Framasoft fait son « Ray’s day » avec 8 nouvelles Libres

Depuis sa création, Framasoft s’est donné pour mission de diffuser la culture libre et d’en emprunter la voie — libre elle aussi. Aujourd’hui, c’est le « Ray’s day », l’occasion de fêter l’acte de lecture en célébrant l’anniversaire de feu Ray Bradbury.

L’événement, initié l’année dernière par l’auteur Neil Jomunsi se veut « comme une grande fête d’anniversaire dans le jardin avec ballons et tartes aux myrtilles ». Pas une fête pour « vendre de la culture », juste une grande envie de partager nos lectures.

8 nouvelles Libres

Alors, à Framasoft, comme on aime beaucoup les tartes aux myrtilles, on s’est dit qu’on allait participer. Le temps de cette belle journée, différents membres de l’association ont donc pris la casquette d’écrivain pour vous présenter un livre électronique inédit contenant 8 histoires différentes :

  • Apocalypse de Pouhiou ;
  • Caméléon et Daimôn : la colère de Frédéric ;
  • Celui pour qui sonnent les cloches de Marien ;
  • Steve et Mars bipolaire de Gee ;
  • La revanche du lobby pâtissier de Greg (invité par Framasoft à l’occasion) ;
  • Ils sont fait de viande, une traduction de Terri Bisson par Luc.

Cliquez sur l'image pour télécharger le livre numérique.
Cliquez sur l’image pour télécharger le livre numérique.

Cet ebook, au format .epub (le format ouvert du livre numérique) est téléchargeable à cette adresse et est bien évidemment libre.

Lisez, partagez, adaptez ou modifiez-les, ces histoires vous appartiennent désormais ! Et si l’envie vous en prend, diffusez le mot sur les réseaux sociaux avec le hashtag #RaysDay… l’occasion aussi de découvrir d’autres initiatives à travers la toile.

Mais ce n’est pas tout…

En effet, suite à un harcèlement textuel et potache sur les réseaux sociaux, Gee et Pouhiou ont repris leur casquettes de Connards Professionnels pour un nouvel épisode de « Bastards, inc. – Le Guide du Connard Professionnel ». L’occasion de relire et/ou télécharger les épisodes précédents, et de lire cet épisode inédit en attendant qu’ils reprennent (dès le 2 septembre) leur rythme de croisière de ce roman/BD/MOOC de connardise.

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Enfin, le groupe Framalang vient d’achever la traduction d’une nouvelle futuriste sur le copyright et ses dérives : Stop the Music de Charles Duan (initialement publiée sur BoingBoing, un site tenu, entre autres, par Cory Doctorow). La traduction n’a pu être prête à temps pour rejoindre l’epub de cet article, c’est pour cela que vous en retrouverez la première partie dès aujourd’hui ici sur le Framablog !

Partagez vos lectures !

On vous souhaite donc à tous un bon Ray’s day 2015 et une bonne journée de lecture. N’oubliez pas d’aller voir sur le site officiel du Ray’s Day toutes les initiatives de partage qui sont proposées aujourd’hui, ainsi que de télécharger les ebooks sur leur bibliothèque en ligne / catalogue OPDS !

En espérant vous retrouver l’année prochaine,

L’équipe de Framasoft.




RaysDay : Stop the Music, une nouvelle sur les libertés. 1/2

À l’occasion du RaysDay 2015, l’équipe de traduction Framalang a choisi de traduire la nouvelle Stop the Music, de Charles Duan, publiée originellement sur Boing Boing. Cette histoire futuriste explore les dérives possibles des lois sur le copyright.

Voici donc la première partie de cette traduction (la seconde et dernière partie sera publiée sur le Framablog la semaine prochaine). Exceptionnellement, nous avons choisi de ne pas traduire le titre (libre à vous de le faire !)

Comme son œuvre originelle, cette traduction est sous licence CC-BY-SA-NC.

Traduit par : Piup, egilli, Sphinx, Omegax, ac, audionuma (et les anonymes)

Stop the Music (image : Boing Boing
Stop the Music (image : Boing Boing)

Stop the music

I.

À la Cour fédérale du district central de Californie

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Plainte pour violation du droit d’auteur

Le 18 février 2044

 

Le plaignant, Eugene L. Whitman, représenté par ses avocats, porte plainte contre Alfred Vail Enterprises, Inc. suite aux faits suivants :

1. Le plaignant, M. Whitman, compositeur de son état, a écrit la chanson populaire Taking It Back

2. Le 14 janvier 2044, le défendeur Vail Enterprises a distribué la chanson Straight Focus qui remporte aujourd’hui un grand succès.

3. Straight Focus inclut un fragment de huit notes, extraites de Taking It Back. Par conséquent et au vu de cette œuvre dérivée non autorisée, Vail Enterprises a manqué au droit d’auteur de M. Whitman.

En tout état de cause, M. Whitman requiert que Vail Enterprises :

A. Reçoive une injonction lui interdisant la poursuite de cette infraction au droit d’auteur de M. Whitman ;

B. Détruise l’intégralité des exemplaires de Straight Focus en possession de Vail Enterprises ;

C. Soit ordonnée de supprimer la chanson Straight Focus de la mémoire de l’ensemble des personnes résidant aux États-Unis.

 

II.

À la Cour fédérale du district central de Californie

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Réponse de Alfred Vail Enterprises, Inc.

Le 25 février 2044

 

Le défendeur, Alfred Vail Enterprises, Inc., répond à la plainte du plaignant, Eugene L. Whitman, en les termes suivants :

1. Vail Enterprises est une société basée dans l’État du Delaware dont le siège se situe à Los Angeles en Californie et qui est intégralement détenue par M. Alfred Vail.

2. À la suite d’une carrière longue et réussie au sein de l’industrie de la neurobio-ingénierie, M. Vail fit le choix d’entrer dans le monde de la musique. Sa première composition Straight Focus est une œuvre musicale unique et innovante, jugée par les critiques comme « digne d’un nouveau siècle technologique » ou comme « une clef de voûte entre l’art et les neurosciences ».

3. En plus d’être un succès massif, la portée de Straight Focus fut internationale. Cette chanson fut vue plus de 350 millions de fois sur les sites de partage de vidéos. Outre cela, le meilleur révélateur de la popularité de cette œuvre reste : les vidéos d’appréciation, les remixes et adaptations diverses réalisées par les amateurs de ce morceau.

4. M. Vail a écrit Straight Focus à la mémoire de sa fille Sarah Vail, décédée l’année dernière en pleine adolescence suite aux complications de sa leucémie. Le morceau est composé de fragments des cinquante œuvres musicales préférées de Mlle. Vail, arrangés par lui-même grâce à sa créativité et à son expérience en neurosciences afin de produire un tour de force émotionnel musical inattendu. L’une de ces œuvres correspond au morceau du plaignant Taking It Back.

5. Le fragment de Taking It Back utilisé dans Straight Focus est minime et n’a pas altéré la valeur de ce morceau. En effet, la popularité de la composition de M. Vail a entraîné un intérêt significatif et une augmentation des ventes pour l’ensemble des œuvres sur lesquelles il s’est basé. Par conséquent, l’utilisation de ce fragment de Taking It Back par M. Vail ne constitue pas une infraction au droit d’auteur ou, a minima, constitue un usage raisonnable au titre de l’article 17 U.S.C. § 107.

6. En outre, la requête du plaignant, M. Whitman, exigeant la suppression de tout souvenir de Straight Focus des pensées des auditeurs, constitue un précédent absurde. Jamais un tribunal n’a ordonné ou autorisé de suppression de mémoire totale, visant l’ensemble du public pour une affaire liée au droit d’auteur. Cet ordre ou cette autorisation ne devrait pas être soumis à la compétence de cette cour.

 

III.

À la Cour fédérale du district central de Californie

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Avis et ordre quant à l’effacement de la mémoire

20 juin 2044
Avis de M. Benson, juge fédéral.

Le jury du tribunal a considéré que l’accusé Vail Enterprises n’a pas respecté le droit d’auteur du plaignant M. Whitman. Le plaignant demande donc à cette cour d’émettre un arrêt obligeant Vail Enterprises à effacer tout souvenir du morceau délictueux Straight Focus des pensées de toutes les personnes résidant aux États-Unis, grâce au système EffaceMem National.

La requête de M. Whitman est une forme de réparation extrêmement inhabituelle et sans précédent. Il est donc nécessaire de procéder à quelques explications concernant le système.

Le système EffaceMem National a été développé à partir de la technologie EffaceMem, inventée par Alfred Vail en 2028. Des avancées antérieures en neurosciences ont révélé que les souvenirs humains pouvaient être modifiés ou effacés en agitant les cellules cérébrales, mais cette procédure était intrusive et risquée, et, de fait, utilisée uniquement dans des cas particulièrement inhabituels de troubles psychiques, comme les troubles de stress post-traumatiques.

M. Vail a découvert que certaines ondes sonores basses fréquences à fluctuation rapide pouvaient être utilisées pour agiter les cellules cérébrales de la même manière, permettant ainsi un effacement de la mémoire sans risque et sans intrusion, avec une excellente précision concernant la date et l’objet des souvenirs. Cette technologie, qu’il appela EffaceMem, fut offerte comme service au consommateur, le plus souvent pour effacer le souvenir d’événements embarrassants, d’ex-amants, et de situations traumatisantes.

De manière inattendue, le service au consommateur devint un élément de sécurité nationale au moment des attaques terroristes contre les États-Unis d’août 2039. L’Agence centrale de renseignement (CIA) avait intercepté une communication chiffrée contenant les détails de la planification de plusieurs bombardements simultanés sur plusieurs grandes villes. La CIA savait que l’attaque aurait lieu durant la semaine suivante, mais ne pouvait pas déchiffrer le reste du message pour identifier les détails du complot. Le temps venant à manquer, la CIA, dans une ultime tentative, se procura des milliers d’énormes haut-parleurs haute-fidélité, les répartit dans les villes, et diffusa à plein volume des enregistrements d’EffaceMem conçus pour effacer les souvenirs de toutes les conversations ayant eu lieu au moment de la diffusion des messages interceptés.

Les résultats furent saisissants : San Francisco et la ville Washington., où EffaceMem était déployé, ne subirent aucun bombardement, alors que la ville de New York, où EffaceMem n’avait pas pu être déployé à temps, fut dévastée.

À la suite de ces attaques, le pays entreprit rapidement de déployer EffaceMem sur l’ensemble du territoire. Le réseau ainsi formé, connu sous le nom de « système EffaceMem National », couvre chaque centimètre carré et chaque habitant des États-Unis, et permet d’assurer la suppression totale d’une idée dans l’esprit de la population. Le système n’a pas été utilisé de manière fréquente, mais plutôt occasionnellement, et sous supervision judiciaire stricte, pour déjouer les complots terroristes et prévenir des crimes, avec d’excellents résultats. La CIA et l’armée ont également étudié d’autres applications.

Mais le système EffaceMem National n’a jamais été utilisé pour servir des intérêts privés. Jusqu’à présent, il a été utilisé uniquement pour effacer des idées de crimes ou des dangers pour le public. Ainsi, la requête de M. Whitman d’utiliser le système pour effacer le souvenir d’un morceau de musique est parfaitement inattendue. Cette cour n’a absolument aucune décision similaire ni aucun précédent sur lequel se baser.

Au premier abord, l’injonction faite à une partie d’utiliser le système EffaceMem National semble inappropriée dans presque tous les cas, car cette cour ne peut obliger une partie à faire quelque chose que si cette partie peut faire cette chose, et utiliser EffaceMem National n’est pas possible pour la plupart des gens. Mais ici, l’accusé est une exception inhabituelle, car Vail Enterprises est propriétaire du système. M. Alfred Vail, inventeur d’EffaceMem, a plus tard fondé Vail Enterprises, qui a financé et construit le système EffaceMem National, et en est toujours propriétaire. Par conséquent, une injonction d’utiliser le système pourrait être émise à son encontre.

M. Whitman soutient que l’article 17 U.S.C. § 503(b) autorise cette cour à ordonner à Vail Enterprises de réaliser une suppression des souvenirs du morceau. Cette loi indique que cette cour « peut ordonner la destruction […] de toutes les copies ou les enregistrements audio faits ou utilisés en violation des droits exclusifs du propriétaire des droits d’auteur ». Comme les neurones qui ont enregistré les souvenirs du morceau sont des « copies ou des enregistrements audio », M. Whitman prétend que cette cour a le pouvoir d’ordonner à Vail Enterprises de procéder à la « destruction » de ces copies en effaçant les souvenirs.
Je comprends la position de M. Whitman. M. Whitman est manifestement très soucieux de protéger ses œuvres musicales, et refuse à quiconque d’en créer des œuvres dérivées ou de les altérer, en accord avec son désir de garantir que sa musique reste « pure ». Cela lui est permis, en tant que propriétaire des droits d’auteur. J’ai déjà ordonné à Vail Enterprises de supprimer toutes les copies physiques du morceau contrefait.
Mais en ce qui me concerne, je ne suis pas certain que l’injonction d’effacer des souvenirs soit raisonnable. Peut-être l’est-elle, peut-être pas ; aucune autre autorité judiciaire ne fournit de conseil sur cette question. Si la Cour d’appel ou la Cour suprême décident que ce type d’injonction est autorisé, alors je l’émettrai. Mais sans le support d’une de ces cours, il me semble nécessaire de rester prudent et de ne pas ordonner à Vail Enterprises d’effacer les souvenirs du morceau contrefait.

Demande rejetée.

 

IV.

The Washington Post

Audition à la Cour suprême à propos de l’affaire sur l’effacement de mémoire.

Le 12 février 2046

Ce matin, la Cour suprême entendra les plaidoiries dans une affaire très suivie concernant la possibilité pour un auteur de chansons d’utiliser son droit d’auteur pour effacer de la mémoire de tous les Américains une chanson supposée contrevenir au droit d’auteur.

Cette affaire, Whitman contre Vail Enterprises, voit s’affronter le chanteur Gene Whitman et le neurobiologiste (devenu artiste du remix) Alfred Vail, à propos de la chanson à succès Straight Focus. En 2044, un jury a décidé que la chanson de M. Vail violait le droit d’auteur de M. Whitman. Immédiatement, l’Association Américaine de l’Industrie du Disque a diligenté une requête auprès du système fédéral de gestion des droits numériques, déclenchant ainsi un effacement automatique de la chanson de tous les sites internet et des équipements personnels. Straight Focus n’a plus été entendue aux États-Unis depuis plus d’un an maintenant.

Mais M. Whitman considère que la suppression de Straight Focus de tous les équipements personnels n’est pas suffisante. Extrêmement protecteur de ses œuvres, M. Whitman a cherché à obtenir un arrêt de la Cour imposant l’effacement de la chanson Straight Focus de la conscience de tout le monde en utilisant le système EffaceMem National, système qui est la propriété de M. Vail.

La Cour a récusé la requête de M. Whitman, indiquant qu’elle n’ordonnerait pas l’utilisation du système EffaceMem National sans l’avis de la Cour suprême.

M. Whitmann n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire. M. Vail, lors d’une interview, a exprimé son « exaspération » que cette affaire aille jusqu’à la Cour suprême.

« Ma chanson Straight Focus signifie beaucoup pour de nombreuses personnes », dit-il. « Pour moi, c’est un souvenir de ma fille que j’ai perdue il y a trois ans. Et les amateurs de cette chanson ont créé leurs propres sens et souvenirs à partir d’elle. Cela dépasse l’imagination que Gene Whitman puisse effacer toutes ces pensées en clamant une sorte de possession du droit d’auteur. »

C’est la deuxième affaire au sujet du système EffaceMem National qui est portée devant la Cour suprême. L’affaire précédente, United States contre Neilson, portait sur la constitutionnalité du système, utilisé pour supprimer l’activité criminelle à la suite des attaques du 7 août 2039. Le système a été jugé constitutionnel par une majorité divisée de 5 voix pour et 4 voix contre.

Au nom de cette majorité, la présidente de la Cour suprême, Mme Diehr, a rejeté les recours basés sur les premier, cinquième et quatorzième amendements, déclarant que le système EffaceMem National est « un outil nécessaire à la société technologique pour la prévention des méfaits et des délits à l’encontre du du public ». Vétéran de l’armée de l’air et également ancienne procureure générale, la présidente s’est vraisemblablement basée sur son expérience au sein de l’armée des États-Unis lorsqu’elle a conclu : « le nombre grandissant de menaces envers notre nation ne peut être contrecarré qu’avec un arsenal défensif renforcé. »Elle écrit par ailleurs « qu’il s’agit d’un devoir de citoyen que d’abandonner ses pensées personnelles si cela protège le plus grand bien, de la même façon qu’il était un devoir, en temps de guerre, que d’abandonner sa liberté ou ses propriétés, pour le bien de la nation ».

Dans un argumentaire vivement opposé, le juge Diamond rejeta l’idée que « la pensée humaine est le jouet du gouvernement fédéral ». Rappelant son passé d’avocat des droits civils et se basant sur la Constitution et la Déclaration des droits, le juge a déduit que celles-ci contenaient, dans une certaine mesure, des garanties sur la vie privée et la liberté de pensée. Selon son point de vue, ces textes entrent en conflit avec un effacement de mémoire sans consentement. Il a fait référence à l’affaire Americans for Digitals Rights contre Gottschalk qui décida que la collecte de données représentait une fouille illégale d’après le quatrième amendement. Il y a 25 ans, le juge Diamond était l’avocat qui représentait ADR lors de cette affaire qui brisa la jurisprudence pré-Internet, jurisprudence qui avait été sérieusement remise en question par le juge Sotomayor en 2012.

Le juge Flook, dans un avis séparé, indiqua qu’il était « indécis » en raison des « conséquences inquiétantes » d’un effacement de mémoire généralisé. Malgré cela, pour lui, les bénéfices de ce système compensent ces inconvénients. C’est probablement son vote qui décidera du sort de cette affaire, tous les yeux seront rivés sur lui lors des débats.

Le juge est un ancien professeur de droit, dont les intérêts et les publications portent sur les lois concernant l’environnement et les ressources naturelles. Au regard de ses prouesses universitaires et de sa passion environnementale, l’opinion du juge dans l’affaire Neilson est, comme pour beaucoup de ses confrères, brillante sur le plan analytique et partagée sur le plan émotionnel. Il a déclaré : « Je crains sincèrement un monde où mes souvenirs et les souvenirs d’innombrables personnes peuvent être effacés en appuyant sur un bouton. Mais je crains autant les attaques terroristes. Dès lors que je peux être sûr que cet effacement de mémoire est limité aux seules situations nécessaires, ma première crainte sera suffisamment restreinte. ».

L’audience débutera à 10 h et portera sur l’affaire n°45-405 : Whitman contre Alfred Vail Enterprises.

 

Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite et conclusion de cette nouvelle !




La thermodynamique peut-elle casser des briques ?

L’équipe Framabook est très fière de vous annoncer la sortie de son premier manuel scolaire : Thermodynamique de l’ingénieur. Ce manuel universitaire, à destination des étudiant-e-s comme de leurs enseignant-e-s, est signé Olivier Cleynen, et disponible sous la licence CC-BY-SA…

L’occasion d’une rencontre drôle et intéressante avec cet auteur qui a fait le pari du livre Libre !

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Bon, Olivier, je serai honnête, on se demande comment tu as pu en arriver là. Tu n’es pas un poussin de l’année qui découvre le monde du Libre : si j’en crois ton ancien blog, dès ton premier billet en 2007 tu déclares ta flamme au logiciel libre, en établissant du reste un lien très net entre logiciel libre et société libre. Pourrais-tu te présenter succinctement et évoquer ta trajectoire de libriste ?

Ma trajectoire n’est en fait pas réellement exceptionnelle. Je suis ingénieur aéronautique de formation et j’ai découvert le logiciel libre et son univers pendant mes études. Il y a des gens pour qui ça « prend » plus que pour d’autres… en 2006 j’ai co-fondé puis dirigé à plein temps pendant deux ans une association à but non-lucratif de promotion du logiciel libre qui ressemblait un peu à Framasoft. J’ai essayé sans succès d’en vivre, puis, je suis devenu prof en école d’ingénieurs : c’est là que j’ai commencé ce livre. J’effectue maintenant une thèse de doctorat dans l’espoir de me faire une petite place dans l’enseignement supérieur.

Question No124 (mais, à la demande d’Olivier, la voici en 2e position) : pourrais-tu résumer la thermodynamique en un tweet (140 signes) ?

Bon, je tente l’expérience, mais j’ai droit à plusieurs essais, alors…

« Tiens, je me demande comment le frigo fait pour refroidir le pack de bières alors qu’il est déjà plus froid que dehors… »

« Comment ça, le moteur de voiture n’a que 30% d’efficacité ? On est obligés de rejeter 70% de la chaleur par le pot d’échappement ? »

« @JamesPrescottJoule Au fait, c’est quoi, chaud ? Une sorte de fluide bizarre invisible ? Est-ce qu’on peut fabriquer du chaud ? »

« @WilliamThomsonKelvin Et 40°C, c’est deux fois plus chaud que 20°C ? Et si oui, alors qu’est-ce qui est deux fois plus chaud que -10°C ? »

« @LudwigEduardBoltzmann Pourquoi ma tasse de thé chaud va toujours se refroidir toute seule, et jamais se réchauffer ? HEIN, POURQUOI ???? »

La réponse à chacun de ces tweets demande de comprendre ce que c’est que la chaleur, comment on la fabrique, comment on la détruit, comment on la transforme. C’est ce qu’on appelle thermodynamique. De là, les physiciens enchaînent sur tout un tas de questionnements : la notion d’échelle microscopique ou macroscopique, la notion d’état, d’équilibre, le sens des transformations, etc. Les ingénieurs (le camp dont je fais partie) cherchent plutôt à bidouiller la chaleur dans des machines, et se servent de la thermodynamique pour comprendre les moteurs et les rendre plus efficaces, ou plus puissants, ou plus réactifs, etc. Quoi qu’il en soit, c’est passionnant : on commence par étudier de petits ballons de gaz, et on finit par prédire la fin de l’univers ! Ah zut, la réponse fait plus de 140 caractères !

trop facile à comprendre après la lecture de la Thermodynamique de l'Ingénieur (CC-BY-SA Olivier Cleynen)
trop facile à comprendre après la lecture de la Thermodynamique de l’Ingénieur
(CC-BY-SA Olivier Cleynen)

Pourquoi avoir choisi de porter tout ton effort et pendant si longtemps (plusieurs années tout de même !) sur ce manuel de thermodynamique ? Les livres existants n’étaient pas suffisants ?

Il y deux faces à la réponse. D’une part, je trouve la plupart des livres français de thermodynamique terriblement tristes et ennuyeux. Je trouve dommage de se casser la tête à résoudre des équations qu’on comprend à peine pendant deux semestres, si c’est pour ressortir de la thermodynamique sans jamais avoir étudié le fonctionnement d’un turboréacteur. J’avais envie de faire un cours « pour futur-es ingénieur-es curieux-ses », et avec le temps le cours a pris la forme d’un livre.

Mais la plus grande motivation est que je n’ai rien trouvé de libre à me mettre sous la dent ! La thermodynamique de l’ingénieur est terminée depuis 150 ans et les technologies que l’on y étudie aujourd’hui ont toutes au moins 50 ans : un livre de thermo, c’est donc essentiellement un remix. C’est dur de voir que ces équations, ces raisonnements et ces schémas qui font partie du patrimoine scientifique et public au sens large, sont affublés d’une mention « reproduction interdite ». Dans certains livres, c’est même écrit à toutes les pages…

De ce point de vue, non, les livres existants n’étaient pas suffisants. Je trouve que ce n’est pas assez bien de pousser des étudiants à acheter un livre vendu quarante euros (un par matière…) qui leur défend solennellement d’en repiquer le contenu. C’est triste de voir un éditeur distribuer les JPG des figures aux seuls profs qui engendreront quarante ventes d’un livre. Et c’est frustrant, lorsqu’on débute un cours, de devoir tout ré-écrire et dessiner depuis zéro, du premier diagramme pression-volume jusqu’au dernier schéma de turbine.

J’ai construit le livre que j’avais envie de trouver quand j’ai commencé. Tu peux le copier, le reprendre, le ré-utiliser. Un schéma t’intéresse ? Tu télécharges le PDF, tu cliques sur la légende, et te voilà face au fichier source sur Wikimedia Commons, que tu peux modifier selon tes besoins. Tu préfères un format « polycopié » du chapitre 8 avec des grandes marges ? Tu pointes ton navigateur sur http://thermodynamique.ninja/ et tu imprimes. Tu veux reprendre une série d’équations en LaTeX sans les retaper, ou tu veux soumettre un patch pour corriger une erreur ? La même page web te pointe vers le dépôt git du projet. Tout ça se fait sans demander de permission, il suffit de respecter les termes de la licence Creative Commons : BY-SA pour le texte et la plupart des figures, et CC-0 pour les schémas les plus simples.

Dis-donc je l’ai parcouru ton ouvrage, d’accord il est parfaitement bien rangé dans des tiroirs avec un sommaire et des sous-parties aux petits oignons mais tout de même ça déborde de partout : histoire des sciences, biographies de quelques savants, une série de cours progressifs, des schémas et des croquis, des trucs pour aller plus loin… et surtout des exercices avec des cas de figure qui impliquent l’étudiant… brr ça fait un peu peur tout ça non ?

Alors, il ne faut pas avoir peur : c’est un gros livre, on n’est pas obligé de tout lire ! On s’y retrouve facilement, il est construit pour qu’on puisse aussi le survoler rapidement.

En ce qui concerne les exemples résolus et les exercices, j’admets que c’est parfois un peu riche, mais c’est le prix à payer pour qui veut étudier des cas concrets, car il faut plus de contexte. Six années d’enseignement en école d’ingénieurs ont fait le tri : les exercices qui « percutent » sont aussi ceux pour lesquels il faut un peu s’impliquer. Et puis je trouve juste plus cool d’avoir sous les yeux une photo de l’hélicoptère dont je calcule la consommation de carburant.

Les parties historiques (une par chapitre) sont, elles, parfaitement accessoires. Le but est de se construire une culture d’ingénieur/e et de scientifique : comprendre que pendant longtemps, on comprenait à peine ce que l’on faisait en thermodynamique, et voir aussi comment la technologie des moteurs a chamboulé le monde. Philippe Depondt, enseignant-chercheur en physique (à qui je voue une admiration sans fin pour avoir écrit le génial L’entropie et tout ça), a accepté d’écrire la moitié d’entre elles, et j’ai complété l’autre moitié. Peut-être est-ce que nous nous sommes laissé emporter ? Mais regrette-t-on d’apprendre, après avoir étudié un chapitre difficile, que la première personne à avoir montré que la chaleur n’a pas de poids a aussi été agent secret, architecte, instituteur et ministre de guerre philanthrope ? Ou qu’un geek thermodynamicien frustré s’est construit sa propre turbine à vapeur pour pouvoir ridiculiser toute la Royal Navy avec son bateau ?

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et maintenant (roulements de tambour) dis-nous pourquoi c’est devenu un framabook, pourquoi cet éditeur ? tu es grillé chez les éditeurs classiques ? Travailler avec des gens qui n’avaient jamais fait de thermodynamique, ça ne t’a pas posé problème ?

Je n’ai pas eu l’occasion de chercher d’autres éditeurs, mais dans la mesure où la publication sous licence libre a toujours fait partie intégrante du projet, j’imagine que je n’aurais pas eu beaucoup de succès. Je suis et soutiens la progression de Framasoft depuis longtemps, et je suis très honoré que le comité ait accepté de produire un Framabook pour étudiants ingénieurs.

Quant au processus d’édition, il n’y a pas que les connaissances en thermodynamique qui comptent. Le comité m’a encouragé pour trouver un confrère, Nicolas Horny, qui veuille bien relire le livre sous son aspect technique (qu’il en soit remercié…). Mais je compte surtout le travail incroyable de Mireille Bernex, qui est à l’origine de centaines d’améliorations de langage et de clarifications dans le livre, et de beaucoup d’autres contributeurs que je n’ai pas la place de citer ici. Enfin, après quinze mois d’édition, je ne suis toujours pas venu à bout de la patience de Christophe Masutti, qui coordonne le projet Framabook. Bref, le plus important est de partager le désir de produire un manuel de qualité, et de ce point de vue, je suis comblé.

On dit souvent que le Libre et l’éducation portent plusieurs valeurs communes. Pour toi, quel est l’intérêt pour les enseignants et les étudiants de disposer d’un ouvrage sous licence libre ?

L’avantage pratique du livre libre est bien sûr sa gratuité. L’étudiant/e et l’enseignant/e peuvent le télécharger à tout moment, sur n’importe quel équipement, et s’en servir, en repiquant/reprenant/remixant le contenu du livre, sans demander la permission à qui que ce soit ni rentrer dans l’illégalité.
Il me semble que cette gratuité est un point important. Dans l’enseignement, le véritable ajout de valeur économique se fait dans la transmission, la réappropriation, et la création du savoir et des connaissances : en classe, en amphithéâtre, pendant le travail de groupe ou le travail personnel. En revanche, il n’y a aucune valeur économique intrinsèque à l’accès à la connaissance : sinon, il suffirait de s’acheter des livres pour devenir ingénieur ! Je préfère donc que l’argent dans l’éducation, privée ou publique, soit consacré aux activités (payer cher les profs et l’environnement de travail) plutôt que l’accès à l’information (faire chuter le coût des livres et ouvrir l’accès aux bibliothèques).

L’utilisation de contenus sous licence libre est aussi, selon moi, une démarche intellectuelle plus claire et pérenne. Lorsqu’un/e prof ou étudiant/e reprend une image du site internet d’Airbus, par exemple, il y a toute une liste de restrictions associées à sa réutilisation : on ne peut s’en servir que pour dire du bien d’Airbus, on ne peut pas la modifier comme on le veut, les conditions de l’utilisation commerciale sont floues, et la permission peut être retirée à tout moment. La reprise de documents dans le cadre de la courte citation française, ou du fair use américain, ou des innombrables accords particuliers passés par l’un ou l’autre éditeur avec tel ou tel gouvernement, est un véritable casse-tête juridique et laisse beaucoup d’incertitudes. Je préfère dire : tiens, reprends mon beau schéma de centrale à vapeur pour en faire ce que tu veux : les termes de la licence CC-BY-SA sont clairs et elle est irrévocable. C’est un bon ingrédient pour cuisiner quelque chose qui, fondamentalement, n’est qu’un remix des connaissances humaines actuelles.

Un autre schéma qui devient évident une fois qu'on a lu le manuel… si, si ! (CC-BY-SA Olivier Cleynen) Un autre schéma qui devient évident une fois qu’on a lu le manuel… si, si !
(CC-BY-SA Olivier Cleynen)

Pour vendre beaucoup d’exemplaires, j’espère que tu feras comme certains profs d’université et que ton cours sera incompréhensible si tes étudiants n’achètent pas ton livre…

Ce serait sournois, n’est-ce pas ? Et pourtant, c’est une pratique courante dans les universités aux États-Unis : beaucoup de cours sont ancrés sur un livre particulier, que les étudiants doivent absolument avoir sous la main s’ils veulent réussir.

Avant de nous indigner, il faut comprendre le pourquoi du comment de la chose. Construire un cours universitaire, c’est un travail pharaonique. Structurer un corps de connaissances, le sectionner en morceaux de 120 minutes digestes, ré-exprimer des notions complexes, illustrer tout cela, et construire des exercices intéressants : on peut y consacrer un temps infini, que les profs n’ont pas. Ancrer un cours sur un manuel en particulier, et donc sur une « recette » déjà éprouvée, permet à un/e prof de se consacrer au véritable apport de valeur qu’il/elle doit générer : rendre un cours passionnant, créer un environnement de travail où les étudiants vont se prendre au jeu et s’épanouir. On ne peut tout de même pas demander à chaque prof de ré-écrire toute la thermodynamique !

En enjoignant tous les étudiants à travailler sur un seul livre, le problème de l’accès à l’information est réglé dès le premier cours du semestre, et le reste du temps est consacré à l’exploration, l’appropriation des connaissances. L’alternative classique à la française, le tableau à craie et le maigre polycopié, n’a rien de mirobolant. Qui aurait cru qu’en 2015, l’apprentissage de la thermodynamique puisse encore se faire en recopiant au stylo sur du papier l’information qu’un prof trace avec un caillou blanc poussiéreux sur un mur noir devant 200 personnes ?
En parallèle, les revenus importants qui découlent de ces ventes poussent les éditeurs et les auteurs à produire des manuels de très haute qualité. Nous parlons de pavés de 500 ou 1000 pages, magnifiquement illustrés, soigneusement structurés, hyper accessibles, bref, de vrais outils de travail et de découverte qui donnent immédiatement envie de s’y plonger. On se prend vite de passion pour n’importe quelle discipline avec cela !

Le revers de la médaille est le prix supporté par les étudiants, en termes économiques et de libertés.

L’argent, d’abord : à 200 dollars le livre, l’accès à l’information indispensable au suivi d’un cours devient un obstacle très important à franchir, quel que soit le mode de financement (état, bourses, fonds propres ou emprunts).

En termes de libertés, le coût est plus subtil. Les éditeurs et distributeurs ont tout intérêt à restreindre le marché du livre d’occasion, et font mettre à jour les livres à un rythme effréné ; à chaque fois, la numérotation et l’énoncé de nombreux exercices est modifié (ce qui décourage l’utilisation d’anciennes éditions en cours). Les livres sont couramment proposés en location, sous forme papier (par Amazon notamment) mais aussi sous forme numérique. Voilà des livres dans le nuage, qui ne marchent que lorsqu’on est connecté sur le campus, ou bien seulement pendant un semestre. Certains livres en ligne sont financés avec de la publicité, et on peut imaginer que l’ensemble des données personnelles recueillies à propos des lecteurs est exploité. On retrouve les éditeurs dans les tribunaux et au Congrès, où ils tentent de faire interdire la revente aux USA des livres qu’ils commercialisent au quart du prix en Inde. Bref, on retrouve là l’ensemble des problèmes éthiques et sociétaux associés à un système de distribution fermé, et qui s’immisce dans les ordinateurs et les tablettes des étudiants.

Vu d’ici le problème peut sembler être très étatsunien, mais je suis convaincu que la recherche d’une meilleure qualité d’enseignement nous y confrontera tous tôt ou tard (en fait, à l’instant même où nous abandonnerons cette cochonnerie de tableau à craie…). Je pense que la publication de livres universitaires libres peut être une partie de la réponse. Un programme d’études où tu peux télécharger, remixer, imprimer librement tous les livres ? — Vous pensez, c’est comme construire toute une pile de logiciels libres qui fonctionne sur n’importe quel ordinateur, ou bien écrire toute une encyclopédie sous licence libre : c’est totalement impossible…

Se procurer l’ouvrage




#FixCopyright : deux visions d’une journée au Parlement Européen

Nous poursuivons notre série d’articles sur le rapport Reda avec le récit de la journée « Meet the New Authors » par deux créateurs de contenu différents. Cette journée, organisée par l’eurodéputée Julia Reda et son cabinet, avait pour but de montrer la création qui se fait par et pour internet, et de donner voix à ces artistes qui ne veulent pas que l’on emprisonne des pirates et entérine une guerre au partage « en leur nom ».

Étrangement, voici deux créateurs qui ne se connaissent pas, qui ont vécu une expérience différente de cette journée, et qui pourtant en repartent avec la même réserve…

Auteur et éditeur (au sein de la maison d’édition numérique Walrus ebooks qui offre de belles nuits blanches à bien des membres de l’asso), Neil Jomunsi expérimente régulièrement autour de l’écriture numérique et incite fortement les auteurs à publier sous licence Creative Commons. Le bilan qui suit est donc CC-BY-SA Neil Jomunsi et a été originellement publié sur son blog « Page 42. »

Neil et Pouhiou, des auteurs très à l'aise avec les selfies.
Neil et Pouhiou, des auteurs très à l’aise avec les selfies.

Meet the New Authors : petit bilan

Le lundi 20 avril dernier a eu lieu au Parlement européen de Bruxelles un évènement organisé par l’eurodéputée Julia Reda et son équipe. Intitulée « Meet the New Authors », la journée donnait la parole aux artistes, journalistes, philosophes qui mettent le Web au centre de leur processus de création et qui, pour la plupart, voient dans les propositions du rapport Reda une manière d’engager un dialogue nécessaire sur l’évolution du droit d’auteur au regard des défis qui s’offrent à nous — qu’il s’agisse de la baisse de revenu des artistes, du piratage, des nouveaux moyens de financement et de diffusion, des restrictions territoriales ou de l’essor d’une culture indépendante et diversifiée. J’avais la chance d’être invité à m’exprimer aux côtés de l’écrivain Cory Doctorow, de la réalisatrice Lexi Alexander, du youtubeur et écrivain Pouhiou, du cyberphilosophe Alexander Bard, de Brit Stakston et de Martin Shibbye du projet journalistique Blank Spot, du photographe Jonathan Worth et du réalisateur Nicolas Alcala — autant de créateurs et d’innovateurs aux parcours très instructifs. Autant dire que la journée a été pour moi très inspirante.

À notre arrivée, un déjeuner avait été préparé dans un salon du Parlement. Autour de la table, Julia Reda, son équipe et les invités, mais aussi quelques eurodéputés — certains acquis aux idées du rapport, d’autres plus sceptiques — invités à partager un moment de discussion informelle. Cory Doctorow engage une conversation animée avec la députée assise à côté de moi. Il parle vite, et même si je considère avoir un niveau d’anglais assez correct, certaines phrases m’échappent. Je participe à l’échange, qui devient vite une tentative de convaincre la députée du bien-fondé de certaines idées. Elle est ouverte à la discussion, écoute nos arguments, semble en prendre note. À ma droite, Brit Stakston et Martin Shibbye m’expliquent comment ils ont sorti un journal de ses ennuis financiers grâce au crowdfunding. Un peu plus tard, dans le panel dans lequel elle s’exprime, Brit Stakston expliquera, entre autres choses passionnantes, qu’il faut toujours si possible faire coïncider la fin d’un crowdfunding avec une fin de mois — le moment où les internautes reçoivent leur salaire, et où ils sont donc plus enclins à la générosité. Pas bête. Un peu plus loin, Pouhiou est en grande discussion avec l’excentrique cyberphilosophe, qui lors du tour de présentation a affirmé être plus riche que nous ne pourrions jamais en rêver. Je ne comprends pas le thème de leur discussion, mais je crois entendre que ça parle de sexe et que c’est très animé. D’une manière générale, quand il s’empare d’un sujet, ça s’énerve assez vite. Le cinquantenaire — crâne rasé, barbe de hipster et short d’écolier — aime catalyser l’attention.

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Avant le dessert, nous partons avec Cory Doctorow et Lexi Alexander pour une conférence de presse. La salle n’est pas bondée, mais les journalistes attentifs. Face à mon hésitation entre utiliser Julien Simon et mon nom d’auteur, Lexi Alexander me suggère de toujours me présenter en tant que Neil Jomunsi — question d’image et de marketing. Je sais qu’elle a raison, mais autant je n’ai aucun mal à utiliser mon nom de plume par écrit, j’ai encore un peu de mal à l’employer à l’oral. Va pour Neil, donc. Après une introduction de Julia Reda, nous expliquons en deux mots la raison de notre présence et notre vision du problème face aux journalistes. Cory Doctorow et Lexi Alexander sont beaucoup plus rompus que moi à l’exercice — d’ailleurs, je ne savais même pas qu’on m’inviterait à la conférence de presse et je n’avais rien préparé. Heureusement, il y a des traducteurs : je peux m’exprimer en français. J’improvise. Première vraie conférence de presse pour moi, ça se passe mieux que je le pensais, mais c’est impressionnant. La session est chronométrée, nous devons partir à 14h pour les panels.

Le grand amphithéâtre est plutôt bien rempli quand nous arrivons. Je m’installe sur la scène à côté de Pouhiou, déjà assis, de la modératrice Jennifer Baker, du cyber-philosophe Alexander Bard et de la réalisatrice Lexi Alexander. Nous expliquons pourquoi nous sommes favorables à telle réforme ou à tel point du rapport, expliquons les problèmes que nous rencontrons et les solutions que nous aimerions voir mises en place. Le ton monte vite, s’accélère, s’envenime même un peu. Je ne suis pas très à l’aise quand il s’agit de hausser la voix, je préfère des discussions posées, pas facile de trouver le rythme. La salle, remplie en partie de membres du Parti Pirate, est acquise à la cause et applaudit sitôt qu’une pique est adressée à l’industrie culturelle. Quand le président d’une société d’auteurs prend la parole lors des questions du public, les pannelistes le rembarrent. D’une manière générale, j’ai l’impression que le débat autour du droit d’auteur manque de nuances : soit on est pour une réforme, soit on est contre. Quand on est pour, c’est qu’on veut « supprimer le droit d’auteur » selon ceux qui s’opposent à toute réforme. Quand on ne veut rien changer, c’est qu’on est un « vieux con passéiste qui n’a rien compris à internet » selon les partisans de la réforme. Il n’y a pas d’entre-deux et je trouve ça assez dommage, ça me fait penser à ces discussions sur l’allaitement où chacun campe sur ses positions. À la fin du panel, j’ai l’impression que tout le monde a dit ce qu’il avait à dire, mais que le débat n’a pas vraiment avancé. C’est une des choses que je retiendrai de cette journée : il faut de la nuance, tout le temps et le plus possible. Discuter avec tout le monde. Nous avons à apprendre des deux côtés. D’ailleurs, à la fin de la session, je vais discuter avec le représentant de la société d’auteurs. Le dialogue est franc, plutôt cordial une fois qu’il constate que je n’ai rien d’un ayatollah. On s’accorde à dire qu’il faudrait davantage de discussions posées entre les différents « camps », peut-être loin du public et des caméras qui ne font qu’exacerber les tensions.

J’écoute le second panel, celui auquel participe Cory Doctorow, avec grande attention. Le ton est plus posé, moins revendicatif, moins énervé aussi, du coup je le trouve beaucoup plus intéressant. Cory Doctorow a l’habitude de participer à de tels évènements : on sent qu’il a de l’expérience. Chaque phrase qu’il prononce donne l’impression d’être tirée d’un puits de bon sens, une punchline toutes les minutes, la salle écoute, oreilles grandes ouvertes. Ce type est passionnant. Quand je lui demande plus tard quel est son secret, il m’explique qu’il suffit de participer à ce genre de conférence des dizaines de fois par an et que l’habitude fait le reste. C’est un auteur très accessible, un « pro », qui fait le boulot et reste d’égale humeur tout du long. Les anglo-saxons savent faire ressentir une certaine proximité là où beaucoup d’auteurs européens que j’ai rencontrés n’y arrivent pas. C’est un truc que j’aimerais bien apprendre — surmonter ma timidité surtout, qui peut vu de l’extérieur ressembler à une certaine froideur. Doctorow a sorti un livre l’année dernière « Information doesn’t want to be free », que j’avais dévoré en numérique à sa sortie. Il nous en explique quelques axes forts. Les crowfunders suédois poursuivent la discussion, suivis du photographe Jonathan Worth qui publie une partie de ses images sous licence Creative Commons et de Nicolas Alcala, auteur du projet transmedia et sous Commons « Le Cosmonaute ». Ce dernier semble assez désabusé, presque déçu, de son expérience. Mais il nous expliquera au dîner que même si cela avait été dur, il a encore beaucoup de projets à venir.

Nous terminons la journée par une présentation plus complète du livre de Cory Doctorow par l’auteur lui-même, qui se termine en séance de dédicace. L’équipe — qui a fait du super boulot tout au long de la journée — a prévu des dizaines d’exemplaires gratuits à distribuer, que l’écrivain dédicace à tours de bras au terme des questions-réponses. On prend quelques photos, puis nous terminons la soirée dans un bar-restaurant près du Parlement. Nous sommes une bonne cinquantaine et l’atmosphère bruyante n’est pas forcément propice à la réflexion : pas grave, nous en profitons pour causer et rire autour d’une bière — il faut dire que la pression retombe. Des mails sont échangés, des pseudos Twitter aussi, et tout le monde se quitte sur les coups de 23h-minuit. Bruxelles bruisse de politique en permanence, mais elle semble plutôt calme une fois la nuit tombée.

J’ai trouvé cette journée vraiment enrichissante, et elle m’a beaucoup inspiré pour les semaines et les mois à venir. Je remercie Julia Reda et son équipe de m’y avoir convié, et j’aurai l’occasion d’expliquer plus en détails les conséquences directes des réflexions dans lesquelles elle m’a plongé. En attendant, je ne peux que vous conseiller de lire (ou de relire, ce que je suis en train de faire) le livre de Cory Doctorow. Cet ouvrage est un phare dans la brume des questions nébuleuses qui se posent à nous autour d’une éventuelle réforme positive du droit d’auteur et j’invite chacun à en prendre  connaissance.

Neil Jomunsi

NotaBene : le bilan en vidéo

Benjamin Brillaud est le créateur de NotaBene, une chaîne YouTube sur la thématique de l’Histoire. Il est aussi à l’origine du collectif des Vidéastes d’Alexandrie (des vidéos à thématique culturelle sur YouTube). Il a surtout été très enthousiaste dès que l’idée a circulé sur les réseaux de faire une vidéo soutenant le rapport REDA, et c’est lui qui s’est chargé de monter/réaliser cette vidéo « Nos Créations sont Hors la Loi » (en travaillant au passage à rassembler les troupes et les énergies).

Tous les vidéastes ont été invités à assister à cette journée Meet The New Authors. Finalement, seuls Fujixguru (le papa de l’internet), lui et moi avons pu nous y rendre. Il tire de cette journée un reportage vidéo (attention c’est sur YouTube et non-libre ^^) très intéressant ainsi qu’une conclusion en demi-teinte…


Vidéo « Nota Bene - bilan de la journée au parlement européen » sur Youtube

 




#FixCopyright : de bonnes raisons de soutenir le rapport REDA.

Nous entamons ici une série d’articles autour du rapport REDA, une initiative visant à dépoussiérer et harmoniser les lois du droit d’auteur/copyright sur le territoire européen. Il s’agit d’un sujet important et d’une opportunité unique de trouver un compromis qui pourrait favoriser les auteurs, les échanges culturels sur les Internets sans écorcher l’industrie de production et diffusion culturelle.

L’idée de cette série d’articles est de donner la parole à des créateurs de contenus, au nom desquels sociétés de gestion collective de droits et industriels de la culture voudraient lancer une « guerre au partage ».

Ce premier article est signé Greg, dont le blog l’Antre du Greg est à suivre avec attention. Greg est un auteur aux créations Libres. Il a su résumer les points fondamentaux et les enjeux de cette proposition législative qui pourrait (en douceur et avec des compromis) changer la donne dans la relation auteur-audience, d’internaute à internaute.

Le contenu qui suit est donc CC-BY-SA Greg, et a été originellement publié sur l’Antre du Greg.

Pourquoi je soutiens le rapport REDA (et pourquoi vous aussi, vous devriez)

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CC-BY-SA le parti pirate Thèque (source : flickr)

En ce moment, au parlement européen, on prépare la réforme du droit d’auteurs, initiée par le rapport Reda (du nom de la députée Julia Reda, non pour Réforme Européenne pour le Droit d’Auteur (ne riez pas, on m’a pourtant fait cette remarque)). Ce rapport, quoiqu’en disent les grands acteurs de l’industrie culturelle, donne plus de droits aux créateurs, se basant sur les nouvelles technologies, mais aussi aux internautes. Je vous invite à lire une explication du rapport de Julia, si vous ne le connaissez pas, et si vous voulez le texte en détail, c’est par ici. Je voulais vous partager mon ressenti sur les débats qui ont lieu en ce moment, mais aussi vous expliquer pourquoi, selon moi, il est important de le soutenir. La liste n’est cependant pas exhaustive, sinon, je pense que mon plaidoyer atteindrait la taille d’un mini-livre. Voici donc déjà des points essentiels, mais n’hésitez pas à approfondir le sujet.

Les créateurs sont hors-la-loi…

Les créateurs de vidéos, principalement sur Youtube, sont considérés à l’heure actuelle comme des hors-la-loi en Europe. En effet, il existe aux USA le principe du Fair Use qui permet de mettre un petit extrait d’une œuvre pour illustrer son propos. En Europe ce n’est pas le cas. Mettre un passage d’une chanson, une citation d’un film est une violation du copyright. Oui, votre youtuber préféré, qui a remixé une œuvre, a fait un mash-up, est un criminel aux yeux des ayants droit. Mais plutôt que de vous faire une longue diatribe contre l’état actuel de la législation, je vous invite à regarder cette petite vidéo, pleine de gens bien qui vous expliqueront tout ça bien mieux que moi.

 


Vidéo « Nos créations sont hors la loi » sur Youtube

 

…Mais l’internaute aussi.

La copie a toujours existé. Les moines copistes en sont la preuve. Nous avons tous, dans le passé, pris un peu de temps avec une photocopieuse. Nous avons enregistré des disques sur cassettes audio que nous repassions à nos copains. Pareil pour les films avec les cassettes vidéo. Jamais nous n’aurions pensé que nous serions considérés comme des criminels, que l’on passerait en jugement et que nous risquerions prison ou amende. C’est pourtant ce qui est en train de se passer : la criminalisation du partage. Si vous avez le malheur de mettre la moindre œuvre artistique sur un réseau de peer-to-peer vous êtes considéré comme le pire des criminels.  Le rapport REDA propose de renforcer les droits des utilisateurs, avec entre autre, la facilitation du prêt numérique pour les bibliothèques.

Ce n’est pas le piratage qui tue un artiste ou une œuvre, mais bien l’absence d’offre concrète et suffisante. On a souvent l’impression que les grandes maisons d’édition passent plus de temps à lutter contre le piratage qu’à créer une véritable offre : les titres numériques sont très peu nombreux par rapport à leur équivalent papier, et tout un temps, les livres numériques n’étaient que de vulgaires scans. Les grandes maisons d’éditions s’érigent en spécialistes du numérique sans même en connaître tous les tenants et aboutissants : rien que dernièrement, un auteur préconise l’abandon du format epub parce que c’est devenu le standard du piratage : c’est une aberration totale. Un fichier reste un fichier, si un format disparaît, un autre prendra rapidement sa place.

Pour clore ce paragraphe, je terminerai en soulignant une idée défendue aussi par Thierry Crouzet mais aussi Ploum, et beaucoup d’auteurs libres : publier c’est rendre public, mettre à la disposition de tout un chacun et  laisser son œuvre vivre sa vie, se propager. Beaucoup d’auteurs se plaignent que le piratage tue leurs œuvres. J’ai vu dernièrement un auteur se plaindre que son livre ne s’était vendu qu’à deux cents exemplaires mais qu’il avait été téléchargé plus de sept cents fois. Je ne comprends pas la plainte : s’il a été téléchargé, c’est que des personnes se sont intéressées à son travail et l’ont propagé. Elles ont aidé à la faire connaître. Je ne trouve pas plus gratifiant de recevoir de l’argent que d’être lu par un plus grand nombre, c’est même le contraire (même s’il est vrai que comme beaucoup d’auteurs, j’aimerais vivre de ma plume, je serai nettement plus honoré de voir mon œuvre se propager sur les sites internet, cela prouve que du monde s’intéresse à ce que je fais et veut le faire découvrir à d’autres). Et si vous ne voulez pas voir votre œuvre se propager sur internet, n’écrivez et ne publiez pas.

L’aberration des hyperliens

Un hyperlien est un lien que vous faites pour illustrer votre propos vers un autre article. C’est le fondement de l’internet, faire des liens vers d’autres ressources qui approfondissent le sujet. Sans ces derniers, le net serait nettement moins vivant. Vous ne copiez pas l’information, vous dirigez vos lecteurs vers l’information, vers « le propriétaire » de son contenu (je n’aime pas cette façon de voir les choses, une idée, pour moi, n’appartient à personne, mais j’y reviendrai dans un billet ultérieur). Vous ne violez donc pas le droit d’auteur de cette personne. Julia Reda demande donc que l’hyperlien ne soit pas soumis à des droits exclusifs. Petit exemple, qui pourrait se généraliser. J’écris un article sur un sujet X et pour montrer ce que j’explique, je fais un lien vers un site d’une société de l’audio-visuel belge. Je suis bien dans l’illégalité, si on regarde les conditions d’utilisation de ce site :

RTL

Je n’ai pourtant pas copié le contenu de l’article. Je n’ai fait qu’un simple lien. En réalité, cette société devrait être reconnaissante envers quelqu’un qui fait un lien vers elle. Elle gagne en visibilité, gagne des visiteurs qui sont intéressés par le sujet. Mais non. Selon eux, une telle pratique reste une violation du droit d’auteur.

« Vendre » de la culture, c’est comme vendre des poires

Dès la présentation du rapport, une levée de bouclier a eu lieu de la part d’eurodéputés. Le député le plus virulent, Jean-Marie Cavada, s’est farouchement opposé au rapport de Julia Reda. Neil Jomunsi, auteur et propriétaire de la maison d’édition Walrus, a voulu lui expliquer ce que le rapport apportait, et en quoi il est important pour les auteurs. Mais la réaction de Cavada fut totalement consternante : premièrement, on a clairement eu l’impression qu’il n’avait pas lu la moindre ligne de la lettre, répondant des phrases préformatées, comme si elle avait été dictée par des lobbyistes. Il souligne que des jeunes « Robin des bois des temps modernes » veulent abolir le copyright, alors que ce n’est pas du tout le cas : il s’agit d’un renforcement DES droits des auteurs et des utilisateurs. On remarque bien dans sa réponse que sa préoccupation n’est pas l’auteur mais bien l’industrie. Il en vient même à comparer un bien culturel à un produit que l’on vend sur les marchés. Même si un bien culturel nourrit l’esprit, je ne suis pas sûr que le comparer à une poire ou une carotte soit très gratifiant.

Vous n’êtes considéré comme auteur que si vous êtes publié par une grande maison

J’aime écrire. J’écris des petites histoires, que je mets ici, sur mon blog, ou sur d’autres réseaux. Je mets des mini-livres numériques à disposition de tout un chacun. Pour des tas de raisons, je n’ai pas cherché à prendre un éditeur. Pour un député européen, Monsieur Cavada (oui, toujours le même), je ne suis donc rien. Je n’ai droit à aucune considération. J’aimerais cependant paraphraser Arnaud Lavalade et Manuel Darcemont, les fondateurs de Scribay :

«Un auteur le devient dès la première ligne.

N’importe qui est auteur dès qu’il se met à écrire. Personne n’a le droit de dire qui est auteur et qui ne l’est pas. C’est l’acte de création qui détermine un auteur, pas sa validation par une quelconque autorité.»

Je constate ici un mépris de chaque internaute qui se lance dans une activité créative et fait partager son art. Mais on remarque une fois de plus la volonté de protéger une industrie qui a du mal à s’adapter aux évolutions technologiques plutôt que de protéger tout acte de création, sans laquelle cette industrie ne pourrait de toute façon pas survivre.

Ce que vous avez financé, ne vous appartient pas et vous pouvez vous asseoir dessus.

Il y a des tas de créations qui n’ont pu avoir lieu qu’avec l’aide de financement public. Prenons un petit exemple : les universités, dans le cadre de leurs travaux, reçoivent de l’argent public (donc oui, votre argent, puisque vous payez des impôts). Les résultats de ces travaux, les thèses, les découvertes, devraient donc être dans le domaine public, puisque tout un chacun les a financés. Mais non, ils restent la propriété de la personne ou l’institut. On pourrait même aller plus loin, mais ici c’est une interprétation purement personnelle, avec la presse. Elle est grandement financée par l’argent public, et elle s’écroulerait si elle ne recevait plus aucun subside. Là c’est même pire, vous devez payer une seconde fois pour accéder à l’information (en plus de donner du temps de cerveau disponible pour les nombreuses publicités qui inondent les pages ou sites internet).

Le lobbying porte ses fruits, dénaturant tout le rapport.

À peine publié, directement dénaturé. Des tas d’amendements furent directement modifiés par nombre de députés, vidant pratiquement tout le rapport de sa substance. Je vous les ai cités plus haut, les hyperliens, où les députés demandent de créer «un droit d’auteur » pour ces derniers. Alors que le rapport demande l’abandon des DRMs, des députés modifient le paragraphe pour les mettre en avant ; alors que le rapport demande une harmonisation des règles pour toute l’Union Européenne, facilitant donc la vie de tous les acteurs hors industrie, on le supprime. Dans le cas où le rapport est voté avec ces modifications, on obtiendrait le statu quo, voire pire plus de droits pour l’industrie et non pour les petits auteurs et les utilisateurs. Je vous invite à lire ce billet : Reda report: the 10 worst and the 5 best amendments (en anglais).

#CopyrightForFreedom, ou se battre pour l’industrie du livre et non l’auteur

Le lobbying de l’industrie continue de se mobiliser. Lors de la Foire du Livre de Paris, la Fédération des Éditeurs Européens lance la campagne « Copyright For Freedom », avec la création d’une pétition en ligne demandant justement de renforcer le copyright. Mais renforcer le droit d’auteur, le prolonger à 70 ans voire plus, n’est-ce pas à l’opposé de la liberté ? Dans le cas de cette prolongation du droit d’auteur et des droits voisins après la mort d’un auteur, ce n’est pas l’auteur qui est protégé, mais bien l’industrie. Oui, cette campagne ne sert qu’à protéger cette industrie. Je suis un auteur, et je le clame haut et fort : pas en mon nom. Et je vous le demande à tous, ne signez pas cette pétition.

Mais pour moi, le rapport aurait pu encore aller plus loin.

Je vais terminer par ce qui m’a le plus déçu dans le rapport Reda, bien que certaines nuances aient pu m’échapper. J’aurais aimé voir une reconnaissance et une harmonisation des systèmes de financement alternatifs tels que Flattr, Tipeee et autre. Rien que pour la Belgique (je pense que c’est pareil pour la France avec Flattr), il y a un flou juridique total à ce sujet, personne ne sait ce qu’il convient de faire pour travailler avec ce type de donation, si on doit les considérer comme des dons ou des revenus (et ce n’est pas faute de poser la question à droite et à gauche). Mais peut-être que cette question dépasse le cadre du rapport Reda.

Continuer à creuser…

Voici pour moi les points essentiels, ce que j’ai retenu sur ce rapport. Je vous invite cependant à prendre connaissance des avis d’autres créateurs. Ce lundi 20 avril s’est tenue la conférence Meet The New Authors, au parlement européen. Voici la vidéo des débats organisés par Julia Reda, vous aurez donc des avis différents, complémentaires aux miens, et des problèmes plus spécifiques aux autres secteurs de l’édition.


Merci de m’avoir lu. Bien sûr, ce texte est sous licence Creative Commons BY-SA. Partagez-le, modifiez-le. Propagez les informations. Pour que les auteurs, mais vous aussi, internautes, ayez plus de droits. Pour que nous ne soyons plus hors-la-loi.

Greg.




La Marmotte veut le chocolat, et l’argent du chocolat

Aryeom et Jehan se sont lancés dans un projet de film d’animation sous licence libre.
Pas un truc d’amateurs ! Tous deux munis d’un solide bagage (elle : dessinatrice et réalisatrice ; lui : acteur et développeur), ils veulent en mettre plein la vue et courir les festivals avec une belle œuvre.
Ils souhaitent aussi séduire assez de donateurs pour produire leur film en financement participatif.
Comme les premières images sont impressionnantes, nous avons voulu en savoir plus. C’est surtout Jehan qui parle parce qu’il est le plus bavard des deux, et puis Aryeom peine encore à parler français, alors nous l’avons interrogée en anglais.

 

Vous vous présentez sur le site du studio Girin, mais pouvez-vous nous parler de votre rencontre ?
Jehan, qu’est-ce qui t’a pris de traverser le monde à moto ?

Jehan : Je me suis cassé la clavicule dans une chute à moto. Pendant quelques mois, j’ai pris le métro matin et soir, dans la foule, les bruits et odeurs des transports en commun parisiens, tout ça pour se planter devant un bureau toute la journée. Cela m’a fait me demander « mais qu’est-ce que je fais là ? ». C’est là que j’ai décidé de partir. Quelques mois plus tard, je pose donc ma démission de mon boulot d’ingé, vends ma belle moto neuve et achète à la place une moto de 1991 (que j’utilise encore quotidiennement à ce jour !), rends mon appartement, me débarrasse de ce qui n’est pas utile et prends la route.

Je n’ai jamais eu de plan exact. En fait je ne savais pas pour sûr où j’allais ni par quel chemin avant d’y être. J’ai pris les visas au fur et à mesure. C’est aussi pour cela que je préfère parler de « vagabondage » plutôt que de « voyage ». Le premier terme a une connotation assez péjorative en français, mais je le trouve au contraire très sympathique et j’ai envie qu’il s’applique à moi, surtout après avoir lu Knulp de Hermann Hesse.

Au contraire « voyageur » a cette connotation méliorative. On va entendre des absurdités du genre « les voyageurs sont des gens ouverts », etc. Je peux vous dire que j’ai croisé des très grands voyageurs qui étaient de beaux salauds, tout comme j’ai connu des gens super sympas et ouverts qui n’avaient jamais quitté leur bled. En d’autres termes, ça n’a absolument rien à voir. On peut être un voyageur ouvert ou non, comme pour tout. Par contre le voyage, dans notre société, c’est beaucoup associé à du tourisme pur et dur où des gens vont aller une semaine dans un endroit, voir quelques lieux touristiques, faire quelques remarques bateau, puis revenir chez eux en étant persuadés d’avoir tout compris sur un pays et tous ses habitants. Bien que cette vision du voyage soit bien vue dans nos sociétés, je préfère me poser un peu en rupture avec cette façon d’aller sur les routes. Il n’est pas nécessaire de comprendre ou savoir quoi que ce soit quand on va quelque part ou quand on rencontre quelqu’un. On peut se contenter d’y être. Vouloir tout intellectualiser, c’est peut-être ça d’ailleurs le contraire de l’ouverture.

Je suis donc un vagabond, et je ne réfléchis pas ni ne sais d’où je viens, ni où je vais, tout comme Marmotte. 🙂

Après avoir traversé l’Asie centrale (à travers Kazakhstan, Russie, Mongolie…), je suis resté un an au Japon, puis suis allé en Corée.

C’est là que j’ai rencontré Aryeom.

Aryeom, why did you decide to come in France, while things seemed to work well for you in Asia? (Aryeom, pourquoi as-tu décidé de venir en France, alors que ça semblait marcher pour toi en Asie ?)

Aryeom : France is known as an art country. So I wanted to live in France someday, and the chance came earlier than I thought. Jehan has an association for libre art and suggested a residency artist program with his association. And the principles of the association are so nice for the world. I thought it was a very good chance for me. So I caught it.

(Le rayonnement de la France sur les arts est reconnu. Je m’étais dit que ce serait bien de venir vivre en France un de ces jours ; l’occasion s’est présentée plus tôt que prévu. Jehan fait partie d’une association d’art libre et il m’a proposé un programme d’artiste en résidence. Les principes de son association sont tellement sympathiques que j’ai pensé que sa proposition était une vraie chance pour moi, et j’ai accepté.)

Le personnage principal de votre film d’animation est une marmotte voyageuse, qui décide de partir découvrir le monde au lieu de roupiller devant son terrier. On a bien compris que c’était votre animal totem. Elle illustre votre façon de voir la vie ?

Jehan : Oui et non. Oui j’adore cet animal et c’est un peu mon totem, si on veut. Non je n’y ai pas mis tellement de réflexion (encore une fois !) ou de « théorie bullshit » sur la vie. Au final c’est surtout un animal que je trouve cool et marrant. Ça ne va pas chercher beaucoup plus loin. 🙂

J’ai toujours beaucoup aimé les marmottes et suis allé régulièrement dans les Alpes, donc j’en ai croisé pas mal. J’ai un jour acheté une peluche marmotte (lors d’un séjour au ski, si ma mémoire est bonne), et elle m’a tout bêtement suivi dans tous mes vagabondages depuis. Donc vous pouvez le voir, ça ne vole pas dans de grandes sphères philosophiques ou symboliques !

Je ne l’exhibe pas forcément beaucoup, donc les gens ne le savent pas forcément, mais si vous me rencontrez, il y a de grandes chances qu’elle épie depuis mon sac. 😉

C’était mon copilote, on lui a fait un petit casque en simili-cuir avant mon départ, et il avait sa place sur le guidon de la moto. Cette peluche a visité plusieurs dizaines de pays !

C’est donc l’idée de base du film : et si la marmotte décidait de partir en voyage seule ?

Vous voulez gérer tout le projet uniquement avec des logiciels libres. Ça ne rend pas les choses moins faciles ?

Jehan : Bien sûr. Il existe de très bons logiciels proprios et il n’y a pas eu ou très peu de projets sérieux qui ont utilisé des logiciels Libres. Donc tout ce qui existe pour l’animation n’est qu’à l’état de prototype en gros. Notre projet sera donc clairement un des pionniers.

Mais j’utilise essentiellement les systèmes GNU/Linux depuis une dizaine d’années au moins et avec Aryeom, on a pensé que c’était l’occasion de faire un film d’animation et de créer les logiciels adéquats (ou les sortir de l’état de prototype). Il faut un vrai projet pour rendre les logiciels fonctionnels. La théorie a toujours des limites qui se cognent à la réalité dans de vrais projets.

Je me considère comme un relativement capable développeur. Non pas un expert, mais par contre un touche-à-tout et surtout méticuleux (le mainteneur de GIMP me traite de « pedantic hacker » pour signifier qu’il me fait confiance pour trouver des bugs et problèmes que d’autres ne voient pas !). Donc je pense être capable d’améliorer les choses si on m’en donne les moyens. Sans compter que la base est déjà plutôt bonne. On ne part pas non plus de rien et l’état et la stabilité des logiciels Libres pour le dessin et partiellement l’animation sont très bons de nos jours, bien qu’il y ait encore pas mal de manques.

Aryeom, do you never dream to work with a good old Adobe suite? 🙂
Is it very much complicated to draw with free softwares? Or is it cool because you know a Gimp developer and you can ask directly to Jehan the fonctionnalities/features you want?

(Aryeom, tu ne rêves jamais de bosser avec une bonne vieille suite Adobe ? Est-ce que c’est beaucoup plus compliqué de dessiner avec des logiciels libres ? Ou alors c’est sympa parce que tu connais l’un des développeurs de Gimp et que tu peux demander à Jehan les options dont tu as envie ?)

The first year when I started to use GIMP, there were times I wanted to throw my tablet pen through the window. But now I got used to it.
This is just a different software and I just have had to learn the basics, as for any software.

There are still things I miss. In particular there are no programs which I can use like After effects. This is very tough for me.

And all software in Adobe suite are well connected. We don’t have this in Free Software. Working with GIMP and Blender can be a pain sometimes because of this. I hope that with more users, these connections will be implemented.

(La première année, quand j’ai commencé à travailler avec Gimp, j’ai eu des envies de balancer ma tablette graphique par la fenêtre. Mais maintenant je me suis habituée. C’est simplement un logiciel différent, il a fallu que j’apprenne les fondamentaux, comme avec n’importe quel logiciel, voilà tout.

Il me manque quand même encore des trucs. Particulièrement After Effects, qui n’a pas d’équivalent. Ça, c’est dur.

Et puis tous les logiciels de la suite Adobe sont bien liés entre eux. Nous n’avons pas ça dans le Libre. Du coup, travailler avec Gimp et Blender peut devenir compliqué. J’espère que ces liens seront mis en place quand nous serons plus nombreux à les utiliser.)

L’autre particularité du projet, c’est que vous ne voulez surtout pas faire du boulot d’amateur. Vous souhaitez un résultat de qualité professionnelle et que tout les artistes soient payés. Dans votre demande de contribution, vous dites « ce n’est pas un appel à venir bosser gratos » !
Vous pensez vraiment y arriver ?
Dans le circuit « traditionnel », c’est déjà compliqué de sortir des projets !

Jehan : Nous espérons en tous cas ! Il est vraiment important pour moi de ne pas rester dans l’amateurisme. Attention ce n’est pas parce que je considère l’amateurisme comme inférieur. Bien au contraire, j’en suis un fervent défenseur et il ne faudrait surtout pas déconsidérer le travail amateur. J’ai connu des amateurs qui pourraient aisément être pros et des pros qui font vraiment un boulot de merde. On voit cela pour tout métier.

Néanmoins pour ce projet en particulier, déjà je veux prouver qu’on peut faire un vrai boulot, pour l’image du Libre, mais aussi parce que ce projet nous tient à cœur.

Ce n’est pas non plus juste une « démo technique » comme on peut le voir par ailleurs dans d’autres projets du Libre portés par des gens intéressés seulement par le software. Non c’est un vrai projet de film aussi.

En outre on veut pouvoir y bosser à temps plein. Or pour faire cela, on doit pouvoir se payer, et si on se paye, c’est aussi normal de payer les autres (je ne trouverais pas sain de se payer tout en demandant à des volontaires de bosser gratos).

Quel est le secret de ce bel optimisme ? (How can you be so optimistic?)

Jehan : si vous êtes pessimiste, vous ne pouvez rien faire. Toute personne a tout intérêt à être optimiste en toute chose pour pouvoir « faire des choses ». C’est pour moi un principe de base.

À propos de la musique, j’ai lu que vous deviez refuser les propositions des membres de la SACEM, parce qu’ils ne sont plus libres de diffuser leurs œuvres comme ils le souhaitent. Ubuesque, non ?

Jehan : Oui. Les membres transfèrent la gestion de leurs droits d’auteur à la SACEM. En gros vous n’avez plus de « droit » sur vos droits, ce qui est plutôt ironique. Un adhérent SACEM ne peut plus négocier ou signer de contrat sur ses droits d’auteur, et n’a donc pas le droit de mettre ses œuvres sous une licence de son choix (sauf accord spécifique). De même qu’un adhérent n’a même pas le droit de déposer ses morceaux sur son site perso (ou aucun site de manière générale). À vrai dire, de nombreux membres SACEM sont en violation pure et simple de leur contrat en essayant de faire la pub pour leur morceau (en le faisant écouter, en le mettant sur leur site, etc.). Si même vous faites écouter vos propres morceaux à un public, vous devez payer (pour ensuite toucher théoriquement des droits sur l’écoute, sauf que comme la SACEM prend sa part au passage, il ne reste plus grand chose). Ubuesque, oui. Ridicule même.

Maintenant qu’on sait tout ça, comment est-ce qu’on peut vous aider ? Vous prenez tout le monde ? Moi, je recadre déjà mes photos de famille avec The Gimp. Encore un ou deux tutos à lire et je viens !

Jehan : Effectivement pour ce projet en particulier, la question peut se poser puisqu’on veut faire un film de qualité. De même que la Blender Foundation fait une sélection draconienne pour les participants à ses Open Movies. Ce serait pareil pour nous. Ensuite comme je disais, je n’aurais aucun blème à engager un amateur très qualifié (de même que je n’aurais aucun remord à refuser l’aide d’un professionnel au travail bâclé).

Par contre notre assoce en elle-même prévoit des ateliers pour expliquer les logiciels Libres créatifs à monsieur Tout-le-Monde (ou à des pros habitués à des logiciels propriétaires), et aider les gens à les utiliser. Par exemple à l’Ubuntu Party ainsi qu’aux RMLL, nous aurons (normalement) un atelier de ce genre pour fabriquer tous ensemble « l’album d’autocollants des libristes » dans un contexte « d’impression pro chez un imprimeur ». Tu as peut-être entendu parler de ce projet initié par LDN.  D’ailleurs si Framasoft a des autocollants, faut les envoyer ! Clairement vous devez faire partie de l’album. 🙂

La flatterie ne te mènera nulle part.

On s’est dit que c’était vraiment un projet sympa, car pas trop complexe (le « contenu » existe déjà, c’est globalement les autocollants existants des assoces françaises), qui permettrait d’expliquer les bases de la mise en page (pour impression physique, pas web), mais aussi des questions sur les couleurs (CMYK/RGB, que sont les profils de couleur ? Sur ce sujet, on aimerait un peu décortiquer le mythe du vrai d’ailleurs car on rencontre foultitude de « graphistes pros » qui n’y pigent rien et répètent les conneries qu’on se répète probablement de graphiste senior à graphiste junior parce qu’ils ne comprennent rien à la technologie sous-jacente).

On pense qu’on devrait pouvoir créer cet album entièrement collaborativement en plusieurs ateliers. Comprendre : nous on fera absolument que dalle !

On ne sera là que pour montrer aux gens comment faire, guider, et répondre aux questions ! Alors, dans un an peut-être, la communauté pourrait lancer une impression de son album créé intégralement collectivement. Moi je trouve ça cool.

Pour ce genre d’atelier, tu pourras venir avec ton background impressionnant de retouche de photos de famille ! Pour le film, c’est moins sûr. 😉

Bon, OK, c’est peut-être mieux si je donne un peu de sous. Où ça ?

ici : https://www.indiegogo.com/projects/zemarmot-libre-movie-made-with-free-software. Il y a une bande-annonce.

Et le film, on le verra quand ? Ça doit prendre du temps à fabriquer, non ? Vous allez donner des nouvelles tout au long de la production ? Montrer des petits morceaux ? Faudrait pas non plus nous gâcher le plaisir de la découverte…

On en saura plus à la fin du financement, notamment quelle sera la durée du film, et donc la durée de la production (ou tout simplement en fonction du support reçu : pourrons-nous faire le film ?). Si on arrive à bien le financer et qu’on peut en faire un projet à temps plein, alors ce serait idéal.

En tous les cas, oui on prévoit de donner des nouvelles régulières. On montrera des images, mais je ne pense pas que l’on montrerait trop de « morceaux » du film publiquement par contre, non parce qu’on veut cacher le film, mais simplement pour le côté « spoiler ». Si on a montré l’ensemble du film par petits morceaux décousus tout au long de la production, non seulement c’est moins impressionnant (car « non fini », donc ça peut avoir un aspect décevant), mais en plus à la fin les gens auront déjà presque tout vu par bouts incohérents et pourraient être déçus de ne pas voir de nouveauté dans le film final. Donc ça gâcherait le visionnage.

Je pense qu’une meilleure stratégie est de ne pas bloquer l’accès aux fichiers (quelqu’un de passionné pourrait alors accéder aux fichiers), sans pour autant gâcher le film final pour ceux qui préfèrent attendre le film fini.

En tous cas, oui une animation prend beaucoup de temps à fabriquer. C’est simple à calculer : 24 images par seconde, ça fait 1440 (24 * 60) images pour une minute de film ! Donc pour juste une seule minute, imaginez que vous devez faire 1440 dessins, les colorier… En plus les dessins doivent être précisément calculés pour obtenir une animation réaliste et/ou drôle/intéressante, ce qui demande aussi un travail et un savoir faire considérable. Bien sûr vous ne redessinez pas tout à chaque dessin (les arrière-plans par exemple peuvent être réutilisés tout au long d’un plan statique), de même que selon la qualité d’animation désirée, il est courant de descendre à 12 images par seconde.

Mais cela reste quand même un gros boulot, et surtout une organisation très importante (avec autant de dessins, ne pas être organisé peut marcher pour une courte animation, mais à partir de quelques minutes, ce n’est plus gérable).

D’ailleurs un aspect du projet est aussi de financer du développement. J’ai plusieurs projets liés à l’animation :

  • un logiciel de gestion de projet d’animation, ce qui inclut le storyboard, les feuilles d’exposition, etc.;
  • le plugin d’animation de GIMP pour en faire plus qu’un plugin de création de GIFs animés de chatons;
  • je prévois de travailler sur l’import des fichiers dans Blender (pour l’instant travailler avec des fichiers générés par GIMP, Krita ou MyPaint et les importer dans Blender n’est absolument pas adapté et vraiment laborieux).

L’un des gros avantages d’une suite comme Adobe n’est pas seulement des logiciels bons individuellement mais aussi leur intégration les uns avec les autres.

Oui, c’est ce que dit Aryeom aussi.

Il est ainsi extrêmement simple de travailler sur des images dans Photoshop, puis charger le fichier PSD (les « images » de Photoshop) dans After Effects, ce qui permet de travailler sur les calques comme des images séparées, puis modifier l’image dans Photoshop et voir les changements dans After Effects, puis travailler dans Première, etc. Tout est lié. On n’a pas ça dans le Libre et c’est quelque chose qu’on aimerait vraiment pouvoir apporter. C’est à peu près aussi important que la qualité des logiciels eux-mêmes : comment les divers logiciels peuvent communiquer efficacement?

En conclusion : oui, c’est un travail de longue haleine. Et on avisera sur la longueur du projet en fonction du financement.

Le grain de sel de Pouhiou : ce film, vous projetez de le sortir sous licence libre… Vous n’avez pas peur qu’on vous vole votre bébé 😛 ?
Plus sérieusement, la licence libre vous semble un pendant naturel au financement collaboratif ?

Oui cela me paraît naturel de rendre à la communauté ce qu’elle a financé. C’est l’inverse qui me paraît difficilement normal. Par exemple lorsqu’un musée public vous empêche de prendre des photos d’œuvres dans le domaine public depuis des centaines d’années, alors même que c’est vous qui payez entièrement ce musée par vos taxes et impôts ! Je sais que beaucoup de gens vont pourtant financer sans problème des œuvres propriétaires. Je n’ai rien à y redire, chacun est libre de dépenser son argent comme il le souhaite. Après tout si le fait que l’œuvre sorte est suffisant pour les financeurs, pourquoi pas. Mais dans mon petit cerveau idéaliste, je rêve de plus. Je rêve d’un marché de l’art sans frontière ni limites auto-imposées et totalement artificielles.

Si on regarde le problème sous un angle plus traditionnel, un investisseur qui met de l’argent dans un film ou une société espère faire fructifier son investissement. Mais dans notre cas, tout ce que nous y gagnons serait quelques t-shirts ou autres bagatelles ? Et si l’investissement des financeurs collaboratifs existait, sauf qu’au lieu d’une forme monétaire uniquement, il a aussi une forme culturelle, artistique et communautaire ? Au lieu de plus d’argent, nous rendons du partage de connaissance et le droit pour tous de voir, partager et faire ce qu’on veut de l’œuvre qu’on a contribué à faire exister !

C’est une œuvre de biens communs.

Quelqu’un veut utiliser notre œuvre ? Très bien !

Est-ce vraiment du « vol » (ou pour être plus précis en termes légaux, de la contrefaçon) si on a déjà été payé pour produire l’œuvre ? C’est aussi pourquoi plus haut, lorsque vous demandez pourquoi c’est important de payer les gens (nous même et autrui), c’est une autre bonne raison. Un vrai travail est produit, un travail compliqué, long (des mois et des mois à temps plein pour créer des dizaines de milliers d’images !). Donc c’est normal de le payer, et si possible pas au lance-pierre. Par contre après cela, les artistes peuvent passer à autre chose, quant à l’œuvre, elle peut continuer à vivre sa vie. Vous voulez la présenter dans un cinéma ? Génial ! Bien sûr si vous souhaitez rémunérer les artistes davantage avec un pourcentage des recettes, c’est très bien, et on acceptera avec joie (vous pourriez alors utiliser un « Creator endorsed » logo comme Nina Paley, par exemple.

Mais si vous ne souhaitez pas le faire, c’est acceptable. On aura déjà été payé après tout. Par contre dans ce cas, ce serait cool que le prix du ticket soit raisonnable (les tarifs de places de cinéma sont de plus en plus absurdes !), mais ça reste votre choix.

Revenant ainsi sur ma réponse plus haut, j’ajouterai donc que je pense qu’il est important de bien payer les gens pour un travail, surtout pour produire une œuvre qui vous plaît. Par contre, une fois l’œuvre sortie, elle pourrait appartenir au public, au monde même. C’est bien plus sain que le système actuel où les coûts sont bien plus mesquins, cachés, et en même temps plus imposants, tout en donnant l’impression d’être gratuits. Non les services web des grosses compagnies du web ne sont pas gratuits (vous le payez avec la pub que vous regardez, votre vie privée que vous échangez, la vie privée de vos proches que vous divulguez, même lorsqu’ils n’ont rien demandé…). Vous en savez quelque chose chez Framasoft (cf. votre projet Dégooglisons Internet) ! Ben pareil, vous payez sans arrêt les œuvres du divertissement de masse (redevance télé, taxes sur la copie privée sur chaque support de stockage…). Saviez-vous que les bars, cafés, restaurants et commerces qui passent de la musique payent des redevances à la SACEM, et la Spré ? Les frais sont versés par les commerçants mais bien entendu répercutés sur les tarifs des produits ou services vendus !

On paye tous constamment au nom de la sacro-sainte « copie privée » et du « droit d’auteur » pour l’industrie du divertissement. Pourtant cela ne signifie pas pour autant que les artistes touchent beaucoup. Ces systèmes sont faits de telle sorte que les intermédiaires (sociétés de gestion de droits elle mêmes, les majors…) touchent une grosse part quoi qu’il advienne (ils ont des locaux, des charges, des employés…), et puis les gros ayant-droits (ils sont un faible pourcentage, ceux qu’on nommera « stars ») récupèrent ce qui reste en laissant des miettes de droits d’auteur pour les artistes restants.

Quand je lis des affirmations aussi attristantes que cela sur sacem.fr :

Vous ne le savez peut-être pas mais les auteurs, compositeurs et éditeurs ne touchent aucun salaire lorsqu’ils créent. Ils vivent de la diffusion de leur musique et c’est la répartition qui leur permet de recevoir leurs droits d’auteur. Ce système consiste à leur reverser leurs droits selon l’utilisation réelle et précise de leurs œuvres sur la base de relevés de diffusions. Des auteurs peu diffusés sont ainsi assurés de toucher, quoi qu’il arrive, ce qui leur revient de droit. La Sacem est réputée pour assurer une redistribution parmi les plus précises au monde.

Heureusement ce n’est pas entièrement vrai (je doute que beaucoup d’auteurs accepteraient de bosser sans être payé du tout à la création), mais tout de même cela donne une idée de l’état d’esprit par lequel on peut essayer de diminuer les tarifs d’un artiste : « vous toucherez plus tard avec les droits d’auteur ».

J’imagine bien la tête des maçons si on leur baissait leurs salaires pour leur dire que plus la maison sera utilisée, plus ils toucheront (avec une société de collecte qui géreraient cela et prendrait sa confortable part au passage).

Et si plutôt que faire cela pour des artistes, on pouvait payer convenablement tout le monde pour le travail effectué puis libérer les œuvres et on passe à autre chose ?

Cela ne serait-il pas plus sain et mieux pour tout le monde ? Les artistes, le public… Bien sûr, les intermédiaires seraient mécontents par contre !

La marmotte vous remerciera

Aryeom, you are guest in France, so the last word is for you! Feel free! (Aryeom, en tant qu’invitée en France, le dernier mot est pour toi. Lâche-toi !)

Why don’t you invest in a small step for our and your good world? Donate for our project <ZeMarmot> please!

(Pourquoi ne pas investir pour que notre monde, à tous, avance d’un petit pas ? Donnez pour notre projet ZeMarmot, s’il vous plaît !)




Performance artistique distribuée : un concert dans votre ordi

Ces artistes vous proposent de télécharger leur logiciel, dont ils vont prendre le contrôle à distance… Pour envahir votre PC ? Oui. Avec leur performance distribuée. Pour votre plaisir. Voici une démarche assez particulière qu’on vous propose de découvrir par une interview des artistes-développeurs qui la proposent.

La page du projet : http://www.chdh.net/egregore_source.php
Date et heure de la performance : 27 mai 2015 / 21h CET

Bonjour, Nicolas et Cyrille.
Pouvez-vous vous présenter ? Comment en êtes-vous venus à cette démarche ?

Bonjour,

Nous sommes tous  deux artistes et développeurs.

Depuis plus de 10 ans, nous travaillons ensemble sur le développement d’instruments audiovisuels : nous créons des algorithmes qui génèrent des comportements complexes et des mouvements expressifs, et nous travaillons à une représentation sonore et visuelle de ces données. Ensuite nous « jouons » de ces algorithmes en live, en modifiant les paramètres, influant ainsi sur le son et l’image.

Copie d’ecran du logiciel egregore

Le projet « Égrégore source » est une adaptation du logiciel que nous avons développé pour notre performance « Égrégore », que nous avons jouée pendant 3 ans. Nous avions déjà distribué une partie de nos instruments lors de l’édition DVD « Vivarium » en 2008, et nous avons voulu aller plus loin dans cette démarche en éditant un logiciel plus facile à utiliser, même pour des gens non initiés à ce type d’outils.

C’est une sorte d’archive, une trace de la performance fixée à un moment, mais sous forme ouverte et que les gens peuvent donc s’approprier différemment. Il est plus riche de diffuser les instruments, plutôt que de figer un résultat produit par ces algorithmes.

Expliquez-nous votre concept. C’est une sorte de concert, mais chacun chez soi ? Du coup est-ce que l’on peut parler de « spectacle vivant », selon vous ?

En distribuant les instruments, il manque un aspect fondamental qui nous est cher, c’est celui du temps partagé ensemble que l’on vit lors d’un concert.
C’est pourquoi il nous a semblé important d’intégrer cet aspect dans cette édition.

Le 27 mai à 21h, toutes les personnes qui lanceront le logiciel et qui seront connectées à Internet assisteront à la performance.
Ils recevront en direct les données de contrôle que nous générerons, les potentiomètres se mettront à bouger tout seuls !

C’est donc un concert où chacun est chez soi, mais qui garde l’essence du concert, le fait de partager un événement ensemble, simultanément.
On imagine qu’il y aura des personnes qui se réuniront ou qui organiseront des diffusions locales en petits groupes pour vivre la performance.

Quelle différence avec un vidéo-concert que vous feriez en livestream ? Le logiciel sert à quoi dans cette histoire ?

Ici, nous allons intervenir sur les instruments situés sur les ordinateurs du public. C’est un rappel sur la réalité physique de la dispersion du logiciel, une appropriation d’une utopie d’Internet, la connexion instantanée entre des situations géographiques éloignées. En bougeant les potentiomètres à distance, le public peut également assister à la manière dont on joue des instruments et pas seulement au résultat, un peu comme les pianos dont les touches s’enfoncent toutes seules avec une partition mécanique.

De plus, les instruments sont génératifs et vont tous créer un rendu légèrement différent, chaque logiciel va donc produire une performance unique.

Enfin la qualité du rendu son/image est supérieure à une vidéo « streamée », même avec un débit faible (~2ko/s) et un ordinateur moyen.

C’est une performance éphémère ou vous l’enregistrez pour la rediffuser ? C’est de l’improvisation, ou tout est-il écrit ?

Cette performance sera jouée en live, comme nous l’avons fait de nombreuses fois. Nous avons un canevas temporel et nous improvisons dedans.
Les données correspondant à notre jeu avec les instruments seront enregistrées et il sera possible de les télécharger et de les rejouer a posteriori dans le logiciel.

Est-ce que le public peut participer, applaudir, manifester, interagir avec vous ?
En utilisateurs modernes d’Internet, nous apprécions particulièrement l’IRC 🙂
Il y aura un canal sur freenode (#chdh) sur lequel les gens pourront se manifester.

Mais ce retour reste différent que lors d’une performance habituelle. Notre jeu sera sûrement plus intime, ce qui correspond également à la manière dont le public y assistera, seul devant son écran.

Concrètement, comment fait-on pour assister à votre performance ? Il faut payer quelque chose ?
Il suffit de télécharger l’application et de la lancer au bon moment en étant connecté à Internet pour assister à la performance en direct.

Vous pourriez « partir en tournée » ?

« Égrégore source » est plutôt là pour marquer la fin de la performance égregore, que nous avons jouée de nombreuses fois devant un public.

On peut vous faire un don si on a bien aimé ?
Vous pouvez acheter la version physique de l’édition ! C’est une édition limitée à 233 exemplaires qui comprend une clé USB, un schéma complet de l’algorithme sous forme de carte et un texte critique de l’artiste Atau Tanaka.

Fascicule et clé USB

Nous inviter à venir jouer, venir nous voir est aussi un très bon moyen de nous soutenir.

Le logiciel est sous licence libre (GPLv3), pourquoi ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le développement ?

Pour travailler, nous utilisons beaucoup le logiciel Pure Data, développé en licence libre, et enrichi par une communauté d’artistes / développeurs / chercheurs dont nous faisons partie. Égrégore source est intégralement développé dans cet environnement. Il nous semble donc juste que la communauté Pure Data puisse bénéficier en retour de notre travail.
De plus, l’édition étant en partie financée par une subvention publique, il nous paraît aussi logique qu’elle puisse profiter à tous les membres de la société civile.

Comment créer des ponts entre ces deux communautés : les « libristes » d’un côté, les « artistes » de l’autre (pour caricaturer) ? Qu’ont-elles à s’apporter ?

Il existe une scène artistique qui mélange ces communautés. La vision d’artistes sur les questions posées par le logiciel libre, et plus largement par les outils et techniques modernes, est souvent bénéfique pour le débat car moins technique / intellectuel mais plus sensible.

Un autre aspect est que la diffusion sous licence autorisant la libre reproduction permet d’augmenter la circulation des œuvres et d’atteindre un public plus large.

Sur le Framablog, on aime bien laisser aux interviewés le mot de la fin… Profitez-en !

Rendez-vous le 27 mai !

(merci au groupe Framabook pour avoir joué les correcteurices)




Créateurs du net, Creative Commons et réforme du droit d’auteur : #SupportREDA

Ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code.

Voilà une devise forte clamée en haut de notre Framablog. C’est en y croyant que nombre de créateurs de contenus ont appliqué les méthodes, réussites et modèles du Logiciel Libre à d’autres domaines.

Salut et merci pour les outils

Creative-Commons-collageLa naissance des Creative Commons ou de la Licence Art Libre, le contrat de cession non-exclusive de droits développé par les juristes de la maison d’édition Framabook, la médiathèque Wikimédia Commons (ou la bibliothèque du Domaine Public Wikisource), et toutes ces œuvres Libres ou de libre diffusion que l’on peut trouver en un clic… la mouvance du logiciel libre ne cesse d’inspirer de nouveaux outils à celles et ceux qui ne créent pas du code informatique.

Bien sûr, les créateurs culturels n’ont pas attendu la venue du logiciel libre pour considérer le libre partage de leurs œuvres. Mais, personnellement, lorsque je me suis rendu compte que mes écrits sont fondamentalement libres, qu’ils sont libres dans la manière dont ils se créent, dont ils se reçoivent, dont ils se financent… Lorsque j’ai réalisé que mettre des barrières ou des péages serait aussi bien un déni de leur nature profonde qu’un déni de la réalité économique digne d’un bisounours (doit-on rappeler que l’économie de l’attention régit le net, et que les barrières empêchent de capter cette attention ?)…

Bref, lorsque j’ai pris conscience de tout cela, j’ai trouvé vos outils à ma disposition. J’ai rencontré vos communautés pour prêter à mes œuvres un peu d’attention. J’ai reçu vos conseils, vos expériences, votre travail et même votre argent pour nourrir mes expérimentations. Mais surtout, surtout… j’ai fait la connaissances d’autres créateurs imprégnés de la culture du net. Des créateurs qui, à l’heure de la création/diffusion numérique, voient tout comme moi l’opportunité formidable que représente le Libre.

Les Auteurs Énervés parlent des Creative Commons

Thierry Crouzet et Neil Jomunsi m’ont invité sur le deuxième numéro de leur podcast engageant et engagé. Une émission sans langue de bois ni politiquement correct, où l’on parle droit devant soi, où l’on se défoule à balancer ce qu’on réfléchit à deux fois à dire lorsqu’on écrit un article de blog. Cette émission foutraque nos a permis d’échanger sur les pratiques du Libre, l’avantage de l’écriture diffusée sous Creative Commons, le rapport REDA… et même la montre d’Apple !

Thierry Crouzet et Neil Jomunsi, les auteurs énervés.
Thierry Crouzet et Neil Jomunsi, les auteurs énervés.

Il faut dire que ces comparses n’en sont pas à leur coup d’essai libriste. Thierry Crouzet a développé le principe d’économie de la paix, qu’il a expérimenté avec son récit Le geste qui sauve (traduit en plus de 12 langues grâce à sa licence libre). Il continue, aujourd’hui, de jongler entre l’édition traditionnelle et la libre diffusion de ses écrits… Notamment son projet-roman 1 Minute, où il écrit-publie quotidiennement, et ce pour un an, la même minute (vue par autant de personnages différents) cette minute où l’on apprend que nous sommes pas seuls dans l’univers.

Après avoir passé un an à écrire une nouvelle par semaine pour son Projet Bradbury, Neil Jomunsi a enchaîné les expériences d’écriture. Que ce soit inviter des amis auteurs à écrire 24h dans un train de Berlin… ou à concevoir le livre-web Radius (où six auteurs incarnent chacune un personnage), ses envies débordent. Il a aussi récemment été en première ligne des auteurs soutenant le rapport REDA.

Les vidéastes Français soutiennent le rapport REDA

J’ai rongé mon frein sur ce rapport REDA. J’ai vu les copains, comme Neil, aller au charbon. Écrire des articles blogs et des lettres ouvertes, et recevoir en retour le dédain méprisant de l’euro-député Jean Marie Cavada. Les créateurs du net sont (selon lui), à l’image de son petit-fils : pas des Goethe ni des Victor Hugo. Soit. Je ne comprends toujours pas en quoi cela ne nous donne pas voix au chapitre sur cette réforme essentielle et nécessaire du droit d’auteur.

J’ai rongé mon frein et me suis tu. Je devais la fermer, pour ne pas dire ce qui se préparait. Lorsque j’ai lu le rapport REDA, je l’ai trouvé formidable parce que modéré. Il replace les auteurs et créateurs au centre des préoccupations de l’industrie culturelle. Il renforce leur position face aux éditeurs et producteurs, tout en reconnaissant l’importance de ces intermédiaires. Il autorise et encadre les pratiques créatives du remix, du mash-up et de la citation. Il renforce le domaine public et le domaine public volontaire.

 

Vidéo « Nos créations sont hors la loi » sur Youtube

 Ceci est une vidéo YouTube. Clique dessus pour la voir 😉

J’ai rongé mon frein parce que je savais ce qui se préparait. Avec des copains vidéastes, des « YouTubeurs » comme on aime nous estampiller, nous nous sommes rassemblés. Nous avons écrit, produit et réalisé une vidéo collective dans le plus grand secret. Nous avons contacté La Quadrature du Net pour travailler ensemble à soutenir cette réforme. Je suis très fier de démontrer ainsi que des « gamins qui se filment dans leur chambre » (comme on ne manquera pas de nous appeler) sont en fait des créateurs dotés d’une conscience politique, des citoyens qui savent lire et soutenir des projets de loi.

La Culture Libre ne dépend que de nous.

Soutenez le rapport REDA
Soutenez le rapport REDA

On a envie d’y croire. De croire qu’un autre rapport entre créateurs et public est possible. Que plutôt que d’être un vendeur de livres (ou d’espaces pubs avant les vidéos), on peut simplement être des auteurs qui vous proposent ce que l’on fait… que ce soit directement ou aidés par des intermédiaires.

Mais cela ne tient qu’à vous. Intéressez-vous aux personnes qui proposent un autre rapport que celui de simple commerçant opposé aux pirates-voleurs. Diffusez et partagez des œuvres Libres. Donnez-leur du temps, de l’attention, des apports ou de l’argent.

Créez, surtout. Créez en vous inspirant de qui bon vous semble, en utilisant les outils, licences, savoir-faire, moyens de diffusion et de production qui peuplent nos Internets.

Et s’il vous plaît, prenez le temps de vous renseigner sur le rapport REDA et de le soutenir en contactant vos euro-députés.

Le droit d’auteur peut enfin se mettre à autoriser et encourager la culture que vous aimez. Ça se passe maintenant… et il n’en tient qu’à nous.