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Cette rentrée scolaire rime avec risque annoncé de pandémie grippale A/H1N1.
C’est pourquoi le ministère de l’Éducation nationale a rédigé une circulaire apportant « les réponses que la communauté éducative attend, en matière d’hygiène et de santé au travail et en matière de continuité pédagogique ».
Pour ce qui concerne la continuité pédagogique, on peut lire ceci pour les collèges et les lycées[1] :
« Dans tous les cas d’absence d’élèves, de fermeture de classes ou d’établissements, il appartient à chaque professeur d’assurer la continuité pédagogique des cours de sa discipline. Pour ce faire, plusieurs moyens sont mobilisables ; les établissements s’organiseront en tenant compte de l’ensemble des équipements et des compétences dont ils disposent.
Pour les établissements disposant d’espace numérique de travail (E.N.T.) ou fournissant par le biais d’internet un accès à des ressources pédagogiques, les professeurs pourront adresser les supports de cours et d’exercices aux élèves absents et permettre ainsi un échange continu et interactif ;
En l’absence d’E.N.T., les travaux à faire pourront être mis en ligne sur le site de l’établissement, et s’appuieront sur les manuels scolaires utilisés en classe.
Si le site de l’établissement est indisponible, et pour les élèves ne disposant pas d’accès à internet, les travaux à faire à la maison seront remis aux élèves dès l’avis de fermeture de la classe ou de l’établissement.
De surcroît, les professeurs conseilleront aux familles équipées d’internet de se connecter au site http://www.academie-en-ligne.fr, mis en place par le CNED qui propose à titre gratuit des ressources téléchargeables : cours et exercices sous forme écrite ou audio. Ces ressources seront disponibles dès la mi-septembre pour le premier degré, fin octobre pour la plupart des disciplines d’enseignement général du second degré. »
Le dénominateur commun de toutes ces mesures (sauf une) ?
Elles nécessitent un accès à Internet. Ce qui n’est pas encore le cas de tous les foyers français.
Mais si en plus Hadopi s’en mêle, en étant susceptible de couper la connexion à toute une famille, on arrive à une situation pour le moins problématique !
C’est ce que nous rappelle l’Isoc France[2], dans un récent communiqué que nous avons reproduit ci-dessous, à la veille de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi « Hadopi 2 » (qui aura lieu le mardi 15 septembre prochain).
PS : Pour une lecture (plus que) critique du site de l’Académie en ligne, nous vous renvoyons vers ce billet du Framablog.
Hadopi 2 et pandémie : ne coupez pas l’éducation en ligne !
Isoc – 9 septembre – Communique de Presse
Les solutions proposées pour affronter la pandémie grippale mettent au jour l’inanité des dispositions contenues dans la loi dite Hadopi 2, à commencer par la coupure de l’accès pour toute une famille.
Prochainement proposée au vote du Parlement, cette loi fait suite à la loi Hadopi 1 qui a été partiellement invalidée par le Conseil constitutionnel. Dès le début de la discussion relative à ce premier texte, le chapitre français de l’Internet Society a contesté que la coupure à Internet puisse être une sanction acceptable.
Pour faire face aux fermetures d’établissements, le gouvernement voudrait proposer des cours de substitution par Internet. En attendant que les classes puissent rouvrir normalement, Internet permettra ainsi à nos enfants de continuer à apprendre.
Or, si les dispositions de la Loi Hadopi 2 étaient en vigueur aujourd’hui, l’accès au net de milliers de famille pourrait être suspendu et leurs enfants privés de facto du droit à l’éducation.
Peut-on punir une famille entière, pour les errements supposés d’un de ses membres (ou de ses voisins) ? Quelle législation nationale, pour préserver les profits de quelques artistes et industriels du divertissement, priverait des milliers de familles de l’accès au réseau ?
La pandémie grippale vient rappeler qu’on ne peut pas prétendre entrer dans la société du 21e siècle avec des conceptions disciplinaires d’un autre âge. La société de la connaissance qui s’annonce est une société ouverte, où l’échange direct entre les individus est créateur de richesse et de sens. En votant l’Hadopi 2, les parlementaires français voteront pour le monde d’avant-hier.
La suspension d’Internet ne peut pas être la sanction au téléchargement illégal ou au défaut de sécurisation de sa connexion.
L’Isoc France demande aux députés français de penser au présent et l’avenir de nos enfants, au moment du vote. En leur âme et conscience.
plf
Ce nectar de jargon bureaucratique est assurément un morceau d’anthologie. Il n’y manque que la notion (pardon, le concept) de "continuité pédagogique durable" (pardon, soutenable). Car comme le rappelle aKa, tous les foyers français ne disposent pas d’un accès à Internet… c’est dingue, non ? Le rédacteur zélé n’y avait même pas pensé ! Aussi, avant de sanctionner une connexion, le législateur devrait-il la rendre obligatoire… enfin jusqu’à 16 ans, comme l’école.
Sérieusement, cette récupération anti-hadopi ne vaut pas mieux que le texte originel.
Pat Jenkins
– Et pourquoi tu n’as pas pu faire tes devoirs ?
– Parce que mon papa n’avait pas sécurisé son wi-fi et que Joe le voisin a téléchargé plusieurs fois dessus !
JosephK
>Elles nécessitent un accès à Internet. Ce qui n’est pas encore le cas de tous les foyers français.
Dans les villes la course à l’équipement se fait naturellement par la pression sociale. On préfère s’endetter plutôt que de se passer d’un méga-écran plat, d’une Nintendo DS et, dans la foulée, d’un ordinateur. "Ça serait trop la honte sinon" (Valérie Damido)
En revanche, dans les campagnes, ces bouseux préfèrent rester dehors au lieu de se laisser endoctriner comme tout le monde par la télé. Alors il fallait trouver une solution : l’École Numérique Rurale. L’invasion massive d’ordinateurs surpuissants mais qui contiennent tous un système d’exploitation déjà obsolète (Vista faut bien l’écouler), des tableaux blancs interactifs (un simple vidéo projecteur et une manette Wii auraient fait l’affaire)… tout ce qui faut pour "en jeter" et actionner la pompe de la pression sociale qui est un peu rouillée par ici.
(Heureusement qu’on a Ryxéo comme alternative pour rendre les choses un peu plus sérieuses)
EDIT : Note à l’attention de ceux qui lise ce commentaire, à partir de là ça vire hors-sujet 🙂
Pendant ce temps, l’inspection académique (Toulouse) ferme les classes pour détitulariser les enseignants de leur postes mais les garde sur les lieux en "renfort" (kleenex) parce que les classes sont surchargées. J’imagine que ça doit être comme ça un peu partout, près de chez moi 5 écoles dans un rayon de 10km sont dans ce cas là.
Pour tout justifier : un coup on dit que si on globalise les effectifs sur plusieurs écoles on a 24 élèves par classes, un coup on ne globalise pas et il suffit de compter pour avoir des chiffres qui conviennent bien. Quand une école n’a que 2 classes alors il faut s’arranger pour en fermer une comme ça l’école passe en classe unique et elle n’a plus le droit d’accueillir les maternelles… Plus la situation est compliquée mieux c’est, comme ça les parents, individualistes comme ils sont, change leur élèves d’écoles ou mieux les mettent dans le privé.
Pour être inspecteur d’académie, c’est du boulot, faut être un vrai stratège.
Bilan : l’année prochaine on pourra encore supprimer des postes… et là les "chiffres" nationnaux seront parlant : "ben oui vous voyez bien, on a des enseignants en surnombre qu’on ne sais pas où placer"
Mais bien évidemment, l’accès par internet à l’éducation fera aussi réduire le nombre d’élèves donc on pourra d’autant plus virer quelques enseignants.
Donc l’Hadopi dans tout ça c’est un faux problème…
Puisque la coupure d’accès est incompatible avec l’amendement Bono, ben on peut s’attendre à ce qu’ils nous pondent une liste blanche des sites autorisés (dont le site de l’académie en ligne, pôle emploi, etc) et de couper non pas l’accès à internet mais d’obliger le FAI à restreindre l’accès à la liste de blanche…
Benoît
Bonjour,
je ne considère pas que Hadopi soit une bonne série de loi. C’est une litote
Cependant, si on est puni, il peut y avoir des conséquences secondaires.
Exemple : J’emmène mes enfants à l’école tous les matins. Si je vais en prison, l’organisation familliale sera fortement modifée. Je ne vais pas dire que la loi est mauvaise.
Ici : le frere ou la mère fait des choses interdites avec son accès à l’Internet. Les autres enfants sont pénalisés et sont obligés d’aller chercher les cours chez leurs amis. Ce n’est pas ça qui remet en cause Hadopi.
Tout le monde n’a pas d’accès à l’Internet ? il suffit de quelques accès dans une classe pour que les informations se propagent.
Benoît
ashledombos
ya pas que ryxéo comme alternative sérieuse dans l’école numérique rurale :
http://mobiledev.mandriva.com/
^^
Bastien
Le texte de la circulaire mentionne explicitement le cas des élèves qui ne disposeraient pas d’Internet, relire de près.
Le texte de l’ISOC spécule sur deux avenirs possibles : celui dans lequel Hadopi 2 est votée et en vigueur (avec les décrets d’application) et celui dans lequel des écoles ferment en masse à cause de la grippe A. Les probabilités pour que l’un de ces avenirs surviennent sont faibles, la probabilité qu’ils surviennent tous les deux sont minimes.
Je ne suis pas sûr qu’il soit efficace d’appuyer des critiques en se fondant sur une telle hypothèse. Cela donne l’impression d’un argument tiré par les cheveux. D’accord, on montre une incohérence dans la démarche du gouvernement… mais j’aimerais mieux lire un exemple de ce que serait une démarche cohérente !
aKa
Bastien, tu as raison sur l’accès à Internet. L’article laisse entendre que le Ministère oublie ceux qui n’ont pas Internet chez eux, ce qui n’est effectivement pas le cas.
Pour la démarche cohérente, on peut quand même faire remarquer que ces dispositions en manquent justement.
Combien y a-t-il d’établissements scolaires possédant un ENT ? Je n’ai pas les chiffres mais je penche pour une minorité.
Parmi ceux qui possèdent effectivement un ENT, combien sont-ils à embarquer dedans TOUS les profs et donc TOUS les élèves ? Je n’ai pas les chiffres mais je penche également pour une petite minorité.
Quant aux sites web d’écoles, là encore je pense qu’ils sont rares ceux qui drainent derrière eux une véritable dynamique où TOUS les profs auraient un accès et éditeraient régulièrement.
En fait et c’est paradoxal, si on veut vraiment adopter une démarche cohérente (et non discriminante) il vaut mieux faire le choix d’oublier Internet avec cette mesure prise pour tout le monde : "Si le site de l’établissement est indisponible, et pour les élèves ne disposant pas d’accès à internet, les travaux à faire à la maison seront remis aux élèves dès l’avis de fermeture de la classe ou de l’établissement.".
Le choix du passé en quelque sorte. Ce qui ne plairait pas aux parents des lycées de centre ville qui sont eux tous connectés à la maison 😉
plf
@Benoît : > Tout le monde n’a pas d’accès à l’Internet ? il suffit de quelques accès dans une classe pour que les informations se propagent.
En l’occurrence, le but du jeu serait justement d’éviter de rassembler les enfants/élèves dans une même salle… Rien ne nous sera épargné : du bon vieux fantasme de l’Apocalypse au non moins célèbre principe de précaution, en passant par la théorie du chaos, et bien sûr celle du complot. Tant qu’à raconter n’importe quoi, autant se lâcher !
@aKa : > Ce qui ne plairait pas aux parents des lycées de centre ville qui sont eux tous connectés à la maison 😉
Ben oui, les adorables petits bobos… j’en ai presque la larme à l’oeil, tiens.
Mais quand arrêtera-t-on de se f***** de la g***** de la majorité des parents d’élèves ?
matou
La grippe, ce n’est qu’un détail. Le gouvernement et les collectivités locales ont de multiples projets d’administration en ligne pour "simplifier" les démarches (impots, cahier de textes numériques, certificats, etc) et supprimer des postes. Dans ce contexte, pondre une loi qui permet de couper l’accès Internet est totalement contre-productif.
C’est un peu comme énoncer qu’on souhaite une france de propriétaire, et multipler les possibilités de défiscalisation pour les personnes qui font construire un logement dans un but locatif (de robien & co).
Il y a un problème de coordination entre la tête et les pieds
TS
Autant je suis profondément anti-hadopi, autant la critique faite à HADOPI est profondément débile.
N’importe quel juriste un tant soit peu éclairé vous le dira : une décision avec une coupure d’internet est une sanction judiciaire. Toute sanction judiciaire est NOMINATIVE. Elle concerne une personne et une seule. Autrement dit : si dans la famille papa s’est rendu coupable d’un délit qui justifie la sanction HADOPI ( rien que de l’évoquer, ça m’énnerve), alors PAPA reçoit une sanction. Mais son épouse, ses enfants ne sont pas punis, eux. Et papa peut très bien leur prendre un abonnement à internet.
Plouf la critique. Ah bah… Mais alors ça veut dire qu’HADOPI est TOTALEMENT sans intérêt ?
Bin oui, ça vous paraît pas évident ?
Jom
Salut
Bien sûr TS, bien évidemment. Si papa a téléchargé illégallement et que le juge lui fait couper sa connexion internet, il lui suffira de dire au tribunal "Permettez ! Je peux reprendre un accès internet pour ma femme et mes gosses, les pauvres pourront pas étudier sans."
TS, tu crois vraiment à ce que tu dis ou bien c’est d ela démonstration par l’absurde ? 😛
Le juge va dire :
"Mais bien sûr monsieur, pas de problème ! Jurez-moi seulement que vous ne toucherez pas l’ordinateur de vos enfants pendant un an. Promis-juré ? Bon c’est d’accord, re-abonnez-vous à Internet et faites comme s’il ne s’était rien passé !"
ou bien
"Cause toujours, tu m’intéresses ! Dura lex sed lex ! Dans ma loi il y a marqué que je peux couper ta connexion internet à ton domicile. Je me fous de savoir si c’est toi qui télécharge, ta femme ou tes gosses. Moi je coupe un accès internet et j’interdis de reprendre un abonnement pour ton domicile. Tant pis pour ta famille, ils ont la même adresse IP que toi que je sache, ben ils sont autant responsables que toi du téléchargement illégal."
Je penche plutôt pour la deuxième réponse…