En tant que communauté, nous devrions aborder les grandes instances comme des tumeurs : comment pouvons-nous les détruire pour qu’elles ne soient plus un danger pour l’organisme ?
En poussant ce raisonnement, on arrive au concept du Small Web, un internet où nous possédons et maîtrisons notre propre lieu (ou nos propres lieux).

Cliquez sur l’image pour voir une vidéo (sur aperi.tube, une instance PeerTube) : Aral expliquant ce qu’est pour lui le Small Web


Small is beautiful! (Petit c’est mieux) (octobre 2022) : Qu’est-ce que le Small Web et pourquoi en avons-nous besoin ?

 

Cui-cui ?

Je ne dis pas que les protocoles et applications actuels du Fédiverse peuvent, vont, ou même devraient évoluer vers le Small Web16. Pour l’instant, le Fédiverse est un palliatif inestimable qui fournit un lieu plus sûr que les fosses septiques centralisées de la Silicon Valley.

Le temps que durera le palliatif dépendra de notre capacité à résister à la centralisation. Les designs des serveurs et des protocoles qui incitent au passage à l’échelle vertical ne rendront pas forcément cette tâche plus facile. Et pourtant, il y a des moyens de pression sociaux que nous pouvons utiliser pour contrer leurs effets.

La dernière chose qu’on souhaite, c’est qu’une poignée de Zuckerbergs au petit pied gouvernent le Fédiverse. Ou pire encore, que vous deveniez vous-même un de ces mini-Zuckerbergs.

J’aime le fait que le Fédiverse existe. Et j’ai le plus grand respect pour les efforts gargantuesques qui lui sont dédiés. Mais je suis aussi très préoccupé par les décisions prises en termes d’architecture qui incitent à la centralisation, et non à la décentralisation. Je nous implore de reconnaître cela, pour limiter les risques du mieux que nous le pouvons, pour nous efforcer d’apprendre de nos erreurs, et pour faire encore mieux demain.
Gens d’ActivityPub et de Mastodon :
Considérez-moi comme votre canari dans une mine de charbon
« Cui-cui ! Cui-cui ! Cui-cui ! »

 

*Si vous souhaitez soutenir la Small Technology Foundation, qui est sans but lucratif : https://small-tech.org/fund-us




Mastodon, fin de (première) partie ?

L’afflux récent d’inscriptions sur Mastodon, sous forme de vague inédite de cette ampleur, a largement retenti dans les médias.

Beaucoup se sont penchés sur le réseau social fédéré avec une curiosité nouvelle, pour expliquer (parfois de façon maladroite ou fragmentaire, mais c’est habituel17) de quoi il retourne aux nombreux « migrants » qui ont réagi vivement à la prise de contrôle de l’oiseau bleu par E. Musk.

L’événement, car c’en est un tant les réseaux sociaux sont devenus un enjeu crucial, a suscité, et c’est tout à fait sain, beaucoup d’interrogations, mais souvent selon une seule perspective : « Vous venez de l’oiseau qui a du plomb dans l’aile, que pouvez-vous trouver et que devez-vous craindre en vous inscrivant sur Mastodon ? ». Et en effet cela répond plus ou moins à une forte demande.

Cependant il nous est apparu intéressant  d’adopter le temps d’un article une sorte de contre-champ : « que peuvent espérer ou redouter les mastonautes (ben oui on peut les appeler ainsi) avec de massives nouvelles arrivées ? »

C’est ce que propose d’analyser Hugh Rundle dans le billet que nous avons traduit ci-dessous. Il connaît bien Mastodon, dont il administre une instance depuis plusieurs années. Sa position pourra sembler exagérément pessimiste, car il estime qu’il faudra faire le deuil de Mastodon tel qu’on l’a connu depuis les débuts du Fédiverse. Qui sait ce qu’apporteront les prochains mois à la fédération de serveurs minuscules ou obèses qui par leur interconnexion fédèrent des êtres humains, hors de portée du capitalisme de surveillance ? Comme d’habitude, les commentaires sont ouverts et modérés.

Article original sur le blog de l’auteur : Mastodon’s Eternal September begins

Licence CC BY 4.0

L’éternel septembre de Mastodon commence…

par Hugh Rundle

 

Plus personne n’y va. Il y a trop de monde.

Yogi Berra, et alii

Cette fois, on dirait bien que c’est arrivé. Alors que les sites d’information commençaient à annoncer qu’Elon Musk avait finalisé l’achat de Twitter, l’éternel septembre du Fediverse – espéré et redouté en proportions égales par sa base d’utilisateurs existante – a commencé.

Nous avons déjà connu des vagues de nouvelles arrivées – la plus récente au début de cette année, lorsque Musk a annoncé son offre d’achat – mais ce qui se passe depuis une semaine est différent, tant par son ampleur que par sa nature. Il est clair qu’une partie non négligeable des utilisateurs de Twitter choisissent de se désinscrire en masse, et beaucoup ont été dirigés vers Mastodon, le logiciel le plus célèbre et le plus peuplé du Fediverse.

Deux types de fêtes

À Hobart, à la fin des années 1990, il y avait essentiellement trois boîtes de nuit. Elles étaient toutes plus ou moins louches, plus ou moins bruyantes, mais les gens y allaient parce que c’était là que les autres se trouvaient – pour s’amuser avec leurs amis, pour attirer l’attention, pour affirmer leur statut social, etc. Ça, c’est Twitter.

J’avais un ami qui vivait dans une colocation au coin d’un de ces clubs populaires. Il organisait des fêtes à la maison les week-ends. De petites fêtes, juste entre amis avec quelques amis d’amis. Ça, c’est le Fediverse.

Déferlement

Pour ceux d’entre nous qui utilisent Mastodon depuis un certain temps (j’ai lancé mon propre serveur Mastodon il y a 4 ans), cette semaine a été accablante. J’ai pensé à des métaphores pour essayer de comprendre pourquoi j’ai trouvé cela si bouleversant.

C’est censé être ce que nous voulions, non ? Pourtant, ça ressemble à autre chose. Comme lorsque vous êtes assis dans un wagon tranquille, discutant doucement avec quelques amis, et qu’une bande entière de supporters de football monte à la gare de Jolimont après la défaite de leur équipe. Ils n’ont pas l’habitude de prendre le train et ne connaissent pas le protocole. Ils supposent que tout le monde dans le train était au match ou du moins suit le football. Ils se pressent aux portes et se plaignent de la configuration des sièges.

Ce n’est pas entièrement la faute des personnes de Twitter. On leur a appris à se comporter d’une certaine manière. À courir après les likes et les retweets. À se mettre en valeur. À performer. Tout ce genre de choses est une malédiction pour la plupart des personnes qui étaient sur Mastodon il y a une semaine. C’est en partie la raison pour laquelle beaucoup sont venues à Mastodon en premier lieu, il y a quelques années.

Cela signifie qu’il s’est produit un choc culturel toute la semaine, pendant qu’une énorme déferlement de tweetos descendait sur Mastodon par vagues de plus en plus importantes chaque jour. Pour les utilisateurs de Twitter, c’est comme un nouveau monde déroutant, tandis qu’ils font le deuil de leur ancienne vie sur Twitter. Ils se qualifient de « réfugiés », mais pour les habitants de Mastodon, c’est comme si un bus rempli de touristes de Kontiki venait d’arriver, et qu’ils se baladaient en hurlant et en se plaignant de ne pas savoir comment commander le service d’étage. Nous aussi, nous regrettons le monde que nous sommes en train de perdre.

Viral

Samedi soir, j’ai publié un billet expliquant deux ou trois choses sur l’histoire de Mastodon concernant la gestion des nœuds toxiques sur le réseau. Puis tout s’est emballé. À 22 heures, j’avais verrouillé mon compte pour exiger que les abonnés soient approuvés et mis en sourdine tout le fil de discussion que j’avais moi-même créé.

Avant novembre 2022, les utilisateurs de Mastodon avaient l’habitude de dire pour blaguer que vous étiez « devenu viral » si vous obteniez plus de 5 repouets ou étoiles sur un post.

Au cours d’une semaine moyenne, une ou deux personnes pouvaient suivre mon compte. Souvent, personne ne le faisait. Et voilà que mon message recevait des centaines d’interactions. Des milliers. J’ai reçu plus de 250 demandes de suivi depuis lors – tellement que je ne peux pas supporter de les regarder, et je n’ai aucun critère pour juger qui accepter ou rejeter. En début de semaine, je me suis rendu compte que certaines personnes avaient crossposté mon billet sur le Mastodon sur Twitter. Quelqu’un d’autre en avait publié une capture d’écran sur Twitter.

Personne n’a pensé à me demander si je le voulais.

Pour les utilisateurs d’applications d’entreprise comme Twitter ou Instagram, cela peut ressembler à de la vantardise. Le but n’est-il pas de « devenir viral » et d’obtenir un grand nombre d’abonnés ? Mais pour moi, c’était autre chose. J’ai eu du mal à comprendre ce que je ressentais, ou à trouver le mot pour le décrire. J’ai finalement réalisé lundi que le mot que je cherchais était “traumatique”.

En octobre, j’avais des contacts réguliers avec une douzaine de personnes par semaine sur Mastodon, sur 4 ou 5 serveurs différents. Soudain, le fait que des centaines de personnes demandent (ou non) à se joindre à ces conversations sans s’être acclimatées aux normes sociales a été ressenti comme une violation, une agression. Je sais que je ne suis pas le seul à avoir ressenti cela.

Le fait que tous les administrateurs de serveurs Mastodon que je connais, y compris moi-même, aient été soudainement confrontés à un déluge de nouveaux inscrits, de demandes d’inscription (s’ils n’avaient pas d’inscription ouverte), puis aux inévitables surcharges des serveurs, n’a probablement pas aidé. Aus.social a cédé sous la pression, se mettant hors ligne pendant plusieurs heures alors que l’administrateur essayait désespérément de reconfigurer les choses et de mettre à niveau le matériel. Chinwag a fermé temporairement les inscriptions. Même l’instance phare mastodon.social publiait des messages plusieurs heures après leur envoi, les messages étant créés plus vite qu’ils ne pouvaient être envoyés. J’observais nerveusement le stockage des fichiers sur ausglam.space en me demandant si j’arriverais à la fin du week-end avant que le disque dur ne soit plein, et je commençais à rédiger de nouvelles règles et conditions d’utilisation pour le serveur afin de rendre explicites des choses que « tout le monde savait » implicitement parce que nous pouvions auparavant acculturer les gens un par un.

Consentement

Jusqu’à cette semaine, je n’avais pas vraiment compris – vraiment apprécié – à quel point les systèmes de publication des entreprises orientent le comportement des gens. Twitter encourage une attitude très extractive de la part de tous ceux qu’il touche. Les personnes qui ont republié mes articles sur Mastodon sur Twitter n’ont pas pensé à me demander si j’étais d’accord pour qu’ils le fassent. Les bibliothécaires qui s’interrogent bruyamment sur la manière dont ce “nouvel” environnement de médias sociaux pourrait être systématiquement archivé n’ont demandé à personne s’ils souhaitaient que leurs pouets sur le Fediverse soient capturés et stockés par les institutions gouvernementales. Les universitaires qui réfléchissent avec enthousiasme à la manière de reproduire leurs projets de recherche sur Twitter sur un nouveau corpus de pouets “Mastodon” n’ont pas pensé à se demander si nous voulions être étudiés par eux. Les personnes créant, publiant et demandant des listes publiques de noms d’utilisateurs Mastodon pour certaines catégories de personnes (journalistes, universitaires dans un domaine particulier, activistes climatiques…) ne semblaient pas avoir vérifié si certaines de ces personnes se sentait en sécurité pour figurer sur une liste publique. Ils ne semblent pas avoir pris en compte le fait qu’il existe des noms pour le type de personne qui établit des listes afin que d’autres puissent surveiller leurs communications. Et ce ne sont pas des noms sympathiques.

Les outils, les protocoles et la culture du Fediverse ont été construits par des féministes trans et queer. Ces personnes avaient déjà commencé à se sentir mises à l’écart de leur propre projet quand des personnes comme moi ont commencé à y apparaître il y a quelques années. Ce n’est pas la première fois que les utilisateurs de Fediverse ont dû faire face à un changement d’état significatif et à un sentiment de perte. Néanmoins, les principes de base ont été maintenus jusqu’à présent : la culture et les systèmes techniques ont été délibérément conçus sur des principes de consentement, d’organisation et de sécurité communautaires. Bien qu’il y ait certainement des améliorations à apporter à Mastodon en termes d’outils de modération et de contrôle plus fin des publications, elles sont en général nettement supérieures à l’expérience de Twitter. Il n’est guère surprenant que les personnes qui ont été la cible de trolls fascistes pendant la plus grande partie de leur vie aient mis en place des protections contre une attention non désirée lorsqu’elles ont créé une nouvelle boîte à outils pour médias sociaux. Ce sont ces mêmes outils et paramètres qui donnent beaucoup plus d’autonomie aux utilisateurs qui, selon les experts, rendent Mastodon « trop compliqué ».

Si les personnes qui ont construit le Fediverse cherchaient généralement à protéger les utilisateurs, les plateformes d’entreprise comme Twitter cherchent à contrôler leurs utilisateurs. Twitter revendique la juridiction sur tout le « contenu » de la plateforme. Les plaintes les plus vives à ce sujet proviennent de personnes qui veulent publier des choses horribles et qui sont tristes lorsque la bureaucratie de Twitter finit, parfois, par leur dire qu’elles n’y sont pas autorisées. Le vrai problème de cet arrangement, cependant, est qu’il modifie ce que les gens pensent du consentement et du contrôle de nos propres voix. Les universitaires et les publicitaires qui souhaitent étudier les propos, les graphiques sociaux et les données démographiques des utilisateurs de Twitter n’ont qu’à demander la permission à la société Twitter. Ils peuvent prétendre que, légalement, Twitter a le droit de faire ce qu’il veut de ces données et que, éthiquement, les utilisateurs ont donné leur accord pour que ces données soient utilisées de quelque manière que ce soit lorsqu’ils ont coché la case « J’accepte » des conditions de service. Il s’agit bien sûr d’une idiotie complète (les Condition Générales d’Utilisation sont impénétrables, changent sur un coup de tête, et le déséquilibre des pouvoirs est énorme), mais c’est pratique. Les chercheurs se convainquent donc qu’ils y croient, ou bien ils s’en fichent tout simplement.

Cette attitude a évolué avec le nouvel afflux. On proclame haut et fort que les avertissements de contenu sont de la censure, que les fonctionnalités qui ont été délibérément non mises en œuvre pour des raisons de sécurité de la communauté sont « manquantes » ou « cassées », et que les serveurs gérés par des bénévoles qui contrôlent qui ils autorisent et dans quelles conditions sont « excluants ». Aucune considération n’est donnée à la raison pour laquelle les normes et les possibilités de Mastodon et du Fediverse plus large existent, et si l’acteur contre lequel elles sont conçues pour se protéger pourrait être vous. Les gens de Twitter croient au même fantasme de « place publique » que la personne qu’ils sont censés fuir. Comme les Européens du quatorzième siècle, ils apportent la contagion avec eux lorsqu’ils fuient.

Anarchisme

L’ironie de tout cela est que mon « fil de discussion viral » était largement consacré à la nature anarchiste et consensuelle du Fediverse. Beaucoup de nouveaux arrivants ont vu très vite que les administrateurs de leurs serveurs se battaient héroïquement pour que tout fonctionne, et ont donné de l’argent ou se sont inscrits sur un compte Patreon pour s’assurer que les serveurs puissent continuer à fonctionner ou être mis à niveau pour faire face à la charge. Les administrateurs se sont envoyés des messages de soutien privés et publics, partageant des conseils et des sentiments de solidarité. Les anciens partageaient des #FediTips pour aider à orienter les comportements dans une direction positive. Il s’agit, bien sûr, d’entraide.

C’est très excitant de voir autant de personnes expérimenter des outils sociaux en ligne anarchistes. Les personnes intelligentes qui ont conçu ActivityPub et d’autres protocoles et outils Fediverse l’ont fait de manière à échapper à la prédation monopolistique. Le logiciel est universellement libre et open source, mais les protocoles et les normes sont également ouverts et extensibles. Alors que beaucoup seront heureux d’essayer de reproduire ce qu’ils connaissent de Twitter – une sorte de combinaison de LinkedIn et d’Instagram, avec les 4chan et #auspol toujours menaçants – d’autres exploreront de nouvelles façons de communiquer et de collaborer. Nous sommes, après tout, des créatures sociales. Je suis surpris de constater que je suis devenu un contributeur régulier (comme dans « contributeur au code » 😲) à Bookwyrm, un outil de lecture sociale (pensez à GoodReads) construit sur le protocole ActivityPub utilisé par Mastodon. Ce n’est qu’une des nombreuses applications et idées dans le Fediverse élargi. D’autres viendront, qui ne seront plus simplement des « X pour Fedi » mais plutôt de toutes nouvelles idées. Alors qu’il existe déjà des services commerciaux utilisant des systèmes basés sur ActivityPub, une grande partie des nouvelles applications seront probablement construites et exploitées sur la même base d’entraide et de volontariat qui caractérise actuellement la grande majorité du Fediverse.

Chagrin

Beaucoup de personnes ont été enthousiasmées par ce qui s’est passé cette semaine. Les nouveaux arrivants ont vu les possibilités du logiciel social fédéré. Les anciens ont vu les possibilités de la masse critique.

Mais il est important que ce ne soit pas la seule chose qu’on retienne du début de novembre 2022. Mastodon et le reste du Fediverse peuvent être très nouveaux pour ceux qui sont arrivés cette semaine, mais certaines personnes œuvrent et jouent dans le Fediverse depuis presque dix ans. Il existait déjà des communautés sur le Fediverse, et elles ont brusquement changé pour toujours.

J’ai été un utilisateur relativement précoce de Twitter, tout comme j’ai été un utilisateur relativement précoce de Mastodon. J’ai rencontré certains de mes meilleurs amis grâce à Twitter, qui a contribué à façonner mes opportunités de carrière. Je comprends donc et je compatis avec ceux qui ont fait le deuil de leur expérience sur Twitter – une vie qu’ils savent désormais terminée. Mais Twitter s’est lentement dégradé depuis des années – j’ai moi-même traversé ce processus de deuil il y a quelques années et, franchement, je ne comprends pas vraiment ce qui est si différent maintenant par rapport à il y a deux semaines.

Il y a un autre groupe, plus restreint, de personnes qui pleurent une expérience des médias sociaux qui a été détruite cette semaine – les personnes qui étaient actives sur Mastodon et plus largement le Fediverse, avant novembre 2022. La boîte de nuit a un nouveau propriétaire impétueux, et la piste de danse s’est vidée. Les gens affluent vers la fête tranquille du coin, cocktails à la main, demandant que l’on monte le volume de la musique, mettent de la boue sur le tapis, et crient par-dessus la conversation tranquille.

Nous avons tous perdu quelque chose cette semaine. Il est normal d’en faire le deuil.




Le Fédivers est tellement plus grand que Mastodon

Mastodon fait partie du Fédivers. Tous les serveurs Mastodon se parlent ainsi entre eux mais ils ne composent qu’une toute petite partie de cet écosystème qui comporte de nombreux autres services :

 

Tous ces réseaux sociaux, tous leurs contenus, tous leurs utilisateurs sont connectés entre eux sans qu’aucun intermédiaire ne soit impliqué. Et ça c’est grand.

 

Avec toute l’effervescence actuelle autour de Twitter, Mastodon est aujourd’hui n°1 des tendances Twitter en France. À nouveau.

C’est donc le moment d’écrire un article sur Mastodon, Castopod et le Fédivers. Castopod est connecté à Mastodon depuis avril 2021 (lire « Votre podcast est votre propre réseau social » et « Vers le Fédivers et au-delà ! ».)

Interest-over-time_Mastodon (Source: Google Trends)

La première fois que nous avons été témoins d’un tel enthousiasme pour Mastodon, c’était lorsque nous l’avons vu émerger en 2017. Beaucoup s’y sont créé un compte à l’époque, y voyant un refuge contre tout ce que l’on reprochait à Twitter. Depuis, nombreux sont restés, certains sont partis. Mais au final, il n’a pas remplacé Twitter. Et comme il ne le remplacera probablement pas cette fois non plus, mettons tout de suite les choses au clair : Mastodon n’est pas l’alternative ultime à Twitter.

Néanmoins, ce que nous pouvons lire ces jours-ci à propos de Mastodon – que ce soit dans un article, un fil de discussion ou un article de blog – part généralement du principe que Mastodon vise à remplacer Twitter, et 9 fois sur 10, le propos tombe dans l’une de ces deux catégories :

#1 “Mastodon est notre Sauveur, quittez Twitter sur le champs et rejoignez immédiatement Mastodon et vous connaîtrez alors le Bonheur éternel ! 😍”

ou bien…

#2 “Mastodon c’est tout pourri, c’est super compliqué et les messages privés ne sont pas chiffrés de bout en bout et les admins ont le pouvoir de vous bannir quand ils le veulent et ils vont manger vos enfants ! 💀”

Alerte divulgâchage : Ces deux déclarations sont un tantinet exagérées et tout autant inexactes l’une que l’autre.

Mastodon est un outil de microblogage, comme Twitter, mais la comparaison pourrait s’arrêter là.

Twitter est une propriété privée. Lorsque vous créez un compte sur Twitter, vous vous engagez à respecter les CGU de son propriétaire. Si vous ne les acceptez pas, vous pouvez – et vous devriez – partir. Mais Twitter est aussi une plate-forme fermée : rien n’entre, rien ne sort.


(Tiré de « Comment le podcast sauvera le Web ouvert »)

De l’autre côté, Mastodon est un logiciel. Il n’y a pas un serveur Mastodon. Il y a plein d’instances. Chacune de ces instances appartient également à quelqu’un — cette personne pourrait être vous — qui a installé le logiciel Mastodon, l’exécute et paie les factures du serveur. Comme sur Twitter, lorsque vous créez un compte sur un serveur Mastodon (ou instance Mastodon), vous vous engagez à respecter les CGU de son propriétaire. Encore une fois, si vous ne les acceptez pas, vous pouvez – et vous devriez – partir.

Mais la grande différence est que tandis que Twitter est une plate-forme fermée, Mastodon est une plate-forme ouverte du Fédivers : tout peut entrer dedans, tout peut en sortir. Tous les serveurs Mastodon peuvent se connecter entre eux. Tous les serveurs Mastodon peuvent se connecter à n’importe quel serveur du Fédivers.

(Tiré de « Comment le podcast sauvera le Web ouvert »)

Vous voyez la différence ?

Si vous êtes banni de Twitter, c’est la fin de la partie. Si vous êtes banni d’une instance de Mastodon, vous pouvez en rejoindre une autre. Ou vous pouvez lancer votre propre instance avec vos propres règles.

Pour autant, avoir votre propre instance Mastodon privée ne signifie pas que vous serez seul. Comme Mastodon est fédéré, chaque utilisateur de chaque serveur Mastodon pourra interagir avec chaque utilisateur de toutes les autres instances. Bien sûr, en tant qu’utilisateur ou administrateur, vous pouvez bloquer qui vous voulez. Ce choix vous appartient.

La nature ouverte du Fédivers, son interopérabilité, vous donne le pouvoir de comparer, de sélectionner et de choisir. Cela vous permet de quitter un service qui ne répondrait pas à vos critères.

Lorsque vous avez besoin de dentifrice, vous devez choisir celui que vous allez mettre dans votre bouche. Il en va de même pour le Fédivers : non seulement vous avez le pouvoir de choisir une instance, mais vous devez en choisir une.
Les écosystèmes que les GAFAM bâtissent sont comme l’Europe de l’Est des années 80 : l’absence de choix peut être rassurante mais elle dénote surtout une absence de liberté.

On se prive aussi de conditions loyales de concurrence. Des lois visant à empêcher les monopoles ont été mises en place au XXe siècle. Pourquoi n’applique-t-on pas la même logique au monde des plateformes ?

(De la Tribune « Il est urgent de reprendre le contrôle sur nos plateformes numériques »)

Alors quelle instance choisir pour créer un compte ? Je n’en ai aucune idée. Selon votre pays, votre langue, vos centres d’intérêt, et caetera, vous devriez trouver celle qui est faite pour vous. Cela nécessite un peu de recherche de votre part. joinmastodon.org/fr/servers peut être un bon endroit pour commencer la quête.

Notez que vous pouvez également avoir plusieurs comptes sur différentes instances. Cela peut être utile si vous avez plusieurs centres d’intérêt, parlez plusieurs langues… L’expérience en sera meilleure pour vous et pour vos abonnés. Par exemple, j’écris principalement en Anglais à propos de Podcasting 2.0 depuis mon compte @benjaminbellamy@podcastindex.social, alors que j’écris principalement en Français à propos d’open-source depuis mon autre compte @benjaminbellamy@framapiaf.org. Tout ce qui concerne Castopod est posté depuis notre propre instance : @castopod@podlibre.social. Ainsi personne ne peut bannir Castopod de Mastodon. (De la même manière que toutes les entreprises ont leur propre nom de domaine pour leur e-mail, elles devraient avoir leur propre instance. Ou alors cela revient à utiliser hotmail.com pour tous ses employés.)

Si vous utilisez une application mobile, telle que Fedilab, il y a de fortes chances que vous puissiez vous connecter à plusieurs comptes en même temps.

Mais le véritable avantage du Fédivers est l’interopérabilité totale entre des réseaux sociaux hétérogènes. Lorsque vous êtes sur Mastodon, vous pouvez lire les posts de vos voisins et des voisins de vos voisins, mais surtout vous pourrez voir, entendre, toucher, sentir ou goûter (pourquoi pas ?) des contenus provenant de plates-formes extérieures à Mastodon.

Lorsque vous publiez un tweet avec un lien vers une vidéo que vous avez mise sur Youtube, tous les likes, RT ou commentaires resteront sur Twitter et sur Twitter uniquement. Si Twitter supprime votre compte Twitter, toutes ces interactions seront perdues. Tout ces contenus ne vous appartiennent pas : il appartiennent à Twitter. Twitter fournit son audience. Ce n’est pas la vôtre.

Sur le Fédivers, les choses sont totalement différentes : si vous postez une vidéo sur Peertube, cette vidéo apparaîtra également sur Mastodon, et tous les likes, RT ou commentaires faits sur Mastodon iront également sur votre instance Peertube. Mastodon ne fournit pas l’audience, il apporte juste la connexion. Par conséquent, votre audience est vraiment la vôtre.

Revenons-en au podcasting, c’est la même chose : si votre podcast est hébergé sur Anchor et que vous demandez à votre public de poster des commentaires sur Apple Podcasts, ces commentaires appartiennent à Apple, pas à vous. Si Apple décide de dé-référencer votre podcast, vous perdrez tout contact avec votre audience et tous les commentaires qui y avaient été postés seront perdus.
En revanche, si votre podcast est hébergé sur Castopod et que vous demandez à votre audience de poster des commentaires sur Mastodon (ou n’importe quel autre réseau social du Fédivers), ces commentaires se retrouveront sur votre serveur et n’appartiendront à aucun intermédiaire. Personne ne pourra couper votre contenu de votre audience.

Le même mécanisme s’applique à tous les formats de contenus : Pleroma (microblogage), Peertube (vidéos), Pixelfed (photographies), Funkwhale (musiques), Mobilizon (événements), WriteFreely (blogging), BookWyrm (critiques littéraires), Castopod (podcasts)…

De le même manière que vous pouvez avoir un compte pour chaque usage (Twitter, Instagram, Soundcloud, Youtube…) vous pouvez avoir un compte sur chacune de ces plateformes, toutes connectées les unes aux autres. (Et gardez à l’esprit que chacune d’elles a plusieurs instances.)

@axbom@social.xbm.se a dessiné un très bel arbre pour représenter le Fédivers : fediverse-branches-axbom-12-CC-BY-SA (axbom.com/fediverse)

Alors devriez-vous envisager d’aller faire un tour sur le Fédivers dès maintenant ?
Si vous entendez garder le contrôle sur les contenus que vous créez, assurément oui.

Photo par Pixabay.

 

English version of this article: The Fediverse is so much bigger than Mastodon

Edit du 18/11/2022: Ajout de Pleroma




Mobilizon v3 : Find events and groups throughout the fediverse !

Mobilizon is the alternative we have been developing since 2019 so that everyone can emancipate their events and groups from Facebook. Except, unlike Facebook, Mobilizon is not a single platform. It is a software that specialists can install on a server to create multiple events and groups platforms (called « instances »), which can be linked together within a federation.

We do host Mobilizon.fr, but it is restricted to French speaking users (otherwise we wouldn’t be able to moderate). But we’ve got you covered : we propose a selection of other Mobilizon hosters on Mobilizon.org.

« Collectivise Internet / Convivialise Internet 🦆🦆 »Our new 3-year roadmap is funded by your donations. You will find a short presentation of this roadmap on our Support Framasoft website.

➡️ Read all blogposts of this campaign (oct. – déc. 2022, mostly in French)

It has been just under a year since we published the second version (« v2 ») of Mobilizon. That release brings us updates (time zones adjustment, improvements on language display, etc.), new features (possibility to follow the public activities of a group without having to join, exporting the attendants list of my event, possibility to search among past events, etc.) and some small tweaks (emails design, cards presenting events or groups appearance, etc.).

Rose, Fennec et mascotte de Mobilizon, sculpte le "pin" symbole qui pointe un endroit sur une carte en ligne. D'autres fennecs envoient des rayons de lumière sur la scupture pour la faire briller
Mobilizon – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

As we announced at the time, we wanted to develop in 2022 features that would improve content discovery (events, groups, their public pages, public articles of these groups). This is the path we have followed (well, when we say « we », we mean mainly ONE paid developer who devotes a part of his time to the project).

Let’s look around and see what this new version brings us!

Mobilizon Search Index, a global search engine to explore events and groups

As we know it was not always easy to find events or groups on Mobilizon, we worked for most of the year on creating Mobilizon Search Index, a new gateway to Mobilizon.

What can Mobilizon Search Index do for you

This tool allows you to search and explore Mobilizon by different ways:

  • if you are looking for a specific event or group, use the search bar
  • if you want to discover events by subject, browse through categories cards
  • if you want to find events nearby, geolocate yourself
  • if you want to discover popular groups, there is a category for that!
  • if you want to attend online events, we also highlight them

 

Mobilizon Search Index Homepage
Mobilizon Search Index Homepage

Mobilizon Search Index has been designed to inform you while respecting your attention:

  • The results will be the same for everyone, based only on your search (and your browser’s language), and absolutely not pre-sorted according to a profile (because there is no profiling, here!).
  • The results are presented in a clear and detailed way, to avoid the attention war leading to clickbait thumbnails and all caps over-the-top titles.
  • Search filters give you the power to sort the results out and display those you really want.
  • If you want to see in detail the content of an event or a group, Mobilizon Search Index will redirect you directly to the instance where it is hosted (since we have no interest in locking you into the search engine’s website). This is a way to help anyone experience and understand the notion of federation.

Let’s have a look at the new features of this search results page. First of all, you can choose the results display mode (list or map) by clicking on the top-right button.

results display in map mode
results display in map mode

 

Then you can filter the results according to several criteria. Look at the left-hand column to see which filters are already active and change them if needed:

  • type of content (events, groups or both)
  • online events
  • event date
  • distance
  • categories
  • event status (confirme, tentative or cancelled)
  • language

You can also sort the results by using the top right button (only in the « List » mode display). If your results are events and groups, this feature does not apply, you must first filter by content type.

If your results are events, you can sort by 6 different criteria:

  • best match (only relevant when using the search bar)
  • event date (from earliest to latest)
  • most recently published
  • least recently published
  • with the most participants

If your results are groups, you can sort by 2 different criteria:

  • best match (only relevant when using the search bar)
  • number of members (from largest to smallest)

Our gateway to explore Mobilizon contents

We know that by offering a single gateway to the Mobilizon federation, the structure that holds the keys to that gate gets great powers. They get the power to decide what will be accepted (or rejected) in the search directory. They get the power to record who searched for what, when, from where. And they get the power to intervene in the order and display of the results.

It is on such power mechanisms that Facebook has built its monopoly. Obviously, at Framasoft, we do not seek to be in a position of power… and even less to follow Meta’s (bad) example ! Nevertheless, we want to show the emancipating potential of this software which allows to reclaim the means to gather.

As we already did with Sepia Search (our search engine to explore contents upload on PeerTube), we take the responsibility of opening Mobilizon Search Index, our gateway to Mobilizon.

Rose searches – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

An a posteriori moderated search engine

Not all Mobilizon instances will be referenced on Mobilizon Search Index. This search engine will be based on the list of instances we maintain at https://instances.joinmobilizon.org. To date, this list consists of 83 instances, but we hope that more and more organizations will use Mobilizon.

This list is aligned with the policy for all of the services we offer:

Thus, if we are notified of an instance where contents explicitly condone terrorism or promote historical revisionism, we will remove it from the index (non-compliance with French laws, which we insist on in our TOS). Such removal will eliminate all events and groups hosted by that instance from the search results.

On the other hand, if one or more people come to abuse the time of our moderators with inappropriate and abusive reports, their words will be discredited and ignored (as indicated in our moderation policy (FR)).

However, we hope not to have to moderate this list too much in order to offer everyone the opportunity to discover the multitude of events and groups created on Mobilizon.

Mobilizon – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

A public indexing tool, reproducible and adaptable to your conditions

The source code, the « recipe » of Mobilizon Search Index, is transparent. We publish it on our software forge and we provides an API that other software (including Mobilizon instances) can use.

So anyone is free to set and host their own instance list, indexing engine and search site, by copying and adapting what we have created. It is up to you to take the power (and responsibilities) by hosting your own Mobilizon search engine, set up and moderated according to your culture, your indexing policy and your values!

A V3 to improve content discovery

A new design for the homepage and the search results page

This is the main new feature of this V3, as it was obvious to us that we would implement all the work done on Mobilizon Search Index in Mobilizon software. This V3 offers you new homepage and the search results page design.

Mobilizon v3 new homepage
Homepage of our French-speaking instance, Mobilizon.fr

On this new homepage, in addition to a total makeover of the graphic interface (do you like it?), we have changed the order in which the different contents are displayed:

  • the search bar is now more visible and you can precise a localization
  • you have 3 categories cards displayed (we highlight those with the most events)
  • 2 sections highlight events nearby and popular groups nearby your location (if you use the Geolocate me button or if you precise in your account’s preferences a city or region)
  • a new section is dedicated to upcoming online events
  • a section for the last published events on your instance and its federation

Our goal is to increase your chances of discovering events and groups that you never knew existed, to make the diversity of content published on Mobilizon more visible.

When you use the homepage search bar, Mobilizon displays a new search results page using Mobilizon Search Index design on which you can find all the features detailed above (map/list vue, filter system, sorting sytem). You even have one more critera in the left-hand column: you can choose results in your instance’s network or on the Fediverse.

If you are a Mobilizon instance’s administrator, you can choose and set up which search engine you want to use by default.

Also, the section « These events may interest you », placed at the bottom of events, uses new criteria (categories, event language and distance if the event has a physical address) in addition to tags to recommend you more relevant events.

gros plan sur Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, qui tient une loupe à la main. En fond, une carte représentant un village où des chemins mènent à un poitn commun. Au dessus d'elle, le symbole d'un lieu estampillé "v3"
Mobilizon v3 – Illustration by David Revoy – License : CC-By 4.0

Necessary substantive changes

During this year, we have modified many elements of Mobilizon in order not to build up technical debt (switch to VueJS 3, migration of the CSS framework from Bulma to Tailwind, etc.). Those changes are not visible when using Mobilizon but are necessary. They already give you the possibility of using a dark theme and they will make it easier for us to offer you more features (e.g. a theme system) in the future.

And we now offer administrators the possibility to use metrics tools (Matomo and Plausible) on their Mobilizon instance that allow them to have additional data (e.g. number of views on a page or number of views of an event) in addition to the stats provided by the software itself.

Mobilizon is still financed thanks to your donations

This v3 of Mobilizon has been partly financed on our 2022 budget, so directly thanks to the donations of the people who support Framasoft, and partly by the NLnet Foundation.

We don’t yet know exactly what we’re going to do on Mobilizon in 2023, but we know you’d love us to develop a feature for events import, ability for event organizers to privately contact attendees, and ability to fill in arbitrary contact information for event location.

Our new campaign Collectivize Internet / Convivialize Internet (in French) is going to require a lot of our energy, but be sure that we will hear your feedback to take them into account. So if you can (at the period we are aware that it is particularly complicated), and if you want to, please support the actions of our association.

Framasoft donation bar on 2022 11 8th, at 21744€ overs 200000

At the time of publishing, we are still missing 178 200 € to finance our yearly budget and make everything we want to do in 2023 happen.

If you can (especially in these hard times) and if you want to, thanks for supporting our non-profit and our actions.

 

Soutenir Framasoft

 

Helpful links




Mobilizon v3 : trouver des événements et groupes dans tout le fédiverse !

Mobilizon, c’est l’alternative que nous développons depuis 2019 pour que chacun·e puisse émanciper ses événements et groupes de Facebook. Sauf qu’à l’inverse de Facebook, Mobilizon n’est pas une plateforme unique. C’est un logiciel que des spécialistes peuvent installer sur un serveur pour créer leur propre plateforme d’événements et de groupe (appelée une « instance »). Ces instances peuvent se relier entre elles au sein d’une fédération.

Vous pouvez donc utiliser Mobilizon en vous inscrivant sur Mobilizon.fr, l’instance que nous hébergeons, mais vous pouvez aussi vous inscrire sur d’autres hébergements de Mobilizon (nous proposons une sélection sur Mobilizon.org).

« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »

Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

Voilà un peu moins d’un an que nous avons publié la seconde version (la « v2 ») de Mobilizon. Celle-ci apportait son lot de mises à jour (prise en compte des fuseaux horaires, amélioration de l’affichage des langues, etc.), de nouvelles fonctionnalités (suivre les activités publiques d’un groupe sans avoir besoin de s’y inscrire, exporter la liste des participantes d’un événement que l’on organise, recherche parmi les événements passés, etc.) et de petites retouches (apparence des emails, design des cartes présentant les événements ou les groupes, etc.).

Rose, Fennec et mascotte de Mobilizon, sculpte le "pin" symbole qui pointe un endroit sur une carte en ligne. D'autres fennecs envoient des rayons de lumière sur la scupture pour la faire briller
Mobilizon – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Nous l’annoncions déjà à l’époque, nous souhaitions développer en 2022 des fonctionnalités permettant d’améliorer la découverte des contenus (les événements, les groupes, leur page publique, les articles publics de ces groupes). C’est bien cette voie que nous avons suivie (enfin quand on dit nous, c’est surtout UN développeur salarié qui consacre une partie de son temps sur le projet) .

Petit tour des nouveautés de cette V3…

Mobilizon Search Index, un moteur de recherche d’événements et de groupes Mobilizon

Comme nous savons qu’il n’a pas toujours été facile de trouver des événements ou des groupes sur Mobilizon, nous avons travaillé une bonne partie de l’année à la réalisation de Mobilizon Search Index, une nouvelle porte d’entrée vers Mobilizon.

Ce que Mobilizon Search Index peut faire pour vous

Ce nouveau site vous permet de rechercher et d’explorer Mobilizon de différentes manières :

  • via la barre de recherche
  • en parcourant les catégories pour découvrir des événements par sujet
  • en vous géolocalisant pour trouver des événements à proximité
  • en vous laissant guider par notre sélection de groupes populaires
  • en découvrant la liste des événements en ligne

page d'accueil de Mobilizon Search Index
page d’accueil de Mobilizon Search Index

Mobilizon Search Index a été conçu pour vous apporter de l’information en respectant votre attention :

  • Les résultats seront les mêmes pour tout le monde, en fonction uniquement de votre recherche (et de la langue de votre navigateur), et absolument pas pré-triés selon un profil (parce qu’il n’y a pas de profilage !).
  • Les résultats sont présentés de manière claire et détaillée, afin d’éviter la course à la vignette racoleuse et aux titres criards tout en majuscules.
  • Les filtres de recherches vous donnent le pouvoir de trier l’affichage des résultats de manière avancée.
  • Si vous voulez voir en détail le contenu d’un événement ou d’un groupe, Mobilizon Search Index vous redirigera directement sur l’instance où il est hébergé (puisque nous n’avons aucun intérêt à vous enfermer dans le site web du moteur de recherche). Cela permet au passage de montrer concrètement la notion de fédération.

Regardons maintenant plus en détail les fonctionnalités proposées sur la page de résultats de recherche. Tout d’abord, vous pouvez choisir le mode d’affichage des résultats (liste ou carte) en cliquant sur le bouton en haut à droite.

affichage des résultats en mode carte

Vous pouvez aussi filtrer les résultats en fonction de plusieurs critères. Regardez dans la colonne de gauche pour voir quels filtres sont déjà actifs et modifiez-les si nécessaire :

  • type de contenu (événements, groupes ou les deux)
  • en ligne (ou pas)
  • date de l’événement
  • distance
  • catégorie
  • statut (confirmé, provisoire ou annulé)
  • langue

Vous pouvez également trier les résultats en utilisant le bouton « Tri » situé en haut à droite (uniquement dans l’affichage de type « Liste »). Si les résultats proposent des événements et des groupes, cette fonctionnalité ne s’applique pas, il faut d’abord filtrer par type de contenu.

Si vous affichez des événements, vous pouvez les trier selon 6 critères différents :

  • pertinence
  • date de l’événement (par ordre chronologique)
  • le plus récemment publié
  • le moins récemment publié
  • avec le plus de participant⋅es

Si vos résultats sont des groupes, vous pouvez les trier selon 2 critères différents :

  • pertinence
  • nombre de membres (du plus grand au plus petit)

Une porte d’entrée pour découvrir la diversité des contenus sur Mobilizon

Nous sommes conscients qu’en proposant une porte d’entrée unique vers la fédération Mobilizon, la structure qui détient les clés de cette porte prend le pouvoir. Elle prend le pouvoir de décider ce qui sera accepté (ou refusé) dans l’annuaire de recherche, elle prend le pouvoir de noter qui a cherché quoi, quand, depuis où, et elle prend le pouvoir d’intervenir dans l’affichage et l’ordre des résultats.

C’est d’ailleurs sur de tels mécanismes de pouvoir que Facebook a construit son monopole. Autant vous dire que, chez Framasoft, nous ne cherchons pas à être en situation de pouvoir… et encore moins à suivre le (mauvais) exemple de Méta ! Pour autant, nous voulons montrer le potentiel émancipateur de ce logiciel qui permet de se réapproprier les moyens de mobilisation.

Comme nous l’avons fait auparavant avec Sepia Search (notre moteur de recherche pour découvrir les contenus publiés sur PeerTube), nous prenons donc la responsabilité de vous proposer Mobilizon Search Index, notre porte d’entrée vers Mobilizon.

Rose Recherche – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un moteur de recherche modéré a posteriori

Toutes les instances de Mobilizon ne seront pas référencées sur Mobilizon Search Index. Ce moteur de recherche opérera sur la liste d’instances que nous maintenons sur https://instances.joinmobilizon.org. À ce jour, cette liste est composée de 83 instances, mais nous espérons vivement que de plus en plus d’organisations utilisent Mobilizon.

Cette liste est modérée en fonction de plusieurs critères :

Ainsi, si nous sommes informés d’une instance dont le contenu fait explicitement l’apologie du terrorisme ou promeut le révisionnisme historique, nous la supprimerons de l’index. Cette suppression aura pour effet d’éliminer des résultats de recherche tous les événements et groupes hébergés par cette instance.

D’autre part, si une ou plusieurs personnes viennent abuser du temps de nos modérateur⋅ices avec des signalements inappropriés et abusifs, leurs propos seront discrédités et ignorés (comme indiqué dans notre charte de modération).

Nous espérons cependant ne pas avoir à beaucoup modérer cette liste afin de proposer à toustes de découvrir la multitude d’événements et de groupes créés sur Mobilizon.

Mobilizon – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Un outil d’indexation public, reproductible et adaptable à vos conditions

Le code source (la « recette ») de Mobilizon Search Index est transparent. Il est publié sur notre forge logicielle et nous fournissons une API que d’autres logiciels (y compris les instances de Mobilizon) peuvent utiliser.

Ainsi, toute personne qui le souhaite est libre de créer et d’héberger sa propre liste d’instances, son moteur d’indexation et son site de recherche, en copiant et en adaptant ce que nous avons créé. C’est à vous de prendre le pouvoir (et les responsabilités) en hébergeant votre propre moteur de recherche Mobilizon, configuré et modéré selon votre culture, votre politique d’indexation et vos valeurs !

Une V3 pour améliorer la découverte des contenus

Un nouveau design pour la page d’accueil et la page de résultats de recherche

C’est la nouveauté principale de cette V3, puisqu’il était évident pour nous que nous allions implémenter dans le logiciel Mobilizon tout le travail effectué sur Mobilizon Search Index. Cette V3 vous propose donc un nouveau design de la page d’accueil et de la page de résultats de recherche.

Nouvelle page d'accueil de Mobilizon v3
Page d’accueil de notre instance Mobilizon.fr

Sur cette nouvelle page d’accueil, outre un total relooking de l’environnement graphique (ça vous plaît ?), nous avons modifié l’ordre d’affichage des différents contenus. Le menu « Explorer » a disparu au profit d’une barre de recherche plus visible qui vous permet de préciser votre localisation. Sous celle-ci, nous affichons les trois catégories qui proposent le plus d’événements au sein de votre fédération. Nous proposons ensuite deux sections qui mettent en avant les événements et les groupes populaires à proximité de votre position (si vous utilisez le bouton « Me Géolocaliser » ou si vous précisez dans les préférences de votre compte une ville ou une région). Une nouvelle section est consacrée aux événements en ligne à venir et nous terminons sur une section dédiée aux derniers événements publiés sur votre instance et sa fédération.

Notre objectif : augmenter vos possibilités de découvrir des événements et des groupes dont vous ne soupçonneriez pas l’existence, de rendre davantage visible la diversité des contenus publiés sur Mobilizon.

Lorsque vous utilisez la barre de recherche de la page d’accueil, Mobilizon affiche une nouvelle page de résultats utilisant un design similaire à Mobilizon Search Index. Vous y retrouvez toutes les fonctionnalités détaillées ci-dessus (vue carte/liste, système de filtre, système de tri). Vous disposez même d’un critère supplémentaire dans la colonne de gauche : vous pouvez choisir les résultats dans le réseau de votre instance ou sur le Fediverse.

Si vous êtes administrateur⋅ice d’une instance Mobilizon, vous pouvez choisir et paramétrer le moteur de recherche que vous souhaitez utiliser par défaut.

Enfin, la section « Ces événements peuvent vous intéresser », placée en bas des événements, utilise de nouveaux critères (catégories, langue de l’événement et distance si l’événement a une adresse physique) en plus des tags pour vous recommander des événements plus pertinents.

gros plan sur Rose, la fennec mascotte de Mobilizon, qui tient une loupe à la main. En fond, une carte représentant un village où des chemins mènent à un poitn commun. Au dessus d'elle, le symbole d'un lieu estampillé "v3"
Mobilizon v3 – Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Des modifications de fond nécessaires

Cette année, nous avons modifié de nombreux éléments de Mobilizon afin de ne pas accumuler de dette technique (passage à VueJS 3, migration du framework CSS de Bulma à Tailwind, etc.). Ces modifications ne sont pas visibles lorsqu’on utilise Mobilizon mais sont pourtant nécessaires. Elles nous permettent déjà de vous offrir la possibilité d’utiliser un thème sombre. Elles nous permettront, à l’avenir, de vous offrir plus facilement d’autres fonctionnalités (par exemple un système de thèmes).

Et nous offrons désormais la possibilité aux administrateur⋅ices d’utiliser des outils de métriques (Matomo et Plausible) sur leur instance Mobilizon qui leur permettent d’avoir des données complémentaires (le nombre de vues sur une page ou le nombre de vues d’un événement par exemple) en plus des éléments statistiques fournis par le logiciel lui-même .

Mobilizon est toujours financé grâce à vos dons

Cette v3 de Mobilizon a été en partie financée sur notre budget 2022, donc directement grâce aux dons des personnes qui soutiennent Framasoft, et en partie par la Fondation NLnet.

Nous ne savons pas encore exactement ce que nous allons faire sur Mobilizon en 2023, mais nous savons que vous aimeriez beaucoup une fonctionnalité d’import pour les événements, la possibilité pour les organisateur⋅ices d’événements de contacter de manière privée les participant⋅es et de pouvoir renseigner des coordonnées arbitraires pour la localisation d’un événement.

Notre nouvelle campagne Collectivisons Internet / Convivialisons Internet va nous demander beaucoup d’énergie mais nous ferons en sorte que l’outil évolue pour toujours plus prendre en compte les besoins dont vous nous faites part.

 

Barre de dons de Framasoft au 8 novembre 2022 à 21744 € sur 200000€.

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 178 200 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.

Si vous le pouvez (eh oui, en ce moment c’est particulièrement compliqué), et si vous le voulez, merci de soutenir les actions de notre association.

 

Soutenir Framasoft

 

Liens utiles




Framasoft.org : un site en cohérence avec qui nous sommes et ce que nous faisons

« Ah oui, Framasoft, je connais, c’est les framatrucs ! ». Alors oui, mais pas que. Ces dernières années, notre association a évolué en affirmant ses positions et en étendant ses actions. Il était temps de rendre notre projet associatif clair, fluide et facilement compréhensible. Et quoi de mieux pour cela qu’une refonte de notre site internet principal framasoft.org ? C’est parti pour la visite !

« Collectivisons Internet / Convivialisons Internet 🦆🦆 »

Les actions de notre nouvelle feuille de route étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire la série d’articles de cette campagne (oct. – déc. 2022)

Nos valeurs affirmées

Après 3 ans de travail, d’ateliers guidés par Marie-Cécile Godwin et de peaufinage par l’association, nous publions aujourd’hui notre manifeste.

Cette publication est particulièrement importante pour nous : elle clarifie notre raison d’être, le cadre de nos actions et les valeurs qui nous poussent à agir.

En cours de route, nous nous sommes dit : « Et si on faisait en sorte que les intentions du manifeste se comprennent dès l’arrivée sur framasoft.org ? ». C’est avec cette idée en tête que nous avons construit ce nouveau site.

 

Accueil framasoft.org

Pourquoi nous faisons tout ça ?

Ce qui nous motive (changer le monde pour plus de justice sociale !), pour qui nous le faisons (celles et ceux qui veulent aussi de ce monde meilleur) et qui nous sommes (une petite association, un groupe d’ami⋅es), c’est en fait essentiel pour bien comprendre notre projet associatif. Alors on le précise !

capture d'écran "Vous avez dit Framasoft ?"

C’est pas un peu politique ?

La politique, dans son sens premier, désigne ce qui est relatif à l’organisation d’une cité. Vouloir changer notre monde actuel pour un monde meilleur, où les Communs sont favorisés, où la justice sociale est une base, où les libertés sont préservées, c’est politique ! L’élaboration de notre manifeste nous permet de mettre en avant une évidence : notre projet associatif est politique.

capture d'écran "C'est pas un peu politique ?"

Remise au point de certaines idées reçues

Framasoft est une petite association, qui n’est pas neutre (et ne souhaite pas l’être), et qui dépend de vous, de vos dons. Cela n’est pas toujours connu par nos bénéficiaires, et le rappeler est toujours utile. On en profite pour glisser une vidéo qui parle un peu plus de l’association. En images, c’est quand même plus sympa !

capture d'écran "Idées reçues"

L’étendue de nos actions éclaircie

En 2021, notre objet social a évolué. Nous sommes passés « d’association de promotion de la culture libre en général et du logiciel libre en particulier » à une « association d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels ». Réfléchir et mettre en place des actions qui facilitent l’émancipation des citoyens et citoyennes, c’est notre objectif, et les actions qui en découlent peuvent prendre différentes formes, que l’on voulait rendre visibles.

Montrer nos différents axes d’action

Depuis quelques mois, nous présentons ce que nous faisons en 3 catégories : l’éducation populaire, l’émancipation numérique et l’archipélisation. Cette catégorisation nous permet de mieux expliquer nos actions : nous avons ainsi créé des sous-pages, permettant de rentrer dans le détail.

capture d'écran "On agit concrètement pour"

Des exemples concrets, ça parle toujours plus que de longs discours. La page d’accueil est parsemée d’actions concrètes que nous menons : services en ligne, exemples de communs culturels auxquels nous avons contribué ou encore articles et conférences que nous avons réalisées.

capture d'écran "On nous connaît souvent pour"

Trouver ce que nous disons et où nous retrouver

Du contenu que l’on peut actualiser pour rendre le site plus « vivant » ? Nous, on dit oui ! Que ce soit une actualité mise en avant, la vidéo d’une conférence ou des articles de blog dernièrement publiés : nous allons pouvoir faire de notre site internet une vitrine régulièrement renouvelée, pour exposer ce qui se passe dans l’association.

capture d'écran "à voir et à lire"

Nous avons aussi envie de mieux valoriser nos participations à différents événements. Après quelques réflexions, il nous a semblé plus que judicieux d’utiliser le logiciel de gestion de groupes et d’événements que nous développons, Mobilizon, pour valoriser nos interventions. Nous avons ainsi mis en place un groupe sur notre instance Mobilizon.fr, où nous ajoutons au fur et à mesure les prochains événements auxquels nous participerons. Nous avons ensuite relié ces événements à notre nouveau site internet : tadaaa, la partie « On se voit bientôt » s’actualise « toute seule ». Pratique, non ?

capture d'écran "On se voit bientôt ?"

Nos actions réalisables grâce à vos dons

Dès le haut de page, nous avons voulu mettre en avant que si tout cela est possible, c’est bien grâce à vous, grâce à vos dons. Le budget de notre association repose en effet à plus de 98% sur des dons (dont 86% sont des dons de particuliers). En bas de page, un formulaire de dons permet d’apporter plus de précisions (quelques chiffres, comment nous utilisons les dons et des réponses à des questions plus générales).

Soutenir Framasoft

Un joli coup de pinceau

Notre image a bien évolué au fil des ans

Tout comme nos actions ont évolué ces dernières années, notre image a, elle aussi, quelque peu changé. Entre 2014 et 2016 (lors du lancement de la campagne « Dégooglisons Internet »), nos illustrations étaient plutôt humoristiques, voire satiriques, notre but étant de dénoncer les dérives des géants du web (vous trouverez quelques archives par ici).

Depuis 2017 (avec le lancement de Contributopia), nous avons commencé à travailler avec David Revoy, dans un univers plus poétique. Nous avons, au fil des années, poursuivi cette ligne plus optimiste, où nous voyons qu’une co-construction est possible. Nous voulons montrer des imaginaires où nous ne nous prenons pas au sérieux, où nous essayons des choses et où nous avons le droit à l’erreur. Quelque chose qui représente aussi nos valeurs, quoi !

Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

Une mise en pratique progressive

L’année dernière, nous avons entamé une grande mise à jour des pages d’accueil de nos services en ligne. Le but ? Comprendre rapidement comment accéder au service, informer de ce qu’il fait, ses conditions, et préciser qui est derrière tout ça… tout en actualisant la page à notre image.

Nous avons ensuite entamé un travail de mise à jour de nos contenus imprimés (que vous pouvez retrouver par ici) et l’identité visuelle de Framasoft s’est peu à peu peaufinée : couleurs, illustrations, polices… Nous avons recherché plus d’unité dans nos différents supports pour mieux nous représenter.

Documents imprimés de Framasoft - octobre 2022
Dépliants, affiche et stickers de Framasoft

 

Nous avons ensuite, durant l’été, remis en beauté notre site degooglisons-internet.org. Un nouveau pas pour appliquer l’évolution de notre image à nos outils en ligne.

Illustration « Quittons la planète GAFAM NATU BATX », CC BY David Revoy
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

 

C’est maintenant la figure de proue de notre association, framasoft.org que nous avons mise à jour, en reprenant tous ces éléments qui nous représentent plus sincèrement. De quoi mieux comprendre ce que fait, ce que veut mais aussi qui est cette association Framasoft.

Un travail à plusieurs mains

Nous avons fait à nouveau appel à Marie-Cécile Godwin pour travailler la trame de la page d’accueil, et nous permettre d’y intégrer le manifeste (et que nos valeurs puissent transparaître entre les lignes). Notre équipe salariée s’est mobilisée pour rendre tout cela pertinent, agréable à utiliser, et agréable à regarder tandis que l’équipe bénévole s’évertuait à peaufiner et préciser notre manifeste.

On espère que le site vous sera utile, que ce soit pour chercher du contenu, comprendre ce que l’on fait ou creuser certains sujets. En tout cas, on prend le temps de vous remercier encore une fois de votre soutien, qui a rendu cette refonte possible !

 

 

À l’heure où nous publions ces lignes, nous estimons qu’il nous manque 184 500 € pour boucler notre budget annuel et nous lancer sereinement dans nos actions en 2023.

Si vous le pouvez (eh oui, en ce moment c’est particulièrement compliqué), et si vous le voulez, merci de soutenir les actions de notre association.

 

Soutenir Framasoft

 

Ressources à consulter :




Deux ans en tout-doux-cratie : bilan et perspectives

Ce billet est la seconde et dernière partie d’une enquête sur la gouvernance associative. La première partie est par ici : https://framablog.org/2022/09/05/de-la-bureau-cratie-a-la-tout-doux-cratie-refonder-la-gouvernance-associative


TL;DR : Picasoft est un chaton majoritairement étudiant actif depuis 2016. Comme nombre d’associations 1901, il fonctionnait avec un bureau classique : président·e, trésorier·e… et, dans notre cas, responsable technique. Les responsables ont bon dos : grand pouvoir, grande responsabilité, tout ça. Quand cette pression devient trop forte, des conflits éclatent, remettant en question l’existence même du bureau. On décide alors de changer de mode de gouvernance : il nous faut quelque chose de plus horizontal, qui répartit la charge mentale. Mais quand on a dit horizontalité, on a tout et rien dit. Comme le rappelle Jo Freeman dans La tyrannie de l’absence de structure, l’horizontalité sans structure risque de reproduire des rapports de domination sans les rendre palpables.

C’est dans ce sillage que s’inscrit la tout-doux-cratie : un mode de gouvernance qui tente de concilier fluidité, démocratie et bienveillance. L’accès à l’information pour tout·es y est central. Les actions se divisent en deux catégories : ordinaires, qui peuvent être menée sans consensus a priori, et extraordinaires, qui requièrent un consensus ou, du moins, une absence de dissensus. La charge de prouver qu’une action ne devrait pas être menée est transférée sur la personne qui n’est pas d’accord. Sans consensus explicite, l’action peut être menée à l’expiration d’un délai. La discussion et la recherche de compromis sont privilégiés sur le vote, qui n’intervient qu’en dernier recours.

Voilà pour le résumé à la hache. Pour les détails… je vous renvoie à la première partie.

Dans ce billet, je vous propose de faire un bilan après plus de deux ans en tout-doux-cratie : d’abord en examinant quelques statistiques, puis en rentrant dans le détail de cas difficiles, sujets à tensions. Enfin, je passerai en revue les limites possible de ce mode de gouvernance.

La tout-doux-cratie en chiffres

La première partie du billet était essentiellement théorique. En pratique, Picasoft est en tout-doux-cratie depuis près de deux ans, ce qui est un délai raisonnable pour une première évaluation. Pour ce faire, on a développé un petit script qui produit des statistiques sur les actions. L’idée est de voir si dans notre cas, le système est fonctionnel. Je vous propose de regarder les chiffres et de les commenter.

Les actions initiées totalisent à 108 : 50 ordinaires et 58 extraordinaires. Le nombre d’actions ordinaires est sous-estimé, car pas toujours formalisé de sorte à ce que le script le détecte. Sur les actions repérées, quelques statistiques :

Intitulé Taux
Actions avec une majorité contre 0%
Actions avec au moins un contre 2%
Actions avec au moins un contre acceptées par délai 1%
Participation moyenne aux actions extraordinaires 60%
Actions extraordinaires sans vote contre acceptées par délai 10%
Actions avec au moins un neutre 12%
Participation moyenne aux actions ordinaires 50%

 

Le premier chiffre important à regarder est le taux d’actions avec une majorité contre (équivalent à un contre-vote à majorité pour), car c’est le seul cas où une action est refusée. Ce taux est littéralement nul, c’est-à-dire que l’ensemble des actions entreprises en tout-doux-cratie depuis 2 ans ont été statutairement acceptées.

Ma première intuition — et probablement la vôtre à la lecture de ce chiffre — est de sentir que le système est dysfonctionnel. En effet, que dire d’un mode de décision qui a laissé passer l’absolue totalité des actions initiées 2 ans durant ? Il semble n’y avoir que deux solutions. Soit tout le monde est tout le temps d’accord…

Allégorie extrêmement réaliste de la vie en tout-doux-cratie.

…soit les désaccords ne sont pas exprimés au niveau du vote. Et en fait, l’acceptation de la quasi-totalité des décisions — malgré des désaccords — est précisément le signe d’une tout-doux-cratie qui fonctionne. Je m’explique.

On l’a vu, le vote contre est un outil de dernier recours. En d’autres termes, les membres n’ont pas soumis d’actions dont ils savaient qu’elles faisaient l’objet de dissensus trop forts. Cette affirmation se vérifie par le taux d’actions avec au moins un vote contre : 2%. Parmi elles, la moitié n’ont pas récolté une majorité de votes pour, mais n’ont pas non plus récolté de majorité de votes contre. Les règles de la tout-doux-cratie autorisent alors l’auteur·ice de l’action à la réaliser. La sélection est réalisée en amont du vote.

Pour autant, ces actions ont été abandonnées, sur un principe de bonne foi : on pensait bien faire, mais on constate que l’action ne fait pas consensus, alors on abandonne.

Deuxième chiffre crucial : la participation moyenne aux actions extraordinaires. Ces actions pouvant avoir un impact fort sur l’association, il est désirable qu’elles soient décidées par le plus grand nombre. Cette participation est de 60%, c’est-à-dire qu’en moyenne, plus de la moitié des membres donnent leur avis sur les actions extraordinaires. Si on peut se satisfaire de ce minimum, le chiffre reste un peu faible pour des actions de cette importance.

On peut toutefois justifier la faiblesse de ce chiffre par le contexte associatif ; le bénévolat passe souvent après les obligations et les étudiant·es qui se désintéressent de l’association mettent du temps à actualiser leur statut de membre.

Le dernier chiffre significatif correspond au nombre d’actions extraordinaires qui ont été acceptées par expiration du délai : ce sont les actions sans contre, mais sans adhésion majoritaire. Près d’une action sur dix est concernée ; ce sont à peu près les mêmes qui recueillent des votes neutres. Le neutre n’étant pas formalisé dans les statuts, il est difficile d’estimer à quel point l’absence de vote vaut un neutre, une abstention ou un manque de réactivité. Pour autant, l’acceptation de ces actions n’est pas pathologique dans la mesure où les membres de l’association se sont engagé·es à se tenir informé·es ; à l’expiration du délai, l’ensemble des membres a eu l’opportunité de donner son avis. Par fluidité, on avance même si le consensus n’est pas explicite.

Pour donner corps à ces chiffres, je vous propose d’examiner dans le détail certaines des actions tout-doux-cratiques concernées.

La tout-doux-cratie à l’épreuve

Dans les deux situations qui suivent, la tout-doux-cratie a été mise à l’épreuve : image de l’association fortement engagée, pas de consensus facile et nécessité de décider dans l’urgence.

Picasoft au concours de la reine du muguet

À Compiègne, chaque année, la mairie organise un concours sexiste, discriminatoire, conservateur et paternaliste : la reine du muguet. Chaque année, une nouvelle « reine » est élue et a pour prérogative de représenter la ville à tous les événements qui chantent à la mairie. Pour rendre compte de l’absurdité de ce concours, voici quelques mots choisis de son règlement :

La participation d’une candidate à l’élection implique de pouvoir répondre aux conditions suivantes :
‐ Avoir entre 18 et 22 ans lors de l’inscription et être de nationalité française.
[…]
‐ Être célibataire, sans enfant.
[…]
‐ Être d’une taille minimum de 1,65 m.
[…]
Une fois élues, […] elles s’engagent à ne porter l’écharpe et la couronne qu’avec l’accord de la Ville, à porter la tenue offerte par la Ville, à ne pas fumer et ne pas utiliser de téléphone portable lors de représentations publiques.
[…]
La Candidate veillera à porter, pour toutes les convocations officielles décrites ci dessus, une tenue correcte exigée (robe et chaussures).
[…]
La Candidate s’engage à se comporter en toutes circonstances et en tous lieux avec grâce, élégance et dignité.

Ces extraits se passent de commentaires.

Le conseil municipal en plein brainstorming pour disrupter la prochaine édition.

 

En revanche, le règlement ne dit rien sur le sexe de la candidate ; seul le pronom elle, qui dénote le genre, est employé. Si on peut raisonnablement douter que la mairie de Compiègne soit sensible à cet argument, il n’en fallait pas plus pour qu’un·e membre de sexe masculin de Picasoft, répondant par ailleurs aux conditions formulées (détenteur·ice d’un formidable mètre quatre-vingt, non fumeur·se, célibataire, rempli·e de grâce, équipé·e en robe et chaussure de bon ton) décide d’aller troller le concours en s’y présentant avec la dignité de circonstances.

Seulement, il y a un hic : les candidates doivent « être présentée[s] par un commerçant ou une association de Compiègne ». Qu’à cela ne tienne, Picasoft est domiciliée à Compiègne. Une action extraordinaire est lancée dans la mesure où l’image de Picasoft est engagée. Les avis divergent particulièrement. Picasoft est-elle prête à mettre les pieds dans le plat pourri de la politique locale et à en assumer les conséquences ? Est-ce raisonnable de parrainer une candidature alors que c’est sans rapport aucun avec l’objet de l’association ?

Neuf jours plus tard, c’est la deadline pour s’inscrire au concours de la reine du muguet. Or le délai de 10 jours avant levée du verrou bloquant concernant une action extraordinaire n’est pas passé. Aucun vote contre, quelques votes pour, mais clairement pas encore assez pour dégager une majorité. Conclusion en tout-doux-cratie : le soutien de la candidature n’est pas autorisé.

Mais pour interroger la tout-doux-cratie, imaginons un monde alternatif où l’action aurait été lancée un jour plus tôt. Pas de vote contre, pas de majorité non plus ; 10 jours passent, le verrou expire, l’action aurait été validée. C’est cette expérience de pensée qui anime une autre discussion entre les membres : est-ce normal qu’une décision qui engage l’image de l’association et qui rencontre de nombreux doutes soit validée par manque de participation ?

Ce qui en ressort, c’est que voter contre est un acte très fort en tout-doux-cratie. Pour rappel, voter contre bloque la décision pendant 10 jours et enjoint le·la contre-votant·e à faire consensus autour du rejet pour bloquer définitivement l’action. Aussi, les votes sont publics et un vote contre peut être pris personnellement, particulièrement dans ce genre de cas.

D’un autre côté, voter pour quand on a une faible implication dans l’asso n’est pas évident : la personne qui vote ne sera pas forcément là pour assumer les conséquences, même si elle est pour sur le principe.

Ces frilosités à se positionner clairement sont virtuellement des votes blancs, qui ne sont pas distincts de l’abstention dans les statuts. En pratique, un smiley de drapeau blanc donne des indices sur le canal de vote. Et voter blanc est dans ce cas dans l’esprit de la tout-doux-cratie : je me m’engage pas, je ne suis sûr⋅e, mais je ne veux pas bloquer la décision. La fluidité et les compromis prévalent sur les blocages. Si d’autres personnes sont ok, alors ça me va que ça se fasse, mais sinon il faut me convaincre.

Ce coût du vote contre est assumé : à n’utiliser qu’en dernier recours, quand une action est particulièrement conflictuelle et qu’il faut trancher formellement. Ici, l’action aurait été certes statutairement validée, mais elle n’aurait pas produit de consensus. Le·a membre en question s’était d’ailleurs engagé·e à ne pas présenter sa candidature sans un consensus fort. Question de confiance, donc… dont on reparlera en dernière partie.

Picasoft au ministère de l’intérieur du Koweït

Le 7 décembre 2021, Picasoft reçoit un curieux mail, intitulé « threating e-mail using drop@picasoft.net urgent disclosure request ». Le corps du message est un court message (Kindly find attached our request – Awaiting your kind reply) qui fait référence à une pièce jointe au format PDF.

Son contenu va vous surprendre.

Autant vous dire que jusque là, ça ressemble à un début de scam, du phising ou que sais-je encore. Le courrier provient supposément du ministère de l’intérieur du Koweït et explique que notre instance de Lufi — un service libre et sécurisé de partage de fichiers — est utilisée entre autres pour envoyer des menaces de mort et de kidnapping à une famille qui a porté plainte.

Le courrier se finit par une demande :

En bref, nous sommes enjoints à transmettre à l’expéditeur les informations personnelles sur l’utilisateur de Lufi à l’origine des menaces. Le courrier contient en annexe les mails reçus par la victime. Leur contenu est particulièrement violent. Une dernière annexe reproduit la carte d’identité de la victime et la plainte qu’elle a déposée.

C’est le premier cas du genre qui se présente chez Picasoft. Bien que l’approche soit extrêmement douteuse, nos investigations confirment que le courrier est authentique 18

À ce stade, les membres qui ont authentifié la demande et pris connaissance de la gravité des menaces font face à un dilemme éthique : que faire, sachant que des vies sont peut-être en danger ? Il n’est alors pas exclu de transmettre l’information demandée, malgré l’illégalité d’une telle action, à la condition de communiquer publiquement sur l’ensemble du processus de décision.

Un mail est envoyé dans la foulée au ministère de l’intérieur du Koweït pour confirmer la réception de leur demande et leur demander de patienter. Comme l’action engage très fortement l’association, une action extraordinaire est nécessaire. En revanche, il semble difficile de se prononcer sans prendre connaissance de l’ensemble des éléments. Or, lire ces documents, c’est aussi s’exposer à leur lourde violence. L’idée est alors de déléguer la décision finale à un groupe de volontaires :

[…] Un groupe de membres s’est donc constitué et je demande par cette action qu’on leur délègue le droit de décider en conscience de l’action à mener, transmettre ou pas les éventuelles infos, sachant que […] s’ils décident de le faire c’est bien une décision de l’asso, parce qu’on aura considéré ici qu’il existe des cas ou il est légitime de le faire et qu’on leur aura donné mandat pour cette action.

La situation est urgente, il est difficile de prendre du recul. À rebours complet des discussion jusqu’alors, un membre intervient et recadre le débat : il faut sans aucun doute répondre par la négative. Le Koweït n’a pas à intervenir directement auprès d’un ressortissant français, quelle que soit l’urgence, et connaît les procédures pour passer par les autorités françaises. Il est donc inconcevable de leur transmettre la moindre information et ce mandat n’a pas lieu d’être. Cette objection reconfigure le débat et deux points émergent :

  • Il ne devrait pas être de notre responsabilité de prendre cette décision, mais aux autorités françaises. Engager la responsabilité du responsable administratif à travers une action illégale est extrêmement problématique.
  • Le Koweït est un régime autoritaire capable de monter un dossier crédible pour obtenir des informations sur un opposant au régime, par exemple.

Cette action est la première à cumuler plusieurs votes contre. Selon le formalisme des statuts, une majorité de votes contre est nécessaire pour invalider l’action. Il ne sera pas nécessaire d’en arriver là : les arguments font consensus et l’action est spontanément abandonnée. Le ministère de l’intérieur du Koweït est renvoyé aux autorités françaises.

Ce qu’illustre bien cet exemple, c’est que la tout-doux-cratie s’est montrée fonctionnelle non pas tant par son processus technique (action extraordinaire, verrou bloquant…) que par ce que ce processus produit :

  • Une nécessité d’informer correctement et clairement tous les membres. Une proposition d’action doit être vulgarisée et reformulée pour que chacun·e soit en capacité de donner son avis.
  • Une obligation pour les membres de s’informer et donc la possibilité de donner son avis dans un délai raisonnable.

Ici, l’urgence de la situation a conduit un petit groupe de membres à considérer une option — divulguer des informations personnelles à un régime autoritaire en toute illégalité — qui semble inconcevable a posteriori. La communication pour donner mandat d’agir à ce groupe a permis de faire émerger un débat contradictoire et d’éviter une décision que l’on aurait pu regretter longtemps.

Des limites de la tout-doux-cratie

Après avoir défendu le bon fonctionnement de la tout-doux-cratie dans les précédentes parties de cet article, une dose d’auto-critique est plus que bienvenue.

Je pense que les limites de ce mode de gouvernance peuvent être interrogées par trois prismes : faiblesses du mode de scrutin, difficultés de transposition à d’autres structures et possibilités d’abus du système.

Un mécanisme de vote faible

Il me semble que le mécanisme de vote simpliste des actions (pour ou contre) pose problème à plusieurs égards. En premier lieu, l’abstention et le blanc sont tout bonnement absents des statuts et sont distribués de manière informelle. De ce fait, il est impossible de savoir si une action a reçu peu de votes par manque d’information ou par prudence, abstention, position neutre…

Portant, cette information est essentielle, car elle rend compte de la bonne santé d’une tout-doux-cratie. Voter blanc ou s’abstenir, c’est donner activement son avis tout en manifestant une volonté de ne pas bloquer une action. Peut-être qu’alors, le nombre de blancs/abstentions devrait rentrer en compte pour la validation d’une action extraordinaire ; ce qui compterait, c’est que suffisamment de membres se soient exprimés, plus que le nombre de « pour ».

Aussi, les statuts ne prévoient pas de délai de réflexion obligatoire pour les décisions qui impactent fortement l’image de l’association. Je n’ai pas vraiment d’opinion argumentée sur la pertinence d’un tel délai, mais on a vu qu’il aurait pu se montrer utile avec le cas du ministère de l’intérieur du Koweït.

Enfin, les votes sont publics. C’est un choix qui n’est pas neutre et qui présuppose que les membres sont en capacité de recevoir l’opinion des autres sur une action sans la prendre personnellement. En miroir, les membres sont supposés se sentir légitimes et à l’aise d’exprimer leur opinion publiquement. Ce n’est pas une évidence, et dans un groupe avec des tensions ou des liens interpersonnels forts, le vote public peut conduire à une auto-censure qui donne l’impression d’un système en bonne santé, alors qu’il masque des dissensus.

Une dépendance à la participation

Plus haut dans ce billet, j’ai affirmé que la participation active aux prises de décision est essentielle au bon fonctionnement de la tout-doux-cratie. Pourtant, ce point suscite des controverses : que faire des membres inactif·ves ? Les virer manu militari ? Bien entendu, ce n’est pas le genre de la maison, mais tout de même… on grince un peu des dents quand les décisions sont prises à une majorité faiblarde.

On m’a signalé les vidéos de Jean-Michel Cornu, spécialiste de la coopération et de l’intelligence collective. Dans une vidéo intitulée « à quoi servent ceux qui ne font rien dans vos collectifs », Cornu propose que le ratio d’actif·ves et d’inactif·ves reste constant dans les grands groupes, i.e. plusieurs dizaines de personnes. Chercher à faire disparaître les inactif·ves, c’est risquer de faire diminuer le taux de participation encore plus. Dans une autre vidéo, « le truc contre-intuitif pour avoir un groupe durable », Cornu rappelle qu’en plus des inactif·ves, des réactif·ves et des proactif·ves, il y a aussi les observateur·ices. Peut-être en êtes vous un·e vous-même : vous lisez cet article, vous suivez les actualités de Framasoft, mais vous ne les commentez pas. Je vous connais à présent moins que vous ne me connaissez ; et pourtant, vous êtes partie intégrante du groupe. Les observateur·ices peuvent à tout moment passer le cap : prendre un rôle vacant, donner leur avis, réagir à une proposition…

La tout-doux-cratie a encore du chemin pour être vraiment inclusive : les personnes qui ne participent pas activement on en réalité un rôle essentiel dans le collectif.

C’est pourquoi il est essentiel de ne pas les exclure de la vie de l’association. Les statuts actuels ne reconnaissent que les membres actifs. Peut-être serait-il bon de formaliser un rôle de sympathisant·e, qui aurait alors toutes les cartes en main pour participer un jour : accès à l’information, autonomie, structure adéquate, processus d’intégration, réflexions sur l’inclusivité dans le collectif… C’est un autre débat passionnant qui méritera(it) son propre billet. En attendant, prenons soin de celles et ceux qui nous sont invisibles et dont la tout-doux-cratie a radicalement discrédité le rôle.

La gestion des membres inactifs ou « disparus »

Ce point est lié au précédent : que faire lorsque des membres de la tout-doux-cratie n’ont plus aucune interaction avec l’association depuis plusieurs mois ? Les membres actifs se déclarent en «vacances» s’ils savent qu’ils seront absents pour une durée de plusieurs jours, pour éviter de bloquer les votes par abstention. Mais des membres ne donnant plus de signes de vie, ça ne se met pas en vacances…

Le fonctionnement de l’Université de Compiègne divise l’année en deux semestres, avec des vacances de 1 mois l’hiver et 2 mois l’été. Toutes les associations étudiantes fonctionnent donc au semestre : au début du semestre, une journée des associations est organisée au sein de l’établissement, chaque étudiant « s’inscrit » à une ou plusieurs associations sur le portail interne, les associations font leurs demandes de subventions auprès des organismes de l’établissement ; en fin de semestre, il est demandé à chaque association de réaliser son bilan, puis les inscriptions sur le portail sont automatiquement réinitialisées. Ce mode de fonctionnement incite les étudiants à s’inscrire dès les premiers jours dans ces associations sans pour autant participer à celles-ci durant le semestre — il y a notamment beaucoup de « disparitions » lorsque les premières notes arrivent. De plus, la majorité des étudiants rompent tout contact avec les associations une fois diplômés.

Picasoft a dès le départ fait le choix de s’ouvrir à l’extérieur du milieu scolaire bien que la quasi-totalité de ses membres soient en lien direct avec l’UTC (étudiant·e, vacataire ou personnel interne). Les cas de décrochages — des personnes qui ne donnent plus signe de vie au bout d’un mois — s’accumulent. Ces cas finissent par interpeller les autres membres, menant à des petits débats lors des assemblées générales ordinaires. Si la suspension des accès aux identifiants partagés et aux machines de Picasoft, après demande directe auprès des personnes concernées, fait l’unanimité, leur présence fantôme à la tout-doux-cratie est source de dissensus. Plusieurs pistes ont été étudiées :

  • Laisser les membres quitter la tout-doux-cratie par eux-même : c’est la solution actuelle, qui a montré rapidement ses limites pour les actions extraordinaires, qui nécessitent des consensus.
  • À chaque fin de semestre, contacter les personnes une-à-une pour leur demander si elles souhaitent continuer à participer ; c’est la solution actuelle pour les accès techniques. C’est fastidieux, et il faut de plus trancher sur la manière de réagir si une personne semble injoignable.
  • À chaque fin de semestre, définir un seuil minimal de participation et expulser les personnes en-dessous de ce seuil ; cette méthode est assez violente et peut frustrer par exemple un·e étudiant·e qui était parti·e en stage de 6 mois en ayant oublié de se mettre en vacances. Ielle aura probablement peu envie de retourner dans l’association à la fin de son stage. Il y a aussi la question de comment déterminer le seuil : 0%, 10%, 20%, 30% de participation ? L’outil que nous utilisons actuellement pour déterminer la participation ne tient pas compte des vacances, et certaines abstentions de vote peuvent être justifiées a posteriori.
  • Mise-en-place d’une cotisation symbolique pour adhérer à la tout-doux-cratie : c’est le choix de beaucoup d’associations loi 1901 « standards » pour rentrer dans les instances de celles-ci. Cette solution est a priori exclue, car la tout-doux-cratie avait pour objectif de rendre l’entrée dans l’association la plus simple possible. D’une part, gérer les cotisations demande un peu d’effort logistique (déclarer chaque cotisation dans notre registre, remplir des papiers, etc). D’autre part, et surtout, rendre coûteux (en temps et en argent) la participation à l’association est un non-objectif.
  • À chaque début de semestre, expulser tout le monde, puis recréer un canal de tout-doux-cratie par le bureau, et ajouter les anciens membres qui le demandent. Cette solution, bien que moins violente que l’expulsion ciblée, pose un risque lors du changement de canal : une minorité pourrait prendre le contrôle de l’association en jouant sur le fait qu’elle a été temporairement majoritaire.

Le choix final final est toujours en cours de discussion. Peut-être aurez-vous une idée plus féconde ?

Des tout-doux-craties ?

Comme on le rappelait en introduction, il n’existe pas de bonne manière intrinsèque de prendre une décision ; la tout-doux-cratie ne peut donc pas être un bon mode de gouvernance en soi. Mais si son bon fonctionnement chez Picasoft dépend du croisement de facteurs trop spécifiques, de notre configuration très particulière, alors ce billet ne présente qu’un intérêt limité. Ce serait comme vous faire une description extensive d’une recette de cuisine dont vous n’avez aucun moyen de vous procurer les ingrédients.

Pour essayer d’être le plus honnête intellectuellement, je vous propose de situer plus précisément les à-côtés de Picasoft. En effet, si on cherche ce qui fait que la tout-doux-cratie a marché chez nous mais pourrait potentiellement ne pas marcher ailleurs, je pense qu’il faut scruter les conditions de notre expérience : l’écosystème dans lequel nous sommes, la taille de Picasoft, les objets sur lesquels on travaille, les gens, leur culture, leurs envies qui additionnées font les objets de Picasoft, leur vécu, leurs personnalités.

On est peu ou prou 20-30 moitié actif·ves, étudiant·es ou universitaires. Bénévoles, l’asso ne nous donne aucun moyen de survie et la tout-doux-cratie n’a pas pensé cet enjeu pourtant crucial. En revanche, il y a un enjeu émotionnel lié à la valorisation de nos contributions (par le commentaire des pairs et/ou des réussites opérationnelles). La tout-doux-cratie joue avec cet enjeu. Nos personnalités et vécus différents nous font réagir très différemment face à ces enjeux qui partent dans la nature et qui sont secoués.

De plus, par un mécanisme type œuf ou poule, Picasoft intègre des personnes pour qui la qualité des échange et la bienveillance sont importantes, de sorte qu’il n’y a pas de conflits pré-existants. L’inverse serait plus probable dans une association qui s’est formée contre un projet d’urbanisme par exemple, où les opinions sur ce qui devrait être fait à la place divergent a priori.

Nous passons du temps ensemble et nos dialogues prennent une certaine forme. Sur Mattermost bien sûr, mais aussi au foyer étudiant, aux détours d’une colocation, du studio de Graf’hit… Le rythme étudiant façonne la façon dont on se retrouve et dont on se quitte. Ce mode de fonctionnement n’a rien à voir avec une entreprise ; pas seulement par la tout-doux-cratie ou nos valeurs, mais aussi parce nos activités peuvent s’organiser en petits groupes physiques qui se font et se défont au gré de nos envies, disponibilités, et hasards sympathiques de la vie dans un genre de grand campus. Ce point est à nuancer vu que l’association a été particulièrement active en période de confinement, mais il n’est pas certain qu’elle aurait perduré sur ce mode.

Alors, il est franchement difficile de faire une supposition pertinente sur la transposition de la tout-doux-cratie à d’autres. Pour résumer ce que je viens de raconter, Picasoft est une association dont les membres proviennent essentiellement de la même classe sociale et partagent un même environnement. En revanche, j’ai constaté empiriquement que les nouveaux membres arrivés au fil des années se sont d’abord intéressés à l’objet de l’association (l’informatique libre) avant de s’intéresser aux autres humains qui en font partie. L’amitié est née après : il semblerait abusif de mettre le bon fonctionnement de la gouvernance sur le dos d’une bonne entente préalable.

En revanche, la tout-doux-cratie favorisant la fluidité à l’unanimité, il est peut-être dangereux de la transposer dans un contexte où les actions engagent trop fortement les membres.

Quant au passage à l’échelle, il est vraisemblable que la tout-doux-cratie fonctionne moins bien. En effet, une échelle plus grande va souvent de pair avec un plus grand nombre de décisions et un champ d’action plus large. Mécaniquement, le pourcentage de membres en capacité de s’informer et de donner son avis sur l’ensemble des sujets diminue. L’information et la participation au vote étant les piliers d’une tout-doux-cratie saine, son application à une large organisation risque d’être inefficace. Ceci étant, appliquer une tout-doux-cratie pour chaque groupe de travail et réserver la tout-doux-cratie globale aux actions les plus importantes me semble être un bon compromis.

Confiance humaine, confiance procédurale

Les autres points limites de la tout-doux-cratie, dont certains ont été évoqués plus haut, posent à mon avis la même question : les règles d’un mode de gouvernance doivent-elles être infaillibles ?

Avant de répondre, voici quelques exemples où le fonctionnement de la tout-doux-cratie pourrait être abusé, volontairement ou non.

Prenons une action extraordinaire qui reçoit un vote contre, qui n’a pas de majorité de vote pour — par exemple car, conjoncturellement, plusieurs membres sont peu disponibles à cette période. Mettons que cette action dépasse le délai du verrou bloquant. Très clairement, elle ne fait pas consensus, elle engage l’association et elle est pourtant validée statutairement parlant. Quid d’une personne qui déciderait alors de forcer l’action ?

Autre exemple : un groupe de personnes malveillantes rejoignent l’association et votent sa dissolution. Un putsch facile et efficace. En réalité, le processus serait beaucoup plus complexe 19 mais le risque n’est pas nul.

De façon générale, les membres sont peu à être réellement actifs dans l’association, ce qui peut créer un sentiment d’illégitimité à s’exprimer chez les membres moins actifs. Les « vieux » qui connaissent le système pourraient alors mener une politique conservatrice, en décourageant les nouveaux membres de s’investir.

Toutes ces limites sont réelles et valides. La tout-doux-cratie n’est pas une baguette magique. Elle fonctionne aussi, et nécessairement car les membres de l’association sont réputés bienveillants, attentifs aux autres, se remettent en question et recherchent le compromis plutôt que le conflit, prennent le temps de s’informer, se connaissent de près ou de loin et s’entendent sur les valeurs portées par l’association.

Mais… est-ce un problème ? Tout dépend du point de vue. Un système de gouvernance ne s’évalue qu’à la lumière de ses objectifs. Si l’objectif de la tout-doux-cratie était de produire des actions nécessairement conformes à l’opinion de la majorité sans aucune possibilité d’action malveillante, alors c’est raté.

Et c’est sans doute le plus grand parti-pris : ne pas offrir ces garanties grâce à des moyens procéduraux techniques ou juridiques, mais créer un climat de confiance entre humains, propice à la discussion. Alors, oui, ça fait bisounours, mais ça fonctionne. Peut-être que ça fera réagir certain·es d’entre vous. En tout cas, moi, quand je lis ce genre de choses, j’objecte souvent en mon for intérieur : « oui, mais quand même, si n’importe qui peut rentrer dans l’asso, et voter ci, et bloquer ça, et si personne s’en rend compte, et […] », j’ai peur. Et quand j’ai peur, je voudrais trouver un moyen de me protéger, d’empêcher les abus de confiance à coup sûr.

Moi et mes cauchemars, quand j’ai peur. Ça donne pas bien envie de laisser des failles traîner, non ?

Mais se protéger à coup sûr, c’est souvent créer des procédures désincarnées et compliquées. Si on fait un pas de côté, c’est notamment cette peur qui a conduit à l’émergence des blockchains. Dans ce monde du zero-trust, le premier postulat est que personne n’est digne de confiance, sauf vous. Alors, des mécanismes cryptographiques infalsifiables garantissent que rien ni personne ne peut nier que ce machin est à vous, ou que vous avez envoyé telle quantité de cryptomonnaies à bidule. Sans aller jusque là, c’est aussi cette peur (justifiée) qui fonde le chiffrement de bout en bout : il existe forcément quelqu’un qui pourrait regarder ou utiliser mes données sans ma permission.

Mais une solution technique serait profondément dysfonctionnelle à l’échelle d’une association. Une association n’est pas un système ouvert et anonyme comme Internet, mais un lieu où les gens ont envie de réaliser des choses ensemble. Les risques théoriques sont valides, mais c’est par choix : nous ne voulons pas de processus bureaucratiques complexes et pseudo-neutres, nous voulons créer du lien.

Nous voulons affirmer que la confiance, à cette échelle, doit être un a priori.

Nous pensons qu’essayer de tout prévoir, tout englober, se prémunir de tous les risques est voué à l’échec. Des cas problématiques se présenteront quoi qu’il arrive. Ils nous feront grandir.

C’est ça, pour nous, la tout-doux-cratie : offrir un cadre sans élites ni stars pour créer du lien avec respect et bienveillance – renouer avec les débats joyeux.

Un grand merci à Antoine, Gaëtan, Jérôme, Stph, R01, Tobias, et tout·es les membres de Picasoft et de Framasoft, en particulier à Goofy, pour leurs contributions, relecture, corrections et leur accueil bienveillant !