La promotion du Web Ouvert a bien changé mais Mozilla est toujours là

Classé dans : Logiciel libre | 10

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SCA Svenska Cellulosa Aktiebolaget - CC byPromouvoir le Web ouvert est l’une des missions de Mozilla.

Mission parfaitement assumée et réussie il y a quelques années avec l’avènement de Firefox qui obligea Internet Explorer à quitter son arrogance pour rentrer dans le rang et se montrer plus respectueux des standards et donc des internautes.

Sauf qu’aujourd’hui la donne a sensiblement changé.

Avec la mobilité, les stores, les apps, les navigateurs intégrés, etc. c’est en effet un Web bien plus complexe qui se présente devant nous. Un Web enthousiasmant[1] mais plein d’embûches pour ceux qui sont attachés à son ouverture et à sa neutralité.

C’est tout l’objet de ce très intéressant récent billet du développeur Mozilla Robert O’Callahan.

Des changements dans la façon de promouvoir le Web Ouvert

Shifts In Promoting The Open Web

Robert O’Callahan – 30 septembre 201 – Blog personnel
(Traduction Framalang  : Antistress et Goofy)

Historiquement Mozilla a dépensé pas mal d’énergie pour promouvoir l’usage du «  Web ouvert  » plutôt que de plateformes propriétaires et de code spécifique à des navigateurs non standards (IE6). Cette évangélisation reste nécessaire mais le paysage s’est modifié et je pense que notre discours doit s’adapter.

Les plateformes dont nous devons nous préoccuper ont beaucoup changé. Au lieu de WPF, Slivertlight and Flash, les outils propriétaires pour développeurs avec lesquelles il faut rivaliser dorénavant sont iOS et Android. En conséquence, les fonctionnalités que le Web doit intégrer sont à présent orientées vers la mobilité. Nous devons abattre les barrières qui incitent les développeurs d’applications mobiles à écrire des applications natives plutôt que des applications Web, et nous devons promouvoir (et c’est ce que nous faisons  !) le développement et l’usage d’applications Web au lieu d’applications natives. Les démonstrations qui ne fonctionnent que sur les navigateurs des micro-ordinateurs sont moins importantes.

Le Web ouvert doit également faire face à de nouvelles plateformes rivales intéressantes  : des plateformes qui sont conçues sur les standards du Web mais qui brident l’installation d’applications pour créer une plateforme entièrement contrôlée par le fabricant. L’app store (plateforme de téléchargement d’applications) de Chrome et celle du futur Windows 8 Metro en sont des exemples. J’ai été très déçu de voir que les versions hors connexion de Gmail et Google Calendar n’étaient proposées que sous la forme d’applications pour Chrome. Et même si Angry Birds fonctionne très bien sur Firefox, son affiliation commerciale à Chrome laisse certainement croire qu’il ne fonctionne que sur Chrome. Pour contrer cela nous devons nous assurer que la compétition entre navigateurs reste forte et offre aux développeurs des app stores indépendants des navigateurs. Mozilla travaille dessus, bien sûr :-). Nous devons également exprimer clairement que les app stores dédiés à un navigateur vont à l’encontre d’un Web ouvert.

Une forme de compétition moins évidente résulte de développeurs d’applications se focalisant sur un seul navigateur ou un seul moteur de rendu. Google demande explicitement à ses développeurs de cibler uniquement Chrome avant de penser aux autres navigateurs. C’est compréhensible, mais ça reste perturbant. Une autre préoccupation est de constater que beaucoup de sites pour appareils mobiles ne ciblent que WebKit (parfois implicitement en codant en fonction des bogues de WebKit, le plus souvent explicitement en codant des fonctions propres à WebKit). Beaucoup de développeurs de sites pour appareils mobiles, y compris des développeurs de sociétés renommées comme Google, sont réticents à changer de comportement. C’est un immense problème pour le Web ouvert. Nous avons besoin d’une campagne de promotion des standards du Web ouvert à destination des développeurs de sites pour appareils mobiles. Nous devons être clairs sur le fait que proposer des applications qui ne tournent que sur un seul moteur de rendu, quel que soit ce moteur, va à l’encontre d’un Web ouvert.

C’est malheureux de constater que, parmi les principaux concepteurs de navigateurs, seul Mozilla (et peut-être Opera) n’a pas d’intérêt particulier au succès d’une plateforme Web non ouverte. Je suis content de travailler ici.

Une chose formidable concernant le Web actuellement est l’explosion de nouvelles fonctionnalités et standards pour les développeurs Web. Pourtant nous devons distinguer avec soin les bons standards ouverts des imitations poussées unilatéralement. Toutes les propositions de standards ne sont pas bonnes pour le Web, même si elles sont accompagnées d’une implémentation open-source. Maciej Stachowiak désigne quelques projets de Google – VP8, SPDY, Pepper, and Native Client – qui, bien qu’étant peut-être de bonnes idées, échouent plus ou moins à être de véritables standards ouverts (le manque d’une bonne spécification pour VP8 est un problème que nous pouvons et devrions régler nous-mêmes à Mozilla). Il y a aussi des cas où, même si une bonne spécification collégiale existe et est attendue par certains développeurs, la fonctionnalité n’est pas bonne pour le Web et doit être repoussée. C’est pourquoi je pense que, lorque nous faisons la promotion du Web ouvert, nous devons faire très attention aux spécifications que nous mettons en avant. Ce n’est pas parceque quelqu’un lance une ébauche de spécification avec «  CSS  » (ou «  HTML  » ou «  Web  ») dans le nom en même temps qu’une implémentation embryonnaire, que cette spécification fait partie ou devrait faire partie du Web ouvert. Les gens doivent se demander  : est-ce que cette fonctionnalité est bonne pour le Web  ? Est-ce qu’il existe une ébauche exhaustive de la spécification qui ne nécessite pas de rétro-ingénierie sur une implémentation existante  ? Existe t-il plusieurs implémentations  ? Est-ce que la spécification est activement mise à jour pour tenir compte des retours des concepteurs de navigateurs et des développeurs Web  ?

C’est une période stimulante et excitante. En dépit des menaces que je viens d’évoquer, c’est super de constater l’investissement massif dans l’amélioration des technologies du Web ouvert. C’est super de voir Microsoft abandonner Silverlight pour une plateforme basée sur les standards. Nous avons remporté quelques batailles, mais la guerre pour les standards du Web ouvert n’est pas finie et nous devons poursuivre le combat, sur les fronts correctement choisis.

Notes

[1] Crédit photo  : SCA Svenska Cellulosa Aktiebolaget (Creative Commons By)

10 Responses

  1. Ginko

    Je pense — j’espère — que la folie des « apps » n’est qu’une mode qui va bientôt passer.

    Depuis qu’Apple a un concurrent sérieux — Android –, de nombreuses boites doivent maintenir 3 applications en simultané (iPhone, Android, web)… le genre de modèle qui ne tient que si l’appli a énormément d’utilisateurs sur chaque plateforme (et encore). Toutes les applis peu utilisées (ou avec des grandes disparités de taux d’usage par plateforme) devraient disparaitre d’ici quelques années pour être remplacé par du « web cross-plateform » (passez-moi cette expression…).

    En tous cas, je l’espère sincèrement et j’espère aussi que Mozilla gagnera encore cette nouvelle bataille pour l’Internet ouvert !

  2. qwerty

    Mozilla, le Apple (celui d’origine, audacieux) du libre….
    Allez, encore un effort et on l’aura notre internet libre !

  3. FabienM

    Pour favoriser le développement d’applications Web plutôt que d’applications natives, il faudrait que las accès aux matériel des smartphones et tablettes soient standardisés beaucoup plus rapidement.
    Aujourd’hui c’est sur ce marché que les constructeurs innovent le plus afin de se démarquer (et c’est plutôt une bonne chose), alors qu’il suffit de constater le nombre d’années qu’il a fallut pour arriver à un consensus sur HTML5, sans compter le temps d’avoir des implémentations égales sur l’ensemble des plateformes (firefox n’étant malheureusement plus le meilleur élève de la classe).
    Sans compter Javascript, qui sans quelques tonnes d’octets de bibliothèque supplémentaire n’est toujours pas le langage de script performant et cross-platform promis avec ECMA.

    Il est encore aujourd’hui plus simple de développer un nombre encore restreint d’applications natives plutôt qu’une application Web universelle, avec des résultat bien meilleure en terme de rendue, d’ergonomie, et de bonne exploitation du matériel à disposition.
    En terme d’expérience utilisateur aussi, les applis natives sont beaucoup plus simples à intégrer dans leurs environnements respectifs. Mozilla a t-il quelque chose à proposer sur ce point ?

    Ce qui m’ennuie, c’est de voir régulièrement des déclarations de guerres de ce genre pour un Web plus ouvert, mais qu’il y a un bon moment qu’aucune technologie de la fondation Mozilla n’a su s’imposer à tous, Firefox semblant plutôt courir après le train depuis quelques années en remisant au placard ses quelques expérimentations propres (qu’est devenu ubiquity ? Les approches différentes de ce genre n’aurait-elles pas mérité un avenir dans les de plus en plus nombreuses releases de firefox ?)

  4. antistress

    Sur la question de l’ouverture peut être insuffisante de WebM dans son développement; des solutions ont été discutées récemment : lire « WebM: Testing, Metrics and New features » http://blog.gingertech.net/2011/10/… :

    « This session was moderated by John Luther and John Koleszar, both of the WebM Project. They started off with a presentation on current work on WebM, which includes quality testing and improvements, and encoder speed improvement. Then they moved on to questions about how to involve the community more.

    The community criticised that communication of what is happening around WebM is very scarce. More sharing of information was requested, including a move to using open Google+ hangouts instead of Google internal video conferences. More use of the public bug tracker can also help include the community better.

    Another pain point of the community was that code is introduced and removed without much feedback. It was requested to introduce a peer review process. Also it was requested that example code snippets are published when new features are announced so others can replicate the claims.

    This all indicates to me that the WebM project is increasingly more open, but that there is still a lot to learn. »

  5. Jean-Christophe Caron

    Je n’aime pas les évangéliste.

    Vous arrive-t-il de vous dire que la grande majorité des consommateurs se fichent de l’ouverture ? Saviez-vous qu’avant l’arrivée des fameuses balises <audio> et <video> il était déjà possible de consulter des videos en ligne en utilisant des codecs libres et un navigateur libre… ou pas ?

    Que voulez vous dire précisément par Web Ouvert ? Et par Web ?

    C’est quoi le Web ? Un ensemble de technologies ? Un moyen de communication ? Qu’est ce que la communication ? Pourquoi seulement les codecs libre ont droit de citer sur Firefox alors que Chromium me permet de lire n’importe quel codecs ?

    Le W3C fait des propositions, pas des lois ! Et encore moins la Fondation Mozilla !

    Mozilla vous avez relancer la concurrence et ça c’est très bon car c’est ce qui fait fonctionner correctement un système capitaliste. Arrêter de vous prendre pour des défenseurs des droits de l’humain. Sortez des produits innovants et libres, améliorez vos produits et oubliez un peu l’«ouverture» du Web car tant qu’il y aura de la concurrence il y aura de la liberté.

    Par ailleurs cette liberté ne vous oblige pas à produire un navigateur pour iOs ou Android. Faite un navigateur mobile mieux que celui de la concurrence, c’est tout. Si Apple refuse de divulger les spécifications matériel afin de bloquer la concurrence alors faites un procès pour comportement anticoncurrentiel.

    Désolé si c’est un peu décousu mais vous m’énervez avec votre évangélisation.

  6. gnuzer

    @qwerty :

    « Allez, encore un effort et on l’aura notre internet libre ! »

    Commence par virer les vidéos en Flash de ton site, si tu veux que le web soit plus ouvert.

    Rester les bras croisés en attendant « encore un effort » de la part de Mozilla ne fera pas beaucoup bouger les choses : jusqu’à preuve du contraire, ce n’est pas Mozilla qui crée les sites web.

  7. Ginko

    @Jean-Christophe Caron:

    C’est normal d’être énervé quand on a rien compris à rien :p