Les filles et le logiciel

Classé dans : Logiciel libre | 10

Temps de lecture 17 min

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Le témoignage ci-dessous ne devrait pas laisser indifférent ni faire consensus.

Il s’agit de Susan Sons, fille hacker avant d’être femme hacker, qui semble regretter le temps où l’on ne s’enflammait pas sur la théorie du genre (troll inside).

«  Je suis venue au monde de l’open source car j’aimais faire partie d’une communauté où mes idées, mes capacités et mon expérience comptaient, pas mes seins. Cela a changé, et ce changement est dû à l’action de gens qui disent vouloir une communauté où les idées, les capacités et l’expérience comptent plus que des seins.  »

Remarque  : On pourra lire sur le sujet, les autres articles du Framablog.

Les filles et le logiciel

Girls and Software

Susan Sons – 4 février 2014 – LinuxJournal
(Traduction  : Eve, RemyG, lyn, RyDroid, Asta, Kifferand, Wan, Diin, numahell, KoS, MFolschette)

L’article EOF de décembre 2013 nommé «  Mars a Besoin de Femmes  » a exploré un sujet intéressant  : celui du rapport hommes/femmes parmi les lecteurs de Linux Journal, et parmi les développeurs du noyau Linux. Ce rapport est si déséquilibré (beaucoup d’hommes, peu de femmes) qu’en faire un graphe reviendrait presque à tracer une ligne verticale. J’espérais que l’article amènerait un hacker Linux du côté féminin de ce graphe à se mettre en avant et à faire avancer la conversation. Chose dite chose faite, voici Susan Sons aka @HedgeMage. À lire ci-dessous. — Doc Searls

Les filles et le logiciel. Oui, j’ai bien dit «  les filles  ». Sachant que les hommes ont d’abord été des garçons, mais que les femmes ont jailli de la tête de Zeus, à leur taille adulte, et en se battant comme des Athéna des temps modernes, vous pouvez commencer à m’insulter maintenant pour avoir utilisé ce mot… à moins que vous ne préfériez voir l’industrie à travers les yeux d’une fille qui est devenue femme au sein d’un ensemble de communautés open source.

Quand je pense aux hackers de mon entourage, les meilleurs ont commencé avant la puberté. Même s’il n’avaient pas d’ordinateurs, ils démontaient leurs réveils, réparaient leurs taille-crayons ou jouaient les radio-amateurs. Certains ont construit des lance-citrouilles ou des trains en LEGO. J’ai commencé à coder quand j’avais six ans, dans le bureau de mon père au sous-sol, sur la machine qu’il utilisait pour suivre l’inventaire de son entreprise de réparations. Après un été marqué par des essais et des erreurs, j’ai finalement réussi à faire jeter à des gorilles autre chose que des bananes explosives. Ça avait un goût de victoire  ! (NdT  : sans doute une référence au jeu Gorilla)

Quand j’ai eu 12 ans, j’ai mis les mains sur un disque d’une distribution Slackware et je l’ai installé sur mon ordinateur — un cadeau de Noël de mes parents après une année particulièrement bonne pour l’entreprise de mon père — et j’ai trouvé un bogue dans un programme. Le programme était en C, un langage que je n’avais jamais vu. J’ai frayé mon chemin vers IRC et expliqué le problème  : ce qui n’allait pas, comment le reproduire, et l’endroit d’où semblait venir le problème.

J’étais vraiment naïve à cette époque — je n’avais même pas réalisé que la raison pour laquelle je n’arrivais pas à bien lire le code était qu’il existait plusieurs langages de programmation — mais les résidents du salon IRC m’ont dirigée vers le gestionnaire de tickets du projet, m’ont expliqué son intérêt et m’ont aidée à soumettre mon premier rapport de bogue.

Ce dont je n’avais pas connaissance à l’époque, c’était cet échange privé entre un des vétérans qui m’avait aidée et un des résidents du salon qui avait reconnu mon surnom sur une mailing list  :

développeur0  : C’était une question vraiment bien posée… mais pourquoi est-ce que j’ai l’impression que c’est un gamin de 16 ans  ?

développeur1  : Parce que c’est une fille de 12 ans.

développeur0  : Wow… Qu’est-ce que ses parents font, pour qu’elle pense comme ça  ?

développeur1  : Je pense qu’elle vit dans une ferme, en fait.

Quand développeur1 m’a parlé de cette conversation, j’ai été convaincue par l’open source. Étant une petite fille d’une région rurale, qui avait été exclue encore et encore de toute activité intellectuelle, sous prétexte que je n’étais pas assez riche, trop campagnarde, pas assez âgée pour être désirée, je ne pouvais pas croire la facilité avec laquelle j’avais été acceptée et traitée comme tout le monde sur le salon, même s’ils savaient qui j’étais. Et j’ai été encore plus impressionnée quand j’ai appris que développeur0 n’était autre que Eric S. Raymond, dont j’avais dévoré les textes peu après avoir découvert Linux.

L’open source était mon refuge parce que c’était un endroit où personne ne prêtait attention à mes «  ancêtres  » ou ce à quoi je ressemblais — les gens s’intéressaient uniquement à ce que je faisais. Je me faisais bien voir des gens qui pouvaient m’aider en m’occupant de tâches ingrates  : trier les tickets pour garder les listes propres, rédiger de la documentation et corriger les commentaires dans le code. J’aidais tout le monde, donc quand j’avais besoin d’aide, la communauté était là. Je n’avais encore jamais rencontré un autre développeur dans le monde réel, mais j’en savais plus sur le développement que certains étudiants.

C’est vraiment une question de filles (et de garçons)

Les filles de 12 ans d’aujourd’hui ne vivent généralement pas les expériences que j’ai vécues. On conseille généralement aux parents d’éloigner leurs enfants de l’ordinateur, de peur qu’ils se fassent attraper par des prédateurs sexuels, ou pire encore — deviennent obèses  ! Cela vaut d’autant plus pour les filles, qui finissent diplômées en sciences humaines et sociales. Plus tard, à l’approche de leur vingt ans, quand quelqu’un trouve que le déficit de filles dans les communautés technologiques est un problème, on vient les chercher par la manche et on les emmène à une rencontre LUG (NdT  : Linux User Group / Groupe des utilisateurs de Linux) ou sur un salon IRC. Étonnamment, cela ne fait pas de ces jeunes femmes des hackers.

Pourquoi croit-on que cela va marcher  ? Prenez une jeune femme qui a déjà construit son identité. Jetez-la dans un monde qui est construit sur des schémas sociaux différents de ceux dont elle a l’habitude, où plein de gens parlent d’un sujet qu’elle ne comprend pas encore. Dites-lui ensuite qu’il existe une hostilité de la communauté envers les femmes et que c’est pour cela qu’il n’y en a pas assez, tout en la mettant en avant comme une bête de concours en expliquant que vous êtes ravi d’avoir recruté une femme. C’est la recette de l’échec.

Les jeunes femmes ne deviennent pas magiquement des technophiles à 22 ans. Les jeunes hommes non plus. Les hackeurs sont nés dans l’enfance, parce que c’est à cet âge que l’envie de résoudre des puzzles ou de créer quelque chose apparait chez ceux qui ont connu ce moment de «  Victoire  !  », comme la fois où j’ai réussi à imposer ma volonté à un couple de primates électroniques.

Malheureusement, notre société a conditionné les filles à ne pas être technophiles. Mon fils est à l’école primaire. L’année dernière, son école a fait un cours sur la robotique uniquement pour les filles. Quand mon fils a demandé pourquoi il ne pouvait pas y participer, on lui a expliqué que les filles ont besoin d’une aide spéciale pour s’intéresser à la technologie, et que s’il y a des garçons autour, les filles auront trop peur d’essayer.

Mon fils est rentré à la maison très perturbé. Vous voyez, il a grandi avec une mère qui codait en l’allaitant et l’a amené à sa première réunion du LUG à l’âge de sept semaines. La première fois qu’il a vu un robot fait maison, il lui a été montré par un membre d’un hackerspace local, une femme qui administre un des plus gros super-ordinateurs du pays. Pourquoi son école agissait comme si les filles étaient stupides  ?

Merci beaucoup, «  féminisme  » moderne, pour avoir mis des idées pas très féministes dans la tête de mon fils.

Il y a un autre endroit dans ma vie, autre que ma maison, où l’idée selon laquelle la technologie est «  un truc de gars  » est complètement absente  : ma ville natale. De temps en temps, je retourne à l’école de Sandridge, le plus récemment c’était quand mon professeur de mathématiques m’a invitée à une discussion avec les étudiants sur les carrières dans les Sciences, la Technologie, l’Ingénierie et les Mathématiques (NdT  : STEM en anglais). Je suis presque sûre que je suis le seul programmeur que quiconque ait jamais vu dans cette ville… Je suis donc une sorte de représentante des geeks pour eux. Et certains considèrent même que c’est un «  truc de filles  ».

Pourtant, je ne peux pas dire que la région produise des quantités de hackeuses. Même en mettant de côté la pauvreté, l’urbanisation et la hausse de la criminalité, les filles ne sont pas plus portées à hacker dans ma ville natale que partout ailleurs. Quand j’ai parlé à des classes de mathématiques de CM2, les garçons m’ont expliqué qu’ils réparaient leurs consoles de jeux, ou débridaient leurs téléphones. Les filles n’ont pas fait de projets, elles ont parlé de mode ou de quête de popularité, pas de construire des choses.

Qu’est-ce qui a changé ?

Je n’ai jamais eu de problème avec les hackers de la vieille école. Ils me traitent comme l’un d’eux, plutôt que comme «  la femme du groupe  », et beaucoup sont assez âgés pour se souvenir d’avoir travaillé dans des équipes composées d’un tiers de femmes, et personne ne trouvait cela bizarre. Bien sûr, le mot clé ici est «  âgé  » (désolée les gars). La plupart des programmeurs dont j’apprécie la compagnie sont plus proches de l’âge de mon père que du mien.

La nouvelle génération de développeurs open source n’est pas comme l’ancienne. Ils ont changé les règles à tel point que mon sexe est sous les projecteurs pour la première fois en 18 ans passés dans cette communauté.

Lorsque nous appelons un homme un «  technicien  », cela signifie qu’il est programmeur, administrateur système, ingénieur électrique ou quelque chose du même genre. C’était également le cas lorsqu’on appelait une femme une «  technicienne  ». Cependant, selon la nouvelle génération, une femme technicienne peut être également une graphiste ou quelqu’un qui gagne sa vie en tweetant. Cela dit, je suis contente de savoir qu’il y a des gens spécialisés dans les médias — cela veut dire que je n’ai pas à m’occuper de cet aspect des choses — mais les mettre à côté des programmeurs donne l’impression que ces «  femmes techos  » sont la partie handisport des JOs de la programmation.

Avant, je me sentais à l’aise avec les hommes, et personne ne se souciait de mon apparence. Aujourd’hui, j’ai l’impression de perdre mon temps à parler de genre plutôt que de technologies… Ceci dit, il y a plusieurs visions  :

  • La vision «  il n’y a aucune femme dans l’assemblée  ». Je suis dans l’assemblée, mais on me dit que je ne compte pas puisque je porte t-shirt, jeans, bottes, et que je n’ai pas de maquillage.
  • La vision «  tu nies ta féminité pour rentrer dans le moule  ; c’est une forme d’oppression  !  ». On me dit que c’est dans ma nature de femme d’aimer absolument le maquillage et la mode. Alors que je suis simplement une geek qui se soucie peu de son apparence.
  • La vision «  tu ne représentes pas les femmes  ; tu serais un meilleur modèle pour les filles si tu avais le bon look  ». Marrant, le reste du monde semble très occupé à dire aux filles d’être à la mode (il suffit de regarder un magazine ou marcher dans le rayon fille d’un magasin de jouets). Je ne pense pas que quelqu’un d’aussi peu doué que moi dans ce domaine doive s’en occuper.

À une exception près, j’ai entendu ces réprimandes venir uniquement de femmes, et de femmes qui ne savent pas coder. Quelquefois, j’ai envie de crier «  vous n’êtes pas une programmeuse, vous faites quoi ici  ? !  »

J’en suis aussi venue à réaliser que j’ai un avantage que les nouvelles arrivantes n’ont pas  : j’étais ici avant le début de la panique morale autour du sexisme. Quand une douzaine de mecs décident de boire et hacker dans la chambre d’hôtel de quelqu’un, je suis invitée. Ils me connaissent depuis des années, donc je suis sûre. Les nouvelles, quelles que soient leurs compétences, ne sont pas invitées à moins que je ne sois là tout du long. Une accusation de harcèlement sexuel potentielle plane, et personne ne veut se risquer à avoir 12 hommes seuls avec une seule femme et des boissons alcoolisées. Du coup, les nouvelles restent dehors.

Je n’ai jamais été mise dans un groupe «  Les femmes dans X  », à l’écart de l’action réelle d’un projet. J’ai assez d’influence pour dire non quand on me dit que je devrais être loyale et réserver mon temps de travail pour des groupes féminins au lieu de le consacrer à la technologie. Je ne suis pas assez jeune ou impressionnable pour écouter les goûts de l’Initiative Ada[1], qui m’aurait tenue de donner de façon passive-agressive des cartons rouges à quiconque me dérange, ou m’aurait fait ressentir tous les hommes comme une menace, ou encore m’aurait fait comprendre que n’importe quel différend que je peux avoir serait causé par mon sexe.

Voici une nouvelle pour vous  : à l’exception des polymathes dans le groupe, les hackers sont généralement socialement inadaptés. Si quelqu’un de n’importe quel sexe fait quelque chose qui viole mes limites, je suppose que c’est un malentendu. J’explique calmement et précisément ce qui m’a dérangé et comment éviter le franchissement de cette limite, je tiens à ce que la personne sache que je ne suis pas en colère contre elle, je veux juste m’assurer qu’elle est au courant, de sorte que cela ne se reproduise pas. C’est ce que font les adultes, et cela fonctionne. Les adultes ne cherchent pas à tout prix à se vexer, à donner des «  creeper cards  », et ne s’attendent pas à ce qu’on lise dans leurs esprits. Je ne suis pas un enfant, je suis un adulte, et j’agis comme tel.

On s’en fout de mes nibards

Je suis venue au monde de l’open source car j’aimais faire partie d’une communauté où mes idées, mes capacités et mon expérience comptaient, pas mes seins. Cela a changé, et ce changement est dû à l’action de gens qui disent vouloir une communauté où les idées, les capacités et l’expérience comptent plus que des seins.

Il y a très peu de filles qui veulent hacker. J’imagine que ça a beaucoup à voir avec le fait que l’on donne aux filles des poupées de mode et du maquillage et qu’on leur dit de fantasmer à propos d’amour et de popularité, alors qu’on donne aux garçons des LEGO et des boites à outils et qu’on leur dit d’en faire quelque chose. J’imagine que ça a beaucoup à voir avec le genre de femmes qui roucoulaient «  mais elle pourrait être tellement belle si seulement elle ne passait pas autant de temps avec les ordinateurs  ». J’imagine que ça a beaucoup à voir avec la manière dont les filles sont associées à l’éphémère — popularité, beauté et bien-être — alors qu’on enseigne aux garçons à se délecter de la réalisation. Donnez-moi une jeune personne de n’importe quel sexe avec une mentalité de hacker, et je vais m’assurer qu’elle aura le soutien dont elle a besoin pour devenir incroyable. Pendant ce temps, achetez à votre nièce ou votre fille une boite de LEGO et apprenez-lui à souder. J’aime voir des enfants aux rencontres de LUG et aux hackerspaces — amenez-les  ! Il n’y aura jamais trop de hackers.

Ne blâmez pas les hommes simplement parce qu’ils sont là. Le «  privilège des hommes  » est une manière de dire «  tu te sens coupable car tu n’as pas de seins, honte à toi, même si tu ne fais rien de mal  », et j’ai perdu trop de mon temps à protéger des mecs sympas de cette idée. Oui, certaines personnes sont des ordures. Appelez-les des ordures, et ne reprochez à personne ayant la même anatomie d’avoir ce comportement. L’amalgame entre les bons mecs et les mauvais n’aide personne, ça empêche juste les mecs sympas d’interagir avec les femmes car ils sentent qu’ils ne pourront pas s’en tirer. Je suis fatiguée de dépenser mon temps et mon énergie à protéger les mecs bien de ce drame.

Ne blâmez pas les hackers d’avoir des défauts de non-hackers. Ce n’est pas ma faute si certaines personnes ne lisent pas les pages du manuel, pas plus que c’est mon travail de leur tenir la main étape après étape pour qu’ils n’aient pas à les lire. Ça n’est pas à moi d’amener de force des femmes aux rencontres de LUG et de tenter de leur laver le cerveau de manière à vous rendre plus à l’aise avec le ratio homme/femme, et de toute manière procéder ainsi ne marcherait pas.

Avant tout, je suis déçue. J’avais un havre, un endroit où personne n’accordait d’importance à mon apparence, à ce à quoi mon corps ressemblait ou à n’importe quel attribut éphémère — car ils s’intéressaient à ce que je pouvais faire — et ce décalage de culture m’a volé mon havre. Au moins, je l’ai eu. Les filles qui me suivent ont raté cela.

Je me rappelle qu’à cette époque, dans mon havre, si quelqu’un était désagréable ou essayait de m’intimider, les gens autour de moi réagissaient avec un retentissant «  Comment oses-tu être désagréable avec quelqu’un qu’on apprécie  !  ». Aujourd’hui, si un homme se comporte mal, on s’embourbe dans un raisonnement beaucoup plus complexe  : «  Est-ce que c’est parce qu’elle est une femme  ?  », «  Est-ce que je vais passer pour un héros si j’interviens  ?  », «  Est-ce que je suis misogyne si je n’interviens pas  ?  », «  Qu’est-ce que ça implique pour les femmes dans le monde de la technologie  ?  », «  Est-ce que je veux vraiment participer à un énième débat sur la politique des sexes  ?  ». C’était tellement plus simple lorsqu’on n’avait pas besoin de tout analyser, et qu’on tombait sur des gens désagréables seulement parce qu’ils étaient désagréables.

La passion de Susan Sons pour l’éducation l’a conduite vers l’open source avec Debian Edu, Edubuntu, et elle a aussi initié Frog et Owl qui aident les technophiles à interagir avec les enseignants pour développer des outils éducatifs plus utiles.

Notes

[1] Source : wikipedia : Ada Initiative est une organisation américaine visant à accroître la participation des femmes dans la culture libre et l’open source. Elle a été fondée en 2011 par les informaticiennes et défenseurs de l’open source Valerie Aurora et Mary Gardiner.

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10 Responses

  1. vvillenave

    Ceci me semble, de très loin, la contribution la plus sensée au débat sur le-sexisme-dans-le-logiciel-Libre (et encore, le mot « débat » est _très_ généreux, il vaudrait mieux parler de serpent de mer ou de rituel expiatoire). C’est un peu similaire, par certains aspects, à ce commentaire sur le Framablog que j’avais beaucoup apprécié il y a quelques années : http://www.framablog.org/index.php/
    (À _l’autre_ extrêmité du spectre pertinence/débilité, on trouve des âneries telles que http://www.framablog.org/index.php/… — mais je prends ici un exemple au hasard car il y a quelques douzaines de prétendants au titre de « contribution la plus outrageusement abrutissante ».)

  2. Elessar

    Intéressant. Je ne peux pas dire que je suis d’accord avec tout, à mon avis tout n’est pas acquis à l’enfance mais il y a un peu de capacités naturelles, et pour moi le tout est de déceler et de développer ces capacités. Qu’elles soient plus développées chez les garçons que chez les filles est hors de propos : tuer dans l’œuf un esprit de hacker, c’est du gâchis, point.

    Tout à fait d’accord sur le fait que certains débats ou initiatives sur le sexisme sont contre-productives, et je comprends qu’une femme puisse être agacée par le changement de comportement associé à une recherche artificielle et tardive de femmes hacker.

    Et concernant l’éveil et l’éducation à la bidouille, je serais plus pessimiste : aujourd’hui, non seulement les filles n’y sont pas éduquées, mais les garçons, qui l’étaient un peu, le sont de moins en moins. L’informatique est de plus en plus présentée comme un ensemble d’objets tout faits dédiés à la consommation passive, et cela se ressent.

  3. Karmak23

    Cette contribution est pour moi aussi la meilleure que j’ai lue sur ce sujet.

    Concernant l’éveil et la consommation passive : me semble que c’est à nous de faire quelque chose, et que nous en avons encore largement les capacités. Avec les périphériques d’aujourd’hui, montrer aux gosses que nos libertés sont bridées est d’une facilité déconcertante…

    J’ai envie d’en écrire des tartines pour aller dans le même sens que l’article, mais je vais m’abstenir et simplement retourner hacker un truc sous MIT^U pardon GPL.

  4. Damien

    Il y a un bon état d’esprit, de la bonne foi, mais c’est faux tout du long.
    1/ À peu près tout est basé sur des anecdotes personnelles. Sons a visiblement eu la chance de tomber sur des gens avec moins d’a priori. Statistiquement, c’est rare. Le fait qu’elle vient de la campagne a probablement aidé.

    2/ Même si globalement, le monde est beaucoup moins sexiste qu’avant, ce n’est pas le cas partout : par certains côtés, c’est pire. Et l’informatique est malheureusement un bon exemple (en 1987, 42% des développeurs étaient des femmes*). Il est donc normal de fournir une réponse adaptée.

    3/ Pendant tout l’article, elle rappelle que « c’était mieux avant », quand elle était entourée de gens de la vieille école, et que personne ne se souciait de ça, alors que ce sont justement ces gens qui permettaient moins de sexisme. Eh oui, les choses ont changé, pas forcément en bien, il faut en tenir compte – justement. Ignorer le problème ne va certainement pas le faire disparaître.

    4/ « Aujourd’hui, si un homme se comporte mal, on s’embourbe dans un raisonnement beaucoup plus complexe. » C’est sûr que si un mauvais comportement n’a rien de sexiste, il n’y a pas de raison de l’aborder sous cet angle. Le problème, c’est qu’il y en a beaucoup plus que ce que les mecs croient, c’est simplement qu’ils ne le voient pas. Je vous accorde que ce n’est pas forcément facile à voir, justement parce que nous sommes des hommes.

    5/ Suite logique du précédent : vous noterez que tous les avis super positifs sur cet article seront, ô coïncidence, ceux d’hommes. Est-ce que le mieux ne serait pas de demander aux principales intéressées, plutôt que de vouloir décider à leur place de ce qui est mieux pour elles ? S’auto-interviewer quand on n’en est pas soi-même victime, ce n’est pas très pertinent…

    6/ Il y a des tas de gens biens parmi nous. Il est très possible que, toi qui me lis, tu ne sois que très peu sexiste. Mais ne fais pas de ton cas une généralité. Il y a néanmoins un travail d’introspection à faire sur soi-même, ne serait-ce que pour éviter de rester passif.

    Voici un très bon document, qui relève beaucoup moins de l’anecdote (voir 1/), car rédigé par bien plus de femmes : http://www.tldp.org/HOWTO/Encourage
    Vous devriez vraiment le lire.

    * : source & bon article : http://blog.nerdery.com/2013/04/wom

  5. shokin

    Oui, c’est un bon défi que de faire fi des stéréotypes, et de résister à la tentation de donner un genre à chaque activité, qu’il s’agisse d’informatique, de langues, de cuisine ou de violon, ou de toute autre activité. Si mes motivations ne correspondent pas aux attentes des autres (dans les représentations), que je fasse fi de celles-ci (le camp est choisi). N’attachons pas une importance démesurée à l’attribut « genre », d’autant plus qu’il est rarement pertinent, quoique souvent pris en compte.

    En plus, il est simpliste de vouloir résumer une personne à une activité. Restons polyvalentes et polyvalents, même s’il y a des activités dans lesquelles nous sommes plus expérimentées.

    Oui, essayons de réduire l’écart entre utiliser un outil et le fabriquer/réparer.

    « Je n’ai pas à me justifier. » Si je commence à me justifier (justifier mes goûts, mes sources de motivation), je m’embarque dans une escalade d’engagement.

  6. lila

    Plusieurs choses…
    – Il n’existe pas qu’un seul féminisme. Ne pas le mentionner, et dire « Merci beaucoup, « féminisme » moderne, pour avoir mis des idées pas très féministes dans la tête de mon fils. » , c’est au mieux un oubli et une méconnaissance du sujet, au pire, une volonté de tout mettre dans le même panier. Dans les deux cas, cela renforce des stéréotypes négatifs sur ce courant qui est vaste et donne une image globale aux lecteurs. Il est très facile de mettre en avant un côté peu flatteur d’un courant pour le décrédibiliser. Je doute que ce soit très ingénieux quand on veut sembler de bonne foi.

    – Le témoignage regorge d’exemples personnels qui vont vers de sacrées généralisations. Ce n’est pas parce qu’une personne a eu la chance de ne pas tomber sur des comportements sexistes « avant » qu’il n’en existait pas et qu’on peut se permettre de dire que certains milieux n’étaient pas regardant sur le sexe d’une personne. Un milieu est composé de gens qui eux on des comportements sexistes ou non, qui aiment le bleu ou non, qui ont les cheveux courts ou non, etc.

    – Reprocher à des féministes d’être la cause du sexisme est très, très fort de café. Une féministe se bat (la plupart du temps) contre le sexisme, pour les droits des femmes (mais aussi pour la liberté de choix de chacun).

    – Ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on est forcément exempte d’attitudes ou de réflexions sexistes, et cela n’invalide pas le fait que les femmes sont quand même une minorité opprimée, même si elles peuvent participer à cette oppression.

  7. Fox

    « C’était tellement plus simple lorsqu’on n’avait pas besoin de tout analyser, et qu’on tombait sur des gens désagréables seulement parce qu’ils étaient désagréables. « 
    Dernière phrase de l’article : ben ouais, des fois on aimerait que tout soit simple et pas se poser de questions…. Et je respecte ce choix. J’aimerais juste qu’elle evite de taper de manière indiscriminée sur les personnes qui s’en posent (parce que pour le coup elle répète exactement le comportement fourre-tout qu’elle reproche – avec raison – à certaines mouvances du féminisme.)

    Je suis heureuse pour elle qu’elle ait pu vivre son petit eden. Mais elle le dit bien : elle parle des hackers, pas des geeks.
    Pour le coup, je suis pas programmatrice, pas même un petit peu, et pour tout vous dire, j’ai eu mon premier ordinateur pour écrire ma maitrise, et j’ai appris à taper sur une machine à écrire (si,si).
    Mais avant même d’avoir un ordinateur, j’avais lu « le manifeste du hacker » et j’ai travaillé dessus. Et si y’a bien une chose que j’ai vite compris en arrivant sur le Net, c’est qu’on était pas beaucoup à l’avoir fait.
    Alors respect de l’individu de manière indifférenciée, en irc, je dis oui ! Sur le net, c’est une autre histoire.
    Je respecte son témoignage de hackeuse, mais je trouve dommage qu’elle rejette en bloc, le témoignage et le ressenti des autres femmes (qui oui, peuvent avoir un ressenti négatif sans qu’on leur ait bourré le mou à coup de « sexisme ») dont celles qui amènent les outils des sciences sociales.
    Je comprends qu’en tant que mecs ça vous fasse du bien des témoignages qui disent : « non vous êtes pas des connards », parce que c’est vrai, vous vous posez beaucoup de questions et vous êtes, – au même titre que les femmes – sur un chemin difficile d’interrogation et de remise en question. Et c’est tout à votre honneur.
    Du coup je vais le dire aussi : « Je ne pense pas que vous soyez des connards, et je rencontre beaucoup d’hommes bien sur le net qui font un travail de fond sur eux-mêmes. »
    C’est pas pour autant que ça rend tout témoignage positif venant d’une meuf pertinent.

  8. Hubert

    J’ai voulu dire à quel point j’étais d’accord avec cet article, mais un commentaire plus haut a fait remarquer qu’il n’y avait que les hommes qui étaient d’accord.

    Du coup, pour éviter de passer pour un gros sexiste qui se sent conforté dans sa position, je ne me prononcerais pas ^^

  9. Ginko

    @Hubert, ^^

    @Fox,

    Hélas aujourd’hui la signification de « geek » est proche du néant (Fillon geek ça me fait bien marrer)…

    Pour aller dans ton sens, je dirais que les communautés de gamerz sont horriblement machistes (m’enfin, vu le profil moyen, c’est pas si étonnant). Les commentateurs de PCInpact (un exemple de site « geek » que j’ai pu fréquenter…) sont assez méchamment machistes également mais je crois que la plupart ne s’en rendent même pas compte…

    Bref, comme tu le dis son témoignage ne concerne que les hackers et je pense qu’elle en est consciente malgré ses quelques attaques vagues sur ce féminisme général non identifié.

    ____

    Ce qui est dommage je trouve, et ça va dans le sens de ce billet, c’est que l’informatique soit l’une des seules discipline dans laquelle le taux de femmes a *diminué*. C’est mal à mon sens car cela diminue la diversité… alors que dans la programmation par exemple, c’est en balayant le plus large avec des points de vue différents que l’on déniche les meilleures idées.
    En tous cas, mes filles, comme mes garçons, auront des « LEGO », ça c’est sur et certain.

  10. cwd

    « Cela a changé, et ce changement est dû à l’action de gens qui disent vouloir une communauté où les idées, les capacités et l’expérience comptent plus que des seins. »

    Je ne comprends pas comment arriver à une telle conclusion, pour moi il s’agit au mieux d’une confusion, au pire d’une sacrée mauvaise foi !

    L’auteur semble se plaindre du sexisme, se plaindre des gens qui tentent de lutter contre le sexisme, et affirmer elle-même refuser de s’investir contre le sexisme. Ça fait un peu beaucoup, non ?

    Je suis d’accord avec l’ensemble des propos de Damien par ailleurs.