Framasoft rejoint HIATUS, la coalition critique de l’IA

 

Temps de lecture 6 min

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Le sujet de l’intelligence artificielle est omniprésent dans les discours médiatiques et politiques. Et il serait difficile de nier que ses impacts sur nos vies n’ont, eux, rien d’artificiels. Qu’il s’agisse d’écologie, de surveillance, d’économie, de santé, d’éducation, de médias, de politique étrangère, ou bien évidemment d’informatique, l’IA percute de plein fouet tous ces sujets, au nom de… au nom de quoi, en fait ?

À Framasoft, nous sommes soucieuses et soucieux de ne pas réduire la « lutte contre l’IA » à une simple lutte contre une technologie. C’est pourquoi nous annoncions en décembre dernier à la fois le site Framamia afin de partager avec vous nos clés de compréhension critiques autour de l’IA, mais aussi le prototype d’une application smartphone, Lokas, avec pour objectif de ne pas camper une position exclusivement intellectuelle, et apporter une contribution « manipulable » afin d’élargir le champ des questions concrètes auxquelles les utilisateur⋅ices de l’IA peuvent se retrouver confrontées.

Car aucune technologie n’est neutre, évidemment. Et l’IA non seulement n’échappe pas à cette règle, mais sert souvent de bouc-émissaire technique, détournant notre regard du véritable problème : le mobile qui anime les entreprises et les gouvernements qui ont tout intérêt à nous imposer cette technologie.

Car au fond, ce n’est pas l’IA que nous détestons ici, c’est le capitalisme débridé qui l’anime, telle une marionnette.

C’est pourquoi Framasoft a participé à la rédaction du manifeste fondateur de « Hiatus », une coalition composée d’une diversité d’organisations de la société civile française qui entendent résister au déploiement massif et généralisé de l’intelligence artificielle.

« L’IA contre les droits humains, sociaux et environnementaux »

Tout concourt à ériger le déploiement massif de l’intelligence artificielle en priorité politique. Prolongeant les discours qui ont accompagné l’informatisation depuis plus d’un demi-siècle, les promesses abondent pour conférer à l’IA des vertus révolutionnaires et imposer l’idée que, moyennant la prise en compte de certains risques, elle serait nécessairement vecteur de progrès. C’est donc l’ensemble de la société qui est sommée de s’adapter pour se mettre à la page de ce nouveau mot d’ordre industriel et technocratique. Partout dans les services publics, l’IA est ainsi amenée à proliférer au prix d’une dépendance technologique accrue. Partout dans les entreprises, les managers appellent à recourir à l’IA pour « optimiser » le travail. Partout dans les foyers, au nom de la commodité et d’une course insensée à la productivité, nous sommes poussés à l’adopter.

Pourtant, sans préjuger de certaines applications spécifiques et de la possibilité qu’elles puissent effectivement répondre à l’intérêt général, comment ignorer que ces innovations ont été rendues possible par une formidable accumulation de données, de capitaux et de ressources sous l’égide des multinationales de la tech et du complexe militaro-industriel ? Que pour être menées à bien, elles requièrent notamment de multiplier la puissance des puces graphiques et des centres de données, avec une intensification de l’extraction de matières premières, de l’usage des ressources en eau et en énergie ?

Comment ne pas voir qu’en tant que paradigme industriel, l’IA a d’ores et déjà des conséquences désastreuses ? Qu’en pratique, elle se traduit par l’intensification de l’exploitation des travailleurs et travailleuses qui participent au développement et à la maintenance de ses infrastructures, notamment dans les pays du Sud global où elle prolonge des dynamiques néo-coloniales ? Qu’en aval, elle est le plus souvent imposée sans réelle prise en compte de ses impacts délétères sur les droits humains et l’exacerbation des discriminations telles que celles fondées sur le genre, la classe ou la race ? Que de l’agriculture aux métiers artistiques en passant par bien d’autres secteurs professionnels, elle amplifie le processus de déqualification et de dépossession vis-à-vis de l’outil de travail, tout en renforçant le contrôle managérial ? Que dans l’action publique, elle agit en symbiose avec les politiques d’austérité qui sapent la justice socio-économique ? Que la délégation croissante de fonctions sociales cruciales à des systèmes d’IA, par exemple dans le domaine de la santé ou l’éducation, risque d’avoir des conséquences anthropologiques, sanitaires et sociales majeures sur lesquelles nous n’avons aujourd’hui aucun recul ?

Or, au lieu d’affronter ces problèmes, les politiques publiques menées aujourd’hui en France et en Europe semblent essentiellement conçues pour conforter la fuite en avant de l’intelligence artificielle. C’est notamment le cas de l’AI Act adopté par l’Union européenne et présenté comme une réglementation efficace alors qu’elle cherche en réalité à promouvoir un marché en plein essor. Pour justifier cet aveuglement et faire taire les critiques, c’est l’argument de la compétition géopolitique qui est le plus souvent mobilisé. À longueur de rapports, l’IA apparaît ainsi comme le marchepied d’un nouveau cycle d’expansion capitaliste, et l’on propose d’inonder le secteur d’argent public pour permettre à l’Europe de se maintenir dans la course face aux États-Unis et à la Chine.

Ces politiques sont absurdes, puisque tout laisse à penser que le retard de l’Europe dans ce domaine ne pourra pas être rattrapé, et que cette course est donc perdue d’avance. Surtout, elles sont dangereuses dans la mesure où, loin de constituer la technologie salvatrice souvent mise en avant, l’IA accélère au contraire le désastre écologique, renforce les injustices et aggrave la concentration des pouvoirs. Elle est de plus en plus ouvertement mise au service de projets autoritaires et impérialistes. Non seulement le paradigme actuel nous enferme dans une course technologique insoutenable, mais il nous empêche aussi d’inventer des politiques émancipatrices en phase avec les enjeux écologiques.

La prolifération de l’IA a beau être présentée comme inéluctable, nous ne voulons pas nous résigner. Contre la stratégie du fait accompli, contre les multiples impensés qui imposent et légitiment son déploiement, nous exigeons une maîtrise démocratique de cette technologie et une limitation drastique de ses usages, afin de faire primer les droits humains, sociaux et environnementaux.

Premiers signataires :

  • Annick Hordille, membre du Nuage était sous nos pieds
  • Baptiste Hicse, membre de Stop Micro
  • Camille Dupuis-Morizeau, membre du conseil d’administration de Framasoft
  • David Maenda Kithoko, président de Génération Lumière
  • Denis Nicolier, co-animateur de Halte au contrôle numérique
  • Emmanuel Charles, co-président de ritimo
  • Éléonore Delatouche, fondatrice de Intérêt à agir
  • Judith Allenbach, présidente du Syndicat de la Magistrature
  • Judith Krivine, présidente du Syndicat des avocats de France (SAF)
  • Julie Le Mazier, co-secrétaire nationale de l’Union syndicale Solidaires
  • Julien Lefèvre, membre de Scientifiques en rébellion
  • Marc Chénais, directeur de L’Atelier Paysan
  • Nathalie Tehio, présidente de la LDH (Ligue des droits de l’Homme)
  • Olivier Petitjean, co-fondateur de L’Observatoire des multinationales
  • Raquel Radaut, porte-parole de La Quadrature du Net
  • Sandra Cossart, directrice de Sherpa
  • Soizic Pénicaud, membre de Féministes contre le cyberharcèlement
  • Sophie Venetitay, secrétaire générale du SNES-FSU
  • Stéphen Kerckhove, directeur général d’Agir pour l’environnement
  • Thomas Thibault, président du Mouton Numérique
  • Vincent Drezet, porte parole d’Attac France
  • Yves Mary, cofondateur et délégué général de Lève les yeux

Liste complète des organisations premières signataires à retrouver sur : https://hiatus.ooo

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9 Réponses

  1. Stéphan Peccini

    Proposition pour réduire les usages de l’IA a réparer les dégâts et les prévenir, au service de la vulnérabilité et non du confort, la transformant en un bien commun.
    https://framagit.org/biens-communs/charte-ia-ethique/-/raw/main/Livrables/Manifeste_pour_un_usage_moral_de_l_IA.pdf

    Dans un monde pour lequel nous ne savons même pas ce qu’il sera possible de faire dans les toutes prochaines années (dérèglement environnemental, concurrence des ressources en diminution, géo-politique, guerre commerciale, …), il est temps de flécher l’IA vers des usages réellement nécessaires à restaurer une planète durable et juste.

  2. Stéphane Bortzmeyer

    J’ai l’impression qu’il y a un hiatus (ah, ah) entre le texte collectif, que Framasoft a signé, et la présentation faite ici. Je suis plutôt d’accord avec ce que raconte Framasoft, qu’en gros, l’IA n’est pas le problème, si Facebook censure un message, qu’ils le fassent avec IA ou pas, on s’en fiche, la question n’est pas là.
    Mais le texte collectif dit plutôt le contraire, et c’est ce que je lui reproche : il fait de l’IA un acteur à part entière et il attribue à l’IA des caractéristiques qui sont celles de tous les algorithmes.
    Bref, je trouve que le texte collectif surfe sur la vague IA et met le terme à toutes les sauces, participant à la confusion, et allant ainsi dans le sens du discours dominant. Framasoft a une ligne qui me semble meilleure mais, alors, pourquoi avoir signé ce texte ?

    • pyg

      Hello Stéphane !

      Question pertinente, je vais essayer d’y répondre 🙂

      Tout d’abord, il faut savoir que Framasoft est régulièrement sollicitée pour des tribunes (au moins une ou deux fois par mois).
      On a fini par publier notre position sur le sujet ici : https://contact.framasoft.org/fr/faq/#partner-tribunes
      En (très) gros : Framasoft n’est pas une association de plaidoyer, et la plupart du temps, on refuse simplement (et poliment) de signer, même des textes auxquels nous ne changerions pas une virgule.

      Ensuite, pour lever un coin de voile sur cette tribune, c’est donc les copaines de LQDN qui nous ont contacté suite à la sortie de Framamia et de Lokas (sortis quasiment en même temps que leur campagne « C’est pas de l’IA » https://www.laquadrature.net/donner/ (fin novembre).
      Ils et elles s’interrogeaient sur le paradoxe Framasoftien : on critique l’IA sur https://framamia.org et on sort un prototype d’appli qui utilise (par inférence) Whisper avec https://lokas.app

      Du coup, on a fait ce que font les gens civilisés : on s’est invectivés publiquement sur Mastodon en moins de 500 caractères on s’est appelé pour en discuter 🙂
      J’ai donc défendu notre point de vue (largement déployé dans les commentaires de l’article Lokas.

      Au terme de cet échange (très intéressant et très détendu), on est arrivé à la conclusion que nous n’étions pas d’accord sur les modalités de discours et d’action MAIS que nous partagions l’essentiel : nous ne souhaitons pas d’un monde avec une IA (notamment générative) omniprésente, et nous souhaitons démystifier l’Éden technologique vendu par les BigTech.

      Quelques jours/semaine après, LQDN nous proposaient une première version de tribune en nous invitant, si nous le souhaitions, à la cosigner.
      A la lecture de ce premier jet, il y avait beaucoup de choses avec lesquelles nous étions en accord (notamment sur la question du paradigme industriel), et d’autres beaucoup moins (le premier titre de la tribune était « [je ne sais plus quoi] contre l’IA ». Et ça, pour nous, c’était un no-go.

      Pour les raisons qui sont expliquées en partie dans le chapô de l’article (dont je suis l’auteur), il est pour le mieux naïf d’accuser une technologie (qui n’a aucune intention en elle même, par nature) d’être à l’origine d’effets collatéraux ABSOLUMENT DÉLETÈRES ET GRAVISSIMES pour l’humanité. L’IA n’a, je le répète, aucune intention. Pour reprendre un exemple fréquemment donné, l’IA est comme un couteau, si tu le range dans le tiroir, il n’a aucun effet, si tu t’en sers pour couper ta butternut c’est quand même pratique, si tu t’en sers pour planter ton voisin c’est quand même vachement moins chouette. L’IA est un outil (ou plutôt un ensemble d’outils en évolution, constitués par strates techniques historiques). Et un outil, ça n’est pas neutre, parce qu’il y a toujours une intention (souvent politique) dans sa mise en œuvre.

      Mon slogan « C’est pas l’IA que vous détestez, c’est le capitalisme. » vise à pointer qu’il ne faut pas se tromper de cible (ce qui, en plus, renforce le côté anthropomorphisation chez une partie du public, mise en place à cause du mot « intelligence » et largement appuyée par la science-fiction). Mon premier slogan était « L’IA c’est caca, mais pas dans tous les cas » (oui, j’ai un côté scato tout à fait affirmé depuis Framaprout). Sauf que dans ce slogan, les « anti-IA » (c’est leur opinion, je la respecte, mais ne la partage pas) n’entendait que « Ah, donc vous êtes POUR l’IA ?! #FramaSocialeTraitresse », alors que la phrase à le mérite d’être claire quand on prend le temps de la lire en laissant de côté ses préjugés.

      A titre perso, j’aurai préféré un monde sans IA Générative (source), mais je ne fais pas l’autruche et je vois bien que ça n’est pas vers ça que le monde s’oriente.

      Ma réponse à La Quadrature a donc été de rappeler notre différence de positionnement. Verbatim extrait d’un échange email : « C’est un débat/positionnement ancien entre Frama et LQDN, dont on discutait déjà avec Calimaq il y a plus de 10 ans : LQDN comme « globule blanc » (qui va donc défendre le système immunitaire), et Framasoft comme « globule rouge » (qui est en charge de l’apport en oxygène). Les deux sont indispensables, et on des stratégies différentes, mais complémentaires et tout autant respectables. ».

      Le taf de Framasoft n’est pas de dire « Boycottons l’IA », tout simplement parce que nous pensons que pour 1000 points d’énergie dépensés dans cet appel, tu auras un retour de 1, peut-être 10 maximum. Ce qui n’enlève rien au respect qu’on peut avoir pour les personnes et structures qui vont lutter « contre ».

      Nous, notre taf, il est d’éclairer les enjeux (Framamia.org est là pour ça, tout comme la republication des articles d’Hubert dans la catégorie « Dans les algorithmes ». Et il est aussi de porter notre vision de l’éducation populaire, qui souhaite sortir du discours purement intellectuel, car pour nous (et j’entends que ça puisse être critiquable) nous pensons que cette éducation populaire passe surtout par « l’activité » (en gros, la confrontation de soi-même avec le « réel » : les autres, la nature, ou plus spécifiquement pour Framasoft le numérique, etc). Écrire des tribunes, c’est très bien (je suis sincère). Mais nous, notre domaine, ce n’est pas le plaidoyer (c’est très bien, bis) : c’est l’expérimentation, la préfiguration. Et pour ça, ben il faut aller défricher, même là où ça pique. Même si ça veut dire fâcher des gens qui voudraient qu’on soit de « leur côté » (et par extension, nous classent comme adversaire puisqu’on est pas de leur côté, où comme lâches/débiles/aveugles/idiots_utiles/whatever parce qu’on a une position non-binaire sur un sujet clivant). 🤷

      Donc, pour toutes les raisons évoquées ci-dessus (et d’autres encore, notamment de disponibilités temporelles), nous avons accepté de signer cette tribune, même si elle ne représente pas parfaitement notre point de vue. Parce que même si nous avons des désaccords avec la forme du discours, nous sommes « raccords » avec La Quadrature sur le fait que, si on lève la tête 2 secondes des questions techniques, l’IA (générative, de surveillance, d’optimisation, etc), va être utilisée comme un pied-de-biche par le néolibéralisme pour : + d’exploitation, + de discriminations, + de désastre écologique, + d’écarts riches/pauvres, etc.

      Bref, Framasoft a signé cette tribune ©

      • jph

        « C’est pas l’IA que vous détestez, c’est le capitalisme. »

        Ce slogan est intéressant mais ne fait que la moitié du chemin sur la réflexion concernant le capitalisme. Il faut ensuite se demander si une IA sans le capitalisme est possible, ce que vous semblez considérer positivement à travers le slogan « L’IA c’est caca, mais pas dans tous les cas ». Le « pas dans tout les cas » laisse entendre qu’une société post-capitaliste saurait faire un usage raisonné de l’IA, mais n’interroge pas les conditions de possibilité matérielles pour maintenir cet outil en fonctionnement. Point que vous choisissez d’éluder, en partie, « si on lève la tête 2 secondes des questions techniques ».

        Fabriquer des serveurs nécessite, ce qui est déjà écrit dans la tribune, des mines pour les matières premières, l’exploitation d’être humain pour extraire, transporter et assembler les éléments entre eux, de l’énergie (quelque soit sa source) elle-même dépendante de l’exploitation de mines et d’être humain et des financements (privé ou public) dépendant du fait que des entreprises fassent du profits ou à travers le crédit.

        Une société post-capitaliste est censé avoir aboli la logique de croissance financière et matérielle afin de préserver notre habitat. Ceci est incompatible avec la vieille idéologie marxiste appelant à la « réappropriation des outils de production », puisque la réappropriation de « l’outil de travail » (la tribune dénonce sa dépossession et vise donc sa réappropriation !) implique ce que j’ai décrit dans le second paragraphe (concernant les serveurs). Il est donc exact de dire qu’un outil n’est pas neutre, car dans le cadre d’une logique capitaliste un outil est fabriqué pour poursuivre la croissance (la politique n’est qu’un « outil social » au service de cette logique) et non pour le bienfait de l’humanité.

        C’est donc la limite de cette tribune qui bien que consciente des désastres du capitalisme est incapable de comprendre la logique abstraite de ce système* et reproduit une approche superficielle consistant à dénoncer les managers, les multinationales et le complexe militaro-industriel, le néo-colonialisme et l’impérialisme. Une approche superficielle ne veut pas dire que les éléments critiqué sont faux, mais qu’elle se réduit à personnifier les « responsables », celleux que l’on peut désigner du doigt comme bouc émissaire. Le travers de cette approche étant que celleux qui pointe le doigt s’excluent de toute remise en causes alors même qu’inconsciemment illes en appelle à la continuité de ce modèle, au prétexte indémontrable d’une « maîtrise démocratique de cette technologie et une limitation drastique de ses usages ». Il s’agit donc d’un appel à réformer le capitalisme par des outils de contrôle, pourtant dénoncé sous le capitalisme.

        J’insiste sur l’aspect inconscient des auteurs de cette tribune, puisqu’il ne s’agit pas de ma part d’une charge moralisatrice contre elleux qui pourrait se laisser entendre à travers la virulence de mon argumentation, mais d’une critique de la naturalisation de certain aspects spécifique au capitalisme (le travail et la valeur d’usage** par exemple).

        * une logique qui n’a pour finalité que l’accroissement de la valeur et de la survaleur (que trivialement on appel « le profit ») sans ce soucier de l’utilité sensible de ce qui est produit.

        ** idée selon laquelle de tout temps les humains ont fabriqué des objets utiles pour elleux, et que cela continuerait sous le capitalisme, mais que le problème viendrait de celleux qui possèdent les outils de production et qu’il faudrait donc se les « réapproprier ».

        • pyg

          Bonjour,
          déjà, merci pour votre commentaire argumenté (ça nous change du microblogging)

          > Ce slogan est intéressant mais ne fait que la moitié du chemin sur la réflexion concernant le capitalisme.

          Je suis plutôt d’accord avec vous.
          D’un autre côté, c’est un slogan, donc de la communication. Dans tout processus de synthèse, on perd de l’information, de la précision et de la nuance. Ce qui est le cas ici.

          Maintenant, à titre perso, c’est un slogan que je défends (j’en suis l’auteur) car il permet à un large public de se « décaler ».

          – « Est-ce que je déteste l’IA ? ». Si la réponse est non, ça me pousse à m’interroger (quitte à venir critiquer le slogan). Si la réponse est oui, ça m’implique personnellement ou… ça me pousse à m’interroger 😛

          – Pointer le capitalisme comme le père fouettard est certes très (trop, si j’en crois votre jugement) facile. Je suis comme dit plus haut plutôt d’accord avec vous. Plein d’autres systèmes de domination sont en jeu « Ce n’est pas l’IA que vous détestez, c’est (le capitalisme|patriarcat|néo-colonialisme|impérialisme|…) » me va très bien aussi. Cependant, et c’est pour moi le point le plus important, c’est un slogan et il pointe un système de domination et d’exploitation qui est en roue libre totale et qui permet d’identifier que l’IA cache autre chose qu’un simple système technique. En cela le slogan est incomplet, ce que je vous concède sans problème, mais il est efficace dans sa forme, et il n’est pas faux dans le fond.

          Mais si vous avez mieux en moins de 10 mots, je suis ouvert à toutes les propositions, hein.

          > Il faut ensuite se demander si une IA sans le capitalisme est possible, ce que vous semblez considérer positivement à travers le slogan « L’IA c’est caca, mais pas dans tous les cas ».

          Alors une IA sans capitalisme/néolibéralisme était possible. L’IA n’est pas née avec ChatGPT (Turing, toussa).

          Par contre l’IA Générative sans capitalisme n’aurait peut être pas été possible. Mais ça 🤷 personne ne peut l’affirmer à moins d’avoir une machine permettant non seulement de remonter dans le temps, mais en plus de pouvoir influer sur les événements historiques.

          Quant au fait qu’on considérerait positivement l’IA : ça dépend de quoi on parle.
          Je l’ai dit plus haut, j’aurai préféré un monde sans IA générative. Mais quand vous prenez une photo avec votre smartphone (si vous en avez un), un ensemble d’algorithmes qui utilisent de l’IA pratiquent des améliorations sur cette photo, et jusqu’à présent, j’ai entendu assez peu de gens s’en plaindre. Et non, il n’a pas fallu cramer la moitié de la planète pour cela.

          De nouveau, j’insiste, Framasoft n’est PAS une association de plaidoyer. On n’est pas là pour donner notre avis et convaincre les gens de l’adopter, mais pour partager des clés de compréhension. Et une des clés de compréhensions qu’on partage, c’est « L’IA c’est à la fois plus trivial (moins « magique ») que ce qu’on vous vend, mais plus compliqué scientifiquement que ce qui est résumé dans la presse (IA = ChatGPT/Mistral/Deepseek) »

          > Le « pas dans tout les cas » laisse entendre qu’une société post-capitaliste saurait faire un usage raisonné de l’IA, mais n’interroge pas les conditions de possibilité matérielles pour maintenir cet outil en fonctionnement. Point que vous choisissez d’éluder, en partie, « si on lève la tête 2 secondes des questions techniques ».

          Alors là ça mérite de rerererereposer un point de vue (perso, mais je pense partagé par l’asso) :
          – non, il n’y a pas et il n’y aura pas d’IA « responsable »
          – non, il n’y a pas et il n’y aura pas d’IA « éthique »
          – non, il n’y a pas et il n’y aura pas d’IA « libre » (il y a par contre des IA opensource)
          – non, il n’y a pas et il n’y aura pas d’IA « émancipatrice »
          – non, il n’y a pas et il n’y aura pas d’IA « écologique »

          Il y aura, peut être, vaguement, des IA « acceptables », sachant que ce curseur va de 0 à 100 et est propre à chacun⋅e. J’entends que pour vous c’est « 0 », et c’est OK pour moi d’entendre ça. Charge au collectif (la société, PAS Framasoft) de choisir où mettre le curseur.
          Par contre, il peut y avoir des IA « plus (responsables|éthiques|écologiques) » que celles existantes. Mais clairement, cela reste un « pied dans la porte », et pourrait surtout servir de caution à l’arrêt de la réflexion sur la fin de la course à la croissance (notamment par les effets rebonds).

          Donc, je n’élude rien du tout. C’est juste que répondre à des commentaires n’est pas mon job principal (qui est plutôt de coordonner les services de https://degooglisons-internet.org ) et que comme mes journées ne font que 24H (comme les votres à priori), je ne peux pas y passer des plombes, donc parfois (« pas souvent » diront mes collègues 😛 ), je synthétise et je résume.

          > Fabriquer des serveurs nécessite, ce qui est déjà écrit dans la tribune, des mines pour les matières premières, l’exploitation d’être humain pour extraire, transporter et assembler les éléments entre eux, de l’énergie (quelque soit sa source) elle-même dépendante de l’exploitation de mines et d’être humain et des financements (privé ou public)

          Tout à fait. Si vous êtes en train de me dire que tout système industriel est un système d’exploitation, nous sommes d’accord.
          C’est aussi valable pour bien d’autres choses que l’IA (le frigo, le four, la voiture, le stylo Bic, les routes bitumées, etc).

          > dépendant du fait que des entreprises fassent du profits ou à travers le crédit.

          Différentes doctrines économiques prétendent le contraire, mais je suppose que ça n’est pas votre point (et je ne suis pas là pour en débattre)

          > Une société post-capitaliste est censé avoir aboli la logique de croissance financière et matérielle afin de préserver notre habitat.

          Mouais. Personne ne sait réellement ce qu’est une société post-capitaliste, hein. Puisqu’on y est pas encore arrivé. Chacun peut en avoir sa définition. Par exemple « aboli » relève de votre définition. D’autres pourront préférer d’autres termes (« régulé », « détruit au napalm », « aménagé », « déconstruit », etc).

          > Ceci est incompatible avec la vieille idéologie marxiste appelant à la « réappropriation des outils de production », puisque la réappropriation de « l’outil de travail » (la tribune dénonce sa dépossession et vise donc sa réappropriation !) implique ce que j’ai décrit dans le second paragraphe (concernant les serveurs).

          Heu… La réappropriation ne signifie pas nécessairement une continuation de la croissance matérielle. Elle peut viser à transformer les modes de production pour qu’ils servent les besoins réels de la société, en respectant les limites écologiques et en favorisant le bien-être collectif.

          > Il est donc exact de dire qu’un outil n’est pas neutre, car dans le cadre d’une logique capitaliste un outil est fabriqué pour poursuivre la croissance (la politique n’est qu’un « outil social » au service de cette logique) et non pour le bienfait de l’humanité.

          « Dans le cadre d’une logique capitaliste » : oui, je suis tout à fait d’accord.

          > C’est donc la limite de cette tribune qui bien que consciente des désastres du capitalisme est incapable de comprendre la logique abstraite de ce système et reproduit une approche superficielle consistant à dénoncer les managers, les multinationales et le complexe militaro-industriel, le néo-colonialisme et l’impérialisme

          Alors comme dit plus haut : oui, vous avez raison : le problème est systémique et ne se résume pas au capitalisme.
          Je vous rejoins aussi sur le fait que la tribune pointe des « adversaires », en les personnifiant/naturalisant.

          J’insiste : un slogan, ou une tribune, c’est dans le fond une opinion exprimée, mais dans la forme un acte de communication. Or la communication a ses contraintes : Le Monde n’aurait pas publié une tribune de 100 000 signes, et moi je ne mettrai pas un slogan de 240 caractères sur un tshirt. Et on s’adresse à un public qui a vaguement 3 à 5mn d’attention à nous accorder (système d’économie de l’attention, que Framasoft participe aussi humblement a détricoter). Donc, on agit avec les contraintes qu’on a 🤷 (cf mon commentaire précédent qui explique qu’on a signé cette tribune sans être parfaitement alignés sur le fond, et pourquoi).

          > Il s’agit donc d’un appel à réformer le capitalisme par des outils de contrôle, pourtant dénoncé sous le capitalisme.

          Ah mais moi je suis intellectuellement pour « tout cramer pour repartir sur des bases saines » © 🔥🔥🔥
          Mais je suis lâche, et donc, quand je me lève le matin, plutôt que des cocktails molotov, je me fais un café (colonialiste donc) et je vais travailler.
          C’est une contradiction qui ne me convient pas, mais avec laquelle j’arrive à vivre parce que je participe (comme ici) à créer et animer des espaces de débats et de réflexions au sein d’une communauté portée par une association à but non lucratif qui ESSAIE de proposer quelque chose.

          Et vous : que proposez-vous ?
          (question non rhétorique dû à l’anonymat sur internet, car si ça se trouve, c’est Philippe Poutou derrière le pseudo « jph », hein)

          > J’insiste sur l’aspect inconscient des auteurs de cette tribune, puisqu’il ne s’agit pas de ma part d’une charge moralisatrice contre elleux qui pourrait se laisser entendre à travers la virulence de mon argumentation, mais d’une critique de la naturalisation de certain aspects spécifique au capitalisme (le travail et la valeur d’usage** par exemple).

          De nouveau : merci (sincèrement) pour vos remarques. Je les trouve constructives et enrichissantes.

          Je pense que nos points de désaccords divergences viennent surtout du fait que vous reprochez à cette tribune de ne pas aller assez loin. C’est donc une opinion, et je la respecte.

          Maintenant, mon point reste de faire remarquer qu’il ne faut pas confondre « Tribune » et « Solution ».

          Si LQDN, Framasoft et autres pointent les dérives sécuritaires, néo-libérales, impérialistes, etc de l’IA, d’autres collectifs et personnalités pointent d’autres dérives, et… c’est déjà mieux que rien, non ?
          Si votre envie (injonction ?) était que nous allions plus loin, que nous modifions la forme (qui n’est que le fond qui remonte à la surface) pour formuler et agir autrement, alors je préfère ne pas prendre cette envie (injonction, à nouveau ?) et la laisser là où elle est. Nous ne sommes pas des super-héroïnes, et on fait ce qu’on peut (et je suis déjà plutôt pas mal fier de ce que fait Framasoft au quotidien).

          Donc, si VOUS, vous voulez aller plus loin, et bien… libre à vous d’agir dans la forme et le fond qu’il vous plaira 🙂

  3. StopRéac

    StopMicro, le collectif qui s’appuie sur les analyses réactionnaires du groupe PMO !:
    https://www.terrestres.org/2025/01/07/ouvrir-un-front-contre-la-numerisation-du-monde/

    Il a déjà été démontré que PMO tient des propos masculiniste, homophobe et transphobe:
    https://www.infolibertaire.net/le-coming-out-masculiniste-de-pieces-et-main-doeuvre-pmo/

    mais aussi antisémite: « Murray Bookchin (1921-2006) – un authentique judéo-bolchevique de la bonne époque »
    https://www.piecesetmaindoeuvre.com/documents/murray-bookchin-et-edward-abbey-notre-bibliotheque-verte-no16-17

    Aucun texte de StopMicro n’a jamais remis en cause les propos de PMO sur le sujet, de toute évidence il y a des sujets qu’il vaut mieux éluder…

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