La nouvelle #solarpunk du jour : « 100 Papier »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, découvrons un étrange personnage accroc au papier dans un monde où ce matériau est devenu… interdit !

100 Papier

Auteur·rices : Zatar Myriam , ASPE Candice , MOURCHID Soumaya ,GAO Rongtian, KADRI Elias, Nkoumba Eric Donald

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

« Bonjour Paris, il est 8 heures, on est le 9 septembre 2042 et la journée s’annonce ensoleillée ! Aujourd’hui, je rappelle que c’est la douzième journée mondiale sans papier. Alors, la question du jour est : comment vivez-vous sans papier ? Tout le monde est invité à laisser un message sur notre ToothBook. »

« Bonjour à tous ! Vous êtes chanceux aujourd’hui, je suis un précurseur de la vie sans papier ! Je m’appelle Jordan. Ça fait 20 ans que je l’ai aboli. Avec mon casque VR et mon PC, je vis la belle vie tout en protégeant la planète. Je peux jouer à GTA et envoyer un mail en même temps ! Le papier était une véritable catastrophe écologique. Maintenant, je m’amuse sans couper aucun arbre ! » 

Léon Roman éteignit sa radio, marmonnant des injures : « Comment avez-vous pu… » 

« Chéri, regarde devant toi ! » s’exclama Juliette en tendant le bras depuis le siège passager. 

Devant, la police effectuait une fouille des véhicules. La voiture freina, écrasant la ceinture de sécurité sur le ventre arrondi de sa femme. Son mari inspira bruyamment, le cœur battant à tout rompre, face aux gyrophares bleus et rouges vers lesquels ils progressaient lentement. Il ne remarqua pas la goutte de sueur coulant sur son front. Le souvenir de sa rencontre avec la police lors de la précédente manifestation lui procura une impression désagréable. 
Loin d’être dupe, Léon respirait de plus en plus vite : de toute évidence, ils étaient en quête de contrebande. Et juste sous la banquette arrière de sa voiture se trouvait aujourd’hui le trafic le plus important au monde : du papier.

Un jeune policier, le regard vif et un sourire crispé sur le visage, s’approcha du jeune couple.

— Bonjour madame et monsieur, inspecteur Hernandez. Nous sommes tenus de contrôler tous les véhicules. Sortez du véhicule. Où allez-vous ?

— Nous allons à la campagne chez ma belle-famille jusqu’à l’accouchement de ma femme, répondit Léon, d’une voix plus aiguë que d’habitude. Un peu en retrait, Juliette observait l’échange, priant pour que l’interrogatoire se finisse sans encombre. Les deux policiers soulevèrent la banquette arrière, dévoilant une pile de livres, à sa grande surprise.

— Cela n’a rien à voir avec ma femme, vous ne…, s’écria Léon, avant d’être plaqué au sol.

— Épargnez-nous ces bêtises, vous en parlerez au juge.

Quelques mois plus tard, la jeune femme, son bébé sur les genoux, pâle de rage, recevait un appel. « Oui, Roman, ici Maître Gimenez. Je suis au regret de vous annoncer la condamnation à perpétuité de votre mari pour trafic de papier. »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 9 septembre 2152 et la journée s’annonce caniculaire ! N’oubliez pas de vous hydrater et de vous abriter durant les heures les plus chaudes. On accueille aujourd’hui sur notre chaîne le spécialiste M. … »

Mathieu coupa l’hologramme en jurant. Encore une fois, il allait devoir installer le « Sunshade », un pare-soleil blanc de son invention. En effet, il a lu que le blanc est la couleur qui absorbe le moins la chaleur. Aujourd’hui, c’était le grand jour ! 

Mathieu descendit dans sa cave, pour échapper à la chaleur étouffante qui alourdissait l’atmosphère. Son plan, préparé depuis plusieurs années, nécessitait encore quelques retouches. Les escaliers craquaient sous ses pieds alors qu’il descendait dans l’obscurité rafraîchissante de sa bibliothèque secrète, héritée de sa famille. Des livres ouverts jonchaient le sol, annotés d’une écriture soignée. Les murs étaient couverts de câbles, de serveurs et d’écrans lumineux. 

9h00 : il s’installa devant son poste de travail, ajustant les lignes de code qu’il avait préparées. Chaque partie qu’il modifiait le rapprochait de son objectif : démontrer les vulnérabilités d’une société entièrement numérique.

J’ai jusqu’à minuit pour exécuter mon plan, avant la mise à jour des serveurs

Sous la pression, il fabriquait des cigarettes en déchirant des pages de livre. Des recettes de cuisine par-ci, des extraits de comédie par là. Après tout, qui aurait besoin de savoir faire une béchamel ou de lire des pièces ennuyeuses ? Les mots imprimés se transformaient en fumée et remplissaient l’air de la cave d’un épais nuage gris.

10h00 : il recevait un coup de fil de sa petite amie Soraya, ingénieure à l’Agence de Sauvegarde des Données Nationales. Une journée portes ouvertes du macro serveur X2150 était prévue sur invitation.

11h00 : il avait déjà fumé sa 39ème clope, le livre de cuisine arrivait bientôt à sa fin.
 11h45 : « ÇA Y EST ! », cria-t-il, « La clé USB est prête. »

Son plan était simple mais brillant. Le virus qu’il avait créé était conçu pour tout détruire sur son passage.

12h00 : pour se récompenser de sa victoire, il prit une longue inspiration : « il est temps de fumer ».

12h15 : Mathieu commença à préparer ses affaires. Je suis tellement stressé, je ne tiendrai pas la journée sans papier, songea-t-il en fouillant frénétiquement dans ses étagères. Il chercha un livre d’où il pourrait arracher des feuilles pour faire ses cigarettes. En ouvrant le premier venu, il découvrit d’anciennes notes familiales entre les pages. Submergé par la culpabilité, il referma délicatement le livre et en prit un autre. Cette fois, il choisit un vieux recueil de contes pour enfants et, avec une nouvelle pointe de honte, arracha plusieurs pages.

13h00 : il quitta son appartement en direction du centre-ville. Il marchait, jetant des coups d’œil à sa montre. Le bâtiment de l’ASDN n’était pas loin, mais chaque minute lui semblait une éternité.

14h00 : « Bienvenue, mesdames et messieurs, à la journée d’inauguration du Macro serveur X2150 », annonça un présentateur.

15h00 : après avoir fait une visite guidée des lieux avec Soraya, Mathieu se dirigea vers le stand d’exposition de la maquette du X2150.

16h00 : un baiser langoureux lui permit de subtiliser à Soraya son badge d’accès à la salle des machines.

17h00 : Mathieu n’avait toujours pas trouvé la salle des machines, peu habitué à utiliser la padlocalisation. Il se cacha pour fumer des clopes de plus.

18h00 : après plusieurs essais, il réussit enfin à identifier le chemin d’accès vers la salle des machines.

19h00 : Mathieu effectua un dernier tour en salle des machines. Puis il rejoignit Soraya dans le hall.

20h00 : des applaudissements retentirent en l’honneur de Soraya. Sa présentation fit un carton !

21h00 : Mathieu s’approcha pour la féliciter. Il se dirigea vers les toilettes avant de rejoindre la salle des machines.

22h00 : les mains tremblantes, il inséra sa clé USB dans un serveur. La barre de transfert s’afficha à l’écran : « Téléchargement du fichier en cours  %2 % ». Ça y est, j’ai réussi ! Épuisé et ruisselant de sueur, il se laissa tomber sur une chaise. Il profita de cette pause bien méritée pour entamer sa 87ème clope de la journée.

22h10 : « OÙ EST MON BADGE ?! » s’exclama Soraya. Elle fonça à son bureau et se jeta sur son PC. Elle localisa le badge dans la salle des machines et remarqua le téléchargement d’un fichier inconnu en cours. Elle parvint à le stopper puis prévint la police.

22h30 : des bruits dans le couloir de plus en plus proches se firent entendre. Mathieu barricada la porte. « POURQUOI LE TÉLÉCHARGEMENT N’AVANCE PLUS ?! ». Des mégots s’accumulaient au sol, une voix grave se fit entendre de l’autre côté de la porte :

— Police ! Sortez immédiatement ou on enfonce la porte !

Illustration « Smoke design » par Hervé Simon (CC By Sa 2.0)

— Je vous interdis de tenter quoi que ce soit sinon JE VAIS TOUT CRAMER ! La sueur perlait sur son front, et chaque mouvement semblait plus laborieux que le précédent. La patience des policiers était mise à l’épreuve. Certains d’entre eux commençaient à se lasser de cette opération. D’autres vérifiaient leur équipement. Quelques-uns échangeaient des blagues nerveuses pour alléger la tension.

23h00 : assis dans la pénombre, les mains tremblantes, le regard perdu, il savait que la police finirait par entrer. Ses pensées tourbillonnaient, une tempête de regrets et de colère contre une société qui l’avait poussé à bout. « Pourquoi ? » murmura-t-il en fixant la barre de téléchargement statique. « Une société sans âme, sans mémoire. Ils disent que le papier est obsolète, que tout doit être numérique. Mais le papier, c’est l’histoire, c’est la culture, c’est nous. »

23h12 : il se leva lentement, les jambes flageolantes, et s’approcha de la porte. « Si près du but… »

— Commissaire, il faut intervenir, on ne peut pas attendre plus longtemps !

— Non, surtout pas. Les serveurs sont trop précieux. Si on cause des dégâts, ce sera encore pire. La seule chose qu’on puisse faire, c’est le persuader.

23h28 : il fuma sa dernière lueur d’espoir avec sa 100ème clope, ignorant les appels insistants de la police.

00h00 : Les larmes coulaient lentement sur ses joues alors que la fumée noire envahissait la pièce, une chaleur intense l’enveloppant. Les alarmes se déclenchèrent, stridentes. « Peut-être qu’un jour, ils comprendront… »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 10 septembre 2152, et la journée s’annonce étouffante ! Aux dernières nouvelles, un acte terroriste a été commis cette nuit. La salle des serveurs de l’ASDN a été incendiée, entraînant la perte totale des données du pays. L’auteur de cet acte, identifié comme Mathieu Roman, descend d’une célèbre famille de terroristes. Il a péri dans l’incendie. »

Soraya, encore sous le choc des événements de la veille, écoutait le cœur serré à l’annonce du nom de Mathieu. « Non… ça ne peut pas être vrai… »

50 ans plus tard… Des enfants s’amusaient dans le parc. L’un d’eux s’aventura un peu plus loin qu’à son habitude. Et là, il l’aperçut, à moitié caché sous une pierre, un livre abîmé intitulé « La culture des pommes de terre au XXIe siècle ». Il y manquait des pages… Fier de sa trouvaille, le petit garçon courut montrer le livre à ses parents.

« C’est quoi, les pommes de terre ? »

"Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.




Dégooglisons Internet fête ses 10 ans : mises à jour et nouveaux services

Pétitions, Tableau blanc, Tricount-like, etc… De nouveaux services Framasoft sont en préparation, et des services existants sont en rénovation. On vous dit tout, et notamment pourquoi nous avons besoin de vous.

Cet article étant particulièrement long, on vous en propose ici un court résumé.

 

Carte Dégooglisons Internet 2016
Carte Dégooglisons Internet 2016

Il y a dix ans, nous annoncions notre campagne Dégooglisons Internet, qui fut un succès relativement retentissant : en couplant le plaidoyer (c’est à dire le fait de dénoncer la « triple domination » des GAFAM et leur toxicité) avec la mise en place de solutions concrètes, cette campagne de Framasoft a marqué les esprits, et nous pensons même en toute humilité qu’elle a été parfois un socle pour apporter une réponse structurée à l’envahissement des Big Tech dans nos vies.

Dans la foulée (en 2016), nous impulsions le collectif CHATONS, qui compte aujourd’hui plus de 80 structures.

Puis, quelques années plus tard, nous fermions une partie des services Dégooglisons. Les raisons étaient nombreuses (au moins 10 !) mais il y avait l’envie d’arrêter la course à l’échalote de la sortie de services, puisque nous en avions publié quasiment un par mois pendant trois ans. Notre épuisement (surtout post COVID) était alors à la hauteur de la pression du public.

Des CHATONS autonomisés pour des GAFAM atomisés ?

En parallèle le collectif CHATONS continuait sa montée en puissance. Coordonné par Framasoft, qui finançait son animation, nous estimons que fin 2023, l’association Framasoft a investi environ 100 000€ (essentiellement en temps de travail salarié) dans la mise en place de ce collectif.

Alors, certes, comme tout projet collectif, celui-ci comporte des faiblesses et des failles. Mais cette association de fait est réellement un succès à de nombreux points de vue :

  • la marque « CHATONS » est connue et reconnue par de très nombreux utilisateur⋅ices, qui peinaient à retenir les identités de nombreuses structures locales ;
  • le fait d’avoir un projet structurant a encouragé de nombreuses personnes à créer leur propre organisation. Ces personnes se sont senties légitimes à créer ou rejoindre des associations locales. Avoir réussi à faciliter ce « faire ensemble » est une véritable fierté pour nous ;
  • l’entraide entre CHATONS est une réalité, comme l’atteste le forum du collectif.

Le collectif est maintenant autonome et auto-géré depuis plusieurs mois, Framasoft étant depuis redevenu un « simple membre ».

Ne pas regarder le train du numérique passer

Cependant, en 10 ans, le numérique a bien évolué, et les GAFAM, les NATU, et autres BATX ne sont pas gentiment restées à attendre de se faire démanteler par des CHATONS ou la commission européenne.

Le cloud s’est généralisé, l’usage du mobile s’est imposé que ce soit pour payer son parcmètre ou ses impôts, l’intelligence artificielle participe certes d’une certaine hype, mais elle bouscule et percute aujourd’hui déjà de nombreux usages (et ce n’est qu’un début).

#gallery-1 { margin: auto; } #gallery-1 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-1 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-1 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Bref, le numérique est toujours plus présent, et pour le dire clairement, nous, militant⋅es du libre, des communs culturels et d’un numérique émancipateur n’avons gagné quasiment aucune bataille dans la lutte contre un adversaire gigantesque et tentaculaire. Cependant, le simple fait de critiquer, de se réunir, de manifester, de s’opposer, de proposer… est déjà une victoire en soi !

Il convient donc, aujourd’hui de « mettre à jour notre logiciel ». L’expression peut évidemment être entendue dans les deux sens. Mettre à jour notre façon d’agir, mettre à jour l’objet de nos luttes, relever la tête du guidon numérique libriste pour regarder comment le TGV du numérique capitaliste a évolué cette dernière décennie.

Cela s’est traduit par des prises de conscience pour Framasoft ces dernières années :

  • le libre est un moyen nécessaire (mais non suffisant) pour aller vers une société libre, mais il n’est pas une fin en soi. Savoir que du logiciel libre équipe des drones larguant des bombes en Palestine ou en Ukraine ne nous réjouit pas (litote) ;
  • la centralisation est une source de puissance pour les BigTech, la décentralisation est donc l’équivalent d’un caillou dans leur chaussure. Et dans ce cadre, la fédération (par exemple via ActivityPub) est une réponse pertinente, a minima pour explorer les interstices dans lesquels ces entreprises n’arrivent pas encore à se glisser ;
  • il y a une forme de « paradoxe de la tolérance » dans le libre : d’un côté une espèce de « pureté militante » à vouloir du 100% libre sans reconnaître que le libre est un chemin sur lequel chaque individu ou communauté se situe à une étape qui lui est propre ; et à l’inverse, une réelle difficulté du monde libre à reconnaître que l’autorisation explicite de réutiliser le travail produit par les communautés profite aussi largement aux géants du numériques qui, eux, n’ont ensuite aucun scrupule à mettre des bâtons dans les roues des projets de ces mêmes communautés ;
  • nous comprenons et adhérons à l’adage « Tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. ». Nous croyons fortement dans l’intérêt des processus collectifs. Mais… en vingt ans d’existence, force nous a été de constater que « Ensemble, on va moins vite. » (sauf à être très bien organisé, ce qui n’est que rarement le cas des communautés libristes). Il y a souvent une énergie folle dépensée dans la structuration de nos luttes, souvent due à un impensé : l’animation/coordination est un métier, qui réclame des compétences souvent ignorées ou peu valorisées. Or comme on l’a vu, le numérique « avance » vite. ChatGPT 4 est sorti depuis ~18 mois, et quelle a été, à quelques exceptions près, la réaction du monde libriste ? Un silence plutôt assourdissant au mieux, des moqueries en mode « ça ne marchera jamais » au pire.

Ce sont ces raisons qui nous ont poussé⋅es ces dernières années à développer avec nos petits bras associatifs un logiciel comme PeerTube, ou à proposer des projets comme Emancip’Asso ou Framaspace, qui nous permettent de mettre nos compétences aux services de communautés la plupart du temps non-libristes, mais qui partagent nos valeurs.

Ainsi, dans le contexte social et politique actuel, il nous paraît essentiel de renforcer notre offre de services en ligne à dispositions des collectifs et militant⋅es.

Mais « mettre à jour notre logiciel » peut aussi être entendu d’un point de vue beaucoup plus littéral : il s’agit en effet de mettre à jour les logiciels qui motorisent notre campagne « Dégooglisons Internet », voire d’en proposer de nouveaux au public.

Mème "Mettre à jour son logiciel"
Mettre à jour son logiciel (intellectuel) ou mettre à jour son logiciel (sur son serveur) ?

Framasoft ouvre et va rouvrir de nouveaux services

« Hein ? Quoi ? Mais vous n’aviez pas dit que vous vouliez « déframasoftiser internet » ? »

Si si, on l’a dit. Et on l’a fait.

Mais 4 à 5 ans ont passé depuis. Et il faut bien se rendre à l’évidence, la situation est moins propice au libre aujourd’hui qu’à l’époque. Pour les raisons évoquées ci-dessus, et bien d’autres encore.

L’an passé, dans notre campagne « Dorlotons Dégooglisons », nous avions notamment proposé la mise en place du service Framagroupes. Un immense merci aux personnes qui ont permis le financement de ce service 🙏

L’année précédente, c’était l’ouverture de Framaspace, espace cloud destiné aux petites associations et collectifs militants. Nous hébergeons à ce jour plus de 1 130 Framaspaces, soit autant d’instances du logiciel Nextcloud, le tout gratuitement.

Cette année encore, Framasoft souhaite proposer de nouveaux services. Toujours gratuitement (enfin, pas tout à fait, puisque ce sont vos dons qui financent), toujours respectueux de votre vie privée, toujours sur la base de logiciels libres, toujours sans aucune exploitation commerciale de vos données. Car les usages numériques évoluent, et nous devons évoluer avec eux. Ou plutôt nous devons évoluer avec vous, car ce sont avant tout le cheminement de vos pratiques qui guide nos actions.

Mème "Reframasoftiser Internet ?"
Nous sommes bien conscient⋅es que ça peut donner cette impression.

En conséquence, cette seconde campagne « Dorlotons Dégooglisons » nous permet de faire le point sur ce que nous avons fait depuis un an, mais aussi ce sur quoi nous travaillons en ce moment, ainsi que ce que nous envisageons pour les mois à venir.

 

Passez à l’action ! Framasoft souhaite ouvrir de nouveaux services libres, éthiques, décentralisés et solidaires. Pour cela, nous nous sommes fixés un objectif de collecte de 60 000€ pour nous permettre de financer les machines, mais surtout le temps de travail pour leur mise en place. Si vous le pouvez : soutenez-nous !

Soutenir Framasoft

 

Ce que nous avons fait ces 12 derniers mois

Nous avons publié le service Framagroupes. Pour information, aujourd’hui, ce service expédie plus de 50 000 mails par jour (!) et accueille déjà 7 900 listes de discussions, ce qui, avec les 59 000 listes de Framalistes, fait probablement de Framasoft l’organisation à but non lucratif hébergeant le plus gros serveurs de listes au… monde (si on compare par exemple à RiseUp (15,225 listes 389,871 utilisateur⋅ices) ou Renater/Universalistes (1 600 listes).

À cause d’utilisations (très) malveillantes de Framatalk, nous avons développé un logiciel (libre, bien entendu) qui permet d’imposer l’authentification des personnes qui souhaitent ouvrir un salon de visioconférence. Si on peut entendre que cela représente une contrainte pour vous, au vu des usages (on le répète, très) malveillants qui étaient faits de ce service, nous n’avions tout simplement pas le choix.

Nous avons migré plus de 1 000 instances Framaspace en version 28. Nous avons fait développer un logiciel de supervision spécifique, Argos Panoptès, pour gérer autant d’instances.

Notre infrastructure email, malgré plus de 8 millions de mails envoyés par mois (oui oui, 271 000 mails en moyenne par jour !) continue d’être régulièrement boudée par certains acteurs (oui, c’est vous qu’on regarde Orange, La Poste et SFR !). À tel point qu’après une lutte de plusieurs mois qui nous aura demandé autant d’énergie que de paracétamol, nous avons dû nous résoudre, à contrecœur, à utiliser les services d’un prestataire externe, pour les envois de nos newsletters (431 129 abonné⋅es en double opt-in).

Du côté de Framaforms, nous avons amélioré la gestion du spam, cette chienlit qui n’en finit pas de revenir dégrader un service pourtant parmi les plus utilisés de Framasoft.

C’est vrai, ça, hein : et personne ne le prendrait au sérieux !

Pour faciliter les recherches de vidéos sur l’ensemble du réseau PeerTube (notre alternative à YouTube), nous avons changé le logiciel qui motorise Sepiasearch, notre moteur de recherche du « vidiverse». Ce dernier utilise maintenant la brique logicielle Meilisearch, et non plus Elasticsearch, dont la licence a pris un chemin bien moins libre.

Framacarte a aussi fait l’objet d’une mise à jour majeure, qui fait suite au travail de la communauté uMap, avec laquelle nous restons très en lien.

Concernant MyPads, le plugin qui permet de gérer et d’organiser vos Framapad, les changements ont été subtils, mais nombreux. Ainsi, grâce au travail de Pierre, stagiaire à Framasoft pour (seulement) 6 semaines, de nombreuses petites améliorations ont été faites.

Parmi les améliorations d’ores et déjà disponibles :

  • ajout d’un logo pour revenir à l’accueil (oui, c’est bête, mais il n’y en avait pas et beaucoup d’utilisateur⋅ices peinaient à retourner sur la page d’accueil)
  • meilleure identification des dossiers restreints ou publics
  • les dossiers archivés sont maintenant repliés par défaut pour une meilleure lisibilité
  • les propriétés du dossiers sont maintenant repliées par défaut pour une meilleure lisibilité
  • la recherche, en page d’accueil, permet maintenant de rechercher sur les noms de pads (en plus des dossiers)
  • possibilité de trier les dossiers ou les pads par noms ou par dates de création
  • améliorations CSS diverses

#gallery-2 { margin: auto; } #gallery-2 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-2 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-2 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Enfin, Mobilizon, notre logiciel libre et fédéré alternatif aux groupes et pages Facebook, a été transmis à la communauté (aujourd’hui coordonnée par la communauté Kaihuri/Keskonfai). Nous annoncions en effet il y a quelques mois que nous estimions notre engagement initial concernant Mobilizon rempli. Nous souhaitions pouvoir rediriger une partie de notre capacité de développement logiciel vers les projets les plus prioritaires (contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent,  en dehors de PeerTube, nous ne disposons « que » d’un mi-temps de développeur salarié).

 

Passez à l’action ! Framasoft accueille plus de 2 millions de personnes par mois, et améliore et maintient de très nombreux services tout au long de l’année. Cela implique énormément de travail humain (développement, support, administration système, etc), ainsi qu’une infrastructure technique conséquente. Si vous le pouvez : soutenez-nous !

Soutenir Framasoft

 

Ce sur quoi nous travaillons en ce moment

Framapétitions, un service de… pétitions

Il existe de nombreuses plateformes de pétitions, mais ces dernières ne sont que rarement basées sur du code libre. Par ailleurs, ces plateformes sont aussi largement soupçonnées d’utiliser vos données personnelles (nom, email, cause soutenue) à d’autres fins que d’ajouter votre signature à une pétition.

Framapétitions est donc un service en test (on répète : il n’est PAS finalisé) qui permet de créer ou signer des pétitions citoyennes. Le service peut d’ores et déjà être utilisé, mais reconnaissons-le, il mérite encore d’être amélioré. Ça tombe bien, nous allons travailler dessus dans les mois qui viennent.

 

Dans les coulisses

Un projet de plateforme de pétitions qui n’exploiterait pas vos données était donc dans nos cartons depuis plus de 10 ans. Mais… faute de temps et d’énergies, nous repoussions sans cesse le sujet. Une autre raison était plus politique : à quoi servent vraiment les pétitions ? Parfois uniquement à se donner bonne conscience en se disant « J’ai agi », nous dédouanant alors d’un passage à l’action plus directe. Cependant, vos demandes régulières à ce que nous avancions sur le sujet nous ont motivés à remettre ce projet au goût du jour.

Voilà plusieurs années que nous soutenons un projet libre nommé « Pytition« . Fonctionnel, mais nécessitant encore pas mal de travail sur les aspects visuels. Nous soutenir financièrement, c’est nous permettre d’allouer du temps de travail pour améliorer Pytition, en lien avec le développeur originel et permettre, à moyen terme, d’ouvrir une plateforme de pétitions réellement libre, ouverte, et avec une garantie de non-exploitation commerciale de vos données.

 

#gallery-3 { margin: auto; } #gallery-3 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-3 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-3 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Tester Framapétitions (sans garantie ni support !)

 

Framalab, pour expérimenter des logiciels avant qu’ils ne deviennent (potentiellement) des services

Mettre en place un logiciel utilisable en ligne est assez simple, surtout quand, comme nous, vous disposez d’un administrateur système très compétent. Cependant, entre installer un service en ligne et être capable d’y accueillir plusieurs centaines de milliers de personnes par mois, il y a tout un monde. Il faut tester les fonctionnalités du logiciel, évaluer sa maintenance, savoir jauger le temps et l’énergie qu’il nous prendra en support et en modération, créer une page d’accueil, parfois corriger quelques bugs gênants, constituer une Foire Aux Questions, communiquer dessus, etc.

Afin de faciliter ce processus, nous avons décidé de rendre public le site Framalab. Sur ce site vous trouverez quelques unes de nos applications en test.

#gallery-4 { margin: auto; } #gallery-4 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-4 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-4 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Notez bien que les applications qui suivent sont en test. Elles peuvent disparaître à tout moment, ce qui signifie que vous pouvez perdre vos données du jour au lendemain. Par ailleurs, elles ne feront l’objet d’aucun support de notre équipe salariée : si vous avez des questions ou rencontrez des difficultés, vous pouvez les remonter sur notre forum, où l’entraide sera communautaire (comprendre : peut-être que quelqu’un vous répondra, peut-être pas).

 

Visiter Framalab (sans garantie ni support !)

Des alternatives à Tricount

Tricount est une application (non libre) de gestion des dépenses de groupes (familles, ami⋅es, colocataires, etc).

Elle compte plus de 5 millions d’utilisateur⋅ices dans le monde.

L’application fonctionnait auparavant très bien sur le web, qui s’affichait dans une version mobile tout à fait correcte. Mais depuis peu la version web n’est plus disponible, et vous êtes obligé⋅es de télécharger et installer une application web sur votre smartphone. Nos ami⋅es d’ Exodus Privacy détectent, sur cette application, pas moins de 12 pisteurs et 16 permissions. D’où l’idée de vous proposer des alternatives libres, garanties sans pisteurs.

I Hate Money

Un « petit » projet libre comme on les aime : il fait une chose, mais la fait bien, et sans fioriture. Par exemple pour un voyage entre ami⋅es, une première personne créée un projet (pas besoin de créer un compte : il suffit de choisir un nom, de définir un code d’accès, et de laisser un email). Les autres personnes pourront alors s’y connecter, et ajouter chacune leurs dépenses. Au final, un clic sur « remboursement » permettra de savoir très facilement « Qui doit combien à qui ? ». Simple, rapide, efficace, on vous dit !

#gallery-5 { margin: auto; } #gallery-5 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-5 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-5 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

 

Dans les coulisses

Cette application, née en 2011, n’a peut-être pas le « look and feel » le plus moderne. Cependant, nous l’avons testé en conditions réelles, et… elle fonctionne très très bien et nous l’avons trouvée simple et efficace sur mobile. Elle a principalement été développée par Alexis Métaireau (oui, le même qui a développé pour nous Argos Panoptes, que nous évoquions plus haut dans la partie « Framaspace »).

 

 

Tester I Hate Money (sans garantie ni support !)

Spliit

Encore une fois, un petit projet très simple, mais avec un look résolument moderne : pas besoin de s’authentifier, quelqu’un créé un groupe, puis ensuite ajoute des participant·es, et enfin leur partage l’URL. Tout le monde peut rentrer des dépenses simplement, et l’application calcule ensuite automatiquement qui doit quoi à qui. Il est possible d’utiliser des modes de partage plus avancés : par nombre de portions ou encore par pourcentage. Seul hic, le projet est à l’heure actuelle uniquement anglophone, donc il vous faudra comprendre a minima la langue de Shakespeare pour pouvoir l’utiliser. Sans pour autant le garantir, si cela devait devenir un service Framasoft, peut-être que notre communauté pourrait aider à le rendre traductible puis à le traduire pour un public francophone !

#gallery-6 { margin: auto; } #gallery-6 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-6 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-6 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Dans les coulisses

Et pourquoi pas Cospend ?

Vous connaissez peut-être Cospend, l’application Nextcloud qui propose des fonctionnalités similaires. Nous avons choisi de ne pas expérimenter avec cette dernière, pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’elle nécessite une instance de Nextcloud (bravo Sherlock !), et que cela signifierait de mettre en place une instance de Nextcloud uniquement dédiée à ce service. La deuxième, c’est qu’il faudrait également rajouter des modifications au logiciel, pour que les utilisateur·ices de l’instance ne puissent pas ajouter n’importe qui d’autre utilisant le service à un groupe de dépense. La troisième, c’est que la version Web mobile nous a semblé peu utilisable (avec des écrans qui se recouvrent les uns les autres), et bien qu’une application mobile Android MoneyBuster propose en théorie de se lier à un Cospend, en pratique il n’est plus possible de rejoindre un groupe de dépense Cospend avec cette dernière, et ce depuis quelques mois, sans visiblement de résolution apparente de ce bug critique). Alors on sait ce que c’est qu’être bénévole sur un logiciel libre, donc on ne jettera la pierre à personne, et au contraire on encouragera le développement, depuis les gradins. Mais en l’état actuel, cela nous semble plutôt une alternative dont l’évolution est à surveiller, ou viable à utiliser sur des instances Nextcloud (coucou les Framaspaces !), plutôt qu’un service que nous voudrions proposer à grande échelle. Affaire à suivre…

 

 

Tester Spliit (sans garantie ni support !)

Tableaux blancs et diagrammes en ligne

Draw.io

Draw.io permet de créer des diagrammes professionnels. Ce service est plutôt adapté si vous souhaitez réaliser un organigramme ou un diagramme UML.

Interface de Draw.io

 

Dans les coulisses

La version de Draw.io que nous proposons actuellement est une version offline dans le sens où elle ne permet que l’enregistrement local, et ne permet pas la modification collaborative.

Il faut donc considérer notre version de draw.io comme un logiciel « à l’ancienne » où vous allez créer votre diagramme (dans votre navigateur), puis l’enregistrer. Il est cependant possible de partager votre diagramme publiquement (en lecture seule) en utilisant la commande « Fichier → Publier → Lien ».

Nous avons tout de même ajouté la possibilité d’enregistrer vos données sur Framagit (il faudra vous y créer un compte).

Les fonctions collaboratives en temps réel imposent, elles, de passer par les serveurs de la société Jgraph qui édite le logiciel, elles ne sont donc pour le moment pas supportées.

Nous choisissons cependant de tester draw.io car nous le trouvons très intéressant de par ses fonctionnalités avancées. Peut-être le proposerons nous, à terme, comme plugin au sein de Framaspace.

 

 

 

Tester Draw.io (sans garantie ni support !)

Excalidraw

Là où Draw.io permet d’organiser des diagrammes, voyez plutôt Excalidraw comme un outil de « tableau blanc » (qui permet, aussi, de réaliser des diagrammes simples).

Cette simplicité rend Excalidraw, selon nous, plus accessible au grand public.

 

Dans les coulisses

Contrairement à Draw.io, notre version d’Excalidraw permet de travailler de façon collaborative. Nous expérimentons cette fonctionnalité, mais nous pourrions la retirer si nous ne la trouvons pas suffisamment stable et sécurisée. Cependant, Excalidraw utilisant à ce jour la plateforme Firebase de Google pour enregistrer les images en ligne, nous avons pour l’instant désactivé la possibilité d’ajouter des images dans notre version d’Excalidraw.

Notez que nous avons aussi évalué le logiciel tldraw, qui nous a paru une initiative intéressante, mais sa licence n’est pas libre car interdisant les usages commerciaux (ce qui n’aurait pas été le cas de Framasoft, mais ne répond pas pour autant aux exigences d’une licence libre).

Excalidraw, un tableau blanc pour mettre en forme vos idées collaborativement

 

Tester Excalidraw (sans garantie ni support !)

Des outils pour manipuler vos PDF en ligne

Ahhhh, les PDF ! Un format ouvert certes, pratique pour l’impression, mais clairement pas adapté à la modification. Si vous devez réorganiser des pages, en supprimer, en ajouter, les faire pivoter, ou les signer, c’est assez rapidement la croix et la bannière. Par ailleurs, il faut parfois pouvoir réduire leur poids avant de l’envoyer par email. Ça tombe bien, les deux outils que nous proposons sont là pour ça !

Signature PDF

Créé par la société coopérative « La 24eme », ce logiciel permet, au travers de quelques entrées simples, de manipuler vos PDF :

  • « Signer » : permet de signer, parapher, tamponner un pdf, mais aussi de partager le PDF signé, pour qu’il puisse être signé par d’autres personnes ;
  • « Organiser » : permet de tourner les pages d’un PDF (rotation), de déplacer des pages, d’en supprimer, d’en ajouter (depuis un autre PDF, par exemple pour faire un seul PDF à partir de plusieurs fichiers), etc.
  • « Métadonnées » : permet d’afficher les métadonnées d’un fichier PDF (par exemple la date de création ou le logiciel utilisé pour sa création), mais aussi d’éditer ces métadonnées ou d’en supprimer ;
  • « Compresser » : pour réduire la taille d’un PDF. Si le PDF original a déjà été compressé, cela n’aura aucun effet évidemment. Mais nos tests ont démontré qu’un PDF constitué de pages scannées de 38Mo au départ n’en faisait plus que 6 au final, ce qui est un gain conséquent.

#gallery-7 { margin: auto; } #gallery-7 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-7 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-7 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Tester Signature PDF (sans garantie ni support !)

Stirling PDF

Là, on sort la grosse artillerie. Stirling PDF propose pas moins de 71 outils différents !

Depuis des outils « simples » (fusion, rotation, etc) à ceux bien plus complexes (extraire les tableaux d’un PDF pour un faire un fichier .csv exploitable par un tableur, ajuster les couleurs, transformer une URL de page web en PDF, etc), en passant par des fonctions bien utiles (protéger par mot de passe, numéroter automatiquement les pages, etc.). Il existe même un outil « pipeline » qui permet d’enchaîner différentes actions (par exemple : rotation 90°, puis suppression des pages 1 et 14, puis ajout de numéros de pages, puis compression).

Écran d'accueil Stirling PDF
Écran d’accueil Stirling PDF

 

Tester Stirling PDF (sans garantie ni support !)

Liberaforms, un successeur pour Framaforms ?

Framaforms est basé sur le logiciel Yakforms, logiciel qui arrive en fin de vie. Pour différentes raisons (cf. « coulisses »), nous avons dû faire le choix de lui trouver un successeur, qui permettra de continuer à fournir un service proche de celui que vous utilisez actuellement.

Après moult essais-recherches (et quelques déceptions), notre choix s’est arrêté sur Liberaforms, un logiciel libre de formulaires créé et développé par une petite équipe espagnole.

Le « périmètre fonctionnel », c’est à dire l’ensemble de ce que vous pouvez faire avec ce logiciel, est sensiblement le même que celui que propose Yakforms, en dehors de certaines fonctions avancées (gestion de conditions, ou emails de validation, par exemple). Nous vous proposons de le tester sur notre plateforme https://beta.framaforms.org pendant plusieurs mois. Au terme de cette phase de tests, pendant laquelle nous pensons (si vous nous en donnez les moyens) améliorer quelque peu l’interface, nous pourrons alors commencer une bascule entre Yakforms et Liberaforms qui, rassurez-vous, s’étalera elle aussi sur plusieurs mois (vous ne perdrez donc pas vos formulaires en cours).

#gallery-8 { margin: auto; } #gallery-8 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 25%; } #gallery-8 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-8 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

 

Dans les coulisses

L’histoire de Framaforms/Yakforms s’étale sur près de 10 ans et est racontée sur le Framablog. Yakforms est donc basé sur Drupal 7, publié en 2011, qui aura donc eu une durée de vie de 14 ans, ce qui en fait une longévité relativement exceptionnelle pour une application web. La « fin de vie » de Drupal 7, plusieurs fois repoussée, s’achève finalement le 5 janvier 2025. À compter de cette date, il n’y aura donc plus de mise à jour de sécurité : si une faille était découverte, elle ne serait plus couverte (annoncée, réparée, suivie, etc) par la communauté, et donc Yakforms serait touché par ricochet.

Notre première idée a donc été, évidemment, de migrer Yakforms vers Drupal 8, 9, ou même maintenant Drupal 10. Cependant, c’était plus facile à dire qu’à faire, car Yakforms est composé de nombreux modules compatibles avec Drupal 7 mais pas avec les versions suivantes. C’est notamment le cas du module « form_builder » qui n’a jamais été porté dans les versions suivantes.

Il y a eu différentes tentatives de migration de Yakforms, la dernière en date par le Centre d’Expressions Musicales, au Havre, qui utilise massivement Framaforms (et bien d’autres logiciels libres, d’ailleurs). Mais le sujet étant complexe, le projet n’a pas abouti.

Début 2024, nous nous sommes donc lancés à la recherche de logiciels libres de formulaires alternatifs. Bonne nouvelle : le paysage avait bien évolué depuis la sortie de Framaforms en 2016, et de nombreuses alternatives existent aujourd’hui. Voici quelques unes des solutions testées :

  • https://www.limesurvey.org/fr : la référence en matière de logiciel libre d’enquête. Cependant, « enquête » « formulaire » ! LimeSurvey est un logiciel idéal si vous voulez réaliser une enquête de plusieurs dizaines ou centaines de questions, avec des embranchements, etc. Mais notre objectif avec Framaforms est de proposer une alternative à Google Forms, à savoir un logiciel simple à prendre en main, qui permet de publier son premier formulaire en 5mn chrono. Ce qui est très, très loin d’être le cas de LimeSurvey ;
  • https://apps.nextcloud.com/apps/forms : une app pour Nextcloud (logiciel que l’on connaît bien à Framasoft) pour créer des formulaires. Ce choix est arrivé en second dans notre évaluation. D’autant que nos ami⋅es du chaton La Contre-Voie ont apporté un développement spécifique permettant un accès simplifié. Mais nous avons estimé que le code de Nextcloud Forms n’était pas encore suffisamment stable pour nos besoins, ni capable d’accueillir des dizaines de milliers de visiteurs quotidien ;
  • https://cryptpad.fr/form/ : issu de l’excellente suite bureautique chiffrée Cryptpad. L’interface n’est pas très jolie, mais plutôt fonctionnelle. Cependant, le côté 100% chiffré du logiciel était, paradoxalement, rédhibitoire pour nous : nous gérons plusieurs centaines de milliers de formulaires par an, et un chiffrement de bout en bout aurait largement limité notre capacité de support, et donc multiplié les personnes qui se seraient plaintes auprès de nous ;
  • https://surveyjs.io/ dispose d’un excellent concepteur de formulaire, mais la partie enregistrement et analyse n’est pas libre, ce qui ne présage habituellement rien de bon quant à l’ouverture du logiciel dans les années à venir ;
  • https://formbricks.com/ : ce logiciel nous a semblé tout à fait correct. Par contre, il est pensé pour faire de « l’enquête pas à pas » et non des formulaires. Par ailleurs, il nous aurait fallu adapter de nombreuses fonctionnalités (souvent marquées comme « pro » ;
  • https://getinput.co : comme SurveyJS, il s’agit plus d’une alternative à Typeform qu’à GoogleForms, avec « une question = un écran ». Le travail de traduction aurait été conséquent, mais nous l’avons éliminé aussi parce que bien que le code soit libre, l’entreprise qui édite ce logiciel semble avoir une politique commerciale relativement agressive et n’aurait probablement pas bien accepté de voir Framasoft proposer son logiciel gratuitement, devenant un concurrent de poids qui aurait « récupéré » leur travail ;
  • https://ec.europa.eu/eusurvey/ : Développé par l’Union Européenne depuis 2016. Le rythme de développement est relativement lent. Ça aurait pu être un candidat intéressant, mais le code nous a semblé une véritable usine à gaz, puisque conçu pour gérer des formulaires au sein d’institutions publiques de grandes tailles, avec l’obligation de gérer plusieurs langues, etc ;
  • https://ohmyform.com/ : là encore, plutôt une alternative à Typeform qu’à Google Forms. Notez qu’en l’absence de plateforme pour tester ce logiciel, il vous faudra donc l’installer. Par ailleurs, le développement, bien que toujours en cours, semble relativement ralenti ;
  • https://tripetto.app/ a clairement le concepteur de formulaire le plus avancé. Malheureusement le logiciel est uniquement en anglais (et non facilement traduisible). Mais surtout, si le « builder » (l’interface de création de formulaire) est libre, d’autres parties essentielles du logiciel ne le sont pas, ce qui était évidemment rédhibitoire pour nous ;
  • Nous avons aussi évalué plusieurs outils « no-code » (comme NocoDB ou Baserow) qui sont aussi très pertinents pour créer des formulaires. Cependant, nous avons estimé que nous n’étions pas sur des outils simples à prendre en main alors que c’était un critère essentiel pour nous. Nous n’excluons pas de proposer ces outils à termes, mais cela nous paraissait prématuré pour le moment.
  • https://gitlab.com/liberaforms/liberaforms – ce n’est ni la plus belle, ni la plus moderne des alternatives testées. Cependant, elle fait correctement le travail, et semble bien pouvoir passer à l’échelle en gérant plusieurs dizaines ou centaines de milliers de formulaires. Par conséquent, nous avons contacté les développeurs de Liberaforms, qui semblaient enchantés que Framasoft propose leur logiciel à l’évaluation (merci à eux !).

Le logiciel n’était pas traduit en français, alors… nous l’avons fait ! Un grand merci à Framalang, spf et Booteille pour leur aide !

Dans les mois qui viennent, grâce à vos dons, nous nous appliquerons donc à finaliser la traduction, à améliorer l’interface (notre code sera bien évidemment reversé auprès de la communauté Liberaforms), et évaluerons vos retours pour déterminer si, oui ou non, Liberaforms remplacera à terme Yakforms comme moteur de Framaforms.

 

Tester Liberaforms (sans garantie ni support !)

 

Framaspace, de l’accompagnement pour une plus grande autonomisation

Framaspace accueille plus de 1 100 associations et collectifs. Nous envisageons de doubler ce chiffre, au moins, d’ici la fin de l’année. Ce qui positionne Framasoft comme un des plus gros hébergeurs Nextcloud (le logiciel qui motorise Framaspace) de France, hors opérateurs type OVH.

Mais il nous reste un problème majeur auquel il faut répondre : comment accompagner les personnes qui découvrent Nextcloud ? En effet, comme nos enquêtes le démontraient, et comme nous l’indiquions dans notre conférence de lancement, Nextcloud reste relativement peu connu, et pas aussi simple à prendre en main qu’un Google Drive, par exemple. Il nous faut donc trouver des façons qui permettent à une personne qui n’a jamais utilisé le logiciel de s’y retrouver : qu’elle puisse importer ses fichiers ou calendriers, qu’elle sache comment partager publiquement un fichier, qu’elle comprenne comment utiliser le tableur ou le traitement de texte intégré, etc.

Nos actions en cours sont nombreuses sur le sujets : nous soutenons par exemple l’initiative d’ateliers Nextcloud (en juin 2024) organisé par L‘Établi Numérique et La Dérivation. Nous avons aussi un stagiaire, Val, qui travaille sur deux sujets : faciliter la migration depuis un espace cloud externe (Google Drive, Dropbox, ou même un autre Nextcloud) vers Framaspace ; proposer un tutoriel aux nouvelles et nouveaux arrivants sur Framaspace, en utilisant la bibliothèque IntroJS.



Vidéo de démonstration de l’application IntroJs, développée par Val, pour faciliter la prise en main de Framaspace.

Là encore, vos dons nous permettent de faire, et surtout de faire sans trop attendre.

Proposer la candidature de votre asso/collectif

 

Passez à l’action ! Pour pouvoir répondre à vos besoins et vos envies en termes de services libres émancipateurs, nous nous sommes fixés un objectif de collecte de 60 000€ qui nous permettront de mettre l’énergie nécessaire à la mise en place de ces services. Si vous le pouvez : soutenez-nous !

Soutenir Framasoft

 

Et ensuite ?

Mais Framasoft ne s’arrête pas là !

D’autres projets sont en cours, mais sont, eux, plus incertains.

Leur mise en place dépendra évidemment du succès de cette collecte (oui, on manque peut-être un peu de subtilité 😉), mais aussi des résultats des études de faisabilité technique qui sont en cours.

Nous pouvons cependant les évoquer ici, en insistant sur le fait qu’en parler maintenant n’est pas pour autant un engagement de mise en place de notre part.

Aktivisda : décliner des visuels rapidement

Un des besoins récurrents repérés parmi les associations que Framasoft côtoie est celui de pouvoir rapidement créer ou décliner des visuels. Par exemple, pour une chorale qui ferait 5 représentations en fin d’année, il s’agit surtout, sur la base d’un affiche commune, de changer les dates, les heures, et les lieux. C’est un besoin simple, qui doit prendre quelques minutes maximum, afin de consacrer l’essentiel du temps et de l’énergie à imprimer et diffuser les affiches.

C’est aussi le même besoin qui revient avec les réseaux sociaux, où le besoin est d’avoir un visuel commun identifiable (par exemple avec le logo de l’association), puis de pouvoir ajouter un texte dessus pour inviter à une action ou un événement.

Par ailleurs, mettre à disposition ce type d’outil permettant en quelques clics de partager un visuel (une affiche, par exemple), de l’imprimer, ou de créer un code QR personnalisé, nous semble utile dans le contexte social et politique actuel.

Ce sont justement à ces besoins que répond le logiciel Aktivisda.

#gallery-9 { margin: auto; } #gallery-9 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-9 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-9 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Pour l’instant, aucune version « diffusée par Framasoft » n’est disponible, mais nous travaillons avec le développeur originel, ainsi que la société qui l’emploie (Telescoop) afin de faciliter son déploiement pour de multiples organisations, ainsi que l’ajout de nouveaux visuels (il faut actuellement passer par Framagit, ce qui peut être fastidieux).

Nous espérons donc, d’ici la fin de l’année, revenir avec de bonnes nouvelles du côté de Aktivisda 🙂

 

Dans les coulisses

S’il y a un logiciel dont l’usage s’est massifié dans le paysage associatif ces dernières années, c’est bien Canva. Ce logiciel (non libre, et qui ne se prive pas de nourrir des entreprises tierces d’intelligence artificielle avec vos données) permet de créer rapidement des designs ou des présentations.

Le logiciel libre le plus proche est probablement l’excellent Polotno Studio. Malheureusement, il n’est que très partiellement libre.

C’est un peu par hasard, lors des JDLL 2023 que nous avons découvert Aktivisda. En décembre 2023, nous rencontrions alors son développeur, Marc-Antoine, avec qui nous avons discuté de ses projets pour Aktivida, mais aussi de nos envies et de nos besoins d’un logiciel plus simple à déployer. Les échanges se sont poursuivis ponctuellement, mais régulièrement, avec l’objectif de rendre le logiciel multi-tenant, c’est à dire facilement utilisable par de multiples individus ou organisations. Marc-Antoine et ses collègues sont actuellement en train d’explorer le sujet (de façon bénévole, précisons-le), et nous y verrons donc plus clair d’ici quelques semaines.

Framaspace : gestion des adhérent⋅es, de la comptabilité, nouvelles applications

Comme évoqué plus haut, l’année 2024 sera largement dédiée à améliorer la prise en main et l’accompagnement des utilisateur⋅ices qui découvrent Framaspace.

Cependant, cela ne signifie pas que nous n’allons pas avoir de missions plus techniques. Ainsi, nous comptons passer tous les espaces en version 29 (vous pouvez en lire une description en français chez nos ami⋅es d’Arawa. En parallèle, nous allons évaluer l’ajout de quelques applications, comme par exemple Tables qui permet de construire et partager une petite base de données, ou Impersonate pour permettre à l’admin d’un espace de dépanner un utilisateur. Suivant vos retours sur Excalidraw (évoqué plus haut), nous pourrons aussi le proposer comme application complémentaire.

#gallery-10 { margin: auto; } #gallery-10 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-10 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-10 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

 

Cependant, le plus gros du travail, qui commencera au second semestre 2024, sera de voir jusqu’où nous pouvons aller dans l’intégration de Paheko dans Framaspace. Paheko est un logiciel libre de gestion d’associations complet et qui bénéficie aujourd’hui d’une belle réputation. De plus son développeur est français, et impliqué dans différentes communautés libristes depuis longtemps. Lors du dernier camp CHATONS, nous avons commencé à discuter de la possibilité d’intégrer des parties de Paheko à Framaspace. Notamment, nous savons que pouvoir gérer les adhérent⋅es (dates d’entrée et sortie de l’association, gestion des cotisations, etc.), mais aussi la comptabilité (suivant le Plan Comptable Associatif) seraient de gros avantages pour Framaspace. Pour l’instant, nous sommes toujours dans une démarche exploratoire, mais l’idée nous paraît suffisamment importante pour que nous y consacrions du temps et de l’énergie.

#gallery-11 { margin: auto; } #gallery-11 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 25%; } #gallery-11 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-11 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Empreinte carbone associative

Nous ne sommes pas climato-sceptiques. Nous considérons que le réchauffement climatique est la mère de toutes les batailles. Nous pensons que la réponse au dérèglement climatique est avant tout politique, et nous sommes irrité⋅es de voir à quel point les politiques publiques sont avant tout orientées, parfois de façon très culpabilisantes, sur les gestes individuels. Cependant, pour pouvoir correctement faire face à un problème et y répondre de façon pertinente, il peut être utile de bien comprendre les enjeux, mais aussi les leviers sur lesquels agir. C’est dans cette optique que Framasoft, en partenariat avec le groupement de recherche Labos 1point5 souhaite proposer, à moyen terme, une application en ligne permettant d’évaluer l’empreinte carbone de son association (ainsi qu’un simulateur permettant de voir l’impact de chaque levier activable).

#gallery-12 { margin: auto; } #gallery-12 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-12 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-12 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

 

 

Dans les coulisses

Il n’y a pas, et il n’y aura jamais de numérique « vert ». Le numérique est intrinsèquement écocidaire. Cependant, nous vivons dans un monde où le numérique existe, et a aussi des apports (pour calculer, pour communiquer, pour être en lien, pour faire ensemble, etc.). Et ni vous, ni nous, ni personne, ne peut faire disparaître le numérique d’un claquement de doigts. C’est ce qu’on appelle une problématique complexe, face à laquelle aucune solution n’est triviale. Les solutions aux problèmes complexes reposent souvent sur des décisions politiques à grande échelle. Et le plus souvent, ces décisions font face à une grande réactance au début, ce qui est assez naturel.

Concernant le réchauffement climatique, nous ne croyons pas aux « petits pas », et nous condamnons les politiques publiques qui pointent beaucoup plus facilement les gestes individuels (le fameux « pipi sous la douche ») plutôt que les actions à grande échelle.

Cependant, pour bien comprendre un problème complexe, il faut pouvoir prendre conscience des « sous-problèmes » qui le composent. Et là, ça tombe bien, Framasoft peut avoir un (petit) rôle à jouer.

Ainsi, nous avons été contacté·es il y a quelques mois par le Groupement de Recherche Labos 1point5 qui propose, pour les labos de recherche (Universités, CNRS, etc.) des outils pour évaluer et comprendre l’empreinte carbone liée au laboratoire. Ils et elles nous ont annoncé travailler sur un outil équivalent, mais destiné aux associations et nous ont demandé si nous serions d’accord pour « porter » ces outils auprès du monde associatif.

Pour être franc⋅hes, nous avons d’abord hésité, car ce genre d’outils fait souvent l’objet de gros biais de calcul, et « oublie » le scope 3 (et même parfois le scope 1). Mais nous avons testé l’outil, et l’avons trouvé très complet. Par ailleurs, le fait que ces outils soient produits par des chercheuses et chercheurs pointu⋅es sur ce sujet permet de sortir des nombreuses démarches marketing de « greenwashing » que l’on peut observer ces derniers temps.

Nous avons donc entamé un dialogue qui nous semble fort constructif. Pour l’instant, nous laissons l’équipe de recherche avancer sur le sujet, et nous vous tiendrons informé⋅es des avancées d’ici quelques mois.

D’ici là, si votre association est intéressée à tester lesdites avancées ou à participer aux échanges avec les chercheuses et chercheurs, vous pouvez vous inscrire au panel d’associations testeuses.

 

 

Proposer votre association comme beta-testeuse

D’autres ajouts sur Framalab ?

Ah… Framadate sur mobile… Si on avait touché 1€ à chaque fois que l’on avait reçu une plainte concernant l’usage de Framadate sur smartphone, nous n’aurions probablement pas besoin de faire de collecte 😅.

Cependant, le code de Framadate est tellement daté (certaines parties du code datent de 2008) qu’il paraît aujourd’hui bien plus simple de repartir de zéro.

Ça tombe bien, des logiciels alternatifs comme https://rallly.co/fr ou https://crab.fit/ s’y sont lancés. Mais aussi, plus localement, la DINUM en 2021 ou, encore plus proche, la communauté CHATONS.

Bref, ça ne sera pas pour tout de suite, et surtout, on ne sait pas encore quelle sera la voie (longue, mais libre) suivie par Framasoft, mais les choses avancent 🙂

#gallery-13 { margin: auto; } #gallery-13 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-13 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-13 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

D’autres logiciels sont évidemment envisagés, comme Hedgedoc, par exemple. N’hésitez pas à signaler vos envies et besoins sur notre forum.

Nous étudions aussi de près la possibilité de mettre à votre disposition des outils « No Code » comme Baserow ou NoCoDB, car ils nous semblent répondre à des besoins courants. Cependant d’un point de vue technique, ce n’est pas simple (ces logiciels sont gourmands et coûtent donc cher à héberger), et il s’agit de logiciels un peu complexes à prendre en main, donc il faudrait aussi travailler à leur accompagnement.

Pour tout cela, nous avons (encore) besoin de votre aide

Félicitations si vous nous avez lu jusqu’ici, car nous avions beaucoup à dire !

Vous l’aurez compris, de nombreux chantiers sont en cours, et il nous faudra des semaines, voire des mois, pour les faire avancer.

Cependant, comme toujours, nous ne pourrons nous atteler à ces projets que si vous nous donnez les moyens de le faire.

Pour cette campagne, le montant de 60 000 € demandé est le minimum vital pour nous permettre de maintenir l’existant comme nous l’avons fait ces 12 derniers mois, et de mettre en place les projets déjà engagés en 2024, si nous atteignons cette somme, nous pourrons alors plus facilement mettre en place les projets exploratoires évoqués plus haut.

Nous pensons sincèrement que nous avons la possibilité de faire bouger les lignes, comme nous l’avons fait avec Framadate, Framalistes, Framapad, ou maintenant Framaspace. Le contexte politique et social actuel nous presse à « outiller la société de contribution », c’est à dire à équiper numériquement celles et ceux qui souhaitent changer le monde vers plus de collectif, plus de diversité, plus de communs. Notre boussole reste notre volonté de vous proposer des outils libres et éthiques, un peu comme si nous fournissions des planches, des marteaux et des clous numériques pour que vous puissiez concrétiser les projets qui vous ressemblent, et non ceux qui sont téléguidés par les géants du numérique.

Nous pensons avoir prouvé lors de ces dix dernières années de « dégooglisation » que votre confiance n’était pas mal placée, et que chaque euro perçu avait été bien dépensé.

Aujourd’hui, au regard de nos ambitions à vous proposer de nouveaux services (mais aussi à maintenir ceux qui sont en place !), nous faisons donc de nouveau appel à votre générosité, en vous rappelant que l’association Framasoft ne vit que de vos dons, et en vous invitant donc, si vous en avez l’envie et les moyens, à nous soutenir pour cette nouvelle campagne. Merci 🙏

Soutenir la campagne « Dorlotons Dégooglisons #2 »




Ouvrir le code des algorithmes ? — Oui, mais… (1/2)

Voici le premier des deux articles qu’Hubert Guillaud nous fait le plaisir de partager. Sans s’arrêter à la surface de l’actualité, il aborde la transparence du code des algorithmes, qui entraîne un grand nombre de questions épineuses sur lesquelles il s’est documenté pour nous faire part de ses réflexions.


Dans le code source de l’amplification algorithmique : publier le code ne suffit pas !

par Hubert GUILLAUD

Le 31 mars, Twitter a publié une partie du code source qui alimente son fil d’actualité, comme l’a expliqué l’équipe elle-même dans un billet. Ces dizaines de milliers de lignes de code contiennent pourtant peu d’informations nouvelles. Depuis le rachat de l’oiseau bleu par Musk, Twitter a beaucoup changé et ne cesse de se modifier sous les yeux des utilisateurs. La publication du code source d’un système, même partiel, qui a longtemps été l’un des grands enjeux de la transparence, montre ses limites.

un jeune homme montre une ligne d'une explication de l'encodage des algorithmes au rétroprojecteur
« LZW encoding and decoding algorithms overlapped » par nayukim, licence CC BY 2.0.

Publier le code ne suffit pas

Dans un excellent billet de blog, le chercheur Arvind Narayanan (sa newsletter mérite également de s’y abonner) explique ce qu’il faut en retenir. Comme ailleurs, les règles ne sont pas claires. Les algorithmes de recommandation utilisent l’apprentissage automatique ce qui fait que la manière de classer les tweets n’est pas directement spécifiée dans le code, mais apprise par des modèles à partir de données de Twitter sur la manière dont les utilisateurs ont réagi aux tweets dans le passé. Twitter ne divulgue ni ces modèles ni les données d’apprentissages, ce qui signifie qu’il n’est pas possible d’exécuter ces modèles. Le code ne permet pas de comprendre pourquoi un tweet est ou n’est pas recommandé à un utilisateur, ni pourquoi certains contenus sont amplifiés ou invisibilisés. C’est toute la limite de la transparence. Ce que résume très bien le journaliste Nicolas Kayser-Bril pour AlgorithmWatch (pertinemment traduit par le framablog) : « Vous ne pouvez pas auditer un code seulement en le lisant. Il faut l’exécuter sur un ordinateur. »

« Ce que Twitter a publié, c’est le code utilisé pour entraîner les modèles, à partir de données appropriées », explique Narayanan, ce qui ne permet pas de comprendre les propagations, notamment du fait de l’absence des données. De plus, les modèles pour détecter les tweets qui violent les politiques de Twitter et qui leur donnent des notes de confiance en fonction de ces politiques sont également absentes (afin que les usagers ne puissent pas déjouer le système, comme nous le répètent trop de systèmes rétifs à l’ouverture). Or, ces classements ont des effets de rétrogradation très importants sur la visibilité de ces tweets, sans qu’on puisse savoir quels tweets sont ainsi classés, selon quelles méthodes et surtout avec quelles limites.

La chose la plus importante que Twitter a révélée en publiant son code, c’est la formule qui spécifie comment les différents types d’engagement (likes, retweets, réponses, etc.) sont pondérés les uns par rapport aux autres… Mais cette formule n’est pas vraiment dans le code. Elle est publiée séparément, notamment parce qu’elle n’est pas statique, mais qu’elle doit être modifiée fréquemment.

Sans surprise, le code révèle ainsi que les abonnés à Twitter Blue, ceux qui payent leur abonnement, bénéficient d’une augmentation de leur portée (ce qui n’est pas sans poser un problème de fond, comme le remarque pertinemment sur Twitter, Guillaume Champeau, car cette préférence pourrait mettre ces utilisateurs dans la position d’être annonceurs, puisqu’ils payent pour être mis en avant, sans que l’interface ne le signale clairement, autrement que par la pastille bleue). Reste que le code n’est pas clair sur l’ampleur de cette accélération. Les notes attribuées aux tweets des abonnés Blue sont multipliées par 2 ou 4, mais cela ne signifie pas que leur portée est pareillement multipliée. « Une fois encore, le code ne nous dit pas le genre de choses que nous voudrions savoir », explique Narayanan.

Reste que la publication de la formule d’engagement est un événement majeur. Elle permet de saisir le poids des réactions sur un tweet. On constate que la réponse à tweet est bien plus forte que le like ou que le RT. Et la re-réponse de l’utilisateur originel est prédominante, puisque c’est le signe d’une conversation forte. À l’inverse, le fait qu’un lecteur bloque, mute ou se désabonne d’un utilisateur suite à un tweet est un facteur extrêmement pénalisant pour la propagation du tweet.

Tableau du poids attribué en fonction des types d’engagement possibles sur Twitter.

Ces quelques indications permettent néanmoins d’apprendre certaines choses. Par exemple que Twitter ne semble pas utiliser de prédictions d’actions implicites (comme lorsqu’on s’arrête de faire défiler son fil), ce qui permet d’éviter l’amplification du contenu trash que les gens ne peuvent s’empêcher de regarder, même s’ils ne s’y engagent pas. La formule nous apprend que les retours négatifs ont un poids très élevé, ce qui permet d’améliorer son flux en montrant à l’algorithme ce dont vous ne voulez pas – même si les plateformes devraient permettre des contrôles plus explicites pour les utilisateurs. Enfin, ces poids ont des valeurs souvent précises, ce qui signifie que ce tableau n’est valable qu’à l’instant de la publication et qu’il ne sera utile que si Twitter le met à jour.

Les algorithmes de recommandation qui optimisent l’engagement suivent des modèles assez proches. La publication du code n’est donc pas très révélatrice. Trois éléments sont surtout importants, insiste le chercheur :

« Le premier est la manière dont les algorithmes sont configurés : les signaux utilisés comme entrée, la manière dont l’engagement est défini, etc. Ces informations doivent être considérées comme un élément essentiel de la transparence et peuvent être publiées indépendamment du code. La seconde concerne les modèles d’apprentissage automatique qui, malheureusement, ne peuvent généralement pas être divulgués pour des raisons de protection de la vie privée. Le troisième est la boucle de rétroaction entre les utilisateurs et l’algorithme ».

Autant d’éléments qui demandent des recherches, des expériences et du temps pour en comprendre les limites.

Si la transparence n’est pas une fin en soi, elle reste un moyen de construire un meilleur internet en améliorant la responsabilité envers les utilisateurs, rappelle l’ingénieur Gabriel Nicholas pour le Center for Democracy & Technology. Il souligne néanmoins que la publication d’une partie du code source de Twitter ne contrebalance pas la fermeture du Consortium de recherche sur la modération, ni celle des rapports de transparence relatives aux demandes de retraits des autorités ni celle de l’accès à son API pour chercheurs, devenue extrêmement coûteuse.

« Twitter n’a pas exactement ’ouvert son algorithme’ comme certains l’ont dit. Le code est lourdement expurgé et il manque plusieurs fichiers de configuration, ce qui signifie qu’il est pratiquement impossible pour un chercheur indépendant d’exécuter l’algorithme sur des échantillons ou de le tester d’une autre manière. Le code publié n’est en outre qu’un instantané du système de recommandation de Twitter et n’est pas réellement connecté au code en cours d’exécution sur ses serveurs. Cela signifie que Twitter peut apporter des modifications à son code de production et ne pas l’inclure dans son référentiel public, ou apporter des modifications au référentiel public qui ne sont pas reflétées dans son code de production. »

L’algorithme publié par Twitter est principalement son système de recommandation. Il se décompose en 3 parties, explique encore Nicholas :

  • Un système de génération de contenus candidats. Ici, Twitter sélectionne 1500 tweets susceptibles d’intéresser un utilisateur en prédisant la probabilité que l’utilisateur s’engage dans certaines actions pour chaque tweet (c’est-à-dire qu’il RT ou like par exemple).
  • Un système de classement. Une fois que les 1 500 tweets susceptibles d’être servis sont sélectionnés, ils sont notés en fonction de la probabilité des actions d’engagement, certaines actions étant pondérées plus fortement que d’autres. Les tweets les mieux notés apparaîtront généralement plus haut dans le fil d’actualité de l’utilisateur.
  • Un système de filtrage. Les tweets ne sont pas classés strictement en fonction de leur score. Des heuristiques et des filtres sont appliqués pour, par exemple, éviter d’afficher plusieurs tweets du même auteur ou pour déclasser les tweets d’auteurs que l’utilisateur a déjà signalés pour violation de la politique du site.

Le score final est calculé en additionnant la probabilité de chaque action multipliée par son poids (en prenant certainement en compte la rareté ou la fréquence d’action, le fait de répondre à un tweet étant moins fréquent que de lui attribuer un like). Mais Twitter n’a pas publié la probabilité de base de chacune de ces actions ce qui rend impossible de déterminer l’importance de chacune d’elles dans les recommandations qui lui sont servies.

Twitter a également révélé quelques informations sur les autres facteurs qu’il prend en compte en plus du classement total d’un tweet. Par exemple, en équilibrant les recommandations des personnes que vous suivez avec celles que vous ne suivez pas, en évitant de recommander les tweets d’un même auteur ou en donnant une forte prime aux utilisateurs payants de Twitter Blue.

Il y a aussi beaucoup de code que Twitter n’a pas partagé. Il n’a pas divulgué beaucoup d’informations sur l’algorithme de génération des tweets candidats au classement ni sur ses paramètres et ses données d’entraînement. Twitter n’a pas non plus explicitement partagé ses algorithmes de confiance et de sécurité pour détecter des éléments tels que les abus, la toxicité ou les contenus pour adultes, afin d’empêcher les gens de trouver des solutions de contournement, bien qu’il ait publié certaines des catégories de contenu qu’il signale.

 

graphe des relations entre comptes twitter, tr-s nombreux traits bleus entre minuscules avatars de comptes, le tout donne une impression d'inextricable comlexité
« 20120212-NodeXL-Twitter-socbiz network graph » par Marc_Smith; licence CC BY 2.0.

 

Pour Gabriel Nicholas, la transparence de Twitter serait plus utile si Twitter avait maintenu ouverts ses outils aux chercheurs. Ce n’est pas le cas.

Il y a plein d’autres points que l’ouverture de l’algorithme de Twitter a documentés. Par exemple, l’existence d’un Tweepcred, un score qui classe les utilisateurs et qui permet de voir ses publications boostées si votre score est bon, comme l’expliquait Numerama. Ou encore le fait que chaque compte est clustérisé dans un groupe aux profils similaires dans lequel les tweets sont d’abord diffusés avant d’être envoyés plus largement s’ils rencontrent un premier succès… De même, il semblerait qu’il y ait certaines catégories d’utilisateurs spéciaux (dont une catégorie relative à Elon Musk) mais qui servent peut-être plus certaines statistiques qu’à doper la portée de certains comptes comme on l’a entendu (même s’il semble bien y avoir une catégorie VIP sur Twitter – comme il y a sur Facebook un statut d’exception à la modération)…

Ouvrir, mais ouvrir quoi ?

En conclusion de son article, Narayanan pointe vers un très intéressant article qui dresse une liste d’options de transparence pour ceux qui produisent des systèmes de recommandation, publiée par les chercheurs Priyanjana Bengani, Jonathan Stray et Luke Thorburn. Ils rappellent que les plateformes ont mis en place des mesures de transparence, allant de publications statistiques à des interfaces de programmation, en passant par des outils et des ensembles de données protégés. Mais ces mesures, très techniques, restent insuffisantes pour comprendre les algorithmes de recommandation et leur influence sur la société. Une grande partie de cette résistance à la transparence ne tient pas tant aux risques commerciaux qui pourraient être révélés qu’à éviter l’embarras d’avoir à se justifier de choix qui ne le sont pas toujours. D’une manière très pragmatique, les trois chercheurs proposent un menu d’actions pour améliorer la transparence et l’explicabilité des systèmes.

Documenter
L’un des premiers outils, et le plus simple, reste la documentation qui consiste à expliquer en termes clairs – selon différentes échelles et niveaux, me semble-t-il – ce qui est activé par une fonction. Pour les utilisateurs, c’est le cas du bouton « Pourquoi je vois ce message » de Facebook ou du panneau « Fréquemment achetés ensemble » d’Amazon. L’idée ici est de fourbir un « compte rendu honnête ». Pour les plus évoluées de ces interfaces, elles devraient permettre non seulement d’informer et d’expliquer pourquoi on nous recommande ce contenu, mais également, permettre de rectifier et mieux contrôler son expérience en ligne, c’est-à-dire d’avoir des leviers d’actions sur la recommandation.

Une autre forme de documentation est celle sur le fonctionnement général du système et ses décisions de classement, à l’image des rapports de transparence sur les questions de sécurité et d’intégrité que doivent produire la plupart des plateformes (voir celui de Google, par exemple). Cette documentation devrait intégrer des informations sur la conception des algorithmes, ce que les plateformes priorisent, minimisent et retirent, si elles donnent des priorités et à qui, tenir le journal des modifications, des nouvelles fonctionnalités, des changements de politiques. La documentation doit apporter une information solide et loyale, mais elle reste souvent insuffisante.

Les données
Pour comprendre ce qu’il se passe sur une plateforme, il est nécessaire d’obtenir des données. Twitter ou Facebook en ont publié (accessibles sous condition de recherche, ici pour Twitter,  pour Facebook). Une autre approche consiste à ouvrir des interfaces de programmation, à l’image de CrowdTangle de Facebook ou de l’API de Twitter. Depuis le scandale Cambridge Analytica, l’accès aux données est souvent devenu plus difficile, la protection de la vie privée servant parfois d’excuse aux plateformes pour éviter d’avoir à divulguer leurs pratiques. L’accès aux données, même pour la recherche, s’est beaucoup refermé ces dernières années. Les plateformes publient moins de données et CrowdTangle propose des accès toujours plus sélectifs. Chercheurs et journalistes ont été contraints de développer leurs propres outils, comme des extensions de navigateurs permettant aux utilisateurs de faire don de leurs données (à l’image du Citizen Browser de The Markup) ou des simulations automatisées (à l’image de l’analyse robotique de TikTok produite par le Wall Street Journal), que les plateformes ont plutôt eu tendance à bloquer en déniant les résultats obtenus sous prétexte d’incomplétude – ce qui est justement le problème que l’ouverture de données cherche à adresser.

Le code
L’ouverture du code des systèmes de recommandation pourrait être utile, mais elle ne suffit pas, d’abord parce que dans les systèmes de recommandation, il n’y a pas un algorithme unique. Nous sommes face à des ensembles complexes et enchevêtrés où « différents modèles d’apprentissage automatique formés sur différents ensembles de données remplissent diverses fonctions ». Même le classement ou le modèle de valeur pour déterminer le score n’explique pas tout. Ainsi, « le poids élevé sur un contenu d’un type particulier ne signifie pas nécessairement qu’un utilisateur le verra beaucoup, car l’exposition dépend de nombreux autres facteurs, notamment la quantité de ce type de contenu produite par d’autres utilisateurs. »

Peu de plateformes offrent une grande transparence au niveau du code source. Reddit a publié en 2008 son code source, mais a cessé de le mettre à jour. En l’absence de mesures de transparence, comprendre les systèmes nécessite d’écluser le travail des journalistes, des militants et des chercheurs pour tenter d’en obtenir un aperçu toujours incomplet.

La recherche
Les plateformes mènent en permanence une multitude de projets de recherche internes voire externes et testent différentes approches pour leurs systèmes de recommandation. Certains des résultats finissent par être accessibles dans des revues ou des articles soumis à des conférences ou via des fuites d’informations. Quelques efforts de partenariats entre la recherche et les plateformes ont été faits, qui restent embryonnaires et ne visent pas la transparence, mais qui offrent la possibilité à des chercheurs de mener des expériences et donc permettent de répondre à des questions de nature causale, qui ne peuvent pas être résolues uniquement par l’accès aux données.

Enfin, les audits peuvent être considérés comme un type particulier de recherche. À l’heure actuelle, il n’existe pas de bons exemples d’audits de systèmes de recommandation menés à bien. Reste que le Digital Service Act (DSA) européen autorise les audits externes, qu’ils soient lancés par l’entreprise ou dans le cadre d’une surveillance réglementaire, avec des accès élargis par rapport à ceux autorisés pour l’instant. Le DSA exige des évaluations sur le public mineur, sur la sécurité, la santé, les processus électoraux… mais ne précise ni comment ces audits doivent être réalisés ni selon quelles normes. Des méthodes spécifiques ont été avancées pour contrôler la discrimination, la polarisation et l’amplification dans les systèmes de recommandation.

En principe, on pourrait évaluer n’importe quel préjudice par des audits. Ceux-ci visent à vérifier si « la conception et le fonctionnement d’un système de recommandation respectent les meilleures pratiques et si l’entreprise fait ce qu’elle dit qu’elle fait. S’ils sont bien réalisés, les audits pourraient offrir la plupart des avantages d’un code source ouvert et d’un accès aux données des utilisateurs, sans qu’il soit nécessaire de les rendre publics. » Reste qu’il est peu probable que les audits imposés par la surveillance réglementaire couvrent tous les domaines qui préoccupent ceux qui sont confrontés aux effets des outils de recommandations.

Autres moteurs de transparence : la gouvernance et les calculs

Les chercheurs concluent en soulignant qu’il existe donc une gamme d’outils à disposition, mais qu’elle manque de règles et de bonnes pratiques partagées. Face aux obligations de transparence et de contrôles qui arrivent (pour les plus gros acteurs d’abord, mais parions que demain, elles concerneront bien d’autres acteurs), les entreprises peinent à se mettre en ordre de marche pour proposer des outillages et des productions dans ces différents secteurs qui leur permettent à la fois de se mettre en conformité et de faire progresser leurs outils. Ainsi, par exemple, dans le domaine des données, documenter les jeux et les champs de données, à défaut de publier les jeux de données, pourrait déjà permettre un net progrès. Dans le domaine de la documentation, les cartes et les registres permettent également d’expliquer ce que les calculs opèrent (en documentant par exemple leurs marges d’erreurs).

Reste que l’approche très technique que mobilisent les chercheurs oublie quelques leviers supplémentaires. Je pense notamment aux conseils de surveillance, aux conseils éthiques, aux conseils scientifiques, en passant par les organismes de contrôle indépendants, aux comités participatifs ou consultatifs d’utilisateurs… à tous les outils institutionnels, participatifs ou militants qui permettent de remettre les parties prenantes dans le contrôle des décisions que les systèmes prennent. Dans la lutte contre l’opacité des décisions, tous les leviers de gouvernance sont bons à prendre. Et ceux-ci sont de très bons moyens pour faire pression sur la transparence, comme l’expliquait très pertinemment David Robinson dans son livre Voices in the Code.

Un autre levier me semble absent de nombre de propositions… Alors qu’on ne parle que de rendre les calculs transparents, ceux-ci sont toujours absents des discussions. Or, les règles de traitements sont souvent particulièrement efficaces pour améliorer les choses. Il me semble qu’on peut esquisser au moins deux moyens pour rendre les calculs plus transparents et responsables : la minimisation et les interdictions.

La minimisation vise à rappeler qu’un bon calcul ne démultiplie pas nécessairement les critères pris en compte. Quand on regarde les calculs, bien souvent, on est stupéfait d’y trouver des critères qui ne devraient pas être pris en compte, qui n’ont pas de fondements autres que d’être rendus possibles par le calcul. Du risque de récidive au score de risque de fraude à la CAF, en passant par l’attribution de greffes ou aux systèmes de calculs des droits sociaux, on trouve toujours des éléments qui apprécient le calcul alors qu’ils n’ont aucune justification ou pertinence autres que d’être rendu possibles par le calcul ou les données. C’est le cas par exemple du questionnaire qui alimente le calcul de risque de récidive aux Etats-Unis, qui repose sur beaucoup de questions problématiques. Ou de celui du risque de fraude à la CAF, dont les anciennes versions au moins (on ne sait pas pour la plus récente) prenaient en compte par exemple le nombre de fois où les bénéficiaires se connectaient à leur espace en ligne (sur cette question, suivez les travaux de la Quadrature et de Changer de Cap). La minimisation, c’est aussi, comme l’explique l’ex-chercheur de chez Google, El Mahdi El Mhamdi, dans une excellente interview, limiter le nombre de paramètres pris en compte par les calculs et limiter l’hétérogénéité des données.

L’interdiction, elle, vise à déterminer que certains croisements ne devraient pas être autorisés, par exemple, la prise en compte des primes dans les logiciels qui calculent les données d’agenda du personnel, comme semble le faire le logiciel Orion mis en place par la Sncf, ou Isabel, le logiciel RH que Bol.com utilise pour gérer la main-d’œuvre étrangère dans ses entrepôts de logistique néerlandais. Ou encore, comme le soulignait Narayanan, le temps passé sur les contenus sur un réseau social par exemple, ou l’analyse de l’émotion dans les systèmes de recrutement (et ailleurs, tant cette technologie pose problème). A l’heure où tous les calculs sont possibles, il va être pertinent de rappeler que selon les secteurs, certains croisements doivent rester interdits parce qu’ils sont trop à risque pour être mobilisés dans le calcul ou que certains calculs ne peuvent être autorisés.

Priyanjana Bengani, Jonathan Stray et Luke Thorburn, pour en revenir à eux, notent enfin que l’exigence de transparence reste formulée en termes très généraux par les autorités réglementaires. Dans des systèmes vastes et complexes, il est difficile de savoir ce que doit signifier réellement la transparence. Pour ma part, je milite pour une transparence “projective”, active, qui permette de se projeter dans les explications, c’est-à-dire de saisir ses effets et dépasser le simple caractère narratif d’une explication loyale, mais bien de pouvoir agir et reprendre la main sur les calculs.

Coincés dans les boucles de l’amplification

Plus récemment, les trois mêmes chercheurs, passé leur article séminal, ont continué à documenter leur réflexion. Ainsi, dans « Rendre l’amplification mesurable », ils expliquent que l’amplification est souvent bien mal définie (notamment juridiquement, ils ont consacré un article entier à la question)… mais proposent d’améliorer les propriétés permettant de la définir. Ils rappellent d’abord que l’amplification est relative, elle consiste à introduire un changement par rapport à un calcul alternatif ou précédent qui va avoir un effet sans que le comportement de l’utilisateur n’ait été, lui, modifié.

L’amplification agit d’abord sur un contenu et nécessite de répondre à la question de savoir ce qui a été amplifié. Mais même dire que les fake news sont amplifiées n’est pas si simple, à défaut d’avoir une définition précise et commune des fake news qui nécessite de comprendre les classifications opérées. Ensuite, l’amplification se mesure par rapport à un point de référence précédent qui est rarement précisé. Enfin, quand l’amplification atteint son but, elle produit un résultat qui se voit dans les résultats liés à l’engagement (le nombre de fois où le contenu a été apprécié ou partagé) mais surtout ceux liés aux impressions (le nombre de fois où le contenu a été vu). Enfin, il faut saisir ce qui relève de l’algorithme et du comportement de l’utilisateur. Si les messages d’un parti politique reçoivent un nombre relativement important d’impressions, est-ce parce que l’algorithme est biaisé en faveur du parti politique en question ou parce que les gens ont tendance à s’engager davantage avec le contenu de ce parti ? Le problème, bien sûr, est de distinguer l’un de l’autre d’une manière claire, alors qu’une modification de l’algorithme entraîne également une modification du comportement de l’utilisateur. En fait, cela ne signifie pas que c’est impossible, mais que c’est difficile, expliquent les chercheurs. Cela nécessite un système d’évaluation de l’efficacité de l’algorithme et beaucoup de tests A/B pour comparer les effets des évolutions du calcul. Enfin, estiment-ils, il faut regarder les effets à long terme, car les changements dans le calcul prennent du temps à se diffuser et impliquent en retour des réactions des utilisateurs à ces changements, qui s’adaptent et réagissent aux transformations.

Dans un autre article, ils reviennent sur la difficulté à caractériser l’effet bulle de filtre des médias sociaux, notamment du fait de conceptions élastiques du phénomène. S’il y a bien des boucles de rétroaction, leur ampleur est très discutée et dépend beaucoup du contexte. Ils en appellent là encore à des mesures plus précises des phénomènes. Certes, ce que l’on fait sur les réseaux sociaux influe sur ce qui est montré, mais il est plus difficile de démontrer que ce qui est montré affecte ce que l’on pense. Il est probable que les effets médiatiques des recommandations soient faibles pour la plupart des gens et la plupart du temps, mais beaucoup plus importants pour quelques individus ou sous-groupes relativement à certaines questions ou enjeux. De plus, il est probable que changer nos façons de penser ne résulte pas d’une exposition ponctuelle, mais d’une exposition à des récits et des thèmes récurrents, cumulatifs et à long terme. Enfin, si les gens ont tendance à s’intéresser davantage à l’information si elle est cohérente avec leur pensée existante, il reste à savoir si ce que l’on pense affecte ce à quoi l’on s’engage. Mais cela est plus difficile à mesurer car cela suppose de savoir ce que les gens pensent et pas seulement constater leurs comportements en ligne. En général, les études montrent plutôt que l’exposition sélective a peu d’effets. Il est probable cependant que là encore, l’exposition sélective soit faible en moyenne, mais plus forte pour certains sous-groupes de personnes en fonction des contextes, des types d’informations.

Bref, là encore, les effets des réseaux sociaux sont difficiles à percer.

Pour comprendre les effets de l’amplification algorithmique, peut-être faut-il aller plus avant dans la compréhension que nous avons des évolutions de celle-ci, afin de mieux saisir ce que nous voulons vraiment savoir. C’est ce que nous tenterons de faire dans la suite de cet article…




Les 100 premiers jours d’une libraire à la présidence de l’April

Trois mois… C’est fou ce que cela passe vite.

En décembre 2022, j’ai repris la présidence de l’April, l’association pour la promotion et la défense du Logiciel Libre. Cette association existe depuis 1996 et compte presque 3 000 membres. N’étant ni informaticienne, ni juriste, ni politicienne, j’avais refusé le poste quand un des anciens présidents, Lionel Allorge <3, me l’avait proposé, syndrome d’imposture inconscient sans doute. Après quinze ans dans l’association dont dix en tant qu’administratrice, c’était le bon moment pour se lancer.

Mais être présidente de l’April, ça m’engage à quoi ?

Les personnes qui se sont succédé à la présidence de l’April, Fred, Benoît, Tangui, Lionel, Jean-Christophe ou Véronique (maintenant vous connaissez leurs prénoms1) ont été confrontées à des combats, des injustices, des politiciens godillots, des messages à passer et à faire passer. Celles et ceux qui me connaissent savent que je suis dynamique, joviale, que j’aime aller vers les autres, travailler en équipe, rencontrer des libristes, construire ensemble, à plusieurs, et surtout totalement utopiste sur la société dans laquelle je souhaiterais vivre. Exigeante avec moi-même, je me suis fixé plusieurs objectifs à mener au sein de l’April dans l’année à venir même si, parfois, cela me semble irréalisable lors de mes insomnies. Heureusement, j’ai la chance d’être entourée de personnes formidables : les membres de l’équipe salariée, du conseil d’administration (CA) et les membres de l’association.

1) Se mettre à jour sur les dossiers institutionnels de l’April.

Chaque bénévole s’intéresse à ses sujets préférés, moi j’étais plutôt dans la vie de l’association, la tenue de stands, la sensibilisation. Mais, devenue présidente, j’ai dû me mettre à jour, m’informer et me tenir au courant des dossiers institutionnels que traite l’April : proposition de loi sur le contrôle parental, l’OpenBar du ministère des Armées avec Microsoft, Pacte du Logiciel Libre, Conseil d’expertise logiciels libres, Label Territoire Numérique Libre, GAFAM-Nation un rapport éclairant sur le lobbying des GAFAM en France, proposition d’évaluation des dépenses de logiciels de l’État, suivi de questions écrites, Ministère de l’Éducation nationale… pour ne citer qu’eux !

C’est assez chronophage de se documenter et de lire des articles sur des sujets avec lesquels on n’a que peu d’affinités, mais tellement intéressant, finalement, de creuser, de chercher des informations, de remonter à leurs sources. Pourquoi les médias ne s’emparent-ils pas de ces problématiques ? Pourquoi ne s’offusquent-ils pas de la domination des GAFAM et de l’inaction des politiques, des mauvaises décisions des responsables, du manque des femmes dans le numérique, du matériel propriétaire, parfois inutile et que l’on impose aux élèves… Arf !, je m’enflamme, désolée !

Des sujets me tiennent énormément à cœur, sur lesquels j’aimerais travailler comme la priorité au logiciel libre pour tous les logiciels utilisés par l’État et les administrations ; l’obligation d’interopérabilité partout ; la sobriété numérique car l’épuisement des matières premières nécessaires au numérique m’inquiète ; l’Éducation nationale qui reste sous le joug des GAFAM, je pense qu’elle doit sensibiliser les élèves à toutes les alternatives pour pouvoir faire des choix éclairés, pourquoi les prive-t-on des logiciels libres ?

Tellement de sujets et si peu d’heures dans une journée !

2) Lister et s’abonner aux différents groupes de travail

Les échanges et les travaux au sein des groupes de travail de l’April se font principalement au travers de listes de discussions auxquelles les membres peuvent s’inscrire. Et même les personnes non membres de l’association, la plupart des listes étant ouvertes à toute personne intéressée par le thème du groupe de travail. Je pensais que la présidente devait les suivre toutes (arf !!). En le faisant j’ai assisté à des réunions passionnantes et parfois passionnées, j’ai participé à des échanges de courriels enthousiastes ou parfois résignés.

Merci :

  • au groupe Éducation qui m’a bien accueillie, m’a expliqué tous les acronymes (j’en ai encore des cauchemars). Réfléchir sur la doctrine numérique du MEN, ou répondre à sa stratégie a été très formateur ! Préparer un état des lieux au sein d’un questionnaire va sûrement prendre beaucoup de temps et de ressources. C’est parti !
  • au groupe Sensibilisation qui approfondit actuellement la réalisation d’un jeu de société (le jeu du Gnou — jeu de plateau aux multiples questions introduisant aux notions du logiciel libre et de son éthique),
  • au groupe Diversité que j’essaye doucement de faire renaître de ses cendres,
  • au groupe Transcriptions que j’ai longtemps animé, qui produit une quantité incroyable de textes tirés de conférences ou d’émissions de radio, il y a toujours des relectures à faire (message peu subliminal).
  • à l’Agenda du Libre, ma présidence a remotivé Echarp qui y incorpore une nouvelle fonctionnalité, un planet des organisations du Libre… J’ai hâte de voir ce que cela va donner et je referais bien une mise à jour des associations (déjà en cours) !
  • au Chapril, à ses animsys, à ses services libres et loyaux que j’utilise au quotidien et à la modération du pouet que je réalise avec deux bénévoles chaque lundi ! Merci à Bastet, le chatons de Parinux, pour son lecteur de flux et à Framasoft pour cette incroyable initiative. <3

Désolée les groupes Admin sys, site web, Libre Association et Traductions, vous vous débrouillez très bien sans moi, je garde mon petit grain de sel. Et puis je dois reconnaître que jamais je ne pourrai tout lire :’-(.

 

Illustration réalisée avec Gégé – https://framalab.org/gknd-creator/

 

 

Plus je côtoie les groupes, plus je déplore notre manque de bénévoles. Un peu comme dans chaque association, me direz-vous, mais imaginez tout ce que l’on pourrait faire si nous étions encore plus nombreux ! Si nous étions encore plus de bénévoles !

3) Aller à la rencontre des libristes

En 2012, quand je suis entrée au conseil d’administration de l’April, je voulais me rapprocher des GULL (groupe d’utilisatrices et d’utilisateurs de Logiciels Libres) et lancer l’opération « enGULLez- vous », on m’en a empêchée sous le prétexte fallacieux que le nom prêterait à confusion. 😂 Néanmoins l’idée me plaît toujours.

L’April est souvent accusée de parisianisme : l’équipe salariée est à Paris, beaucoup de réunions s’y organisent. Les différents confinements nous ont permis de nous équiper afin d’organiser des visioconférences, chaque personne pouvant participer depuis chez elle. Et nous en avons bien profité !

Néanmoins, cela ne me suffit pas, c’est frustrant de discuter à distance. J’ai envie de renouer les liens avec les utilisatrices et utilisateurs de logiciels libres, comme lors des April Camps (réunion sur plusieurs jours dans un lieu fermé ou sont parfois organisés des from&pif’) à Marseille ou Montpellier. Et rien de tel que d’aller à leur rencontre ! J’ai donc mis en place une opération dont le nom ne pourra pas m’être refusé cette fois : Le Tour des GULL ! J’ai ainsi déjà rendu visite à Oisux (Beauvais), à Actux (Rennes) et bientôt à Linux Nantes.

 

Illustration réalisée avec Gégé – https://framalab.org/gknd-creator/

 

 

Invitez-moi et je viendrai boire parler de logiciel libre avec vous ! Les festivals recommencent aussi, bientôt les JDLL (Journée du Logiciel Libre) et les RPLL à Lyon, Passage en Seine à Choisy-le-Roi, le Capitole du Libre à Toulouse, l’Open Source Experience à Paris… J’ai hâte d’y tenir des stands, de donner des conférences ! La présidente est bien placée pour présenter l’April aux novices, répondre aux questions que les membres se posent et féliciter certaines entreprises, associations ou collectivités.

J’ai tellement hâte de m’y remettre et de revoir les personnes que je ne voyais qu’aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre.

Conclusion

Comme écrit au début de cet article, je n’ai pas vu passer ce trimestre ! Je suis reconnaissante aux libristes qui viennent à ma rencontre lors des apéros (va falloir agrandir les lieux de réunions !), aux personnes qui m’envoient des articles de presse qui les ont choquées ou ravies, aux membres du CA et à l’équipe salariée qui discutent avec moi par courriel ou par téléphone afin d’éclairer ma petite lanterne sur certains sujets.

Être présidente de l’April, c’est une aventure qui mérite d’être vécue même si ma librairie en pâtit parfois (mes clients pardonnent mes absences du moment que je continue à leur conseiller de bons livres).

Je suis épuisée (comme chaque année à cette époque, les médecins appellent ça le rhume des foins — sauf qu’il n’y a pas de foin à Paris !) mais épanouie et je me sens toujours investie d’une mission : changer le monde (en mieux) !

Si l’aventure vous tente, vous pouvez adhérer à l’April en allant sur le site de l’association ou en venant nous rencontrer lors des différents évènements que nous organisons ou auxquels nous participons, dont les prochains : l’apéro April du vendredi 24 mars, l’assemblée générale du samedi 25 mars, l’April Camp du dimanche 26 mars ou encore les JDLL (Journée du Logiciel Libre) des 1ᵉʳ et 2 avril à Lyon…

Merci d’avoir lu ce texte jusqu’au bout, je ne pensais pas qu’il serait aussi long quand j’ai commencé à l’écrire, mais que voulez-vous, l’enthousiasme ne se restreint pas !

 

 




Échirolles libérée ! La dégooglisation (1)

Dans notre série de témoignages sur les processus de dégooglisation, voici la republication du premier article de Nicolas Vivant qui évoque aujourd’hui la nécessaire étape initiale, le consensus à réunir aux plans institutionnel et citoyen quand on envisage et planifie la « transformation numérique » à l’échelle d’une municipalité entière…


Dégooglisation d’Échirolles, partie 1 : la structuration

par Nicolas Vivant

La transformation numérique d’Échirolles est en route, et il n’est peut-être pas inutile que nous partagions notre approche. Située dans le département de l’Isère, cette commune de 37 000 habitants jouxte Grenoble. Son maire, Renzo Sulli est également vice-président de la Métropole. Active et populaire, Échirolles a vu naître quelques célébrités, de Calogero à Vincent Clerc, en passant par Philippe Vandel.

L’histoire commence par une équipe municipale qui prend conscience que des enjeux politiques forts existent autour du numérique, et qu’il convient de s’en saisir pour les inscrire dans une cohérence avec l’action municipale.

En 2014, elle signe le Pacte du Logiciel Libre de l’April, et les premières solutions sont mises en œuvre : elles concernent notamment la messagerie, qui passe de Microsoft à BlueMind, puis la téléphonie, d’Alcatel à Xivo.

Après l’élection municipale de 2020, le choix est fait de mieux structurer l’approche, pour gagner en efficacité et en visibilité, en interne comme en externe. Une délégation est créée qui annonce la couleur et Aurélien Farge devient « Conseiller municipal délégué au développement du numérique, à l’informatique et aux logiciels libres ». Son collègue Saïd Qezbour devient conseiller municipal délégué à l’inclusion numérique, le travail peut commencer.

Le conseil municipal échirollois

Sous la houlette d’Amandine Demore, première adjointe, d’Aurélien Farge et de Saïd Qezbour, un « groupe de travail numérique » transversal est crée. Il réunit les élu·e·s pour qui le numérique est un enjeu : ressources humaines, finances, solidarités, éducation, culture… En janvier 2021, une feuille de route du numérique est finalisée. Elle identifie les grands enjeux et les thèmes que l’équipe municipale souhaite aborder dans le cadre du mandat : impact environnemental, inclusion, animation des acteurs et logiciels libres, notamment.

Parallèlement, une étude sur le numérique dans la ville est commandée. Une vaste consultation est lancée, des micro-trottoirs sont réalisés, des entretiens ont lieu avec les chefs de service, les associations, les partenaires économiques, etc. Le cabinet en charge rend son rapport en février 2021. Au-delà des chiffres, intéressants et qui permettent d’avoir une vision globale de la problématique à l’échelle de la commune, les élu·e·s peuvent vérifier que la route choisie est bien en lien avec les attentes du territoire.

Au même moment, une fonction de « directeur·trice de la stratégie et de la culture numériques » est créée. Rattachée au directeur général des services, le/la DSCN chapeautera la DSI et l’équipe en charge de l’inclusion numérique. Rattachée à la direction générale, cette nouvelle direction est chargée de l’articulation entre vision politique et mise en œuvre opérationnelle.

Nicolas Vivant en hérite avec, comme première mission, la rédaction d’un schéma directeur pour le mandat : « Échirolles numérique libre ». Basé sur la feuille de route et sur le rapport sur le numérique dans la ville, il est une déclinaison stratégique de la volonté politique de la collectivité.

Voté le 8 novembre 2021 à l’unanimité des conseillères et conseillers municipaux, il sert de fil conducteur pour le plan d’action de la DSI, et permet d’inscrire les projets du service dans une cohérence globale.

Le vote du schéma directeur (8 novembre 2021)

Un bilan de la mise en œuvre du schéma directeur est porté par Aurélien Farge et Saïd Qezbour, chaque année, en conseil municipal.

Le bilan 2022 en vidéo

 

Voilà posés les fondements de ce qui nous permettra d’aller vers une nécessaire… transformation numérique.

[À SUIVRE…]

***

Retrouvez Nicolas Vivant sur Mastodon : https://colter.social/@nicolasvivant

 

D’autres témoignages de Dégooglisation ont été publiés sur ce blog, n’hésitez pas à prendre connaissance. Et si vous aussi, vous faites partie d’une organisation qui s’est lancée dans une démarche similaire et que vous souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à nous envoyer un message pour nous le faire savoir. On sera ravi d’en parler ici !




La dégooglisation du GRAP, partie 1 : La sortie de Google Drive

A l’été 2020, nous avons commencé à publier une série d’articles faisant le récit de démarches de transitions numériques éthiques réalisées au sein de plusieurs organisations. Nous avons mené les interviews de 3 structures (WebAssoc, l’Atelier du Chat Perché et la maison d’édition Pourpenser) et puis… ça s’est arrêté. Il y avait sûrement quelque chose de plus urgent à faire ensuite… ou peut-être que le second confinement fin 2020 nous a démotivé. Peu importe la raison en fait, l’important est qu’on s’y remette !

On a donc sauté sur l’occasion lorsque le GRAP (Groupement Régional Alimentaire de Proximité), une coopérative réunissant des activités de transformation et de distribution dans l’alimentation bio-locale, a publié le récit de sa dégooglisation. Nous reproduisons ici ce long texte en trois parties pour vous partager leur expérience.

 

De 2018 à cette fin 2022, nous avons travaillé à Grap à notre dégooglisation. Nous vous proposons ce long texte en trois parties pour vous partager notre expérience.

Son premier intérêt est de laisser une trace du travail fourni et d’en faire le bilan.
Le deuxième intérêt est de partager cette expérience à d’autres structures qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure.

Nous partageons dans ce texte les processus mis en place, les différentes étapes de cette dégooglisation, les difficultés rencontrées et quelques conseils.

Pour toute question ou retour, vous pouvez contacter le pôle informatique de Grap : pole-informatique <arobase> grap.coop

Bonne lecture et longue vie aux outils numériques émancipateurs et Libres !  🚲

Au début de Grap en 2012…

Il y a 10 ans, Grap naissait en tant que SCIC – Société Coopérative d’Intérêt Collectif. En 2012 est écrite une 1ère version du préambule des statuts qui décrit l’intérêt collectif qui réunit les associé·e·s de la SCIC. Ce préambule présentait alors que Grap aller « Contribuer au développement d’activités économiques citoyennes et démocratiques, c’est-à-dire […] travaillant dans une logique de partage des savoirs, en phase avec la philosophie Creative Commons ».

Cette 1ère référence au monde du Libre est complétée et enrichie 5 ans plus tard à l’occasion d’une révision du préambule des statuts, en 2017. Désormais le préambule des statuts indique que Grap entend :

Contribuer au développement d’activités économiques citoyennes et démocratiques […] promouvant l’économie des biens communs, c’est à dire :

  • Travailler dans une logique de partage des savoirs, en phase avec la philosophie Creative Commons
  • Promouvoir, contribuer et utiliser des logiciels libres au sens de la Free Software Foundation ; minimiser l’utilisation de logiciels sous licences privatives
  • Promouvoir, contribuer et utiliser des solutions informatiques qui n’exploitent pas de façons commerciales les données des utilisateurs et qui respectent leurs vies privées

Notre démarche de dégooglisation s’inscrit donc dans la continuité des choix politiques portés par les associé·e·s de la coopérative depuis sa création. Par dégooglisation, nous entendons ici le remplacement des logiciels propriétaires – qu’ils soient détenus par les GAFAM ou non – par des logiciels Libres.

Dès le début, il est décidé d’internaliser une partie de l’informatique au sein de l’équipe qui rend les services aux activités de la coopérative. [À Grap, nous utilisons le terme d’activité pour désigner les entreprises associées à Grap et les activités économiques de la Coopérative d’Activités et d’Emploi]. La majorité du temps informatique sera dédié au développement du progiciel libre OpenERP (nommé désormais Odoo) pour gérer la première activité d’épicerie (3 P’tits Pois à Lyon) de la coopérative.

Par pragmatisme économique et choix stratégique, les autres outils de la coopérative ne sont pas choisis par le critère de logiciel Libre ou non. Ainsi, la coopérative va utiliser Google Drive, Google Mail, Google Agenda, et aussi d’autres logiciels spécifiques comme EBP pour la compta ou Cegid Quadra pour la paie.

2018-2020/ Sortir de Google Drive pour Nextcloud

Après le départ d’un des cofondateurs et d’un informaticien en 2014, le service informatique va fonctionner avec 1 seule personne jusqu’à fin 2017. Sylvain Le Gal va alors consolider le périmètre existant (gestion d’une eBoutique, développements spécifiques à l’alimentaire dans OpenERP, connexion avec des balances client·es et migration de OpenERP 7.0 à Odoo 8.0).

Fin 2017, l’embauche de Quentin Dupont permet de gagner en temps de travail disponible et d’agrandir le périmètre des services du pôle informatique.

🌻 L’été 2018 pour valider l’alternative à Google Drive

Le choix du logiciel remplaçant se fait très facilement : Nextcloud est LA solution Libre qui s’impose autant par sa prise en main relativement simple pour des utilisateur·ices de tout niveau, que par l’engouement de sa communauté et son administration alors maîtrisée par le pôle informatique.

Il faut quand même s’assurer que toutes les fonctionnalités utilisées actuellement trouvent leur équivalent. Grâce aux différentes applications existantes sur Nextcloud, les différents besoins se retrouvent bien couverts.

🌸 À l’automne 2018, on prend la décision de sortir de Google Drive

Un changement de logiciel peut être l’occasion de revoir ses pratiques. Nous en profitons pour revoir notre arborescence de fichiers et de dossiers. Nous créons alors :

  • Un compte Nextcloud par :
    • personne physique de l’équipe interne
    • personne physique des activités qui ont des mandats particuliers (administrateur·ice au CA par exemple)
    • activité de la coopérative (donc par « personne morale ») et non pas par personne physique de la coopérative pour différentes raisons :
        • de nombreuses activités partagent réellement leurs ordinateurs tout au long de la journée
        • aucun intérêt à ce que chaque personne ait son compte, cela rajouterait une dose énorme de suivi de création de compte, de support, etc.
        • ce choix vient avec une limite : l’accès aux documents personnels avec le pôle social n’est pas possible
  • Un « groupe » Nextcloud pour chaque groupe autonome
    • un groupe par pôle de l’équipe interne
    • un groupe par mandat : DG, CA
    • un groupe par activité de la coopérative – regroupant le compte de la personne morale + les comptes des personnes physiques de cette activité qui ont des mandats particuliers.
  • Des dossiers communs pour travailler collaborativement
    • entre pôles de l’équipe
    • entre membres de la coopérative
    • entre mandataires (DG ou CA)

structure des dossiers NC au GRAP
La structure de dossiers présentée en nov. 2018 et qui est en place depuis.

Avec Nextcloud, nous avons donc pu créer une architecture plutôt simple pour les utilisateur·ices mais permettant de répondre aux complexités du travail collaboratif entre des profils bien différents.

Grâce aux droits d’accès paramétrables finement, le Nextcloud permet ainsi d’offrir plus de transparence et de collaboration dans la coopérative, que ce soit par les dossiers partagés totalement ou, à l’inverse, les dossiers dont l’accès n’est possible qu’en lecture sans possibilité de modifier.

💮 2019 – 2020 : la dégooglisation de 150 personnes dans 50 activités

Google Drive n’est pas seulement utilisé par l’équipe interne. L’outil est partagé à l’ensemble de la coopérative. C’est à dire à une cinquantaine – à l’époque – d’activités indépendantes, allant de l’entrepreneuse seule à la petite équipe de 10 personnes.

Il faut donc embarquer tout le monde dans ce changement.

  • Politiquement/théoriquement pas de soucis. Les méfaits de Google sont connus de la majorité des gens et théoriquement, nous n’avons jamais eu de désaccords sur l’idée de sortir de Google Drive.
  • En pratique, Google Drive s’avère être plutôt lourd à l’utilisation, pas bien maîtrisé ni maîtrisable, surtout concernant la gestion des partages qui est un véritable enfer (« Qui est le fichu propriétaire de ce fichier dont le propriétaire originel est parti de la structure / n’a plus de compte Google ? »).

En allant sur Nextcloud, nous allions maîtriser – et donc être responsables – des données de la coopérative, nous allions retrouver de la souveraineté et de la compétence sur le sujet.

Au printemps 2019, nous changeons aussi d’outil de documentation. Pour sa simplicité d’utilisation et son ergonomie générale, nous choisissons le logiciel Libre BookstackApp. Depuis, notre librairie tourne toujours aussi bien et héberge notre documentation informatique mais aussi toute la documentation stable de la coopérative.

Depuis 2020, la documentation informatique est librement consultable ici : https://librairie.grap.coop/shelves/informatique

💩 Une première difficulté : l’export des données de Google

L’export fut en effet très compliqué, trop compliqué pour un logiciel conçu par l’une des entreprises les plus puissantes au monde. L’export des données d’un Google Drive (à l’époque en tout cas) est extrêmement long et très peu sécurisant : Google fournit l’export en archives coupées en plusieurs parties (du style « ARCHIVE-PART01 » « ARCHIVE-PART02 »), archives dont une partie… pouvait être manquante (ex : on a la partie 01, 02, 04, 05 mais pas la partie 03), nécessitant de refaire un export entier.

Nous avons donc passé de nombreuses heures à exporter les données, puis nous les avons sécurisées sur un disque dur externe, avant de les envoyer sur notre Nextcloud.

🚀 Et tu formes formes formes, c’est ta façon d’aimer

Pour réussir à dégoogliser la coopérative, pas de miracle, on a enchaîné la formation des activités une à une, en mutualisant des formations par territoire géographique.

Chaque formation durait environ 1h30. En 2019, nous avons passé environ 150 heures de travail à la formation, l’accompagnement et la documentation de cette étape de dégooglisation (+ les heures techniques, voir bilan financier à la fin de ce récit). L’ensemble de la documentation – qui est un travail continu – est consultable ici : https://librairie.grap.coop/books/nextcloud

En janvier 2020, soit plus d’un an après la décision de passer sur Nextcloud, la migration était officiellement finie ! 🎉

🙊 Une difficulté pas anticipée : les limitations d’Onlyoffice pour les commandes groupées

Tout allait bien dans la dégooglisation progressive de la coopérative. Au cours de l’année 2019, la moitié de la coopérative utilise désormais Nextcloud au lieu de Google Drive !

Un des avantages de la coopérative pour les activités est de pouvoir mutualiser de nombreux sujets. Un de ces sujets est l’approvisionnement en produits artisanaux en circuits courts grâce à une logistique interne – Coolivri. Cette logistique s’appuyait à l’époque sur un GROS fichier tableur en ligne sur Google Drive.

Le 2 août 2019, une première commande groupée d’oranges et d’agrumes est lancée sur le Nextcloud et toutes les prochaines commandes groupées vont débarquer sur le Nextcloud, géré par l’application Onlyoffice.

Et c’est vers cette période que l’on se rend compte que l’application disponible d’Onlyoffice a une limitation : pas plus de 20 personnes connectées simultanément sur l’ensemble des fichiers collaboratifs du nuage ! À l’époque nous devions avoir une soixantaine d’utilisateur·ices et une équipe interne qui l’utilise toute la journée : ce n’était pas tenable.

mème limitations OnlyOffice

Cette limitation n’est pas technique, mais bien un choix délibéré de l’entreprise développant le logiciel pour amener à payer une licence permettant d’accéder au logiciel sans limitation. Un modèle freemium en soi. Cette question du modèle économique et de ce qu’est un « vrai » logiciel libre est bien sûr compliqué, et amènera de nombreux débats dans les forums de discussion de Nextcloud.

Fin 2019, nous nous questionnons réellement sur le fait de payer cette licence (coût à l’époque : ~1500€ en une fois pour 100 utilisateur·ices simultanées).

Après avoir écumé les Internets, contacté toutes les structures amies qui auraient la même problématique, la solution vient finalement de la communauté elle-même qui est partagée sur le fait de contourner cette limitation qui constitue le modèle économique de l’entreprise développant Onlyoffice. Un développeur bénévole a réussi à reproduire le logiciel (légalement car le logiciel est Libre) en enlevant cette limitation !

Depuis, nos commandes groupées ont été rapatriées sur Odoo grâce à un gros développement interne, en faisant un outil beaucoup plus résilient et solide. Et nous continuons d’utiliser Onlyoffice dans des versions communautaires trouvées par ci par là.

Google en 2022 s’inquiète 😉

To be continued…

Dans la seconde partie, nous continuerons notre récit de dégooglisation, nous permettant de nous débarrasser de Google Agenda puis du mastodonte.. Gmail !

Si vous aussi, vous faites partie d’une organisation qui s’est lancée dans une démarche similaire et que vous souhaitez partager votre expérience, n’hésitez pas à nous envoyer un message pour nous le faire savoir. On sera ravi d’en parler ici !




L’aventure de la modération – épisode 1

Maiwann, membre de l’association, a publié sur son blog une série de cinq articles sur la modération. Nous les reproduisons ici pour leur donner (encore) plus de visibilité.

Voici le premier.

Il me semble que mon parcours rassemble plusieurs spécificités qui me permettent d’analyser sous un angle particulier les différentes particularités de la modération :

  • Je suis une femme féministe, et une “geek”,
  • Je suis de gauche (= progressiste), et soutiens tous les mouvements pour plus de justice sociale,
  • Je suis conceptrice d’outils numériques, donc je connais le pouvoir que nous avons lorsque nous créons un produit numérique,
  • Je suis critique du numérique, et notamment du numérique capitaliste (de son petit nom, capitalisme de surveillance). J’enrichis cette réflexion grâce aux discussions que nous avons au sein de l’association Framasoft dont je suis membre bénévole.
  • J’ai fait de la modération pour un réseau social et ce réseau social n’était pas capitaliste.

 

Pepper la sorcière et Carrot le chat dorment paisiblement contre un éléphant (un mastodonte) dans une jolie jungle.
My Neighbor Mastodon – CC-BY David Revoy

 

C’est parti !

3615 ma vie : d’où je parle

Un ordi dès l’enfance

J’ai toujours été utilisatrice d’ordinateurs.
J’ai retrouvé récemment des photos d’un Noël où j’avais peut-être 4 ou 5 ans et où j’ai eu le droit à un ordinateur format jouet, le genre de trucs qui doit faire des chansons ou proposer des mini-jeux en répétant les mêmes phrases à voix robotique à longueur de journée. Quand j’ai vu cette image, j’ai tout de suite pensé à cette courbe qui montre que l’intérêt des enfants pour l’informatique est similaire pour les filles et les garçons… jusqu’au moment où l’on offre des ordinateurs aux petits garçons et pas aux petites filles.

La courbe montre le pourcentage de femmes diplômées dans quatre sections : médecine, droit, physique, informatique, qui augmente au fur et à mesure du temps. Mais on observe un décrochage des diplômées en informatique juste après que l’ordinateur soit promu comme un jouet pour les garçons.

Or, j’ai eu la chance d’avoir une petite sœur, aussi pas de compétition genrée au sein de la fratrie. Par la suite en 1999 nous avons déménagé en Polynésie Française et dans notre chambre d’enfants nous avions un ordinateur, un Windows 98 que nous pouvions utiliser pour jouer à de nombreux jeux vidéos avec bonheur.

Internet n’était qu’une possibilité très lointaine, réservée à mon père qui parfois tentait de m’aider à me connecter pour pouvoir accéder aux jeux de réseau… mais ça n’a jamais fonctionné (peut-être dû au décalage horaire de douze heures avec l’hexagone, je ne le saurai jamais !).

Une fois de retour en France hexagonale, mon père qui était le technicien de la maison, décède. Ma mère n’étant absolument pas intéressée par le sujet, je deviens l’informaticienne de la maison : c’est souvent moi qui installe les logiciels (par exemple le Scrabble pour jouer en ligne), qui sait comment libérer de la place sur l’ordinateur en désinstallant des logiciels (parce que je le faisais souvent sur le Windows 98, j’avais donc déjà de la pratique).

Dans mon milieu familial, si personne n’est admiratif de mes bidouilles, personne ne m’empêche de les faire et je deviens assez vite autonome. De plus, le collège porte un projet de numérisation et on offre aux 4ᵉ et aux 3ᵉ un ordinateur portable. Il est difficile de se connecter à Internet, il n’y a pas de Wifi, mais cela me permet déjà de jouer, de regarder des films de façon indépendante, bref encore plus d’autonomie pour moi !

Un début de pratique collective du numérique (forums, skyblogs, réseaux sociaux).

Plus tard au lycée, l’accès internet est plus simple (on a du wifi !) et je traine sur des forums notamment liés aux génériques de dessins animés (oui c’est un de mes trucs préférés de la vie, je ne sais toujours pas pourquoi). J’ai souvenir d’être déjà pas mal méfiante, assez poreuse aux discours de “on ne sait pas qui nous parle sur Internet”. C’est le grand moment des skyblogs, qu’on ouvre en deux clics pour raconter sa vie (quel bonheur !). Et enfin, c’est l’arrivée de Facebook qui devient un outil très répandu.

Si je n’ai pas de souvenirs de harcèlement via les réseaux sociaux, je me souviens déjà d’une pression sociale pour s’y inscrire. Nous organisions toutes nos sorties cinéma, anniversaires, soirées via les évènements Facebook, et l’une de nos amies n’y était pas inscrite… nous oubliions de la prévenir systématiquement. =/

Pour la suite je vous la fais rapide, je vieillis, c’est le temps des études que j’oriente d’abord malgré moi vers le design web (j’avais envie de faire des dessins animés mais j’étais pas assez bonne dessinatrice !).


Le début d’un lien entre politique et numérique

Je prends conscience du pouvoir mêlé à l’enfer de l’instantanéité des réseaux sociaux en 2015, au moment des attentats de Charlie Hebdo : je suis fébrilement l’actualité via le hashtag… avant de voir une vidéo de meurtre et de fermer lentement mon ordinateur, horrifiée par ce que je viens de voir. C’est une période où je fais “connaissance” avec les discours islamophobes qui superposent les raccourcis.

Je ne suis, à l’époque, pas très politisée, mais pas à l’aise avec ces discours… jusqu’à ce que je fasse connaissance avec une personne qui a un discours que je trouve très juste sur ce sujet (il doit me faire découvrir le concept d’islamophobie, ce qui est déjà pas mal). Et il s’avère que cette personne étant également dans la mouvance du logiciel libre : je découvre alors un monde numérique qui a une intention éloignée de celles du capitalisme, et notamment l’association Framasoft.


Alternatif, vous avez dit alternatif ?

Je découvre donc ce monde numérique alternatif, ou “libre” et au bout de quelques années, un réseau social alternatif : début 2018, alors que j’utilise beaucoup Twitter, une alternative nommée Mastodon se lance. Je m’y inscris, et l’utilise peu, avant de m’y constituer un petit réseau qui me fait y rester (autant que sur Twitter).

Les années passent encore, nous sommes en 2019 et on me propose de rejoindre Framasoft, ce que j’accepte ! Je découvre un collectif qui développe une réflexion très poussée sur ce qu’il y a de délétère dans la société et notamment le numérique, et qui propose des alternatives émancipatrices.

Lorsque je rejoins l’association, au printemps 2019, un sujet est brûlant au sein de l’asso comme à l’extérieur : la modération du réseau social Framapiaf.


Framapiaf ? Mastodon ? Kezako ?

En 2017, un réseau social alternatif commence à faire parler de lui : il s’agit de Mastodon.

Ce réseau social a un fonctionnement un peu particulier : il est décentralisé, en opposition a plein d’autres réseaux sociaux, notamment les réseaux capitalistes, qui sont eux tous centralisés : Il y a 1 Facebook, 1 Twitter, 1 Instagram, 1 TikTok… etc.

Pour comprendre en moins de deux minutes le concept, je vous laisse regarder cette petite vidéo, sous-titrée en français :  https://framatube.org/w/9dRFC6Ya11NCVeYKn8ZhiD 

Il y a donc une multitude de Mastodon, proposés par une multitude de personnes, associations ou entreprises différentes.
Mais ces Mastodon sont tous connectés les uns aux autres, ce qui permet que les personnes inscrites sur le Mastodon de Framasoft peuvent tout à fait discuter avec des personnes inscrites sur les Mastodon d’autres associations, exactement comme pour les mails ! (si vous avez un mail en @orange.fr et moi un mail en @laposte.net, nous pouvons nous écrire).

Cette spécificité de fonctionnement a plusieurs intérêts, et une grand influence sur les possibilités de modération. Par exemple :

— Le modèle économique de chaque Mastodon est choisi par la structure qui le porte. Chez Framasoft par exemple, se sont les dons qui permettent de tout faire tourner.

— Les règles de modération de chaque Mastodon sont choisies par la structure qui le porte. Aussi, c’est à elle de définir ce qu’elle accepte ou n’accepte pas, en toute indépendance.

— Si les règles ou le modèle économique d’un Mastodon ne vous conviennent pas, vous pouvez… déménager sur un autre Mastodon, tout simplement !


Quel était le problème avec la modération ?

Il faut savoir que Framasoft, entre 2014 et 2019 lançait en moyenne un service par mois (framapad, framadate, framaforms…). Elle a donc lancé Framapiaf pour participer à la promotion du réseau social, sans prendre particulièrement en compte la nécessité de gérer les interactions qui se dérouleraient sur ce média social.

L’association n’était à l’époque composée que de huit salarié·es pour plus de quarante services proposés, des conférences  réalisées, des interventions médias, des billets de blog, des campagnes de dons et financement participatif… bref, l’existence du réseau social n’était qu’un petit élément de cet univers, et sa modération un sous-élément en plus de l’aspect technique…

Je parle des interactions et non pas de la modération car sur d’autres services, les salariés géraient déjà de la modération de contenu : images violentes, notamment de pédopornographie… Mais cela impactait uniquement les salariés et ne se propageait pas vers l’extérieur, donc restait du travail totalement invisible.

Or, avec Framapiaf, s’il y avait des contenus problématiques qui étaient diffusés, ils n’impactaient pas seulement les salariés qui faisaient la modération mais aussi leurs destinataires, et potentiellement tous les usagers du média social.

Aussi de nombreuses utilisatrices ont signalé à l’association (parfois violemment, j’y reviendrais) que l’état de la modération leur semblait insuffisant, et que des personnes avaient des interactions problématiques avec iels.

Les salariés n’ayant pas la disponibilité pour gérer pleinement ce sujet, ce sont des bénévoles qui s’en sont chargés.


Avant la charte : Un flou qui crée des tensions


Recette pour abimer des modérateurices

En effet, jusqu’à présent quelques salarié·es de l’association géraient la modération avec les moyens du bord, étaient souvent seuls à s’occuper des signalements dans leur coin, alors que cette tâche est particulièrement complexe.

 

Pourquoi complexe ? Parce que lorsque l’on est modérateurice, et qu’on souhaite faire un travail juste, notre notion de ce qui est juste est sans cesse réinterrogée.

 

Déjà dans l’analyse de la situation : Est-ce que la personne qui a posté ce contenu l’a fait en sachant sciemment qu’elle risquait de blesser quelqu’un, ou non ?

 

Dois-je lui donner le bénéfice du doute ? Est-elle agressive ou seulement provocante ? Est-ce qu’on doit agir contre une personne provocante ? Est-ce que ce contenu est vraiment problématique, ou est-ce que c’est moi qui me suis levé·e du mauvais pied ? Qui suis particulièrement sensible à cette situation ?

 

Ensuite dans les actions à effectuer : dois-je supprimer ce contenu ? Supprimer ce compte ? Prévenir la personne pour lui expliquer le pourquoi de mes actions, par transparence ? Comment cela va-t-il être reçu ? Quel est le risque de retour de flammes pour moi ? Pour l’association ?

 

Et le meilleur pour la fin : on se sent seul responsable lorsque des personnes extérieures viennent critiquer, parfois violemment, la façon dont la modération est réalisée.

 

Il n’y a aucune réponse universelle à ces questions. Ce qui simplifie, en général, le processus de modération, c’est :

— un collectif qui permet de prendre une décision collégiale (ce qui évite de faire reposer une décision difficile et ses conséquences sur un seul individu)

— une vision politique qui facilite d’autant ces prises de décisions.

Nous avons une chance immense à Framasoft, c’est que toutes les personnes actives au sein de l’association sont très alignées politiquement (ça se sent dans le manifeste que nous venons de publier). Mais il n’y avait pas de collectif de modérateurices pour traiter ces questions et prendre les décisions qui sont les plus dures : celles pour les situations qui se trouvent “sur le fil”.


Structurer un groupe de modérateurices pour s’améliorer

J’arrive donc à Framasoft avec l’envie d’aider sur le sujet de la modération, qui est instamment priorisé par le directeur de l’association au vu du stress dans lequel étaient plongés les salariés-modérateurs.

Nous sommes un petit groupe (trois personnes) à proposer de rédiger une charte qui transposera notre vision politique en discours lisible, sur laquelle nous pourrons nous appuyer et nous référer pour expliciter nos choix de modération futurs et trancher des situations problématiques qui ont profité d’un flou de notre politique de modération.

Nous n’avons pas de débat majeur, étant assez alignés politiquement ; c’est la rédaction de la charte qui a été la plus complexe, car nous étions deux sur trois à être novices en modération, nous ne savions donc pas précisément ce qui nous
servirait dans le futur. La charte est disponible sur cette page et a été publiée le 8 juillet 2019.


Publication de la charte

Donc une fois la charte réalisée, il a fallu la poster.

Et là.

J’ai déjà raconté en partie ce qui s’est passé sur un précédent billet de blog nommé Dramasoft, du nom du hashtag utilisé pour parler de la vague de réactions suite à cette publication.

Pour résumer, nous avons subit une vague de harcèlement, de la part de personnes directement touchées par des oppressions systémiques (ça fait tout drôle). Il s’agit d’un type particulier de harcèlement donc je reparlerai : il n’était pas concerté. C’est à dire que les personnes ayant contribué au harcèlement ne l’ont pas fait de façon organisée. Mais l’accumulation de reproches et d’accusations a exactement le même effet qu’une vague de harcèlement opérée volontairement.

 

D’ailleurs pour moi, elle était pire qu’une vague de masculinistes du 18-25 que j’avais vécu un an auparavant. Car il est bien plus facile de les mettre à distance, en connaissant les mécanismes utilisés et leurs méthodes d’intimidation. Ce n’est pas la même chose de se faire harceler par des personnes qui sont dans le même camp que nous. Et je n’ai pas réussi à créer de la distance, en tout cas sur le moment (maintenant j’ai compris que les façons de communiquer comptaient !).

La charte

Je reviens sur ses différents articles :

1 — Cadre légal

Nous sommes placé·e⋅s sous l’autorité de la loi française, et les infractions que nous constaterons sur nos médias pourront donner lieu à un dépôt de plainte. Elles seront aussi modérées afin de ne plus apparaître publiquement.

Cela concerne entre autres (sans être exhaustif) :

— l’injure
— la diffamation
— la discrimination
— les menaces
— le harcèlement moral
— l’atteinte à la vie privée
— les appels à la haine
— La protection des mineurs, en particulier face à la présence de contenu à caractère pornographique (Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 — Article 227-22-1 et Article 227-23 du code pénal).

Alors respecter la loi, ça peut sembler bête de le rappeler, mais ça nous permet de faire appel à un argument d’autorité qui peut être utile lorsqu’on n’a pas envie de faire dans la dentelle.


2 — Autres comportements modérés

Ici nous avons fait en sorte d’être, autant que possible, “ceinture et bretelles” pour rendre explicites que nous trouvons ces différents comportements problématiques. Et si vous avez l’impression qu’il s’agit parfois de choses évidentes, eh bien sachez que ça n’est pas le cas pour tout le monde.

Nous n’accepterons pas les comportements suivants, qui seront aussi modérés :

— Envoyer des messages agressifs à une personne ou à un groupe, quelles que soient les raisons. Si on vous insulte, signalez-le, n’insultez pas en retour.

Permet de ne pas tomber dans le “mais c’est pas moi c’est lui qui a commencé”.

—  Révéler les informations privées d’une personne. Dévoiler ses pseudonymes et les caractères de son identité est un choix personnel et individuel qui ne peut être imposé.

Ici par exemple, on explicite clairement un comportement qui n’a rien de répréhensible en soi (c’est pas interdit de donner des infos sur une personne !) mais qu’on sait avoir des effets délétères sur les personnes visées (si on donne le numéro de téléphone ou l’adresse d’une personne, même si rien ne se passe ensuite, il y a a minima la peur d’être contacté·e par des inconnus qui est vraiment problématique).

 

— Insister auprès d’une personne alors que cette dernière vous a demandé d’arrêter. Respectez les refus, les « non », laissez les gens tranquilles s’iels ne veulent pas vous parler.

On rappelle la base de la notion de consentement, ce qui permet aussi d’encourager les utilisateurices à poser leurs limites si elles souhaitent arrêter un échange.

 

— Tenir des propos dégradants sur les questions de genre, d’orientation sexuelle, d’apparence physique, de culture, de validité physique ou mentale, etc. et plus généralement sur tout ce qui entretient des oppressions systémiques. Si vous pensiez faire une blague, sachez que nous n’avons pas d’humour sur ces questions et que nous ne les tolérerons pas. Dans le doute, demandez-vous préalablement si les personnes visées vont en rire avec vous.

 

Ici, petit point “oppression systémique” aussi résumable en “on est chez les woke, déso pas déso” ; de plus on coupe court à toute tentative de négocier par un prétendu “humour”.

 

— Générer des messages automatiques de type flood, spam, etc. Les robots sont parfois tolérés, à condition d’être bien éduqués.

Les bots pourquoi pas mais selon ce qui nous semble être “une bonne éducation” et oui c’est totalement arbitraire. 🙂

 

— Partager des émotions négatives intenses (notamment la colère), en particulier à l’égard d’une personne. Les médias sociaux ne sont pas un lieu approprié pour un règlement de compte ou une demande de prise en charge psychologique. Quittez votre clavier pour exprimer les émotions intenses, trouvez le lieu adéquat pour les partager, puis revenez (si nécessaire) exposer calmement vos besoins et vos limites.

Ici on partage notre vision des réseaux sociaux : Ils ne permettent pas d’avoir une discussion apaisée, ne serait-ce que parce qu’ils limitent grandement le nombre de caractères et par là même, la pensée des gens. Donc si ça ne va pas, si vous êtes en colère, éloignez-vous-en et revenez quand ça ira mieux pour vous.

 

— Participer à un harcèlement par la masse, inciter à l’opprobre général et à l’accumulation des messages (aussi appelé dog piling). Pour vous ce n’est peut-être qu’un unique message, mais pour la personne qui le reçoit c’est un message de trop après les autres.

Ici on place la différence entre une action et l’effet qu’elle peut avoir sur les personnes. En effet, si le harcèlement organisé est facile à imaginer, on se rend moins compte de l’effet que peut avoir un flot de messages envoyé à une personne, quand bien même les expéditeur·ices ne se sont pas coordonnés pour générer une vague de harcèlement… le ressenti final est similaire : on reçoit des tonnes de messages propageant de la colère ou des reproches, alors qu’on est seul·e de l’autre coté de l’écran.

 

— Dénigrer une personne, un comportement, une croyance, une pratique. Vous avez le droit de ne pas aimer, mais nous ne voulons pas lire votre jugement.

On conclut avec une phrase plus généraliste, mais qui nous permet d’annoncer que le réseau social n’est pas là pour clamer son avis en dénigrant les autres.


3 — Les personnes ne sont pas leurs comportements

Nous différencions personnes et comportements. Nous modérerons les comportements enfreignant notre code de conduite comme indiqué au point 5, mais nous ne bannirons pas les personnes sous prétexte de leurs opinions sur d’autres médias.

Nous changeons et nous apprenons au fil de notre vie… aussi des comportements que nous pouvions avoir il y a plusieurs années peuvent nous sembler aujourd’hui complètement stupides… Cette phrase est donc là pour annoncer que, a priori, nous aurons une tolérance pour les nouveaux arrivants et nouvelles arrivantes.

Cependant, nous bannirons toute personne ayant mobilisé de façon répétée nos équipes de modération : nous voulons échanger avec les gens capables de comprendre et respecter notre charte de modération.

Cette phrase est parmi celles qui nous servent le plus : à Framasoft, ce qui nous sert de ligne de rupture, c’est l’énergie que nous prend une personne. Quand bien même ce qui est fait est acceptable du point de vue de la charte, si nous sommes plusieurs à nous prendre la tête pour savoir si oui, ou non, les contenus partagés méritent une action de modération… Eh bien c’est déjà trop.

Après tout, nous avons d’autres projets, l’accès à nos services est gratuit, mais il n’y a pas de raison de nous laisser
vampiriser notre temps par quelques utilisateurs qui surfent sur la frontière du pénible.


4 — Outils à votre disposition

Nous demandons à chacun⋅e d’être vigilant⋅e. Utilisons les outils à notre disposition pour que cet espace soit agréable à vivre :

 

Si quelqu’un vous pose problème ou si vous vous sentez mal à l’aise dans une situation, ne vous servez pas de votre souffrance comme justification pour agresser. Vous avez d’autres moyens d’actions (détaillés dans la documentation)

  • fuir la conversation,
  • bloquer le compte indésirable,
  • bloquer l’instance entière à laquelle ce compte est rattaché (uniquement disponible sur Mastodon),
  • signaler le compte à la modération.

Copie d’écran d’un signalement sur Framapiaf

Une partie de l’action des modérateurices est de faire (ce que j’appelle personnellement) “la maîtresse”. J’ai plusieurs fois l’impression de me faire tirer la manche par un enfant qui me dirait “maîtresse, untel est pas gentil avec moi”. J’y reviendrai, mais c’est pour cela que nous listons les façons d’agir : pour que dans les cas mineurs, les personnes puissent agir elles-mêmes. Déjà parce que se sera toujours plus rapide, que cela permet à la personne de faire l’action qu’elle trouve juste, et puis parce que ça permet de ne pas nous prendre du temps pour des cas qui restent des petites prises de bec individuelles.

 

— Si quelqu’un vous bloque, entendez son souhait et ne cherchez pas à contacter cette personne par un autre biais, ce sera à elle de le faire si et quand elle en aura envie.

 

Petit point consentement, ça fait pas de mal.

 

— Si vous constatez des comportements contraires au code de conduite menant des personnes à être en souffrance, signalez-le à la modération afin de permettre l’action des modérateurs et modératrices. Alerter permet d’aider les personnes en souffrance et de stopper les comportements indésirables.

 

Il ne nous est pas possible d’être pro-actif sur la modération, pour deux raisons simples :

1. On a autre chose à faire que passer notre temps à lire les contenus des un·es et des autres.

2. Nous avons nos propres comptes bloqués, masqués, et nous ne sommes pas au sein de toutes les conversations. Aussi il n’est pas possible de tout voir (et de toute façon, ça nous ferait bien trop de boulot !).

 

— S’il n’est pas certain qu’une personne est en souffrance, mais que les comportements à son égard sont discutables, engagez la conversation autour de ces comportements avec chacune des personnes concernées, dans le respect, afin d’interroger et de faire évoluer votre perception commune des comportements en question.

 

Petit point : chacun·e peut être médiateurice, il n’y a pas que les modérateurices qui doivent le faire. J’insiste sur ce point,
car on a tendance à créer une dichotomie entre “les utilisateurs” qui peuvent faire preuve d’immaturité, et les modérateurices qui eux seraient paroles d’évangile ou au moins d’autorité. Il est dommage de ne pas avoir davantage de personnes qui se préoccupent d’un entre deux où elles pourraient ménager les 2 parties afin que chacun·e clarifie pacifiquement sa position, ce qui permettrait sûrement d’éviter les actions de modération.

 

— Dans le cadre du fediverse (Framapiaf, PeerTube, Mobilizon,…), vous pouvez également masquer un compte (vous ne verrez plus ses messages dans votre flux mais vous pourrez continuer à discuter avec la personne). Vous pouvez aussi bloquer un compte ou une instance entière depuis votre compte : à ce moment, plus aucune interaction ne sera possible entre vous, jusqu’à ce que vous débloquiez.

 

Référez-vous à la documentation sur les façons de signaler et se protéger suivant les médias utilisés.

 

Et pour conclure, on donne d’autres indications sur la façon de s’auto-gérer sur une partie de la modération.

5 — Actions de modération

Lorsque des comportements ne respectant pas cette charte nous sont signalés, nous agirons dans la mesure de nos moyens et des forces de nos bénévoles.

Les outils de modération à notre disposition dans Framapiaf

Dans certains cas, nous essayerons de prendre le temps de discuter avec les personnes concernées. Mais il est aussi possible que nous exécutions certaines de ces actions sans plus de justification :
— suppression du contenu (des messages, des vidéos, des images, etc.)

— modification (ou demande de modification) de tout ou partie du contenu (avertissement de contenu, suppression d’une partie)

— bannissement de compte ou d’instance, en cas de non-respect des CGU (usage abusif des services) ou de non-respect de cette charte.

N.B. : dans le cadre du fediverse (Framapiaf, PeerTube, Mobilizon, etc.), nous pouvons masquer les contenus problématiques relayés sur notre instance, voire bloquer des instances  problématiques, mais non agir directement sur les autres instances.

La modération est effectuée par des bénévoles (et humain⋅es !), qui n’ont pas toujours le temps et l’énergie de vous donner des justifications. Si vous pensez avoir été banni⋅e ou modéré⋅e injustement : nous sommes parfois injustes ; nous sommes surtout humain⋅e⋅s et donc faillibles. C’est comme ça.

Utiliser nos services implique d’accepter nos conditions d’utilisation, dont cette charte de modération.

Nous faisons ici un récapitulatif des différents pouvoirs que nous avons et surtout que nous n’avons pas :

— le fonctionnement de Mastodon fait que nous pouvons discuter avec des personnes qui ne sont pas inscrites chez nous : nous ne pouvons donc pas supprimer leurs comptes (mais nous pouvons couper leur communication avec nous) ;

— nous sommes principalement des bénévoles, et de ce fait notre temps et énergie est limitée. Aussi, souvent, alors que nous aimerions discuter posément avec chacun·e pour expliquer les tenants et les aboutissants d’une situation… nous n’en avons simplement pas l’énergie, alors nous allons au plus simple. Et c’est frustrant, c’est injuste, mais c’est l’équilibre que nous avons trouvé.

6 — En cas de désaccord

Si la façon dont l’un de nos services est géré ne vous plait pas :

 

— Vous pouvez aller ailleurs.

— Vous pouvez bloquer toute notre instance.

Framasoft ne cherche pas à centraliser les échanges et vous trouverez de nombreux autres hébergeurs proposant des services similaires, avec des conditions qui vous conviendront peut-être mieux. Que les conditions proposées par Framasoft ne vous conviennent pas ou que vous ayez simplement envie de vous inscrire ailleurs, nous essaierons de faciliter votre éventuelle migration (dans la limite de nos moyens et des solutions techniques utilisées).

J’ai dit plus haut que les personnes qui rejoignaient Mastodon ne s’inscrivaient pas toutes chez nous. Cela nous permet par ailleurs de dire aux personnes qui se sont inscrites chez nous “désolés mais vous nous prenez trop d’énergie, trouvez-vous un autre endroit”. Cela ne prive en rien les personnes car elles peuvent s’inscrire ailleurs et avoir accès exactement aux mêmes contenus… mais nous ne sommes plus responsables d’elles !


7 — Évolution de la Charte

Toute « charte de modération » reste imparfaite car il est très difficile de l’adapter à toutes les attentes. Nous restons à votre écoute afin de la faire vivre et de l’améliorer. Pour cela vous pouvez contacter les modérateurs et modératrices pour leur faire part de vos remarques.

Vous pouvez nous faire vos retours, on est pas des zânes ni des têtes de mules.

La suite

Après ce tour sur mon arrivée dans le monde de la modération, la découverte de ce qu’est Mastodon, et ce par quoi nous avons démarré pour structurer une petite équipe de modération face aux difficultés vécues par les salarié·es, le second article de cette série parle de cas concrets.

 

Si vous voulez savoir comment on fait pour gérer les fachos, ça va vous plaire.

 

Illustration : CC-BY David Revoy




Dark Side of the Rainbow, un mashup – Open Culture (1)

Petite série de l’été : au gré de mes découvertes, je partagerai ici quelques-unes des nombreuses ressources disponibles sur le très riche site https://www.openculture.com/ que je vous invite à découvrir et partager à votre tour sans modération.

Aujourd’hui, premier épisode avec un mashup (disons un « collage » artistique) audiovisuel entre deux œuvres iconiques archi-célèbres : un album-culte de Pink Floyd et une comédie musicale tout aussi culte, le magicien d’Oz.

Le mashup ou collage, est un genre musical hybride. Le mashup est à l’origine une chanson créée à partir d’une ou deux autres chansons pré-enregistrées, habituellement en superposant la partie vocale d’une chanson sur la partie instrumentale d’une autre, (Source Wikipédia. Pour en savoir plus…) mais on peut lui donner une acception plus large car plusieurs domaines artistiques, et pas seulement musicaux, peuvent être combinés dans un mashup.

Ah au fait : pour vous éviter un lien vers YouTube, j’ai utilisé une instance d’invidious qui agit comme un proxy (en gros, un intermédiaire qui soustrait la pollution visuelle et prédatrice de YouTube). Si celle que j’ai choisie ne fonctionne pas, essayez une autre instance fonctionnelle en piochant dans cette liste mise à jour régulièrement.

 

article original : Dark Side of the Rainbow: Pink Floyd Meets The Wizard of Oz in One of the Earliest Mash-Ups

Traduction : Goofy

 

Dark Side of the Rainbow : Pink Floyd rencontre le Magicien d’Oz dans l’un des plus anciens mashups.

par Colin Marshall


Mec, je suis sérieux… tu mets le Magicien d’Oz, tu mets Dark Side of the Moon, et tu les démarres en même temps. Ça marche à fond. C’est trooop synchroooone ! Ça te retourne la tête, mec.

On peut se moquer gentiment de ceux qui considèrent que c’est un moyen génial d’entrer dans leur trip préféré, si l’on peut dire, et chercher des résonances entre une comédie musicale de la MGM de 1939 et le huitième album de Pink Floyd, mais on ne peut nier que le mashup Dark Side of the Rainbow, comme ils l’appellent (quand ils ne l’appellent pas Dark Side of Oz ou The Wizard of Floyd), est devenu un phénomène culturel certes modeste, mais sérieux. En réalité, comme l’enthousiasme pour lancer Dark Side of the Moon en regardant Le Magicien d’Oz remonte au moins aussi loin que les discussions sur Usenet (lien) au milieu des années 90, il se pourrait bien que ce soit le premier mash-up sur Internet. Depuis, la rumeur selon laquelle l’expérience de visionnage était étrange s’est répandue bien au-delà des profondeurs de l’underground ; même une institution aussi ostensiblement stricte que la chaîne câblée Turner Classic Movies a déjà diffusé Le Magicien d’Oz avec Dark Side of the Moon comme bande-son.Il est clair que les gens trouvent leur compte dans ce « collage » audiovisuel, quel que soit leur état d’esprit. Au minimum, ils s’amusent des coïncidences entre les sons et thèmes lyriques de l’album et les séquences du film. Dark-side-of-the-rainbow.com proposait (NdT sur un site aujourd’hui disparu) une liste très complète de ces intersections, dès le battement de cœur en fondu enchaîné qui ouvre l’album jusqu’à l’apparition du titre du film :

Dans ce concept album nous avons [symboliquement] le début de la vie humaine. De nombreux parents commencent à donner un nom à leur enfant dès qu’ils en connaissent l’existence, souvent avant même de connaître le sexe de l’enfant. Ici, nous avons le nom d’un film, qui se trouve être le nom d’un des personnages du film, juste au moment où nous prenons conscience de cette nouvelle vie.

Pour les paroles qui accompagnent l’entrée de Dorothy à Munchkinland :

« Trouve un travail mieux payé et tout ira bien » : Dorothy ne le sait pas encore, mais elle est sur le point de passer du statut de fermière à celui de tueuse de méchantes sorcières.

Pour le battement de cœur qui clôt l’album, alors que l’homme en fer blanc reçoit un cœur à lui :

Dans le concept album, ce battement de cœur qui s’éteint représente la mort. Le nouveau cœur de l’homme de fer blanc, que l’on peut entendre battre, symbolise la renaissance. Une fois de plus, ce contraste entre ce que nous voyons dans le film et ce que nous entendons dans l’album vise à créer un équilibre. Et comme c’est ainsi que se termine l’histoire, cet équilibre montre comment, à la fin, le conte de fées a effectivement surmonté la tragédie.

Les Pink Floyd eux-mêmes ont désavoué toute intention de composition délibérément synchrone (Alan Parsons, qui a réalisé l’enregistrement, qualifie même l’idée de « foutage de gueule »), et même les plus fervents amateurs de Dark Side of the Rainbow ont peu de doutes à ce sujet. Certains diront que le groupe, déjà adepte de la composition de musiques de films, a fait tout cela inconsciemment, mais pour moi, la popularité durable de ce premier mashup est la preuve de quelque chose de bien plus intéressant : la tendance ininterrompue de l’humanité – voire sa compulsion – à trouver des modèles là où il n’y en a peut-être pas.

« Lorsque les coïncidences s’accumulent de la sorte, on ne peut s’empêcher d’être impressionné par elles, car plus le nombre d’éléments d’une telle série est élevé, ou plus son caractère est inhabituel, plus cela devient invraisemblable. »

Voilà ce que Carl Jung a écrit à propos du concept psychologique de synchronicité.

Dommage qu’il n’ait pas assez vécu pour voir ça.

Autres ressources sur le même sujet

Colin Marshall anime et produit Notebook on Cities and Culture et écrit des essais sur la littérature, le cinéma, les villes, l’Asie et l’esthétique. Sur Twitter, c’est @colinmarshall.


Si cet article vous a plu et que vous découvrez l’intérêt du site openculture.com, vous pouvez contribuer par une petite donation sur cette page https://www.openculture.com/help-fund-open-culture (via Paypal, Patreon et même cryptomonnaie…)