L’open data favorise-t-il nécessairement l’open source ?

Voici une question simple posée, excusez du peu, sur un des blogs du site de la Commission européenne.

On vous la pose donc à notre tour et vous attend dans les commentaires 🙂

A priori la réponse semble évidemment positive mais c’est peut-être plus compliqué que cela sur le terrain…

OpenSourceWay - CC by-sa

« Les gouvernements qui adoptent l’open data vont également adopter l’open source »

Governments that embrace open data will also switch to open source

Gijs Hillenius – 30 juin 2012 – Euopean Commission
(Traduction Framalang : Goofy, Antoine)

Les experts de l’open data s’accordent à dire que les administrations publiques qui comprennent les bénéfices qu’elles peuvent tirer de rendre publiques leurs données vont également plus utiliser du libre et de l’open source. L’open data et l’open source sont en effet souvent confrontés aux mêmes résistances : un manque de formation initiale et une crainte de l’effet qu’ils peuvent avoir sur l’organisation.

« Utiliser des logiciels propriétaires pour l’open data n’est pas aussi utile et pertinent que d’utiliser des logiciels libres », indique Jeanne Holm, l’évangéliste de data.gov, l’initiative open data du gouvernement Américain. « Il est plus facile pour les organisations, mêmes celles qui ont peu de moyens, de commencer à travailler sur des séries de données publiques avec des logiciels open source. Ce type de logiciels réunit le savoir de toute la communauté ».

Holm a été une des oratrices de la conférence sur l’interopérabilité sémantique qui a eu lieu à Bruxelles le 18 juin 2012. « Je suis une fervente avocate de l’open source, je ne suis donc pas impartiale. Cependant, ces logiciels fournissent aux gouvernements un moyen de moderniser leurs systèmes informatiques sans devenir aussi rapidement obsolète qu’avec des solutions propriétaires ».

Pour Holms, les administrations publiques ne devraient plus considérer l’open source comme controversé. « Toutes n’en voient pas encore les bénéfices car l’open source les éloigne parfois de leur situation confortable ».

Une explication similaire est donnée par Julia Glidden, une experte du e-gouvernement et la directrice générale de la société britannique 21c Consultancy. Les services IT peuvent avoir des millions de prétextes pour ne pas utiliser l’open source, selon elle. « Ils peuvent montrer du doigt le manque d’ergonomie, de robustesse, de sécurité et d’autres limitations techniques ».

De grands dépensiers

Glidden déclare que la migration en faveur de l’open source est largement une affaire de gestion du changement. L’open source menacerait la carrière des responsables informatiques. Cela change la relation qu’ils ont avec les gros vendeurs d’informatique et impacte négativement les budgets importants qui leurs sont alloués. « Ils considèrent l’open source comme une menace pour leur carrière et leur position acquise au sein de l’organisation. ». Pour elle, il en va de même pour l’open data. « Ils craignent, par exemple, de perdre leur emploi en cas d’utilisation abusive de ces données ».

De manière plus positive, les administrations publiques peuvent maintenant obtenir de l’aide sur le marché pour utiliser de l’open source dit-elle. On a atteint un seuil d’acceptation critique. « Il y a des vendeurs, des prestataires de service. Ce n’est pas le cas pour l’open data. Il y a besoin de consultants pour les aider à changer d’approche avec ce genre de partage de l’information ».

D’après Glidden, l’open data et l’open source se renforcent mutuellement. « La gouvernance fermée est morte, c’est juste une question de temps. Ils vont migrer vers de l’open source, ils feront de même pour l’open data ».

La philosophie du gouvernement

Katleen Janssen, une chercheuse au centre interdisciplinaire pour le droit et les TIC à l’Université catholique de Louvain est moins convaincue de l’existence d’un lien direct entre open data et open source. « Si l’open data fait partie de la philosophie des administrations publiques, elles vont également migrer vers de l’open source. Cependant, si elles pratiquent l’open data parce que tout le monde le fait ou parce qu’elles y sont contraintes, l’effet sera plus restreint ».

Crédit photo : OpenSourceWay (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Dépêches Melba VI

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Liens connexes :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




L’Open Data fort bien résumé en moins de 2 minutes

Mis en ligne en décembre dernier, initié par LiberTIC, soutenu par Nantes Métropole et réalisé par A2B Production, le clip L’Open Data à la Loupe mérite mieux que ces 7132 vues actuelles sur YouTube.

Il est en effet fort bien réalisé et permet à tout un chacun d’appréhender immédiatement ce qu’est l’Open Data (qui demeure encore malheureusement affaire de spécialistes).

Et cerise sur le gâteau, il est sous Licence Art Libre 🙂

—> La vidéo au format webm

Faites passer…




Unhosted : libre et salutaire tentative de séparer applications et données sur le Web

Michiel de JongIl est désormais possible de se passer de la suite bureautique Microsoft Office et du système d’exploitation Windows en utilisant de fiables alternatives libres (GNU/Linux et Libreoffice pour ne pas les nommer).

Mais quid du réseau social Facebook et des services Google par exemple ? Est-il possible de proposer des alternatives libres à ces applications dans les nuages du web qui demandent une énorme bande passante et nécessitent des batteries de serveurs, avec tous les coûts faramineux qui vont avec (et que ne pourra jamais se permettre le moindre projet libre qui commence avec cinq gus dans un garage) ?

L’enjeu est de taille car c’est de nos données qu’il s’agit et dont on fait commerce.

Une piste de solution, qui sur le papier semble tout autant lumineuse que triviale, serait de pouvoir séparer l’application web des données que cette application traite. L’application serait quelque part sur un serveur et les données ailleurs sur un autre serveur (chez vous par exemple).

Imaginez un Facebook où toutes les données de ses utilisateurs ne seraient plus sur le site et les serveurs de Facebook ! Facebook serait bien bien plus léger du coup à administrer (moins rentable aussi c’est sûr).

Finis la centralisation et le contrôle sur vos données qui retrouvent du même coup une liberté qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Et le web (re)devient un meilleur web.

C’est l’objectif pour le moins ambitieux mais ô combien urgent et utile du projet Unhosted conduit par Michiel de Jong dont nous vous proposons une instructive et enthousiasmante interview ci-dessous.

On notera au passage que le projet collabore avec Libreoffice. À quand un « Google Docs Killer » basé sur unhosted ?

On remarquera également que le projet n’hésite pas à accorder de suite une forte importance au confort de l’utilisateur. Extrait : « Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté. »

Bonne lecture. La problématique exposée ici constitue certainement l’un de nos prochains combats. En fait la bataille a déjà commencé. Elle s’annonce rude mais on déplacé tant de montagnes par le passé qu’il n’y a aucune raison de perdre confiance et de laisser le champ… libre aux seuls monopoles commerciaux à la taille démesurée.

Mais avant cela rien de tel que cette courte vidéo introductive pour se mettre dans le bain et comprendre plus encore de quoi il est question :

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Entretien de Michiel de Jong avec la communauté

Fellowship interview with Michiel de Jong

Chris Woolfrey – 23 avril 2011 – Followship of FSFE
(Traduction Framalang : Pandark, Pyc et Slystone)

Michiel de Jong a travaillé comme programmeur, chercheur et administrateur système à Amsterdam, Oxford, Londres et récemment à Madrid en tant qu’ingénieur en scalabilité (ou adaptabilité) pour le réseau social espagnol Tuenti. L’hiver dernier il a pris deux mois de vacances (de hacker) à Bali pour monter le projet Unhosted. Il vit maintenant à Berlin avec Kenny Bentley et Javier Diaz, où ils prévoient de travailler à plein temps sur le projet si les donations le permettent.

Chris Woolfrey : Pouvez-vous expliquer ce qu’est le projet Unhosted avec vos propres mots ?

Michiel de Jong : Il y a plusieurs manières de le présenter ; mon approche préférée est l’angle du logiciel libre. Le terme de logiciel libre signifiait auparavant que l’on avait un pouvoir de contrôle (utilisation, partage, étude et amélioration) sur le code source et le logiciel exécuté par l’application, c’est la définition utilisée par la FSFE.

À l’époque, c’était suffisant. On considérait comme acquis le contrôle des données traitées par l’application ; c’est évident, elles sont sur votre ordinateur ou votre serveur, sur lequel vous avez un accès complet aux données utilisées par vos applications.

Concernant les logiciels installés, que ce soit sur un ordinateur de bureau ou sur un serveur, cette vision était juste : si vous contrôlez le code source, vous possédez la liberté logicielle. Mais ensuite, lentement, les logiciels installés ont été remplacés chez l’utilisateur par des logiciels hébergés (comme Google Docs, Facebook et Twitter). Ces sites web hébergés ne sont alors plus une source d’information comme les classiques sites web d’avant ; ce sont des applications interactives, et la liberté logicielle n’existe pas dans ce contexte.

Il est absurde que les logiciels hébergés vous fassent céder vos données à l’auteur de l’application en question, mais c’est ainsi que cela se passe. Cela s’est installé progressivement et insidieusement, car les sites web d’information sont devenus peu à peu des sites dynamiques, et ces sites dynamiques ont commencé à accepter les contributions d’utilisateurs et sont peu à peu devenu des applications interactives. Désormais, les logiciels hébergés sont largement utilisés, souvent en lieu et place d’anciennes applications installées localement sur les ordinateurs.

Dans la transition des applications locales aux application hébergées, la liberté logicielle a été oubliée. Personne ne parle plus désormais de logiciels installés localement, on parle de logiciels hébergés, et pourtant certains disent « Mon ordinateur ne contient que des logiciels libres ; seul le microprogramme de la carte graphique est propriétaire », et c’est une erreur car une bonne partie des « logiciels » qu’ils utilisent ne sont pas installés localement sur leur ordinateur mais utilisés au travers d’un navigateur internet.

Le projet Unhosted a pour but d’inventer et promouvoir un moyen de résoudre ces problèmes. La liberté logicielle doit, de nos jours, être non seulement la liberté du code mais aussi celle des données.

CW : Comment Unhosted permet-il ceci ?

MdJ : Nous séparons le code d’une application de ses données.

Quand vous vous connectez à une application web Unhosted, l’URI affichée dans la barre d’adresse indique l’emplacement du code de l’application, mais le nom de domaine suivant l’arobase de votre identifiant indique l’emplacement de vos données ; ce qui libère vos données de l’emprise du serveur de l’application, tout en libérant ledit serveur de la charge de l’hébergement de vos données.

Ceci implique que l’hébergement d’applications libres redevient possible sur le web. Après tout, il existe un évident substitut libre à Microsoft Windows : GNU/Linux, comme il existe un évident substitut libre à Microsoft Office : Libre Office.

Mais quel logiciel libre pour remplacer aussi évidemment Google Docs ? Pourquoi ne pas se connecter à « www.libredocs.org », par exemple, et utiliser là des applications web libres, comme pour un logiciel installé localement ?

La réponse simple est le coût inhérent au fonctionnement d’une application distante, trop élevé pour permettre la fourniture de ces services gratuitement. Pour coder du logiciel libre, il suffit que des développeurs y consacrent du temps et du savoir-faire. Mais il est impossible de proposer des logiciels libres en ligne sans coût financier, parce que cette activité nécessite l’utilisation de serveurs, et qu’il faut rétribuer les hébergeurs.

En séparant le code des données, laissant leur traitement au navigateur, notre solution règle ce problème : il devient très économique d’héberger des applications web libres parce que vous n’avez à héberger que l’application elle-même, son code, pas les données qu’elle doit traiter.

C’est le côté « libérez les applications du poids des données » de notre projet. Puis arrive l’autre coté : le logiciel c’est du code et des données, le logiciel libre c’est du code libre et des données libres.

Avec Unhosted, la liberté des données est assurée par le choix, lors de l’inscription à une application, du domaine devant héberger vos données pour vous. Vous pouvez ouvrir un compte chez un fournisseur de services (ils sont en train d’être mis mettre en place) ou demander à l’administrateur réseau de votre université ou de votre entreprise d’héberger un nœud pour celle-ci ; de cette façon, tout bénéficiaire d’une adresse « @quelquepart » aura la possibilité d’obtenir un compte Unhosted avec le même nom d’utilisateur.

CW : Y a-t-il des bénéfices en termes de vie privée à utiliser Unhosted en comparaison avec une application web qui conserve à la fois le code et les données à distance ?

MdJ : En utilisant une application Unhosted, toutes vos données sont chiffrées par le navigateur avant d’être transmises au serveur hébergeant votre compte Unhosted. De cette façon, les données confiées à votre compte Unhosted peuvent se trouver sur n’importe quel serveur, parce que, bien que vous vous reposiez sur ce serveur pour permettre un accès à vos données, ces données sont stockées et chiffrées, ainsi vous n’avez pas à craindre que l’hébergeur du compte lise vos messages, par exemple. Les données stockées par une application Unhosted sont chiffrées par votre navigateur avant d’être transmises et enregistrées sur votre compte, et elles seront déchiffrées au moment de leur sollicitation par le navigateur, au moment de leur utilisation. Le serveur hébergeant vos données Unhosted est aveugle ; il transmet vos données vers et depuis des sites web Unhosted sans pouvoir lire leur contenu.

Utiliser JavaScript pour la cryptographie n’a habituellement aucun intérêt, parce que si un site web contient des scripts JavaScripts pour chiffrer des données, alors ces mêmes scripts peuvent être utilisés pour espionner ces données chiffrées.

Avec Unhosted il en va autrement car nous séparons le domaine qui fournit l’application de celui qui héberge les données. L’hébergeur du compte Unhosted (celui des données) ne pourra pas accéder aux scripts de cryptographie de l’application, donc l’application Unhosted peut chiffrer des données que le serveur du compte Unhosted ne poura pas déchiffrer.

CW : Quel genre d’applications convient d’après vous le mieux à l’utilisation d’Unhosted ? Quel types d’applications Web vous attendez-vous à voir adopter Unhosted en premier ?

MdJ : Toutes les applications qui n’enregistrent pas un grand nombre de données utilisateur peuvent être facilement adaptées à Unhosted.

Ce sont toutefois les applications comme Google Docs, nécessitant le stockage de beaucoup de données utilisateur importantes, qui bénéficieraient le plus du passage à Unhosted. Celà pourrait aussi bénéficier grandement au parallélisme (informatique). Cependant, pour d’autres services, comme les moteurs de recherche, il faudra trouver de bons algorithmes pour permettre un fonctionnement plus décentralisé. En général, toute application web qui nécessite le stockage d’un grand nombre de données personnelles peut tirer profit d’Unhosted.

CW : Il y a une effervescence actuellement autour de projets libres décentralisé pour proposer des alternatives au réseau social Facebook (Diaspora, Appleseed…) ou au moteur de recherche Google (YaCy, Seeks…). Quel impact et comment pourrait s’adapter votre travail à des projets comme Diaspora, Appleseed et, Seeks ou YaCy ?

MdJ : Unhosted a été d’une certaine façon créé sur la mailing list des développeurs de Diaspora. Nous discutions du basculement de Diaspora de PGP vers SSL, et de la façon dont un chiffrement « de bout en bout » serait plus adapté. Alors j’ai commencé à développer un système de chiffrement de données en Ajax. Il était destinée à intégrer Diaspora. Plus tard, j’ai réalisé qu’il pourrait avoir bien d’autres applications.

Il nous reste encore à écrire une application « sociale » Unhosted qui pourrait fédérer Diaspora et Appleseed. YaCy étant un moteur de recherche, il nécessitera un travail travail d’ingénierie plus conséquent avant de l’intégrer dans l’architecture des applications web d’Unhosted.

Outre ceux que vous avez évoqués, nous avons aussi été approchés par LibreOffice pour discuter de la façon de faire fonctionner ensemble Unhosted et LibreOffice. Ce fut un grand honneur. Nous mettons actuellement en œuvre un cloud-sync Unhosted pour LibreOffice. Il ne déplace pas exactement LibreOffice sur le web, c’est à dire que toute l’application n’est pas dans votre navigateur, mais il fait de LibreOffice un « navigateur de documents », similaire à un « navigateur web », et il sera compatible avec les standards web que nous avons rendu publiques il y a trois semaines.

Pour le reste, nous ne faisons que commencer. Nous avons mis en ligne une application de démonstration qui montre le principe : http://myfavouritesandwich.org. Les gens peuvent copier cette démo et s’en servir comme un « Hello World! », de base pour l’utilisation d’Unhosted.

CW : En voilà un super nom de domaine !

MdJ : Au départ c’était myfavouritecar.org mais Javier estimait que myfavouritesandwich.org était plus marrant.

CW : L’apparence du projet est-elle importante pour vous ?

MdJ : 33% de notre équipe à plein temps est un graphiste. C’est une autre caractéristique relativement unique de ce projet ; je ne pense pas que beaucoup de projets de logiciels libres atteignent ce pourcentage. Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté.

Il n’y a pas de barrière d’entrée pour l’utilisateur : c’est une caractéristique importante pour nous. L’utilisateur n’a pas besoin de savoir si une application est complètement hébergée ou Unhosted. Si l’utilisation d’Unhosted devient transparente, alors nous aurons fait un bon travail.

Il nous faut convaincre les développeurs web de créer des applications Unhosted, et leurs clients n’ont même pas besoin de savoir précisément ce que c’est. Si un client demande à un développeur une nouvelle application, le développeur doit pouvoir juste répondre « OK, on va utiliser la dernière technologie pour développer cette application pour vous », et créer alors une application Unhosted. Le client n’a pas besoin qu’on lui signale l’utilisation d’une architecture Unhosted, seul le développeur doit le savoir.

Nous voulons créer quelques applications de démonstration qui soient vraiment agréables à utiliser, de façon à pouvoir éviter les stigmates qu’associent souvent les non-convertis aux logiciels libres (par exemple un logiciel libre peut bien fonctionner mais il est souvent moche). Je pense qu’il est important que les logiciels libres soient beaux et agréables à utiliser. Beaucoup de projets font du très bon travail aujourd’hui, et nous voulons être l’un d’eux. Voilà pourquoi 33% de notre équipe à plein temps est consacrée au graphisme.

CW : Il semble que vous essayez d’attirer des gens en dehors de l’écosystème existant des logiciels libres. Pensez-vous qu’il y ait des avantages évidents à utiliser Unhosted pour des entreprises et associations non concernées par les logiciels libres ?

MdJ: Oui, certainement. Tout d’abord, une entreprise qui utilise des logiciels comme moyen de production peut vouloir utiliser un chiffrement de bout en bout, de façon à ce que les secrets de l’entreprise ne quittent pas son réseau privé virtuel, mais qu’elle puisse tout de même utiliser le stockage sur les serveurs d’Amazon, par exemple. Ainsi, ils peuvent bénéficier d’applications web Unhosted avec des comptes Unhosted qui stockent des données chiffrées sur des serveurs Amazon, et le tout fonctionnera dans les navigateurs web de leur personnel, sans avoir à installer de logiciels chez eux.

De plus, l’évolutivité et la robustesse d’une architecture distribuée peuvent être un choix stratégique pour une entreprise : si vous désirez proposer une application propriétaire, mais ne voulez pas que vos serveurs soient le maillon faible du système, alors Unhosted apportera à vos applications moins d’indisponibilité, ou au moins les incidents ne toucheront pas tous les utilisateurs et votre application ne sera pas entièrement indisponible à cause de problèmes localisés. Enfin, le coût d’hébergement d’une application Unhosted est bien moins élevé que celui d’une application traditionnelle.

C’est un grand avantage pour les projets libres qui, à l’heure actuelle, ne peuvent simplement pas s’offrir l’hébergement d’applications web, mais pour les applications propriétaires c’est aussi une opportunité intéressante, parce que cela permet de réduire les coûts. Il y a donc là une activité commerciale possible comme fournisseur de comptes Unhosted. Selon le nombre d’applications intéressantes que nous pouvons susciter et promouvoir, des entreprises de ce type écloront, et alors les utilisateurs pourraient avoir un unique identifiant pour l’ensemble des applications Unhosted qu’ils utiliseront.

Les possibilités d’interopérabilité entre les applications sont elles aussi enthousiasmantes — la séparation des applications et des données permettra aussi (quand une complète compatibilité des formats le permettra) de basculer sur un autre site et constater, par exemple, que tous vos albums de photos sont bien là, pour revenir au site précédent pour voir que vos modifications ont été prises en compte instantanément, sans avoir à faire d’import ou d’export, parce que les données sont les mêmes.

Ce sera une expérience incroyable pour les utilisateurs finaux quand nous arriverons à faire fonctionner tout cela ! Certaines personnes ne se soucient pas d’évolutivité, de pérennité, de robustesse, de chiffrement, de vie privée, des applications dans le domaine public ou de logiciels libres, etc., ils ne se soucient que des possibilités d’interopérabilité des données. Ce type d’interopérabilité pourrait être le meilleur atout du projet Unhosted.

CW : Pourquoi a-t-il fallu attendre jusqu’à maintenant pour qu’un projet comme Unhosted voit le jour ?

MdJ: Je pense que tout cela est très récent. Il y a un an, on ne se rendait pas forcément compte qu’il y avait un problème avec nos données. Oui, il y a eu l’article de Richard Stallman au sujet de SaaS, puis les excellentes présentations de Eben Moglen, mais pendant ce temps-là, Facebook est devenu de plus en plus dominant. Sans oublier des projets tout neuf comme le Chrome Web Store et Chrome OS.

Il y a deux ans, ça n’était pas aussi évident. Enfin, je sais que je n’aurais pas pu envisager tout cela il y a deux ans, mais je pense que c’est le bon moment maintenant. Un grand nombre de ces idées ne sont pas les miennes. Certains principes importants viennent de Tim Berners-Lee et Zooko, je les ai juste rassemblées et ai rédigé un « manifeste » sur le sujet, ce qui encore une fois, est essentiellement copié d’Eben Moglen et Richard Stallman.

CW : Comment prévoyez-vous de travailler à plein temps sur Unhosted ?

MdJ : Nous ambitionnons de récolter pendant les prochains mois 36000 €. Nous avions le choix entre créer une entreprise ou développer entièrement le projet dans le cadre d’une association à but non lucratif.

Nous avons choisi la voie non marchande car nous pensons qu’il est important de le faire de cette façon. Nous sommes trois ingénieurs à plein temps, et nous avons l’intention de trouver un hackerspace à Berlin pour nous accueillir tous les trois, plus deux bureaux libres pour les hackers en visite. Nos locaux seront ouverts aux vacanciers qui voudraient passer une semaine à Berlin, trainer dans nos locaux et contribuer à libérer le web. Les loyers sont très bon marché à Berlin, toutefois chacun de nous a besoin d’environ 1000 € par mois pour vivre.

Nous sommes très impliqués dans ce projet. Prochainement, nous publierons des outils et des applications de démonstration afin de faire avancer le web Unhosted, et nous nous occuperons des détails à mesure que nous progresserons. Unhosted est un projet communautaire, entièrement ouvert, mais je pense qu’il est bon d’avoir une structure « fondation plus communauté », avec une petite équipe entièrement dédiée au projet, pour constamment lui donner une impulsion.

Nous encourageons les personnes intéressées à s’inscrire à notre liste de discussion, nous suivre sur Identi.ca et Twitter, et à rejoindre notre canal IRC. D’autre part, nous encourageons les développeurs à forker nos applications de démonstration pour développer leurs propres applications Unhosted.

Le web Unhosted commence aujourd’hui…




Montrez-nous les données ! Ce sont les nôtres après tout…

Ernst Vikne - CC by-saLe monde de plus en plus numérique qui se met en place présente le risque et le paradoxe de nous déposséder d’une part de nous-mêmes, celle qui laisse toujours plus de traces sur le réseau.

Dans un récent article publié par le New York Times, le professeur économiste Richard Thaler en appelle à plus de transparence quant à l’utilisation commerciale de nos données[1].

Mais il en appelle surtout à la possibilité de réutiliser nous-mêmes nos propres données, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Et la situation ne pourra évoluer que si les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à prendre conscience du problème en mettant alors la pression sur les structures qui exploitent ces données.

Nos données nous appartiennent. Montrez-les-nous !

Show Us the Data. (It’s Ours, After All.)

Richard Thaler – 23 avril 2011 – The New York Times
(Traduction Framalang : Goofy et Don Rico)

Nul ne sait mieux que moi ce que j’aime.

Cette affirmation peut passer pour une évidence, mais la révolution des technologies de l’information a généré une liste croissante d’exceptions. Votre épicier sait ce que vous aimez manger et peut probablement vous donner des conseils judicieux et appropriés sur d’autres aliments qui pourraient vous plaire. Votre opérateur téléphonique sait qui vous appelez, et votre téléphone sait où vous êtes allé. Quant à votre moteur de recherche, il peut anticiper vos désirs avant même que vous ayez achevé de les saisir au clavier.

Les entreprises accumulent des masses considérables d’informations sur ce qui vous plaît ou pas. Mais ce n’est pas seulement parce que vous êtes digne d’intérêt. Plus elles en savent sur vous, plus cela leur rapporte d’argent.

La récolte et la diffusion de ces informations soulève une quantité de problèmes de confidentialité, bien entendu, et un tandem de sénateurs des deux camps, John Kerry et John McCain, a proposé de les régler avec leur Commercial Privacy Bill of Rights (Ndt : Déclaration des Droits à la confidentialité dans le commerce). Protéger notre vie privée est important, mais la démarche des deux sénateurs fait l’impasse sur un problème plus important : elle n’inclut pas le droit d’accès à nos propres données personnelles. Non seulement nos données devraient être protégées, mais elles devraient aussi être disponibles pour que nous puissions les utiliser selon nos propres besoins. Après tout, ces données nous appartiennent.

Voici un principe de base : si une entreprise commerciale collecte électroniquement les données des utilisateurs, elle devrait leur fournir une version de ces informations facile à télécharger et à exporter vers un autre site Web. On peut résumer cette démarche ainsi : vous prêtez vos données à une entreprise, et vous en voudriez une copie pour votre usage personnel.

Le gouvernement de la Grande-Bretagne vient d’annoncer une initiative intitulée « mydata » qui va dans ce sens (j’ai travaillé comme consultant pour ce projet). Bien que les lois britanniques demandent déjà aux entreprises de donner à leurs clients des informations sur l’utilisation de ces données, le programme vise à fournir des données accessibles via un ordinateur. Pour commencer, le gouvernement travaille en concertation avec plusieurs grandes banques, les émetteurs de cartes de crédit, les opérateurs et revendeurs de téléphones mobiles.

Pour comprendre comment un tel programme pourrait améliorer la façon dont fonctionne le marché, songez par exemple à la façon dont vous choisissez un nouvel abonnement à un service de téléphonie mobile. Deux études ont démontré que les consommateurs pouvaient économiser plus de 300 dollars chaque année en souscrivant un abonnement mieux adapté. Mais pour cela, il faut être capable d’estimer ses besoins en termes de services : SMS, médias sociaux, musique en streaming, envoi de photos, etc.

Il se peut que vous ne soyez pas en mesure de traduire tout cela en mégaoctets, mais votre opérateur lui, en est capable. Bien que certaines informations soient déjà disponibles en ligne, elles ne se trouvent généralement pas encore disponibles dans un format exportable – vous ne pouvez pas les couper-coller facilement sur un autre site, un comparateur de prix par exemple – et elles ne se présentent pas de telle manière qu’il vous soit facile de calculer quel est le meilleur abonnement pour vous.

Si l’on suit la règle que je propose, votre opérateur vous donnerait accès à un fichier comprenant toutes les informations qu’il a récoltées depuis que vous avez un mobile, ainsi que toutes les factures en cours pour chacun des services que vous utilisez. Les données vous seraient remises dans un format utilisable par les créateurs d’applications, si bien que de nouveaux services pourraient voir le jour, proposant aux consommateurs des conseils pratiques (pensez à Expedia, par exemple). Ainsi, ce cercle vertueux créerait des emplois pour ceux qui ne rêvent que de lancer ce genre de nouveaux sites Web.

Avant de se plaindre qu’il est difficile de se soumettre à une telle règle, les entreprises devraient jeter un coup d’œil à une initiative du gouvernement fédéral appelée Blue Button. Cette procédure déjà en vigueur offre aux anciens combattants et bénéficiaires de Medicare (NdT : programme de sécurité sociale pour personnes âgées) la possibilité de transmettre leur dossier médical à un organisme de confiance (le nom « Blue Button » fait allusion au bouton bleu sur lequel peut cliquer l’utilisateur qui désire récupérer ses données).

L’initiative Blue Button se répand déjà dans les applications du secteur privé. Northrop Grumman a développé une application pour smartphone qui permet aux anciens combattants d’accéder à leur dossier médical et de recevoir sur leur téléphone des conseils de santé pour être en bonne forme. HealthVault, un site Microsoft pour l’organisation de ses soins de santé, permet également aux utilisateurs de Blue Button d’y rechercher leurs informations médicales. La possibilité d’accéder à ces différents types de services pourrait sauver des vies en cas d’urgence.

Si le gouvernement est capable de collecter et restituer des informations confidentielles de manière sécurisée et utile, les entreprises privées peuvent en faire autant, ce qui donnera davantage de chances aux consommateurs d’être des clients plus avisés.

Revenons à l’exemple des smartphones. Une fois que le propriétaire d’un téléphone fournit ses informations personnelles à des sites Web tiers, ceux-ci (BillShrink, par exemple) peuvent l’aiguiller vers les abonnements de meilleur rapport qualité/prix. Vous envisagez de changer votre téléphone ? Les sites tiers peuvent vous avertir si votre utilisation risque de s’accroître, en se basant sur l’expérience d’utilisateurs qui ont fait avant vous le même changement.

Si les données personnelles sont accompagnées d’informations détaillées sur les coûts, comme je l’écrivais dans mon dernier article, les consommateurs connaîtront mieux la façon dont ils utilisent vraiment les services, ainsi que leur coût réel. La tarification transparente, elle, donnera un avantage compétitif aux fournisseurs honnêtes et de qualité sur ceux qui ont des pratiques opaques. Ces éléments permettront une croissance économique saine.

Les applications possibles sont innombrables. Les supermarchés, par exemple, savent déjà qu’ils peuvent attirer plus de clients dans leurs clubs de consommateurs en offrant des réductions exclusives à ceux qui en font partie. Ce qui permet aux magasins de connaître les habitudes de consommation des clients et de cibler les bons de réduction d’après leurs achats. Les clients peuvent se désinscrire – mais alors ils perdront leurs réductions.

Exigeons donc que ce soit à double sens. Pourquoi ne pas vous donner, à vous consommateur, quelque chose en échange de votre participation ? Exigez du supermarché qu’il vous fournisse l’historique de vos achats. Il ne se passera pas longtemps avant qu’un entrepreneur astucieux ne vous concocte une application capable de vous indiquer des solutions de remplacement moins coûteuses et plus saines, qui seront aussi bonnes pour votre ligne que pour votre compte en banque. Les applications ne servent pas qu’à économiser de l’argent ; elles pourraient aussi avertir les clients souffrant d’allergies, par exemple, qu’ils achètent des aliments contenant des ingrédients auxquels ils sont sensibles, comme les arachides ou le gluten.

La capacité qu’ont les entreprises à surveiller notre comportement fait déjà partie de notre quotidien, et ce n’est qu’un début. Nous devons évidemment protéger notre droit à la confidentialité, mais si nous sommes malins, nous utiliserons également les données qui sont collectées pour améliorer notre existence.

J’espère que les entreprises américaines suivront l’exemple de leurs homologues britanniques et coopèreront au programme « mydata ». Sinon, nous exigerons des entreprises qu’elles nous indiquent ce qu’elles savent déjà sur nous. Pour paraphraser Moïse, demandons-leur : « laisse aller mes données, afin qu’elles me servent »

Richard H. Thaler est professeur d’économie et des sciences du comportement à l’école de commerce Booth de l’Université de Chicago.

Notes

[1] Crédit photo : Ernst Vikne (Creative Commons By-Sa)




J’ai signé la lettre pour l’open data à Toulouse

David Chemouil - Open Data ToulouseL’open data est dans tous ces états actuellement !

Il y a deux ans, nous avions publié un article intitulé S’il te plaît… dessine-moi une ville libre. Il sagissait en l’occurrence de Vancouver mais depuis de nombreuses autres cités se sont emparées de la question, et commencent à y apporter des réponses en impliquant leurs administrés.

Quitte à ce que ce soit les administrés eux-mêmes qui suggèrent fortement l’idée à leurs leaders politiques locaux, comme c’est le cas ici pour Toulouse, qui souhaite emboîter le pas à Rennes, Paris ou Nantes pour faire vivre ses données publiques.

Open Data Toulouse – Entretien avec David Chemouil

Bonjour pouvez-vous vous présenter succinctement ?

J’ai 36 ans, je suis chercheur en informatique à Toulouse, où je vis avec ma compagne et ma fille. Très sensible à la question du logiciel libre (je suis tombé dedans il y a un peu plus de 15 ans pendant mes études), je suis aussi administrateur de l’April depuis cette année.

Mais dans le cas présent, je suis surtout point de contact d’un collectif s’intéressant à une question connexe, celle de l’open data à Toulouse et sa région.

Qu’est-ce que l’open data ?

L’open data, c’est un mouvement international qui promeut la libération des données publiques non-nominatives.

Les données publiques, ce sont en gros les informations exploitées et conservées par les services publics (collectivités locales, État, mais on peut aussi penser à certaines sociétés privées travaillant directement pour les services publics). Ces données concernent des sujets très variés : cela peut aller d’informations sur la pollution dans une ville à la position des arbres entretenus par les jardiniers de la ville, ou encore le budget d’une ville ou d’une région et sur quels postes il est utilisé… Ou bien la position des bus en temps-réel…

Or, la plupart de ces informations se trouve de nos jours sous forme informatisée dans diverses bases de données. Vient alors l’idée, assez naturelle, que ces données pourraient la plupart du temps être rendues publiques (en tenant compte de la loi, bien sûr, d’où l’exclusion des données nominatives du champ de l’open data). Pour quoi faire ? Eh bien, pour des utilisations très variées.

Sur le plan socio-économique, cela permet d’imaginer des applications que les acteurs publics n’ont pas nécessairement les moyens de mettre en œuvre, ou alors dont personne n’a l’idée sauf une personne ingénieuse. Cela permet aussi de lever des barrières organisationnelles (par exemple, le fait que les informations relatives à des moyens de transport différents ne sont pas reliées, pas forcément à cause d’une mauvaise volonté mais plutôt pour des raisons structurelles). Parmi les applications déjà proposées dans des initiatives similaires, on a par exemple des sites web calculant des itinéraires adaptés aux personnes à mobilité réduite, empruntant des voies sur lesquelles il n’y a pas de gravier, les trottoirs sont tous équipés de passages bateau, etc. Ou alors des sites proposant des itinéraires empruntant à la fois la marche, le vélo de location, le bus et le train…

Sur un plan plus citoyen et politique, on peut utiliser les données pour évaluer les politiques publiques. De ce côté là, l’association Regards Citoyens propose plusieurs applications, notamment une intéressante sur le redécoupage de la carte électorale, qui permet d’en estimer son impact sur la représentation des partis politiques.

Outre ces raisons, on peut aussi penser qu’il n’est pas anormal que ces données, dont la collecte et la maintenance sont financées par les impôts, soient accessibles aux citoyens.

Pourquoi l’open data et les logiciels libres vont très bien ensemble ?

J’y vois au moins deux raisons.

En premier lieu, on sent bien qu’il y a une parenté entre ces deux domaines, avec l’idée que des objets techniques porteurs de connaissances -les logiciels, les données-  ont vocation à être librement accessibles, reproductibles, diffusables, modifiables, etc. On parle souvent à leur propos de bien non-rivaux, ce qui signifie que les donner à quelqu’un n’enlève pas de connaissance à celui qui a donné.

Toutefois, il y a aussi des différences entre logiciels et données. Pour cette raison, des licences spécifiques ont été proposées pour ces dernières. Celle que nous préconisons pour Toulouse est l’Open Database License v1.0. Il n’y aucune originalité de notre part là dedans, c’est la licence préconisée par de nombreux tenants de l’open data. En gros, elle permet le partage des données, la création d’œuvres à partir des données, leur adaptation. Elle impose aussi des devoirs : l’origine des données ou œuvres basées sur les données doit être clairement tracée, la licence doit être préservée (clause de réciprocité analogue au copyleft des licences GNU) et l’ouverture doit être préservée (il s’agit là d’une clause qui permet de se protéger des menottes numériques que sont les DRM).

Je disais qu’il y avait au moins deux raisons. Pour la seconde, il me semble qu’un certain nombre de logiciels faisant usage des données publiques ont vocation à être libres. Pour les raisons usuelles qu’invoquent les défenseurs du logiciel libre bien sûr, mais aussi parce que certaines applications à teneur politique doivent pouvoir être étudiées. Afin de vérifier, sinon l’objectivité des calculs, au moins étudier les choix faits par les concepteurs de l’application.

Qui est open data Toulouse, pourquoi avoir créé ce collectif et que souhaitez-vous à court et à long terme ? quels sont les éventuels obstacles a lever ?

Open Data Toulouse, c’est un collectif qui s’est créé un peu par hasard. Un collègue et moi-même nous intéressions au départ à la question du déplacement dans l’agglomération, en particulier pour favoriser les déplacements domicile-travail pas trop, voire pas du tout, polluants. En particulier, comment encourager les usagers à ne pas avoir envie de prendre leur voiture ? Il nous est vite apparu qu’il manquait à Toulouse des informations publiques relatives aux transports, mises à jour en temps-réel. Par exemple, si je dois attendre le bus 30 minutes sous la pluie, ce n’est pas la même chose que si je reçois un avertissement à mon bureau me disant que le bus sera là dans 5 minutes. De même, si le train a une panne, inutile que j’aille jusqu’à ma gare habituelle, mieux vaut que je prenne un bus spécifique. Mais il faut pouvoir en être averti.

De fil en aiguille, nous avons pris conscience que le problème était plus général et rejoignait la question de l’open data. Nous avons donc rencontré diverses personnes, associations et sociétés et mis au point une lettre commune, fondée sur celle élaborée pour la même raison à Nantes par l’association LiberTIC (merci à cette dernière pour nous avoir permis cette réutilisation). Nous avons adressé cette lettre le 4 avril à M. Pierre Cohen, Président du Grand Toulouse.

Par cette lettre, nous souhaitons surtout montrer à M. Cohen et son administration que cette question remporte l’adhésion de beaucoup de monde. Nous avons quelques contacts au Grand Toulouse et il semble que cette idée soit accueillie positivement. Évidemment, tout reste à faire, et il ne suffira pas, le cas échéant, de déclarer l’ouverture des données. La mise en œuvre de cette ouevrture nécessite, encore une fois, une licence satisfaisante (comme l’ODbL v1.0) et implique aussi des efforts (mise à disposition des données sur un serveur, mise à jour régulière, etc.). La réunion de ces facteurs, c’est la liste des obstacles potentiels. Pour les surmonter, nous comptons sur des réunions de sensibilisation, mais il nous faut aussi, pour être pris au sérieux, de nombreuses signatures.

Pour finir, nous visons à court terme le lancement de l’open data dans le Grand Toulouse. Mais il s’agit seulement d’un début, bien sûr. Nous comptons à plus long terme sur l’effet d’entraînement du Grand Toulouse vis-à-vis des autres collectivités : les autres communes environnantes mais aussi le département, la région, d’autres services publics, etc.

On parle également d’open data à Rennes, Nantes ou Paris. Vous pouvez-nous en dire plus et etes-vous en relations avec les acteurs de ces villes pour fédérer les actions ?

Nous avons été un peu en contact avec LiberTIC à Nantes qui a été moteur dans l’open data sur place. Et nos homologues parisiens nous ont contacté aujourd’hui ! De fait, nous sommes intéressés par tout retour d’expérience et éventuellement collaboration sur le sujet.

Peut-on signer la lettre quand bien même nous ne sommes pas Toulousain ?

Tout à fait, la question de l’open data concerne tout le monde. Ceci dit, nous espérons tout de même une forte participation des habitants du Grand Toulouse ainsi que des environs (je songe en particulier à toutes les personnes qui travaillent dans l’agglomération toulousaine mais n’y habitent pas). C’est évidemment la première chose que regarderont M. Cohen et l’administration du Grand Toulouse.

J’ajoute, pour les personnes qui signeraient, qu’elles ne doivent pas hésiter à sensibiliser leur entourage à signer aussi !




Raleigh, Montréal… quelle sera la première ville Open Source du monde ?

Open Source CityDeux traductions pour s’interroger ensemble sur le concept de « ville Open Source ».

Il s’agit de voir ici la ville comme une plateforme, une plaque tournante, un incubateur, bref un lieu privilégié où peuvent s’épanouir les entreprises et start-up qui placent l’open source au cœur de leur stratégie et de leur développement.

Les villes de Raleigh (USA) et Montréal (Canada) souhaitent apparemment poser candidature et ont, semble-t-il, de bons arguments.

Encore faudrait-il définir ce qu’est ou peut être une « ville Open Source », et se demander si il est pertinent de vouloir créer, favoriser ou labelliser de telles villes[1].

L’un des auteurs nous propose ainsi trois critères : la volonté de partager, la volonté d’être informé, et une attitude ouverte à l’innovation, à la créativité et aux expérimentations de toutes sortes.

Et en France, me direz-vous ? Cela bouge du côté de l’Open Data (Rennes, Paris…) mais au delà, je ne sais pas. Des avis et des liens sur la question ?

PS : Nous avions déjà évoqué la chose dans un billet sur une autre ville canadienne Vancouver : S’il te plaît… dessine-moi une ville libre.

1. Raleigh, Caroline du nord – la première ville open source au monde

Raleigh, NC—the world’s first open source city

Jason Hibbets – 21 février 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Khyl, Naar, Cheval boiteux et Goofy)

J’ai commencé à méditer sur les qualités qui devaient définir une ville open source il y a quelques mois, quand mon ami Tom Rabon m’en a fait mention au détour d’une conversation. J’étais curieux de voir de quelle façon la ville dans laquelle j’habite, Raleigh, en Caroline du nord, pouvait attirer d’autres entreprises open source et en être un incubateur mondial, pour en devenir un exemple phare de gouvernance. Comment Raleigh pouvait-elle devenir la capitale du monde de l’open source, à l’instar de ce que sont la Silicon Valley pour la technologie et Paris pour la romance ?

Je pense que la réponse peut être trouvée à la fois par le gouvernement et par la population. D’abord, nos dirigeants doivent être partants pour adopter l’open source au quotidien. Ils doivent faire preuve de transparence dans leur gestion des affaires et dans l’encouragement à la participation citoyenne. Les citoyens, quant à eux, doivent être prêts à participer et à contribuer en donnant de leur temps et de leurs connaissances. Les deux ont besoin d’adopter un prototypage rapide pour explorer de nouvelles idées et des solutions innovantes.

Mais en quoi Raleigh se distingue-t-elle des autres villes ? En quoi est-elle plus apte à être une ville open source que New York, San Francisco, Londres, Paris ou Pékin ? J’ai rencontré autour d’une table le maire de Raleigh, Charles Meeker, pour discuter de ce qui faisait qu’une ville pouvait devenir open source.

Le maire Meeker a été élu en 2001 et s’est familiarisé avec l’open source, principalement en s’intéressant à Red Hat et au modèle de développement open source. En tant qu’avocat, il n’est pas étonnant que le maire Meeker comprenne les avantages de la collaboration et du partage des connaissances. Voyons pourquoi la ville de Raleigh est prête à revendiquer son titre de première ville open source au monde.

Quel grand chantier, en dehors de la technologie, a la meilleure chance d’être abordé par la voie open source (c’est-à-dire au moyen de la collaboration, de la transparence, du partage, de la méritocratie, du prototypage rapide, d’une communauté, etc.) ?

Dans une zone de la ville de Raleigh, l’accent a été mis sur l’utilisation d’un éclairage plus éco-énergétique dont nous pouvons mesurer les résultats. Nous nous activons à la promotion et au partage de nos expériences avec les autres municipalités, notamment pour tester notre consommation d’électricité et la qualité de la lumière produite. Le partage de cette information est un élément majeur de notre expérience.

La ville de Raleigh dispose de quarante installations en LED avec une économie moyenne de 200 000 €/an sur les coûts en électricité. Le retour sur investissement est généralement de l’ordre de 3 à 5 ans (en considérant les coûts du capital). C’est une excellente option pour les parkings éloignés. Vous pouvez facilement installer quelques panneaux solaires et ne pas avoir à ajouter de nouvelles lignes ou changer d’infrastructure. La possibilité pour les villes du monde entier d’adopter l’éclairage éco-énergétique est une véritable chance qui s’offre à elles. La ville de Raleigh veut prendre part à l’aventure et être reconnue comme précurseur dans l’adoption de cette technologie. Propager la bonne parole sur l’éclairage par LED avec l’aide de notre partenaire, Cree, est important pour nous.

Quelles sont vos réflexions à propos d’un gouvernement ouvert ou gouv’ 2.0 et que peut faire la ville de Raleigh pour avoir un gouvernement plus ouvert et transparent vis-à-vis de ses citoyens ?

Tout d’abord, toutes nos réunions sont ouvertes au public, à quelques exceptions près. Le véritable défi est de savoir profiter de l’expertise de chacun de nos citoyens. Il y a beaucoup de compétences de haut niveau qui peuvent servir à résoudre les vrais problèmes de la ville.

Une solution se situe au niveau des nouveaux comités, comme le nouveau comité ferroviaire que nous avons mis en place, et la façon dont leurs conseils et leurs recommandations sont pris en compte par la ville. Les questions autour des frais de gestion des eaux pluviales nous ont conduits à puiser dans l’expertise de nos citoyens pour apporter les meilleures solutions.

Le ferroviaire est un domaine qui sera opérationnel pour les 3 ou 4 prochaines années. Nous avons beaucoup de personnes expérimentées dans ce domaine prêtes à partager leur savoir et à mettre en application leurs connaissances pour aider à prendre les futures décisions.

Montrer au public ce que nous faisons et expliquer les bonnes pratiques sont des atouts qui restent sous-utilisés, mais nous avons eu du succès, notamment quand le comité de gestion des eaux pluviales a fait part de son avis sur la façon de mieux gérer les inondations. Le conseil municipal a ainsi été en mesure de mettre à profit l’expertise du comité pour prendre les meilleures mesures politiques à ce sujet.

Quelles sont les qualités requises pour devenir une ville open source ?

Trois critères me viennent à l’esprit :

  • la volonté de partager ;
  • la volonté d’être informé ;
  • une attitude ouverte à l’innovation, à la créativité et aux expérimentations de toutes sortes.

Les citoyens doivent se tenir prêts à adopter le futur. L’open source est une stratégie que nous appliquons pour aller de l’avant.


Pourquoi Raleigh s’est amorcée à devenir la première ville open source au monde ?

Nos citoyens sont prêts faire avancer Raleigh et à être plus concentrés sur la démarche open source. Raleigh est disposée à devenir son incubateur mondial.

L’avantage de Raleigh se situe au niveau de sa croissance et des emplois. Nous aimerions voir le Centre des congrès accueillir plus de conférences sur l’open source. Nous serions honorés de voir un tas de petits Chapeaux Rouges (NdT : référence faite à la distribution GNU/Linux Red Hat), et que des start-up et sociétés bien établies viennent dans notre région parce que nous avons fait le choix de ce modèle de développement.

Les partenaires sont aussi une grande partie de la réponse. Le Centre des congrès, le Syndicat d’Initiative, la Chambre du Commerce et les autres partenaires doivent adopter l’open source et le mettre en évidence dans le cadre de notre stratégie de développement économique.

Comment mettre en œuvre la démarche open source dans votre vie quotidienne ?

Au cabinet juridique pour lequel je travaille, j’ai essayé de fournir des informations à de jeunes avocats. Une sorte de partage des secrets commerciaux pour les aider à réussir plus rapidement, et, pour être franc, l’une des choses les plus difficiles pour toute personne de la fonction publique, c’est l’écoute. J’ai remarqué que l’écoute représente 70 à 80 % du travail. Vous devez pleinement comprendre ce qu’il se passe pour prendre la décision adéquate.

2. Montréal peut-il devenir un incubateur de start-up open source ?

Can Montreal Become an Open Source Startup Hub?

Evan Prodromou – 21 février 2011 – NextMontreal.com
(Traduction Framalang : Khyl, Naar, Cheval boiteux et Goofy)

« Le premier prix est une Cadillac El Dorado. Le deuxième prix est un lot de couteaux à viande. Le troisième prix est votre licenciement. »- Blake, Glengarry Glen Ross

Seth Godin indique, dans son fabuleux ouvrage The Dip (NdT : Un petit livre qui vous enseignera quand renoncer et quand persévérer), que la seule position qui compte dans les affaires, c’est la première. Quand les lois du pouvoir et les effets de réseau sont nécessaires, la première place du classement est la seule où il faut être. Vous devrez être « le meilleur du monde » dans quelque chose, ou bien vous feriez mieux de laisser tomber et de faire autre chose.

Les écosystèmes technologiques – la plupart des marchés d’affaires, en fait – ont des effets de réseau, et cela veut dire que la seule position à avoir, en tant qu’écosystème, est la première. Être le meilleur au monde.

Quelle est la zone la mieux classée au monde dans les start-up du Web ? La baie de San Francisco. Quelle est la deuxième ? Probablement New-York City. Qui a le troisième prix ? Qui s’en soucie ? Le troisième prix, c’est votre licenciement.

Si nous nous soucions de la croissance de notre écosystème local, peut-être que nous aurions besoin d’arrêter notre course à la 14e ou la 29e place du classement dans le monde des start-up orientées Web et réfléchir à construire quelque chose d’autre. Un domaine dans lequel nous serions les meilleurs et sur lequel personne d’autre n’a encore vraiment travaillé. Là où nous pourrions être les meilleurs au monde – pas les 14e, pour ensuite laisser tomber.

Montréal a la capacité d’offrir le meilleur écosystème au monde pour les start-ups centrées sur le développement de logiciels open source. Nous fournissons un bon cadre pour les entrepreneurs qui ont de l’expérience dans la mise en place d’entreprises tournées vers ce secteur économique, nous avons des investisseurs qui ont bien compris le processus d’investissement et d’encouragement de ce type de compagnies et nous avons un très précieux vivier de talents qui ont contribué à cette évolution.

Plus important, il n’y a aucune autre ville autant tournée vers l’open source sur le globe. San Francisco et Boston accueillent quelques sociétés, mais ne sont absolument pas des incubateurs. Le paysage commercial de l’open source se propage beaucoup plus à travers le monde, de Londres à l’Utah en passant par l’Allemagne et Austin.

Plus que tout, c’est sa commercialisation qui est difficile. Demandez à n’importe quelle personne impliquée dans une entreprise open source. La difficulté se trouve dans l’élaboration d’un modèle de travail. Il n’y a pas de solution simple. Les techniques des start-up pour les autres types d’affaires, tels que l’investissement et les stratégies de commercialisation, ne semblent pas s’appliquer aussi bien. Cela signifie qu’il existe un obstacle à l’entrée d’autres écosystèmes, dont un que nous pouvons exploiter.

En ce moment, j’ai connaissance d’au moins cinq start-up open source dans la ville :

  • StatusNet – J’ai lancé cette entreprise ici-même en 2008. Nous avons levé 2,3M $ de fonds à Montréal et New-York. Nous enregistrons environ 5 000 téléchargements par mois et dénombrons 45 000 sites fonctionnant sur notre SaaS. Nous comptons actuellement 9 salariés à Montréal et San Fransisco (NdT : StatusNet est un logiciel libre de microblogging sur lequel repose Identi.ca).
  • Vanilla Forums – Le meilleur système de gestion de forums au monde. Il tourne sur plusieurs centaines de milliers de sites et inclut un service SaaS de haute performance.
  • Bookoven – Cette plateforme sociale de publication s’est tournée vers un modèle de logiciel open source. Dirigée par Hugh McGuire, créateur de Librivox, le très populaire projet de livre audio à contenus ouverts.
  • Stella – Cette société à forte croissance a rendu ses logiciels open source.
  • Subgraph – Startup orientée sur la sécurité développant Vega, logiciel open source d’évaluation des vulnérabilités.

Au rang des investisseurs, deux des plus importants groupes financiers de la ville (iNovia Capital et Real Ventures) tentent l’expérience des start-ups open source. Real Ventures (ou plutôt son prédécesseur, MSU) a déjà investi dans trois entreprises open source locales.

En ce qui concerne le potentiel des employés talentueux… c’est plus difficile. Il y a beaucoup de techniciens compétents dans la ville, et les sociétés open source qui en sont en dehors, comme Canonical ont des équipes techniques locales qui peuvent suivre le bassin des start-up de talent. Quid du personnel d’entreprise talentueux ayant une expérience open source ? Ils sont rares sur le terrain. Heureusement, les gens qui ont travaillé dans les sociétés mentionnées plus haut constituent aussi un bon noyau de ce bassin.

Je crois que les conditions sont réunies pour que Montréal prenne sa place dans le monde des technologies en tant qu’incubateur de start-up open source. La semaine prochaine, je dévoilerai ce que je pense être un projet potentiel pour que Montréal devienne le fer de lance de ce marché.

Notes

[1] Crédit photo : OpenSource.com (Creative Commons By-Sa)




Tu ne partageras pas ta carte marine, nous raconte La Pérouse en 1787

Norman B. Leventhal Map Center at the BPL - CC byQuand on n’y connaît rien en informatique, il est difficile de s’émouvoir du discours passionné d’un utilisateur de logiciels libres détaillant avec emphase les quatre libertés garanties par leur licence.

Le libriste pédagogue aura donc souvent recours à des analogies pour éclairer son auditoire, la plus courue étant sûrement celle de la recette de cuisine. Dans ce billet nous nous proposons d’y ajouter l’exemple, ou plutôt le contre-exemple, des cartes marines[1].

Plongeons-nous, c’est le cas de le dire, plusieurs siècles en arrière pour retrouver un observateur sceptique face aux règles mises en place par les grandes compagnies maritimes de l’époque pour protéger la connaissance et en tirer profit face à la concurrence.

En effet, j’ai lu récemment et avec beaucoup de plaisir le « Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole » du grand navigateur Jean-François de La Pérouse qui mena une campagne d’exploration scientifique du Pacifique de 1785 à 1789.

Ce récit est empreint d’humanisme, d’intelligence et de générosité. Le voyage s’est déroulé sur un bateau en bois et à voiles, du temps où ordinateur, GPS et autres balise Argos n’existaient évidemment pas. Mais, d’un certain point de vue, ces marins avaient un savoir et un savoir-faire supérieurs aux nôtres car ils ne pouvaient avoir recours à ces outils en cas de problèmes.

Dans son journal, La Pérouse note que les capitaines hollandais partant de Batavia vers le Japon devaient prêter serment, à leur compagnie, de ne pas divulguer leurs cartes marines. Ces cartes qui compilaient l’ensemble des informations collectées par les voyageurs précédents, dans ces terres inconnues où le moindre récif pouvait amener le naufrage.

La Pérouse - Gallica - Domaine Public

Extrait du livre issu de Gallica, le service numérique en libre accès de la Bibliothèque Nationale de France.

Pour les compagnies, l’enjeu était de taille : elles vivaient du commerce des produits du Japon. Elles cherchaient à avoir une position exclusive, pour s’assurer des bénéfices maxima. Afin d’empêcher la concurrence, elles privaient les autres marins de leurs avancées cartographiques, et elles interdisaient d’éventuels rivaux par des contrats bilatéraux avec les dirigeants locaux.

Le serment des capitaines n’était pas sans conséquence. Un officier de marine convaincu d’avoir permis la consultation de ses cartes à un tiers aurait été dégradé, privé de commandement, banni de son pays.

Mais une autre conséquence c’est que chaque compagnie devait créer ses propres cartes et malheur à celle qui envoyait ses bateaux dans des zones non encore renseignées chez elle.

Le logiciel libre est issu de l’informatique mais aussi de tous ceux qui, avant lui, se sont battus pour la non appropriation des biens communs.

Notes

[1] Crédit photo : Norman B Leventhal Map center at the BPL (Creative Commons By)