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« Si vous éprouvez quelques difficultés à saisir l’essence du logiciel libre, je vous invite à parcourir ce dialogue entre Socrate et Antiphon dans Les Mémorables de Xénophon. »[1]
Telle est la suggestion d’un blogueur grec, reprise par un blogueur anglophone, qui a déterré ce court et pertinent passage nous rappelant que les préoccupations d’aujourd’hui ne sont pas sans similarités avec celles de 370 av. J.-C. !
Les Mémorables de Xénophon
Chapitre VI – Extrait
Une autre fois, Antiphon, s’entretenant avec Socrate, lui dit : « Je ne doute pas, Socrate, que tu ne sois juste, mais savant, tu ne l’es pas du tout, et il me paraît que tu t’en rends compte toi-même, car tu ne tires aucun argent de tes leçons. Cependant ton manteau, ta maison ou tout autre objet que tu possèdes et que tu crois valoir quelque argent, tu ne les donnerais gratuitement à personne, tu ne les vendrais même pas au-dessous de leur valeur.
Il est donc évident que, si tu croyais que ton enseignement vaille quelque chose, tu n’en exigerais pas moins d’argent qu’il ne vaut. Tu es donc un homme juste, puisque tu ne trompes pas par cupidité, mais un savant, non pas, puisque tu ne sais rien qui ait de la valeur. »
A cela Socrate répondit : « C’est une opinion reçue chez nous, Antiphon, qu’on peut faire de la beauté et de la science un emploi honteux aussi bien qu’un emploi honorable. Quand un homme vend sa beauté pour de l’argent à qui veut l’acheter, on l’appelle prostitué ; mais si quelqu’un prend pour un ami un homme en qui il a reconnu un amoureux vertueux, nous l’appelons un sage. Il en est de même à l’égard de la science : ceux qui la vendent pour de l’argent à qui veut la payer sont appelés sophistes, comme ceux qui vendent leur beauté, prostitués ; mais si un homme, ayant reconnu dans un autre un heureux naturel, s’en fait un ami en lui enseignant ce qu’il sait de bon, nous pensons qu’il se comporte comme il convient à un honnête citoyen.
C’est ce que je fais moi-même, Antiphon. D’autres se réjouissent de posséder un beau cheval, un chien, un oiseau ; moi, je me réjouis, et bien davantage, d’avoir des amis vertueux, et, si je sais quelque chose de bien, je le leur enseigne, et je les présente à d’autres, que je crois capables de les aider à progresser dans la vertu. Je déroule et parcours en compagnie de mes amis les livres où les anciens sages ont déposé leurs trésors. Si nous y voyons quelque chose de bien, nous le recueillons, et nous regardons comme un grand profit de nous être utiles les uns aux autres. »
voz
Excellent ! 🙂
Mais je me demande si il ne faudrait pas revoir la traduction du terme : amoureux vertueux, qui a notre époque prend un sens étrange ! non ?
@HYGER
A regarder, cette série de vidéos de Bernard STIEGLER qui analyse ce propos plus en détail : http://www.christian-faure.net/2010…
Marco
"Un sens étrange" ? Dans quel sens ? Je crois que le sens est plus ou moins le même à notre époque ainsi qu’à celle de Socrate (cf http://fr.wikipedia.org/wiki/Homose…). Est-ce que parler de "prostituée" et "amoureuse vertueuse" aurait été moins choquant ? 🙂
totophe
C’est la traduction Talbot de 1859 (http://remacle.org/bloodwolf/histor…), c’est la référence mais c’est toujours perfectible. Vous pouvez collaborer à une meilleure traduction car je pense que le texte est dans le domaine public maintenant (?) 🙂
Je dirais tout de même que l’emploi de ce texte appliqué au modèle collaboratif et de partage du logiciel libre est un petit peu forcé. (mais c’est toujours le cas lorsqu’on prend des textes anciens pour expliquer des concepts présents).
Ici Xenophon, élève de Socrate, reproduit l’image du maître et dénonce les sophistes. Pour autant, il oublie sciemment quelque chose (ce que reprochera Aristote): les sophistes sont surtout des juristes/avocats. C’est l’argument majeur ici: dénoncer les discours politiques contre les discours des sophistes : l’opinion contre la vérité. C’est toujours le statut de la réthorique qui est questionné : qui maîtrise la logique du discours exerce un grand pouvoir pour exposer ou non la vérité que contient ce discours.
J’ai du mal à voir la relation avec le logiciel libre ou même la seule question de la gratuité ou encore du partage des connaissances / logiciels.
Si un parallèle est fait alors on vit comme "les chiens" (les cyniques) et on prétend préférer la vérité et la vertu aux contingences (alors que les deux ne sont pas exclusifs). Or, ce n’est pas du tout la logique du logiciel libre, et ce n’est pas non plus la teneur de ce texte qui dénonce la malhonnêté des sophistes (donc ici, c’est l’honnêteté du discours socratique contre la sagesse en baril de lessive).
Avec précautions, donc…
voz
Hum! En tout cas, il est vrai que certaines choses n’ont de valeurs qui si elle sont données sans contreparties… 🙂
mikelenain
Perso, j’aime bien le coté : tout n’est pas vendable …. ou pour être plus précis : «on n’est pas obligé de toujours demandé rétribution pour ce que l’on fait. on peut très bien aider de manière totalement désintéressée». Et c’est ce coté de la "non-obligation" de rétribution qui me plaît le plus dans le logiciel libre (sans que ce ne soit pour autant interdit).
natchack
Merci a Totophe de nous rappeler (Avec brio !) qu’un texte n’est rien sans son contexte.
Simoniak
Le parallèle avec le logiciel libre est en effet un peu forcé ; rapplelons, de plus, que le caractère primordial du logiciel libre n’est pas la gratuité, mais la liberté.
http://www.gnu.org/philosophy/free-…
microniko
Sauf que, Socrate était un aristocrate ce pourquoi il n’avait pas besoin d’être payé… Au contraire des sophistes qui se faisaient payer pour pouvoir vivre, tout simplement. J’appuie le commentaire de Simoniak, en effet, c’est la liberté qui est intéressante, plus que la gratuitée…
jpe
@microniko : "la gratuitée"
@mikelenain : "de toujours demandé"
Pourriez-vous -svp- prévisualiser votre commentaire avant de le poster ?
ça en renforcerait la pertinence !
J’espère que ce n’est pas trop demander…