Trop bling-bling ! Critique commune d’Unity d’Ubuntu et Metro de Windows 8

S’en prendre conjointement à GNU/Linux et Microsoft, il fallait oser ! Mais en fait cela se tient et mérite peut-être débat.

Soyons plus précis. L’auteur jette ici son dévolu sur les deux nouvelles interfaces graphiques utilisateurs de l’actuelle distribution Ubuntu et de la prochaine version de Windows, à savoir respectivement Unity et Metro.

Il les met dans le même sac et y voit un changement poussé par les mêmes logiques. Un changement mais pas forcément une amélioration, surtout si l’on utilise son ordinateur pour travailler et non facebooker

Nous avions cru comprendre que le fameux « Internet 2.0 » avait fait sauter la barrière entre les consommateurs et producteurs de contenus. Est-il possible ici qu’on les sépare à nouveau ?

LGEPR - CC by

Metro et Unity sont des adolescentes aux cheveux fluos

Metro and Unity Are Teenage Girls With Fluorescent Hair

Jeremy Morgan – 23 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction : Yuston, ehsavoie, Thomas Dutrion, tibs, Evpok, M0tty, goofy, Maïeul, Oliv, lgodard, Kronos, peupleLa, Gaëtan)

Vous vous souvenez de ces filles ni spécialement horribles, ni particulièrement attirantes, qui voulaient être le centre de toutes les attentions ? Elles faisaient des trucs fous comme se colorer les cheveux avec des couleurs criardes et portaient des piercings partout. Elles avaient souvent beaucoup de qualités mais ne le savaient pas. Ces filles pensaient qu’elles n’avaient rien de mieux à offrir, alors elles se promenaient avec des styles provocateurs pour attirer l’attention.

Voilà précisément pourquoi je pense que Microsoft et Ubuntu imposent leurs récentes modifications de l’interface graphique malgré les retours négatifs des utilisateurs. Ce besoin pressant d’apparaître différent et d’attirer l’attention va bien au-delà de la nécessité de satisfaire leurs utilisateurs.

Que ce soit parce que notre durée d’attention est beaucoup plus courte ou parce que les systèmes d’exploitation ont perdu de leur intérêt, le changement pour le changement semble être devenu la règle du jeu. Canonical et Microsoft secouent tout pour faire différent. Pas meilleur mais différent.

Metro et Unity : vous vous y ferez

L’interface Unity fut introduite avec la version 11.04 d’Ubuntu Linux, celle de Metro sera livrée avec Windows 8 et il semble bien que toutes deux suscitent la même réaction. Toutes les deux apportent des modifications radicales de l’interface utilisateur qui arrivent pour une bonne raison : le monde s’éloigne des ordinateurs de bureau. Le monde devient mobile, c’est incontestable.

Mais plusieurs d’entre nous, assez fous pour continuer à préférer un ordinateur de bureau ou un portable (ceux qui permettent de travailler vraiment) détestent ces interfaces. Si vous utilisez une tablette pour regarder des vidéos ou jouer à Angry Birds ça va. Si vous êtes architecte, infographiste, développeur de logiciel, animateur 3D ou quelque chose du genre, vous haïssez probablement ces nouvelles interfaces.

La réponse des deux camps est la même : l’avenir est déjà là alors autant vous faire à ces changements. Vous êtes libres de remplacer le bureau Ubuntu par l’une des nombreuses alternatives, et Windows 8 a un mode bureau mais il est radicalement différent. Que vous l’aimiez ou non le standard est défini et les plaintes tombent dans l’oreille d’un sourd.

Pourquoi tous ces changements ?

Demandez à n’importe qui chez Microsoft ou Canonical pourquoi ils changent nos repères et ils avanceront probablement des arguments marketing sur les tendances émergentes et la nécessité d’aller de l’avant et autres non-sens. Je pense que la vraie raison pour laquelle ils ont fait ces changements et les verrouillent est extrêmement simple : parce que c’est nouveau. C’est changer simplement pour le plaisir de changer parce que le bureau classique n’a pas changé depuis bien longtemps.

Le bouton Démarrer a toujours été présent depuis la sortie de Windows 95, Gnome et KDE sont apparus en 1997. Depuis cette époque, nous avons fait beaucoup de modifications et bien sûr d’améliorations, mais avec du recul, elles se ressemblent toutes. Des fenêtres, des menus, des messages similaires, et ce depuis la moitié des années 90. Vous voyez le problème ?

Ils ont seulement besoin de faire évoluer l’apparence. Les fonctionnalités d’un système d’exploitation ne changent pas radicalement avec le temps, si vous voulez restez dans le coup avec des cycles de renouvellement technologique rapides, vous devez faire bouger les choses. Vous devez être innovant, pas forcément meilleur. Eh vous avez vu ? — nous n’avons plus de bouton Démarrer.

Qu’est ce qui se cache derrière ?

Vous pouvez donc vous demander : sont-ils juste en train de mettre du rouge à lèvre à un cochon ? La réponse pour les deux systèmes est non. En réalité, ils sont tous les deux meilleurs que ce qu’ils n’ont jamais été.

Ubuntu Linux est un système d’exploitation de premier ordre qui devient plus rapide, plus stable et qui prend en charge plus de matériel que jamais. La pile logicielle est super, la gestion des paquets et la sécurité… tout cela est hautement apprécié.

Windows 8 a également été remanié et cela pourrait bien être leur meilleur système d’exploitation à ce jour. Des avancées technologiques comme l’UEFI ont été introduites : un pré-système d’exploitation, le diagnostic à distance, une option « live USB », un temps de démarrage plus rapide et le support de l’USB 3.0, pour n’en citer que quelques unes. Il y a eu des améliorations au niveau du noyau et d’autres modifications qui le font tourner plus vite que Windows7 sur le même matériel. Du point de vue technique, il n’est pas à la traîne.

Ces deux systèmes d’exploitation sont au top de leur niveau, alors pourquoi développer ces interfaces flashy pour attirer l’attention ? Pourquoi ne peuvent-ils pas vendre ces systèmes d’exploitation en mettant en avant leurs propres mérites ?

Parce que plus personne ne se soucie de ces trucs-là.

La cible marketing

En tant qu’utilisateur régulier d’Ubuntu, j’aime bien lancer une petite pique par-ci par-là à Jono Bacon et sa bande, surtout lorsqu’on en vient à Unity. Je l’ai déjà dit et je le redirai : si je veux un système Ubuntu vraiment stable, j’utilise la version 10.04 et lui compile un noyau 3.6. Ça marche, tout simplement, et l’interface est facile à utiliser pour ceux qui en ont besoin. Pour mon usage, Ubuntu a atteint un sommet à la version 10.04, et moi, comme d’autres, l’avons fait savoir.

La réponse qu’on me ressort tout le temps : « tu n’es pas notre cible de toute façon ». Je le comprends et je sais que c’est vrai. Canonical ne cible plus les hackers maintenant, et Microsoft ne l’a jamais fait. Ils veulent tous les deux répondre à l’appel du marché grand public.

Quand les versions bêta d’Unity et Metro sont sorties, les hackers ont été les premiers à s’en plaindre bruyamment, mais ils ont été ignorés. Mais le plus gros problème que je vois, c’est que pratiquement tous les utilisateurs semblent les détester.

Vous ciblez Monsieur Tout-le-monde, mais c’est ça le problème : Monsieur Tout-le-monde s’adapte encore moins facilement à des interfaces déroutantes. Un geek va faire de son mieux pour apprendre quelque chose de nouveau mais si un utilisateur moyen est dérouté par une interface, il va simplement l’éviter.

Le client a toujours raison, mais on s’en fiche

Unity est sorti depuis un moment maintenant, et il y a certainement des personnes qui s’y sont habituées, et d’autres qui vont même jusqu’à le préfèrer. Quoi qu’il en soit, la plupart des personnes avec qui j’en ai parlé et 90% des commentaires que j’ai vus sur Internet suggèrent que Unity est un flop. Windows 8 n’est pas en test depuis suffisamment longtemps mais j’ai pu voir que ça partait déjà dans la même direction.

Allez vous donc rester sur votre mauvaise décision même si votre public ne l’aime pas ? Dans le cas de Canonical/Ubuntu la réponse est oui. Il semblerait que Microsoft suive le même chemin. Ils ont tous les deux une position similaire : on sait ce qui est bon pour vous et on va vous forcer à l’utiliser. Si vous ne l’aimez pas, vous allez vous habituer à l’utiliser. Ne soyez pas effrayé par le changement, ne vivez pas dans le passé.

Cette attitude arrogante est partagée par les deux camps, et c’est un pari énorme d’abandonner certains bons concepts et bonnes expériences utilisateur connues dans le but de faire différent.

Conclusion

Si vous lisez ce blog, il y a de fortes chances que vous ne correspondiez pas au type d’utilisateur que souhaitent Microsoft ou Canonical. Ils mettent en place une nouvelle interface tape-à-l’œil pour ce nouveau type d’utilisateurs. Ils veulent des gens qui consomment du contenu, pas des gens qui en produisent. La raison en est assez évidente : il y a beaucoup plus de consommateurs que de producteurs de contenus. Si vous produisez quelque chose, le système d’exploitation sera simplement un outil pour faire démarrer votre ordinateur et fonctionner votre programme. Vous n’avez pas besoin de plus, et mettre à jour tout votre système tous les ans deviendrait bête et inutile.

Si vous êtes un consommateur, vous voulez des mises à jour même si elles ne veulent pas vraiment dire grand-chose. S’ils fournissent une espèce de nouvelle fonctionnalité pour votre appareil, vous installerez joyeusement un nouveau système d’exploitation tous les six mois. Vous voulez du neuf et du tape-à-l’œil, pas du vieux et terne. Vous voulez qu’on puisse voir à dix mètres de distance que votre système est différent des autres. Si vous voulez de la stabilité et des recettes qui ont fait leurs preuves, vous prendrez un produit Apple. Voilà exactement sur quoi comptent Microsoft comme Canonical, et ils vont parier leur avenir là-dessus.

GrowDigital - CC by

Crédit photos : LGEPR et GrowDigital (Creative Commons By)




Pourquoi la distribution Fedora ne distribue pas Chrome et Chromium ?

Fedora, l’une des plus populaires distributions GNU/Linux, ne propose que Firefox et n’inclut pas les navigateurs Chrome et Chromium de Google.

On le comprend bien pour Chrome qui n’est pas libre, mais moins pour l’open source Chromium.

D’où ces quelques explications qui ne proviennent pas officiellement de Fedora mais d’un simple (et passionné) utilisateur de Fedora.

Scott Beamer - CC by-sa

Pourquoi Fedora ne distribue pas Chrome et Chromium ?

Why Fedora doesn’t ship Chrome and Chromium?

Alex Diavatis – 15 octobre 2012 – WorlOfGnome.org
(Traduction : pwetosaurus (@paul_playe), tibs, Sylvain, misc, ehsavoie, Gatitac, L’gugus, Penguin, viking, Nÿco)

Pour Chrome les raisons sont évidentes, Chrome de chez Google est un logiciel privateur, il contient des modules qui ne sont pas open source, donc fin de l’histoire.

Dans le cas de Chromium qui est issu du projet de système d’exploitation Chromium OS, les choses sont plus compliquées et remontent au 19 novembre 2009, quand une discussion débuta pour savoir si oui ou non il fallait pour distribuer Chromium avec Fedora. Presque trois ans plus tard, nous en sommes toujours au point de départ.

Fedora et l’open source

Fedora a toujours été et sera toujours un défenseur et un distributeur fondamental de l’open source. Un partisan fondamental de l’open source, mais pas un fanatique invétéré du logiciel libre, puisqu’ils fournissent des blobs binaires propriétaires dans leur noyau Linux. On ne peut rien reprocher à Fedora ici puisque cela vient en amont du noyau, le noyau de Torvalds, qui n’est pas totalement libre à cause de pilotes firmwares propriétaires présents principalement pour mieux faire tourner le matériel.

J’aime le nom Fedora et son logo est selon moi l’un des plus beaux qui soient dans le monde des distributions Linux. Le nom Fedora fait référence à un type de chapeau (borsalino) et vient rappeler qu’il provient de Red Hat, la plus grande compagnie open source.

Fedora Logo

Il y a cependant un fait gênant : la police du logo est une police commerciale (très chère qui plus est avec ses 275$ pour l’utiliser).

Dans leur wiki, à propos de leur logo, ils écrivent :

La police utilisée pour le logo est Bryant2. Cette police n’est pas une police libre mais elle a été choisie parce que c’est celle qui s’intègre le mieux dans le design du logo. La licence pour l’utilisation de cette police dans le logo officiel a été payée, ainsi le logo peut être utilisé à chaque fois que la marque déposée et les recommandations d’usage le permettent, sans coût supplémentaire.

Ils auraient quand même pu la partager via un torrent puisque le piratage est une forme de liberté numérique, comme l’anarchie est une forme de liberté sociale… Je plaisante bien sûr. 😉

En tout état de cause, tout cela montre que Fedora n’est pas piloté par une bande d’idéologues passés de mode du logiciel libre. Fedora ne distribue que des logiciels open source pour des raisons bien précises (sur lesquelles je ne m’étendrai pas), mais sûrement pas parce qu’ils « détestent » les logiciels commerciaux.

Fedora et l’environnement de bureau

Certaines personnes disent que Fedora n’est qu’une version de test pour la distribution commerciale Red Hat Enterprise Linux (RHEL) et ne veulent pas être des « bêta-testeurs de Red Hat ». Je pense que, même si c’était peut-être le cas dans le passé, les choses ont évolué. Les deux dernières versions de Fedora (17 et 18) tentent vraiment de proposer un système convivial et de qualité pour un usage bureautique.

Pour être franc, je pense que Canonical nous a quelque part aidé le jour où Ubuntu a décidé de développer Unitypar dessus GNOME, ne faisant plus de ce dernier l’environnement de bureau par défaut. Aujourd’hui, Red Hat et GNOME sont contraints de faire de Fedora une distribution conviviale de qualité car ils ne bénéficient plus comme avant de l’aide d’Ubuntu. Bien sûr, Fedora a beaucoup de travail à accomplir pour rattraper Canonical car Ubuntu est désormais mondialement connu comme étant la distribution de bureau pour le grand public et a réussi à se faire un nom réputé sur le marché.

Fedora et les logiciels

Fedora a une politique stricte qui détermine quel logiciel est autorisé à être inclus dans leurs dépôts officiels et quel logiciel est interdit.

Le Projet Fedora encourage vivement à utiliser des logiciels libres et open source. Fedora possède une ligne de conduite qui impose les obligations suivantes :

  • Si c’est propriétaire, cela ne peut pas être inclus dans Fedora (la seule exception étant donc les firmwares binaires).
  • Si c’est légalement problématique, cela ne peut pas être inclus dans Fedora.
  • Si cela enfreint les lois des États-Unis, cela ne peut pas être inclus dans Fedora.

Vous pouvez trouver plus de détails sur la page du wiki « Fedora Forbidden Items ». Ainsi des logiciels de base comme certains pilotes nVidia et ATi, ceux des cartes Wi-Fi, la version Java d’Oracle, le greffon Flash d’Adobe, etc. ne sont pas inclus. Bien que je sois complètement d’accord avec ce qu’ils font, je ne suis pas toujours d’accord avec la manière dont ils le font.

Et nous en arrivons au sujet initial de ce billet, à savoir : pourquoi Fedora refuse d’incorporer Chromium à leur distribution.

Chromium et Chrome

Pour les gens qui ne connaissent pas la différence, Chromium est le navigateur open source dont Google Chrome tire son code source. Les deux navigateurs (Chrome et Chromium) partagent la majorité du code et des fonctionnalités bien qu’il y ait quelques différences mineures.

Chromium n’intègre pas de fonction de mises à jour automatiques, ni de lecteur PDF ni de lecteur Flash. Chrome est un gratuiciel et ils ne fournissent pas le code source (qui est quasiment identique à Chromium de toute façon), alors que Chromium est, accrochez-vous, sous licences BSD, MIT, LGPL, MS-PL et sous triple licence MPL/GPL/LGPL.

Pourquoi Fedora ne distribue pas Chromium


Chromium est en théorie un logiciel instable (mais en pratique stable) et ils ne distribuent pas de versions stables. C’est la première raison pour laquelle Fedora ne le distribue pas. Cependant, Chromium maintient de nombreux « forks » stables parmi les créations (ou builds) de la communauté et qui portent le même nom : « Chromium ». Ce n’est donc pas le principal problème aujourd’hui.

Le vrai problème, c’est la politique d’empaquetage de Fedora et la politique d’empaquetage de Chromium. Chromium est constitué de nombreux composants open source, mais concrètement il a tendance à les forker puis les empaqueter pour les intégrer.

Par exemple (cas d’école) Chromium utilise OpenSSL. Mais l’équipe de Chromium n’est pas vraiment satisfaite de son fonctionnement et elle veut y apporter des modifications. Ils font alors un fork et ils l’incluent dans le paquet de Chromium. Ils maintiennent cependant une documentation sur les modifications qu’ils apportent à ces paquets. Mais donc maintenant Chromium se retrouve avec son propre OpenSSL, qui n’a pas été testé avec le système et cela rend l’empaquetage difficile pour tous les contributeurs de distributions Linux.

Un rapport de bug a été ouvert à ce sujet en novembre 2009 : bug de suivi sur la création d’une vraie version pour les distributions Linux #28287

Bien que nous fournissions le code source, il y a quelques étapes nécessaires avant que cela soit utilisable en amont par les distributions Linux. Ce bug de suivi sert à en suivre l’avancement.

…mais encore aujourd’hui, il faut toujours un dépôt supplémentaire pour installer Chromium.

Tom Callaway

Tom Callaway est manager de l’équipe d’ingénierie Fedora chez Red Hat et travaille conjointement avec Google pour corriger les problèmes de Chromium dans le but de l’incorporer au dépôt officiel. Il maintient également ses propres paquets de test de Chromium.

Callaway décrit le problème :

« Google forke des bits de code libre pour Chromium comme un lapin fait des petits : avec régularité et sans trop y penser. Plutôt que de tirer parti des API existantes des projets upstream comme ICU, libjingle et SQLite (pour ne nommer qu’eux), ils préfèrent forker ce code à l’instant t et modifier à mort leurs propres API pour être utilisées dans Chromium.

Ce qui ressemble beaucoup à de la méthodologie Java, que je pourrais résumer ainsi : « j’ai envie d’utiliser ce code tiers mais mon application est trop spéciale pour l’utiliser tel quel, donc j’ai rajouté des jantes et pare-chocs en alu et un éclairage néon pour éclairer le dessous, puis j’ai fourré ma copie bling-bling dans mon application ». Une grande partie des développeurs upstream de Chromium semble avoir un passé de codeurs Java ce qui pourrait être une explication mais qui n’excuse rien. Cette façon de faire devrait être un dernier recours, pas la norme.

Voici ce qui devrait plutôt arriver dans l’absolu (en prenant SQLite comme exemple) :

  • google Hé, ça serait sympa si nous pouvions utiliser SQLite dans Chromium pour nos besoins de bases de données locales.
  • google Hum, l’API SQLite ne cadre pas à 100% avec la manière dont j’aimerais que Chromium l’utilise.
  • google Salut l’équipe SQLite, il y a quelques endroits où nous aimerions voir des améliorations de l’API pour que Chromium en tire profit dans notre cas d’utilisation.
  • sqlite_upstream Salut Google, c’est tellement cool que vous vouliez utiliser notre code.
  • sqlite_upstream regarde les changements proposés par Google à SQLite.
  • sqlite_upstream Intéressant, vous pourriez essayer d’utiliser la fonction X pour mieux répondre à vos besoins mais le reste des changements semble OK.
  • sqlite_upstream valide les changements dans le code source dans la révision 12345.
  • sqlite_upstream Notre prochaine version va les inclure.
  • google Ouais ! Nous allons dire aux gens d’appliquer notre patch ou d’utiliser la révision 12345 ou plus récente. »

Vous trouverez plus d’informations sur la page consacrée à Chromium dans le Wiki Fedora.

Finalement

Au final, il y a deux bons navigateurs open source, Firefox et Chromium, mais Fedora persiste à n’en fournir qu’un seul et, malheureusement pour moi, ce n’est pas celui que je préfère 🙂

L’ironie du sort, c’est que si vous recherchez « Fedora Chrome/Chromium » dans Google, il y a de fortes chances pour que vous vous retrouviez sur une page qui vous propose le téléchargement de Chrome, puisque Google fournit un dépôt officiel Chrome pour Fedora !

Et l’on se retrouva en fin de compte avec un Google Chrome et son Flash intégré 🙂

Crédit photo : Scott Beamer (Creative Commons By-Sa)




Au revoir Monsieur Slashdot et merci !

L’une francophone, l’autre anglophone, deux sources principales d’informations ont accompagné ma découverte du logiciel libre, un peu avant le passage du troisième millénaire : LinuxFr et Slashdot (alias « /. »).

C’était eux qui m’apportaient alors des news fraîches et exclusives. Eux encore qui participaient à ma formation quand je parcourais les discussions dans les si nombreux commentaires.

Internet a évolué depuis, je pense notamment à l’arrivée des blogs puis des réseaux sociaux. Mais ces deux sites sont toujours là. L’un est resté bénévole et associatif. Mais l’autre s’est monté en société qui a connu depuis plusieurs repreneurs. À tel point que son créateur, Rob Malda (alias CmdrTaco), a fini avec le temps à ne plus s’y retrouver, jusqu’à passer définitivement la main l’année dernière.

Voici son témoignage.

PS : Le jour viendra lui aussi mais pour ne pas me voir rédiger le même billet dans un tout proche avenir merci de Soutenir Framasoft 😉

Redjar - CC by-sa

15 ans après mon premier article

15 Years After the First Post

Rob Malda – 3 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction : Naar & Amélie, Dryt, Gatitac, ttoine, ZeHiro, goofy, Penguin, audece, onoff_web, minimoy)

L’histoire de Slashdot est totalement indissociable de ma propre vie. Je l’ai créé alors que j’étais encore étudiant à l’université. Quand les gens normaux faisaient leurs devoirs ou s’adonnaient à des activités personnelles, je passais mes soirées à dessiner des icônes dans Gimp, à coder en Perl dans Vim ou à publier de nouvelles histoires à partager avec mes amis. Je n’oublierai jamais les nuits passées à scruter les dernières lignes du fichier access_log et à célébrer avec des amis comme Jeff, Dave, Nate et Kurt chaque connexion provenant de microsoft.com ou de mit.edu.

Slashdot a toujours absorbé tout mon temps, mais en grandissant il commença à engendrer des coûts réels : d’abord pour la bande passante puis pour les serveurs. Mes amis et moi-même avons fondé une société visant à couvrir ces frais pour simplement arriver à l’équilibre. Au moment où je me suis diplômé, l’entreprise ne pouvait employer qu’une seule personne à plein temps : moi. Je gagnais moins d’argent que j’aurais pu le faire autrement, mais là j’étais enfin libre de me consacrer à ce qui me passionnait le plus.

Le site a s’est développé, dépassant nos imaginations les plus folles. Rapidement, il connut une demi-douzaine d’employés mais notre petite entreprise ne pouvait plus faire face. Vendre Slashdot a été la bonne décision à ce moment-là : nous n’aurions pas pu survivre à la croissance ni aux années de vaches maigres après l’explosion de la bulle Internet. Cette décision non anodine allait nécessairement avoir des conséquences, mais elles n’ont pas été visibles au cours des premières années.

À la suite de la vente, nous avons connu un cycle ininterrompu d’années dorées : les nouveaux employés qui nous rejoignaient partageaient nos rêves. Il s’agissait de personnes qui comprenaient intuitivement ce qu’était Slashdot, ce qu’il signifiait, et à quel point il était important, car c’étaient aussi des lecteurs et utilisateurs du site. Beaucoup d’entre eux sont encore mes amis aujourd’hui. Ce sont des relations dont la valeur pour moi va bien au-delà de la sphère professionnelle.

J’ai eu alors la chance de parcourir le monde comme représentant d’une communauté en pleine croissance : Japon, Allemagne, Espagne, Australie. J’ai rencontré cette communauté en chair et en os et j’ai travaillé avec des personnes admirables. Nous participions à un projet très stimulant et mettions les utilisateurs au premier plan. Rien ne pouvait nous arrêter.

J’ai connu à travers Slashdot 14 années de tragédies : Columbine, le 11 septembre, le crash de la navette spatiale Columbia, Fukushima. Ces événements-là et tant d’autres sont à jamais associés à des pics de connexion sur les tchats entre les rédacteurs et modérateurs surexcités. La tristesse et la terreur n’empêchaient pas notre équipe de donner le meilleur d’elle-même en aidant des milliers de personnes à se connecter entre elles au moment où elles avaient le plus besoin.

Mais pour tous ces moments tristes, il y eut encore plus d’optimisme et de joie. D’innombrables avancées scientifiques, des lolcats et un flux incessant de nouvelles technologies et découvertes scientifiques en train de changer, généralement pour le meilleur, le monde autour de nous. Et je n’oublierai jamais la moiteur des mes mains alors que j’attendais fiévreusement une réponse de ma petite amie, à qui j’avais fait ma demande en mariage sur la page d’accueil de Slashdot. Tout ceci partagé avec des amis.

En 2007, je pris le plus long congé de toute ma carrière, et cela pour la meilleure des raisons. Pendant les deux semaines qui ont suivi la naissance de mon fils, je n’ai en effet mis en ligne aucune page de Slashdot. Quand j’y suis retourné, le site se portait comme un charme. Slashdot a célébré son dixième anniversaire et je comprenais pour la première fois qu’il pouvait tranquillement continuer sans moi…

Ce qui était bien, car le site était en déclin depuis quelques années. Les amis avaient été remplacés par des inconnus. Des décisions étaient prises par des gens qui, de plus en plus, n’étaient pas des utilisateurs directs du site. Ils voyaient Slashdot avant tout par la lorgnette du business : un compte de résultat, un rack de serveurs ou un nombre d’employés.

Avec le trafic qui déclinait, les défis techniques diminuaient également. La charge était rarement un problème. Le système de modération fonctionnait… tout simplement. Mais le code de la plateforme commençait à dater. Il n’était plus souple ni maintenable. Notre équipe s’était réduite… jusqu’à ce qu’il n’y reste plus qu’un seul technicien ! Notre capacité à livrer du code s’était évaporée. Le peu de temps de développement qui restait était bien trop souvent gaspillé dans des projets voués à l’échec par manque de compréhension des utilisateurs.

Au cours de ces dernières années, ces critiques à peine voilées ont lentement évolué vers de l’amertume. Il fut impossible, au bout d’un moment, de le cacher à mes amis, à ma famille, et enfin, même à mes collègues de travail. Ils l’avaient compris bien avant moi : je devais partir.

C’était il y a plus d’un an. Abandonner mon salaire me faisait peur, mais moins que quelque chose de plus important encore à mes yeux. Slashdot avait beau être devenu ce célèbre site pour geeks and nerds, il était avant tout pour moi mon site web personnel. Je l’avais toujours considéré comme mon chez moi sur Internet. Quand je suis parti, j’ai perdu le droit de continuer à y poster du contenu. Objectivement j’étais d’accord avec mes amis qui me disaient qu’une « rupture franche et nette » (NdT : The Clean Break) était meilleure pour moi… mais émotionnellement, je ressens toujours cette perte aujourd’hui. J’aime bien Twitter et Google+, mais j’aurai toujours l’impression de vivre dans la maison de quelqu’un d’autre.

Sans mon contrôle éditorial habituel, Slashdot m’a semblé souvent à côté de la plaque. J’ai fini par le lire uniquement via son flux RSS, où mon bien-aimé « News for nerds » devint juste un flux parmi d’autres. J’y parcourais de moins en moins d’articles. Parce que j’y trouvais de meilleures infos ailleurs mais aussi voire surtout par que venir sur le site me faisait tout de suite voir ses changements. Des trucs que probablement personne d’autre n’aurait remarqués du reste. Quelques pixels par ici, une formulation changée par là. Certaines modifications sont pertinentes… mais beaucoup ne le sont pas. Et ça me rend triste, même maintenant.

La bonne nouvelle pour moi, c’est que je n’avais pas été aussi heureux professionnellement parlant depuis des années. Mon travail aux WaPo Labs me rappelle les effervescentes premières années de Slashdot, quand tout paraissait important. Notre équipe semble toujours lire le même livre, même s’ils ne sont pas tous à la même page. Mon boulot me paraît rafraîchissant et motivant. Et le mieux dans tout ça, c’est que je peux enfin séparer mon « moi » de « mon travail » quand le besoin s’en fait sentir. Je peux m’en détacher et prendre du recul. Je peux être impartial, lucide et honnête comme je n’ai jamais pu le faire au milieu de la tempête Slashdot.

Il y a peu, Slashdot a été vendu à un nouveau poids lourd… mettant encore plus de distance entre moi et ma création. J’y ai toujours quelques amis mais la plupart me sont étrangers. Il m’arrive cependant de passer encore de temps en temps sur une page familière dont l’information me parle et se trouve enrichie et bonifiée par la discussion. Je me surprends alors à fermer les yeux en pensant qu’un bout de mon ADN est toujours là-bas, là-dedans.

Je n’arrive toujours pas penser à l’histoire de Slashdot sans la lier à celle de ma propre vie. Mais après un an de séparation, j’ai fait mon deuil et compris que nous étions juste un chapitre dans l’histoire de nos vies respectives.

Mais quel putain de bon chapitre cela a été !

Crédit photo : Redjar (Creative Commons By-Sa)




Point de réseau social sérieux sans lolcats !

Framasoft harcèle (et parfois excède) ses followers Twitter actuellement avec ses « lolcats de soutien » (, , , , , , , , , ou encore ), ce qui ne nous empêche de nous penser sérieux et appliqués dans notre démarche de promotion et diffusion du Libre.

L’idée générale de la traduction ci-dessous c’est que si vous voulez créer un véritable réseau social au sein de votre structure alors il vous faudra aussi accepter ce qui n’a rien à voir avec votre structure. C’est le coté social du réseau social et il est beaucoup moins futile qu’on peut à priori le penser car c’est souvent un préalable à une bonne ambiance d’où pourront émerger des choses bien pertinentes pour votre structure.

Michellelevine - CC by-sa

Si vous voulez une culture vraiment collaborative, vous devez aussi accepter les LOLCats

If you want a culture of collaboration, you need to accept the LOLCats too

Steve Radick – 11 janvier 2012 – OpenSource.com
(Traduction : KoS, Maïeul, @ali0une, greygjhart)

Même lorsque la presse était sacrée, nous avons eu des romans érotiques 150 ans avant d’avoir des journaux scientifiques
Clay Shirky (Conférence TED Cannes juin 2010)

C’est une de mes citations favorites de l’une de mes personnalités favorites d’Internet, Clay Shirky. Je l’aime particulièrement parcequ’elle illustre selon moi l’époque où certaines organisations se trouvent en essayant d’intégrer les médias sociaux en leur sein.

Avant que les wikis ne soient utilisés par les communautés de coopération scientifique, les personnes s’y inscrivaient pour désigner leur équipe de foot favorite. Avant que l’intranet de ma propre entreprise ne remporte un prix, nous avions des personnes qui nous expliquaient comment elles étaient heureuse de se montrer (presque) nues sur leurs profils. Avant que nos dirigeants commencent à utiliser Yammer pour communiquer avec la base, des groupes de fanas d’Android ou de fitness s’étaient déjà constitués. Je vous parle de cela parce que si vous décidez un jour d’intégrer un média social interne à votre organisation, vous devrez préparer vous-même, vos collègues, vos patrons, votre haute direction à cette vérité inexorable.

Si vous paniquez en voyant tout ça sur votre intranet, vous n’êtes probablement pas prêt pour un intranet social.

Si vous voulez créer une culture dynamique de collaboration, vous devez accepter les photos de LOLCats, les sujets parlant de foot, les débats sans fin sur Apple et Andoid, et même les critiques sur la politique de l’entreprise.

Acceptez et intégrez ce fait maintenant et vos communautés auront de bien meilleurs chances de succès. Ou, continuez à penser que de telles choses sont une perte de temps et ne sont pas professionnelles, et soyez prêt à payer beaucoup d’argent pour un système que personne n’utilise à moins d’être forcé à le faire (et ils l’utiliseront alors mal).

Malheureusement, « social » à l’air d’être devenu un gros mot en entreprise, associé à l’image d’employés perdant leur temps sur Facebook, parlant à leur petit ami au téléphone, ou prenant une pause déjeuner de trois heures. Acceptons d’arrêter d’essayer d’enlever le social d’un réseau social. Les interactions sociales ne doivent pas seulement être acceptées, elles doivent même être encouragées et récompensées. Shirky explique pourquoi dans cette conférence TED (à partir de 5 minutes 33 secondes).

Shirky explique :

Le fossé est entre faire quelque chose et ne rien faire. Et quelqu’un qui fait des LOLcat a déjà franchi ce fossé. Oui, il est tentant de vouloir obtenir des projets aussi noble que Ushahidi sans les LOLCats, d’avoir les choses sérieuses sans les choses futiles. Mais l’abondance de médias ne marche pas comme ça. La liberté d’expérimenter, c’est aussi voire surtout la liberté d’experimenter n’importe quoi.

Il y a cette tendance de la part des dirigeants à vouloir supprimer (voire sanctionner) les blogs qui évoqueraient des solutions de contournement de la politique d’entreprise et les pages wiki détaillant les meilleurs restaurants pour déjeuner. Ils veulent aller droit au but qui serait la co-création de méthodologies avec des équipes inter-fonctionnelles et des initiatives de crowdsourcing qui font économiser des millions de dollars !

Ça ne fonctionne pas pas comme ça. Les communautés collaboratives ne commencent pas à innover juste parce que vous mettez en place un site web et envoyez un mémo. Souvenons-nous que les nouvelles érotiques sont apparues bien avant les journaux scientifiques. Il y aura donc des LOLCats avant des Ushahidi. Vous devez accepter le fait que vos employés parleront de sport et de vacances avant d’être prêts à utiliser l’outil pour procéder à un « vrai » travail.

C’est intuitivement du bon sens. N’est-il pas plus facile de publier votre bon plan du midi plutôt que d’envoyer ce rapport sur lequel vous travaillez depuis trois semaines ? Si quelqu’un n’apprécie pas votre restaurant préféré, quelle importance ? En revanche si quelqu’un critique le rapport que vous avez passé des semaines à écrire, c’est un peu plus intimidant. Une fois que vous avez franchi ce seuil, ce seuil entre ne rien faire et faire quelque chose, c’est plus facile alors de monter les marches. Une fois la glace rompue avec la mention de votre passion pour la gastronomie chinoise, il vous sera soudainement plus facile de participer à la conversation sur tel projet important de votre entreprise. Peut-être même que vous accepterez d’envoyer une partie coriace du rapport en demandant aide et éclaircissement aux autres. Sous cet angle, même les publications les plus stupides et les conversations les plus insignifiantes ont de la valeur, parce qu’elle n’engage qu’un risque mineur pour les gens à se jeter à l’eau et faire le premier pas.

Cela peut prendre du temps pour que les employés se sentent vraiment à l’aise avec l’utilisation des réseaux sociaux au travail. En lui laissant ainsi la possibilité de s’épanouir et d’apprendre ensemble à son propre rythme, votre communauté supportera bien mieux les changements d’échelle et durera bien plus longtemps.

Alors acceptez les LOLCats, les délires footballistiques, les discussions sur la bouffe, et les avatars personnalisés : au moins vos employés créeront et partageront quelque chose avec quelqu’un d’autre. Parce que ce qui viendra après ces stupides discussions mènera à du lien, des relations, des questions, des réponses, et finalement, à des innovations très créatives, à des produits et des solutions qui vous feront économiser du temps et (beaucoup) d’argent. Et vous serez récompensés pour avoir participé à rendre votre entreprise humaine et chaleureuse.

Crédit photo : Michellelevine (Creative Commons By-Sa)




Ils tenteront de nous pourrir l’impression 3D avec leurs DRM

Nous sommes en 2023. Vous cassez malencontreusement une assiette. Vous allez tout naturellement chercher son fichier numérique sur le Net pour en créer une nouvelle sur votre imprimante 3D, en la modifiant éventuellement au passage pour l’adapter à vos besoins. Mais deux minutes plus tard la Police du Copyright sonne à votre porte et vous embarque en flagrant délit d’effraction de propriété intellectuelle et contournement de mesure de protection…

En mai 2011 nous publiions une longue et riche traduction : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air !.

Nous y sommes désormais. Et ils vont chercher à bloquer le système et le partage tout comme ils ont cherché (et partiellement réussi) à le faire avec le logiciel, la musique ou le cinéma.

Sauf qu’ici nous avons déjà nos propres imprimantes, logiciels et formats libres et ouverts. En se débrouillant un peu, et luttant beaucoup, on devrait pouvoir s’épargner un nouveau Napster ou Megaupload de l’impression 3D.

FdeComite - CC by

Comment les DRM vont infester la révolution de l’impression 3D

How DRM will infest the 3D printing revolution

Ryan Whitwam – 16 octobre 2012 – ExtremeTech.com
(Traduction : Kurze, Dryt, Gatitac, goofy, Sylvain, Kiwileaks)

Alors que vous étiez tout occupés à vous exciter et à déclarer que l’impression 3D est le début d’une nouvelle époque, une nouvelle loi sur les brevets s’apprête à pourrir l’ambiance.

En effet, Nathan Myhrvold, ancien DSI chez Microsoft et fondateur d’Intellectual Ventures, société détentrice de nombreux brevets, a réussi à obtenir un brevet étendu sur les DRM de l’impression 3D. Cette révolution de l’impression 3D que nous avons tant espérée s’en trouve tout d’un coup fort contrariée.

Le système envisagé par Myhrvold sera utilisé afin d’empêcher les utilisateurs d’imprimante 3D de violer les « droits de production des objets ». Pour utiliser son imprimante il faut d’abord la charger avec le fichier numérique de l’objet à imprimer. Or ici, avant qu’une quelconque impression ne soit lancée, on va vous obliger à vous connecter à un serveur distant qui vérifiera que vous avez l’autorisation d’imprimer cet objet. Si cela vous semble familier c’est parce que c’est ce qui était arrivé à la musique en son temps dans le sillage de Napster.

La loi sur le droit d’auteur est une grosse machine compliquée et elle n’est pas applicable traditionnellement aux objets. Cependant, un nouvel appareil, une invention ou une nouvelle conception peuvent être brevetés. C’est justement ainsi que ceux d’Intellectual Ventures gagnent de l’argent et c’est probablement la raison pour laquelle ils sont intéressés par ce genre de DRM. L’entreprise acquiert les brevets sur différentes technologies et inventions, se construit ainsi son petit portefeuille, et ensuite elle poursuit tous ceux qui pourraient être en infraction. C’est cela qui a conduit de nombreuses personnes à surnommer ces sociétés des « troll à brevets » (NdT : Patent Troll), et elles ont probablement raison.

Alors comment passe t-on de la situation actuelle à une sorte de dystopie où votre imprimante vous dénonce à la police du copyright ? Il y aura, je pense, deux forces négatives qui nous pousseront dans ce sens.

La première est le risque d’amalgame avec le P2P (échange de fichier peer-to-peer). Plus les imprimantes gagneront en précision, plus les entreprises qui vous vendent ces imprimantes seront comparées à celles qui proposent les logiciels de peer-to-peer. Voilà le premier casse-tête légal auquel ces entreprises devront faire face. Nombreux sont les auteurs de ces applications de partage de fichiers qui ont fini devant les tribunaux et je ne serais pas surpris que quelque chose de similaire arrive un jour ou l’autre aux constructeurs de type MakerBot.

La seconde force qui va s’opposer au développement de l’impression 3D est un peu plus inquiétante. Il y a déjà des gens qui étudient la faisabilité de l’impression de composants d’armes à feu. Ce n’est peut-être pas encore faisable pour le moment, mais ça le sera un jour. Avant que cela n’arrive, des armes plus simples comme des « poings américains » réalisés avec du plastique super résistant vont être susceptibles de poser des problèmes aux gouvernements des pays où ces objets sont illégaux. Les lois sur les armes ne sont pas celles de la propriété intellectuelle mais elles nous amèneront au même point : la restriction de l’usage de l’impression 3D. Les lobbies de copyright pourraient s’appuyer et s’appuieront sur ce problème pour justifier un contrôle plus général.

Les vendeurs d’imprimantes 3D ne seront probablement pas obligés directement par la loi de mettre en place des restrictions, mais le déluge de poursuites pour des armes et des objets brevetés imprimés pourrait les pousser à le faire. Même Google n’a pas eu d’autre choix que de mettre en place des algorithmes sévères de détection automatisée de contenus sous droits d’auteur sur Youtube pour limiter sa responsabilité. Nous avons cependant vu ce système automatisé échouer maintes et maintes fois.

Chaque système de DRM implémenté jusqu’à aujourd’hui a été piraté d’une façon ou d’une autre. C’est vraiment une mauvaise blague pour l’utilisateur moyen : les DRM les bride dans leur vie numérique. Les autres, plus calés, contourneront les règles et pourront imprimer tous les objets brevetés qu’ils voudront. Les DRM ne résoudront véritablement aucun problème. Ils ne le font jamais. Mais ce sera peut-être un élément inévitable de l’avenir de l’impression 3D.

Crédit photo : FdeComite (Creative Commons By)




Complexité de la clause Non Commerciale des Creative Commons : preuve par l’exemple

Ce n’est pas ubuesque mais presque !

On nous le reproche souvent, nous sommes de ceux qui ne considèrent pas comme « libres » les licences Creative Commons possédant la clause Pas d’Utilisation Commerciale NC. Nous préférons alors parler de licences « ouvertes ».

Apposer cette clause Pas d’Utilisation Commerciale à votre œuvre stipule que l’utilisateur n’aura « pas le droit d’utiliser cette œuvre à des fins commerciales » (sans vous en demander au préalable votre autorisation).

Le problème c’est qu’il est fort difficile de définir réellement et pratiquement les contours de ce qui est ou n’est pas commercial, ce qui entrave du même coup le partage et la libre circulation de l’œuvre. La preuve avec les nombreux exemples proposés ci-dessous par Evan Prodromou (Wikitravel, Identi.ca…) sur une liste de discussion des Creative Commons.

Réfléchissez-y à deux fois en choisissant cette clause pour votre propre œuvre parce que vous ne voulez pas que « d’autres se fassent de l’argent sur votre dos »…

Remarque : Cette traduction a été donnée sur grand écran en direct livre de l’Open Word Forum samedi 13 octobre dernier. C’était fascinant de voir virevolter les couleurs des participants sur notre Framapad !

Tax Credits - CC by-sa

Cas d’utilisation de la clause Pas d’Utilisation Commerciale de la licence Creative Commons

Use cases for NonCommercial license clause

Evan Prodromou – 19 avril 2012 – Liste de discussion Creative Commons
(Traduction : JonathanMM, KoS, Pascal, Barbidule, L’gugus, Evpok, aKa, mandourin, TheophrasteL, Cyrille, audece, Franck, Ypll, feedoo)

Je pense qu’il pourrait être utile d’obtenir des réponses de ceux qui s’occupent des licences Creative Commons au sujet d’un certain nombre d’usages plus ou moins « commerciaux ». Voici donc une liste d’exemples dont j’ai cherché à déterminer si oui ou non ils respectaient la clause non commerciale NC. J’ai exprimé mon opinion entre parenthèses en fin de phrase.

(Je suppose ici que l’on respecte les autres dispositions, dont l’attribution BY et la notification de la licence.)

  • Un éditeur télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur internet, en fait un tirage de 100 000 exemplaires et le vend en librairies dans le pays. (Non)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le lit. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante, et lit le document imprimé. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’envoie par courriel à un ami. (Oui)

  • … et le partage avec le monde sur son site web. (Oui)
  • … et le partage avec le monde via un réseau P2P. (Oui)
  • Un particulier télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur, l’imprime sur son imprimante et le donne à un ami. (Oui)
  • …et laisse son ami utiliser son imprimante et son ordinateur pour l’imprimer lui-même. (?)
  • … et envoie la copie imprimée à un ami en facturant au prix coûtant correspondant au prix des frais (papier, encre, électricité…). (?)
  • … et vend la version imprimée à un ami pour le prix des frais et du temps correspondant à la recherche et à l’impression du livre. (?)
  • … et vend la copie imprimée à un ami au prix des frais, plus son temps passé à trouver et à imprimer le livre, plus 10% de bénéfice. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un autre livre imprimé. (?)
  • … et échange la copie avec un ami contre un grille-pain. (?)

  • Une personne télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et l’imprime sur son imprimante. Elle en réalise elle-même des photocopies près de chez elle, qu’elle donne à une amie. (Oui)
  • … et paie le personnel de la boutique pour en avoir une copie, qu’elle donne à son amie. (Oui)
  • … et paie le personnel du commerce pour en faire 100 copies pour elle, qu’elle donnera à ses amis et sa famille. (Oui)
  • Une boutique de reprographie possède un ordinateur à l’accueil. On peut naviguer parmi les livres sous licence CC qu’on aime sur cet ordinateur puis payer le personnel pour réaliser une impression d’un ou plusieurs d’entre eux pour soi. (Non)
  • Une boutique de reprographie possède un site web. Vous pouvez feuilleter les livres que vous voulez sur ledit site et ensuite, remplir un formulaire en ligne pour commander le livre que vous souhaitez acquérir. Le site vous enverra une copie. (Non)
  • Une boutique de reprographie télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 et le reproduit en 100 exemplaires qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en acheter un à la caisse. (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre autant que vous le souhaitez. (Non ?)
  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Sur la couverture, il est écrit : « Avec la permission de la boutique Trucmuche » (Non)

  • … qu’elle place en évidence dans sa vitrine. Vous pouvez en prendre un gratuitement, pour tout achat de 10$ ou plus. (Non ?)
  • … dont elle fait don à un programme d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • … qu’elle distribue anonymement à un programme local d’alphabétisation pour enfants. (Non ?)
  • Un particulier qui télécharge un livre sous licence CC by-nc 2.0 sur son ordinateur et le partage avec le monde sur son site internet. Chaque téléchargement coûte 0,99$. (Non ?)
  • … et le partage dans le monde entier via son site Web. Il faut payer 5,95$ par mois pour devenir membre et pouvoir télécharger. (Non)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Des versements ne sont pas requis, mais il y a des bandeaux publicitaires sur chaque page. (?)
  • … et le partage avec le monde sur son site web. Les versements ne sont pas obligatoires, mais il y a un lien Paypal « Soutenez ce site ! » sur chaque page. (?)
  • Un professeur télécharge une pièce sous licence CC by-nc 2.0 sur internet. Sa classe d’art dramatique joue la pièce devant le reste de son école lors d’une réunion. (Oui)
  • Sa classe d’art dramatique joue la pièce pour les parents, faisant payer 7$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce licence CC by-nc 2.0, à 35$ la place. (Non)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement dans une école primaire lors d’une assemblée. (Non ?)
  • Une troupe de théâtre locale joue une pièce sous licence CC by-nc 2.0 gratuitement devant les élèves d’une école primaire dans leur propre théâtre. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous licence CC by-nc 2.0. Ils louent les textes imprimés à des enseignants. (Non ?)
  • Un costumier télécharge et imprime de nombreux textes de pièces sous CC by-nc 2.0. Si des instituteurs louent des costumes pour la pièce, ils peuvent utiliser les textes gratuitement. (Non ?)
  • Une boutique de reprographie télécharge une image d’abeille sous licence CC by-nc 2.0 depuis internet. Elle la place dans un encart publicitaire du journal local, en disant, « Soyez malin ! Utilisez la boutique de reprographie Trucmuche ! ». (Non)

  • Un groupe de scouts féminin télécharge une image d’abeille sous licence libre CC by-nc 2.0 à partir d’internet. Il l’imprime sur des prospectus distribués dans le voisinage: « Soyez sympa ! Ne me jetez pas ! » (Oui)
  • … « Soyez cool ! Achetez les cookies des filles scout ! » (Non)
  • … « Soyez cool ! Ne me jetez pas ! (Fabriqué pour vous par la troupe 45 des filles scout qui font de délicieux cookies) (Non)
  • … « Soyez cool ! Donnez de l’argent aux filles scout ! » (Non)

  • … « Soyez cool ! Donnez de votre temps aux filles scout ! » (Oui ?)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe (un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0 de Cory Doctorow) sur son ordinateur. Il paie à compte d’auteur 100 copies reliées, à ses frais, qu’il offre ensuite à des amis et la famille. (Oui)
  • Un particulier télécharge Eastern Standard Tribe sur son ordinateur. Il a un compte personnel à régler avec Cory Doctorow remontant à un cocktail en 1997. Alors, il paie pour que soit produits, à grand peine, 100.000 exemplaires reliés à la main, à ses frais, qu’il distribue ensuite gratuitement, en engorgeant le marché. Doctorow fait faillite. (Oui)
  • Les Éditions Trucmuche téléchargent Eastern standard tribe, publié par leur plus grand rival. Ils font 100 000 copies qu’ils distribuent ensuite gratuitement, engorgeant le marché. Doctorow et son éditeur font faillite. (Non)
  • Une association à but non lucratif qui s’occupe d’apprendre à lire aux enfants télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nd-nc 2.0. L’équipe reproduit 100 exemplaires avec la photocopieuse de l’association et les distribue aux orphelinats locaux. (Oui)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre. (Non)
  • … et les vend aux orphelinats locaux au prix du papier et de la main d’œuvre, avec une marge de 10%. (Non)
  • … et les distribue publiquement pour attirer l’attention sur la lecture. (Oui)
  • … et les distribue publiquement comme cadeau pour toute donation d’au moins 50 $. (Non ?)
  • … et les vend publiquement avec une marge. (Non)
  • … et les distribue publiquement en « suggérant un montant de donation ». (Non ?)
  • Un groupe d’alphabétisation pour enfant télécharge une copie d’un livre sous licence CC by-nc 2.0. Une boutique de reprographie (Trucmuche) fait don de temps et de matériel pour effectuer 100 copies du livre, qui est ensuite rendu public pour éveiller à la lecture. La couverture arrière dit, « travail et matériel sont le don de la boutique Trucmuche ». (Oui)
  • Une bibliothèque dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. L’utilisation des ordinateurs et imprimante est gratuit. Une personne utilise l’ordinateur et imprime pour elle-même un roman sous licence libre CC by-sa 2.0. (Oui)
  • Un cybercafé dispose d’ordinateurs et d’une imprimante. Chaque impression coûte 5 centimes la page. Un particulier réserve un ordinateur et imprime un roman sous licence libre CC by-sa 2.0 pour lui-même, et paye pour le temps et les coûts d’impression. (Oui)
  • Une bibliothèque publique qui vend des copies de livres sous licence CC by-nc 2.0. (Non)

Bon, tout ceci me fatigue (et vous aussi j’imagine). Désolé pour cette si longue liste, mais c’est un sujet réellement compliqué. Il y a probablement pas mal d’autres cas marginaux qui mériteraient d’être explorés.

Evan

Crédit photo : Tax Credits (Creative Commons By-Sa)




Pour en finir avec les mythes prégnants du copyright et de l’argent

« Il est temps de déboulonner le mythe qui voudrait que le droit d’auteur soit nécessaire pour gagner de l’argent, ou même qu’il en rapporte », tel est le titre frappant d’un récent article de Rick Falkvinge (désormais habitué du Framablog).

Puisque ce mythe ne résiste pas aux faits, il est grand temps désormais pour ces messieurs du copyright d’adopter un discours honnête, sérieux et mature si on veut réellement avancer…

Remarque : Nous avons conservé le terme anglo-saxon « copyright », que l’on traduit souvent en français par « droit d’auteur », car l’acception et le périmètre du mot ne sont pas tout à fait similaires ici.

Stephen Downes - CC by-nc

Il est temps de déboulonner le mythe qui voudrait que le droit d’auteur soit nécessaire pour gagner de l’argent, ou même qu’il en rapporte

It’s Time To Debunk The Myth That Copyright Is Needed To Make Money – Or That It Even Makes Money

Rick Falkvinge – 7 octobre 2012 – TorrentFreak.com
(Traduction : fcharton, Gatitac, janfi, Pymouss, bituur esztreym, Jeff_, Mnyo, ti_tux, goofy_seamonkey)

Un des mythes les plus tenaces au sujet du monopole du copyright est qu’il est nécessaire afin de rapporter de l’argent. Il s’avère que cette affirmation est fausse dans un grand nombre de cas observés, mais le pluriel « d’anecdote » n’est jamais « statistiques ». Dès lors, penchons-nous sur des preuves statistiques solides pour l’élaboration de notre réflexion politique à ce sujet.

Puisque le monopole du copyright est principalement une activité économique, on constate un gouffre parmi le public, entre ceux qui soutiennent son abolition uniquement dans un cadre non commercial, et ceux qui soutiennent son abolition complète.

Il y a parmi la population une forte majorité qui se prononce en faveur d’une réduction de ce monopole, afin de favoriser les échanges non marchands entre proches, amis et inconnus. Et si on observe la plus jeune moitié de la population, cette majorité passe de forte à écrasante. Est-il besoin de préciser que cette jeune moitié de la population (qui s’étend jusqu’aux adultes d’une quarantaine d’année) ne changera pas ses habitudes ou ses valeurs sur le sujet, n’en déplaise aux doux rêves avancés par l’industrie du copyright actuellement en exercice. D’ici vingt ou trente ans du reste, ce sont eux qui tireront les ficelles de la politique, et les dinosaures actuels morts et enterrés.

Quand on aborde les questions commerciales de ce monopole, on découvre en revanche un certain nombre de mythes florissants qui ont tendance à freiner l’adhésion du public à une abolition complète du copyright jugée improbable et irréaliste. Voyons quels sont ces mythes, et confrontons-les à la réalité.

Mythe : Si nous abolissons le monopole du copyright, les artistes ne pourront plus gagner de l’argent.

Réalité : C’est un mythe tenace et bizarre, étant donné qu’il y eut des périodes historiques où les artistes n’étaient pas rémunérés. Le système actuel revient à « signer un contrat ou rester pauvre ». Or 99% des artistes ne signent pas de contrats avec l’industrie du disque, et parmi ceux qui le font 99,5% n’ont jamais vu la couleur de leurs droits d’auteur. Il s’agit donc de se dégager d’un système qui laisse délibérément 99,995% des artistes sans aucune forme de revenu pour la pratique de leur art.

Ceci étant donc dit, il est absurde de prétendre que toute évolution vers un système dégraissé de ses intermédiaires « ôterait la possibilité aux artistes de gagner de l’argent », d’autant que ces intermédiaires, devenus aujourd’hui obsolètes, s’octroient en moyenne 93% des revenus des 0,005% des artistes qui gagnent encore de l’argent. Éliminons-les et tout (ou partie) de ces 93% reviendra aux artistes.

Mythe : Le monopole du copyright est une source essentielle de revenus pour les artistes aujourd’hui.

Réalité : De tout l’argent dépensé dans la culture, à peine 2% (oui, deux pour cent !) arrive jusqu’à l’artiste à cause des mécaniques complexes de redistribution du monopoly du copyright. Cela a été étudié en profondeur par le suédois Ulf Pettersson en 2006 (lien vers l’article, lien direct vers l’étude, les deux sont en suédois), qui conclut que la majeure partie des artistes gagnent leur vie autrement (travail intérimaire, prêts étudiants…).

Mythe : L’industrie du copyright est vitale pour l’économie dans son ensemble.

Réalité : « L’industrie du copyright » est délibérément évaluée par des moyens complètement trompeurs qui confinent au ridicule. Dans les consignes de l’OMPI concernant ce qui doit être compris dans « l’industrie du copyright », nous trouvons de tout, de la création de pâte à papier, à la vente d’électroménager, en passant par la fabrication de chaussures (OMPI 2003, d’après l’article de Pettersson cité plus haut). Si vous mettez pratiquement tous les pans de l’économie dans un ensemble X, et que vous affirmez ensuite que cet ensemble X est vital pour l’économie, alors vous pourriez sembler avoir raison. Il suffit de ne pas vous faire prendre quand on s’intéresse de près à la manière avec laquelle vous avez sélectionné ce gros X fourre-tout, et qu’il n’y a aucun lien avec ce dont vous parlez réellement. Les industries tirant profit du monopole du copyright ne représentent qu’un dixième de celles qui en sont désavantagées. Vous voulez créer des emplois ? Détruisez le monopole !

Mythe : Avec le partage gratuit, personne ne va dépenser d’argent pour le divertissement.

Réalité : Les dépenses des foyers pour la culture ont augmenté, année après année, depuis l’apparition du partage de fichiers à grande échelle avec Napster en 1999 (d’autres rapports disent que cela stagne mais aucun ne parle de chute). Il est cependant vrai que les ventes d’enregistrements sur support physique s’effondrent. Ce qui est une excellente nouvelle pour les musiciens, qui n’ont plus besoin de dépendre des intermédiaires qui récupèrent 93% des parts, et qui ont vu au contraire leurs propres revenus augmenter de 114% dans le même laps de temps.

Mythe : Sans la motivation d’un éventuel gain d’argent, personne n’ira plus faire carrière dans l’art et créer.

Réalité : Les gens créent malgré le monopole du copyright, pas grâce à lui. YouTube absorbe 72 heures de vidéos téléversées chaque minute. On peut soutenir que la plupart ne seront sans doute pas visionnées, mais il y a certainement des perles là dedans. La discussion est absurde en fait à partir de la simple observation qu’il y a évidente surabondance d’artistes par rapport à ce que le marché peut contenir : on peut facilement trouver un comptable professionnel qui prend une guitare électrique pendant la pause pour se relaxer un peu, mais montrez-moi ne serait-ce qu’un seul guitariste professionnel qui se détend avec un peu de comptabilité pendant son temps libre.

GNU/Linux et Wikipédia sont deux excellents contrepoints qui font voler en éclat ce mythe étrange. Le système d’exploitation dominant et l’encyclopédie dominante ont été créés par des bénévoles non rémunérés (et quand je dis que GNU/Linux est « dominant », je mets aussi dedans le dérivé Android, juste pour mémoire).

Nous créons depuis que nous avons appris à mettre de la peinture rouge sur des parois de grottes, pas à cause de la possibilité de gagner de l’argent, mais à cause de ce que nous sommes et de ce qui nous fondent. Du reste, les gens qui cherchent de l’argent ne s’engagent pas d’emblée dans les arts. Ils vont en faculté de droit ou de médecine. C’est pourquoi les parents ont l’air si désespéré quand leur rejeton leur dit qu’il a décidé de devenir poète pour gagner sa vie.

Le mythe selon lequel le monopole du copyright serait nécessaire pour que n’importe quelle sorte d’art rapporte de l’argent, ou tout simplement pour que cet art existe, est un mythe obscène perpétué par ceux qui ont quelque chose à gagner en écrémant les 90% de l’argent des artistes, les privant du même coup de l’accès a un public par un racket à l’ancienne.

Pouvons-nous, s’il vous plaît, passer à autre chose maintenant ?

Crédit photo : Stephen Downes (Creative Commons By-Nc)




Un logiciel libre n’est pas toujours collaboratif et de qualité

Voici un titre étrange pour un blog comme le nôtre.

Oui il existe des logiciels libres de mauvaise qualité qui ne souffrent pas la comparaison avec leurs concurrents propriétaires ! Et oui encore la majorité des logiciels libres sont uniquement développés par un seul et unique contributeur : leur créateur !

Face à de tels logiciels, les partisans de l’open source pleurent car ils détruisent aussi bien leur argumentaire pratico-technique que le mythe de la collaboration spontanée. Les partisans de logiciel libre envisagent quant à eu les choses différemment car ce qu’ils voient avant tout c’est que le logiciel est libre.

Le logiciel libre n’est pas meilleur en pratique mais il est libre en théorie et c’est bien ça le plus important…

Remarque : Cette traduction est le fruit d’une coopération entre Framasoft (et son énergie plurielle présente sur Framalang et les réseaux sociaux) et l’April (via son équipe de traduction du site GNU.org)

James Rickwood - CC by

Quand le logiciel libre n’est pas meilleur, en pratique

When Free Software Isn’t (Practically) Better

Benjamin Mako Hill – GNU.org
Licence Creative Commons By-Nd – Version du 6 octobre 2012
(Traduction : Framalang et l’équipe Trad-GNU de l’April)

Les objectifs affichés par l‘Open Source Initiative sont les suivants : « L’open source est une méthode de développement logiciel qui exploite la puissance d’une évaluation décentralisée, par les pairs, et la transparence des processus. Les promesses de l’open source sont une meilleure qualité, une plus grande fiabilité, davantage de flexibilité, un moindre coût et la fin d’une situation permettant à des fournisseurs rapaces de verrouiller leurs produits. »

Depuis plus de dix ans maintenant, la Free Software Foundation ne cesse d’argumenter contre la qualification d’« open source » dont on affuble le mouvement du logiciel libre. Si nous, les partisans du logiciel libre, réfutons ce qualificatif d’« open source », c’est surtout parce que nous considérons qu’il s’agit d’un effort volontaire pour réduire la portée de notre message de liberté et masquer le rôle de notre mouvement dans le succès du logiciel que nous avons bâti. Si nous disons que le terme « open source » est mauvais, c’est fondamentalement parce qu’il tente d’éviter toute discussion à propos de la liberté du logiciel. Mais il y a une autre raison pour laquelle nous devrions nous méfier du cadre « open source ». L’argument fondamental de l’open source, tel qu’il est défini dans la déclaration ci-dessus, est souvent incorrect.

Malgré la suggestion de l‘Open Source Initiative, que « la promesse de l’open source est une meilleure qualité, une plus grande fiabilité, plus de flexibilité », cette promesse n’est pas toujours honorée. Bien que nous ne le mettions pas souvent en avant, tout utilisateur d’un logiciel libre aux premiers stades de son développement peut expliquer que ce logiciel n’est pas toujours aussi pratique, sur le plan purement fonctionnel, que ses concurrents privateurs[1] Un logiciel libre est parfois de piètre qualité. Il n’est pas toujours très fiable. La souplesse lui fait parfois défaut. Si les gens prennent les arguments en faveur de l’open source au sérieux, ils doivent expliquer pourquoi l’open source n’a pas tenu ses « promesses » et conclure que des outils privateurs seraient un meilleur choix. Il n’y a aucune raison pour que nous fassions de même.

Richard Stallman parle de cela dans son article « Pourquoi l’open source passe à côté du problème que soulève le logiciel libre » lorsqu’il explique : « L’open source repose sur l’idée qu’en permettant aux utilisateurs de changer et redistribuer le logiciel, celui-ci en sortira plus puissant et plus fiable. Mais cela n’est pas garanti. Les développeurs de logiciels privateurs ne sont pas forcément incompétents. Parfois ils produisent un programme qui est puissant et fiable, même s’il ne respecte pas la liberté de l’utilisateur. »

Pour l’open source, la mauvaise qualité d’un logiciel est un problème à analyser ou une raison de fuir ce logiciel. Pour le libre, c’est un problème à résoudre. Pour les partisans du libre, les bogues et les fonctionnalités manquantes ne sont jamais une raison d’avoir honte. Tout logiciel qui respecte la liberté de ses utilisateurs possède un avantage inhérent sur son concurrent privateur. Même s’il a ses propres problèmes, un logiciel libre a toujours la liberté.

Bien évidemment, tout logiciel libre doit commencer quelque part. Un nouveau programme, par exemple, a peu de chances d’offrir plus de fonctionnalités qu’un programme privateur déjà établi. Un projet commence avec de nombreux bogues et s’améliore avec le temps. Alors que les partisans de l’open source peuvent argumenter qu’un projet deviendra utile avec du temps et un peu de chance, un projet libre représente pour les partisans du logiciel libre une importante contribution, dès le premier jour. Chaque logiciel qui donne aux utilisateurs le contrôle sur leur technologie est un pas en avant. L’amélioration en qualité due à la maturation d’un projet n’est que la cerise sur le gâteau.

Un second point, peut-être plus accablant encore, est que le processus de développement collaboratif, distribué, évalué par les pairs, qui est au cœur de la définition de l’open source, ne ressemble que de loin à la manière dont sont développés en pratique la plupart des projets sous licence libre (ou « open source »).

Plusieurs études universitaires menées sur les sites d’hébergement de logiciels libres SourceForge et Savannah ont démontré ce que beaucoup de développeurs de logiciels libres ayant mis en ligne une base de code savent déjà : la grande majorité des projets libres ne sont pas particulièrement collaboratifs. Le nombre médian de contributeurs à un projet de logiciel libre sur SourceForge ? Un. Un développeur solitaire. Les projets de SourceForge du quatre-vingt-quinzième centile en termes de nombre de participants n’ont que cinq contributeurs. Plus de la moitié de ces projets libres, et même la plupart des projets qui ont fait plusieurs versions à succès et ont été téléchargés fréquemment sont l’œuvre d’un seul développeur avec un peu d’aide de l’extérieur.

En insistant sur la puissance du développement collaboratif et de « l’évaluation décentralisée par les pairs », l’approche open source semble ne pas avoir grand chose à dire, dans la majorité des cas, sur les raisons pour lesquelles on devrait contribuer à un projet libre ou se servir d’un logiciel en développement. Puisque les avantages supposés de la collaboration ne peuvent être constatés quand il n’y a pas de collaboration, la grande majorité des projets de développement libres n’ont pas d’avantage technique sur leurs concurrents privateurs.

Pour les partisans du logiciel libre, ces mêmes projets sont tous vus comme des succès importants. Comme chaque logiciel libre respecte la liberté de ses utilisateurs, les partisans du libre peuvent argumenter qu’il possède au départ un avantage éthique intrinsèque sur les concurrents privateurs – même sur ceux qui proposent plus de fonctionnalités. En insistant sur la liberté plutôt que sur les avantages pratiques, la défense du logiciel libre est ancrée dans la réalité technique d’une façon qui manque souvent à l’open source. Quand le logiciel libre est meilleur, nous pouvons nous en réjouir. Quand il ne l’est pas, nous n’avons pas à considérer cela comme une attaque dirigée contre lui ni même comme un argument valable contre l’utilisation du logiciel en question.

Les partisans de l’open source doivent défendre leur thèse selon laquelle le logiciel développé librement devrait, ou devra avec le temps, être meilleur que le logiciel privateur. Les militants du logiciel libre peuvent quant à eux demander : « Comment peut-on rendre le logiciel libre meilleur ? » Dans le cadre du libre, les logiciels de haute qualité existent comme un moyen plutôt que comme une fin en soi. Les développeurs de logiciels libres doivent s’efforcer de créer des logiciels fonctionnels, flexibles, qui servent bien leurs utilisateurs. Mais ceci n’est pas le seul moyen de progresser vers la réalisation d’un objectif qui est à la fois plus simple et bien plus important : respecter et protéger leurs libertés.

Bien sûr, nous ne cherchons pas à nier que la collaboration joue un rôle important dans la création de logiciels de haute qualité. Dans la plupart des projets libres ayant réussi, ce fut d’ailleurs le cas. Il faut comprendre, soutenir et développer la collaboration, plutôt que de considérer dogmatiquement qu’elle va de soi, quand bien même les faits sont là pour montrer le contraire.

Crédit photo : James Rickwood (Creative Commons By)

Notes

[1] Autre traduction de proprietary : propriétaire