Hommage à John P. Barlow

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Gee utilise souvent ses BD pour critiquer assez vertement les GAFAM… mais aujourd’hui, il a préféré nous résumer la vie de John P. Barlow, un grand monsieur d’Internet qui nous a quittés il y a peu.

Hommage à John P. Barlow

Bon, soyons honnêtes : cette rubrique a une certaine tendance à ressembler à l’inventaire mensuel des cyber-trous-du-cul (et de leurs derniers étrons numériques). Mais aujourd’hui, je fais une entorse à la tradition pour vous parler d’un mec bien qui vient de nous quitter à 70 ans :

John P. Barlow

Gee devant un portrait au trait de Barlow : « C'est lui, là.  Dessin incroyablement ressemblant… mais vous connaissez ma passion pour les dessins réalistes et l'attention aux détails. »

Né en 1947 dans le Wyoming, il s’éloigne sensiblement de son éducation mormone lorsqu’il découvre le LSD et devient parolier pour le groupe Grateful Dead.

Le mec du mème associé dit « Boy… that escalated quickly ! » Gee précise : « Ouais, je sais, ça envoie un peu du steak comme intro, mais je passe vite sur les jeunes années. »

Il rejoint en 1986 The WELL, une communauté virtuelle qui deviendra par la suite l’un des premiers fournisseurs d’accès à Internet (et qui est à l’époque remplie de fans des Grateful Dead).

Barlow se penche au-dessus d'un puits en demandant : « Y'a quelqu'un ?  Ce serait pour devenir un gros geek. » Le smiley : « Bon, là, forcément, si tu sais pas que “well”, en anglais, ça veut dire “puits”, tu loupes un peu la référence, c'est sûr.

Cette entrée dans le numérique sera le début d’une grande aventure pour lui. Il devient le co-fondateur en 1990 de l’Electronic Frontier Foundation qui reste aujourd’hui l’une des principales ONG de défense des libertés sur Internet.

Barlow représenté en chevalier en armure avec une épée et un haume EFF : des monstres l'attaquent, tagués « PRISM », « PATRIOT ACT », « NSA » et « GAFAM ». Il dit : « Et j'aime autant vous dire qu'il y a du boulot… »

Anecdote belle et tragique qui, de son propre aveu, aura été fondatrice dans sa conception de l’âme et dans sa façon de vivre : il rencontre en 1993 Cynthia Horner, docteur diplômée en psychiatrie qui se rendait à une convention médicale parallèle à celle où lui-même devait intervenir…

Cynthia lui demande : « Et vous ? C'est quoi, la convention où vous allez ? » Un peu gêné, Barlow répond avec une petite goutte de sueur : « Euuuuh, haha ! C'est un “roast*” de Steve Jobs. » Le smiley : « La classe. »

Le « roast » est un cassage public, un exercice humoristique étatsunien qui consiste à se moquer d’un invité d’honneur (présent et riant alors de lui-même).

C’est le coup de foudre immédiat et le couple se fiance très rapidement. Mais en 1994, Cynthia décède brutalement dans son sommeil lors d’un vol Los Angeles-New York d’une myocardite non-détectée.

Barlow en garde une profonde douleur mais aussi une empathie accrue envers ses semblables et une obsession pour les vols en avion qu’il enchaîne ensuite sans jamais s’arrêter.

Un avion vol au milieu des nuages, un des nuages ayant la forme du visage de Cynthia. On entend les pensées de Barlow à bord de l'appareil : « Bonjour Cynthia… »

En 1996, énervé par une loi étatsunienne cherchant à mettre Internet sous tutelle (oui, déjà…), il publie un texte qui devient vite culte et même fondateur : la Déclaration d’Indépendance du Cyberespace.

Gee lit : « “Aucune grande puissance n'a le droit de s'approprier Internet.  Chers gouvernements du vieux monde moisi, vous ne transposerez pas votre autoritarisme chez nous. Allez bien vous faire cuire le cul.”  Bon, c'est pas une traduction littérale et je synthétise, mais c'est un peu l'idée. » Le smiley, rieur : « Ah ouais, j'me disais aussi. »

Il aurait aussi été le colocataire de Sean Parker, le célèbre créateur de Napster de 32 ans son cadet (je vous laisse imaginer la coloc’).

Les deux sont représentés derrière leurs ordinateurs personnels. Barlow : « Tu fais quoi ? » Parker : « Je détruis l'industrie du disque, et toi ? » Barlow : « J'écris une diatribe contre le gouvernement. » Parker : « À quel moment est-ce que le FBI va défoncer notre porte ? »

À part cela, le bonhomme aura été un des grands penseurs de l’Internet libre. Utopiste et résolument libertaire mais bien moins béat et naïf qu’on ne l’a parfois décrit…

Allez, salut à toi, John. Je crois pas spécialement au paradis, mais j’espère quand même que t’as retrouvé ta Cynthia.

Gros bisous de la part d’Internet.

Un gros cœur est dessiné. Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 8 février 2018 par Gee.

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Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

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Gribouilleur, scribouillard, docteur en informatique (généraliste conventionné secteur 42), anar, irréaliste & irresponsable, compagnon de route de Framasoft.

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3 Responses

  1. Tim-X

    Merci Gee autant pour ces dessins toujours excellents et marrants et le contenu, parce que moi aussi ça m’a permis de découvrir ce monsieur et de lire cette déclaration dont j’avais très vaguement entendu parler !

  2. Jonathan

    Merci pour cet hommage et merci pour ce que vous faites ! 😉