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Le 8 septembre prochain à Paris, au cours d’une rencontre ouverte à tous où seront présentes de nombreuses et éminentes personnalités (Richard Stallman, Bernard Stiegler, Martine Billard, Laurent Chemla…), va se créer officiellement la SARD, acronyme de Société d’Acceptation et de Répartition des Dons.
Vous en trouverez le Communiqué de Presse ci-dessous ainsi qu’une première Foire Aux Questions.
J’en suis signataire, tout comme Benjamin Jean qui outre ses fonctions à Veni Vidi Libri est également membre de Framasoft[1].
Je lui cède d’ailleurs la place pour nous présenter une initiative qu’il n’hésite pas à qualifier de « pavé dans la mare » qui pourrait changer, modifier notre vision de la propriété intellectuelle et la place qu’elle occupe dans notre société. Ces propos n’engagent que son auteur[2] mais je m’y associe bien volontiers.
Tout le monde connaît, même vaguement la Propriété Intellectuelle[3] et les utilisations qui peuvent en être faites (pour prendre les deux extrêmes : le contrôle absolu représenté par la SACEM ou les éditeurs de logiciels traditionnels, et le partage par les licences libres).
En bref, la propriété intellectuelle repose sur un équilibre entre l’intérêt du public (A) et l’intérêt des créateurs/auteurs/inventeurs/etc (B)[4]. Ses objectifs (qui justifie le monopole accordé aux ayants-droits (B)) sont : 1. de faciliter et favoriser l’innovation (au bénéfice de la société et donc du public (A)), 2. donner à l’auteur un contrôle sur son oeuvre en raison du lien qui les unit[5].
Ce système repose sur un postulat : « puisqu’il existe et qu‘il marche (des gens continuent à créer et innover), c’est bien que le système actuel favorise la création et sa diffusion. »
La SARD serait donc une remise en question de ce dernier postulat : un changement de paradigme, de mentalité, un système différent qui, s’il fonctionne, montrerait que le système actuel de Propriété Intellectuelle n’est pas la seule (et/ou la meilleure) façon de favoriser la création et l’innovation. Attention, il ne s’agit pas forcément d’une alternative, mais plus d’un système parallèle qui, s’il marche, délégitimerait celui que l’on connaît aujourd’hui.
Ainsi, ces artistes pourraient éventuellement toucher de l’argent/un financement sans user de leurs droits de propriété intellectuelle, à eux de voir ensuite s’ils désirent jouer dans les deux camps (qui sont néanmoins contradictoire puisqu’il me semble légitime de penser que celui qui compte diffuser gratuitement et massivement sa musique aura plus de facilité à recevoir des dons que celui qui ne vend que quelques exemplaires dans quelques boutiques spécialisées).
Voici donc une initiative des plus ambitieuses ! Difficile de prédire ce qu’il en adviendra.
Au pire nous aurons contribué à déplacer le « débat Hadopi » vers une réflexion moins répressive et plus constructive. Au mieux nous aurons effectivement participé à ce « changement de paradigme », sachant que, GNU/Linux ou Wikipédia peuvent en témoigner, l’époque semble favorable aux projets impossibles qui aboutissent.
Naissance de la SARD, Société d’acceptation et de répartition des dons, un nouveau mécanisme pour pour financer équitablement la créativité et la diversité numérique
URL d’origine du communiqué de presse
Paris, le 4 septembre 2009. Mardi 8 septembre à 16h sera fondée à Paris la Société d’acceptation et de répartition des dons (SARD), dans le cadre d’une journée consacrée aux alternatives au système des droits d’auteur, fragilisés à l’heure des réseaux d’information et de communication. En présence d’un des fondateurs du mouvement pour le logiciel libre, Richard Stallman, du philosophe Bernard Stiegler, d’artistes et de politiques (Pierre Aidenbaum, Martine Billard, Patrick Bloche), les fondateurs de la SARD présenteront ce système volontaire nouveau, inspiré par la proposition du Mécénat Global, basé sur le don du public aux œuvres qu’il souhaite soutenir.
Hadopi n’est pas encore adoptée par le Parlement en France que ce projet de loi liberticide se trouve déjà dépassé. Partout dans le monde, les lois qui régissent les rapports entre public et création sont en chantier, les industries culturelles crient au loup (le piratage), tandis que les auteurs n’ont toujours pas accès à un système de financement de leurs œuvres. Et les (longs) débats législatifs autour de la répression du public au nom de la protection des auteurs n’ont fait émerger aucun nouveau système de soutien à la création.
Pour sortir des discours caricaturaux et aborder les questions du financement de la création sur l’Internet et les réseaux, la reconnaissance des artistes et auteurs d’oeuvres numériques sur Internet, la SARD, ouverte au public, aux artistes, auteurs et créateurs, du monde entier et de toutes nationalités, se mobilise pour le libre accès à la culture, grâce à un système de financement par le don.
Trop utopiste, trop compliqué, trop alternatif, trop expérimental ? Ces critiques à l’encontre des tentatives de réfléchir à des alternatives viables à la notion hégémonique et confuse de « propriété intellectuelle » sont fréquentes. Pour répondre aux questions et appeler à un dialogue constructif entre public, auteurs et politiques,les membres fondateurs de la SARD (artistes, éditeurs, ingénieurs, journalistes, membres d’associations soutenant le libre, scientifiques) vous invitent à cette journée exceptionnelle.
Quand ?
- Le 8 septembre, de 16h à 22h.
Où ?
- Mairie du 3ème, 2 rue Eugène Spuller, 75003 Paris.
Quoi ?
- De 16h à 19h : Assemblée constituante de la Société d’Acceptation et de Répartition des Dons (SARD).
- De 19h à 20h : Conférence de presse.
- De 20h à 22h : Conférence : quelle alternative concrète pour le financement des œuvres numériques ? Avec Richard Stallman (le fondateur de GNU/Linux présentera le Mécénat global), Bernard Stiegler (le président d’Ars Industrialis parlera d’« Amateur d’art ou consommateur » et Antoine Moreau, l’instigateur de la Licence Art Libre, posera la question du « tous artistes ? ». Modération Laurent Chemla.
Comment ?
- Accès libre.
En savoir plus ?
- http://www.sard-info.org/
- mail : presse AT sard-info.org
SARD, la FAQ
Qui ?
Benjamin Jean (Veni Vidi Libri), Valentin Lacambre (Altern), Dominique Lacroix, Philippe Langlois (Hacklab), Christian Lavigne (poete et cybersculpteur), Antoine Moreau (instigateur de la Licence Art Libre), Francis Muguet (Mécénat global), Jérémie Nestel (Attention Chantier), Mathieu Pasquini (InLibroVeritas), Louis Pouzin (un pere de l’internet), Annick Rivoire (Poptronics), Raphael Rousseau (un fils de l’internet, activiste du Libre), Michel Sitbon (ACJ, Association des cyber-journaliste), Pierre Troller (artiste), Alexis Kauffmann (Framasoft).
Quoi ?
La SARD ou Société d’acceptation et de répartition des dons est ouverte aux artistes, auteurs et créateurs de toutes nationalités. Elle a pour objet de favoriser le libre acces a la culture, grâce a un systeme de financement par le don.
Ce mode de financement concerne toute production de l’esprit, et notamment tous les types d’oeuvres numériques et numérisées, qu’elles soient textuelles (blogs, sites, articles…), audio, visuelles, logicielles, plastiques ou musicales.
Sont considérés comme auteurs, toutes les personnes ayant contribué a la création de l’oeuvre.
Où ?
Sur l’Internet, et, plus largement, sur tous les réseaux d’information et de communication et dans tous les pays.
Pourquoi ?
Aujourd’hui, la création sur Internet et les réseaux d’information ne peut se suffire de la seule gratuité. Elle doit etre financée d’une maniere juste et équitable pour répondre aux attentes des artistes, des auteurs et du public. Le succes d’Internet reposant sur des millions d’auteurs et de contributeurs, il est important que ceux-ci, dans leur pluralité, puissent se fédérer pour que se constitue un mode de financement de la création.
Comment ?
Il s’agit de mettre en place un mécanisme simple de répartition des dons, faits par les internautes pour les oeuvres de leur choix. Il ne s’agit pas d’une nouvelle taxe ou redevance, mais bien d’une nouvelle façon de concevoir le rapport entre les auteurs et le public.
Qui donne ? Les grands donateurs (prestataires Internet, opérateurs télécoms, etc.) et les internautes directement, selon leur appréciation.
Comment l’argent collecté est-il réparti ? La SARD, en tant que structure d’expérimentation, mettra en place plusieurs systemes de répartition :
- l’internaute donne directement aux oeuvres de son choix.
- l’internaute verse au pot commun a la SARD selon des clés de répartition transparentes et claires, établies a partir de l’appréciation des internautes.
- les grands donateurs versent au pot commun de la SARD.
Un comité d’évaluation indépendant contrôlera régulierement le fonctionnement de l’association.
Combien ?
L’intégralité des dons destinés aux oeuvres est redistribuée aux oeuvres. Les frais de gestion de l’association sont financés par des donations spécifiques.
Pour Qui ?
Tous les artistes, auteurs et créateurs qui ont inscrit volontairement leurs oeuvres au service d’acceptation et et de répartition des dons.
Sont susceptibles d’inscrire leurs oeuvres :
- les artistes, auteurs et créateurs inscrits aupres des sociétés de gestion collective traditionnelles, la SARD vient en parallele des dispositifs existants.
- les artistes, auteurs et créateurs qui ne sont pas inscrits aupres des sociétés de gestion collective, l’inscription a la SARD n’engage en rien leurs droits sur leurs oeuvres.
- les artistes, auteurs et créateurs sous licence libre qui ne sont pas membres d’une société de gestion collective, la SARD est favorable a l’usage des licences libres.
Valentin Villenave
Excellente initiative, dont il faut espérer qu’elle rencontrera un large succès auprès du public et (plus important sans doute) des auteurs.
Le modèle me semble encore incomplet par certains aspects toutefois (mais j’espère qu’il sera assez plastique pour que tous les citoyens de bonne volonté puissent y apporter leur pierre) : ainsi, mettre l’accent sur le "don" est séduisant mais passe sous silence toutes les démarches de type "souscription" telles que (par exemple) les pré-ventes des DVD de la Blender Foundation (qui se lance en ce moment même dans son projet d’"open movie" le plus ambitieux).
Une autre question que je me pose, à laquelle j’espère que l’avenir répondra favorablement, est de savoir si cette nouvelle "société" sera à même d’obtenir l’agrément pour intervenir auprès des médias pour (enfin) permettre la radio- ou télé-diffusion d’oeuvres sous licences libres, au titre de l’article L217-2 du CPI. En l’état, cet article (parfaitement inique) ferme en effet peu ou prou les portes des grands médias à quiconque n’est pas sous la coupe de la SACEM/SACD et consorts.
Bref, une initiative que nous certainement serons nombreux à suivre avec intérêt (doublement pour ma part, en tant que musicien et co-responsable du Parti Pirate). Bon courage et à mardi !
Claude
Quelle bonne nouvelle !
Je ne doute pas un instant que la communauté du libre sera derrière pour améliorer les imprécisions et bugs de départ.
Étonnante correspondance de timing avec l’annonce par un ex-présentateur de TV d’une mission Hadopi 3, conduite par:
-un producteur de mannequin ( président de l’IMPALA et ex PDG de Virgin),
-un vendeur aux enchères ( ancien président de la Direction de la Concurrence et des fraudes)
-un ex-ministre qui a tout faux en souhaitant contrôler le net.
http://www.lemonde.fr/culture/artic…
Wetneb
Pour moi, c’est la première vraie intervention crédible face à HADOPI. Même si le projet est ambitieux, le discours est mesuré, posé et raisonnable. C’est cette attitude qui aurait dû être adoptée pendant la campagne de la quadrature, selon moi. Mais l’urgence de la mobilisation a donné lieu à des réactions plus "franches".
Et avec tout ce beau monde, on peut espérer que l’initiative aboutisse à quelque-chose de positif.
idoric
Est-ce que l’idée est de rester dans le don pur, ou est-il prévu de mettre en place des incitations (sous formes de privilèges) à faire des dons ?
Grunt
\o/
Enfin quelque chose de positif, de constructif, de cohérent!
Par contre c’est assez étonnant de voir que cette "SARD" se propose aussi de rémunérer les artistes qui ont choisi d’utiliser une licence propriétaire pour leurs oeuvres, voire même de signer à la SACEM.
C’est un peu comme si la FSF (Free Software Fundation) se proposait de récolter des sous et de les donner à Microsoft ou à ses employés sous prétexte que beaucoup de gens font des copies illégales de Windows XP.
Il manque peut-être une option parmi les modes de distribution envisagés par la SARD: la possibilité de faire un don "global", non à l’ensemble des artistes, mais à ceux qui ont choisi une licence libre pour leurs oeuvres. Dans la mesure où ceux qui ont choisi une licence propriétaire, et qui ont choisi de signer chez les sociétés de gestion "traditionnelles" ont déjà fait le choix d’un mode de financement qui n’a rien à voir avec l’approche "globale" de la SARD.
Stan
@Grunt :
Tu soulèves, il est vrai, un certain paradoxe.
Néanmoins, il faut bien voir que de nombreux artistes sont frileux à l’idée de mettre leurs oeuvres sous licence creative commons (quand ils connaissent seulement leur existence, ou que leur contrat avec une maison de disque le leur permet).
Je soutiens donc tout de même la démarche de la SARD, car en écartant cette crainte, on peut tout doucement les convaincre de l’intérêt de cette démarche (si celle-ci est un succès).
Sinon, il serait effectivement intéressant que le site de la SARD signale bien clairement quel type de licence utilisent les artistes (ne serait-ce que pour satisfaire ma curiosité 😉 ).
Grunt
@Stan:
Oui, la transparence est nécessaire: avant de décider de donner à un artiste, c’est la moindre des choses que de pouvoir le connaître un minimum.
Concernant les artistes, je ne dirais pas qu’ils sont "frileux": beaucoup n’ont curieusement pas été "frileux" à l’idée de signer à la SACEM, chez les majors, ni à l’idée de soutenir Hadopi.
Qu’un artiste soit prudent avant de prendre une décision concernant ses droits d’auteur, je veux bien, mais comment expliquer l’enthousiasme avec lequel la majorité des artistes pérpétuent le modèle et les acteurs actuels?
Quand des artistes comme (par exemple) Maxime Le Forestier assimile l’opposition à Hadopi à du "pétainisme", ce n’est pas vraiment une bonne réponse que de leur faire des "dons". D’autant plus que les artistes propriétaires estiment que vendre des CD à 20€ pièce et des titres en WMA DRMisé à 1€ le fichier est préférable aux licences libres, pourquoi leur faire goûter aux avantages du libre s’ils ont été tout sauf frileux quand il s’agissait de se vendre?
Stan
@Grunt : Je ne parlais pas de frilosité à s’inscrire à un service de répartition de revenu (qui est contre ??), mais de la frilosité à mettre ses œuvres sous licences CC.
Je crois qu’il est préférable de leur laisser encore le choix, plutôt que de les "forcer" à libérer leurs œuvres pour bénéficier des dons (ce qui pourrait les froisser).
Qui sait, peut être que dans quelques temps, on se rendra compte que les artistes qui utilisent les licences CC gagneront en moyenne +50% de revenu ? Et alors là, les autres comprendront… 😉
Je compte vraiment sur les fondateurs de la SARD pour mettre en valeur les creative commons.
Stan
Je crois que j’ai ommis de répondre à la seconde partie de ton commentaire :
Je ne suis pas d’accord avec toi. Je pense que la plupart des artistes ne comprennent pas l’intérêt des CC. Et cela ne veut pas dire qu’ils soient plus cons que la moyenne ! (même si l’exemple de Maxime Leforestier est frappant, n’en faisons pas une généralité)
Les CC entrent dans le cadre d’un schéma de référence totalement nouveau qu’il faut prendre le temps d’expliquer aux artistes, qui sont la plupart du temps à l’écoute d’un discours contraire de la part des maisons de disques.
A ta logique de conflit (j’exagère un peu), je préfère la pédagogie par l’apport de preuves 😉
Dorian
WoW ! Ca c’est bien pensé, surtout que ca manquais à beaucoup d’artistes qui voulait que quelq’un les défendent et s’assurent que leurs oeuvres (sous licences ouvertes) ne soient pas violées.
Par contre le système de don est celon moi un moyen et non une solution, le mieux serait de faire de la sard un point de repère.
La liste des concerts données (manquante sur Internet), les positions officielles de licences sur chaque musique (ca change entre dogmazic, jamendo, et leur site perso des fois).
Des articles sur libre.fm, jamendo, dogmazic, etc…
/jmj
Salut,
quelques remarques,
"Ainsi, ces artistes pourraient éventuellement toucher de l’argent/un financement sans user de leurs droits de propriété intellectuelle, (…) qui ne vend que quelques exemplaires dans quelques boutiques spécialisées)."
A titre personnel, je trouve cette assertion très litigieuse ou mal formulée parce qu’elle ne laisse pas de place à l’artiste qui se retrouve devant un choix qui n’en est vraiment pas un mais plus un ultimatum du genre : "si tu choisis l’ancien système, tu n’auras rien".Et les ultimatums ne sont pas ce qu’il y a de mieux.
Ensuite imaginons le cas d’un oeuvre publiée en cc. Dans cette oeuvre, un artiste est inscrit à la SARD, un autre non. Le troisième qui a assemblé les deux oeuvres lui est déclaré à la SARD, comment seront répartis les dons et de quelle manière ? Comment allez-vous déterminer l’originalité ou la simple copie ? Par exemple, une image publiée en CC est en couleur, je la mets en noir et blanc. Est-ce que je serai rémunéré pour avoir mis la photo en noir et blanc ?
dana
Bizarrement, certains auteurs publiant sous licence libre sont furax à cause de ce projet.
On lira leurs remarques en commentaire de ce texte :
http://outsiderland.com/disseminati…
j’ai enregistré une petite causerie qui résume les arguments des personnes que cette SARD insupporte. Évidemment, ce que pensent certains groupuscules d’auteurs, on s’en fout un peu hein (comme dirait nos ministres de la culture). mais enfin bon, je fais passer ça pour info.
http://outsiderland.com/disseminati…
/jmj
@ dana
La question de vouloir rémunérer l’auteur d’une création libre qui n’est pas un logiciel est une bonne chose parce que cette question, en dehors du logiciel libre, n’a jamais été abordée ou trop rarement soulevée donc ne soyons pas trop critiques même si l’objet en soi pose beaucoup de questions.
La sard est, en conséquence, le résultat de cette question mais aussi de la loi hadopi. Quelque chose se fait même si à titre personnel je trouve toujours ambigu qu’une entité x décide de rémunérer une oeuvre y (sur quels critères ? on retombe dans le cadre de la subvention ou d’une forme de mécénat).
Le plus dur est de trouver une forme de rémunération non subjective si j’ai bien compris l’objet qui se dessine derrière la sard. Autrement dit de séparer la question du revenu de la création en se basant sur le fait que l’oeuvre est diffusé publiquement par le biais d’une licence libre. Si c’est cela, le projet risque d’être très intéressant sinon on retombe dans la question du choix et, par conséquent, de la subvention (chose très franco-française parce qu’il n’y a qu’ici où il existe un ministère de la culture…)
Patrick
En voilà une initiative qu’elle est bonne!
Ça fait au moins 10 ans que j’ai en tête l’idée d’une structure comme celle-là, je suis content de voir que ça se concrétise par d’autres.
J’aurais des tas de questions… Est-ce que la SARD sera plutôt gérée par des artistes comme une société d’auteurs, ou plutôt par les donateurs? Est-ce que le mélange d’œuvres libres et propriétaires ne risque pas de brouiller le message? Etc.
Bonne chance à SARD.
dana
@jmj
La question de la rémunération de l’auteur d’une création libre ne cesse au contraire de revenir comme un leitmotiv depuis que je fréquente le milieu (dogmazic notamment). Et toujours, immanquablement, quand on écoute les rares mais récurrentes revendications dans ce sens, on se demande si, tout compte fait, le plaignant a bien fait de choisir une licence libre. Dans la pratique, la plupart des auteurs se débrouillent, en faisant appel à des sources de financement diverses et variées (le don en fait parfois partie). Et je n’ai jamais lu de pétitions ni assisté à de défilés d’auteurs sous licence libre demandant une rémunération ou une meilleure rémunération (ce qui n’est pas le cas dans le camp des auteurs inscrits à la sacem par exemple). C’est une des raisons qui font que cette "initiative" qui semble-t-il veut le "bien" des auteurs (sous licence libre mais pas que) me paraît tout à fait inappropriée. On veut notre bien, ce qui est sympathique, sauf qu’on* n’a, que je sache, rien demandé.
*on = les auteurs avec qui je milite dans le milieu du libre depuis 7 ans (notamment sur dogmazic/musique-libre.org). Ce qui fait un bon paquet de musicos quand même, et de musicos engagés.. mais bon.. qu’en pensent les autres ? (sur jamendo par exemple) mystère.. Mais ça me ferait bizarre de penser que cette SARD vienne répondre aux plaintes éventuelles d’utilisateurs de jamendo (où domine tout de même une version très utilitariste des LLD, style "les LLD sont un moyen pratique d’acquérir de la notoriété et gagner en visibilité à peu de frais", ce qui n’est pas la ligne que je défends bien sûr)
Frilouz
@jmj : "subvention (chose très franco-française parce qu’il n’y a qu’ici où il existe un ministère de la culture…)" = Idée reçue.
Il existe des ministères de la culture dans de nombreux pays (souvent culture + autre chose, comme en France : Culture et Communication), même si leurs missions diffèrent d’un pays à l’autre.
Voir par exemple pour l’Europe :
http://ec.europa.eu/culture/portal/
Même les anglais :
http://www.culture.gov.uk/
les espagnols :
http://www.mcu.es/
ou les québécois :
http://www.mcccf.gouv.qc.ca/
Quand aux subventions, elles sont aussi monnaie courante hors de France (dans les pays qui en ont les moyens), et si elles ne viennent pas de l’état, elles peuvent provenir de la région (état fédéral ou décentralisé : Allemagne, Espagne, Italie) ou des municipalités. Je suis sûr qu’en cherchant bien, on trouverait des "subventions" même aux USA, y compris de la part de l’état fédéral, et même s’ils n’ont pas de ministère de la culture "officiel".
dana
@frilouz, sur la question de la culture aux états unis, il faut absolument lire l’étude de Fédéric Martel, de la culture en Amérique, NRF 2004. Des statistiques sont disponibles à la fin du livre (on y voit par exemple que la part du NEA, l’équivallent pour dire vite (mais alors très vite) de notre ministère de la culture ne représente qu’1% des financements des structures culturelles non-lucratives. Contrairement à ce que l’on croit de ce côté-ci de l’Atlantique, le secteur non-marchand est bien plus développé que chez nous, et le pays est couvert d’association et de "fundations", tout cela étant rendu possible par une défiscalisation systématique pour ce secteur. Il n’existe pas une SARD, mais des milliers de structures indépendantes vouées à recevoir des dons pour des projets culturels. L’autre aspect important du système est que les dons proviennent pour une grande part (mais pas que !) des citoyens les plus fortunés (et il y a beaucoup de riches aux states 🙂
Brice
Très enrichissant !
Où peut-on retrouver la vidéo de la conférence ?
Etenil
Je plusse, ou est la vidéo??
pyg
Pas de vidéo, mais des podcasts audio enregistrés par les sympathiques petits gars d’Oxyradio.
http://www.oxyradio.net/podcast.htm…
Bonne écoute 🙂
aKa
Signalons cet article du Monde qui fait suite à la soirée fondatrice d’hier.
"Le mécénat global, alternative à Hadopi ?"
http://www.lemonde.fr/technologies/…
Nomys_Tempar
Le seul intérêt de la SARD c’est finalement de n’avoir AUCUN rapport avec le Libre hormis le fait que Stallman et Moreau soutiennent le truc.
Il ne faut pas s’y tromper on ne parle ni pour les auteurs sous licences libre (qui n’ont rien demander) ni pour les licences en elles-mêmes…
…
Grunt
@Nomys_Tempar:
Cherche pas à comprendre.
Autant le mouvement du logiciel libre s’est fondé sur des bases intelligentes, avec des gens qui se sont dit "Nous allons partir de zéro et proposer notre propre modèle de licence, notre propre vision du logiciel et du business", autant cette démarche peine à démarrer dans le domaine culturelle..
dana
@grunt
c’est gentil de dire que "cette démarche peine à démarrer dans le domaine culturelle (sic)"
il y a des musiciens qui travaillent depuis une bonne dizaine d’années sous licence libre, des labels, des plates-formes comme musique-libre.org (aujourd’hui dogmazic). Et pas seulement en musique. Alors je ne sais pas ce que tu entends par "démarrer", mais c’est notre quotidien depuis des années en tous cas. Et je ne me sens pas spécialement moins "intelligent" que les gens du logiciel libre 🙂 – simplement les problématiques sont différentes voilà tout, on ne peut pas assimiler purement et simplement un logiciel et une œuvre d’art, c’est différent c’est tout.
@Nomys_Tempar :
Effectivement, la SARD n’a rien à voir avec ça : on est un paquet d’artistes à ne pas avoir attendu la SARD pour travailler comme on l’entend sous licence libre – et d’ailleurs, on ne se plaint de rien – contrairement à ceux qui peuplent les listes pro-hadopi par exemple. De fait, le truc étrange avec cette SARD, c’est qu’elle constitue plutôt une tentative de réponse aux plaintes des ayants droits qui relèvent du droit d’auteur traditionnel et contraignant. Les musiciens sous licence libre n’ont pas manifesté pour de meilleurs revenus que je sache ? (l’ambiguïté de la SARD vient de ce qu’on trouve dans le comité qui la propose des personnalités issues du monde du libre.)
Grunt
@dana:
Heureux de l’apprendre alors, et toutes mes excuses. Peut-être que la culture libre souffre du même mal que le logiciel libre: en dehors du "cercle" on en entend peu parler.
Ça ne m’empêche pas d’aller sur Jamendo ou Dogmazic, mais j’ai la cruelle impression que l’art libre reste minoritaire et que le nombre d’artistes libres n’évolue pas.. Ceci dit, le logiciel libre donne la même impression. Que les choses sont lentes à faire bouger dans un monde saturés par les "gros", saturé économiquement, médiatiquement, culturellement..
Aubasmot
Quand je vois les noms des personnes à l’origine de ce projet, je ne peux qu’y croire, et je fais entière confiance à ces personnes, pour mener à bien, et gérer ce projet ambitieux, dans les meilleurs conditions possible.
Maintenant le plus dur sera de faire changer les habitudes des "clients" pour lesquels acheter, est chose facile et habituelle, mais faire un don, n’est pas aussi spontané.
Il va aussi falloir compter sur les médias dominants, pour mettre à mal ce projet, en utilisant tous les moyens puissants dont ils disposent.