J’enseigne, je code et je partage : une série de portraits-entretiens à la rencontre des enseignant⋅es développeur·euses

J’enseigne, je code et je partage est une série de portraits-entretiens à la rencontre des enseignant⋅es développeur·euses réalisée par Hervé Baronnet (enseignant) et Jean-Marc Adolphe (journaliste culture et humanités) pour l’association Faire École Ensemble. Déjà 3 de ces portraits-entretiens ont été publiés et on s’est dit que ça pourrait être chouette d’en savoir un peu plus sur cette initiative. Alors, on a demandé aux interviewers s’ils acceptaient d’être interviewés à leur tour.

Bonjour Hervé et Jean-Marc ! Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour,
Hervé Baronnet, je suis enseignant en maternelle depuis 25 ans, toujours en zone d’éducation prioritaire. Utilisateurs des TICE, notamment de logiciels éducatifs libres mais pas exclusivement. J’ai contribué au projet AbulÉdu en tant que bêta-testeur et auteur de documentations pédagogiques. Je suis actuellement membre du conseil collégial de FÉE.

Bonjour,
Jean-Marc Adolphe, journaliste et conseiller artistique, ex-militant FCPE. Je m’intéresse depuis longtemps à l’éducation aux médias, à mes yeux insuffisamment enseignée à l’école. Et en tant que citoyen, l’école m’engage. La question des « biens communs numériques » me semble essentielle dans tout ce qui ressort du service public, particulièrement au sein de l’Éducation nationale.

Vous êtes tous les deux adhérents de l’association Faire École Ensemble. C’est quoi cette asso ?

L’association Faire École Ensemble est une association collégiale qui facilite les collaborations entre les citoyens et la communauté éducative tout au long de la pandémie. Fée engage des projets collaboratifs en s’appuyant sur 3 spécificités : la convivialité, la documentation et le recours par défaut aux licences ouvertes.

Concrètement, à l’annonce de la fermeture des écoles et de la mise en place généralisée de l’enseignement à distance en mars 2020, nous avons mobilisé 1000 citoyennes et citoyens pour aider les professeurs peu à l’aise avec le numérique. S’en sont suivies d’autres actions autour de la réouverture progressive des écoles avec un protocole sanitaire drastique, les possibilités de faire école à l’extérieur, la préparation d’une rentrée apaisée en passant une nuit à l’école et une action réflexive sur la place du numérique dans l’enseignement (recherche-action ; états généraux du numérique libre et des communs pédagogiques).

Ce que nous faisons avec Faire École Ensemble relève d’une configuration tiers-lieux telle que définie par Antoine Burret (« le tiers-lieu peut-être défini conceptuellement comme : une configuration sociale où la rencontre entre des entités individuées engage intentionnellement à la conception de représentations communes »). Nos projets réunissent des communautés de personnes diverses (parents, profs, designers, chercheurs, élèves, architectes, juristes, militants associatifs, artistes…) autour d’une intention commune (réaménager sa classe, organiser une nuit à l’école, penser la pédagogique en période de crise…). Nous documentons les conversations (formelles et informelles) pour faire émerger un patrimoine informationnel commun, nous prenons soin des liens entre les personnes, sommes garants de la convivialité et accompagnons celles et ceux qui le souhaitent dans le passage à l’action (nous ne faisons pas à leur place).

J’ai cru comprendre que FÉE souhaitait développer une communauté d’enseignant⋅es développeur·euses en informatique. Quel est l’objectif ? Ça s’organise où et comment ? Quelles sont les modalités pour y participer ?

La création de la communauté d’enseignant⋅es développeur·euses s’inscrit dans le cadre du programme sur le libre et les communs dans l’éducation. Cette action fait suite aux États Généraux du Numérique Libre et des Communs Pédagogiques et vise à réunir les enseignant⋅es développeur·euses en communauté pour penser/agir en faveur d’un numérique éducatif plus coopératif et plus éthique.

C’est une communauté ouverte pour :

  • Comprendre quelles sont les spécificités des enseignant⋅es développeur·euses et favoriser leur mise en visibilité
  • Promouvoir leurs projets de développement
  • Faciliter les contributions et favoriser l’entraide

La communauté s’organise autour d’une catégorie sur le forum de FÉE où l’inscription est libre, et d’une page sur le wiki de FÉE.

Des webinaires « le logiciel libre par des acteurs de l’éducation pour l’éducation » dans le cadre du cycle sur le libre et les communs sont proposés régulièrement. Les enseignant⋅es développeur·euses sont invité⋅es à y participer.

Il est important de souligner que les « enseignant⋅es développeur·euses » ne sont pas nécessairement des spécialistes en informatique. Ce sont avant tout des enseignant⋅es, soucieu⋅ses de trouver des ressources pédagogiques et « techniques » adaptées à leurs élèves.

Dans ce cadre, vous vous êtes lancés dans une série d’interviews d’enseignant⋅es développeur·euses. Quel est l’objectif de ces interviews ?

Le premier objectif de cette série d’entretiens-portraits est de faire connaître l’existence de ces personnes, de les valoriser elleux ainsi que les projets sur lesquels ielles travaillent. Ensuite, un portrait type présentant leurs spécificités va pouvoir naître en croisant les réponses.

Carte heuristique pour mettre en évidence les spécificités des enseignant⋅es développeur·euses.

Il s’agit de faire savoir à d’autres enseignant⋅es développeur·euses qu’ielles ne sont pas seul⋅es. À plus long terme, il s’agit de faire prendre conscience de la valeur de ces acteur⋅ices et de lister les freins et les besoins pour aboutir à un soutien institutionnel.

Sur quels critères sélectionnez-vous les enseignant⋅es développeur·euses pour votre série de portraits ?

Nous avons sollicité dans un premier temps des enseignant⋅es qui s’étaient inscrit⋅es sur le forum de FÉE. Puis nous avons réalisé des portraits de personnes au profil plus étendu, avec la double casquette enseignant et développeur au sens large. Le fait de développer ou de contribuer à des logiciels libres est privilégié dans le choix des entretiens.

#ModeTroll : il y a à ce jour 3 entretiens sur le blog et uniquement des hommes. C’est volontaire de ne pas valoriser la gent féminine ?

Il y en a 3 et bientôt 6, tous des hommes, en effet ! FÉE n’y est pour rien (le conseil collégial de l’association devrait être bientôt à parité hommes / femmes). Il se trouve que seuls des enseignants-hommes se sont manifestés à ce jour. Mais nous profitons de cet entretien pour lancer un appel à des enseignantes-développeuses afin qu’elles participent à cette série d’entretiens et qu’elles puissent rejoindre la communauté qui est en train de se former.

Quelle est la place du logiciel libre dans les pratiques des enseignant⋅es développeur·euses ?

La place du logiciel libre est centrale, car la priorité a été donnée aux enseignant⋅es développeur·euses libristes, cette action étant dans la continuité des États Généraux du Numérique Libre organisés par FÉE.

Des développeur·euses qui utilisent des outils non libres ou développant des applications gratuites propriétaires pourront aussi être sollicité⋅es pour mieux définir ce qui les empêche de basculer vers le libre.

Et comme toujours, sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !

À partir de ces entretiens des caractéristiques communes aux enseignant⋅es développeur·euses peuvent être extraites.

Parmi les points positifs :
+ la motivation à aider les élèves
+ l’éthique comme moteur
+ la valeur ajoutée de leur projet en tant qu’outil métier

Parmi les aspects négatifs :
– le temps, la non-reconnaissance du travail
– le code « amateur » peu ou pas documenté
– l’aspect chronophage des questions des utilisateur⋅ices qui augmente avec le succès des logiciels

Notre contributopie serait de limiter ces freins par l’impulsion de solutions :

  • Que les institutions qui emploient ces enseignant⋅es développeur·euses reconnaissent l’intérêt de leur travail et leur permettent d’y consacrer du temps. Les enseignant⋅es ne veulent pas devenir développeur·euses à temps plein, le côté passion est leur moteur et les expériences de « professionnalisation » ont été des échecs.
  • Que la communauté du libre les aide pour améliorer le code sous forme, par exemple, de formations menées par des développeur·euses professionnel⋅les.
  • La mise en place d’une communauté d’usage permettant de répondre aux questions des utilisateur⋅ices et de créer de la documentation pédagogique.

Merci beaucoup pour vos précisions Hervé et Jean-Marc. Et on espère que de nombreu⋅ses enseignant⋅es et libristes rejoindront votre communauté.




Le logiciel éducatif GCompris fête ses 20 ans

Si je vous dis GCompris, ce nom résonnera aux oreilles de beaucoup d’entre vous. Même si nous l’avons évoqué à plusieurs reprises sur le Framablog, nous n’avons jusqu’ici jamais eu le plaisir de consacrer un article à cette référence du jeu éducatif libre. Quoi de mieux que les 20 ans du logiciel pour réparer ce manque. Entrevue avec Timothée Giet pour fêter cet anniversaire.

Pour ceux qui n’ont pas eu d’enfant dans leur entourage ces vingt dernières années, vous pouvez nous expliquer ce qu’est GCompris ?

GCompris est un logiciel éducatif libre pour les enfants de 2 à 10 ans et plus. Il propose de nombreuses activités (159 dans la dernière version) couvrant un large éventail de sujets : découverte de l’ordinateur, lecture, mathématiques, sciences, art, histoire, géographie…  Il fonctionne sur de nombreuses plateformes : nous fournissons des paquets pour les systèmes GNU/Linux, Raspberry Pi, Android, Windows et macOS.

Pouvez-vous nous présenter les personnes qui sont derrière le projet GCompris ? S’agit-il des mêmes aujourd’hui qu’au début de l’aventure ?

Le logiciel a été créé par Bruno Coudoin, qui l’a maintenu pendant plus de 15 ans. En 2016, il a finalement dû arrêter par manque de temps et nous a donc confié la maintenance du projet. Nous sommes maintenant deux co-mainteneurs, Johnny Jazeix et moi (Timothée Giet). Johnny est un développeur qui contribue sur son temps libre. Il s’occupe principalement des parties les plus compliquées du code, de l’intégration des contributions et de la coordination pour les traductions. De mon côté, je suis illustrateur/graphiste/développeur, et on peut dire que je travaille actuellement à mi-temps sur le projet. Je m’occupe principalement de la partie graphisme et design du logiciel, mais également de corriger des bugs et d’améliorer l’expérience utilisateur. Après, nous nous répartissons le reste des tâches en fonctions de nos disponibilités et de nos compétences.

Moment nostalgie : le site GCompris en 2005

GCompris a 20 ans… Ça veut dire que certains de vos joueuses et joueurs aussi ! Ça vous fait quoi ? Pas trop un coup de vieux ?

C’est toujours réjouissant lorsque nous voyons des commentaires de personnes relatant leurs bons souvenirs de jeunesse avec GCompris. Après, comme Johnny et moi sommes arrivés sur le projet en 2014, cela nous motive surtout à continuer d’apporter cette expérience positive aux nouvelles générations.

 

Il va falloir nous expliquer comment vous êtes passés de la version 15.10 à la version 0.5. Une envie, un soir en regardant Retour vers le futur ?

En 2014, Bruno a décidé de commencer une réécriture complète avec de nouveaux outils, principalement pour permettre au logiciel de tourner sur les plateformes mobiles. Après quelques recherches sur les diverses technologies disponibles à cette époque, il a choisi de développer la nouvelle version en QtQuick (Qt + QML/JavaScript), qui offrait selon lui le meilleur support multi-plateforme avec des outils permettant de créer une interface moderne, tout en étant relativement facile d’accès pour les nouveaux développeurs. C’est d’ailleurs à ce moment là que Johnny et moi avons rejoint l’équipe.

Pour l’occasion, et pour permettre de conserver quelque temps en parallèle l’ancienne version, cette nouvelle version a été renommée en interne « gcompris-qt », et la numérotation est logiquement repartie de zéro.

 

Quel a été le plus gros chamboulement dans l’histoire de GCompris ?  Le changement de moteur au milieu des années 2010 ?

Le plus gros chamboulement a en effet été cette réécriture complète du logiciel. Avec le passage de Gtk+ à Qt, le projet a logiquement migré de la communauté Gnome vers la communauté KDE. Ce travail de réécriture a demandé plusieurs années de travail, et n’est pas encore tout à fait fini. Nous avons perdu au passage quelques activités de l’ancienne version qui n’ont pas été portées, mais nous en avons aussi développé de nouvelles. De même pour les traductions, certaines langues supportées par l’ancienne version ne le sont pas encore dans la nouvelle.

Par ailleurs, pour cette nouvelle version, ma première contribution a été de créer une charte graphique adaptée, et de créer de nouveaux graphismes pour les nombreuses activités en suivant cette charte. Cette tâche n’est pas encore tout à fait terminée, mais le logiciel est déjà bien plus agréable et harmonieux visuellement pour les enfants, et les nombreux retours que nous avons eus depuis confirment que ce changement est très apprécié par nos utilisateurs.

Au niveau communautaire, comment se déroulent les contributions à votre logiciel ? Plutôt liées aux traductions ou aux activités ?

Les contributions de traductions par la communauté sont un point essentiel pour permettre aux enfants du monde entier d’utiliser le logiciel. Nous avons une consigne en interne de n’inclure les traductions que si elles sont au moins complètes à 80%, pour éviter que les enfants ne se retrouvent avec un logiciel à moitié traduit. Le nombre de textes à traduire est assez élevé, cela demande donc un certain effort pour les contributeurs de fournir les traductions pour une nouvelle langue. Une bonne partie des traductions est faite par les traducteurs de la communauté KDE, mais il y a aussi des traducteurs externes qui nous contactent directement pour plusieurs langues. La nouvelle version 1.0 est entièrement traduite en 22 langues, et partiellement traduite en 4 langues. Depuis sa sortie il y a une dizaine de jours, nous avons déjà été contactés par plusieurs personnes qui souhaitent participer pour ajouter de nouvelles traductions. Nous ferons donc très certainement bientôt une nouvelle version mineure pour les inclure.

Pour les activités, c’est assez variable. Nous avons eu de nombreux contributeurs au fil du temps, en particulier des étudiants participant à des programmes comme le GSoC (Google Summer of Code) et SoK (Season of KDE), qui ont chacun ajouté quelques activités. Mais la plupart restent seulement le temps de leur session et ne contribuent plus vraiment ensuite, ce qui est dommage. Il y a aussi des instituteurs et des parents qui nous aident en donnant des retours sur le contenu pédagogique.

Avancement des principales traductions de GCompris

Vous avez besoin de contributrices ? Sur quels aspects ?

Nous recherchons toujours des traducteurs pour de nouvelles langues ou pour aider à maintenir les traductions existantes. De même, il reste beaucoup d’enregistrements de voix à fournir pour la plupart des langues (pour le français les voix sont complètes actuellement).

Au plan pédagogique, nous venons de démarrer un projet de cookbook (livre de cuisine) pour présenter des exemples d’utilisation du logiciel en classe. Les instituteurs sont donc bienvenus pour y partager leurs recettes.

Et bien sûr, nous sommes toujours ouverts aux développeurs qui souhaitent ajouter de nouvelles activités, tant qu’elles restent dans le cadre de la philosophie du logiciel.

 

L’année 2020 a aussi été marquée par une évolution importante pour GCompris, financière celle-ci, avec l’abandon du système de code d’activation sur certains OS. Pourquoi ce changement ?

C’est un changement que j’avais en tête depuis un bon moment. Ma motivation principale était l’envie de fournir le logiciel complet au maximum d’enfants possible. C’est déjà assez compliqué pour certains d’avoir accès au matériel. L’accès à l’éducation gratuite pour tous est un sujet important.

Un autre point qui me dérangeait un peu avec le code d’activation pour les OS non libres : étant moi même un défenseur des valeurs du logiciel libre, je voyais une certaine contradiction dans le fait que mes revenus dépendaient des gens qui continuent d’utiliser des logiciels privateurs.

Enfin, l’élément déclencheur a malheureusement été l’arrivée de la pandémie… Dès le début de l’année, voyant la situation arriver au loin, j’ai vite compris qu’il était plus que jamais nécessaire de fournir notre logiciel éducatif gratuitement à tous les enfants qui allaient se retrouver confinés. Et par la suite j’ai pu constater qu’en effet, cela a été d’une grande aide pour les instituteurs, les parents, et surtout pour les enfants.

 

Une question qu’on nous pose souvent, « Alors c’est quoi votre modèle économique ? » (© startup magazine)

Désormais notre modèle économique est uniquement basé sur le financement participatif. Avec l’abandon de la version payante, j’ai fait le pari de continuer à financer mon travail sur GCompris via ma page Patreon. J’espère que suffisamment de personnes soutiendront le projet pour que cela tienne sur le long terme.

Il y a une dizaine d’années, le paysage éducatif comportait plusieurs suites éducatives libres (Childsplay, Omnitux, suite pédagogique d’Abuledu). Actuellement, GCompris semble être la seule avec un développement actif. Vous avez écrasé la concurrence ?

Je ne connais pas en détail l’évolution de ces autres suites éducatives libres. Cependant, je suppose que le manque de budget pour les logiciels éducatifs en général, et en particulier pour ceux qui sont libres, est un facteur important.

 

Plus globalement, quel regard portez-vous sur l’évolution du libre dans l’éducation sur ces 20 dernières années ?

En lisant des articles comme celui-ci, on voit bien que le logiciel libre n’est plus du tout soutenu par l’éducation nationale dans notre pays. Si seulement le budget était correctement utilisé pour développer des solutions éducatives libres…

On peut voir dans d’autres pays des solutions libres déployées efficacement. Par exemple au Kerala (état du sud de l’Inde), l’état utilise exclusivement des logiciels libres pour les écoles publiques et a financé le développement d’une distribution GNU/Linux déployée sur tous les ordinateurs de toutes les écoles. Les instituteurs sont formés sur ces logiciels et les élèves apprennent à utiliser des outils qu’ils peuvent ensuite utiliser librement chez eux. Plus proche de chez nous, plusieurs régions d’Espagne ont développé et déployé des distributions GNU/Linux dans leurs écoles.

Il y a donc beaucoup de progrès à (re)faire dans ce domaine en France.

 

C’est quoi la feuille de route pour les 20 prochaines années ?… Bon au moins pour les 20 prochains mois ?

Nous travaillons actuellement sur un nouvel outil « serveur » qui permettra aux instituteurs de personnaliser le contenu des activités et d’interagir avec le logiciel sur les postes des élèves. Il s’agit cependant d’un énorme projet qui va demander beaucoup de travail, il est donc difficile pour l’instant de prédire quand il sera prêt.

De mon côté, il me reste plusieurs activités à refaire au niveau des graphismes et de l’interface. Comme les activités doivent être conçues de manière responsive, en plus de créer des nouvelles images, il faut souvent ré-écrire une bonne partie de l’interface pour qu’elles soient utilisables aussi bien sur un écran d’ordinateur que sur un téléphone en mode vertical ou horizontal. Chaque activité ayant ses propres contraintes, c’est parfois un vrai challenge.

Enfin, nous allons probablement avoir un peu de travail à l’avenir pour porter le logiciel sur la nouvelle version de Qt (Qt 6), qui apporte son lot de changements à prendre en compte.




La place du numérique à l’école relève de la place de l’école dans la société

Début septembre, nous avons été contactés par Hervé Le Crosnier, éditeur de (l’excellente) maison d’édition C&F éditions. Il demandait si nous accepterions d’écrire un court texte sur la façon dont Framasoft avait vécu ses interactions avec le milieu éducatif pendant ce moment très particulier qu’était le confinement (entre le 17 mars et le 11 mai 2020). Ce texte servirait à alimenter l’ouvrage « L’École sans école : ce que le confinement nous apprend sur l’école » à paraître en décembre 2020 chez C&F éditions.

Nous avons déjà énormément écrit et partagé pendant le confinement. Nos quatorze « carnets de bord du confinement » représentaient déjà pas loin de 200 pages (indispensables mèmes inclus). Cependant, il est vrai que nous n’avions évoqué qu’en pointillé nos rapports avec l’école pendant ces deux mois. Quasiment quatre ans jour pour jour après notre « billet de sécession » et à quelques jours de la tenue des États Généraux du Numérique Éducatif, il nous a paru important de prendre un peu de recul et de documenter cette période là, et de mettre à jour notre positionnement.

C’est Pierre-Yves Gosset, co-directeur de l’association, qui s’est chargé de la rédaction du texte qui suit. Réputé pour ses bilans trimestriels de quarante pages, il aura transformé ce qui devait être un « court texte » en un document d’une quinzaine de pages (et encore, il s’est retenu, paraît-il). La raison en est assez simple : pour comprendre les décisions et actions de Framasoft pendant le confinement, il faut non seulement avoir un contexte des relations entre l’association et « l’institution Éducation Nationale » depuis près de vingt ans, mais aussi avoir la possibilité de déployer une pensée qui s’écarte du simple solutionnisme technologique.

La période de confinement aura été, pour Framasoft, comme pour une large partie de l’humanité, une période marquante. Pour nombre d’élèves, elle aura été une période traumatisante. Avant de parler de « continuité pédagogique » ou de « numérique éducatif », qui sont évidemment des sujets importants, il nous semblait important de donner un éclairage certes partiel, mais donnant à la fois une dimension historique et une dimension prospective. Les outils ne sont pas que des outils, comme l’écrivait Stph, un autre membre de Framasoft, dans son billet « Connaître les machines ». L’éducation aux médias et à l’information (EMI), le développement de la littératie numérique sont les véritables enjeux du numérique à l’école. Et la place de l’école – avec ou sans murs –  est le véritable enjeu de notre société.

 


La place du numérique à l’école est à l’image de la place de l’école dans la société.

Télécharger ce texte au format PDF

Histoire

Nous sommes en 2001, dans un lycée de Bobigny. Une professeure de français et un professeur de mathématiques souhaitent expérimenter internet, cette technologie récemment arrivée dans les établissements scolaires. Internet est avant tout un objet technique : il faut avoir le matériel nécessaire (les cartes réseaux n’étaient pas encore la norme ; en France, le wifi n’était utilisé que par quelques poignées de personnes), savoir utiliser ce matériel, savoir se connecter et, surtout, savoir, selon l’expression de l’époque, « surfer en ligne ». Internet est une fenêtre ouverte sur le monde, même si la création de Wikipédia date de janvier de la même année et mettra quelques années à prendre de l’ampleur. C’est aussi un outil d’expression permettant de rendre votre publication potentiellement accessible à toute autre personne connectée. Avoir cette possibilité, en tant qu’enseignant dans un lycée, c’était parcourir des chemins d’expérimentation jusqu’alors peu empruntés : non seulement cela permettait de découvrir ou approfondir l’usage des « Technologies de l’Information et de la Communication », mais plus important encore de partager de l’information, des pratiques, des retours d’expériences entre enseignants.

C’est cette dernière possibilité qui intéresse particulièrement ces deux enseignants. D’abord nommé « Framanet » (pour FRAnçais et MAthématiques sur intraNET, car publié sur le réseau interne du lycée), puis rendu public sur internet, leur site permettait d’expérimenter l’usage pédagogique des nouvelles technologies, en direction notamment des élèves en difficulté à l’entrée en sixième. Au départ simple page du projet Framanet, puis devenue peu à peu une rubrique du site à part entière, la catégorie « Framasoft » listait pour sa part une sélection de logiciels (libres et non-libres) qui pouvaient être utiles aux enseignant⋅es.

Quelques années plus tard, cette rubrique deviendra un site web indépendant (framasoft.net), et une association verra le jour afin de pouvoir gérer collectivement ce modeste commun numérique1
.

Faisant le choix en 2004 de ne référencer que des logiciels libres, par conviction philosophique, politique et pédagogique, l’annuaire Framasoft allait devenir l’une des principales portes d’entrée francophone du logiciel libre.

 

 

#gallery-1 { margin: auto; } #gallery-1 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-1 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-1 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Ses rapports avec le monde de l’éducation sont alors encore très forts : l’association est principalement composée d’enseignants ou de personnes proches du monde éducatif, le site est hébergé gracieusement pendant plusieurs années par le Centre de Ressources Informatique de Haute-Savoie (CRI74), les relations avec le pôle logiciels libres du SCÉRÉN2 sont au beau fixe, les enseignants s’emparent du libre et créent de multiples associations (ABULEdu3, Sésamath4, Scidéralle5, etc.). C’est une période extrêmement riche et foisonnante pour le libre à l’école. Évidemment, les solutions de Microsoft sont omniprésentes dans les établissements, et les victoires des partisans du logiciel libre sont rares. Mais il n’en demeure pas moins que la marge de manœuvre laissée aux enseignants est grande, et que les sujets du libre à l’école, des Ressources Éducatives Libres, des licences Creative Commons, etc. ne sont certes pas soutenus par l’institution, mais pas freinés non plus.

Mais au début des années 2010, les frictions se multiplient ; la ligne institutionnelle se durcit, au ministère de l’Éducation nationale comme dans tout le pays. En 2012, des organismes publics comme le CRI74 ferment, mettant de facto à la porte d’internet des projets comme la distribution éducative libre Pingoo, les espaces d’échanges et les manuels libres de mathématiques de l’association Sésamath, ou le site Framasoft.net. Le SCÉRÉN devient Canopée en 2014 et voit son pôle logiciel libre disparaître. De plus en plus de professeurs font remonter auprès de nous les difficultés qu’ils rencontrent pour parler du libre à leur hiérarchie, ou à le mettre en œuvre dans leurs établissements.

Du côté de l’équipe Framasoft, on sent bien que le monde numérique a changé. On installe de moins en moins les logiciels – libres ou pas – sur les disques durs des ordinateurs, mais on les utilise de plus en plus dans les navigateurs web. En parlant de navigateurs web, justement, le logiciel libre vedette Firefox, qui avait atteint 30 % de parts de marché dans le monde en 2010 (son plus haut niveau, provoquant la fin de l’hégémonie d’Internet Explorer et évitant de peu une « Microsoftisation » du web) se prend de plein fouet l’arrivée de Google Chrome. Ce dernier, porté par la puissance de Google, dépassera Firefox en 2 ans à peine et culmine à plus de 65 % de parts de marché en 2020. Google devient alors omniprésent, notamment sur les marchés de la recherche web et du navigateur, mais aussi sur celui des applications web (Google Drive, Google Docs, GMail, etc.) et, bien entendu, des smartphones avec son système Androïd (80 % des parts de marché dans le monde).

L’école, comme le reste de la société, migre donc d’un numérique « logiciel » où les choix étaient très nombreux, et où les marges de manœuvres par établissement relativement larges, à un numérique « serviciel » où le ministère peut bien plus facilement pousser ses préconisations du haut vers le bas et où les enseignants se voient enjoints à utiliser telle ou telle application. Quant au numérique « matériel » ? On voit la multiplication des « TNI » (tableaux blancs interactifs), des plans « 1 élève, 1 tablette », etc. Mais là encore, la puissance de Google, Apple et bien entendu Microsoft ne laissera aucune chance aux initiatives locales et libres, comme le projet TabulEdu6 par exemple.

L’épuisement

À cette époque (2010/2015), Framasoft est une des associations (avec l’April6, l’AFUL7, AbulEdu, Scidéralle et d’autres) qui militent activement pour que le logiciel libre et ses valeurs ne soient pas un impensé dans les pratiques numériques éducatives.

Nous rencontrons à de nombreuses reprises des conseillers, des fonctionnaires, des élus, des chefs d’établissements, et même des secrétaires d’État et des minitres. Nous leur présentons, avec autant d’objectivité que possible, quels sont les avantages, mais aussi les inconvénients du logiciel libre, notamment dans ses processus de développements, souvent éloignés du modèle capitalistique dominant.

Mais, peu à peu, les portes comme les oreilles se ferment. Ce qui compte, ce sont les usages, et uniquement les usages. Peu importe les conséquences d’une dépendance à tel ou tel acteur, tant que le logiciel fait le boulot. L’Éducation nationale veut acheter du logiciel comme on achète des petits pois : sur étagère. Oh évidemment, les enseignants sont invités à « donner leur avis », à « faire remonter leurs besoins », à « co-construire » le logiciel. Mais attention, ces échanges doivent se faire chez l’éditeur. Car il s’agit bien pour ce dernier de profiter de ces retours d’expériences et de l’expertise des enseignants pour améliorer ce qui n’est rien d’autre qu’un produit : le logiciel, leur logiciel. Microsoft a des moyens plus que conséquents. En 2016, Microsoft était la troisième capitalisation boursière mondiale (425 milliards de dollars), derrière… Alphabet/Google (556 Mds$ ) et Apple (582 Mds$ ). En conséquence, on nous demandait, à nous, représentants du milieu du libre, porteurs de valeurs, d’idées, mais aussi de code logiciel de qualité (tels ceux de Firefox, de LibreOffice, de GNU/Linux et de milliers d’autres) de lutter à armes soi-disant égales contre les trois plus grosses entreprises mondiales, aux moyens quasi illimités. Comment lutter pied à pied avec une entreprise qui, du jour au lendemain, peut inviter – tous frais payés – des centaines de personnels de l’éducation de nombreux pays dans un hôtel luxueux en Thaïlande8
, quand nous peinions déjà, en tant qu’association, à payer la facture de notre hébergement web de quelques dizaines d’euros mensuels ? Comment paraître crédible quand Microsoft pouvait inviter des « enseignants innovants »10 dans ses gigantesques locaux d’Issy-les-Moulineaux11 (pardon, son « Campus équipé de Showrooms et de classes immersives »), alors que le local de Framasoft se limitait à 6m² dans un quartier populaire de Lyon ? (rassurez-vous, depuis nous avons multiplié par 3 la surface de nos bureaux.)

Bref, les pas en arrière furent pendant ces années-là bien plus nombreux que les pas en avant.

Progression du libre dans l’Éducation nationale — Allégorie

Mais nous ne désespérions pas. Nous pensions pouvoir de nouveau trouver des interlocuteurs avec qui échanger. Nous estimions nos requêtes raisonnables : 1) faire une place suffisante au logiciel libre à l’école ; 2) libérer quelques heures de formations aux enseignants aux questions de licences (que ça soit pour les logiciels, mais aussi pour leurs productions pédagogiques et les ressources qu’ils pourraient trouver en ligne) ; 3) comprendre et accepter quels étaient les modes du développement d’un logiciel libre (basé sur la contribution des acteurs, et non sur l’acquisition des consommateurs).

Cependant, les institutions françaises étant ce qu’elles sont, nos interlocuteurs disparaissaient d’une année sur l’autre, suite à une élection, une mutation, une mise en retraite, ou au placard. Et la société française, elle, rentrait peu à peu dans l’ère de la start-up nation, de l’ubérisation. En conséquence, nous entendions de plus en plus souvent la petite musique « Le numérique à l’école est un marché, et le logiciel libre est bien utile pour mettre en tension ce marché ». « Mettre en tension », tout est là. Le principal intérêt du logiciel libre n’est plus de donner du pouvoir pédagogique aux enseignants, il n’est plus de pouvoir adapter les logiciels aux besoins spécifiques des élèves, il n’est plus de faciliter l’émancipation par la capacitation, il n’est plus de proposer une force de résistance à la marchandisation de l’école… Il devient juste une variable d’ajustement permettant de négocier à la baisse les prix des logiciels de Microsoft & co. Nous, considérés comme des hippies du numérique, étions devenus un épouvantail qu’on agitait sous le nez d’entreprises multi-milliardaires, leur suggérant : « Si vous ne baissez pas vos prix, on va peut-être préférer du logiciel libre ! ».

L’agacement et la frustration laissèrent peu à peu place à la fatigue, puis à l’épuisement.

La rupture

Cette emprise des géants du numérique sur l’éducation se traduira concrètement, politiquement, en 2015 lorsque la ministre de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Najat Vallaud Belkacem signera un partenariat avec Microsoft. Pour comprendre en quoi ce partenariat est un camouflet envers les acteurs du Libre, nous pouvons ici simplement citer le communiqué de presse de Microsoft12 :

« 13 millions d’euros seront ainsi investis par Microsoft pour le développement du numérique éducatif : l’accompagnement des enseignants et des cadres de l’éducation, la mise à disposition de plateformes collaboratives, ainsi que l’apprentissage du code informatique. Cette signature s’inscrit dans le prolongement de la visite à Paris de Satya Nadella, CEO de Microsoft, le 9 novembre dernier, et de sa rencontre avec le président de la République, François Hollande. »

Trois choses me semblent importantes ici.

D’abord, il s’agit d’un partenariat décidé au plus haut niveau de l’État. Le patron de la troisième entreprise mondiale rencontre le patron – pardon le président – de la cinquième puissance mondiale, et ils décident de signer un contrat – pardon, un partenariat – concernant plus de dix millions d’élèves. Les raisons pédagogiques présidant au choix de cette entreprise sont-elles rendues publiques ? Non. Y a-t-il eu consultation des enseignants et de la société civile ? Non plus. Difficile à prouver tant la manœuvre fut opaque, mais cela avait le goût amer d’une action de lobbying fort bien orchestrée.

Ensuite, ce partenariat fut signé juste après la grande consultation nationale pour le projet de loi Pour une République Numérique13 porté par la ministre Axelle Lemaire. Cette consultation avait fait ressortir un véritable plébiscite en faveur du logiciel libre dans les administrations publiques et des amendements ont été discutés dans ce sens, même si le Sénat a finalement enterré l’idée. Il n’en demeure pas moins que les défenseurs du logiciel libre ont cru déceler chez nombre d’élus une oreille attentive, surtout du point de vue de la souveraineté numérique. Pourtant, la ministre Najat Vallaud Belkacem a finalement décidé de montrer à quel point l’Éducation nationale ne saurait être réceptive à l’usage des logiciels libre en signant ce partenariat, qui constituait, selon l’analyse par l’April des termes de l’accord, une « mise sous tutelle de l’informatique à l’école » par Microsoft.

Enfin, notez bien qui investit. Est-ce l’État qui achète pour 13 millions d’euros de produits Microsoft ? Non. C’est bien Microsoft, entreprise privée étatsunienne, qui investit 13 millions d’euros dans l’institution publique qui devrait être l’objet du plus de protection : l’Éducation nationale. Nike aurait-il offert pour 13 millions d’euros de paires de chaussures pour les cours de sport ou McDonald’s aurait-il offert pour 13 millions d’euros de burgers pour les cantines, je doute que la ministre s’en serait vantée. Mais comme il ne s’agit « que » de logiciels, tout va bien, il ne s’agit absolument pas d’un pas de géant dans la marchandisation de l’école. Nous avons l’esprit mal placé. Nous voyons le mal partout.

Mais nous ne sommes pas aveugles, et le départ de Mathieu Jandron, nommé en septembre 2015 au plus haut poste « numérique » du Ministère et principal architecte de ce partenariat, ne nous échappera pas : il partira en 2018 travailler chez une autre entreprise du secteur privé, Amazon14.

Les « Revolving doors » : mécanisme décrivant une rotation de personnel entre un rôle de législateur et régulateur, et un poste dans l’industrie affecté par ces mêmes législation et régulation (donc avec suspicion de conflit d’intérêt).,
Source : Grandvgartam, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

 

Au sein de Framasoft, nous sommes atterrés. Et en colère.

Nous écrivons alors un billet intitulé « Pourquoi Framasoft n’ira plus prendre le thé au ministère de l’Éducation nationale »15.

Rédigé principalement par Christophe Masutti, alors co-président de l’association, nous y rappelions notre positionnement à la fois philosophique et politique :

« Une technologie n’est pas neutre, et encore moins celui ou celle qui fait des choix technologiques. Contrairement à l’affirmation de la ministre de l’Éducation Mme Najat Vallaud-Belkacem, une institution publique ne peut pas être “neutre technologiquement”, ou alors elle assume son incompétence technique (ce qui serait grave). En fait, la position de la ministre est un sophisme déjà bien ancien ; c’est celui du Gorgias de Platon qui explique que la rhétorique étant une technique, il n’y en a pas de bon ou de mauvais usage, elle ne serait qu’un moyen. Or, lui oppose Socrate, aucune technique n’est neutre : le principe d’efficacité suppose déjà d’opérer des choix, y compris économiques, pour utiliser une technique plutôt qu’une autre ; la possession d’une technique est déjà en soi une position de pouvoir ; enfin, rappelons l’analyse qu’en faisait Jacques Ellul : la technique est un système autonome qui impose des usages à l’homme qui en retour en devient dépendant. Même s’il est consternant de rappeler de tels fondamentaux à ceux qui nous gouvernent, tout choix technologique suppose donc une forme d’aliénation. En matière de logiciels, censés servir de supports dans l’Éducation nationale pour la diffusion et la production de connaissances pour les enfants, il est donc plus qu’évident que choisir un système plutôt qu’un autre relève d’une stratégie réfléchie et partisane. »

Nous faisions par ailleurs dans cet article une chronologie des interactions entre l’Éducation nationale et le libre plus détaillée que dans le présent texte. Mais sa raison d’être, en dehors d’y exprimer notre colère, était surtout d’annoncer une rupture stratégique dans nos modalités d’actions (un « pivot » aurait-on dit dans la startup nation). Cette rupture se traduisait notamment non seulement par notre volonté de ne plus être dans une démarche active vis-à-vis du ministère (c’est-à-dire de ne plus les interpeller, ni les solliciter du tout), mais aussi en mettant une condition claire à toute discussion que l’institution souhaiterait engager avec nous : à chaque fois qu’un membre de l’institution relativement haut placé (ministère, rectorat, académie, Canopée, etc.) souhaiterait avoir notre avis, notre expertise, ou une intervention de notre part, nous demandions au préalable une prise de position écrite et publique que cet avis, cette expertise, ou cette intervention valait comme volonté de l’institution en question de reconnaître les valeurs portées par le mouvement du logiciel libre (partage, entraide, transparence, co-construction, contribution, etc.). Par ce mécanisme, nous évitions de perdre notre temps, notre énergie, et l’argent de nos donateurs (l’association Framasoft n’étant financée que par les dons, essentiellement de particuliers, et ne percevant aucune subvention).

Dit autrement, nous avons fait sécession, rompu le lien de soumission qui nous liait à l’Éducation nationale, et pris une autre voie, celle de l’éducation populaire.

La sécession

Pendant les années qui suivirent, ce mécanisme fut plutôt efficace. Lorsque nous recevions une sollicitation, nous répondions : « Votre institution est-elle prête, publiquement, à reconnaître les valeurs portées par le mouvement du logiciel libre ? ». La réponse, lorsqu’il y en avait une, était généralement « Non ». Cela réglait le problème pour nous. Inutile de perdre de l’énergie pour servir de caution. Nous renvoyions alors nos interlocuteurs vers des associations de plaidoyers – ce que n’a jamais été Framasoft – telles que l’April ou l’Aful, et nous retournions vaquer à nos occupations.

Car fin 2014, Framasoft avait lancé une campagne intitulée « Dégooglisons Internet »16 qui visait trois objectifs : 1) sensibiliser le plus large public aux dominations techniques, économiques et culturelles des GAFAM ; 2) démontrer que le logiciel libre proposait des solutions efficaces et actionnables à moindre coût et 3) essaimer notre démarche de décentralisation d’internet, afin de ne pas transformer Framasoft en « Google du libre ».

Cette campagne fut un formidable succès. Entre 2015 et 2018, l’association a donné des centaines de conférences et d’interviews alertant sur la toxicité des GAFAM. Elle proposait 30 services libres, éthiques, décentralisés et solidaires (soit quasiment la mise en service d’une plateforme par mois, pendant trois ans !), et impulsait la création d’un collectif nommé CHATONS17 (Collectif des hébergeurs alternatifs transparent ouverts neutres et solidaires) regroupant aujourd’hui plus de 70 structures reprenant la démarche de Framasoft.

Les différents services mis en œuvre accueillaient plus de 500 000 personnes par mois, dont un très grand nombre d’enseignants et d’élèves. Sans aucun soutien de l’administration. Le tout pour un coût dérisoire- : moins de 700 000€ investis sur 3 ans, soit un coût inférieur à celui de la construction d’un seul gymnase scolaire.

Le confinement

Retour au temps présent. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, annonce d’abord le 12 mars que la fermeture des écoles dans le cadre de la pandémie COVID-19 « n’a jamais été envisagée »18. Le 13 mars – le lendemain, donc – le même ministre annonce la fermeture des écoles19, en affirmant que le dispositif « Ma classe à la maison » est prêt et permettra à près d’un million d’enseignants qui n’ont jamais été préparés à cela d’assurer une « continuité pédagogique ». Il affirme aussi «  Je veux qu’aucun élève ne reste sur le bord du chemin.  »

LOL. À peine deux semaines plus tard, le ministre lui-même reconnaît avoir « perdu le contact » avec 5 à 8 % des élèves20. Sur 12 352 000 écoliers, collégiens ou lycéens, cela fait quand même entre 600 000 et un million d’élèves « perdus ». Une broutille.

La raison principale en est la totale impréparation du ministère, qui dans une tradition bien française, a donné ses ordres à ses troupes, pensant sans doute comme le disait de Gaulle que « l’intendance suivra ». Ce ministère complètement hors-sol, avec des directives contredisant régulièrement celles de la veille ne comprend pas ce qui lui arrive. Pourtant, ils étaient en place, ces Espaces Numériques de Travail (et avaient coûté cher). Elles existaient bien, ces applications pédagogiques vendues par les « EdTech ». Alors ? Alors les enseignants n’étaient ni formés ni préparés ; les équipes et les infrastructures techniques étaient sous-dimensionnées. On n’envoie pas un million d’élèves un lundi matin sur un ENT prévu pour n’en accueillir que quelques milliers simultanément. Les élèves – comme les enseignants – étaient sous-équipés. Dans les foyers qui avaient la chance d’avoir un ordinateur et une connexion internet, il fallait bien partager cette machine non seulement entre frères et sœurs, mais aussi avec les parents sommés de télétravailler.

Élèves et profs tentant de rejoindre leur Espace Numérique de Travail pendant le confinement — allégorie
Source : Flickr CC BY-NC-SA

 

La conséquence, c’est que les enseignants les plus à l’aise se sont adaptés. Prenant même parfois conseils auprès des élèves, ils multiplient les groupes WhatsApp, les visio Zoom, les comptes sur Google Classrooms, les discussions sur Discord, etc. Ils s’auto-organisent hors des outils le plus souvent, hors des services proposés par leur propre institution. Comment leur en vouloir ? En tout cas, la position de Framasoft est claire : même si nous ne souhaitons évidemment pas promouvoir les outils des GAFAM, le bien-être psychologique des enfants dans cette forte période de stress passe avant tout. Le chaos dû à l’incurie de l’institution doit être compensé, par tous les moyens. Et si cela signifie échanger par Télégram plutôt que ne pas échanger du tout, eh bien tant pis. Même si cela nous fait mal au cœur, et pas qu’au cœur, de voir les services de GAFAM tant utilisés alors que le logiciel libre propose de véritables alternatives, nous nous refusons de nous ériger en moralisateurs et de rajouter de la culpabilité à la détresse. La santé avant le respect du RGPD.

Pour autant, des outils libres existent ! Notamment ceux proposés par Framasoft. Dès le 13 mars, nous voyons certains services pris d’assaut par des enseignants et leurs classes. Des milliers de Framapads (alternative à Google Docs) sont créés chaque jour ; nous ouvrons jusqu’à 20 000 visioconférences Framatalk en une semaine. Car l’information circule, les enseignants sensibilisés aux questions du RGPD, de la vie privée, ou de la toxicité des GAFAM se passent le mot : rendez-vous sur les services de Framasoft. Le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche enverra même une note officielle recommandant nos services à leurs personnels21.

 

Pendant les deux premières semaines de confinement, c’est la folie : nous mettons en pause tous nos projets, et la petite équipe de 9 salariés que nous sommes redirigent tous leurs efforts pour faire en sorte de pouvoir continuer à « faire du lien » entre personnes confinées (qu’il s’agisse de profs, d’élèves ou pas). Nous louons une demi-douzaine de serveurs supplémentaires, nous renforçons les services existants, nous en proposons de nouveaux, nous écrivons des guides de bonnes pratiques22, etc. Nous documentons publiquement notre quotidien dans une série d’articles de confinement, un carnet qui totalisera l’équivalent de plus de 200 pages au final23. Nous dormons peu. Et mal.

Mais rapidement et malgré nos efforts, nous voyons bien que la part du public scolaire dans la proportion de nos utilisateurs explose24. Si nous continuons ainsi, les élèves vont monopoliser nos services, les rendant indisponibles pour les syndicalistes, les associations, l’urgence sociale, les collectifs, les soignants. Nous nous réunissons (virtuellement) et prenons une décision inédite et radicale : nous faisons le choix, difficile pour nous, d’afficher le message suivant sur nos principaux services :

Nous demandons aux personnes relevant de l’Éducation nationale (profs, élèves, personnel administratif) de ne pas utiliser nos services durant le confinement et de demander conseil à leurs référent·es. Nous savons que le ministère de l’Éducation nationale a les moyens, les compétences et la visibilité pour créer les services en ligne nécessaires à son bon fonctionnement durant un confinement. Notre association loi 1901 ne peut pas compenser le manque de préparation et de volonté du ministère. Merci de réserver nos services aux personnes qui n’ont pas les moyens informatiques d’une institution nationale (individus, associations, petites entreprises et coopératives, collectifs, familles, etc.). Le formulaire ci-dessous vous permettra de créer un salon chez un hébergeur éthique aléatoire en qui nous avons confiance.

Suite à ce texte, nous recevons des messages via les médias sociaux ou par contacts privés. Alors que nous nous attendions à nous prendre des insultes, voire des cailloux, les enseignants nous… remercient ! Ils nous expliquent qu’évidemment, cela leur aurait mieux convenu d’utiliser nos services plutôt que ceux des CHATONS, vers qui nous les redirigeons, mais ils comprennent notre position, et soutiennent notre volonté de les appeler à interpeller leur hiérarchie. Évidemment, les tenants de la startup nation, eux, se serviront de notre décision pour décrédibiliser le libre, en disant en substance « Vous voyez : même la plus grosse association du libre francophone n’arrive pas à passer à l’échelle. C’est bien la preuve que seuls les GAFAM sont sérieux ». Bon, à part le fait que nous n’avons jamais eu pour but de « passer à l’échelle », cela ne fait que renforcer notre sentiment que leur façon de penser (basée sur le succès, la croissance, la réussite, le chiffre d’affaires, bref devenir et rester le « premier de cordée ») ne pourra jamais s’adapter à la nôtre qui ne vise ni à la gloire, ni à la pérennité, ni au fait de créer un mouvement de masse, et encore moins au succès financier.

Quelques remerciements de profs (ou pas) reçus pendant le confinement. <3

Ce message d’alerte aura peut-être eu aussi un effet inattendu et non mesurable pour le moment. Un projet interne à la direction du numérique éducatif, nommé « apps.education.fr »25 est rendu public par anticipation fin avril. Prévu initialement pour être annoncé fin 2020, ce projet de la direction du numérique éducatif vise à proposer plusieurs services en ligne (hébergement de blogs, vidéos, documents collaboratifs, etc), basés exclusivement sur du logiciel libre, réservés aux enseignants et élèves. C’est en quelque sorte le pendant de Framasoft, mais mis en place et géré par et pour l’Éducation nationale. Pour nous, c’est (enfin !) le premier signe concret et positif que nous voyons de la part de l’institution depuis des années. Nous y voyons, peut-être par manque d’humilité, le fait que notre discours, nos idées, et surtout notre volonté que les données des élèves soient gérées en interne et non par des tiers – qu’il s’agisse de Microsoft ou de Framasoft – ont peut-être fini par être entendues. L’avenir nous le dira.

Nous serons d’ailleurs contactés par les personnes gérant le service apps.education.fr peu après l’annonce de son lancement. Elles nous proposent de réaliser deux plugins qui permettraient une authentification plus facile des professeurs au sein du logiciel PeerTube, proposé sur plateforme. Nous en discutons au sein de l’association, car une prestation réalisée pour le compte d’un ministère dont nous critiquons une grande partie des décisions depuis plusieurs années pourrait nous mettre en porte-à-faux en délégitimant notre parole. D’autant plus que la DNE pourrait parfaitement solliciter n’importe quelle société informatique pour cette prestation puisque le code de PeerTube est libre et ouvert. Cependant, nous décidons de réaliser ces plugins, essentiellement parce que nous nous sentons en confiance et écoutés par l’équipe de apps.education.fr. Malgré l’urgence, les plugins seront livrés à temps et toutes les parties prenantes seront satisfaites. Ce plugin permet aujourd’hui à l’Éducation nationale d’héberger plus de 22 000 vidéos, sur une trentaine « d’instances PeerTube » (c’est-à-dire des sites web différents, hébergeant chacun le logiciel PeerTube et des vidéos associées)26. Ces instances sont par ailleurs fédérées entre elles. c’est-à-dire que depuis l’instance PeerTube de l’académie de Lyon (8 000 vidéos), il est parfaitement possible, sans changer de site web, de visionner les vidéos des instances de l’académie de Nancy-Metz (2 300 vidéos) ou celles de l’académie de Nantes (458 vidéos). Cette réalisation pourrait laisser penser à une forme de « partenariat public commun »27 mais nous sommes plus circonspects dans l’analyse : ce n’est pas parce que nous constatons un pas en avant dans la bonne direction que nous oublions toutes les bassesses et les dérobades de ces dernières années.

Pendant cette période, nous accompagnons aussi ponctuellement le collectif citoyen « Continuité pédagogique », créé dans l’urgence pour accompagner numériquement les enseignants. Le Framablog publiera leur première communication publique28 et nous leur apporterons avis et conseils. Ce collectif informel, créé spontanément lors de la pandémie, donnera naissance à l’association « Faire École Ensemble »29 qui facilite le soutien citoyen à la communauté éducative pendant l’épidémie de COVID-19.

En parallèle, Framasoft et d’autres membres du collectif CHATONS mettront en place un site web dédié30 permettant de choisir parmi plusieurs services web, indépendamment de l’hébergeur dudit service. Cela nous permettra de répartir la forte charge subie par Framasoft sur les épaules de nombreux « chatons », engagés eux aussi dans une démarche éthique de solidarité et de respect des données personnelles.

 

Site https://entraide.chatons.org.

L’À venir

« Et maintenant ? ». Eh bien maintenant, il serait sans doute bon de se poser la question des enjeux du numérique à l’école.

Pour l’instant, côté ministère, ces enjeux sont les mêmes marronniers depuis des années : il y a le sacro-saint enjeu des usages (qui utilise quels outils et comment ?), celui du rapport à l’écran (l’écran c’est bien mais pas trop), et celui des apports pédagogiques (est-ce que l’élève progresse plus ou moins vite avec telle ou telle application, ou sans ?). Misère ! Comment être plus à côté de la plaque ?

Les débats autour du numérique à l’école relèvent avant tout de la place de l’école dans la société.

Framasoft n’a rien à vendre. Et ne cherche même plus à convaincre les institutions. Même si une proportion non négligeable des membres de l’association sont enseignants, nous ne nous prétendons pas experts en pédagogie. Cependant, cela ne nous empêche pas d’être une force d’interpellation, notamment sur les sujets du numérique. Cela, plutôt que de réitérer une liste de propositions comme nous l’avions déjà fait avec d’autres associations il y a plus de dix ans31, m’amène plutôt à poser quelques questions.

Plutôt que le rapport à l’écran, ne devrait-on pas interroger le rapport à la distance ?

Comment réinventer les liens entre enseignants et élèves, profs et enseignants, mais aussi entre élèves ? La posture de l’enseignant en ligne ne peut pas être la même qu’en classe « physique ». En ligne, les enfants ne sont pas un public captif, cela a ses avantages, mais aussi ses inconvénients. La place des parents, bien plus présents dans cette école hors des murs, bouscule aussi les habitudes des uns et des autres. Les notions de groupes, mais aussi de présence ou d’absence vont ainsi devoir être ré-interrogées.

Un risque que l’on peut déjà identifier est de vouloir inclure dans les outils numériques des dispositifs de surveillance bien trop poussés. Comme tout mécanisme de contrôle, ces traqueurs seront au départ proposés comme facilitant la vie de l’enseignant ou de l’élève (« Camille Dupuis-Morizeau ne s’est pas connectée depuis 4 jours, voulez-vous lui envoyer un rappel automatique ? »), ou des outils de remédiation (par exemple lorsque qu’un élève commet une erreur lors de la réalisation d’un exercice en ligne, et que l’application lui propose des pistes pour corriger son erreur et aboutir à la « bonne » solution). Mais, malgré tous les avantages qu’on peut y voir, c’est probablement ouvrir une boite de Pandore. En effet, une fois mis en place, non seulement le retour en arrière sera très compliqué, mais les risques de surenchère seront inévitables, à coup de prétendue « intelligence artificielle » ou d’algorithmes étudiant de façon détaillée les comportements des utilisateurs de ces plateformes afin de conseiller en permanence des corrections pédagogiques, mais aussi comportementales.

Comme le démontre Christophe Masutti dans son ouvrage Affaires Privées : Aux sources du capitalisme de surveillance32, la surveillance est un corrélat social. Là où cela peut poser problème, c’est lorsqu’on finit par ne plus penser nos relations sociales autrement que par l’automatisation et la technicisation de la surveillance.

« Affaires privées. Aux sources du capitalisme de surveillance, par Christophe Masutti», paru chez C&F éditions. Plus d’informations ici : https://cfeditions.com/masutti/

Qui définira les limites éthiques du périmètre souhaitable de ces mesures ? En amont – c’est-à-dire avant que ces technologies de surveillance ne soient intégrées dans les plateformes éducatives – et non pas en aval. Car aujourd’hui, l’un des principaux arguments des EdTech33 est bien de faciliter le travail de l’enseignant en automatisant cette surveillance. Certes cela donne de beaux graphiques, de jolies courbes, des niveaux d’alerte ou d’attention pour tel ou tel élève. Sauf que rares sont les pédagogues qui comprennent comment fonctionnent ces algorithmes, ou par qui et comment ils sont écrits, ni quels sont les bénéfices que l’entreprise qui les a réalisés escompte. S’ils le savaient, je doute qu’ils regarderaient ces applications avec autant d’appétence.

Cela m’amène à une seconde question.

Le numérique étant, qu’on le veuille ou non, omniprésent : quelle place veut-on donner à l’éducation aux médias et à la littératie numérique ?

La littératie numérique peut se définir comme « la capacité d’un individu à participer à une société qui utilise les technologies de communications numériques dans tous ses domaines d’activité » (Wikipédia34). Cela inclut de nombreuses composantes : la littératie informatique (notamment le rapport à l’ordinateur, qu’il soit de bureau ou de poche), la littératie technologique (posant plutôt le rapport aux enjeux entre technologies et individus ou sociétés), la littératie informationnelle (notamment notre capacité à avoir une analyse critique de la masse d’informations reçue chaque jour, ainsi que notre capacité à chercher – et trouver – l’information pertinente), la littératie communicationnelle (notre capacité à écrire et publier pour un public), etc.

Or, s’il y a bien une chose qu’a pu démontrer la crise de la COVID-19, c’est bien que cette littératie était loin d’être un acquis. Non seulement pour les élèves, qu’on présentait souvent comme des digital natives alors qu’il n’en était rien, mais aussi – et surtout – pour les enseignants.

Alors certes, nous avons bien compris que l’Éducation nationale était en mutation, suite à la pandémie. Notamment Canopée dont le métier historique d’éditeur devient de plus en plus celui de formateur. Mais dans l’ensemble, nous voyons surtout des éléments qui nous donnent à penser que ces formations se feront encore principalement sur des « outils », y compris les outils Framasoft, d’ailleurs. Or, c’est voir le problème par le mauvais bout de la lorgnette. Pour reprendre la métaphore du proverbe bien connu, cela revient certes à donner un poisson aux enseignants formés à tel ou tel outil, et après tout pourquoi pas. Mais ça n’est sûrement pas leur apprendre à pêcher. Tant que les formations au numérique se focaliseront davantage sur les outils, les pratiques, les usages, que sur l’éducation aux technologies en général, et aux médias en particulier, les capacités de littératie numérique stagneront.

Or, il ne s’agit pas d’un impensé au niveau du ministère – du moins je ne le pense pas – mais bien d’une volonté politique. Former aux outils permet de garder le contrôle du public (entre autres parce que ces outils n’ont de cesse d’évoluer, rendant le public dépendant aux formations elles-mêmes). Partager et diffuser ces savoirs auprès des enseignants les rendraient beaucoup, beaucoup, plus autonomes dans leurs pratiques, ce qui poserait de nombreux problèmes non seulement aux lobbyistes des GAFAM, mais aussi à l’institution qui devrait lâcher prise sur la question de la ligne de conduite à tenir sur les enjeux et l’apport des technologies dans notre société.

Cela m’amène à une troisième question.

Quelle est la position du monde enseignant sur la question de la technologie ?

Les outils sont-ils neutres, comme le disait le Gorgias de Platon ? Ou, au contraire, comme Socrate (et Framasoft) reconnaît-on que les technologies générant par nature pouvoir et aliénation, il convient de penser leur place à l’école ? D’autant plus quand elles deviennent aujourd’hui une soi-disant « compétence à acquérir ».

La réponse à cette question n’est pas sans conséquence. Si les enseignants pensent que les outils sont neutres, alors au final seul compte le fait d’acquérir tel savoir, telle compétence ou telle maîtrise de cet outil. Il reste bien sûr une marge de manœuvre pédagogique, et heureusement, mais la réflexion est limitée : j’utilise l’outil parce qu’il me permet d’améliorer la situation dans laquelle je n’ai pas l’outil. Si par contre, le monde éducatif reconnaît le caractère ambivalent des outils (toute technologie est un pharmakon35, c’est-à-dire à la fois remède, poison et bouc-émissaire, disait le philosophe Bernard Stiegler, décédé cet été), alors on ne peut pas uniquement travailler l’aspect positif/remède de ces derniers. Il faut impérativement se poser la question de leurs effets négatifs/poisons, ainsi que la dimension exutoire qu’ils portent en eux.

Or, force est de constater que si ces aspects, qui ne relèvent pas de la vision d’un « solutionnisme technologique », sont parfois abordés dans le débat public – le plus souvent portés par la société civile – cela est rarement le cas au cours de la formation des enseignants, et encore moins face aux élèves. À l’exception des réseaux sociaux, présentés avant tout comme un lieu de désinformation ou de danger (ce qui peut effectivement être le cas), les logiciels, applications, ou technologies numériques ne sont souvent présentées que comme un moyen d’étendre un champ d’action individuel ou collectif, mais rarement comme un instrument à double tranchant.

Pourtant, même rapidement formés à cette question, je pense que les enseignants parviendraient rapidement à identifier les valeurs du logiciel libre – « liberté, égalité, fraternité » – et à les mettre en regard de celles des logiciels dits privateurs : aliénation, discrimination, marchandisation.

J’en viens donc à une quatrième question.

L’école doit-elle rester un espace sanctuarisé vis-à-vis de la marchandisation ?

Si oui, comment accepter et justifier l’emprise de certaines entreprises du numérique dont les logos se retrouvent sur chaque machine, et dont la manipulation des produits (les fameux « usages et pratiques ») sont ni plus ni moins qu’enseignés et imposés à des millions d’élèves chaque année ?

Cela n’est d’ailleurs pas sans poser la question des inégalités face au numérique. Pendant le confinement, seules les personnes (profs, élèves ou parents) qui disposaient à la fois d’une connexion internet, de matériels adéquats, des savoirs nécessaires, et de conditions adaptées (par exemple une chambre ou un bureau au calme) ont réellement pu expérimenter ce qu’était « l’école confinée ».

Cela me conduit à une dernière question, récurrente et qui peut sonner triviale, mais qui demeure la plus importante à mon sens :

L’école doit-elle accompagner les élèves à faire société ? Ou doit-elle exclusivement les préparer à un emploi ?

Le rôle de l’école semble bien d’être, au moins sur le papier, de former des citoyens éclairés, critiques et créatifs36.

Cependant, comme l’indique Nico Hirtt dans son ouvrage L’école prostituée : L’offensive des entreprises sur l’enseignement37, le numérique à l’école peut alors servir de cheval de Troie afin de faciliter l’introduction de concepts néo-libéraux tels que « l’employabilité ».

Vouloir familiariser les élèves aux nouveaux supports numériques, favoriser l’éducation à distance sont des objectifs tout à fait légitimes, ce sont les conditions dans lesquelles ces transformations s’effectuent qui sont contestables. En s’alliant avec le privé, l’État permet aux industriels de contribuer aux décisions dans le domaine des programmes interactifs (introduire des marques…), d’intervenir dans la gestion des écoles (promouvoir la sélection), de favoriser des enseignements discriminatifs (reconnaissance de diplômes en ligne payants, services éducatifs payants, etc.). L’État, en réduisant ses impératifs éducatifs aux impératifs du marché du travail et notamment technologique, risque ainsi de provoquer une dévalorisation de la connaissance et l’ exacerbation d’une école à deux vitesses. 38

Il semblerait bien qu’on ne puisse avoir ni de société libérée, ni d’école délivrée, sans logiciel libre.

Je demeure en tout cas persuadé que ce n’est qu’en répondant à des questions de ce type, et surtout en affirmant publiquement et collectivement la place de l’école dans la société, que nous pourrons apprendre à articuler l’école et le numérique, et que l’institution pourra se dépêtrer d’une vision « solutionniste » ne servant que des intérêts privés et non l’intérêt général.

 

 

Pierre-Yves Gosset, co-directeur et délégué général de l’association Framasoft (texte sous licence Creative Commons BY39)

Image d’illustration : école Arménienne équipée d’ordinateurs du projet (libre) One Laptop Per Child

 

Télécharger ce texte au format PDF

 


1 – Il est à noter que la partie « TICE et Français » de Framanet donnera pour sa part naissance au site weblettres.net, actuellement l’un des principaux portails de l’enseignement des lettres en France.

2 – Le SCÉRÉN (Services Culture, Éditions, Ressources pour l’Éducation Nationale) est le réseau national composé du Centre national de documentation pédagogique (CNDP), des 31 Centres régionaux de documentation pédagogique et de leurs centres départementaux et locaux. Son pôle « logiciels libres », coordonné par Jean-Pierre Archambault, fut créé en 2002. Il disparaîtra autour de 2014, lorsque le SCÉRÉN se « modernisera » et deviendra le réseau Canopée.

3https://abuledu-fr.org

4https://www.sesamath.net/

5http://scideralle.org/

6https://www.ryxeo.com/les-tablettes-tabuledu/

7https://april.org

8https://aful.org

9 – Le « Microsoft Innovative Teacher Awards de 2008 » par exemple a eu lieu à Bangkok

https://web.archive.org/web/20121203043808/http://www.schoolnet.org.za/itf/2008_ITA_Flier.pdf.

Officiellement, 5 enseignants français étaient invités. (voir : https://framablog.org/2008/02/19/forum-des-enseignants-innovants-suite-et-fin/). Ce genre d’événements est organisé régulièrement depuis des décennies par Microsoft, qui se construit ainsi un réseau de soutiens. Même si rien n’est contractualisé, les participants à de telles rencontres sont « en dette » auprès de l’entreprise qui les a invitée. C’est la logique profonde du « don et contre-don » qui cimente les partenariats.

10 – https://framablog.org/2008/02/18/forum-enseignants-innovants-microsoft-partenaire/.

11https://framablog.org/2014/09/30/microsoft-education-logiciel-libre-video/.

12https://news.microsoft.com/fr-fr/2015/11/30/numerique-a-l-ecole-microsoft-france-renforce-son-partenariat-avec-le-ministere-de-l-education-nationale/.

13https://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_pour_une_R%C3%A9publique_num%C3%A9rique.

14 – http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/04/05042018Article636585093683659445.aspx.

15 – https://framablog.org/2016/11/25/pourquoi-framasoft-nira-plus-prendre-le-the-au-ministere-de-leducation-nationale/#fn4.

16 – https://degooglisons-internet.org.

17 – https://chatons.org.

18 – https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-la-fermeture-totale-de-toutes-les-ecoles-jamais-envisagee-assure-le-ministre-de-l-education_3862803.html.

19 – https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-13-mars-2020.

20 – https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/coronavirus-l-education-nationale-a-perdu-le-contact-avec-5-a-8-des-eleves-dit-blanquer-7800338180.

21 – Dans le « ¨lan de continuité pédagogique », on peut lire : « Parmi les actions possibles : […] Travail collaboratif en ligne : par exemple, solutions libres de type https://framasoft.org/ ou

cloud (ex : OneDrive ou Google Drive) qui permettent de travailler en groupe à distance pour une création d’un texte/dissertation/présentation collaborative. ». (http://people.irisa.fr/Martin.Quinson/Fiches-PlanContinuite%CC%81Pe%CC%81dagogique.pdf). Une assertion devenue quelques semaines plus tard suite aux protestations de Framasoft : « Du côté des logiciels libres l’association Framasoft propose de nombreux services dont la plupart sont malheureusement victimes de leurs succès mais propose presque toujours des liens vers des solutions alternatives portées par des hébergeurs éthiques comme l’association Chatons (https://chatons.org/). » (https://services.dgesip.fr/fichiers/PlanContinuitePedagogiqueDGESIP_19052020.pdf)

22 – https://framasoft.frama.io/teletravail/.

23 – https://framablog.org/tag/log/.

24 – Dans le thread Twitter du 21 mars 2020, j’expliquais : « Le truc, c’est qu’avec le coronavirus, on est passé du jour au lendemain de 100 paniers/j à 140. Ca pique déjà, pour nous. Mais on a vu les profs se retourner vers nous en disant « Vous pouvez nous fournir 1800 paniers /j ? ». La réponse est « non ». A titre perso, je paie des impôts pour que le MEN fournisse des pratiques, des lieux, du matériel ET des services aux enseignants et aux élèves. A part envoyer mes collègues au burnout, ça n’a aucun sens d’accueillir les enseignant⋅es en ce moment. On ne pourra pas fournir. » https://twitter.com/pyg/status/1241410351436005377.

25 – https://apps.education.fr.

26 – Pour mettre à jour ce calcul, aller sur https://instances.joinpeertube.org/instances et dans le champ de recherche, filtrer avec les mots clés « education » ou « ac- ».

27 – https://politiquesdescommuns.cc/outils/partenariat-public-communs.

28 – https://framablog.org/2020/03/18/une-mobilisation-citoyenne-pour-la-continuite-pedagogique/.

29 – https://faire-ecole.org/.

30 – https://entraide.chatons.org.

31 – http://scideralle.org/spip.php?page=article&id_article=597.

32 – https://cfeditions.com/masutti/.

33 – https://fr.wikipedia.org/wiki/Technologies_de_l’%C3%A9ducation. Il est intéressant de noter qu’en France, la « EdTech » représente clairement le secteur marchand des technologies de l’éducation, notamment les start-up de ce domaine, alors que dans d’autres pays les EdTech regroupent plutôt un champ disciplinaire visant à rapprocher apprenants, enseignants, et nouvelles technologies. Ce champ est, en France, identifié sous l’acronyme « TICE » (Technologies de l’Information et de la Communication appliquées à l’Éducation).

34 – https://fr.wikipedia.org/wiki/Littératie_numérique.

35 – http://arsindustrialis.org/pharmakon.

36 – Lire notamment les précoccupations des signataires de « L’appel de la société civile francophone contre la marchandisation de l’école » : http://nevendezpasleducation.org/.

37 – https://www.laicite.be/publication/lecole-prostituee/.

38 – Zetlaoui Tiphaine. « L’école prostituée de Nico Hirtt », In: Quaderni, n°48, Automne 2002. Le risque : les choix technopolitiques.p. 127-130.

39 – https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/deed.fr.




Appel à participer aux États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques

Lors de l’annonce du confinement, Framasoft se faisait le relai d’un collectif citoyen dont l’objectif était d’accompagner et soutenir les enseignant⋅es dans leur pratiques numériques. Ce collectif, quelques mois plus tard, donnait naissance à l’association collégiale Faire École Ensemble (FÉE). Aujourd’hui, bien que la position de Framasoft vis-à-vis du Ministère de l’Éducation Nationale soit sensiblement la même qu’en 2016, nous relayons leur appel dans les colonnes du Framablog afin que les publics intéressés par la démarche d’« États Généraux du Numérique libre et des communs pédagogiques » puissent y participer.


Appel à participation
État généraux du numérique libre dans l’éducation
— Auteur : Faire École Ensemble (FÉE)

 

Des États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques sont proposés par Internet le 3 novembre 2020 sur l’impulsion initiale de l’association collégiale Faire École Ensemble (FÉE) qui facilite les collaborations entre les citoyens et la communauté éducative.

Ces rencontres sont une contribution originale aux États Généraux du Numérique organisée par le Ministère de l’Éducation Nationale et s’adressent à un public large et diversifié : enseignants, parents, libristes, designers, acteurs de l’éducation populaire, médiateurs numériques, bricoleurs, agents des collectivités, élus, syndicalistes, amateurs et curieux…

S’inscrire

Le confinement et la fermeture brutale des établissements scolaires ont conduit à une situation sans précédent d’enseignement « à distance » généralisé. Face à l’urgence de la situation, de nombreux enseignants, parents et acteurs associatifs ont fait preuve d’une créativité renouvelée et ont repensé leur manière d’agir avec le numérique. Quotidiennement nombre d’entre-eux se tournaient – par nécessité – vers les GAFAM et autres plateformes internationales, que ce soit pour trouver une vidéo (YouTube), pour concevoir des exercices (Google Edu), pour partager des références (Padlet), pour faire une visioconférence (Zoom) ou pour écrire un document à plusieurs mains (Google Docs).

Le manque de débat sur la place prise par les GAFAM dans l’éducation pendant cette crise ne doit pas restreindre celui sur les solutions alternatives et les autres modèles de collaboration et d’apprentissage tournés vers la culture du libre et la pratique des communs. En effet, des milliers d’enseignants, de parents et d’acteurs associatifs se sont tournés vers la production et l’utilisation de ressources libres (contenus, logiciels, données) pour coopérer, mutualiser des connaissances, élaborer des scénarios d’apprentissage et s’organiser tout au long de la crise provoquée par le confinement. Si ces pratiques ont fait preuve de leur efficience, elles méritent d’être connues et partagées au plus grand nombre.

Afin que la mise en débat public ait lieu, Faire École Ensemble propose de se réunir par Internet le 3 novembre, pour les États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques. Cette initiative, s’inscrit comme une forme originale de contribution aux États généraux du numérique éducatif organisés par le Ministère de l’Éducation Nationale, les 4 et 5 novembre à Poitiers.

Les EGN libre et des communs pédagogiques proposeront des temps d’inspiration, d’écoute des besoins, de mise en discussion (enjeux et propositions) et de mise en pratique. Ils participeront par cela à révéler l’existant, à faciliter le lien entre communautés qui agissent pour la production, l’usage ou la pérennisation de ressources libres et de communs pédagogiques. La programmation se destine à être entièrement co-construite avec les différents participants d’ici le 20 octobre.

Appel à participation

Enseignants, parents, développeurs, designers, acteurs de l’éducation, populaire et du numérique, communautés organisées, bricoleurs, agents des collectivités, élus, syndicats, etc. il nous est donné une occasion de se rencontrer, de révéler des pratiques et de promouvoir la culture du libre et des communs dans l’éducation. Nous vous invitons  à vous joindre aux #EGN_Libre pour témoigner de votre expérience, vous informer et échanger 🙂

Comment participer ?

  • S’inscrireici
  • Alimenter la programmation et proposer un événement : ici
  • Partager votre expérience et témoigner de votre pratique du libre et des commun dans l’éducation sous la forme de récit audio : suivre ce lien
  • Soutenir les propositions déposées sur la plateforme officielle des EGN  et regroupées ici et relayées quotidiennement sur ce compte twitter et ce compte mastodon
  • Pour toute suggestion : logiciel.libre@faire-ecole.org



Quelques conseils pour télé-enseigner

Euh oui, ça va casser l’ambiance : une rentrée scolaire et universitaire un peu compliquée se profile et pour beaucoup d’enseignant⋅e⋅s qui ont appris au printemps avec plus ou moins de facilité et de bonheur à animer des cours à distance, il va peut-être falloir y revenir de temps en temps, ici ou là…

Le document ci-dessous est fourni par l’université du Cap (consulter la source en anglais) et nous l’avons traduit pour vous. Il s’agit ici d’un partage de conseils et d’astuces, entre professionnel·les de l’enseignement, qui n’a pas de prétention à l’exhaustivité ni à la recette magique.

Qui verrait dans ce texte autant d’exigences à faire peser sur les épaules du personnel enseignant n’aurait, au final, rien compris à son esprit. L’usage d’outils numériques dans l’enseignement à distance est une pratique délicate qui demande un temps de formation et d’adaptation progressive. Pas d’injonctions péremptoires ici, mais bien un ensemble de recommandations à partager entre collègues que chacun⋅e pourra librement s’approprier ou non.

Il y a d’ailleurs une recommandation qui n’apparaît pas plus bas et qu’on aimerait bien ajouter : utiliser à chaque fois que c’est possible des outils numériques libres et pas des trucs blindés de traqueurs qui vont siphonner les données personnelles de vos élèves et les vôtres d’ailleurs…

Les commentaires, comme toujours sur ce blog, sont ouverts et modérés

Logo de l’Université de Cape Town

  1. Rester simple et utiliser des technologies de bas niveau.
    Utilisez des outils qui vous sont familiers, à vous et à vos élèves, avec un apport limité de nouveaux outils pour interagir en ligne. Soyez attentifs aux inégalités d’accès et de connectivité.
  2. L’accessibilité est essentielle, et non facultative.
    Créez des formats multiples pour vos supports d’enseignement. Pour les vidéos, assurez-vous de disposer de sous-titres et de transcriptions. Vérifiez très en amont auprès de vos élèves que vous répondez à leurs besoins en matière d’accessibilité.
  3. Fournir une structure en utilisant une plateforme d’apprentissage. Pour passer à l’enseignement à distance, utilisez la plateforme connue des élèves pour créer un parcours d’apprentissage structuré. Organisez le contenu pédagogique par semaine ou par module.
  4. Utiliser ce qui est disponible.
    Vous ne disposez pas de beaucoup de temps de préparation. Quelles ressources des années précédentes pouvez-vous réutiliser ? Quelles sont les ressources externes disponibles ? Vous n’avez pas besoin de produire une vidéo de haute technologie pour un apprentissage de qualité.
  5. Continuer à enseigner de manière active.
    L’interaction en face à face sera minimale pendant une période indéterminée. Utilisez autant que possible le forum de discussion et le chat pour briser la glace et donner un sentiment de proximité.
  6. Échafauder un apprentissage par la fragmentation du contenu.
    Divisez votre cours en petits segments, organisés en fonction du temps d’activité que vous attendez de vos étudiants par semaine. Soyez explicite sur les dates d’achèvement et le temps nécessaire pour chaque activité.
  7. Indiquer un plan de cours clair.
    Ayez un plan de cours dans un endroit dédié sur votre site de cours qui détaille la structure du cours, les changements, les nouveaux délais et les évaluations et tenez-le à jour. Informez les élèves de toute modification.
  8. Être visible en ligne et rapidement joignable.
    Assurez régulièrement des « créneaux de présence » en ligne, en utilisant les forums et le chat pour répondre aux questions. Les collègues peuvent vous aider : il est important d’être disponible et de répondre rapidement.
  9. Aider les élèves à rester sur la bonne voie.
    Mettez en place de petites activités d’apprentissage obligatoires, telles que de courts quiz hebdomadaires ou des forums de discussion, pour encourager l’investissement régulier des élèves et identifier ceux qui ont des difficultés.
  10. Être indulgent⋅e avec soi-même et rester en empathie avec ses élèves. C’est une période difficile pour tout le monde. Encouragez un environnement d’attention aux autres et de soutien. Faites preuve de souplesse : des exceptions peuvent être nécessaires en fonction des exigences du cours.

​Faire plutôt ceci… mais pas cela.

Utiliser des technologies légères
Utilisez des technologies sobres, telles que du texte ou des diapos. Si vous utilisez des vidéos, prévoyez toujours des alternatives, sous-titres ou transcriptions.
Utiliser des technologies high-tech. Ne supposez pas que tous les étudiants ont un bon accès à Internet avec des données illimitées et le wifi en permanence.
Communiquer fréquemment et de façon cohérente. Toutes les instructions et tous les travaux à effectuer doivent passer d’abord par la même plateforme. L’usage d’autres canaux peut venir en complément pour que les messages soient redondants. Communiquer de façon dispersée. Utiliser plusieurs plateformes et divers canaux de façon irrégulière peut avoir pour conséquence la perte d’informations importantes pour les élèves.
Être inclusif/inclusive
Soyez bien conscient⋅e des différents environnements d’apprentissage dans lesquels peuvent se trouver les élèves, efforcez-vous d’être souple. Fournissez divers formats aux élèves. Utilisez du texte, des diapos, des transcriptions, des légendes et des fichiers audios en complément de vidéos éventuelles.
Se limiter à un seul format
Ne pas prévoir beaucoup de contextes d’apprentissage (technologies disponibles, environnement d’apprentissage, ressources, aides disponibles ou non…) et n’adopter qu’un seul format ne fera que limiter le nombre de participants.
Enseigner de façon asynchrone
Créez une expérience d’apprentissage pour les élèves qui leur permette de dépasser les obstacles (tels que le manque d’énergie électrique, de connectivité, ou le contexte social). Réalisez des activités asynchrones (p. ex : le courriel permet la communication asynchrone, mais pas le chat).
Enseigner de façon synchrone
Réaliser des interactions en ligne avec des webinaires ou des tutoriels « live » exclura certains élèves. Assurez-vous que vous proposez des moyens alternatifs.
Moins c’est mieux. Les travaux « à la maison » risquent de prendre deux fois plus de temps qu’en classe. Définissez vos priorités de façon réaliste. Avoir des demandes irréalistes. Demander un travail quotidien à terminer chaque jour aux élèves en un délai limité ne prend pas en compte les circonstances particulières dans lesquelles on enseigne à distance.
Bien organiser les ressources
Utilisez des cours structurés sur la plateforme pour lancer vos activités. Intitulez et classez clairement vos cours de façon organisée.
Laisser les élèves chercher
Demander aux élèves de chercher les ressources et supports de cours dont ils ont besoin les éloigne des activités pédagogiques essentielles.
Donner des instructions claires
Mettez bien en évidence les consignes détaillées sur ce qu’il faut faire, le délai de rendu des travaux, et précisez le temps de réalisation estimé des tâches demandées.
Donner des instructions confuses
Communiquer en longs pavés de texte avec des consignes difficiles à suivre et des tâches vagues fait perdre du temps d’apprentissage aux élèves et les démotive.
Fixer des créneaux de disponibilité en ligne
Donnez aux élèves des créneaux réguliers de rendez-vous distants où vous êtes disponibles pour les aider, répondre aux questions, clarifier une consigne, etc.
Rester disponible 24h/24
Il n’est pas question de vous rendre joignable 24/7 sans temps de pause pour vous-même hors-connexion (sauf en cas d’urgence, ça peut attendre les créneaux de votre emploi du temps que vous déterminez)
Demander des retours aux élèves
Parlez avec eux de leur charge de travail, de leur état émotionnel, de leurs matières préférées, de leur rythme de travail…
Faire un cours magistral
Enseigner de façon à ne pas laisser la parole aux élèves ni leur donner le choix peut leur donner le sentiment qu’ils sont dépassés, « perdus » ou qu’on les oublie….
Utiliser un nombre limité de nouveaux outils
Utiliser des outils familiers aux élèves et limitez le nombre de nouveaux outils pédagogiques pour l’enseignement à distance.
Essayer de multiples nouveaux outils
Essayer de nouveaux outils que vous n’aviez jamais utilisés peut occasionner quelques problèmes techniques pour vous comme pour vos élèves.
Diviser le contenu en segments digestes
Fournir du matériel pédagogique en fragments plus courts avec des objectifs d’apprentissage et des résultats d’évaluation clairs.
Donner de longs cours complets sans orientation nette.
N’imposez pas de longs articles de journaux ou des vidéos sans indication claire sur les objectifs pédagogiques et leur bénéfice.
Conserver en un seul lieu le plan détaillé du cours
Donnez en un seul endroit aux élèves un planning contenant les dates des devoirs à remettre. Avertissez-les qu’il peut y avoir des changements et indiquez comment ils seront informés.
Envoyer des mises à jour par messages successifs
Assurez-vous que les étudiants peuvent facilement trouver les informations clés sur votre cours en un seul endroit. Cela réduit l’anxiété.

 

prof au premier plan qui envoie une grosse vdéo HD sur la biologie moléculaire et donne un boulot à faire. Au deuxième plan un élève endormidevant son écran qui porteste car il télécharge à 51 octets/seconde, et un autre à l’état de squelette qui dit qu’il aura la fibre en 2023
Image réalisée avec https://framalab.org/gknd-creator/#




Journal de confinement d’un directeur d’école

C’est au tour de Cyrille de prendre la plume pour nous raconter son confinement. Directeur d’une école, il a dû très vite s’adapter à la suite de l’annonce rapide de la fermeture des établissements. En tant que membre de Framasoft, il avait quelques atouts numériques dans sa manche.

Jeudi 12 mars : la surprise

Soyons honnête, je m’attendais au confinement, mais pas dès ce lundi. Ce matin, notre ministre annonçait qu’ « il n’y aura pas de fermeture généralisée des écoles en France comme on a pu le voir dans d’autres pays d’Europe ».
Pourtant, ce soir, le président prononce ces mots.
« Dès lundi et jusqu’à nouvel ordre, les crèches, les écoles, les collèges, les lycées et les universités seront fermés pour une raison simple : nos enfants et nos plus jeunes, selon les scientifiques toujours, sont celles et ceux qui propagent, semble-t-il, le plus rapidement le virus, même si, pour les enfants, ils n’ont parfois pas de symptômes et, heureusement, ne semblent pas aujourd’hui souffrir de formes aiguës de la maladie. C’est à la fois pour les protéger et pour réduire la dissémination du virus à travers notre territoire. »
Dès lors, le premier réflexe, utiliser la liste de diffusion SMS du PPMS (Plan Particulier de Mise en Sûreté) pour informer les collègues (atsems, enseignants, avs…) qui n’auraient pas l’information et de proposer un conseil des maîtres le lendemain midi pour se coordonner, s’organiser, s’entre-aider.
Repas terminé, enfants couchés, ma priorité est de régler le plus de détails possible pour être au maximum disponible demain, car le vendredi, comme le jeudi, j’ai les élèves.
Donc, création d’affichages, d’un mot pour les cahiers, sur le site de l’école, préparation du travail pour les CE2 et les CM2 pour la semaine suivante, vérification de la validité des différents comptes des enseignants sur le site de l’école…

Vendredi 13 mars : le marathon

Arrivée un peu plus tôt que d’habitude, j’accroche les affichages, duplique les mots, les devoirs de mes élèves. Discussion, échanges avec les collègues. Ouverture des portes, rassurer parents et enfants…
Explication du fonctionnement à mes élèves. Et puis on travaille, presque comme d’habitude.
Le midi, transmission de quelques consignes générales données aux collègues :
  •     les élèves partent avec leurs affaires : manuels, ardoises…
  •     demander d’utiliser autant que possible son adresse mail professionnelle.
  •     communiquer des premières informations générales et notamment que le site de l’école sera la porte d’entrée pour le suivi du travail…
Puis, je reste disponible pour un libre service de conseil sur comment se connecter, publier sur le site (j’axe sur ajouter du texte, du texte, un PDF).
Dans la journée, il faut également essayer de savoir ce que vont devoir faire les différents personnels non enseignants : atsems, avs, services civiques durant la fermeture de l’école.
16h30 : Les élèves partent. C’est un sentiment un peu étrange, nous ne savons pas quand nous les reverrons. Des parents de ceux absents viennent chercher le travail.
18 heures : Après avoir récupéré mes enfants, je reçois un nouveau mail de l’inspection concernant l’accueil d’enfants de soignants dès lundi. Appel aux services scolaires de la mairie qui m’annoncent que la cantine a été pour le moment totalement annulée. On s’organise provisoirement : accueil dans chaque établissement, les familles devront apporter leur pique-nique et on fera le point le lundi.
Dans la soirée, changement de la page d’accueil du site pour orienter plus facilement les élèves et leurs parents vers la partie qui concerne leur classe.

Nouvelle page d’accueil du site (en vrai, les noms des classes sont centrés, pour l’article, j’ai effacé les noms des enseignants 😉 )

Samedi 14 mars et dimanche 15 mars

Le samedi soir le Premier ministre annonce un confinement de toute la population à partir de mardi. Changement de programme : les réunions entre enseignants (conseils de cycles) avec les familles (équipes éducatives) qui devaient être maintenues, sont donc de facto annulées, en tout cas en présentiel. 
Objectif global du week-end : informer, accompagner, outiller les enseignants en essayant de ne pas les noyer sous les informations.
Leur fournir un premier fichier extrait de Onde (le logiciel de l’éducation nationale pour gérer les inscriptions des élèves), leur demander de vérifier avec leurs fiches de renseignements. Au besoin, j’envoie un SMS avec le portable de l’école (content alors de l’avoir demandé pendant plusieurs années et que la mairie ait accepté) pour obtenir des adresses mails manquantes.
Dimanche, 12h, suite aux déclarations du directeur général de la santé, je fais le choix de demander aux enseignants de rester chez eux à partir du lundi,  je serai présent à l’école le lundi matin pour accueillir les potentiels enfants de soignants. J’informe mon IEN (Inspectrice de l’Éducation Nationale) de cette décision.
Affichage devant l’école et sur le site pour informer les potentiels enfants de soignants de l’organisation retenue.
Envoi d’un message de soutien aux amis salariés de Framasoft, car je sais qu’avec l’annonce du confinement et du télétravail dans l’éducation nationale et pour une très grande majorité des travailleurs, ils vont en prendre plein la tronche.

Lundi 16 mars

Arrivée à l’école vide. Aucun enfant de soignants n’est présent sur notre école. 
Avant de partir, je récupère du matériel : caméra Hue, casque micro, un tableau blanc, certains spécimens de manuels…
Milieu de matinée, appel de la mairie qui me demande mon avis pour l’accueil de ces enfants. Il n’y en avait qu’un seul sur une des écoles de la commune. Je lui propose alors de regrouper tous les futurs présents sur cette école. 
12h : mail de l’IEN qui confirme que cette organisation est retenue. Mail aux enseignants pour savoir qui est volontaire en précisant bien que ceux qui ont des fragilités ou des personnes fragiles dans leur environnement proche ne sont pas concernés. Affichage devant l’école et sur le site du changement de dispositif.
Dans la journée, très fier de constater que l’équipe pédagogique s’est mobilisée en masse. Sur l’école : 6 enseignants pour le temps scolaire, 2 animatrices et 2 atsems pour les temps périscolaires sont volontaires

Mardi 17 mars

Avec ma collègue directrice d’une des autres écoles, nous accueillons l’enfant présente et organisons les services des bénévoles. Nous réussissons à ne mobiliser les enseignants qu’une à deux demi-journées par semaine.
Finalement, la mairie décide de remettre en route le service de restauration (chez nous les repas sont encore faits sur place sur une cuisine centrale). Dès le jeudi, nous changerons d’école pour être près de cette cuisine.
En parallèle, appui aux collègues de l’école pour les aider à publier leurs articles.
Réalisation d’un conseil de cycle virtuel pour confirmer les propositions de passage.

Mercredi 18 mars

Je continue l’accompagnement des collègues sur des problèmes qu’ils rencontrent sur la publication, le manque de coordonnées de certaines familles… En parallèle, je modère les messages des parents sur le site, leur réponds, fais le lien avec les enseignants concernés.

Jeudi 19 mars

Réception d’un mail de l’inspectrice « Lettre aux enseignants » à transmettre aux collègues. Un courrier plein d’humanité qui fait beaucoup de bien après ces premiers jours de classe à distance. On est loin de ce que peuvent faire remonter certains enseignants d’autres circonscriptions. La qualité de ce premier échelon hiérarchique est vraiment essentielle.

Vendredi 20 mars

Je propose aux élèves qui le peuvent de découvrir le fonctionnement d’un pad et ainsi tout simplement de prendre des nouvelles, échanger entre eux.
Première semaine écoulée. J’ai pu voir que les différents ENT, services… ont eu beaucoup de mal à encaisser cette charge. Et c’est bien normal. De notre côté, avec notre site internet indépendant, on s’en sort sans douleur au niveau technique. Toute cette première semaine, j’ai vérifié chaque publication des collègues afin de corriger certains petits détails et les aider. 

Samedi 21 mars et dimanche 22 mars

Je continue à essayer d’outiller les collègues. Il faut leur faire des tutoriels qui utilisent précisément le site de l’école. Les tutos existants sur le net ne permettent pas à tous de s’y retrouver. Dès le vendredi, je m’y attèle et c’est une fournée de 8 tutos que je leur fournis.

Les mini-tutos pour les collègues

C’est clairement perfectible, mais dans l’urgence, cela sera déjà une bonne aide.
Dans cette période où chacun est isolé chez soi, je propose aux atsems d’avoir un accès au site de l’école pour y publier ce qu’elles souhaitent afin de garder un lien avec les familles.

Semaine du 23 au 27 mars

Je poursuis les permanences pour les enfants de soignants. On tourne entre 4 et 12 élèves.
J’adapte le planning en fonction des nouvelles contraintes des personnes volontaires.
Le mardi, superbe surprise, nos atsems lancent sur le site de l’école un projet de bricolages avec des matériaux de récupération pour la « fête de la liberté ». Elles n’ont eu aucune formation spécifique, ne sont pas des « digital natives », elles ont juste suivi les mini-tutos.
Ce même jour, première réunion de directeurs avec l’inspectrice en visioconférence.
Au niveau de la direction, le gros dossier de cette semaine est l’envoi individualisé des propositions de passage et du premier volet du dossier de passage en 6e. Évidemment, dans Onde, rien n’est prévu pour faire un envoi par mail en un clic depuis leur site. Il faut télécharger les fiches individuelles générées par classe, les découper en fichier individuel et envoyer à chaque famille par mail. Ensuite, suivre le retour…
Pour la classe, préparation des deux journées à distance, puis en fin de semaine, mise en ligne de la correction. Il faut essayer de trouver le juste dosage pour la quantité de travail. Je propose un nouveau temps d’échange en utilisant un pad, mais ce coup-ci avec un petit objectif d’écriture.

Petit travail d’écriture à distance en mode collaboratif

Au passage, petit coup de main à une de personne de la circonscription pour créer des PDF modifiables avec LibreOffice.
Le week-end, je débute l’impression de visières de protection pour les enfants et les adultes du service d’accueil en reprenant le modèle proposé par la youtubeuse Heliox.

Vidéo d’Heliox pour la fabrication de visières avec une imprimante 3D.

Semaine du 30 mars au 3 avril

Distribution des visières qui remportent un franc succès : prévues initialement pour les enfants et les adultes encadrant, les cuisinières et d’autres agents municipaux s’en emparent également.

Enfant de soignants équipée d’une visière qui grâce au flou artistique complètement volontaire du photographe peut rester anonyme.

Mardi, visioconférence avec les enseignants de l’école à la fois pour donner quelques informations, leur faire découvrir l’outil du CNED et avoir le plaisir de se donner des nouvelles.
Jeudi, appel des différentes familles de la classe et nouvelle réunion de directeurs avec l’inspectrice en visioconférence.
Comme la semaine précédente, préparation des jours de classe et de la correction.
Envoi du 2e volet du dossier 6e pour les élèves de CM2. 
Préparation du planning de présence des enfants de soignants pendant les vacances scolaires. Même si c’est encadré par des agents municipaux, je continue l’organisation du service d’accueil afin que les familles n’aient pas une multiplicité d’interlocuteurs.
Préparation également du planning des enseignants volontaires pour les deux semaines qui suivent la rentrée, le ministre ayant annoncé un arrêt des cours au moins jusqu’au 4 mai.
Deux familles se sont manifestées, car leur matériel informatique est devenu défaillant. En concertation avec la mairie, l’école prête deux portables.

Du 4 au 19 avril : les vacances

La zone C, nous sommes en vacances. La pression retombe. Honnêtement, cela faisait un bon moment que je n’avais pas senti une telle fatigue liée au boulot. Un mot sur la page d’accueil de l’école pour indiquer qu’enfants comme enseignants sont en vacances. Pour une fois, je suis bien content d’être la première zone en vacances.
Afin que les élèves puissent garder un contact entre eux, je mets en place une sorte de mini-chat sur le site de l’école, avec accès réservé aux élèves de la classe. Ravi de voir qu’aucun débordement n’a lieu.

Un chat pour les vacances

Toutefois, même si le rythme est plus tranquille, je me prépare au scénario du pire et commence à planifier toutes les notions essentielles à voir d’ici la fin de l’année. J’enregistre toutes les dictées jusqu’à la fin de l’année, prépare des mini-leçons pour les leçons des premières semaines. J’en profite pour les mettre sur le Peertube temporaire de l’académie qui vient juste d’ouvrir.

Mes vidéos sur le Peertube temporaire de mon académie

Mon objectif : ne quasiment plus avoir de préparation pour la classe à faire pour les 3 prochaines semaines afin de me concentrer sur la direction de l’école avec de grosses échéances à venir (admission des nouveaux élèves, constitution des classes, commandes…) qu’il faudra adapter selon les conditions sanitaires.
Week-end de Pâques, je sers de cobaye à 3 collègues qui se lancent dans le stage de soutien pendant la 2e semaine des vacances. Avec la plateforme de visioconférence du CNED, nous voyons quelles fonctionnalités sont pertinentes pour une utilisation avec un petit groupe d’élèves.
Lundi 13, alors que les potentielles « fuites » laissaient entendre à une reprise en septembre, le président annonce une poursuite du confinement et une réouverture progressive des établissements à partir du 11 mai. Plusieurs questions. Sans les conséquences économiques d’un confinement, aurait-il annoncé une reprise le 11 mai ? Qu’entend-il par « progressive » ? Ne serait-ce pas nous les directeurs qui allons une fois de plus endosser cette responsabilité (« L’ensemble des locaux scolaires est confié au directeur, responsable de la sécurité des personnes et des biens » Circulaire no91-124 du 06 juin 1991 modifiée par les circulaires nos 92-216 du 20 juillet 1992 et 94-190 du 29 juin 1994 art.4-1) ?
D’un point de vue personnel, la réunion familiale pour Pâques est quelque chose de très important pour mes parents. Nous leur avons donc fait vivre la chasse aux œufs et playmobil dans le jardin en visioconférence (merci Jitsi !).
Avant de reprendre, préparation d’une enveloppe pour chaque élève avec un roman, quelques photocopies, un courrier leur indiquant vers où on va pendant les prochaines semaines. Notre mairie procède encore aux envois postaux pour les écoles (j’ai déjà dit combien j’avais de la chance). Toutefois, la majorité des élèves habitant à moins d’un kilomètre de chez moi, j’ai fait une petite distribution dans les boites aux lettres le jeudi.
Avant de reprendre, nouveau prêt d’un ordinateur de l’école à une famille qui n’a pas d’enfant chez nous, que des collégiens. Mais bon, le collège leur ayant dit qu’il n’avait pas de possibilité de prêter du matériel avec la mairie nous nous sommes dit qu’on ne pouvait pas laisser un collégien sans PC pendant les 3 prochaines semaines. Surtout que c’est une mère infirmière, qui se bat tous les jours à l’hôpital voisin pour sauver des vies, cela aurait été indécent de ne pas les aider à notre manière.

Point d’étape

On ne peut pas vraiment parler de bilan, car on n’est pas au bout du confinement, voici donc un point d’étape avant de reprendre pour une session d’au moins 3 semaines de classe à distance.

Point de vue personnel

Le confinement et l’isolement ne sont pas, en soi, un problème pour moi. J’ai un caractère ours très développé et je crois avoir des projets pour les deux décennies à venir. Le risque d’ennui est donc très limité. En plus, j’ai la chance d’avoir un jardin qui est un véritable atout. Je me sens vraiment privilégié.
J’ai été content de voir que des ressources réalisées auparavant comme le site de littérature de jeunesse libre semblent utiles. D’ailleurs, cela a fait exploser mes statistiques de visites ! Euh, en réalité je n’en sais rien et je m’en moque, je ne sais même pas si j’ai des stats quelque part sur mon hébergement. J’ai toujours l’habitude de fonctionner de manière assez égoïste pour la création de tel ou tel projets. Je le fais si cela me fait plaisir, si j’en ai envie. Ces projets servent à d’autres, tant mieux, sinon, eh bien, je me serai amusé à les réaliser.
Au niveau familial, pendant la partie scolaire, je n’ai pas été très disponible les matins et heureusement c’est ma femme qui a géré toute la partie du suivi des devoirs des enfants.

Installation le long de l’escalier pour que #4ans place les nombres dans le bon ordre.

Point de vue de la classe

Je crois qu’avec ma collègue avec qui je partage la classe, nous avons réussi à trouver un juste équilibre afin de permettre la fois aux élèves de poursuivre les apprentissages sans submerger les familles. Il a fallu à la fois proposer des activités ne nécessitant pas ou peu d’impressions et des travaux ne demandant pas une connexion Internet ou un ordinateur en permanence (entre les parents en télétravail, les frères et sœurs, le tout sur un seul appareil parfois).
Les différentes familles que j’ai eues au téléphone se retrouvent bien dans le fonctionnement que nous avons proposé avec ma collègue. 

Point de vue des membres de l’équipe pédagogique

Je suis juste fier de ce qu’ils ont fait jusqu’ici au niveau du lien avec les enfants et les familles. Chacun avec ses moyens a essayé. Certains ont publié leurs premiers articles sur le site à cette occasion et ont publié tous les jours depuis. D’autres, un peu plus expérimentés ont testé la création de petites vidéos par exemple. Au niveau du numérique, je crois pouvoir dire qu’ils vont tous avoir progressé.
Fier aussi de leur investissement dans le service d’accueil des enfants de soignants.
Fier également de leur bienveillance réciproque, à chercher à prendre des nouvelles de chacun.
Au niveau médical, trois membres de l’équipe ont chopé le covid19, pour le moment sans gravité.

Point de vue de l’école

En 1 mois la communication électronique a explosé. Sur la messagerie de l’école : 700 mails envoyés et 995 mails reçus (dont 209 de parents d’élèves, 122 de l’inspection, 50 liés au service d’accueil des soignants, 20 de l’inspection académique, 30 des syndicats, 30 mairie, 284 mails de différents expéditeurs, 250 mails inutiles et donc supprimés)
Et je ne compte pas les messages envoyés depuis la messagerie professionnelle personnelle.
Le contexte local et des choix faits ces dernières années au sein de l’école ont permis une gestion pas trop douloureuse :
  • un lien avec la mairie sans faille. Nous travaillons ensemble, dans la même direction avec le même objectif pour les enfants de la commune.
  • une relation hiérarchique de confiance. J’ai la chance de pouvoir compter sur une équipe de circonscription qui a su être présente sans nous mettre de pression inutile.
  • des choix techniques respectueux des données des familles et des enfants. Depuis plus de 10 ans, nous avons notre propre site d’école, maintenant sous WordPress avec notre propre nom de domaine. Il est un véritable repère pour les enfants, familles et enseignants. Aucun problème de saturation du site. L’habitude d’utilisation du mail professionnel par les enseignants a aussi été un atout.
  • des choix d’organisation interne. Depuis des années nous travaillons avec des cahiers qui suivent les élèves sur plusieurs années, ce qui nous permet d’avoir des marges budgétaires pour disposer de séries de manuels et de livres de littérature de jeunesse. Ces supports papier ont été très utiles et complémentaires du site Internet.
On a beaucoup entendu ces derniers jours qu’une reprise se justifiait pour les enfants les plus fragiles. Mais ces enfants les plus fragiles, cela fait déjà des années que pas grandchose n’est fait pour qu’ils s’en sortent. Leurs problématiques sont trop souvent extérieures à l’école. La suppression des RASED, le manque de places dans les services adaptés, les délais d’attente pour les prises en charge médicales, la surcharge des services sociaux… c’est tout cela qui empêche ces enfants en grande difficulté de s’en sortir. L’école ne peut malheureusement pas combler ces carences.

Point de vue du libre, du respect des données

Pendant « le grand confinement » de nombreuses offres gratuites, temporaires, d’accès à des ressources sont apparues. La grande majorité, j’ose le croire, avec une volonté de proposer une aide pendant cette période, d’autres, il ne faut pas se leurrer, avec l’espoir de récupérer des parts de marché tel un dealer offrant sa première dose à un futur toxico.
Les enseignants, ne leur jetons surtout pas la pierre, ont pour certains utilisé des applications, services clairement irrespectueux des données personnelles de leurs utilisateurs. Et les utilisateurs, ici, ce sont des enfants. Il faut dire qu’à différents niveaux hiérarchiques, même le plus haut, l’exemple n’est pas forcément le bon et qu’une certaine pression peut parfois être exercée pour que la classe continue comme normalement.
Au niveau éducatif, le monde du libre a su répondre. Même si dans un premier temps, à Framasoft, nous avons dû, à contrecœur,  « refuser » les enseignants, nous avons finalement réussi à garantir un service fiable en augmentant notre puissance de feu (allégorie guerrière pour être dans la thématique étatique) et grâce au soutien du collectif CHATONS. Nos salariés sont vraiment extraordinaires !
La deuxième bonne nouvelle au niveau du libre est la mise en place de services à base de logiciel libre pour chaque académie : vidéo (peertube), écriture collaborative (etherpad), blogs, webconférence (jistsi), partage de documents (nextcloud), forums (discourse). Ce travail est le fruit d’un groupe à la DNE. Cette plateforme est pour le moment temporaire le temps du confinement. Espérons qu’elle perdure !

Les services libres temporaires proposés par un groupe de la DNE.

Et alors, on était prêt ?

C’est un mantra entendu à de multiples reprises : « nous sommes préparés en cas d’épidémie ». Alors je crois que personne ne peut affirmer honnêtement que oui. Peut-être que vu le contexte local, sur notre école nous l’étions un peu moins mal que d’autres. Il sera temps, un peu plus tard, de tirer le bilan des dysfonctionnements, des améliorations à apporter… en attendant, profitons de l’école en fleurs.

Les élèves ne peuvent pour le moment pas en profiter…




Solidarités numériques : le Libre se mobilise

Le Libre et ses acteurs et actrices, associatifs ou individuels, se mobilisent davantage encore dans les conditions compliquées si particulières du confinement.

Empruntons cette mise au point initiale à Pascal Gascoin, chargé de mission éducation-numérique aux Ceméa, notre allié dans l’Éducation populaire :

La situation de confinement que nous traversons nous oblige à repenser, à inventer nos modes de communication, nos façons de travailler pour continuer, malgré tout, à mener à bien nos projets, nos activités tout en gardant le lien, avec les bénévoles et les équipes de nos organisations, nos élèves et les accompagner au mieux.

Aux CEMEA, nous sommes choqués de recevoir quasi quotidiennement dans nos boîtes mails de soi-disant « guides de survie numérique en période de confinement », provenant souvent de « start-ups associatives » qui nous proposent pêle-mêle des solutions payantes, d’autres gratuites, sans jamais faire référence à la façon dont seront traitées nos données, ni faire la différence entre le service “gratuit” d’une multinationale et celui volontairement éthique et fraternel d’une association.

Donc essayons de « dégoogliser le confinement ». Voici quelques-unes des initiatives récentes du numérique libre pour aider à franchir ensemble les semaines houleuses de la crise sanitaire.

Nous allons forcément en oublier, mais vous pouvez nous faire signe pour que nous puissions compléter et mettre à jour la liste ci-dessous.

C’est parti pour une recension rapide sans souci hiérarchique particulier.

C’est où/c’est ouvert ?

Sur ce site https://www.caresteouvert.fr vous pouvez savoir sur une carte (openStreetMap, la cartographie libre et collaborative qui fait la nique à googlemaps) quels sont les services « encore ouverts », ça peut être utile. Et c’est également collaboratif : signalez vous aussi les ouvertures/fermetures de lieux utiles en période de confinement.

Dépannons avec des panneaux

copie d’écran exemple d’affiche généréeLe site http://revolf.free.fr/local-pad-sign/# permet d’imprimer facilement des affiches et panneaux d’affichage avec des informations utiles pour vos voisins de balcon, de hall d’immeuble, de zone pavillonnaire, dans la rue sur le trajet du ravitaillement etc. Vous pourrez inclure automatiquement un QR code et l’adresse d’un pad dans votre affiche.

Enseignant⋅e⋅s dans l’urgence

logo de l’asso solidaire scenariL’association Scenari qui milite pour les usages de la chaîne éditoriale du même nom, vous propose une opération spéciale.
Que vous permet Scenari ? De pouvoir publier vos cours facilement avec une chaîne éditoriale : vous rédigez une seule fois pour publier sous de multiples formats, et vous n’aurez qu’un seul document à modifier /mettre à jour.
N’ayez pas peur de l’apprentissage d’un nouvel outil numérique, vous aurez l’appui et le soutien d’une personne de l’association : parrainage pour rédiger des cours, couplage avec Canoprof pour le primaire et le secondaire, parrainage d’apprentissage de la plate-forme. Accès offert à l’hébergement et à la mise en ligne des contenus que vous aurez produits (services en temps normal réservés aux adhérents de l’association)

 

logo des Zourits (pieuvre souriante)Des Zourits pour l’école
les CEMEA proposent l’accès gratuit à de nombreuses ressources libres pour l’école adresses mail, audioconférences avec jitsi, etc. mais aussi un accompagnement pour les enseignant⋅e⋅s etc. Tout cela est expliqué sur cette page.
2 plaquettes informatives et pour les contacter (liens directs vers .pdf) :
pour les écoles
pour les petites assos

Urgences numériques

Vous faites partie des acteurs locaux stratégiques : un support et dépannage numérique vous est proposé par un collectif de plus de 200 personnes bénévoles, professionnelles des technologies d’information, qui peuvent vous aider à faire face à vos urgences : pharmacies, cabinets médicaux, mairies, établissements scolaires, commerces d’alimentation, associations, indépendants. Vous pouvez donc demander de l’aide mais aussi participer pour en fournir à votre tour (c’est ça l’esprit Contributopia, hein)…

Le Big Boinc

Boinc, c’est le calcul collaboratif pour la recherche médicale, nous signale Tikayn. Votre ordinateur ou votre ordiphone s’ennuient avec leurs puissantes capacités généralement en sommeil ? Contribuez par leur puissance de calcul à la recherche médicale, comme le font déjà plus de 4 millions de personnes.

proposition sur Mastodon : contribuer avec vos appareils numériques à la recherche médicale

Github spécial Covid

Bastien recense sur ce Gthub les ressources libres et open source d’info et solidarité autour de la pandémie :

https://github.com/bzg/covid19-floss-initatives/blob/master/index.org

Insolite

Même les Balkany veulent contribuer ! (ah non zut ils ne sont pas libres)

Et du côté de Framasoft ?

JCFrog et l’interface de jitsi meet

  • Nous avons renforcé les capacités des serveurs et de l’infrastructure de Framatalk et Framapad qui peuvent donc à nouveau accueillir les besoins de communication des particuliers et associations qui doivent se joindre. Non, les enseignants qui souhaitent faire une visioconférence pour des classes de 35 ne sont pas les destinataires prioritaires de ces outils, pour des raisons compréhensibles de tenue de charge. Ces services peuvent être utilisés par des personnes qui, souvent, n’ont pas d’autres moyens (dont des malades isolé·es de leur famille). Prenez soin de ne pas monopoliser cette ressource afin qu’elle reste partagée.
  • https://rdv-medecins.framasoft.org/login est un outil libre de prise de rendez-vous médicaux à destination du personnel médical exclusivement. Vous avez un bout de serveur ? Vous pouvez héberger le même outil (Nextcloud + ses applications « rendez-vous » et « calendar ») pour le mettre à disposition de votre médecin. Et voilà la documentation utilisateur/trice !
  • Vous avez hélas ou tant mieux davantage de temps libre ? Profitez-en pour vous former en ligne aux arcanes du numérique : c’est parti pour Librecours Voir l’article du framablog qui vous explique tout. Les inscriptions sont ouvertes par ici

 

à suivre …

 

 




Une mobilisation citoyenne pour la continuité pédagogique

Nous vivons depuis quelques jours une situation tout à fait exceptionnelle. Parmi les multiples décisions prises, il y a notamment celles de fermer écoles, collèges et lycées. 800 000 enseignant⋅e⋅s et 12 millions d’élèves sont donc invité⋅e⋅s à faire cours depuis chez eux

Framasoft accueillait, ces derniers mois, environ 700 000 personnes par mois sur ces différents services. Cependant, pour de multiples raisons évoquées ici, nous souhaitons privilégier le modèle décentralisé. Face à la situation, nous avons bien évidemment fait le choix d’être responsables et solidaires et d’augmenter les capacités de certains de nos services, et nous préparons différentes actions qui seront annoncées dans les jours à venir. Cependant, nous savons que nous ne sommes pas en mesure de fournir les outils qui permettraient la « continuité pédagogique » souhaitée par le Ministère de l’Éducation Nationale.

D’autres structures et collectifs font le choix de prendre à bras le corps cette problématique. Nous avons ainsi été contactés par le collectif encore en construction Continuité Pédagogique qui souhaite rassembler une communauté citoyenne composée de volontaires (Éducation nationale ou non), qui souhaiteraient mettre leurs compétences (techniques, pédagogiques, didactiques) au service de ce défi. Nous relayons ici leur appel.


Une communauté de citoyen·nes qui soutiennent les enseignant·es dans leurs pratiques numériques pour assurer (au mieux) la continuité pédagogique durant l’épidémie du coronavirus en France.

  • Vous êtes développeur⋅se et vous souhaitez proposer une application web ?
  • Vous faites partie de la communauté éducative (enseignant⋅es, référent⋅es numériques, formateur⋅ices, militant⋅es dans l’éducation populaire, entrepreneurs dans une Edtech, etc.) et vous enseignez avec le numérique ?
  • Vous êtes étudiant⋅es, parents, et vous savez utiliser les outils numériques et vous souhaitez mettre du temps à disposition des enseignant⋅es ?

Rejoignez-nous !

 

Parce que la mobilisation de la communauté éducative depuis le 13 mars prouve – s’il en était besoin – l’énorme engagement des enseignant·es, leur expertise et leur volonté de faire vivre les liens éducatifs avec tous leurs élèves.

Parce que nous savons que ces liens peuvent être entretenus, en co-éducation avec les parents, dans un écosystème éducatif numérique libre, neutre, décentralisé, loin de toute tentative de marchandisation ou de récupération.

Parce que nous voulons apporter notre pierre à l’édifice, pour assurer la continuité du service public d’éducation, à partir de celles et ceux qui la font : les 880 000 enseignant⋅es de France.

Nous avons créé la plateforme continuitepedagogique.org pour mobiliser massivement des personnes doté⋅es de compétences numériques, pour aider les enseignant⋅es en demande de conseils à se former à l’usage d’outils en ligne ainsi que des développeur⋅ses et les designers qui auraient des idées pour d’autres outils d’accompagnement.

Nous appelons donc à une mobilisation citoyenne pour aider les enseignants à se former rapidement aux usages pédagogiques du numérique.

Retrouvez l’appel à mobilisation en intégralité sur https://www.continuitepedagogique.org/.