Reportages libres d’Al Jazeera sur l’Irak d’aujourd’hui

Al Jazeera - The child Abdullah ReportC’est le troisième billet du Framablog sur Al Jazeera et son dépôt de vidéos sous licence Creative Commons By.

Il annonce le fait que désormais on n’y trouve plus uniquement des documents sur la récente de guerre de Gaza, mais également de reportages sur la vie quotidienne en Iraq.

Le blog des Creative Commons se félicite de la nouvelle (traduit ci-dessous).

Après, c’est une question de point de vue et d’appréciation, parce que, même si moi aussi je ne parle pas arabe, les thèmes choisis peuvent tout aussi bien entrer dans la catégorie « vie quotidienne en Irak » que dans la catégorie moins neutre « difficultés de la vie quotidienne en Irak sous occupation américaine » (cf cet enfant gravement blessé de l’image ci-contre issue du reportage The child Abdullah).

Vie quotidienne en Irak – De nouvelles vidéos Al Jazeera

Daily life in Iraq – new footage at Al Jazeera

Jane Park – 14 janvier 2010 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Quentin et Pierre)

Al Jazeera a inauguré l’an passé son dépôt d’archives sous licence Creative Commons : 12 vidéos filmées à Gaza, placées sous la plus libre des licence CC, la CC-Attribution. Depuis lors, la collection d’Al Jazeera a grossi ; des vidéos sur la vie quotidienne et la culture en Irak comptent parmi leurs derniers reportages.

Regardez la vidéo de cet artiste iraquien sculptant un Minaret et peignant un arbre. Les sculptures semblent être enrobée dans de l’or ou une autre matière – je ne suis pas tout à fait sûr car je ne parle pas couramment arabe. La bonne nouvelle est que ce film, ainsi que toutes les autres vidéos archivées, est sous licence BY, ce qui permet à quelqu’un d’aider à les traduire en anglais ou dans une autre langue, pour être utilisées par les diffuseurs concurrents ou intégrées à des documentaires.

D’autres vidéos traitent du réseau de communication en Irak, de l’usine pharmaceutique de Samarra et des fermes de volailles.

Vous pouvez aussi monter ces vidéos pour raconter une histoire fascinante, que ce soit par un clip de 30 secondes ou un film de 20 minutes. Peut-être même l’accompagnerez-vous d’une bande sonore sous licence CC… Soyez créatif ! Énormément de matériel est disponible sous licence CC. Toutes les vidéos de la vidéothèque Creative Commons d’Al-Jazeera sont disponibles via la licence CC BY. Ceci signifie que vous pouvez les éditer, les adapter, les traduire, les remixer ou en faire tout autre usage tant que vous créditez Al-Jazeera. Les personnes intéressées pourront ajouter le dépôt d’archivage d’Al-Jazeera dans leurs flux Miro.




Ne pas entrer à reculons dans la société et l’économie numériques

Tibchris - CC by« Il est possible de rémunérer les auteurs, de payer le juste prix et de ne pas payer ce qui est devenu gratuit. Et il est important de cesser d’entrer à reculons dans la société et l’économie numériques. »

Telle est la conclusion de Gratuité et prix de l’immatériel, le nouvel article de Jean-Pierre Archambault que nous vous proposons aujourd’hui. Il n’apporte fondamentalement rien de plus que ce que tout lecteur du Framablog connaissait déjà. Mais l’agencement des faits, la pertinence des exemples et l’enchaînement des arguments en font une excellente synthèse en direction du grand public. Á lire et à faire lire donc[1].

Je ne résiste d’ailleurs pas à vous recopier d’emblée cette petite fiction que l’on trouvera dans le paragraphe en faveur de la licence globale, histoire de vous mettre l’eau à la bouche : « Supposons que, dans le monde physique, ait été inventée une technologie miracle qui permette de remplacer immédiatement, à l’identique et sans aucun coût, tout CD retiré des bacs d’une surface de distribution. Dans un tel monde, il apparaîtrait impensable que des caisses soient disposées en sortie de magasin afin de faire payer les CD emportés par les clients : celui qui part avec 100 CD cause en effet exactement le même coût que celui qui part avec 10 CD ou encore que celui qui part avec 1 000 CD, c’est à dire zéro ! En revanche, personne ne comprendrait que des caisses ne soient pas installées à l’entrée, afin de facturer l’accès à une telle caverne d’Ali Baba. »

Gratuité et prix de l’immatériel

URL d’origine du document

Jean-Pierre Archambault – CNDP et CRDP de Paris – Chargé de mission Veille technologique et coordonnateur du Pôle de compétences logiciels libres du SCÉREN – Médialog n°72 – Décembre 2009

Internet bouleverse les modalités de mise à disposition des biens culturels et de connaissance. Dans l’économie numérique, le coût de production d’une unité supplémentaire d’un bien (musique, film, logiciel…) étant, pour ainsi dire, nul, que doit-on payer ?
La réflexion sur les logiciels libres, biens communs mis à la disposition de tous, peut contribuer à éclairer la question des relations complexes entre gratuité, juste prix et légitime rémunération des auteurs.

Le thème de la gratuité est omniprésent dans nombre de débats de l’économie et de la société numériques, qu’il s’agisse de morceaux de musique, de films téléchargés, ou de logiciels qui, on le sait, se rangent en deux grandes catégories : libres et propriétaires. Les débats s’éclairent les uns les autres, car ils portent sur des produits immatériels dont les logiques de mise à disposition ont beaucoup de points communs.

Concernant les logiciels, « libre » ne signifie pas gratuit. La méprise peut venir de la double signification de free en anglais : libre, gratuit. À moins que son origine ne réside dans le fait qu’en pratique il y a toujours la possibilité de se procurer un logiciel libre sans bourse délier. Il peut s’agir également d’une forme d’hommage à la « vertu » des logiciels libres, et des standards ouverts. En effet, à l’inverse des standards propriétaires qui permettent de verrouiller un marché, ceux-ci jouent un rôle de premier plan dans la régulation de l’industrie informatique. Ils facilitent l’entrée de nouveaux arrivants, favorisent la diversité, le pluralisme et la concurrence. Ils s’opposent aux situations de rentes et de quasi monopole. De diverses façons, les logiciels libres contribuent à la baisse des coûts pour les utilisateurs. Par exemple, l’offre gratuite, faite en 2008 par Microsoft, sur sa suite bureautique en direction des enseignants, mais pas de leurs élèves, est une conséquence directe de la place du libre en général, d’OpenOffice.org en particulier, dans le paysage informatique. Et, c’est bien connu, les logiciels libres sont significativement moins chers que leurs homologues propriétaires.

Gratuit car payé

Il peut arriver que la gratuité brouille le débat. Elle n’est pas le problème. Les produits du travail humain ont un coût, le problème étant de savoir qui paye, quoi et comment. La production d’un logiciel, qu’il soit propriétaire ou libre, nécessite une activité humaine. Elle peut s’inscrire dans un cadre de loisir personnel ou associatif, écrire un programme étant un hobby comme il en existe tant. Elle n’appelle alors pas une rémunération, la motivation des hackers (développeurs de logiciels dans des communautés) pouvant résider dans la quête d’une reconnaissance par les pairs. En revanche, si la réalisation se place dans un contexte professionnel, elle est un travail qui, toute peine méritant salaire, signifie nécessairement rémunération. Le logiciel ainsi produit ne saurait être gratuit, car il lui correspond des coûts. Et l’on sait que dans l’économie des biens immatériels, contrairement à l’économie des biens matériels, les coûts fixes sont importants tandis que les coûts marginaux (coûts de production et diffusion d’un exemplaire supplémentaire) sont peu élevés. Dupliquer un cédérom de plus ou fabriquer un deuxième avion, ce n’est pas la même chose. Télécharger un fichier ne coûte rien (sauf l’accès au réseau).

Mais, même quand un logiciel n’est pas gratuit, il le devient lorsqu’il a été payé ! Enfin, quand il est sous licence libre. Qu’est-ce à dire ? Prenons le cas d’un client qui commande la réalisation d’un logiciel à une société et la lui paye intégralement, dans une relation de sous-traitance. Un travail a été fait et il est rémunéré. Si, en plus, le client a conservé ses droits de propriété sur le logiciel et décide de le mettre à disposition des autres sous une licence libre, le dit logiciel est alors librement et gratuitement accessible pour tout un chacun. Exit les licences par poste de travail. Bien commun, un logiciel libre est à la disposition de tous. À charge de revanche, mais c’est l’intérêt bien compris des uns et des autres de procéder ainsi, même s’il est vrai qu’il n’est pas toujours évident d’enclencher pareil cycle vertueux… Autre chose est de rémunérer des activités de service sur un logiciel devenu gratuit (installation, adaptation, évolution, maintenance…). Même si, ne versons pas dans l’angélisme, la tentation existe de ne pas développer telle ou telle fonctionnalité pour se ménager des activités de service ultérieures.

Il en va pour l’informatique comme pour les autres sciences. Les mathématiques sont libres depuis vingt-cinq siècles. Le temps où Pythagore interdisait à ses disciples de divulguer théorèmes et démonstrations est bien lointain ! Les mathématiques sont donc libres, ce qui n’empêche pas enseignants, chercheurs et ingénieurs d’en vivre.

Argent public et mutualisation

Le libre a commencé ses déploiements dans les logiciels d’infrastructure (réseaux, systèmes d’exploitation). Dans l’Éducation nationale, la quasi totalité des logiciels d’infrastructure des systèmes d’information de l’administration centrale et des rectorats sont libres. Il n’en va pas (encore…) de même pour les logiciels métiers (notamment les logiciels pédagogiques), mais cette situation prévaut en général, que ce soit dans les entreprises, les administrations, les collectivités locales ou dans des filières d’activité économique donnée.

Dans L’économie du logiciel libre[2], François Elie, président de l’Adullact (Association des Développeurs et des Utilisateurs de Logiciels Libres pour l’Administration et les Collectivités Territoriales), nous dit que l’argent public ne doit servir à payer qu’une fois ! Comment ne pas être d’accord avec pareille assertion ? En effet, si des collectivités territoriales ont un besoin commun, il n’y a aucune raison pour qu’elles fassent la même commande au même éditeur, chacune de son côté dans une démarche solitaire, et payent ce qui a déjà été payé par les autres. François Elie propose la mutualisation par la demande.

L’Éducation nationale est certes une « grande maison » riche de sa diversité, il n’empêche qu’il existe des besoins fondamentalement communs d’un établissement scolaire à l’autre, par exemple en matière d’ENT (espaces numériques de travail). Pourquoi des collectivités territoriales partiraient-elles en ordre (inutilement trop) dispersé ? Alors, qu’ensemble, elles peuvent acheter du développement partagé ou produire elles-mêmes. Et, dans tous les cas, piloter et maîtriser les évolutions. Ce qui suppose d’avoir en interne la compétence pour faire, ou pour comprendre et « surveiller » ce que l’on fait faire, aux plans technique et juridique. Dans le système éducatif, les enseignants ont la compétence métier, en la circonstance la compétence pédagogique, sur laquelle fonder une mutualisation de la demande, la production par les intéressés eux-mêmes se faisant dans des partenariats avec des éditeurs publics (le réseau SCÉREN) et privés. L’association Sésamath en est l’illustration majeure mais elle n’est pas seule : il y a aussi AbulEdu, Ofset, les CRDP…[3].

L’argent public ne doit servir qu’une fois, ce qui signifie une forme de gratuité selon des modalités diverses. C’est possible notamment dans l’équation « argent public + mutualisation = logiciels libres ». Le libre a fait la preuve de son efficacité et de ses qualités comme réponse à la question de la production de ce bien immatériel particulier qu’est le logiciel. Rien d’étonnant à cela. La production des logiciels restant une production de connaissances, contrairement à d’autres domaines industriels, elle relève du paradigme de la recherche scientifique. L’approche du logiciel libre, à la fois mode de réalisation et modalité de propriété intellectuelle, est transférable pour une part à d’autres biens, comme les ressources pédagogiques. Le logiciel libre est également « outil conceptuel » pour entrer dans les problématiques de l’économie de l’immatériel et de la connaissance.

Gratuité et rémunération

Revenons sur les coûts fixes et marginaux dans l’économie à l’ère du numérique. L’économie de l’information s’est longtemps limitée à une économie de ses moyens de diffusion, c’est-à-dire à une économie des médias. Elle ne peut désormais plus se confondre avec l’économie du support puisque les biens informationnels ne sont plus liés rigidement à un support donné. L’essentiel des dépenses était constitué par les coûts de production, de reproduction matérielle et de distribution dans les divers circuits de vente. Aujourd’hui, les techniques de traitement de l’information, la numérisation et la mise en réseau des ordinateurs permettent de réduire les coûts de duplication et de diffusion jusqu’à les rendre à peu près nuls. Dans ces conditions, la valeur économique de l’information ne peut plus se construire à partir de l’économie des vecteurs physiques servant à sa distribution. De nouvelles sources de valeur sont en train d’apparaître. Le modèle économique de mise en valeur de l’information déplace son centre de gravité des vecteurs physiques vers des services annexes ou joints dont elle induit la consommation ou qui permettent sa consommation dans de bonnes conditions (services d’adaptation d’un logiciel au contexte d’une entreprise, de facilitation de l’accès à des ressources numérisées, commerce induit sur des produits dérivés, etc.).

Le copyright, qui défend principalement l’éditeur contre des confrères indélicats, aussi bien que le droit d’auteur, qui défend principalement l’auteur contre son éditeur, ont ceci en commun qu’ils créent des droits de propriété sur un bien abstrait, l’information[4]. Tant que cette information est rigidement liée à un vecteur physique, c’est-à-dire tant que les coûts de reproduction sont suffisamment élevés pour ne pas être accessibles aux particuliers, ces droits de propriété peuvent être imposés aisément. Mais le monde bouge…

Les débats sur la loi Création et Internet dite « loi Hadopi » ont tourné autour de la gratuité et de la rémunération des auteurs (et des éditeurs !). Face aux difficultés de recouvrement du droit d’auteur dans l’économie numérique, certains pensent manifestement que la solution réside dans le retour au modèle classique de l’information rigidement liée à son support physique, ce que certaines techniques de marquage pourraient permettre, annulant ainsi les bienfaits économiques de la numérisation et de la mise en réseau. Mais le rapide abandon des DRM (Digital Rights Management ou Gestion des Droits Numériques en français) qui se sont révélés inapplicables (après le vote en 2006 de la transposition en France de la directive européenne DADVSI[5] ) aurait tendance à démontrer le caractère illusoire de ce genre d’approche. Beaucoup pensent qu’un sort identique arrivera aux dispositions contenues dans la « loi Hadopi », que ces façons (anciennes) de poser les problèmes (nouveaux) mènent à une impasse. Pour, entre autres, les mêmes raisons de non faisabilité : le droit se doit d’être applicable. On sait, par ailleurs, que le Conseil constitutionnel a, dans un premier temps censuré le volet sanction de la « loi Hadopi », considérant que le droit de se connecter à Internet relève de la liberté de communication et d’expression et que ce droit implique la liberté d’accès à Internet (seule une juridiction peut être habilitée à le suspendre). Il a estimé que le texte conduisait à instituer une présomption de culpabilité.

Dans le cas d’un transfert de fichier, nous avons déjà signalé que le coût marginal est nul. Que paye-t-on ? Une part des coûts fixes. Mais il arrive un moment où la réalisation du premier exemplaire est (bien) amortie. D’où ces situations de rentes dans lesquelles on paye un fichier téléchargé comme s’il était gravé sur un support physique qu’il aurait fallu fabriquer et acheminer. De plus, l’économie générale des productions (les best sellers et les autres titres) d’un éditeur évolue avec Internet. Dans son ouvrage La longue traîne, Chris Anderson[6] théorise le principe de la longue traîne dans lequel la loi des 20/80 (20% des produits font 80% du chiffre d’affaires) disparaît avec Internet qui, en réduisant les coûts de fabrication et de distribution, permet à tous les produits qui ne sont pas des best-sellers (qui constituent des longues traînes) de rapporter parfois jusqu’à 98% du chiffre d’affaires.

Une licence globale

Il y a donc des questions de fond. Quel est le prix des biens culturels dématérialisés ? Quels doivent être leurs modes de commercialisation ? Alain Bazot, président de l’UFC-Que choisir, les pose[7]. Rappelant qu’un support physique a un coût et qu’il est « rival »[8], que l’on peut multiplier les fichiers numériques d’une oeuvre pour un coût égal à zéro, il en tire la conclusion que « la dématérialisation, parce qu’elle permet un partage sans coût de la culture, parce qu’elle constitue un accès à l’information et à l’art pour tous, remet fondamentalement en cause les modèles économiques existants. Dès lors, il apparaît essentiel de proposer de nouvelles formes de rémunération pour allier les avantages d’Internet à une juste rétribution des artistes/créateurs ». Et comme « dans une économie de coûts fixes, distribuer un ou 10 000 MP3 ne fait pas varier le coût de production », il est plus pertinent « de faire payer l’accès et non pas la quantité. Ce mode de commercialisation, apparu avec la commercialisation de l’accès à internet (le forfait illimité), est le modèle consacré par l’économie numérique ».

Et, pour illustrer le propos, Alain Bazot s’appuie sur une fiction fort pertinente de Nicolas Curien : « Supposons que, dans le monde physique, ait été inventée une technologie miracle qui permette de remplacer immédiatement, à l’identique et sans aucun coût, tout CD retiré des bacs d’une surface de distribution. Dans un tel monde, il apparaîtrait impensable que des caisses soient disposées en sortie de magasin afin de faire payer les CD emportés par les clients : celui qui part avec 100 CD cause en effet exactement le même coût que celui qui part avec 10 CD ou encore que celui qui part avec 1 000 CD, c’est à dire zéro ! En revanche, personne ne comprendrait que des caisses ne soient pas installées à l’entrée, afin de facturer l’accès à une telle caverne d’Ali Baba. »[9]

On retrouve donc la « licence globale », financée par tous les internautes ou sur la base du volontariat, mais également financée par les fournisseurs d’accès qui ont intérêt à avoir des contenus gratuits pour le développement de leurs services. En effet, comme le dit Olivier Bomsel[10], la gratuité est aussi un outil au service des entreprises, pour conquérir le plus rapidement possible une masse critique d’utilisateurs, les innovations numériques voyant leur utilité croître avec le nombre d’usagers, de par les effets de réseau.

Des créateurs ont déjà fait le choix du partage volontaire de leurs oeuvres numériques hors marché. Philippe Aigrain envisage une approche partielle (expérimentale dans un premier temps ?) dans laquelle les ayants droit qui « refuseraient l’inclusion de leurs oeuvres dans un dispositif de partage hors marché garderaient le droit d’en effectuer une gestion exclusive, y compris par des mesures techniques de protection ou par des dispositifs de marquage des oeuvres protégés contre le contournement ». Mais, « ils devraient cependant renoncer à imposer des dispositifs destinés à leurs modèles commerciaux dans l’ensemble de l’infrastructure des réseaux, appareils ou procédures et sanctions. »[11]

Enfin, s’il existe des modèles économiques diversifiés de l’immatériel, il ne faut pas oublier certains fondamentaux. C’est le reproche que Florent Latrive fait à Chris Anderson, « archétype du Californien hype », en référence à son livre paru récemment Free : « Dans son monde, les modèles économiques ne sont l’affaire que des seules entreprises. C’est un monde qui n’existe pas. Chris Anderson zappe largement le rôle de l’État et de la mutualisation fiscale dans sa démonstration. C’est pourtant fondamental : cela fait bien longtemps que l’importance sociale de certains biens, matériels ou immatériels, justifie l’impôt ou la redevance comme source de financement principale ou partielle. La santé gratuite en France n’implique pas le bénévolat des infirmières et des médecins. La gratuité de Radio France ne fait pas de ses journalistes des crève-la-faim »[12]. Effectivement, la santé et l’éducation représentent des coûts importants (des investissements en fait). La question posée n’est donc pas celle de leur gratuité mais celle de l’organisation de l’accès gratuit pour tous aux soins et à l’éducation. La réponse s’appelle sécurité sociale et école gratuite de la République financée par l’impôt.

Il est possible de rémunérer les auteurs, de payer le juste prix et de ne pas payer ce qui est devenu gratuit. Et il est important de cesser d’entrer à reculons dans la société et l’économie numériques.

Notes

[1] Crédit photo : Tibchris (Creative Commons By-Sa)

[2] François Elie, L’économie du logiciel libre, Eyrolles 2009.

[3] Voir J-P. Archambault, « Favoriser l’essor du libre à l’École » , Médialog n°66 et J-P Archambault, « Un spectre hante le monde de l’édition », Médialog n°63.

[4] Concernant la rémunération des auteurs, rappelons qu’elle ne représente en moyenne que 10% du prix d’un produit.

[5] Droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information

[6] Chris Anderson, La longue traîne, 2ème édition, Pearson 2009.

[7] Alain Bazot, « La licence globale : il est temps d’entrer dans l’ère numérique ! », billet posté sur le blog Pour le cinéma – La plateforme des artistes en lutte contre la loi Hadopi

[8] Un bien rival (ou bien privé pur) est un bien pour lequel une unité consommée par un agent réduit d’autant la quantité disponible pour les autres agents.

[9] Nicolas Curien, « Droits d’auteur et Internet : Pourquoi la licence globale n’est pas le diable ? », Janvier 2006.

[10] Olivier Bomsel, Gratuit ! Du développement de l’économie numérique, Folio actuel, 2007.

[11] Philippe Aigrain Internet & création, InLibroVeritas, 2008.

[12] Le modèle économique est un choix éditorial




Framapack : Installation rapide et massive de logiciels libres sous Windows

Logo Framapack - L.L. de Mars - Art LibreParce que Tata Jeanine vient de recevoir une machine neuve pour Noël, parce que Tonton Paul a la sienne tellement vérolée (sic !) qu’il valait mieux repartir de zéro que de tenter de la nettoyer, parce que Cousin Léonard administre les postes de son lycée… nombreux peuvent être les cas de figure où l’on se trouve devant un ordinateur, qui n’est pas forcément le nôtre, dont le système d’exploitation Windows aurait besoin d’accueillir d’un coup tout plein de logiciels libres.

C’est ici que Framapack, le nouveau projet du réseau Framasoft, peut vous être potentiellement utile.

Vous vous rendez sur le site dédié à l’opération (qui n’abrite en fait qu’une seule page). Vous choisissez vos logiciels libres comme on fait son marché, parmi la sélection proposée qui compte déjà une bonne cinquantaine d’unités. Enfin vous cliquez sur la grosse flêche verte qui vous proposera de télécharger un tout petit exécutable que vous… exécuterez, et puis c’est tout !

Vous n’avez plus qu’à attendre tranquillement, comme le pingouin de notre illustration, puisque le boulot de cet unique fichier exécutable sera d’aller automatiquement chercher les logiciels un à un et de les installer tout seul sur votre ordinateur (avec la dernière version stable et l’installation par défaut de chaque logiciel choisi).

Ceci implique de nous faire confiance lorsque l’on vous assure que l’on ne rajoute évidemment aucun spyware et autres conchoncetés au passage (ce serait même plutôt le contraire puisqu’avec PDF Creator par exemple, on vous propose l’installation sans la suspicieuse barre d’outils et l’inopportun changement de moteur de recherche). Et pour accroitre la confiance, rien de tel que de placer l’application Framapack elle-même sous licence libre (GNU/GPL) sur SourceForge.

Animé par Simon Leblanc, le projet Framapack est tout jeune, avec sa version actuelle 1.0 (ou plutôt 1.0.1 pour être précis). Tous les avis, remarques, critiques, tests, rapport de bugs et propositions de participation sont bien entendu les bienvenus.

Découvrir Framapack…




L’ouverture selon Google : « The meaning of open » traduit en français

Zach Klein - CC byLe Framablog termine l’année avec une traduction de poids qui offre quelque part une excellente transition entre la décennie précédente et la décennie suivante, parce que le vaste sujet évoqué sera, mais en fait est déjà, un enjeu crucial pour l’avenir.

Le mot « open » est servi à toutes les sauces en ce moment dans le monde anglophone. Un peu comme l’écologie, c’est un mot à la mode qui pénètre de plus en plus de domaines, et tout le monde se doit de l’être ou de feindre de l’être sous peine d’éveiller les soupçons, voire la réprobation.

Mais dans la mesure où il n’en existe pas de définition précise, chacun le comprend comme il veut ou comme il peut. Et l’écart peut être grand entre un logiciel libre et une multinationale qui se déclarent tous deux comme « open ». Une multinationale comme Google par exemple !

Il n’est pas anodin que le vice-président de la gestion des produits et du marketing, Jonathan Rosenberg, ait pris aujourd’hui sa plume pour publiquement expliquer (ou tenter d’expliquer) dans le détail ce que Google entendait par « open », dans un récent billet du blog officiel de la société intitulé, excusez du peu, The meaning of Open (comme d’autres s’interrogent sur the meaning of life).

Tout comme l’autre géant Facebook, Google est en effet actuellement sous la pression de ceux qui, entre autres, s’inquiètent du devenir des données personnelles traitées par la société[1]. Et cette pression ira croissante au fur et à mesure que Google aura une place de plus en plus grande sur Internet, à grands coups de services qui se veulent à priori tous plus intéressants les uns que les autres.

« Don’t be evil » est le slogan à double tranchant que s’est donné Google. Nous ne sommes certainement pas en face du diable, mais ce n’est pas pour autant que nous allons lui accorder le bon Dieu sans confession.

À vous de juger donc si, dans le contexte actuel, ce document est une convaincante profession de foi.

Nous avons choisi de traduire tout du long « open » par « ouverture » ou « ouvert ». L’adéquation n’est pas totalement satisfaisante, mais laisser le terme d’origine en anglais eut été selon nous plus encore source de confusion.

L’ouverture selon Google

Google and The meaning of open

Jonathan Rosenberg – 21 décembre 2009 – Blog officiel de Google
(Traduction non officielle Framalang : Goofy et Olivier)

La semaine dernière j’ai envoyé un email interne sur le sens de « l’ouverture » appliquée à Internet, Google et nos utilisateurs. Dans un souci de transparence, j’ai pensé qu’il pouvait être opportun de partager également ces réflexions à l’extérieur de notre entreprise.

Chez Google nous sommes persuadés que les systèmes ouverts l’emporteront. Ils conduisent à davantage d’innovation, de valeur, de liberté de choix pour les consommateurs et à un écosystème dynamique, lucratif et compétitif pour les entreprises. Un grand nombre d’entre elles prétendront à peu près la même chose car elles savent que se positionner comme ouvertes est à la fois bon pour leur image de marque et totalement sans risque. Après tout, dans notre industrie il n’existe pas de définition précise de ce que peut signifier « ouvert ». C’est un terme à la Rashomon (NdT : expression issue du film éponyme de Kurosawa) : à la fois extrêmement subjectif et d’une importance vitale.

Le thème de l’ouverture est au centre de nombreuses discussions ces derniers temps chez Google. J’assiste à des réunions autour d’un produit où quelqu’un déclare que nous devrions être davantage « ouverts ». Il s’ensuit un débat qui révèle que même si l’« ouverture » fait l’unanimité, nous ne sommes pas forcément d’accord sur ce qu’elle implique concrètement.

Face à ce problème récurrent, j’en arrive à penser que nous devrions exposer notre définition de l’ouverture en termes suffisamment clairs, afin que chacun puisse la comprendre et la défendre. Je vous propose ainsi une définition fondée sur mes expériences chez Google et les suggestions de plusieurs collègues. Ces principes nous guident dans notre gestion de l’entreprise et dans nos choix sur les produits, je vous encourage donc à les lire soigneusement, à les commenter et les débattre. Puis je vous invite à vous les approprier et à les intégrer à votre travail. Il s’agit d’un sujet complexe et si un débat à lieu d’être (ce dont je suis persuadé), il doit être ouvert ! Libre à vous d’apporter vos commentaires.

Notre définition de l’ouverture repose sur deux composantes : la technologie ouverte et l’information ouverte. La technologie ouverte comprend d’une part l’open source, ce qui veut dire que nous soutenons activement et publions du code qui aide Internet à se développer, et d’autre part les standards ouverts, ce qui signifie que nous adhérons aux standards reconnus et, s’il n’en existe pas, nous travaillons à la création de standards qui améliorent Internet (et qui ne profitent pas seulement à Google). L’information ouverte comprend selon nous trois idées principales : tout d’abord les informations que nous détenons sur nos utilisateurs servent à leur apporter une valeur ajoutée, ensuite nous faisons preuve de transparence sur les informations les concernant dont nous disposons, et enfin nous leur donnons le contrôle final sur leurs propres informations. Voilà le but vers lequel nous tendons. Dans bien des cas nous ne l’avons pas encore atteint, mais j’espère que la présente note contribuera à combler le fossé entre la théorie et la pratique.

Si nous pouvons incarner un engagement fort à la cause de l’ouverture, et je suis persuadé que nous le pouvons, nous aurons alors une occasion unique de donner le bon exemple et d’encourager d’autres entreprises et industries à adopter le même engagement. Et si elles le font, le monde s’en trouvera un peu meilleur.

Les systèmes ouverts sont gagnants

Pour vraiment comprendre notre position, il faut commencer par l’assertion suivante : les systèmes ouverts sont gagnants. Cela va à l’encontre de tout ce en quoi croient ceux qui sont formatés par les écoles de commerce, ceux qui ont appris à générer une avantage compétitif durable en créant un système fermé, en le rendant populaire, puis en tirant profit du produit pendant tout son cycle de vie. L’idée répandue est que les entreprises devraient garder les consommateurs captifs pour ne laisser aucune place à la concurrence. Il existe différentes approches stratégiques, les fabricants de rasoirs vendent leurs rasoirs bon marché et leurs lames très cher, tandis que ce bon vieux IBM fabrique des ordinateurs centraux coûteux et des logiciels… coûteux aussi. D’un autre côté, un système fermé bien géré peut générer des profits considérables. Cela permet aussi à court terme de mettre sur le marché des produits bien conçus, l’iPod et l’iPhone en sont de bons exemples, mais finalement l’innovation dans un système fermé tend à être, au mieux, incrémentale (est-ce qu’un rasoir à quatre lames est vraiment tellement mieux qu’un rasoir à trois lames ?). Parce que la priorité est de préserver le statu quo. L’autosatisfaction est la marque de fabrique de tous les systèmes fermés. Si vous n’avez pas besoin de travailler dur pour garder votre clientèle, vous ne le ferez pas.

Les systèmes ouverts, c’est exactement l’inverse. Ils sont compétitifs et bien plus dynamiques. Dans un système ouvert, un avantage compétitif n’est pas assujetti à l’emprisonnement des consommateurs. Il s’agit plutôt de comprendre mieux que tous les autres un système très fluctuant et d’utiliser cette intuition pour créer de meilleurs produits plus innovants. L’entreprise qui tire son épingle du jeu dans un système ouvert est à la fois douée pour l’innovation rapide et la conception avant-gardiste ; le prestige du leader dans la conception attire les consommateurs et l’innovation rapide les retient. Ce n’est pas facile, loin de là, mais les entreprises qui réagissent vite n’ont rien à redouter, et lorsqu’elles réussissent elles peuvent générer de gigantesques dividendes.

Systèmes ouverts et entreprises prospères ne sont pas inconciliables. Ils tirent parti de l’intelligence collective et incitent les entreprises à une saine concurrence, à l’innovation et à miser leur succès sur le mérite de leurs produits et pas seulement sur un brillant plan marketing. La course à la carte du génome humain est un bon exemple.

Dans leur livre Wikinomics, Don Tapscott et Anthony Williams expliquent comment, au milieu des années 90, des entreprises privées ont découvert et breveté de grandes portions des séquences de l’ADN et ont prétendu contrôler l’accès à ces données et leur tarif. Faire ainsi du génome une propriété privée a fait grimper les prix en flèche et a rendu la découverte de nouveaux médicaments bien plus difficile. Et puis, en 1995, Merck Pharmaceuticals et le Centre de Séquençage du Génome de l’Université de Washington ont changé la donne avec une nouvelle initiative « ouverte » baptisée l’Index Génétique Merck. En trois ans seulement ils ont publié plus de 800 000 séquences génétiques et les ont mises dans le domaine public et bientôt d’autres projets collaboratifs ont pris le relais. Tout cela au sein d’un secteur industriel où la recherche initiale et le développement étaient traditionnellement menés dans des laboratoires « fermés ». Par sa démarche « ouverte », Merck a donc non seulement modifié la culture d’un secteur entier mais aussi accéléré le tempo de la recherche biomédicale et le développement des médicaments. L’entreprise a donné aux chercheurs du monde entier un accès illimité à des données génétiques, sous forme d’une ressource « ouverte ».

Les systèmes ouverts permettent l’innovation à tous les niveaux, voilà une autre différence majeure entre les systèmes ouverts et fermés. Ils permettent d’innover à tous les étages, depuis le système d’exploitation jusqu’au niveau de l’application, et pas uniquement en surface. Ainsi, une entreprise n’est pas dépendante du bon vouloir d’une autre pour lancer un produit. Si le compilateur GCC que j’utilise a un bogue, je peux le corriger puisque le compilateur est open source. Je n’ai pas besoin de soumettre un rapport de bogue et d’espérer que la réponse arrivera rapidement.

Donc, si vous essayez de stimuler la croissance d’un marché entier, les systèmes ouverts l’emportent sur les systèmes fermés. Et c’est exactement ce que nous nous efforçons de faire avec Internet. Notre engagement pour les systèmes ouverts n’est pas altruiste. C’est simplement dans notre intérêt économique puisque un Internet ouvert génère un flot continu d’innovations qui attirent les utilisateurs et créé de nouveaux usages, pour finalement faire croître un marché tout entier. Hal Varian note cette équation dans son livre Les règles de l’information :

 le gain = (la valeur totale ajoutée à une industrie) x (la part de marché dans cette industrie) 

Toutes choses étant égales par ailleurs, une augmentation de 10% de l’un ou l’autre de ces deux facteurs devrait produire au résultat équivalent. Mais dans notre marché une croissance de 10% génèrera un revenu bien supérieur parce qu’elle entraîne des économies d’échelle dans tout le secteur, augmentant la productivité et réduisant les coûts pour tous les concurrents. Tant que nous continuerons d’innover en sortant d’excellents produits, nous prospèrerons en même temps que tout notre écosystème. Nous aurons peut-être une part plus petite, mais d’un plus grand gâteau.

En d’autres termes, l’avenir de Google dépend de la sauvegarde d’un Internet ouvert, et notre engagement pour l’ouverture développera le Web pour tout le monde, y compris Google.

La technologie ouverte

Pour définir l’ouverture, il faut commencer par les technologies sur lesquelles repose Internet : les standards ouverts et les logiciels open source.

Les standards ouverts

Le développement des réseaux a toujours dépendu des standards. Lorsqu’on a commencé à poser des voies ferrées à travers les États-Unis au début du 19ème siècle, il existait différents standards d’écartement des voies. Le réseau ferré ne se développait pas et n’allait pas vers l’ouest jusqu’à ce que les diverses compagnies ferroviaires se mettent d’accord sur un écartement standard. (Dans ce cas précis la guerre de standards a été une vraie guerre : les compagnies ferroviaires sudistes furent obligées de convertir plus de 1100 miles au nouveau standard après que la Confédération eut perdu contre l’Union pendant la Guerre Civile.)

Il y eut un autre précédent en 1974 quand Vint Cerf et ses collègues proposèrent d’utiliser un standard ouvert (qui deviendrait le protocole TCP/IP) pour connecter plusieurs réseaux d’ordinateurs qui étaient apparus aux USA. Ils ne savaient pas au juste combien de réseaux avaient émergé et donc « l’Internet », mot inventé par Vint, devait être ouvert. N’importe quel réseau pouvait se connecter en utilisant le protocole TCP/IP, et grâce à cette décision à peu près 681 millions de serveurs forment aujourd’hui Internet.

Aujourd’hui, tous nos produits en développement reposent sur des standards ouverts parce que l’interopérabilité est un élément crucial qui détermine le choix de l’utilisateur. Quelles en sont les implications chez Google et les recommandation pour nos chefs de projets et nos ingénieurs ? C’est simple : utilisez des standards ouverts autant que possible. Si vous vous risquez dans un domaine où les standards ouverts n’existent pas, créez-les. Si les standards existants ne sont pas aussi bons qu’ils le devraient, efforcez-vous de les améliorer et rendez vos améliorations aussi simples et documentées que possible. Les utilisateurs et le marché au sens large devraient toujours être nos priorités, pas uniquement le bien de Google. Vous devriez travailler avec les organismes qui établissent les normes pour que nos modifications soient ajoutées aux spécifications validées.

Nous maitrisons ce processus depuis un certain temps déjà. Dans les premières années du Google Data Protocol (notre protocole standard d’API, basé sur XML/Atom), nous avons travaillé au sein de l’IEFT (Atom Protocol Working Group) à élaborer les spécifications pour Atom. Mentionnons aussi notre travail récent au WC3 pour créer une API de géolocation standard qui rendra plus facile le développement d’applications géolocalisées pour le navigateur. Ce standard aide tout le monde, pas seulement nous, et offrira aux utilisateurs beaucoup plus d’excellentes applications mises au point par des milliers de développeurs.

Open source

La plupart de ces applications seront basées sur des logiciels open source, phénomène à l’origine de la croissance explosive du Web de ces quinze dernières années. Un précédent historique existe : alors que le terme « Open Source » a été créé à la fin des années 90, le concept de partage de l’information utile dans le but de développer un marché existait bien avant Internet. Au début des années 1900, l’industrie automobile américaine s’accorda sur une licence croisée suivant laquelle les brevets étaient partagés ouvertement et gratuitement entre fabricants. Avant cet accord, les propriétaires du brevet des moteurs à essence à deux temps contrôlaient carrément l’industrie.

L’open source de nos jours va bien plus loin que le groupement de brevets de l’industrie automobile naissante, et a conduit au développement des composants logiciels sur lesquels est bâti Google : Linux, Apache, SSH et d’autres. En fait, nous utilisons des dizaines de millions de lignes de code open source pour faire tourner nos produits. Nous renvoyons aussi l’ascenseur : nous sommes les plus importants contributeurs open source du monde, avec plus de 800 projets pour un total de 20 millions de lignes de code open source, avec quatre projets (Chrome, Android, Chrome OS et le Google Web Toolkit) qui dépassent chacun un million de lignes. Nos équipes collaborent avec Mozilla et Apache et nous fournissons une plateforme d’hébergement de projets open source (code.google.com/hosting) qui en accueille plus de 250 000. Ainsi, non seulement nous savons que d’autres peuvent participer au perfectionnement de nos produits, mais nous permettons également à tout un chacun de s’inspirer de nos produits s’il estime que nous n’innovons plus assez.

Lorsque nous libérons du code, nous utilisons la licence ouverte, standard, Apache 2.0, ce qui signifie que nous ne contrôlons pas le code. D’autres peuvent s’en emparer, le modifier, le fermer et le distribuer de leur côté. Android en est un bon exemple, car plusieurs assembleurs OEM ont déjà tiré parti du code pour en faire des choses formidables. Procéder ainsi comporte cependant des risques, le logiciel peut se fragmenter entre différentes branches qui ne fonctionneront pas bien ensemble (souvenez-vous du nombre de variantes d’Unix pour station de travail : Apollo, Sun, HP, etc.). Nous œuvrons d’arrache-pied pour éviter cela avec Android.

Malgré notre engagement pour l’ouverture du code de nos outils de développement, tous les produits Google ne sont pas ouverts. Notre objectif est de maintenir un Internet ouvert, qui promeut le choix et la concurrence, empêchant utilisateurs et développeurs d’être prisonniers. Dans de nombreux cas, et particulièrement pour notre moteur de recherche et nos projets liés à la publicité, ouvrir le code ne contribuerait pas à atteindre ces objectifs et serait même dommageable pour les utilisateurs. La recherche et les marchés publicitaires se livrent déjà une concurrence acharnée pour atteindre les prix les plus justes, si bien que les utilisateurs et les publicitaires ont déjà un choix considérable sans être prisonniers. Sans parler du fait qu’ouvrir ces systèmes permettrait aux gens de « jouer » avec nos algorithmes pour manipuler les recherches et les évaluations de la qualité des publicités, en réduisant la qualité pour tout le monde.

Alors lorsque que vous créez un produit ou ajoutez de nouvelles fonctions, il faut vous demander : est-ce que rendre ce code open source va promouvoir un Internet ouvert ? Est-ce qu’il va augmenter le choix de l’utilisateur, du publicitaire et des partenaires ? Est-ce qu’il va en résulter une plus grande concurrence et davantage d’innovation ? Si c’est le cas, alors vous devriez passer le code en open source. Et quand vous le ferez, faite-le pour de bon ; ne vous contentez pas de le balancer dans le domaine public et puis de l’oublier. Assurez-vous que vous avez les ressources pour maintenir le code et que vos développeurs soient prêt à s’y consacrer. Le Google Web Toolkit, que nous avons développé en public en utilisant un gestionnaire de bogues et un système de version publics, est ainsi un exemple de bonnes pratiques.

L’information ouverte

La création des standards ouverts et de l’open source a transformé le Web en un lieu où d’énormes quantités d’informations personnelles sont régulièrement mises en ligne : des photos, des adresses, des mises à jour… La quantité d’informations partagées et le fait qu’elles soient enregistrées à jamais impliquent une question qu’on ne se posait pas vraiment il y a quelques années : qu’allons-nous faire de ces informations ?

Historiquement, les nouvelles technologies de l’information ont souvent permis l’émergence de nouvelles formes de commerce. Par exemple, quand les marchands du bassin méditerranéen, vers 3000 avant JC ont inventé les sceaux (appelés bullae) pour s’assurer que leur cargaison atteindrait sa destination sans être altérée, ils ont transformé un commerce local en commerce longue distance. Des modifications semblables ont été déclenchées par l’apparition de l’écriture, et plus récemment, par celle des ordinateurs. À chaque étape, la transaction, un accord mutuel où chaque partie trouve son compte, était générée par un nouveau type d’information qui permettait au contrat d’être solidement établi.

Sur le Web la nouvelle forme de commerce, c’est l’échange d’informations personnelles contre quelque chose qui a de la valeur. C’est une transaction à laquelle participent des millions d’entre nous chaque jour et qui a d’énormes avantages potentiels. Un assureur automobile peut surveiller les habitudes de conduite d’un client en temps réel et lui donner un bonus s’il conduit bien, un malus dans le cas contraire, grâce aux informations (suivi GPS) qui n’étaient pas disponibles il y a seulement quelques années. C’est une transaction tout à fait simple, mais nous rencontrerons des cas de figure bien plus délicats.

Supposons que votre enfant ait une allergie à certains médicaments. Est-ce que vous accepteriez que son dossier médical soit accessible par une seringue intelligente en ligne qui empêcherait un médecin urgentiste ou une infirmière de lui administrer accidentellement un tel médicament ? Moi je pourrais le faire, mais vous pourriez décider que le bracelet autour de son poignet est suffisant (NdT : voir allergy bracelet). Et voilà le problème, tout le monde ne prendra pas la même décision, et quand on en vient aux informations personnelles nous devons traiter chacune de ces décisions avec le même respect.

Mais si mettre davantage d’informations en ligne peut être bénéfique pour tout le monde, alors leurs usages doivent être régis par des principes suffisamment responsables, proportionnés et flexibles pour se développer et s’adapter à notre marché. Et à la différence des technologies ouvertes, grâce auxquelles nous souhaitons développer l’écosystème d’Internet, notre approche de l’information ouverte est de créer la confiance avec les individus qui s’engagent dans cet écosystème (les utilisateurs, les partenaires et les clients). La confiance est la monnaie la plus importante en ligne, donc pour la créer nous adhérons à trois principes de l’information ouverte : valeur, transparence et contrôle.

La valeur

En premier lieu, nous devons créer des produits qui ont une valeur aux yeux des utilisateurs. Dans de nombreux cas, nous pouvons faire des produits encore meilleurs si nous disposons de davantage d’informations sur l’utilisateur, mais des problèmes de protection de la vie privée peuvent survenir si les gens ne comprennent pas quelle valeur ajoutée ils obtiennent en échange de leurs informations. Expliquez-leur cette valeur cependant, et le plus souvent ils accepteront la transaction. Par exemple, des millions de gens laissent les organismes de cartes de crédit retenir leurs informations au moment de l’achat en ligne, en échange cela leur évite d’utiliser de l’argent liquide.

C’est ce que nous avons fait lorsque nous avons lancé Interest-Based Advertising (la publicité basée sur l’intérêt des utilisateurs) en mars. L’IBA rend les publicités plus pertinentes et plus utiles. C’est une valeur ajoutée que nous avons créée, basée sur les informations que nous collectons. L’IBA comprend aussi un gestionnaire de préférences de l’utilisateur qui lui explique clairement ce qu’il obtiendra en échange de ses informations, qui lui permet de se désengager ou de régler ses paramètres. La plupart des gens parcourant le gestionnaire de préférences choisissent de régler leurs préférences plutôt que de se désinscrire parce qu’ils ont pris conscience de l’intérêt de recevoir des publicités ciblés.

Telle devrait être notre stratégie : dire aux gens, de façon explicite et en langage clair, ce que nous savons d’eux et pourquoi il leur est profitable que nous le sachions. Vous croyez peut-être que la valeur de nos produits est tellement évidente qu’elle n’a pas besoin d’être expliquée ? Pas si sûr.

La transparence

Ensuite, il nous faut permettre aux utilisateurs de trouver facilement quelles informations nous collectons et stockons à travers tous nos produits. Le tableau de bord Google est à ce titre un énorme pas en avant (NdT : le Google Dashboard). En une page, les utilisateurs peuvent voir quelles données personnelles sont retenues par tel produit Google (ce qui couvre plus de 20 produits, notamment Gmail, YouTube et la recherche) et où ils peuvent contrôler leurs paramètres personnels. Nous sommes, à notre connaissance, la première entreprise sur Internet à offrir un tel service et nous espérons que cela deviendra la norme. Un autre exemple est celui de notre politique de confidentialité, qui est rédigée pour des être humains et non pour des juristes.

Nous pouvons cependant en faire plus encore. Tout produit qui récolte des informations sur les utilisateurs doit apparaître sur le tableau de bord. S’il y est déjà, vous n’en avez pas fini pour autant. À chaque nouvelle version ou nouvelle fonctionnalité, demandez-vous si vous ne devriez pas ajouter quelques nouvelles informations au tableau de bord (peut-être même des informations sur les utilisateurs publiquement disponibles sur d’autres sites).

Réfléchissez aux moyen de rendre vos produits plus transparents aussi. Quand vous téléchargez une application pour Android, par exemple, votre appareil vous dit à quelles informations l’application pourra accéder, concernant votre téléphone et vous-même, et vous pouvez alors décider si vous souhaitez ou non poursuivre. Pas besoin de faire une enquête approfondie pour trouver quelles informations vous divulguez, tout est écrit noir sur blanc et vous êtes libre de décider (NdT : allusion à peine voilée aux récents problèmes rencontrés par l’iPhone sur le sujet). Votre produit entre dans cette catégorie ? Comment la transparence peut-elle servir la fidélisation de vos utilisateurs ?

Le contrôle

Nous devons toujours donner le contrôle final à l’utilisateur. Si nous avons des informations sur lui, comme avec l’IBA, il devrait être facile pour lui de les supprimer et de se désinscrire. S’il utilise nos produits et stocke ses contenus chez nous, ce sont ses contenus, pas les nôtres. Il devrait être capable de les exporter et de les supprimer à tout moment, gratuitement, et aussi aisément que possible. Gmail est un très bon exemple de ce processus puisque nous proposons une redirection gratuite vers n’importe quelle adresse. La possibilité de changer d’opérateur est cruciale, donc au lieu de bâtir des murs autour de vos produits, bâtissez des ponts. Donnez vraiment le choix aux utilisateurs.

S’il existe des standards pour gérer les données des utilisateurs, nous devons nous y conformer. S’il n’existe pas de standard, nous devons travailler à en créer un qui soit ouvert et profite au Web tout entier, même si un standard fermé nous serait plus profitable (souvenez-vous que ce n’est pas vrai !). Entretemps nous devons faire tout notre possible pour que l’on puisse quitter Google aussi facilement que possible. Google n’est pas l’Hôtel California (NdT : en référence à la célèbre chanson des Eagles), vous pouvez le quitter à tout moment et vous pouvez vraiment partir, pour de bon !

Comme le signalait Eric dans une note stratégique « nous ne prenons pas les utilisateurs au piège, nous leur facilitons la tâche s’ils veulent se tourner vers nos concurrents ». On peut comparer cette politique aux sorties de secours dans un avion, une analogie que notre PDG apprécierait. Vous espérez n’avoir jamais à les utiliser, mais vous êtes bien content qu’elles soient là et seriez furieux s’il n’y en avait pas.

Voilà pourquoi nous avons une équipe, le Data Liberation Front (dataliberation.org) (NdT : le Front de Libération des Données), dont le travail consiste à rendre la « désinscription » facile. Leurs derniers hauts faits : Blogger (les gens qui choisissent de quitter Blogger pour un autre service peuvent facilement emporter leurs données avec eux) et les Docs (les utilisateurs peuvent maintenant rassembler tous leurs documents, présentations, feuilles de calcul dans un fichier compressé et le télécharger). Créez vos produits en ayant ceci à l’esprit. Vous pouvez le faire grâce à une bonne API publique (NdT : interface de programmation) répertoriant toutes les données de vos utilisateurs. N’attendez pas d’être en version 2 ou 3, discutez-en le plus tôt possible et faites-en une fonctionnalité dès le démarrage de votre projet.

Lorsque les journalistes du Guardian (un quotidien anglais de premier ordre) ont rendu compte des travaux du Data Liberation Front , ils ont déclaré que c’était « contre-intuitif » pour ceux qui sont « habitués à la mentalité fermée des guerres commerciales passées ». Ils ont raison, c’est contre-intuitif pour les gens qui sont restés coincés dans leur conception d’école de commerce, mais si nous faisons bien notre travail, ce ne sera plus le cas. Nous voulons faire de l’ouverture la norme. Les gens vont s’y habituer doucement, ensuite elle deviendra la norme et ils l’exigeront. Et s’ils ne l’obtiennent pas cela ne leur plaira pas. Nous considèrerons notre mission accomplie lorsque l’ouverture ira de soi.

Plus c’est grand, mieux c’est

Les systèmes fermés sont bien définis et génèrent du profit, mais seulement pour ceux qui les contrôlent. Les systèmes ouverts sont chaotiques et génèrent du profit, mais seulement pour ceux qui les comprennent bien et s’adaptent plus vite que les autres. Les systèmes fermés se développent vite alors que les systèmes ouverts se développent plus lentement, si bien que parier sur l’ouverture nécessite de l’optimisme, de la volonté et les moyens de pouvoir se projeter sur le long terme. Heureusement, chez Google nous avons ces trois atouts.

En raison de notre dimension, de nos compétences et de notre appétit pour les projets ambitieux, nous pouvons relever des défis importants nécessitant de lourds investissements sans perspective évidente de rentabilité à court terme. Nous pouvons photographier toutes les rues du monde pour que vous puissiez explorer le quartier autour de l’appartement que vous envisagez de louer, à plusieurs milliers de kilomètres de chez vous. Nous pouvons numériser des milliers de livres et les rendre largement accessibles (tout en respectant les droits des auteurs et des éditeurs). Nous pouvons créer un système de mail qui vous donne un gigaoctet d’espace de stockage (maintenant plus de 7 gigas, en fait) au moment où tous les autres services ne vous procurent guère qu’une petite fraction de ce volume. Nous pouvons traduire instantanément des pages Web dans n’importe quelle des 51 langues disponibles. Nous pouvons traiter des recherches de données qui aident les agences de santé publiques à détecter plus tôt les pics d’épidémie grippale. Nous pouvons élaborer un navigateur plus rapide (Chrome), un meilleur système d’exploitation pour mobile (Android), et une plateforme de communication entièrement nouvelle (Wave), et puis nous pouvons ouvrir tout cela pour que le monde entier puisse innover sur cette base, afin de la personnaliser et l’améliorer.

Nous pouvons réaliser tout cela parce que ce sont des problèmes d’information et que nous avons des spécialistes en informatique, en technologie, et les capacités informatiques pour résoudre ces problèmes. Quand nous le faisons, nous créons de nombreuses plateformes, pour les vidéos, les cartes, les mobiles, les ordinateurs personnels, les entreprises, qui sont meilleures, plus compétitives et plus innovantes. On nous reproche souvent d’être de trop « gros », mais parfois être plus gros nous permet de nous attaquer à ce qui semble impossible.

Tout ceci sera pourtant vain si nous négocions mal le virage de l’ouverture. Il nous faut donc nous pousser nous-mêmes en permanence. Est-ce que nous contribuons à des standards ouverts qui bénéficient à l’industrie ? Qu’est-ce qui nous empêche de rendre notre code open source ? Est-ce que nous donnons à nos utilisateurs davantage de valeur, de transparence et de contrôle ? Pratiquez l’ouverture autant que vous le pouvez et aussi souvent que possible, et si quelqu’un se demande si c’est la bonne stratégie, expliquez-lui pourquoi ce n’est pas simplement une bonne stratégie, mais la meilleure qui soit . Elle va transformer les entreprises et le commerce de ce tout début du siècle, et quand nous l’aurons emporté nous pourrons effectivement ré-écrire les topos des écoles de commerce pour les décennies à venir.

Un Internet ouvert transformera notre vie tout entière. Il aura le pouvoir d’apporter les informations du monde entier jusque dans le creux de la main de chacun et de donner à chacun le pouvoir de s’exprimer librement. Ces prédictions étaient dans un e-mail que je vous ai envoyé au début de cette année (repris ensuite dans un billet du blog) et qui vous décrivait ma vision du futur d’Internet. Mais maintenant je vous parle d’action, pas de vision. L’Internet ouvert a ses détracteurs, des gouvernements désirant en contrôler l’accès, des entreprises luttant dans leur intérêt exclusif pour préserver le statu quo. Ces forces sont puissantes et si elles réussissent, nous allons nous retrouver entravés dans un Internet fragmenté, stagnant, à coût élevé et à faible concurrence.

Nos compétences et notre culture nous offrent l’occasion et nous donnent la responsabilité d’empêcher que cela n’arrive. Nous croyons que la technologie a le pouvoir de répandre l’information. Nous croyons que l’information a le pouvoir d’améliorer les choses. Nous croyons que la majorité ne profitera de cette révolution que grâce à l’ouverture. Nous sommes des techno-optimistes confiants dans l’idée que le chaos de l’ouverture profite à tout le monde. Et nous nous battrons pour la promouvoir en toutes occasions.

L’ouverture l’emportera. Elle l’emportera sur Internet et gagnera par effet boule de neige beaucoup de domaines de notre vie. L’avenir des gouvernements est la transparence. L’avenir du commerce est l’information réciproque. L’avenir de la culture est la liberté. L’avenir de l’industrie du divertissement est l’interactivité. Chacun de ces futurs dépend de l’ouverture d’Internet.

En tant que chefs de produits chez Google, vous élaborez quelque chose qui nous survivra à tous, et personne ne sait dans quelles directions Google poursuivra son développement, ni à quel point Google va changer la vie des gens. Dans cette perspective, nous sommes comme notre collègue Vint Cerf, qui ne savait pas exactement combien de réseaux feraient partie de ce fameux « Internet » et qui l’a laissé ouvert par défaut. Vint a certainement eu raison. Je crois que le futur nous donnera raison aussi.

Notes

[1] Crédit photo : Zach Klein (Creative Commons By)




Google : numéro 1 mondial de l’open source ?

Austin Ziegler - CC by-saAh qu’il était doux et rassurant le temps de l’informatique à grand-papa où nous avions nos ordinateurs fixes qui se connectaient de temps en temps et où nous luttions avec confiance et enthousiasme contre le grand-méchant Microsoft !

Ce temps-là est révolu. Nous entrons dans une autre décennie et il se pourrait bien que le principal sujet de conversation de la communauté du logiciel libre dans les dix ans à venir ne soit plus Microsoft (symbole du logiciel propriétaire, j’ai mal à mes fichiers !) mais Google (symbole de l’informatique dans les nuages, j’ai mal à mes données personnelles !)[1].

Firefox, bouffé par Chrome ? Ubuntu, court-circuité par Chrome OS ? Le Web tout entier se transformant petit à petit en un fort joli Minitel 2.0 bourré de services Google à tous les coins de rue ? Ces différents scénarios ne relèvent pas forcément de la science-fiction.

Le problème c’est que nous n’avons plus un Microsoft en face d’une limpide ligne de démarcation. Le problème c’est que nous avons affaire à rien moins qu’au premier contributeur open source de la planète. Et cela rend légèrement plus complexe le positionnement…

La plus grande entreprise mondiale de l’open-source ? Google

World’s biggest open-source company? Google

Matt Asay – 16 septembre 2009 – Cnet news
(Traduction Framalang : Julien et Cheval boiteux)

Red Hat est généralement considérée comme la principale société open source de l’industrie, mais c’est une distinction dénuée de sens parce qu’elle est inexacte. Alors que les revenus de Red Hat proviennent des logiciels open source que la société développe et distribue, d’autres entreprises comme Sun, IBM et Google écrivent et contribuent en réalité à beaucoup plus de code open source. Il serait temps d’arrêter de parler d’entreprises open source et de revenir à l’importance du code open source.

L’open source est de plus en plus le socle sur lequel reposent les entreprises d’internet et du logiciel. Myspace a dernièrement fait des vagues en ouvrant les sources de Qizmt, un framework de calcul distribué (qui curieusement tourne sur Windows Server) qui active la fonction « Personnes que tu pourrais connaître » du site. Mais Myspace, comme l’a noté VentureBeat, n’a fait que rattraper la récente ouverture des sources de Tornado par Facebook.

Aucun d’eux ne le fait pour marquer des points auprès des utilisateurs branchés. S’ils le font, c’est motivé par leurs propres intérêts, qui nécessitent de plus en plus souvent d’inciter des communautés de développeurs à adopter et étendre leurs propres applications et services Web.

C’est également un moyen d’améliorer la qualité des logiciels. En adoptant les projets open source d’une entreprise, puis en l’étendant à travers ses propres logiciels open source, la qualité collective de l’open source est forte et croissante, comme le note Kit Plummer d’Accenture.

C’est cette compréhension de l’intérêt qu’il apporte et la qualité qui en découle qui a fait de l’open source une architecture essentielle pour potentiellement tous les logiciels commerciaux, ce qui signifie que Red Hat et d’autres entreprises qui ne font que de l’open source ne sont désormais plus le centre de cet univers.

Le noyau Linux est composé de 11,5 millions de lignes de code, dont Red Hat est responsable à hauteur de 12% (mesuré en termes de lignes de code modifiées). Même si l’on y ajoute le serveur d’applications JBoss Application Server (environ 2 autres millions de lignes de code) et d’autres projets Red Hat, on obtient toujours un total inférieur à d’autres acteurs.

Prenons Sun, par exemple. C’est le principal développeur derrière Java (plus de 6.5 millions de ligne de code), Solaris (plus de 2 millions de lignes de code), OpenOffice (environ 10 millions de lignes) et d’autres projets open source.

Ou bien IBM, qui a contribué à lui seul à 12,5 millions de lignes pour Eclipse, sans parler de Linux (6.3% du total des contributions), Geronimo, et un large éventail d’autres projets open source.

Google, cependant, est la société la plus intéressante de toutes, car elle n’est pas une entreprise de logiciels en soi. J’ai interrogé Chris DiBona, responsable des programmes open source et secteur public de Google, à propos des contributions de la société dans le domaine de l’open source (NdT : Cf Tout, vous saurez tout sur Google et l’Open Source sur le Framablog). Voici sa réponse :

Au bas mot, nous avons libéré environ 14 millions de lignes de code. Android dépasse les 10 millions de lignes, puis vous avez Chrome (2 millions de lignes, Google Web Toolkit (300 000 lignes), et aux alentours d’un projet par semaine sorti au cours des cinq dernières années. Vous avez ainsi quelques centaines d’employés Google qui patchent sur une base hebdomadaire ou mensuelle.

Si DiBona se garde bien de suggérer que Google soit devenu le premier contributeur open source (« disons que nous sommes parmi les premiers »), c’est néanmoins probablement le cas, en particulier lorsque l’on considère ses autres activités open source, incluant Google Code, l’hébergement du plus grand dépôt peut-être de projets open source, avec plus de 250 000 projets hébergés, dont au moins 40 000 sont actifs, sans parler de son Summer of Code. Après tout, les lignes de code, bien que fondamentalement utiles, ne sont pas nécessairement la meilleure mesure de la valeur d’une contribution à l’open source.

En fait, Patrick Finch de la fondation Mozilla estime que la meilleure contribution de Google à l’open source n’a probablement rien à voir avec l’écriture de nouveau code :

La plus grande contribution de Google à l’open-source n’est sans doute pas du code, mais de prouver que vous pouvez utiliser Linux à grande échelle sur des machines démarquées (NdT : whitebox hardware).

C’est une étape importante, et qui souligne le fait que le label « entreprise open source » est devenu quelque peu obsolète. Google ne se présente pas, à juste titre, comme une entreprise open source. L’open source fait simplement partie de leur stratégie pour distribuer des logiciels qui vont aider à vendre davantage de publicité.

Sun a tenté de se transformer en entreprise open source, mais une fois que son acquisition par Oracle aura été finalisée, cette dernière ne va certainement pas prendre ce label. Pas parce que c’est un mauvais label, mais simplement parce qu’il n’est plus pertinent.

Toutes les entreprises sont désormais des entreprises open source. Ce qui signifie aussi qu’aucune ne l’est. L’open source est simplement un élément parmi d’autres de la politique de développement et de croissance de ces entreprises, que l’on s’appelle Red Hat, Microsoft, Google ou Facebook.

Et étant donné que les entreprises du Web comme Google n’ont pas besoin de monétiser directement l’open source, on va en fait avoir l’occasion à l’avenir de voir encore plus de code open source émerger de la part de ces sociétés que ce qui a déjà été réalisé par ces traditionnelles « entreprises de logiciels open-source » que sont Red Hat, Pentaho ou MySQL.

Notes

[1] Crédit photo : Austin Ziegler (Creative Commons By-Sa)




Hadopi à l’école : transformons la propagande en opportunité

Pink Sherbet Photography - CC byVous ne le savez peut-être pas, mais nous, professeurs, sommes désormais dans l’obligation légale « d’enseigner l’Hadopi » à vos enfants.

C’est évidemment un peu caricatural de présenter la chose ainsi. Sauf que voici ce qu’on peut lire actuellement en accueil et en pleine page de la rubrique Legamédia du très officiel site Educnet : « La loi Hadopi favorise la diffusion et la protection de la création sur internet (et) demande à l’éducation nationale de renforcer l’information et la prévention auprès des jeunes qui lui sont confiés ».

Le message est on ne peut plus clair, d’autant que Legamédia[1] se définit comme « l’espace d’information et de sensibilisation juridique pour la communauté éducative ».

Dura lex sed lex

Ceci place alors les nombreux collègues, qui n’étaient pas favorables à cette loi liberticide, dans une position difficile. Nous sommes de bons petits soldats de la République mais la tentation est alors réelle d’adopter une attitude larvée de résistance passive. Cependant, à y regarder de plus près, rien ne nous oblige à entrer dans la classe en déclamant aux élèves : « La loi Hadopi favorise la diffusion et la protection de la création sur internet, voici pourquoi… »[2].

Que dit en effet précisément la loi, pour les passages qui nous concernent ici ?

Elle dit ceci (article L312-6) :

Dans le cadre de ces enseignements (artistiques), les élèves reçoivent une information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin pour la création artistique.

Elle dit cela (article L312-9) :

Tous les élèves sont initiés à la technologie et à l’usage de l’informatique.

Dans ce cadre, notamment à l’occasion de la préparation du brevet informatique et internet des collégiens, ils reçoivent de la part d’enseignants préalablement sensibilisés sur le sujet une information sur les risques liés aux usages des services de communication au public en ligne, sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin pour la création artistique, ainsi que sur les sanctions encourues en cas (Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-580 DC du 10 juin 2009) de délit de contrefaçon. Cette information porte également sur l’existence d’une offre légale d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur ou un droit voisin sur les services de communication au public en ligne.

Et puis c’est tout.

Sous les pavés du copyright, la plage du copyleft

Pourquoi alors évoquer dans mon titre aussi bien une propagande qu’une opportunité ?

La réponse est toute entière contenue dans les deux sous-amendements déposés par M. Brard et Mme Billard en avril 2009 (n° 527 et n° 528).

Ils visaient à ajouter la mention suivante au texte de loi ci-dessus : « Cette information est neutre et pluraliste. Elle porte également sur l’offre légale d’œuvres culturelles sur les services de communication au public en ligne, notamment les avantages pour la création artistique du téléchargement et de la mise à disposition licites des contenus et œuvres sous licences ouvertes ou libres. »

Et les justifications données valent la peine d’être rappelées.

Pour le sous-amendement n° 527 :

L’article L312-9 du Code de l’éducation dispose que « tous les élèves sont initiés à la technologie et à l’usage de l’informatique ». Il serait fort regrettable que sous couvert de prévention et de pédagogie autour des risques liés aux usages des services de communication au public en ligne sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres culturelles, soit présentée comme seule alternative une « offre légale » qui occulterait la mise en valeur et la diffusion des contenus et œuvres sous licences ouvertes et libres. On violerait là, dans la préparation du brevet informatique et internet des collégiens, les principes de la neutralité scolaire sous l’égide même du ministère de l’Éducation nationale.

Pour le sous-amendement n° 528 :

Ce sous-amendement permet de préciser le lien entre « téléchargement » et « création artistique », dans le respect de la neutralité de scolaire.

Il ne s’agit pas de condamner une technologie par définition neutre, mais les usages illicites qui en sont faits, en mettant en avant les usages licites de partage des œuvres culturelles.

Les œuvres sous licences ouvertes et libres (licence Art Libre, Creative Commons) sont un excellent moyen de diffusion légale de la culture et de partage culturel entre particuliers, qui enrichissent la création artistique.

L’utilisation de ces licences est l’outil adéquat du partage de la connaissance et des savoirs et se montre particulièrement adaptée à l’éducation.

Les œuvres sous licences ouvertes et libres (licence Art Libre, Creative Commons) sont un excellent moyen de diffusion légale de la culture, et de partage culturel entre particuliers. Qu’il s’agisse de musique, de logiciels ou de cinéma, ces pratiques de création culturelle protégées par le droit d’auteur autorisent la copie, la diffusion et souvent la transformation des œuvres, encourageant de nouvelles pratiques de création culturelle.

Les œuvres sous licences ouvertes et libres ne sont pas des oeuvres libres de droits : si leur usage peut être ouvertement partagé, c’est selon des modalités dont chaque ayant droit détermine les contours. Les licences ouvertes sont parfaitement compatibles avec le droit d’auteur dont les règles, qui reposent sur le choix de l’auteur, permettent que soient accordées des libertés d’usage.

Elles ouvrent de nouveaux modèles économiques en phase avec les nouvelles technologies, comme en témoigne, dans le domaine musical, le dernier album du groupe Nine Inch Nails, distribué sous licence libre sur les réseaux de pair à pair, en tête des albums les plus vendus en 2008 sur la plateforme de téléchargement d’Amazon aux Etats-Unis.

Ces amendements ont été malheureusement rejetés, sous le prétexte fumeux que ça n’était « pas vraiment pas du ressort de la loi mais plutôt de la circulaire » (cf article de l’April). On pourra toujours attendre la circulaire, elle ne viendra pas. Car c’est bien ici que se cache la propagande.

De la même manière que le logiciel propriétaire a tout fait pendant des années pour taire et nier l’existence du logiciel libre en ne parlant que de logiciel propriétaire dûment acheté vs logiciel propriétaire « piraté », les industries culturelles (avec l’aide complice du gouvernement) ne présentent les choses que sous l’angle dichotomique de l’offre légale vs le téléchargement illégal en occultant totalement l’alternative des ressources sous licence libre. Pas la peine d’avoir fait Sciences Po pour comprendre pourquoi !

Nous pouvons cependant retourner la chose à notre avantage, tout en respectant évidemment la loi. Il suffit de présenter la problématique aux élèves sous un jour nouveau. Non plus la dichotomie précédente mais celle qui fait bien la distinction entre ressources sous licence fermée et ressources sous licence ouverte ou libre.

Exemple de plan. Dans une première partie, on évoquera bien entendu l’Hadopi, le téléchargement illégal (les amendes, la prison), l’offre légale, les droits d’auteur classiques de type « tous droits réservés », etc. Mais dans une seconde partie, plus riche, féconde et enthousiaste, on mettra l’accent sur cette « culture libre » en pleine expansion qui s’accorde si bien avec l’éducation.

C’est bien plus qu’une façon plus ou moins habile de « lutter contre l’Hadopi ». C’est une question de responsabilité d’éducateur souhaitant donner les maximum de clés à la génération d’aujourd’hui pour préparer au mieux le monde demain.

Préalablement sensibilisés

Encore faudrait-il, et désolé pour la condescendance, que les enseignants comprennent de quoi il s’agit et adhèrent à cette manière de voir les choses. Ce qui n’est pas gagné, quand on regarde et constate la situation actuelle du logiciel libre dans l’éducation.

La loi stipule que « les élèves reçoivent de la part d’enseignants préalablement sensibilisés sur le sujet une information sur… ». Peut-on aujourd’hui compter sur le ministère pour que cette sensibilisation ne se fasse pas à sens unique (et inique) ? Une fois de plus, je crains fort que non.

Peut-être alors serait-il intéressant de proposer aux collègues une sorte de « kit pédagogique dédié », élaboré conjointement par toutes les forces vives du libre éducatif et associatif ?

L’appel est lancé. Et en attendant voici en vrac quelques ressources internes et non exhaustives du Framablog susceptibles de participer à ce projet.

J’arrête là. N’ayant ni la volonté de vous assommer, ni le courage d’éplucher les quelques six cents articles des archives du blog. Sacrée somme en tout cas, qui me donne pour tout vous dire un léger coup de vieux !

Certains disent que la bataille Hadopi a été perdue dans les faits (la loi est passée) mais pas au niveau des idées et de la prise de conscience de l’opinion publique. Montrons ensemble qu’il en va de même à l’Éducation nationale en profitant de la paradoxale occasion qui nous est donnée.

Notes

[1] Ce n’est malheureusement pas la première fois que le Framablog évoque Legamédia.

[2] Crédit photo : Pink Sherbet Photography (Creative Commons By)




Un Centre de Formation Logiciels Libres pour les Universités d’Île-de-France !

CF2L - La salle de formation - Jean-Baptiste YunesIl reste beaucoup à faire pour améliorer la situation du logiciel libre dans l’éducation en général et dans l’enseignement supérieur en particulier.

C’est pourquoi nous sommes fiers et heureux de pouvoir annoncer une grande première dans le monde universitaire : l’ouverture prochaine du CF2L-UNPIdF, c’est-à-dire Centre de Formation Logiciels Libres – Université numérique Paris Île-de-France en direction de tous les personnels des universités de la région (enseignants, chercheurs, administratifs, techniciens, ingénieurs, bibliothécaires,…).

D’autant plus fiers que Framasoft est directement impliqué en participant de près à la logistique.

Le programme, planning et site officiel seront disponibles prochainement, mais en attendant nous vous proposons un entretien avec le principal artisan de ce projet, Thierry Stœhr (que beaucoup ici connaissent déjà sous d’autres casquettes).

Vous pouvez relayer dès maintenant l’information, maximisant ainsi les chances de toucher le public concerné (contact : cf2l AT unpidf.fr).

Faire en effet salle comble dès la première session (et aux suivantes aussi !) témoignerait du besoin et de l’intérêt du personnel universitaire pour les logiciels libres et nous permettrait de poursuivre et d’étendre les formations au cours des prochaines années. Et au libre de trouver une place logique et méritée[1].

CF2L : Entretien avec Thierry Stœhr

Bonjour Thierry, vous n’êtes pas inconnu en ces lieux mais pouvez-vous néanmoins vous présenter ?

Styeb - CC by-saBonjour Alexis et bonjour aux nombreux lecteurs de Framablog ! Je m’appelle Thierry Stœhr, en effet déjà cité en ces lieux 🙂 Je suis enseignant de formation et je suis dans le monde du logiciel libre depuis 1998. J’ai commencé à m’impliquer dans le libre au travers de l’Association francophone des utilisateurs de logiciels libres (AFUL) en étant au Bureau de son Conseil d’Administration depuis sa création. J’en suis l’actuel président.

J’ai participé à de nombreuses manifestations et actions (comme les RMLL, le groupe éducation de l’AFUL, des conférences,…). Je traitais notamment du sujet des formats et j’ai ouvert en juillet 2004 avec Sylvain Lhullier un site Web sur le sujet, Formats-Ouverts.org (FOo pour faire court). Les formats y sont envisagés et expliqués au sens large (le cas des fichiers, mais aussi avec les capsules de café ou les déménagements). Et donc 5 ans d’âge en juillet dernier pour FOo.

Mais cela fait ne fait pas vivre son homme ! Et dans votre vie professionnelle, il y a aussi du logiciel libre ?

Tout cela était bénévole et hors de mon temps de travail, c’est exact. Mais le logiciel libre est présent professionnellement depuis la rentrée 2009.

En effet j’ai été recruté par l’université Paris Diderot Paris 7 (dont le campus principal est dans le 13e arrondissement, quartier Paris Rive Gauche). Je travaille au SCRIPT (oui, le nom est un clin d’œil et signifie quelque chose de réel : Service Commun de Ressources Informatiques Pédagogiques et Technologiques !). Au sein du SCRIPT j’ai 2 missions. D’une part je suis chargé de coordonner le C2i (Certificat informatique et Internet) que tous les étudiants doivent pouvoir passer au cours de leur licence. Ils ont tous à Paris Diderot un enseignement en informatique général au cours duquel ils travaillent la bureautique et à propos d’Internet. Et le libre est très présent (mais c’est un autre sujet !). D’autre part les logiciels libres occupent la seconde moitié de mes activités au sein du SCRIPT : diffusion interne et externe, veille, information et surtout en ce moment le CF2L.

Le CF2L ?

C’est le Centre de Formation Logiciels Libres, qui pourrait s’écrire CFLL mais CF2L a été retenu. Il s’agit d’une structure mise en place par l’Université numérique Paris Île-de-France (UNPIdF) qui regroupe les 17 universités… d’Île-de-France ! L’UNPIdF a décidé d’ouvrir début 2010 un centre destiné à la formation aux logiciels libres de tous les personnels des universités de la Région (enseignants, chercheurs, administratifs, techniciens, ingénieurs, bibliothécaires,…). Dans le cadre de sa stratégie de formation aux usages du numérique à destination des personnels universitaires, un premier centre de formation, le RTC Apple, a été ouvert début 2009. Il est implanté à l’université Paris Descartes. La volonté de l’UNPIdF est d’avoir aussi des centres à propos des autres plate-formes. D’où l’appel à candidature qui a été lancé pour un centre à propos des logiciels libres. Suite aux réponses obtenues, deux implantations ont été retenues : l’université Paris Descartes et l’université Paris Diderot.

Et quel est votre rôle dans ce CF2L ?

D’une manière générale, il s’agit de le faire vivre, en employant mes compétences et connaissances à propos du libre. Plus concrètement, je suis chargé du volet pédagogique du centre (contenu, programme, calendrier, intervenants,…) avec aussi un volet technique pour s’assurer que tout fonctionne. Mais ce dernier point repose sur les compétences internes en libre, qui sont très importantes. L’université Paris Diderot s’appuie beaucoup sur le libre (mais c’est encore un autre sujet !). Le projet du CF2L est fortement soutenu en interne, notamment par la Mission TICE.

D’ailleurs la mission TICE de l’Université Paris Diderot avait annoncé cette excellente nouvelle, mais les 140 caractères limitaient la description du projet. Nous en savons un peu plus, mais quelques détails supplémentaires à nous donner ?

Le Centre de Formation Logiciels Libres doit ouvrir le 5 février 2010, un vendredi. Ce sera la première journée de formation. Elle devrait porter sur la découverte des systèmes d’exploitation libres, les principes et les concepts généraux, le fonctionnement, l’installation. Bref, les premiers pas, la prise en main et les premières utilisations. Enfin il faut annoncer une autre caractéristique importante à propos du CF2L : Framasoft est partenaire de l’opération auprès de l’UNPIdF. Je suis très content de ce montage qui devrait permettre de belles réalisations.

Un mot de fin ?

Oui, et même quatre : diffuser, montrer, copier, adapter !

Il ne faut pas hésiter à diffuser l’information. Les personnels des universités d’Ile de France seront bien sûr informés officiellement, mais voilà un premier canal, qui va même vers le monde 😉

Montrer au grand jour des logiciels libres développés par des personnels de l’université et pour l’université (et plus largement encore) est possible via le CF2L. Cela peut compléter ce que font déjà PLUME ou Framasoft (je pense par exemple à 2 logiciels libres de 2 universitaires qui se reconnaitront… ; encore un autre sujet !).

Enfin copier et adapter : les logiciels libres sont très présents dans l’enseignement supérieur. Qu’ils se montrent donc encore plus au grand jour… et que ce qui a été mis en place (mon recrutement, le CF2L) soit copié dans d’autres universités et d’autres universités numériques en région, en adaptant (et en améliorant) le dispositif.

Merci pour toutes ces précisions. Et sinon continuez-vous à murmurer ouverts à l’oreille des formats ?

Il faut sans cesse le murmurer et aussi l’affirmer fortement, notamment aux oreilles de tous les enseignants (et des étudiants). Rendez-vous pour la suite (avec le programme, des détails techniques,…) car il y a encore du travail avant l’ouverture du CF2L : La route est longue mais la voie est libre !

Pour de plus amples informations : thierry.stoehr AT script.univ-paris-diderot.fr

Notes

[1] Crédit photos : Jean-Baptiste Yunes et Styeb (Creative Commons By-Sa)




Soutenir les Creative Commons – Lettre de Mohamed Nanabhay (Al Jazeera)

Oso - CC by-ncL’actuelle campagne de soutien des Creative Commons (CC) bat son plein. Elle vise à récolter un demi-million de dollars avant le 31 décembre. Inutile de vous dire que nous vous encourageons vivement à participer, si vous pensez, comme nous, que ces licences font partie de ce qui est arrivé de mieux à l’Internet au cours de la présente décennie.

À cette occasion, il a été demandé à des personnalités utilisant les CC de témoigner en rédigeant une Commoner Letter. C’est la première de ces lettres que nous avons traduit ici, faisant directement écho à un billet de janvier dernier où nous évoquions l’inauguration par Al Jazeera d’un dépôt d’archives vidéos sous licence Creative Commons[1].

Rendez-vous l’an prochain pour la lettre de TF1 ?

Commoner Letter #1 : Mohamed Nanabhay de la chaîne Al Jazeera

Commoner Letter #1: Mohamed Nanabhay of Al Jazeera

7 octobre 2009 – Blog Creative Commons
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler et Yostral)

Introduction de Allison Domicone (Creative Commons)

J’ai le plaisir de vous annoncer le lancement de notre série Commoner Letter annuelle, une série de lettres rédigées par des membres importants de la communauté des CC pour appuyer notre campagne de soutien pour les CC. Mais cette campagne ne vise pas qu’à lever des fonds, nous voulons que cela soit bien clair. Nous cherchons avant tout à faire connaître plus largement les CC et à militer pour le partage en ligne et la culture collaborative.

Je suis donc fier de vous annoncer la parution de la première Commoner Letter, de Mohamed Nanabhay, directeur du développement en ligne pour Al Jazeera English. Mohamed et Al Jazeera ont offert une visibilité à l’international aux CC grâce au travail incroyable qu’ils ont founi cette année. Comme vous le savez peut-être déjà, Al Jazeera a lancé plus tôt dans l’année un dépôt Creative Commons qui héberge des rushes vidéo que tout le monde peut partager, réutiliser et remixer. Avoir un tel allié chez Al Jazeera est un honneur et j’espère que vous apprécierez le témoignage personnel que nous livre Mohamed sur son attachement aux Creative Commons.

Lettre de Mohamed Nanabhay (Al Jazeera)

Cher Creative Commoner,

L’année a été riche pour Al Jazeera et sa relation avec les Creative Commons. En janvier nous avons inauguré le premier dépôt mondial de vidéos professionnelles placées sous licence Creative Commons 3.0 Attribution (CC BY). Nous avions alors libéré une sélection de séquences filmées par Al Jazeera, des rushes sur la guerre à Gaza, permettant ainsi à tout le monde de les télécharger, de les partager, de le re-mixer, de les sous-titrer et finalement de les rediffuser, que l’on soit un particulier ou une chaîne de télévision, à la seule condition que nous soyons crédités pour la vidéo.

Embrasser la culture libre, c’est avant tout accepter que l’on renonce au contrôle en échange de quelque chose de plus grand : son appropriation par la communauté créative. Vous ne savez donc jamais vraiment où tout cela va vous mener. À l’origine, quand nous avons inauguré notre dépôt, nous pensions mettre là à disposition des ressources pertinentes pour quelqu’un désirant produire du contenu sur la guerre et qu’elles seraient principalement utilisées par d’autres chaînes d’informations et des réalisateurs de documentaires.

Le résultat fut à la fois surprenant et enthousiasmant. À peine nos vidéos furent-elles en ligne que déjà des contributeurs de Wikipédia en extrayaient des images pour compléter les articles sur le guerre de Gaza. Et rapidement, enseignants, créateurs de films, développeurs de jeux vidéos, organisations humanitaires et producteurs de clips musicaux s’inspirèrent de nos images. Cet accueil chaleureux de la communauté de la culture libre nous conforta dans notre choix.

Joichi Ito, président de Creative Commons dit au lancement : « Les séquences d’informations filmées sont l’un des pilliers du journalisme moderne. Rendre ainsi disponibles sous licence Creative Commons ces images, pour des usages amateurs et commerciaux, est une contribution fantastique au dialogue mondial autour d’évènements importants. Al Jazeera montre l’exemple et sera, nous l’espérons, imitée par beaucoup d’autres. »

Lancer un projet ne suffit pourtant pas à générer une communauté, un engagement à long terme et des valeurs communes sont nécessaires. Notre association avec Creative Commons remonte à 2007, lorsque Lawrence Lessig, fondateur des Creative Commons, a donné son discours d’introduction lors du 3ème Al Jazeera Forum à Doha, au Qatar. Dans ce discours il nous mettait au défi de libérer nos contenus afin de renforcer la liberté d’expression. Ce défi, nous l’avons relevé, en plus de notre dépôt Creative Commons, nous rendons également disponible nombre de nos reportages sur notre chaîne dédiée sur Youtube.

Après le lancement de notre dépôt, nous avons co-animé un atelier avec Creative Commons ayant pour titre « Créer des projets médias dans des réseaux ouverts », dont l’animation était assurée par le directeur de Creative Commons, Joichi Ito. Cet atelier fut diffusé en direct dans tout le Moyen-Orient dans le cadre de notre 4ème Al Jazeera Forum, qui s’est tenu en mars 2009. Cet évènement mondial a rassemblé près de deux cents journalistes, analystes, universitaires et intellectuels.

Grâce aux licences Creative Commons nous touchons un public plus large, mais la portée de notre projet est mieux résumé par ce commentaire de Lawrence Lessig : « Al Jazeera nous donne une leçon importante de promotion et de défense de la liberté d’expression. En offrant une ressource libre et gratuite au monde, le réseau encourage l’extension du débat et sa plus grande compréhension. »

La collaboration avec Creative Commons a été très enrichissante. Nous sommes reconnaissants envers Lawrence Lessig, Joi Ito et toute l’équipe qui œuvrent à la diffusion de la liberté d’expression pour leur aide, leurs conseils et leur soutien.

La collaboration involontaire qui s’est développée après que nous ayons ouvert notre dépôt de vidéos, ainsi que le bon accueil que ce dernier a reçu dans le monde entier, n’auraient pas été possible sans l’aide des licences Creative Commons. Nous apportons notre soutien à leur campagne car nous avons été témoin, et nous le sommes toujours, des bienfaits de l’enrichissement et du renforcement des communs numériques. J’espère que vous aussi, selon vos possibilités, vous apporterez votre soutien aux CC en renforçant ainsi les biens communs. Je vous conseille vivement de vous lancer et d’utiliser vous aussi les licences Creative Commons.

Sincèrement,

Mohamed Nanabhay
Directeur du développement en ligne, Al Jazeera English

Notes

[1] Crédit photo : Oso (Creative Commons By-Nc)