Le X de Musk n’est pas une inconnue…

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L’actualité récente nous invite à republier avec son accord l’article de Kazhnuz sur son blog (il est sous licence CC BY-SA 4.0) qui souligne un point assez peu observé de la stratégie d’Elon Musk : elle n’est guère innovante et ne vise qu’à ajouter un X aux GAFAM pour capter une base utilisateur à des fins mercantiles…


Twitter vers X, la marketplacisation1 d’Internet

Photo Blue bird seen at Lake Merritt Oakland par Michael Slaten.

par Kazhnuz

L’annonce a été faite le 23 juillet, Twitter va être remplacé par X, le « rêve » de Musk de créer l’app-à-tout-faire à la WeChat en Chine. Le logo va être changé, et la marque Twitter va être abandonnée au profit de celle de X, et le domaine x.com redirige déjà vers Twitter. Le nom a déjà été utilisé jadis par Musk pour sa banque en ligne (qui après moult péripéties deviendra Paypal, justement parce que le nom est nul et pose des tonnes de soucis – ressembler à un nom de site X justement), et cette fois comme y’a personne pour lui dire « stop mec ton idée pue », il le fait.

Cependant, je pense qu’il y a quelques trucs intéressants à dire sur la situation, parce qu’au final, plus qu’une « lubie de Musk », il y a dedans quelque chose qui informe de la transformation faite de twitter, et de la façon dont Musk fait juste partie d’un mouvement fortement présent dans la Silicon Valley.

Encore un

Je pense qu’il ne faut pas voir ce changement de nom comme quelque chose de si surprenant, imprévisible, parce que c’est jouer le jeu de Musk de croire qu’il est l’électron libre qu’il prétend être. Parce que même s’il va plus loin en changeant carrément la marque du produit, Musk ne fait (encore une fois) que copier-coller un comportement déjà présent dans le milieu de la tech.

Parce qu’au final, Twitter appartenant et devenant X Corp, c’est comme Facebook qui devient Meta Plateform, ou Google qui devient Alphabet Inc. Un changement en grande partie pour tenter de forger la « hype », l’idée que le site fait partie de quelque chose de plus grand, du futur, de ce qui va former l’Internet – non la vie – de demain. Bon je pense que ça se voit que je suis un peu sarcastique de tout ça, mais y’a cette idée derrière les grandes entreprises de la tech. Elles ne sont plus dans l’idée de tourner autour de quelques produits, elles se présentent comme le « futur ». X Corp n’est qu’une tentative de créer un autre GAFAM, et fait partie des mêmes mouvements, des mêmes visions, du même aspect « techbro ».

C’est pour ça que le nom « rigolo » est moins mis en avant par rapport au nom plus « générique-mais-cool-regardez ». Meta, pour ceux qui vont au-delà et le métavers. X pour la variable inconnue. Alphabet pour aller de A à Z. Tout cela est de l’esbroufe, parce que plus que vendre un produit, ils vendent de la hype aux investisseurs.

Et le fait que Musk a voulu réutiliser ce nom dans le passé ne change pas grand-chose à tout ça. Le but, l’ego est le même. Donner l’impression qu’on est face à une grosse mégacorporation du futur. Et ce manque d’originalité n’est pas que dans le changement de nom, mais aussi au final dans son plan derrière tout ça : transformer Twitter en une marketplace.

X, une autre marketplace

Le passage de Twitter à X.com, montre le même cœur que les metaverse et crypto… et au final une grande partie des transformations qui se sont produites : tout transformer en marketplace, enrobé dans une esthétique de technofuturisme. Cela se voit encore plus dans le message de Linda Yaccarino, la CEO de Twitter :

X est l’état futur de l’interactivité illimitée – centrée sur l’audio, la vidéo, la messagerie, les paiements/les banques – créant une place de marché globale pour les idées, les biens, les services et les opportunités. Propulsé par l’IA, X va nous connecter d’une manière que nous commençons juste à imaginer.

— Linda Yaccarino, twitter

On peut remarquer deux choses dans ce message :

Le premier est qu’il n’y a rien d’original dedans. Nous y retrouvons exactement la même chose que l’on retrouvait à l’époque des crypto et des NFT : le truc qui fait tout mais surtout des trucs qui existent déjà, et basé sur la technologie du turfu. Y’a déjà 500 plateformes pour faire payer pour des services, que ce soit en crowdfunding, au format « patreon », via des commissions, etc. Des ventes de biens sur internet, y’a aussi des tonnes de moyens, etc. Tout ce qui est rajouté c’est « on va faire tous ces trucs qui existent déjà, et on a dit « IA » dedans donc c’est le futur ça va tout révolutionner tavu ». C’est le modus operandi classique, et il n’y a rien d’original dans ce que propose Twitter. D’ailleurs, le rôle que peut avoir l’IA dedans est très vague : est-ce que c’est pour modifier les algorithmes ? (cela ne sert pas à grand-chose, on les hait tous déjà). Est-ce que c’est pour pouvoir générer des produits par IA pour les vendre ? Le produit que veut proposer X Corp n’a pas besoin d’IA pour fonctionner, elle est là juste pour dire « c’est le futur », et hyper les investisseurs.

Le second est que cela transforme l’idée de base de Twitter (l’endroit où les gens parlent) en avant tout une « place de marché », comme indiqué plus haut. Twitter était le lieu de la discussion, du partage de l’idée à la con qu’on a eue sous la douche. D’où le format du microblogging. Là aussi, même cet aspect devient quelque chose de commercialisable, ce qui rappelle encore une fois le mouvement qu’il y avait eu autour de la crypto et des NFT : tout doit pouvoir devenir commercialisable, tout doit pouvoir devenir un produit. C’est aussi ce mouvement qui fait qu’on a de plus en plus de « jeux-services », qui servent avant tout à vendre des produits dématérialisés n’ayant de valeur qu’à l’intérieur du jeu (et encore). Beaucoup de jeux ne peuvent plus juste « être un jeu », ils doivent être une « marketplace ».

Conclusion

La transformation de twitter en X n’est donc pas une surprise – en plus du fait que c’était annoncé depuis longtemps. Il ne s’agit que d’un phénomène qui arrive tout le temps sur Internet. Une volonté de transformer un site populaire en une « place de marché du futur » pour hyper des investisseurs. Encore une fois.

Et au final, on sait bien ce qu’a acheté Musk quand il a acheté Twitter. Il n’a pas acheté un produit. Il a acheté une userbase (une base d’utilisateurs et utilisatrices) pour l’injecter directement dans le nouveau produit qu’il voulait faire. C’est assez ironique de voir que Twitter a fini de la même manière que certains comptes populaires : revendu pour être renommé et envoyer sa pub à des tonnes d’utilisateurs.

l'oiseau bleu de twitter sur le dos et à terre, mort avec un X qui lui ferme l'œil.

  1. transformation en place du marché, plateforme de vente
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7 Responses

  1. DeLu

    Pour Meta et Alphabet ce sont des noms d’entreprises côtées en bourses. Les produits et les marques restent les mêmes. Pour un utilisateur c’est complètement transparent, ils vont toujours sur Facebook et Google et ne savent pas forcément que le nom de la maison mère a changé.

    Alors qu’ici Elon veut faire disparaitre une marque forte pour le remplacer par une autre marque avec un nom débile.

  2. Κύων

    Le vrai problème avec Musk, c’est qu’à chaque fois qu’il lâche un prout, tous les journaux relaient l’information. Le boulot de Musk est d’effectuer des levées de fond. Pour ça il a besoin d’être connu. Peut importe qu’on l’aime ou qu’on l’aime pas. Dès qu’on parle de lui il y gagne. Que ce soit en bien ou en mal. Le critiquer conforte cette image de soit-disant excentrique qu’il essaie de donner de lui auprès de son public-cible.

    Si les journaux et les blog arrêtaient une bonne fois pour toute de publier un article à chaque fois qu’il dit une bêtise, il serait le premier emmerdé. J’invite donc fortement Framasoft à lui lâcher la grappe. D’autant que vous prêchez des convertis. Les techniques de com’ à deux balle de la Silicon Valley sont connues depuis longtemps. On a eu droit à la blockchain, à l’IA, à l’esprit start-up avec des PDG en T-Shirt… Ils ont des budgets com’ suffisant pour qu’il n’y ait pas besoin de se faire les relais gratuit de leur campagne de pub. Il y a bien des personnes plus intéressantes qu’Elon Musk.

  3. Geannot de Saturne

    Toutes les entreprises du web, quel que soit leur service de base, se sont retrouvées un jour ou l’autre devant la grande question des marchés boursiers où elles étaient entrées pour grandir (et que leur patron tire son épingle du jeu avant qu’il soit trop tard) : comment allez-vous monétiser tout ça, qui est fabuleux d’un point de vue utilisateurs, plein de promesses, mais sans revenu ?
    Et la réponse ne peut être que toujours la même.
    On va transformer le truc en plateforme de vente bourrée de publicité.
    Le reste n’est que de la poudre de web aux yeux.

  4. Aude

    La première fois que je suis allée sur le nouveau Twitter j’ai confondu le X avec une croix pour fermer la fenêtre. Chargée de com dans une asso et obligée de me fader ça, je vais demander l’abandon de notre compte. (Et ensuite Facebook parce que c’est que des pubs mais j’ai moins de chances que notre CA dise oui.) Car au moins tout ça nous a apporté plein de nouveaux comptes sur Masto et que je préfère investir cet espace-là, même si on est plus dans l’entre-soi et qu’on ne va plus à la rencontre de gens qui ne pensent pas comme nous, comme sur Twitter (avec un succès mitigé).

    Sur le personnage Musk, ce type qui a des idées révolutionnaires d’une banalité accablante, je vous invite à lire Anthony Galluzzo, Le Mythe de l’entrepreneur. Défaire l’imaginaire de la Silicon Valley. Le bouquin parle de Jobs mais l’auteur fait le même sort à Musk dans quelques pages du livre et dans ses interventions. Musk est une grosse pub !

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