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Il est désormais acquis qu’une expérience de contributeurs dans une ou plusieurs communautés du logiciel libre est un atout dans le secteur professionnel informatique. Mais, dans ce monde qui bouge et qui commence à mettre de l’« open » à toutes les sauces, elle pourrait l’être également bien au-delà.
C’est pourquoi il est bon d’encourager les jeunes à se lancer et participer. C’est pourquoi aussi il est proprement scandaleux que les instances éducatives françaises continuent superbement d’ignorer le logiciel libre et sa culture.
PS : Oui, je sais, ni le titre, ni mon intro, ni la photo[1] ne collent parfaitement avec la traduction qui va suivre, mais bon un peu quand même ! Et puis le titre est joli non ? Vous auriez préféré « Les winners de demain sont dans le logiciel libre » ? Non quand même pas !
Sur un difficile marché du travail, votre expérience dans le monde de l’open source pourrait être un atout à plus d’un titre
In a tough job market, your open source experience may be an asset in more ways than one
Chris Grams – 16 août 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Marting)
Cela vous ressemble-t-il ?
Depuis longtemps, vous utilisez des logiciels open source ou contribuez à des projets open source. Vous utilisez peut-être régulièrement des outils open source dans votre activité professionnelle, ou encore préférez-vous seulement vous amuser avec, pour le plaisir ou pour maitriser de nouvelles compétences.
Vous êtes connus pour raconter des histoires (peut-être véridiques) qui montrent que vous appartenez au monde de l’open source depuis longtemps (de « Je me souviens avoir téléchargé la première version de Fedora » à « Je me trouvais dans la pièce où le terme open source a été inventé »). Mais plus important encore, vous vous considérez comme un membre actif d’une ou plusieurs communautés open source.
Pensez-vous que le temps passé à contribuer à ces communautés open source pourrait être plus qu’une bonne expérience technologique ? Qu’il pourrait vous préparer à des emplois qui n’ont aucun rapport avec l’usage ou la fabrication du logiciel ?
J’ai étudié l’histoire et les sciences politiques à l’université. Non parce que je voulais devenir politologue ou historien, mais parce que, enfin… en fait je ne le sais pas vraiment. Mais au final, je suis réellement heureux d’avoir étudié ces matières.
Pourquoi ? Elles m’ont apporté des tonnes d’expérience lorsque je faisais de la recherche ou que j’écrivais, elles m’ont appris à organiser efficacement mes idées et mes pensées. Bien que je ne me rappelle pas comment Alexandre le Grand a battu les Perses à la bataille d’Issos et que je ne sois plus capable de réellement comparer les points de vue de Rousseau et Locke, j’utilise de nombreuses compétences acquises lorsque j’étudiais quotidiennement ces sujets.
Au risque d’avoir l’air de faire de la publicité pour une éducation aux arts libéraux, permettez-moi d’aller plus loin.
Pendant que vous avez joyeusement participé à des communautés open source parce que vous aviez besoin d’un morceau de logiciel ou que vous souhaitiez le rendre meilleur, il se pourrait que vous bénéficiez d’un effet secondaire important. Vous pourriez avoir acquis une expérience de la gouvernance des organisations du futur.
Au cours des quelques années passées, j’ai eu la possibilité de travailler avec des organisations de différentes industries, dont la finance, l’éducation, les services, l’hôtellerie, et même dans des environnements gouvernementaux ou non gouvernementaux. Nombre d’entre-elles sont occupées à explorer comment elles peuvent être plus compétitives, grâce à l’utisation de techniques que nous, dans le monde de l’open source, avons déjà mises en œuvre avec succès.
Par exemple, certaines souhaitent tester des projets collaboratifs à grande échelle, impliquant des participants qui ne sont pas membres de leurs organisations. D’autres veulent savoir comment créer des méritocraties internes où les gens se sentent investis et où les meilleures idées peuvent venir de n’importe où. D’autres encore souhaitent démarrer des relations plus riches avec la communauté de ceux qui se soucient de leurs organisations. Si vous êtes un lecteur d’opensource.com, vous nous avez vu mettre en valeur de nombreux exemples dans les affaires, les gouvernements, l’éducation, la santé ou autres.
Ces organisations ont beaucoup à apprendre de ceux d’entre vous qui ont déjà une expérience pratique réelle dans de véritables communautés.
Dans son libre Outliers, Malcolm Gladwell a introduit l’idée que ceux qui sont devenus des sommités mondiales dans leur art (il cite comme exemples Mozart, Steve Jobs et les Beatles) y sont parvenus en partie parce qu’ils ont été capables de le pratiquer de manière démesurée avant les autres dans leur domaine. Selon les recherches que Gladwell cite dans son livre, une personne a besoin de 10000 heures de pratique pour atteindre la maîtrise.
À combien êtes-vous de ces 10000 heures de participation dans le monde de l’open source ? Si vous avez passé 40 heures par semaine dans des communautés open source pendant 5 ans, vous avez peut-être déjà acquis vos 10000 heures.
Mais même si vous n’avez pas encore vos 10000 heures, je crois que vous en savez déjà beaucoup sur les modes de fonctionnement des communautés open source.
Ainsi, si vous croyez que les organisations du futur pourraient être gouvernées grâce aux principes actuellement utilisés avec succès dans les communautés open source, et que vous y avez une copieuse expérience de contribution, pourriez-vous avantager une organisation qui recherche des moyens plus efficaces, pour être plus compétitive ? Et pourriez-vous être un atout pas uniquement par vos compétences technologiques open source, mais également grâce à votre état d’esprit open source ?
Un exemple : Mes amis Dave Mason et Jonathan Opp, qui totalisent chacun bien plus que 10000 heures d’expérience dans le monde de l’open source, ont récemment fait leur entrée dans le concours Harvard Business Review / McKinsey M-Prize dans la catégorie Management innovant avec un hack profondément inspirée par leur expérience dans l’open source.
Leur idée ? Prendre le principe du « fork » tel que pratiqué dans les projets de développement open source et l’appliquer au management des organisations (tous les détails de leur idée sont ici). Leur bidouille « Prête à forker » a récemment été sélectionnée dans une liste de 150 propositions soumises par des gens du monde entier comme l’une des 20 finalistes du M-Prize. Plutôt impressionnant.
Alors pensez-y : au-delà de votre expérience technologique, qu’avez vous appris d’autre en contribuant à des communautés open source, qui pourrait avoir de la valeur pour un employeur potentiel ? Y a-t-il des compétences et des manières de penser que l’open source vous a enseignées qu’il serait bon de valoriser dans un entretien d’embauche, ou comme argument pour une promotion ou un nouveau poste ? Commencez à voir votre expérience open source comme un nouvel ensemble de compétences en matières de pensée et de travail, qui pourraient être très demandées par les organisations qui voudront rester compétitives dans le futur.
En agissant ainsi, vous pourriez vous ouvrir des opportunités intéressantes que vous n’auriez pas envisagées auparavant.
Aa
Le chat est très mignon en tous cas 🙂
(oui je sais mon commentaire n’a aucun rapport avec l’article, mais comme le titre et l’illustration non plus…)
Aa
Pour commenter plus intelligemment (j’espère) :
Oui, oui, cent fois oui participer à un projet « open » (open source, open knowledge, open-ce qu’on veut) est extrêmement enrichissant et apporte des compétences valorisables dans le travail, dans la vie, dans les relations humaines etc. J’en ai fait largement l’expérience.
Je crois que cela se passe parce que nous participons à ces projets sur notre temps libre le plus souvent, de façon immatérielle et très souvent sous pseudonyme : on se dégage d’emblée de toutes les contingences professionnelles, sociales, familiales, etc. Reste sans doute la contingence culturelle, mais très atténuée.
En nous dégageant de toutes ces contraintes, nous avons l’esprit plus ouvert aux choses, aux concepts et aux personnes, ce qui nous permet de nous intéresser aux choses avec moins d’a priori et donc de prendre la nouveauté pour ce qu’elle est : un défi, souvent une rencontre humaine, un enrichissement. Dégagés de la pression sociale (je ne suis qu’un pseudo sur un projet), nous pouvons apprendre sans craindre de nous tromper ou d’être « noob », en accordant moins d’importance au regard des autres. Et cela permet très probablement cet enrichissement en compétences.
Pour ma part cela a été spectaculaire. En quelques années j’ai totalement changé d’orientation professionnelle, énormément modifié ma vie sociale, enrichi mes connaissances de façon dingue et développé une curiosité intellectuelle que je n’avais pas du tout à ce point là avant.
La question que je me pose quand même, est la suivante : est-ce que c’est en participant à ces projets que je me suis ouverte à ce point à la nouveauté et que j’ai pu développer ces nouvelles compétences, ou est-ce que c’est parce que j’avais une prédisposition à cette ouverture que j’ai pu m’intégrer très facilement dans un projet « open » et donc faire fructifier cette prédisposition ?
Dans le 1er cas, je me dis alors qu’on devrait intégrer la composante collaborative et ouverte de façon beaucoup plus radicale dans l’éducation, pour que tout le monde puisse avoir cette chance d’enrichissement. Dans le 2e cas, cela veut dire malheureusement que cet enrichissement incroyable restera accessible à un petit groupe seulement, qui aura déjà en lui les germes de la réussite dans les projets collaboratifs et ouverts.
La vérité est sans doute un peu au milieu et comme je ne la connais pas, ma position actuelle est de proposer au plus grand nombre de participer, en espérant qu’une part significative s’intègrera suffisamment pour, au delà des résultats bruts du projet choisi, en tirer autant de richesses que ce que j’ai pu acquérir.
Thatoo
@ Aa : dans votre 2° cas, vous parlez de prédispositions. Questionnez-vous, d’où vous viendraient t-elle?
Faites vous allusion à des prédispositions que vous auriez acquises pendant votre vie? Dans ce cas, cela revient à votre 1er cas, en remplaçant collaboration par ouverture d’esprit.
Ou bien faites vous allusion à des prédispositions innées (de naissance)? Et là bonjour l’implication des gènes comme facteur de supériorité d’un homme sur un autre. Attention danger avec ce genre de propos!!!
Il n’y a pas de 2° cas! Ni les parents, ni les enfants d’Einstein n’ont eu son génie…
Et oui, en plus de construire un système d’enseignement (l’éducation c’est pour les parents) qui développe l’esprit critique, ce qu’il ne fait pas aujourd’hui puisqu’il prépare les enfants à devenir de bon salariés et seulement ça, il faut développer la coopération et le sens du partage.
Jujens
@Aa : je pencherais un peu au vue de votre commentaire pour la première solution. En participant à ces projets avec des personnes que vous ne connaissiez pas et avec lesquelles vous n’auriez certainement jamais communiqué autrement vous vous êtes ouvertes plus que par d’autres moyens.
Pour s’ouvrir, la diversité des relations est, à mon avis, capitale.
Aa
@Thatoo et @Jujens : chouette, vous m’offrez une psychanalyse gratuite ^^
Plus sérieusement, si parler de « prédisposition » peut être tendancieux, alors on pourrait parler de « caractère » plutôt : est-ce que c’est ce que j’étais avant (même sans que cela ne se soit épanoui), qui m’a permis de monter dans le train en marche ? Ou est-ce que le train était en gare, je suis montée dedans et j’en ai pris la pleine mesure ensuite ?
Bref, éternel débat inné / acquis, une fois de plus, on reste dans les grands classiques !
C’est toujours plus rassurant de penser que l’acquis prime, cela respecte notre envie de liberté. J’aimerais que ce soit cela, que tout le monde ait les mêmes chances. Mais pour avoir accueilli de très nombreux « nouveaux » dans ces projets collaboratifs, je ne sais que trop bien que même à traitement égal, certains vont accrocher, et d’autres non. Certains vont adhérer, d’autres vont trouver cela impossible.
Il y a très certainement des choses à modifier dans le comportement des participants, mais je ne peux m’empêcher de penser tout de même que s’épanouir dans les projets collaboratifs ouverts nécessite une certaine disposition d’esprit préalable, qui pourra ensuite être pleinement exploitée par l’ouverture et la rencontre.
Mais tout n’est pas écrit d’avance, je pense qu’en réalité cette disposition d’esprit, le plus grand nombre l’a, il suffit « juste » d’aider à sauter dans le bain…
Bbb
J’ai la même intuition que l’auteur de cet article. Depuis quelques années maintenant que je connais le monde du logiciel libre, je me dis que c’est un formidable modèle pour l’avenir. Plusieurs éléments me laisse penser ça… wait & see.
En tout cas dans ma tête le logiciel libre à de loin dépassé le cadre du seul logiciel. Je dirais même que plus le temps passe et plus l’essentiel de l’apport du logiciel libre se fait en dehors du monde informatique.
Entre nous ça donne de l’espoir pour l’avenir tous ça.
Le_Deproletaire
lien : http://www.cip-idf.org/article.php3…
lecture bonne .
michel
Le billet aurait pu s’appeler « L’open-source peut aussi être utilisé pour exploiter les humains »
Il est question dans ce billet de « compétitivité », de « méritocratie », d' »employabilité » (même si le terme n’est pas utilisé). Il s’agit donc de devenir un « gagnant » grâce à l’open-source.
Il est bien loin, et même aux antipodes, du projet collaboratif, où chacun peut apporter sa contribution, s’opposant justement à cette compétition sans fin dont l’ultime forme est la guerre (économique ou militaire).
L’article a le mérite de monter que l’open-source, comme le reste peut être récupéré à des fins de domination.
Aa
@ Michel : il s’agit plutôt d’épanouissement. Qui n’implique pas forcément domination (ou alors vous avez une curieuse conception du bonheur…)