Aux armes citoyens du net et du monde ?

Bisounours, passe ton chemin ! La traduction que nous vous proposons aujourd’hui est en effet d’une rare violence.

Il s’agit d’un article de Rick Falkvinge, fondateur du parti pirate suédois et désormais invité régulier du Framablog.

Mais est-ce l’article qui est violent ou la société qui nous entoure et qui oblige certains à envisager d’y recourir ?

Gun and Target - Falkvinge

Faut-il se préparer à prendre les armes ?

Do We Really Have To Prepare For The Fourth Box?

Rick Falkvinge – 16 décembre – Site personnel
(Traduction Framalang : Kamui57, Goofy, Phi, Oli44, Salelodenouye, Alexis, Zdeubeu et Don Rico)

Quand je constate que les abominations législatives intitulées SOPA, PIPA et NDAA se conforment au DMCA et au Patriot Act aux États-Unis, je prends conscience que le pire scénario possible concernant les libertés individuelles est en passe de se concrétiser.

Les discussions au sein du Parti pirate suédois ont longtemps eu pour sujet ce que nous pouvions faire pour empêcher l’Europe de s’enfoncer dans une sorte de totalitarisme fascisant. Les États-Unis sont déjà perdus, ils s’y enfoncent irrémédiablement. Notre travail consiste à empêcher l’Europe de suivre allègrement le même chemin, pour au contraire se libérer à temps de ses chaînes. C’était déjà perceptible il y a cinq ans, aujourd’hui c’est d’une évidence criante.

Un article difficile à rédiger : Cela m’a pris plus de vingt-quatre heures pour rédiger cet article, après une semaine passée à glandouiller. D’habitude, c’est le genre d’article que je réalise en trente à quarante-cinq minutes dès que je sais quoi raconter. Dans le cas présent, le problème n’était pas de savoir quoi écrire, car il y a beaucoup à dire, mais de savoir jusqu’où aller. Au final, j’ai décidé de livrer le fond de ma pensée sans retenue.

J’utilise dans ce billet une image déjà employée par beaucoup, celle des quatre « boîtes ». La liberté se défend avec quatre boîtes : la caisse à savon, l’urne électorale, le tribunal (NdT: jury box, en anglais, soit « le banc des jurés ») et la boîte à munitions. À utiliser dans cet ordre.

Mon blog étant à vocation internationale, je me dois d’expliquer ici le sens de l’expression américaine. Ces « quatre boîtes » ne sont pas évidentes à identifier pour un non-anglophone qui en outre vit hors de la sphère culturelle américaine.

  • La caisse à savon (soap box) : celle sur laquelle on se hisse au coin de la rue pour exposer ses opinions aux passants. Au sens figuré, cela consiste à rallier l’opinion publique à votre cause.
  • L’urne électorale (ballot box) : les élections libres, publiques et démocratiques. Si les lois ne fonctionnent pas, et que les élus ne le comprennent pas, remplacez-les par d’autres.
  • À la barre ou le box des jurés (jury box) : si aucun homme politique ne réagit, ni parmi les élus ni parmi ceux qui sont susceptibles de le devenir, l’avant-dernière ligne de défense est le système judiciaire, capable d’abroger les lois contraires aux droits les plus fondamentaux.
  • La caisse à munitions (ammo box) : lorsque le système est corrompu jusqu’à la moëlle, au point que tout l’establishment agit comme un seul homme, et qu’il n’est pas possible de modifier la loi pour préserver les libertés fondamentales, il ne reste alors plus qu’une possibilité.

Nous en sommes actuellement au stade de la troisième boîte, dont le fond commence à céder. J’essaie de refaire fonctionner la deuxième, de revenir en arrière, du moins en Europe. Mais c’est une immense tâche, même si c’est en théorie possible. Encore pire, les personnes au pouvoir créent un état d’esprit où la recherche des faits et l’éducation sont considérées comme des distractions enfantines.

La législation est devenue anti-scientifique, essentiellement dirigée par quatre groupes de pression dont aucun ne veut voir les faits interférer avec l’idéologie-religion qui les anime. Les principes hérités des Lumières sont progressivement devenus un obstacle. L’information est devenue quelque chose de dangereux, et elle est pourtant diffusée à un rythme jamais vu auparavant. C’est peut-être pour cette même raison qu’elle est considérée comme si dangereuse.

« Prenez garde à celui qui vous refuse l’accès aux informations, car au fond de lui, il ne rêve que devenir votre maître » Le préfet Pravin Lal.

Quatre groupes-clés guident cette évolution. Ils y contribuent chacun à leur manière, mais en les réunissant, les conditions sont rassemblées pour verrouiller la société.

  • Les politiciens techniquement apathiques : des décideurs et des politiciens qui non seulement ne comprennent rien aux implications techniques de leurs décisions et de leurs lois, mais qui sont fiers de ne pas comprendre les infrastructures de la société, comme si ce type d’effort était indigne d’eux. Ils essaient aussi de marquer des points en servant les intérêts des trois autres groupes, et ce par des coups bas qui ridiculisent le peu de leurs collègues qui comprennent les répercussions techniques des propositions étudiées.
  • L’industrie du copyright : une industrie menacée d’obsolescence par le concept même des libertés civiles combinées aux les technologies modernes de l’information. Étant donné que les industriels ne peuvent pas revenir en arrière sur les avancées technologiques, ce sont les libertés qui constituent leur cible.
  • Les profiteurs de la sécurité : une groupe très restreint est en train de réussir un beau coup en supprimant nos libertés civiles, l’une après l’autre. Prenez l’exemple du scanner déshabillant dans les aéroports. Il s’agit du même type de personnes qui provoquent la guerre pour générer du profit, qui pensent « On s’en fiche si quelques centaines de milliers de personnes meurent ». On peut mentionner les noms d’Halliburton et de Blackwater Security, par exemple.
  • La coalition des fondamentalistes anti-liberté : les individus prêts à vous dicter ce que vous devez faire de votre vie sont légion. Peu importe qu’ils veuillent vous priver de vos libertés pour préserver les valeurs du christianisme ou de l’islam, du socialisme ou de quelque autre manuel de prescriptions qui prétend avoir une réponse à tout, ils représentent finalement une seule et même menace. Les pires d’entre eux sont ceux qui prétendent le faire « dans l’intérêt des enfants », comme ECPAT (End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of children for sexual purposes).

Une fois rassemblés, ils provoquent la conjoncture délétère qui permet de mettre en place des politiques non pas destinées au peuple, mais dirigées contre lui, au nom d’intérêts très particuliers. Les lois ainsi promulguées permettent alors sans problème de nous retirer toutes nos libertés, du droit à la vie privée, à la liberté d’expression (industrie du copyright), à notre liberté de mouvement, et jusqu’au droit même à la vie (les profiteurs de la sécurité). Pour cela, il est nécessaire de créer un environnement qui soit fondamentalement hostile aux enquêtes et aux études indépendantes. Cet environnement est déjà en place (une fois de plus : l’industrie du copyright, le « terrorisme »).

Prenons l’exemple de la criminologie, cette science à moitié politique. Elle est fondée sur les preuves et prédit ce qui arrive selon la façon dont on organise les lois, leur application, et la graduation des peines. Il existe un concept appelé dissuasion marginale affirmant que quand quelqu’un commet un crime, afin d’éviter une escalade de violence, il existe toujours une sanction plus lourde à éviter.

Par exemple, si l’on prévoit la même peine pour un cambriolage ou un meurtre, il serait logique pour un cambrioleur de tuer chacune de ses victimes, puisque cela ne changerait rien pour le criminel en cas d’arrestation. Au contraire, avec un témoin en moins, les risques d’être pris s’en trouveraient réduits. Par conséquent, on applique une peine significativement plus élevée pour un meurtre que pour un vol. Voilà un exemple de dissuasion marginale.

Le 16 décembre, le Sénat des États-Unis a fait fi de toute sagesse de ce type et voté à 86 voix contre 13 que tout un chacun pourrait être emprisonné indéfiniment, ou même exécuté, sans procès ni charges contre lui. 86 contre 13 ! Voilà ce que je j’entends par « les États-Unis sont déjà perdus ». Où en sommes-nous si malgré le grand nombre de citoyens qui s’efforcent de respecter les lois, on peut tout de même les jeter en prison, voire les exécuter ? Lorsqu’on ne passe même plus par la case simulacre de procès ? J’ai tweeté à ce sujet hier, en faisant déjà allusion à la quatrième boîte.

Tweet Falkvinge

De plus, la novlangue a déjà commencé à appliquer cela aux dissidents les plus ordinaires. Les gens qui ne sont pas d’accord avec le gouvernement et l’autorité. La détention sans limite et les exécutions arbitraires s’appliqueront uniquement aux « terroristes », mais en même temps l’on a appelé « terroristes de basse intensité » des manifestants lambda lors d’un rassemblement. Pas la peine d’être un génie pour comprendre vers quoi on se dirige, même si beaucoup de gens, et cela n’a rien de surprenant, se voilent la face et refusent de voir ce qui se passe sous leur nez. Comme je l’évoquais précédemment, les prochaines décennies s’annoncent des plus sombres pour les États-Unis.

Laissez-moi vous montrer la gravité de la situation. Lorsque ce genre de lois seront passées et qu’un certain nombre de gens auront disparu, si des policiers viennent pour arrêter, le réflexe le plus logique sera simplement de les abattre à distance. Rien de pire ne peut vous arriver pour l’avoir fait, et cela augmentera vos chances de rester en vie et en liberté. Et les gens se regrouperont en bandes pour s’entraider dans ce seul but – très vite. À ce stade, les lois ne seront plus pertinentes (même s’il y avait des simulacres de procès) ; seule la débrouillardise de la rue déterminera votre sort.

En Suède, j’ai assisté à un exemple concret de population qui se voile la face, il y a quelques années, lorsqu’on abolissait le droit à la vie privée au profit de la mise sur écoute. Les autorités allaient pouvoir procéder à des écoutes en nombre, sans mandat, ni avertissement, ni soupçon de délit, rien. Alors que nous organisions des manifestations pour protester et lisions la proposition de loi aux passants, qui correspond mot pour mot à la loi qui a été votée, ils refusaient de nous croire. Ils ont purement et simplement refusé de voir ce qui se passait, ils pensaient que nous l’avions inventée et que c’était trop invraisemblable pour être avéré. Ce fut l’un des moments les plus exaspérants de ma vie politique. J’y reviendrai dans un prochain billet.

Mais cela illustre un autre problème. Les armes qui jouent un rôle prépondérant, et c’est là l’ironie de la situation, ne sont pas celles qui propulsent du plomb, du cuivre ou de l’acier à une vitesse létale, mais les téléphones portables. Si l’on observe les jeunes – grosso modo la moitié la plus jeune de la population – lorsqu’ils assistent à un crime, vous constaterez qu’ils sortent tous leurs téléphones portables, mais n’appellent pas la police. Ils sortent leurs téléphones portables pour filmer, l’enregistrement se faisant de préférence ailleurs que sur leur téléphone (qui risque d’être détruit vu sa proximité avec le lieu de l’événement).

Slim Amamou, l’activiste du parti pirate tunisien qui a été secrétaire d’État au sein du gouvernement d’union, a remarqué que sur toutes les photos d’activistes du Printemps arabe figurent d’autres gens qui photographiaient la même scène avec leur téléphone. Ainsi, le carburant de cette révolution ne se résumait pas à une image – chaque acteur de la révolution diffusait aussi des instructions sur la façon de propager les informations sur d’autres violations du droit.

Il existe une raison pour laquelle la nomenklatura veut à tout prix le contrôle d’Internet. C’est pour cette même raison que nous devons nous battre pour lui.

Je suis convaincu que la démocratie doit être le chemin à suivre, sans condition, tant qu’elle donne un espoir de liberté. Mais, hélas, cette possibilité se referme – par le biais de nos élus, pour le compte de groupes d’intérêts particuliers. Les profits et le fondamentalisme. Elle n’est pas encore close, mais bien des groupes y œuvrent d’arrache-pied.

Je suis un Européen blanc, d’âge moyen. Un entrepreneur hautement qualifié. Distingué comme l’un des penseurs les plus brillants au monde. Je serre la main des présidents, des membres des gouvernements, et des secrétaires d’État, dans le monde entier. Je n’ai absolument rien à craindre du gouvernement tant que je ne fais pas de vagues. En toute logique, je devrais être l’un des derniers à me rendre compte que l’on peut en arriver là.

Cette considération est moins effrayante si elle est erronée que si elle se vérifie : il est possible que j’aie raison. Peut-être que beaucoup de personnes partagent mes craintes sans les formuler. Si c’est le cas, une grande proportion de la population des pays occidentaux a observé le Printemps arabe et se prépare à devoir probablement faire la même chose de leur vivant.

Certaines personnes pensent que l’Europe en général (et les pays nordiques en particulier) représente un élan d’espoir. J’illustrerai dans des articles à venir comment certains politiciens semblent ne vouloir rien de plus que de marcher dans les pas des États-Unis vers l’obscurité, même si l’Europe peut encore être sauvée. Ici, l’activisme peut avoir un résultat, comme le peut le travail des politiques, en agissant dans la rue. Nous pouvons inverser cette tendance. Nous en sommes capables, et c’est notre devoir.

Je ne souhaite pas que l’on en arrive à la situation que je décris dans cet article. Au contraire. Je jette tous les mauvais sorts du monde à ceux qui ont créé cette situation et me contraignent à voir les choses ainsi. Mais si l’on doit en arriver là après des années de protestation et de dur labeur, alors je m’adapterai. Je me battrai pour la liberté autant que je le peux, et j’aiderai les autres à s’organiser autour de la cause. Je suis passé de la préparation mentale à une réelle préparation à l’effrayante et douloureuse possibilité que la situation puisse devenir vraiment moche.

La photo qui illustre cet article, le pistolet et la cible, n’est pas tirée d’un catalogue comme 99% des photos de ce blog. Cette photo a été prise de mon bureau, à cinquante centimètres de là où je suis assis.




La menace SOPA plane aussi sur le monde éducatif 3/3

On le constate partout dans le monde. Quand les lobbyistes du copyright font pression sur les gouvernements pour qu’ils mettent en place un arsenal répressif sur internet afin de « lutter contre le piratage », cela impacte négativement aussi bien la liberté individuelle du citoyen que la liberté collective de l’univers éducatif dont la caractéristique non marchande n’est jamais prise en considération.

Ainsi en va-t-il donc malheureusement ainsi pour le projet de loi américain SOPA qui fait l’objet d’un dossier sur le Framablog.

Sopa Doll

PS : On notera que le projet de loi a été ajourné mais ne nous réjouissons pas trop vite…

Comment SOPA affecte les étudiants, les éducateurs et les bibliothèques

Electronic Frontier Foundation – Décembre 2011
(Traduction Framalang/Twitter : Kamui57, Skhaen, Gordon, Stephanie, Toto, Martin, Quota)

How SOPA Affects Students, Educators, and Libraries

Les grands groupes de médias et leurs représentants comme la MPAA et la RIAA ont historiquement ciblé les campus universitaires avec des mesures « anti-piratage », et le Stop Online Piracy Act (SOPA) — le projet de loi de censure qu’ils tentent de faire passer au Congrès — n’est pas une exception. Les partisans du projet insistent sur le fait qu’il cible uniquement les sites « pillards » étrangers dédiés au piratage, mais c’est un terme vague et flou, et ses méthodes d’application trop larges n’assurent en rien qu’elles ne seront pas utilisées pour étouffer la liberté d’expression des élèves et professeurs.

Ressources éducatives libres

Les communautés internationales dédiées aux « Ressources Éducatives Libres » (REL), qui sont conçues pour être partagées, améliorées, et utilisées dans l’éducation, ont particulièrement de quoi s’inquiéter. Des sites comme le Japan Opencourseware Consortium ou Universia, qui offre des ressources à plus de 1 000 universités et représente 10 millions d’étudiants, pourraient être concernés. Dans la décennie passée, ces ressources sont devenues grandement populaires, facilitées par le coût réduit de la distribution numérique et la disponibilité de technologies pour héberger et partager. SOPA pourrait inverser ces tendances en plaçant d’écrasantes responsabilités prohibitives sur les sites qui fournissent ces ressources.

Les éducateurs travaillant dans la communauté des REL ont tiré la sonnette d’alarme à propos de ce projet de loi : Curriki, un site principalement dédié à l’école primaire, a expliqué pourquoi en quoi il craignait SOPA ; les Creative Commons se sont également exprimées au sujet de ce projet, et un groupe d’éducateurs influents a soumis une lettre à la Chambre des Représentants expliquant pourquoi ce projet gèlerait la création de contenus éducatifs.

Bibliothèques et bibliothécaires

Ils ne sont pas seuls. Les bibliothèques représentent un autre groupe éducatif potentiellement impacté par SOPA. La Library Copyright Alliance, un groupe dont les membres incluent l’Association Américaine des Bibliothèques, a également envoyé un courrier à la Chambre des Représentants relevant les problèmes principaux du projet de loi.

De façon alarmante, les bibliothécaires rappellent et indiquent « trois procès en cours pour infractions au copyright contre des universités et leurs bibliothèques, liés à leur usage de technologies numériques », reflet « d’une tension croissante entre les bibliothèques et les détenteurs de droits de plus en plus enclin à brandir la menace de la poursuite judiciaire, jusqu’à aller à exécution ». Cette état d’esprit et cette judiciarisation se poursuivront immanquablement avec SOPA qui pourra mener des poursuites y compris pour des activités relevant du simple fair use et menées sans intention commerciale.

Sopa Watched Computer

Le fair use pour les étudiants et éducateurs

Lorsqu’ils feront face à ce genre de situations, les administrateurs mettront vraisemblablement en place des règles pour protéger leurs universités de toute responsabilité encourue, même si ces règles ne tiennent pas compte de l’exception au copyright du fair use permise aux éducateurs. Malgré la protection actuelle explicite de la loi pour « les copies multiples pour l’usage en salles de cours », de nombreuses universités payent des frais de licences forfaitaires à la Copyright Clearance Center afin de s’épargner d’éventuelles poursuites.

Et il est logique qu’elles le fassent lorsque l’on se souvient des poursuites judiciaires engagées en 2008 par un éditeur universitaire contre l’Université d’Etat de Géorgie, soutenu alors financièrement par le Centre pour une simple histoire de droits sur des photocopies d’articles et extraits de livres. l’Université a modifié en la restreignant sa politique légale concernant le copyright après le procès,

Comment agir ?

D’autres acteurs de la communauté éducative ont des problèmes avec la loi, et avec son pendant tout aussi désastreux de Sénat, PROTECT IP Act ou PIPA. L’Association des Etudiants des Etats Unis, qui représente quatre millions et demi d’étudiants dans plus de quatre cents campus sur tout le pays, s’est insurgée contre ces deux lois, et un groupe de plus de cent professeurs de droits a envoyé une lettre vindicative au Congrès.

Les étudiants, bibliothécaires, professeurs, et autres membres de la communauté éducative, conscients des conséquences problématiques que SOPA entraînerait, élèvent leur voix. Et avec le Congrès mettant SOPA à l’ordre du jour cette semaine, nous avons besoin que des étudiants, des enseignants, et des bibliothécaires se mobilisent.

Nous avons préparé une boîte à outils anti-SOPA pour ceux qui veulent agir contre les lois pour la censure. De nombreuses actions proposées impliquent directement les étudiants.

Qui que vous soyez, appellez vos députés au Congrès dès aujourd’hui et prenez connaissance de notre alerte SOPA. Et n’oubliez pas que vous pouvez devenir membre de l’EFF pour un tarif spécial étudiant.

Sopa Locked Computer

-> Lire d’autres articles consacrés à SOPA sur ce blog




Le projet de loi américain Stop Online Piracy Act (SOPA) a été ajourné :)

Le projet de loi américain Stop Online Piracy Act, ou SOPA, a été ajourné hier afin de se donner le temps d’un « examen plus approfondi des affirmations selon lesquelles cette législation serait nocive à l’infrastructure d’Internet ».

C’est une excellente nouvelle pour tout ceux qui s’étaient mobilisés contre cette énième déclinaison d’une tentative globale de museler le réseau.

Sauf quelques uns dont nous sommes, on en a peu parlé en France. Mais si la prudente Wikipédia a menacé d’une grève c’est qu’il devait bien y avoir une raison !

Evidemment, rien n’est jamais acquis. D’autant qu’une autre loi, PROTECT IP Act ou PIPA, menace tout autant. Cela laisse cependant un temps supplémentaire pour poursuivre inlassablement le travail d’action et d’information et espérer une issue favorable, à savoir le rejet de la loi en l’état.

Il est intéressant de remarquer ici la fracture qui a eu lieu entre les industries culturelles (id est les industries du droits d’auteur), Hollywood en tête et les entreprises des nouvelles technologies qui étaient opposées à cette loi. Quant aux pères de l’internet, leur lettre ouverte ne laisse pas de place au doute.

Rendez-vous au prochain épisode de la bataille contre l’Empire…

SOPA Postcard

PS : Cet article fait partie d’un dossier consacré à SOPA sur le blog. On notera que le projet de loi a été ajourné mais ne nous réjouissons pas trop vite…

Une victoire pour la communauté informatique – la commission parlementaire repousse l’examen de la proposition de loi SOPA

Sopa victory for tech community as US House committee adjourns

Dominic Rushe – 16 décembre 2011 – The Guardian
(Traduction Framalang/Twitter : Ayn, Sophie, Alexis, Speredenn)

Le parlement votera à une date ultérieure la loi sur le piratage sur Internet. C’est une mauvaise suprise pour Hollywood et les plus grandes entreprises de médias.

La commission des lois du parlement américain qui étudiait le projet de loi controversé Stop Online Piracy Act (SOPA) a brusquement repoussé le vote ce vendredi sans fixer une nouvelle date. La victoire surprise de la communauté informatique (NdT : the tech community) est arrivée au milieu d’un feu nourri de critiques sur Internet, malgré le fait que la plupart des politiciens de la commission semblaient soutenir la proposition de loi.

Alors que la discussion en était à son deuxième jour, le président de la commission et principal soutien à cette loi, le Député républicain du Texas Lamar Smith a accepté que soit fait appel à un examen plus approfondi des affirmations selon lesquelles cette législation serait nocive à l’infrastructure d’Internet.

Les plus grandes entreprises de médias, y compris les plus grands noms d’Hollywood, ont fait un lobbying très important pour soutenir cette proposition de loi, prétendant que le piratage sur Internet leur coûtait des milliards en ventes et en emplois. Mais de cadres de Google, de Wikipedia et d’autres importantes entreprises du monde de l’informatique ont accusé la commission de suivre la stratégie utilisée par la Chine pour censurer son Internet et ont affirmé que la proposition de loi, telle qu’elle est écrite, causerait des dommages considérables à la structure même d’Internet.

La communauté d’Internet s’est liguée contre SOPA. Le fondateur de Wikipedia, Jimmy Wales, a menacé de fermer le site Internet si la proposition de loi n’était pas modifiée. Le hashtag #Sopa est devenu de plus en plus populaire sur Twitter cette semaine en raison des inquiétudes grandissantes de la communauté sur ses implications.

Mais SOPA n’est pas morte. Smith a dit que la séance reprendrait « le jour le plus proche où le Parlement sera disponible ». Avec l’imminence des vacances de Noël, la prochaine séance se tiendra au minimum dans plusieurs semaines et avec la perspective de l’élection de 2012, il sera de plus en plus difficile de mettre à l’ordre du jour un vote rapide.

Lors de la séance, le Député républicain de l’Utah Jason Chaffetz a pressé Smith de suspendre la session jusqu’à ce que des experts techniques puissent être convoqués pour dicuter de l’impact de la modification du système de nommage des domaines d’Internet dans le but de combattre le piratage.

Les plus grands noms de l’industrie informatique se sont prononcés contre Sopa, y compris l’ingénieur Vint Cerf, l’un des fondateurs d’Internet. Il a récemment tiré la sonnette d’alarme sur le fait que SOPA risquait de provoquer « une course aux armements mondiale de censure sans précédent sur le web ». Stuart Baker, un ancien secrétaire d’Etat du ministère de l’intérieur, a également attiré l’attention sur le fait que SOPA causerait « des dommages importants à la sécurité de l’Internet ».

Etant donné que la majorité des membres de la commission semblaient être en faveur de la proposition de loi, décider de repousser celle-ci sera perçue comme un coup majeur porté aux entreprises de médias qui ont fait un lobbying important pour qu’elle passe. Holmes Wilson, co-fondateur de Fight For The Future, un groupe de lobbying, a déclaré : « c’est une victoire importante, même si elle est temporaire. Ce n’est pas ce qu’ils voulaient ».

Il a dit que le nombre de personnes attentives aux événements en ligne et que les discussions sur Twitter et Facebook rendait clairement difficile le vote de la loi sans un examen plus approfondi. « Autrefois, les lois pouvaient simplement être votées sans que beaucoup de gens s’en apreçoivent. Ceci n’est plus possible aujourd’hui », a-t-il déclaré.

Ce projet n’est pas la seule loi anti-piratage actuellement en discussion à Washington. Une autre proposition de loi, connue sous le nom de Protect IP Act ou Pipa, est également en préparation.

-> Lire d’autres articles consacrés à SOPA sur ce blog




12 actions pour combattre et stopper SOPA 2/3

Voir le premier article de notre dossier SOPA et son introduction : Pourquoi le projet de loi américain SOPA nous menace-t-il tous.

I'm no criminal

Combattez la censure : la trousse à outils de l’activiste anti-SOPA

Electronic Frontier Foundation – Décembre 2011
(Traduction Framalang/Twitter : Kamui57, Skhaen, Gordon, Stephanie, Toto, Martin, Quota)

Fight the Blacklist: A Toolkit for Anti-SOPA Activism

Le congrès américain débat d’une dangereuse loi qui donnerait au Département de la Justice le pouvoir sans précédent de « blacklister » des sites web sans décision de justice et donner aux détenteurs de copyrights d’Hollywood un moyen direct et rapide de couper les moyens financiers d’un site web sur l’allégation de violation de copyright, mettant en danger des sites comme Vimeo ou Etsy. Ce n’est rien de moins qu’un projet de loi créant un régime de censure aux Etats-Unis, et il avance rapidement.

Nous avons besoin de votre aide pour stopper cette loi avant qu’elle n’entame la sécurité sur Internet et qu’elle ne censure le Web. Êtes-vous prêt à vous joindre dans cette bataille à l’EFF, Demand Progress, Fight for the Future, Free Software Foundation, Creative  Commons, CDT, the Participatory Politics Foundation, et à Public Knowledge ? Voici 12 actions que vous pouvez mettre en oeuvre dès maintenant pour nous aider à stopper le projet de loi censeur.

Vous avez d’autres suggestions de moyens de lutter contre SOPA et Protect-IP ? Dites-le nous via identi.ca, Twitter, Facebook, par e-mail à rainey@eff.org, ou ajoutez-le en commentaire sur Reddit.

Blackout

1. Appelez vos sénateurs et députés et dites-leur de s’opposer respectivement à Protect-IP et SOPA. Cliquez ici pour quelques suggestions de points d’accroche. Ensuite, parlez à vos amis de cet appel sur les réseaux sociaux.

2. Contactez le Congrès via le centre d’action de l’Electronic Frontier Fondation. Personnalisez votre  courrier afin d’expliquer qui vous êtes et pourquoi vous êtes préoccupés par ce projet de loi. Si vous êtes hors des Etats-Unis, essayez cette pétition de Fight for the future.

3. Si vous travaillez pour une entreprise qui touche aux nouvelles technologies, contactez les dirigeants de votre entreprise et expliquez leur vos inquiétudes. Demandez-leur de se joindre à vous et de s’exprimer. Ces entreprises (PDF) ont déjà pris position.

4. Bloguez à propos des projets de lois de censure. Peu importe qu’il s’agisse d’une explication candide de la raison pour laquelle vous vous opposez à cette législation, une discussion sur ses effets sur les droits de l’Homme ou un appel à des réalisateurs de films pour protester contre les listes noires, il y a de nombreux moyens de communiquer au sujet de cette inquiétante législation. Aidez-nous à faire passer le mot en écrivant des articles sur votre propre blog, le blog de votre établissement, ou sur des blogs ouverts aux contributeurs.

5. Vous êtes un artiste ? Présentez les dangers de la censure au travers de l’art et de la musique, et utilisez-le pour atteindre des gens qui autrement n’auraient jamais entendu parler de ce problème. Vous pouvez concevoir des stickers, posters, patches, créer une vidéo sur Youtube, ou tenir un débat ouvert autour de la censure.

6. Vous administrez un site web ? Mettez une bannière sur votre site pour protester contre la censure ou faites un lien vers l’EFF.

7. Coordonnez une intervention ou un débat dans l’université ou le centre communautaire local. Invitez les experts locaux en ce qui concerne le copyright et la liberté d’expression à venir débattre de ce problème.

8. Si vous êtes au lycée, parlez à vos professeurs d’éducation civique et de médias, demandez-leur de débattre, en cours, des implications de cette loi. Présentez-leur nos supports de cours libres gratuits sur le copyright.

9. Si vous êtes étudiant(e), exprimez-vous par le biais d’organisations similaires travaillant sur les libertés numériques, comme Students for Free Culture ou Electronic Frontier on Campus. S’il n’y en a pas une branche dans votre établissement, créez-en une. puis déployez une plateforme pour vous coordonner avec d’autres étudiants pour parler de ce projet de loi.

10. Si vous êtes étudiant(e), organisez une rencontre entre la rédaction du journal de votre université ou école, et expliquez-leur la loi, en leur montrant pourquoi ils devraient en parler. Travaillez avec eux pour écrire des articles sur ces sujets. Prenez pour exemple le travail des universités de Buffalo, du Massachusetts, du Minesotta. Plus d’exemples sont disponibles sur la page « Chorus of Opposition » du Centre pour la Démocratie et la Technologie.

11. Écrivez une lettre au rédacteur de votre journal local. Souvenez-vous, ils ont souvent des prérequis. Trouvez les et suivez les à la lettre.

12. Devenez membre de l’EFF. Nous menons le combat pour la défense des libertés civiles en ligne, afin que les générations futures profite d’un Internet libre de toute censure. En nous mobilisant de façon unie, nous pouvons y arriver.

Stop Censorship

-> Lire d’autres articles consacrés à SOPA sur ce blog




Pourquoi le projet de loi américain SOPA nous menace-t-il tous 1/3

Stop SOPAD’un côté l’État, de l’autre le citoyen. Champ de bataille : Internet. Enjeu principal : la liberté. Parfois le front est international et ça donne l’ACTA, parfois il est national comme l’actuel SOPA aux USA.

Le problème avec les USA , c’est que tout ce qui est national impacte l’international tant est grande leur influence sur l’Internet.

Qu’est-ce donc que ce nouvel acronyme SOPA dont on parle trop peu de notre côté de l’Atlantique ?

« Le Stop Online Piracy Act (ou SOPA), aussi connu sous le nom de H.R.3261, est un projet de loi américain qui élargit les compétences de la législation américaine et des ayants-droit pour lutter contre la contre-façon en ligne de la propriété intellectuelle..SOPA prévoit toute une série de mesure à l’encontre des sites contrevenants. Les pénalités prévues incluent notamment la suspension des revenus publicitaires et des transactions en provenance de services comme Paypal, l’interruption du référencement sur les moteurs de recherche, et le blocage de l’accès au site depuis les principaux opérateurs internet. SOPA criminalise également le streaming de contenu protégés. Les initiateurs de SOPA affirment qu’elle protège les secteurs économiques américains dépendant de la propriété intellectuelle et donc nombre d’emplois et de revenus financiers. Il paraît ainsi nécessaire de renforcer la législation existante, notamment à l’encontre des sites étrangers. Ses détracteurs la qualifient de censure numérique. »

Et Wikipédia de conclure avec la prudence qui la caractérise : « Elle malmènerait l’ensemble d’Internet et menacerait la liberté d’expression. »

Pour ce qui nous concerne, nous n’hésitons pas à lever ce conditionnel et nous nous associons par nos traductions au combat que mène dans l’urgence et avec d’autres l’Electronic Frontier Foundation (EFF) pour tenter de modifier la donne.

Comme le souligne Jérémie Zimmermann sur La Quadrature du Net : « Des mesures de censure du Net aussi vastes et disproportionnées au nom du droit d’auteur sont la conséquence directe de la guerre globale des industries du divertissement contre le partage sur Internet. Alors que la Commission européenne et les États Membres de l’Union européenne poussent à la ratification de l’ACTA pour intensifier la guerre contre le partage, il est clair que les mesures inclues dans SOPA seront bientôt discutées en Europe si rien n’est fait pour les arrêter ».

PS : Cet article fait partie d’un dossier consacré à SOPA sur le blog. On notera que le projet de loi a été ajourné mais ne nous réjouissons pas trop vite…

Quel est le problème avec SOPA ?

What’s Wrong With SOPA?

Electronic Frontier Foundation – Décembre 2011
(Traduction Framalang/Twitter : Kamui57, Skhaen, Gordon, Stephanie, Toto, Martin, Quota)

L’Acte pour Stopper la Piraterie en Ligne (Stop Online Piracy Act, SOPA, H.R. 3261) est une nouvelle loi dangereuse débattue en ce moment à la Chambre des représentants américains. Ses partisans arguent que SOPA cible les sites étrangers « véreux » encourageant les infractions sur internet, mais le langage approximatif qu’elle emploie donnerait naissance à de nouveaux outils dévastateurs pour museler des paroles légitimes partout sur le web.

Malgré l’opposition de longue date d’une coalition diversifiée comprenant des organisations de lutte pour les droits de l’homme et les libertés civiles, des leaders de l’industrie technologique, des experts en sécurité, des spécialistes en droit, des législateurs des deux partis, et beaucoup d’autres, la loi progresse rapidement à travers le Congrès, alimentée par des injections massives d’argent de la part des grandes entreprises de contenus (et donc de gestion des droits d’auteur).

Que pouvons-nous faire pour arrêter cette loi désastreuse ? C’est le moment de prendre le téléphone pour appeler votre député à Washington, et lui faire savoir que nous ne tolèrerons pas cette loi de censure d’internet. Voici quelques faits pour vous aider à comprendre pourquoi :


  • SOPA donne aux individus et entreprises un pouvoir sans précédent pour museler l’expression en ligne. Avec SOPA, des individus ou entreprises pourraient envoyer une notification aux partenaires financiers d’un site (NdT : exemple Paypal), exigeant que ces derniers cessent de traiter avec le site ciblé — même si le site en question n’avait jamais été reconnu coupable d’infraction devant un juge américain. Comme beaucoup de sites dépendent de ces revenus pour couvrir leurs frais de fonctionnement, une seule accusation d’infraction pourrait les ruiner.
  • SOPA donne au gouvernement encore plus de pouvoir pour censurer. L’avocat général peut rayer des sites du web en créant une liste noire et exiger des prestataires de services (tels que les moteurs de recherche et les registraires de nom de domaine) de bloquer les sites appartenant à cette liste.
  • SOPA utilise un langage approximatif dont il va profiter/qui sera exploité. La loi cible presque chaque/n’importe quel site hébergeant du contenu genéré par les utilisateurs ou même qui n’a qu’une fonctionnalité de recherche de contenu, en ne garantissant aucune protection pour les contenus légaux.
  • SOPA ne stopperait pas la piraterie en ligne. Les outils puissants mis à la disposition de l’avocat général gêneront beaucoup les utilisateurs lambda, mais les utilisateurs motivés et expérimentés les contourneront très facilement.

S’il vous plaît appelez aujourd’hui et faites entendre votre voix sur cette question importante. Vous trouverez le numéro de votre député(e) ici : https://eff.org/sopacall.

Il y a beaucoup d’autres raisons pour lesquelles SOPA dessine un avenir sombre à l’avenir d’Internet : cette loi va saper les efforts de défense des droits de l’Homme, interférer avec d’importantes initatives sur la sécurité d’Internet, et balkaniser Internet. Pour plus d’informations sur ces dangers, vous trouverez notre couverture continue de la loi sur https://www.eff.org.

-> Lire d’autres articles consacrés à SOPA sur ce blog




La liberté sur Internet : certains en parlent, d’autres la font… Rejoignez-nous !

Le mouvement du logiciel libre a la chance de posséder deux grands tribuns de l’autre côté de l’Atlantique : Richard Stallman, que l’on ne présente plus, et Eben Moglen.

Ils n’ont pas le même style, dans le fond comme dans la forme, mais ils sont tous deux bigrement efficaces et efficients lorsqu’il s’agit de porter la bonne parole, en la rendant accessible au plus grand nombre dans un anglais simple, clair et percutant. Quand on sort de l’une de leurs conférences, on s’en trouve souvent comme revigoré pour ne pas dire galvanisé 🙂

Nous avions fait l’effort de sous-titrer une longue mais pasionnante et magistrale intervention d’Eben Moglen il y a quelques temps de cela : 1 heure de votre temps pour écouter Eben Moglen.

Donnée en février dernier dans le cadre d’un évènement autour du journalisme et des nouveaux médias, voici une conférence du même acabit et du même auteur qui n’a pas son pareil pour donner l’impression que la somme de tout ce que nous, modestes petites fourmis, faisons chacun dans notre coin du Web fait sens commun et nous dépasse.

Il y évoque notamment l’un des projets qui lui tient hacker et nous avec puisque nous lui avions consacré un enthousiaste et prometteur billet : La Freedom Box ou la petite boîte qui voulait que l’Internet restât libre.

En 2012, c’est décidé, je vote Eben Moglen !!

PS : Le sous-titrage provient de l’excellent projet Mozilla Universal Subtitles. Merci à Eric Verdier pour la traduction. Et si vous la jugez perfectible, suivez le même lien ci-avant pour l’amélioration 🙂

Navigating the Age of Democratized Media

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—> Le fichier de sous-titres

Transcript

Merci Tom, c’est un grand plaisir d’être ici.

Je suis très heureux d’avoir l’occasion de parler des questions qui me préoccupent le plus dans un contexte qui nous permet de parler un peu du journalisme et un peu de l’ignorance et un peu de l’abus de pouvoir.

Le problème que représente la presse c’est-à-dire la machine de communication depuis le début de l’industrialisation de la communication et de la lutte contre l’ignorance en Europe, au 15e siècle. Le problème posé par la presse est sa soumission incroyable au pouvoir. Presse et Pouvoir sont difficiles à séparer plus difficiles à séparer que le beurre d’arachide et la gelée, plus difficile à séparer que la nuit et le jour. Presse et Pouvoir sont liés l’un à l’autre depuis le début parce que dès le début il a été clair que l’alternative à une étreinte entre la presse et le pouvoir est une constante révolution alimentée par le désir des gens à connaître et à s’autoriser à agir dans leur propre intérêt, indépendamment de l’intérêt du pouvoir.

Notre adoption de la presse dans le monde européen après l’effondrement de l’unité de la chrétienté et la fin du système pour le contrôle de l’esprit qu’ a été l’Église catholique universelle, dans cette grande révolution intellectuelle, morale et politique que nous avons appelé la Réforme. La réponse à la Réforme fut l’apprentissage par toutes les sociétés européennes, protestantes et catholiques à la fois, que la presse ne pouvait pas être autorisée à être libre, et le résultat a été la censure presque partout pendant des centaines d’années.

Dans de rares endroits en Europe, en Hollande et au Royaume-Uni, en fait en Angleterre après 1650, puis à nouveau après 1695, dans les rares endroits où la presse était libre d’imprimer sans contrôle, le résultat a été le révolution intellectuelle, politique et morale que nous appelons les Lumières et la Révolution française, qui est une preuve de plus que permettre aux gens de savoir, d’apprendre, de s’éduquer les uns les autres et de partager entraînera la décentralisation du pouvoir et une menace pour tous les « Ancien Régime ».

Mais à l’âge des médias capitalistes dans lequel nous sommes en train de passer le mariage entre la presse et le pouvoir a été une fois de plus une question d’attraction magnétique. La presse, qui est la production industrielle et la diffusion de l’information organisée, la presse est devenue la bonniche de la classe possédante.

Liberté de la Presse. Le grand critique de presse américain A. J. Liebling a écrit: « La liberté de la presse appartient à celui qui en possède une » et à travers le 20e siècle tant à l’égard de la presse que de son proche cousin, la diffusion ça a été encore plus vrai.

Nous sommes en train de sortir de l’ère de la presse comme nous passons de l’idée qu’il y a une machine qui transforme l’information du local et temporaire à l’universel et permanent. A la place, nous avons commencé de vivre à l’intérieur d’un système nerveux numérique qui relie chaque être humain sur la planète à tout autre être humain sur la planète actuellement ou potentiellement sans intermédiaires

À la fin de la prochaine génération quelques soient les horreurs ou victoires qui arriveront dans l’intervalle d’ici la fin de la prochaine génération nous allons vivre dans ce monde de l’interconnexion généralisée sociale de l’homme qui est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de l’Internet.

Chaque fax, heu, les quelques-unes restantes, tous les scanners, chaque imprimante, chaque téléphone, chaque appareil, chaque caméra vidéo, ai-je dit par téléphone… téléphone… téléphone… téléphone ? Chaque objet avec une alimentation électrique sera une collecteur d’informations et un système de distribution contrôlée par certains êtres humains quelque part, à une extrémité ou à l’autre.

S’il est contrôlée au final là où sont les êtres humains, où ils luttent, où ils cherchent à vendre leurs légumes, où ils sont offensés par un policier refusant de leur permettre de vendre leurs légumes où ils agissent dans la rue pour aider un vendeur de légumes empêché de vendre ses légumes par un policier offensant partout nous aurons des informations réalisées par des personnes pour se libérer.

Considérez ceci : des Indiens maintenant les plus pauvres des pauvres ont des téléphones mobiles et sur ce téléphone mobile, sur le mobile de chacun, chaque livre, chaque morceau de musique chaque vidéo, chaque carte, chaque expérience scientifique, tout type d’information utile ou belle pourra être mis à disposition de chacun s’il n’y avait pas de règles contre le partage.

Tout ce que nous ont laissé dans ce grand système nerveux de l’humanité, tout ce que nous ont laissé que fait obligatoire l’ignorance sont les règles contre le partage.

Lorsque les lois contre le partage auront disparues, et ça va venir, l’ignorance, pour la première fois dans l’histoire de la race humaine, pourra être évitée partout. En ce moment, on voit à travers le monde les jeunes montrer qu’ils sont prêts à tenir debout devant les balles pour la liberté. Plus tard dans ce siècle, vous verrez les jeunes à travers le monde montrer qu’ils sont prêts à tenir devant des balles afin d’avoir la liberté d’apprendre.

Lorsque cela se produira, la race humaine traversera la révolution la plus importante depuis 1789, et un « ancien régime », qui mérite de périr périra dans le monde entier ici nous discutons aujourd’hui de quelques-unes, simples, premières pièces de cette immense révolution. Le démembrement des systèmes de production de l’information contrôlée et de sa distribution qui existent depuis le matin après Gutenberg.

Mais on est le lendemain du matin après Gutenberg.

C’est le moment où les disparités de pouvoir et les disparités d’accès commencent à céder la place et de l’autre côté, en ce moment, sont presque tous les gouvernements et presque toute la presse et presque tous les privilégiés qui ne veulent pas que le monde change.

Je dînais avec un gouvernement officiel à Washington, DC plus tôt cette semaine et je lui ai dit « Vous savez, environ la moitié des réseaux de télévision en Europe cherchent à m’avoir pour un interview pour discuter de l’hypocrisie du gouvernement américain sur la politique de la liberté sur Internet », J’ai dit « et si la moitié des réseaux de télévision au Europe veulent me parler de l’hypocrisie de la politique américaine sur la liberté de l’Internet, ça fait penser que le Département d’État a un problème ». Il a dit « Oui, ils savent qu’ils ont un problème, et ils veulent faire quelque chose. »

Et ils devraient, mais tous les gouvernements de la Terre ont du mal à parler de l’Internet libre, parce que tous les gouvernements de la Terre font partie d’une structure de pouvoir qui perdront quelque chose à des flux d’information libre, tout comme les grandes institutions économiques dominant notre époque, comme les institutions de surveillance qui vous offrent leur moteur de recherche tant que vous partagez tout ce que vous cherchez, et un e-mail gratuit, tant que vous les laisser les lire, et des appels téléphoniques gratuits, tant qu’ils peuvent les écouter, juste pour les besoins de la publicité, vous surveille.

S’il vous plaît, apportez un demi-million de personnes ici et vivez votre vie sociale à l’intérieur de mon système de surveillance. Je vais prendre soin de vous. Bien sûr, sauf si vous êtes dans la rue protestant contre la dictature, dans ce cas, ce que nous allons vous dire, c’est : notre grand service de réseau social est complètement neutre entre les dictateurs et les les gens dans la rue se combattant… pas notre préoccupation ici à whatchamacallit.

Il s’agit d’une phase de transition, vous comprenez ? Je vous ai dit où nous allons. Maintenant, la question est de savoir comment allons-nous y arriver ?

Voici comment nous allons y arriver : le monde va se remplir de bon marché, petits, dispositifs de faible puissance qui vont remplacer la plupart des ordinateurs auxquels vous êtes habitués.

Tous ces gros ordinateurs sur les bureaux et dans les placards, et dans des chambres pleines de serveurs quelque part, remplacés par des choses pas beaucoup plus grosses qu’un chargeur de téléphone portable, et beaucoup, beaucoup plus capables que le premier ordinateur que vous avez possédé, quel qu’il ai été ou peut-être même l’ordinateur que vous utilisez maintenant.

Ces dispositifs ne coûteront à peu près rien et il y en aura partout, et nous allons créer un logiciel qui s’exécutera dans chacun d’eux, qu’un enfant de 12 ans pourra installer et qu’un de 6 ans pourra utiliser qui permettra aux gens de communiquer librement partout, tout le temps, sans contrôle de l’État, sans contrôle d’un businessman, sans contrôle, ce seront des Freedom Box. Elles feront la liberté.

Nous n’avons pas à faire les boîtes, les boites vont remplir le monde. Nous avons juste besoin de créer le logiciel. Et la bonne nouvelle est que nous n’avons pas besoin de créer les logiciels, nous l’avons déjà créer. Tout le monde dans cette salle avec un téléphone Android l’utilise déjà. Tout le monde dans cette salle qui a été sur Facebook aujourd’hui, s’en est servi de l’autre côté.

Tout le monde qui a utilisé une banque ou un supermarché ou une compagnie d’assurance ou une gare, la semaine dernière a utilisé notre logiciel. Il est partout. Nous l’avons fait pour être partout. C’est libre et gratuit. Cela signifie que nous pouvons la copier, modifier, et le redistribuer librement. Cela signifie aussi que cela fonctionne pour les personnes, pas pour les entreprises.

Tout cela est déjà fait. C’est le résultat de 25 ans d’efforts de notre part.

Maintenant, en ce moment, dans la rue, à l’heure actuelle, nous commençons à montrer pourquoi il protège la liberté et pourquoi les gens en ont besoin. Et nous commençons à préparer à leur livrer.

A. J. Liebling, le critique de presse dont j’ai déjà parlé, a écrit une fois : « La presse américaine me fait penser à l’état d’une conserverie de poissons de 12 milliards de dollars en surchauffe, du dernier cri, comptant pour son approvisionnement sur six gars dans une barque en mauvais état. »

Le fait est, bien sûr, que le bloc monolithique de la presse industrielle du 20e siècle faisait tout bien sauf du reportage, ce qu’elle a mal fait, parce que le reportage a été le déjeuner gratuit dans le saloon, et à tout moment le gardien du saloon pouvait le couper, ce qu’il a fait. Je n’ai pas besoin de vous dire que ce processus s’est accélérée depuis A. J. Liebling qui mourut en 1975.

Donc, nous vivons désormais dans un monde où nous sommes sur le point de combler une lacune dans les reportages. Vous savez ce qui comble une lacune dans l’information – on en a déjà parlé – c’est tous ces téléphones, toutes ces caméras vidéo, tous ces tweets. En d’autres termes, nous avons déjà démocratisé le système de reportage.

Ce qui est effrayant pour le Système dans Wikileaks est que Wikileaks est pour la collecte d’informations ce que la Craig’s List est pour les petites annonces. Il modifie la gestion des fuites.

Je déteste corriger tout le monde sur n’importe quel point, mais je tiens à souligner que Wikileaks n’a pas publié les 250.000 câbles du Département d’État. Il possède 250.000 État câbles du ministère et a publié environ 2.000 d’entre eux. Ce qui est le nombre de câbles diplomatiques montrés aux correspondants diplomatiques à travers le monde travaillant pour les principaux journaux, chaque jour.

Mais personne ne dit que c’est de la trahison, parce que c’est le commerce officiel des fuites, à partir de laquelle les représentants du gouvernement, des seigneurs de presse et des propriétaires à travers le monde tirent du bénéfice tous les jours.

Le pouvoir économique, politique et le pouvoir de garder les gens dans l’ignorance.

Qu’est-ce qui se passe dans le Net, maintenant, dans les téléphones, dans les nœuds de sortie Tor, et ce qui se passera dans le monde multiplié par cent, dans peu de temps, dans toutes ces Freedom Box c’est, des informations libres pour le bénéfice de ceux qui en ont besoin.

Demandez-vous ce qui arrivera quand tous ceux qui en ont besoin pourront les avoir et tous ceux qui en ont, pourront les fournir. Qu’est-ce qui va se passer dans les quartiers ? Qu’est-ce qui se passera dans les postes de police. Ce qui va se passer, c’est ce qu’il se passe quand il y a un incendie ou un tremblement de terre, ce qui arrive quand un tyran chute.

Ces mêmes petites boîtes de peu dont je parle seront également en mesure de créer un réseau maillé wifi c’est-à-dire que si quelqu’un coupe le réseau de télécommunications dans un quartier le quartier va continuer à fonctionner.

Ce que M. Moubarak et ses conseillers ont mal compris. C’est pourquoi il est à Charm el Cheikh, avec l’espoir d’acheter un appartement dans l’une des tours en construction à La Mecque, sans doute. Parce que M. Moubarak et ses conseillers pensaient que si vous éteignez l’Internet, vous éteignez la génération Internet.

C’est une erreur. Car, en fait, ce n’est pas un système particulier de télécommunications, ou une structure de réseau social, une base de données particulière de « twatts » … ou twuts… ou twoots, ou quel que soit la façon dont ils les appellent. Ce n’est pas la technologie qui les font marcher c’est que les êtres humains ont compris quelque chose sur la société s’ils ont grandi dans le Net.

La plupart des êtres humains, la plupart du temps, dans la plupart des contextes sociaux, croient que le réseau social le plus précieux pour eux, c’est les gens qu’ils voient tous les jours, et les gens avec qui ils ont de forts rapports émotionnels. Voilà comment la plupart des gens,depuis toujours, pensent le monde social. C’est parce que nous avons évolué pendant des millions d’années pour penser de cette façon.

Comme parties de petits groupes de quelques dizaines de primates vivant au sol. Nos neurones ont évolués pour que nos heuristiques sociales évoluent pour que nous pensions que le réseau social assez solide pour nous soutenir, c’est le peuple que nous voyons autour de nous et que les gens dont nous nous soucions sont ceux qui se soucient de nous en retour.

Mais la génération des gens qui grandissent à l’intérieur du Net le sait maintenant, le sait viscéralement, le sait tout le temps comme une question d’habitude, c’est que le réseau social qui est suffisamment robuste pour changer le monde autour de vous comprend des milliers de personnes auprès desquelles vous ne vivez pas, et avec qui vous n’avez pas de lien émotionnel direct, mais que ce sont les gens qui croient ce que vous croyez, et veulent faire quelque chose, eux-aussi.

Qu’est-ce que nous avons appris à la fin du 20ème siècle d’abord en Pologne, puis dans d’autres endroits, c’est que ce qui fait la révolution, c’est la solidarité. La capacité qu’ont des personnes ne vivant pas à proximité les unes des autres dans l’espace social ou géographique, n’ayant pas de liens personnels immédiats les liant entre elles, de percevoir la capacité à s’auto-organiser pour la réalisation soudaine de profondes fins sociales

Ce que le réseau fait, ce que la vie avec le réseau fait, est d’enseigner aux humains que le coût de la solidarité a baissé. Qu’il est plus facile et plus rapide d’être solidaire qu’il ne l’a jamais été auparavant, et si vous prenez un tas de gens qui le savent, et vous coupez le réseau, ils vont être solidaires de la meilleure façon qu’ils connaissent. Ils jettent des tracts dans la rue, ils se servent de pigeons voyageurs, du téléphone arabe.

Ils font tout ça, parce que la vraie compétence acquise par l’humanité est possibilité l’auto-organisation, et ce que nous voyons maintenant, aujourd’hui, dans le Maghreb, à l’heure actuelle, aujourd’hui, dès maintenant, c’est que la solidarité par auto-organisation est plus forte que les balles des mitraillettes.

Partout dans le monde, la tyrannie aime dire : « L’alternative à mon pouvoir, c’est le chaos », et tout autour du monde, tout le monde peut voir que ce n’est pas vrai.

Donc, ce que nous allons faire, c’est que nous allons fabriquer des objets bon marché, et nous allons les équiper de logiciels libres, et nous allons les mettre entre toutes les mains, et nous allons dire: « Ici. Cela fabrique la solidarité. Utilisez-le. Soyez bien. Soyez libre » Ça va marcher.

Il n’y a pas de raison d’être du côté de la presse, comme il n’y a aucune raison d’être du côté du pouvoir. C’est simple, maintenant. Le pouvoir a été déplacé à la périphérie du réseau, et ca va continuer pour la génération à venir.

Ce sera une grande révolution, et ça va changer le sort de milliards d’êtres humains. Ça rendra l’ignorance obsolète, et quand çà aura rendu obsolète l’ignorance, ca va changer l’avenir de la condition humaine.

La presse ne va pas le faire. Le pouvoir ne va pas le faire. Les gens vont le faire. La technologie pour permettre aux gens de le faire existe déjà. Tout ce dont il y a besoin, c’est un peu de l’affiner. Nous sommes les gens qui vont l’affiner. Nous ne cherchons pas de l’argent. Nous ne cherchons pas le pouvoir. Nous voulons seulement partager.

Tout le monde veut parler de la liberté sur Internet, sauf nous. Nous ne voulons pas parler de la liberté sur Internet, nous voulons juste la faire.

Rejoignez-nous !

Je vous remercie beaucoup.




L’ordinateur personnel est mort pour laisser place à des prisons dorées ?

Victoria Reay - CC byQu’est-ce que Framasoft, si ce n’est au départ avant tout un vaste service se proposant de mettre en relation les développeurs et les utilisateurs (que l’on souhaite toujours plus nombreux) de logiciels libres.

Un service d’autant plus pertinent que l’on peut facilement installer et tester les logiciels et que les développeurs (dont on n’entrave ni la création ni l’innovation) se trouvent disséminés un peu partout sur le Web.

Le problème c’est qu’aujourd’hui tout ce processus est remis en cause par le développement conjoint du cloud et des appareils mobiles (smartphones, tablettes…) à qui l’on demande de ne venir s’abreuver qu’à une seule source dûment contrôlée : la boutique d’applications, ou apps, Apple ou Google. Pire encore, ces plateformes fermées ne se contentent pas de proposer des applications « logiciel », elle offrent également des applications « contenu ». Et c’est toute l’information qui se trouve prisonnière du bon vouloir de quelques sociétés (américaines) qui détiennent alors un pouvoir potentiel exorbitant.

Même des ses rêves hégémoniques les plus fous, Microsoft n’aurait osé envisager une telle situation pour ses PC Windows qui, en comparaison, apparaissent tout d’un coup bien plus ouverts qu’il ne l’étaient une dizaine d’années auparavant[1].

Certains appellent cela le progrès et célèbrent avec ferveur et dévotion le génial Steve Jobs à l’occasion de son triste départ. D’autres ne doivent pas s’en laisser compter, parce que quand la trappe sera définitivement refermée, il sera trop tard…

Jonathan Zittrain est professeur de droit et d’informatique à Harvard et est l’auteur de The Future of the Internet and How to Stop It.

L’ordinateur personnel est mort

The Personal Computer Is Dead

Jonathan Zittrain – 30 novembre 2011 – TechnologyReview
(Traduction Framalang : Clochix et Goofy)

Le pouvoir migre rapidement des utilisateurs finaux et des développeurs de logiciels vers les vendeurs de systèmes d’exploitation.

Le PC est mort. Le nombre croissant de terminaux mobiles, légers et centré sur le cloud n’est pas qu’une mue dans la forme. Au contraire, nous sommes en présence d’un transfert de pouvoir sans précédent des utilisateurs finaux et des développeurs logiciels d’un côté vers les vendeurs de systèmes d’exploitation de l’autre — et même ceux qui conservent leur PC sont emportés par ce mouvement. C’est un peu pour le meilleur, et beaucoup pour le pire.

C’est une transformation de produits en services. Les applications que nous avions l’habitude d’acheter tous les deux ou trois ans — comme les systèmes d’exploitation — sont désormais en relation permanente avec le vendeur, tant pour les utilisateurs finaux que pour les développeurs de logiciels. J’avais décrit cette mutation, motivée par un désir d’une meilleure sécurité et de plus de confort, dans mon livre de 2008 Le futur de l’Internet — et comment l’arrêter.

Pendant des années, nous avons utilisé avec plaisir un moyen simple de créer des logiciels et de les partager ou de les vendre. Les gens achetaient des ordinateurs généralistes, des PC y compris ceux qu’on appelle Mac. Ces ordinateurs étaient livrés avec un système d’exploitation qui s’occupait des tâches de base. Tout le monde pouvait écrire et exécuter un logiciel pour un système d’exploitation donné, et c’est ainsi que sont apparus une suite sans fin de tableurs, traitements de texte, messageries instantanées, navigateurs Web, clients de messagerie et jeux. Ces logiciels allaient du sublime au ridicule et au dangereux — pour en décider il n’y avait d’autre arbitre que le bon goût et le bon sens de l’utilisateur, avec un peu d’aide de sites Web rédigés par des passionnés d’informatique et des logiciels antivirus (cela fonctionnait tant que l’antivirus n’était pas lui-même un malware, chose qui a eu tendance à devenir fâcheusement monnaie courante).

Choisir un système d’exploitation (ou OS), c’était aussi faire le choix des logiciels qui y étaient attachés. Windows plutôt que Mac signifiait opter sur le long terme entre différentes collections de logiciels. Même si parfois un développeur offrait des versions de son logiciel pour chaque OS, migrer d’un OS à un autre signifiait qu’il fallait racheter ce logiciel.

C’est une des raisons pour lesquelles nous avons fini par avoir un OS dominant ces deux dernières décennies. Les gens étaient sous Windows, ce qui poussait les développeurs de logiciels à coder pour Windows, ce qui incitait davantage de gens à acheter Windows, ce qui le rendait encore plus attirant pour les développeurs, et ainsi de suite. Dans les années 90, les gouvernements américains et européens se sont lancées dans une bataille contre la position dominante de Microsoft, bataille légendaire et pourtant facilement oubliable vue d’aujourd’hui. Leur principal reproche ? Microsoft a faussé la concurrence entre son propre navigateur, Internet Explorer, et son principal concurrent de l’époque, Netscape Navigator. Microsoft a procédé en imposant aux fabricants de PC de s’assurer qu’Internet Explorer serait prêt à être utilisé sur le bureau de Windows lorsque l’utilisateur déballerait son ordinateur et l’allumerait (la fameuse icône du « E bleu »). Des années de procédure et un dossier de trois kilomètres de long peuvent se résumer en un péché original : un fabricant de système d’exploitation avait excessivement favorisé ses propres applications.

Lorsque l’iPhone est arrivé sur le marché en 2007, sa conception était bien plus restrictive. Aucun code étranger n’était autorisé sur le téléphone, toutes les applications installées étaient issues d’Apple. On n’y a pas pris garde sur le moment car ça n’était qu’un téléphone et non un ordinateur, et les téléphones concurrents étaient tout autant verrouillés. Nous comptions sur les ordinateurs pour être des plateformes ouvertes et considérions ces téléphones comme de simples appareils, plus proches des postes de radio, des téléviseurs et des percolateurs.

Puis, en 2008, Apple a annoncé un kit de développement logiciel pour l’iPhone. Les développeurs tiers étaient invités à créer des logiciels pour le téléphone, de la même manière qu’ils l’avaient fait pendant des années avec Windows et Mac OS. Avec une grosse différence : les utilisateurs ne pouvaient installer un logiciel sur leur téléphone que s’il était disponible dans la boutique Apple d’applications pour iPhone. Les développeurs devaient montrer patte blanche et être accrédités par Apple. Ainsi chaque application se trouvait être contrôlée et filtrée selon les critères propres, flous et changeants d’Apple. Par exemple, les applications qui émulaient ou même amélioraient les propres applications d’Apple n’étaient pas autorisées. Le péché originel de Microsoft était devenu bien pire. Le problème n’était pas de savoir si on pouvait acheter un iPhone sans le navigateur Safari d’Apple. Il était qu’aucun autre navigateur ne serait autorisé (et s’il était, il ne s’agissait que d’une tolérance ponctuelle d’Apple). Sans oublier que pas moins de 30% du prix de chaque application vendue pour l’iPhone (et de de toutes les transactions effectuées grâce à l’application) vont dans les poches d’Apple.

Même Microsoft, connu pour ses logiciels privateurs, n’aurait pas osé prélever une taxe sur chaque bout de code écrit par d’autres pour Windows, mais peut-être n’était-ce dû qu’au fait qu’en l’absence de connexion fiable à Internet dans les années 90, il n’y avait aucun moyen réaliste de le faire en gérant les achats et les licences. Quinze ans plus tard, c’est exactement ce qu’Apple a fait avec la boutique d’applications pour iOS.

En 2008, on pouvait penser que cette situation n’était pas aussi inquiétante que le comportement de Microsoft à l’époque de la guerre des navigateurs. D’abord parce que la part d’Apple dans le marché des téléphones mobiles n’avait rien à voir avec la domination de Microsoft sur le marché des systèmes d’exploitation pour PC. Ensuite parce qu’on était passé d’un système totalement verrouillé en 2007 à un système partiellement ouvert aux développeurs extérieurs. De plus, bien qu’Apple rejetât de nombreuses applications pour n’importe quelle raison (et que certains développeurs étaient suffisament apeurés par le couperet qu’ils confessaient avoir peur de dire publiquement du mal d’Apple), dans les faits des centaines de milliers d’application passaient la barrière. Enfin, indépendamment de la volonté de contrôle d’Apple, ces restrictions avaient au moins quelques bonnes raisons sécuritaires sur le papier, au moment même où le nombre croissant de logiciels malveillants voyait le monde du PC Windows glisser de l’anarchie au chaos. Une mauvaise frappe sur le clavier ou un mauvais clic de souris pouvait livrer tout le contenu du PC à un lointain créateur de virus. Apple était déterminé à ce que cela n’arrive pas avec l’iPhone.

À la fin de 2008, il y avait à priori encore moins de raisons de s’inquiéter : la place de marché pour le système Android de Google avait été inaugurée (NdT : Android Market), créant de la compétition pour l’iPhone avec un modèle un peu moins paranoïaque de développement d’applications par des tiers. Les développeurs devaient toujours s’enregistrer pour proposer des logiciels via la place de marché, mais une fois qu’ils étaient enregistrés, ils pouvaient diffuser leur logiciel immédiatement, sans que Google les contrôle. Il y avait encore une taxe de 30% sur les ventes, et les applications qui ne respectaient pas les règles pouvaient être supprimées rétroactivement de la place de marché. Mais il y avait et il y a toujours une grosse soupape de sécurité : les développeurs pouvaient donner ou vendre leurs applications directement aux possesseurs de terminaux Android, sous passer par Android Market. S’ils n’aimaient pas les règles de la place de marché, cela ne signifiait pas qu’ils devaient renoncer à atteindre les utilisateurs d’Android. Aujourd’hui, la part de marché d’Android est nettement supérieure à celle de l’iPhone (c’est l’inverse pour les tablettes, actuellement trustée par l’iPad à 97% mais de nouvelles tablettes arrivent, comme le Kindle Fire d’Amazon basé sur Android et le roi peut rapidement être démis de son trône).

Avec cette évolution positive et ces réponses apportées entre 2007 et 2011, pourquoi devrions-nous alors nous inquiéter ?

La principale raison relève de l’effet boule de neige du modèle de l’iPhone. Le modèle de la boutique d’applications est revenu comme un boomerang sur le PC. On trouve à présent une telle boutique pour le Mac qui correspond à celles de l’iPhone et de l’iPad, et elle comporte les mêmes restrictions. Certaines, acceptées car jugées normales dans le cadre d’un téléphone mobile, semblent beaucoup moins familières dans le monde de l’ordinateur de bureau.

Par exemple, les logiciels dans la boutique pour Mac n’ont pas le droit de modifier l’apparence de l’environnement du Mac. (Ironique de la part d’une compagnie dont un précédent slogan incitait les gens à penser différemment). Les développeurs ne peuvent ainsi ajouter une icône pour leur application sur le bureau ou dans le dock sans demander la permission à l’utilisateur, ce qui est un extraordinaire écho à ce qui a valu des ennuis à Microsoft (bien que dans le cas de Microsoft le problème était d’interdire la suppression de l’icône d’Internet Explorer, mais jamais Microsoft n’a essayé d’empêcher l’ajout d’icônes d’autres applications, qu’elles soient installées par le constructeur du PC ou par l’utilisateur). Les développeurs ne peuvent pas développer de fonctionnalités déjà présentes dans la boutique. Ils ne peuvent pas diffuser leur logiciel sous une licence libre, car les termes de ces licences entrent en conflit avec ceux de la licence d’Apple.

Les restrictions de contenus sont des territoires encore inexplorés. Du haut de sa domination du marché Windows, Microsoft n’a eu aucun rôle dans le choix des logiciels qui pourraient ou ne pourraient pas s’exécuter sur ses machines, et encore moins son mot à dire pour autoriser le contenu de ces applications à voir la lumière de l’écran. L’éditorialiste dessinateur Mark Fiore, lauréat du Prix Pulitzer, a ainsi vu son application iPhone refusée car elle contenait du « contenu qui ridiculisait des personnalités publiques ». Fiore était suffisamment connu pour que ce refus provoque des froncements de sourcils, et Apple est revenue sur sa décision. Mais le fait que des applications doivent de manière routinière être approuvées masque à quel point la situation est extraordinaire : des entreprises de technologies ont entrepris d’approuver, un à un, tous les textes, les images et les sons que nous sommes autorisés à trouver et utiliser sur les portails que nous utilisons le plus souvent pour nous connecter au réseau mondial. Est-ce ainsi que nous souhaitons que la culture se diffuse ?

C’est d’autant plus dérangeant que les gouvernements ont réalisé que ce cadre rend leur propre censure bien plus facile : alors que leur lutte pour arrêter la diffusion de livres, tracts et à présent de sites Web ressemblait au travail de Sisyphe, elle va de plus en plus se résumer à l’envoi de demandes de suppression aux gardiens des portails numériques. Soudain, les contenus dérangeants peuvent être supprimés en mettant la pression sur un intermédiaire technique. Lorsque Exodus International (« mobiliser le corps du Christ pour soigner par la grâce et la vérité un monde impacté par l’homosexualité ») a publié une application qui entre autres lançait des invectives contre l’homosexualité, ses opposants ne se sont pas contenté de mal la noter (il y avait deux fois plus de notations une étoile que cinq étoiles), mais ils ont également envoyé des pétitions à Apple pour lui demander de supprimer l’application. Apple l’a fait (NdT : cf cet article des Inrocks).

Précisons qu’à la différence de ses homologues pour iPhone et iPad, la boutique d’applications pour Mac n’est pas le seul moyen de mettre des logiciels sur un Mac. Pour l’instant, vous pouvez toujours installer des logiciels sans passer par la boutique. Et même sur l’iPhone et l’iPad, qui sont bien plus verrouillés, il reste le navigateur : Apple peut contrôler le contenu des applications (et de ce fait en être jugée responsable) mais personne ne semble penser qu’Apple devrait se lancer dans le contrôle, le filtrage et la restriction de sites Web que les utilisateurs du navigateur Safari peuvent visiter. Une question aux gens qui ont lancé la pétition contre Exodus : est-ce que vous seriez également favorables à une pétition demandant qu’Apple interdise aux utilisateurs de Safari d’aller sur le site Web d’Exodus ? Sinon, qu’elle différence faites-vous, puisque Apple pourrait très simplement programmer Safari pour implémenter de telles restrictions ? Y a-t-il un sens à ce que les épisodes de South Park puissent être téléchargés via iTunes, mais que l’application South Park, qui contient le même contenu, ait été bannie de l’App Store ?

Étant donné que des applications tierces peuvent toujours s’exécuter sur un Mac et sur Android, il faut se demander pourquoi les boutiques et les places de marché occupent une position aussi dominante (et suffisamment attractives pour que les développeurs acceptent de relever le défi de faire approuver leurs applications et de perdre 30% de leurs revenus) plutôt que de simplement vendre directement leurs applications. L’iPhone a des restrictions sur l’exécution de code tiers, mais les développeurs peuvent toujours, dans de nombreux cas, se débrouiller pour offrir les fonctionnalités via un site Web enrichi et accessible avec le navigateur Safari du téléphone. Très rares sont les structures qui ont cette démarche avec leurs développeurs. Le Financial Times est un de ces fournisseurs de contenus qui a retiré son application de la boutique iOS pour éviter de partager avec Apple les données de ses utilisateurs et ses profits, mais il est isolé dans le monde des médias.

La réponse réside peut-être dans des choses en apparence triviales. En effet, même un ou deux clics de plus peuvent dissuader un utilisateur de consommer ce qu’il avait l’intention de faire (une leçon que l’affaire Microsoft a mise en lumière, quand l’accessibilité d’Internet Explorer directement sur le bureau a été vue comme un avantage déterminant par rapport à Netscape que les utilisateurs devaient télécharger et installer). Le choix par défaut a tous les pouvoirs, un constat confirmé par le montant des accords pour choisir le moteur par défaut des navigateurs. Ce genre d’accords a fourni en 2010 à Mozilla, le créateur de Firefox, 97% de ses revenus, c’est-à-dire pas moins de 121 millions de dollars. La soupape de sécurité des applications « tout-terrain » semble moins utile lorsque les gens sont attirés par les boutiques et les places de marché pour chercher sans effort les applications dont ils ont besoin.

La sécurité est également un facteur à prendre en considération. Lorsqu’ils voient tant de logiciels malveillant dans la nature, les consommateurs peuvent vouloir déléguer le contrôle de leurs programmes aux vendeurs de systèmes d’exploitation. Il existe une grande variété d’approches pour gérer la question de la sécurité, certaines impliquant l’utilisation d’un bac à sable, c’est à dire d’un environnement protégé à l’intérieur duquel s’exécute le logiciel. L’exécution dans un bac à sable sera bientôt obligatoire pour les application de la boutique pour Mac. On trouvera plus d’informations sur le sujet et une discussion sur ses avantages et ses inconvénients, ici.

Le fait est qu’aujourd’hui les développeurs écrivent du code en veillant non seulement à ce qu’il soit acceptable par les consommateurs, mais aussi par les vendeurs. Aujourd’hui, si un développeur souhaite proposer une application, il va devoir nécessairement en passer par la place de marché Android de Google et par la boutique iOS d’Apple; aucun des deux ne peut remplacer l’autre. Les deux placent le développeur dans une relation de dépendance avec le vendeur du système d’exploitation. L’utilisateur aussi est mis en difficulté : si je migre de l’iPhone à Android, je ne peux pas emporter mes applications avec moi, et vice-versa. Et au fur et à mesure que le contenu est distribué par des applications, cela peut signifier que je ne peux pas non plus emporter avec moi mon contenu ! (ou, si je peux, c’est uniquement parce qu’il y a un autre acteur comme Amazon qui a une application qui s’exécute sur plus d’une plateforme, aggrégeant le contenu). On ne se libère ici de la relation suffocante avec Apple, Google ou Microsoft que grace à un nouvel entrant comme Amazon, qui a structurellement la dimension suffisante pour peser et faire la même chose.

L’avènement du PC et du Web ont été un formidable accélérateur de communication et d’innovation. Des myriades d’applications sont nées créant une relation directe entre développeurs et utilisateurs sur des myriades de sites Web. À présent l’activité s’agglutine autour d’une poignée de portails, deux ou trois fabricants de systèmes d’exploitation qui sont en position de gérer en continu toutes les applications (et leur contenu).

Les développeurs de logiciels et les utilisateurs devraient exiger davantage. Les développeurs devraient chercher des moyens d’atteindre leurs utilisateurs sans être entravés, via des plateformes ouvertes, ou en faisant pression sur les conditions imposées par les plateformes fermées. Et les utilisateurs, informés et avertis, ne doivent pas céder à la facilité et au confort, en retournant à l’esprit originel du PC.

Si nous nous laissons bercer, voire hypnotiser, par ces beaux jardins clos, nous passerons à côté des innovations que les gardiens de ces jardins refusent. Et nous pouvons nous préparer à une censure du code et des contenus qui aurait été impossible et inenvisageable quelques années auparavant. Nous avons besoin de nerds en colère.

Notes

[1] Crédit photo : Victoria Reay (Creative Commons By)




20 ans de plus pour le Copyright musical en Europe : C’est là qu’est le véritable Vol !

Alan Stanton - CC by-saL’Europe prolonge de 20 ans les droits des interprètes et producteurs de musique pouvait-on lire dans Le Monde il y a un mois.

Pourquoi 20 ans au fait ? Et nous a-t-on jamais demandé notre avis ? D’ailleurs pourquoi 20 ans de plus et pas de 20 ans de moins ?

C’est ce que se demande, non sans une certaine (acide) ironie, l’un de ceux que nous traduisions le plus à Framalang : notre ami Glyn Moody[1].

Le copyright c’est le vol

Copyright Theft

Glyn Moody – 13 septembre 2011 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Nilux, ZeHiro, Duthils et Penguin)

L’idée de « vol de copyright » est très répandue et l’idée que les gens « volent » du contenu numérique aux créateurs, sont des figures de style récurrentes chez les maximalistes du droit d’auteur. Tout ceci n’est bien sûr que des âneries. La loi stipule clairement qu’il ne s’agit que d’infraction au droit d’auteur, et la logique nous prouve que la copie numérique n’est pas du vol, puisqu’elle ne prive de rien, mais multiplie.

On peut effectivement se poser la question de savoir si la duplication non autorisée engendre une perte de revenus, mais la réponse n’est pas aussi simple que ce que l’on voudrait nous faire croire. Un large éventail d’études démontre que ce partage stimulerait les ventes, agissant comme une sorte de marketing officieux – et gratuit.

C’est pourquoi j’ai longtemps préconisé des recherches indépendantes sur ce sujet – après tout, si les industries liées au droit d’auteur sont si sûres que le partage de fichiers engendre des pertes de revenus, qu’auraient-elles à craindre d’études objectives à ce sujet ? Pourtant, elles semblent réticentes ne serait-ce qu’à envisager cette idée.

Mais quels que soient vos avis sur ce problème en particulier, il y a de grandes chances que ce qui suit ne fasse que l’aggraver :

Le Conseil Européen a adopté aujourd’hui, à la majorité qualifiée, une directive qui fait passer de cinquante à soixante-dix ans la durée de protection des droits des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs d’enregistrements musicaux dans l’UE.

Sur le plan pratique, cela signifie qu’il y a très peu de chances que je – ou n’importe lequel de mes contemporains qui soit plus mélomane que moi – puisse un jour utiliser la musique d’aujourd’hui pour créer de nouvelles œuvres. Tout comme avec les autres médias, la musique enregistrée aujourd’hui vivra pendant près d’une centaine d’années dans une bulle aseptisée dans laquelle personne ne sera autorisé à entrer.

Tout ceci est théorique et très éloigné de nous ; il n’est peut-être pas évident de voir où est le problème. Examinons donc de plus près ce qu’il s’est passé en imaginant un étrange monde parallèle, remarquablement identique au nôtre, dans lequel ceci se serait produit:

Le Conseil Européen a aujourd’hui adopté à la majorité qualifiée une directive réduisant la durée de protection des droits des des artistes interprètes ou exécutants et des producteurs d’enregistrements musicaux dans l’UE de 50 à 30 ans.

Comme vous pouvez le constater, ce monde est presque strictement identique au nôtre, à la légère différence que la durée de validité du droit d’auteur pour les enregistrements musicaux a été raccourcie de 20 ans au lieu d’être allongée. Légère différence, penseriez-vous – après tout, 20 ans de plus ou moins, qu’est-ce que cela change ? Si on peut rallonger cette durée, on peut aussi la raccourcir, non ?

Mais dans ce monde parallèle, imaginez les hurlements de douleur et de colère qui émaneraient de l’industrie musicale face à cette réappropriation outrageuse et injustifiée de ce qui leur revient de droit. Les musiciens descendraient manifester dans la rue, et les compagnies vivant sur leur dos activeraient comme jamais leurs groupes de pression pour inverser cette terrible décision.

Heureusement pour eux, il ne s’agit que d’un monde parallèle. Mais grâce à la symétrie du droit d’auteur – c’est-à-dire le fait qu’il soit une aubaine aussi bien pour les créateurs que pour leur public, les premiers obtenant un monopole temporaire en échange d’un passage dans le domaine public une fois ce monopole expiré – c’est vous, moi et chaque membre de ce nébuleux public – qui sommes dépossédés. À la seule différence que personne n’est descendu dans la rue pour protester.

Quand les musiciens ont enregistré leurs chansons, l’accord était qu’ils recevraient des droits d’auteurs pendant 50 ans (ou moins, selon l’époque à laquelle ils les ont enregistrées). En contrepartie de ces 50 ans, ils acceptaient que le domaine public s’en voie enrichi pour que nous, le public, puissions faire ce que bon nous semble de cette musique.

Ce pacte, accepté librement par les deux parties, vient tout juste d’être brisé. Les enregistrements n’entreront plus dans le domaine public à la date convenue ; au lieu de ça, nous devrons attendre 20 années de plus. Dans les faits, on nous a volé 20 ans de domaine public, vu que rien ne nous a été donné en échange de cette perte soudaine.

Il n’y a donc pas à chipoter pour savoir s’il s’agit de vol ou non, puisque quelque chose nous a été pris sans que l’on nous en demande la permission. Oui, le Conseil Européen est censé, en théorie, agir en notre nom, mais je ne me souviens pas que l’on m’ait, à aucun moment, demandé mon accord. Le fait est que le Conseil a agi de façon unilatérale, à l’injonction de l’industrie musicale qui voulait le beurre et l’argent du beurre – et non parce que nous, le public, demandions aux politiciens de changer la loi en ce sens pour nous rendre plus pauvres que nous ne l’étions.

Voilà ce qu’est le vrai vol de droit d’auteur : on vole le public par une extension injustifiée et non démocratique du droit d’auteur.

Notes

[1] Crédit photo : Alan Stanton (Creative Commons)