L’influence de Microsoft à l’école n’est-elle pas disproportionnée ?

Lettre aux enseignants - Offre Microsoft Office 2007Les enseignants doivent se sentir flattés d’un tel intérêt. En effet, en moins de six mois voici la troisième lettre qui leur est adressée par la société américaine Microsoft, et comme les précédentes missives nominativement dans leurs casiers de la salle des professeurs (vous en trouverez une image scannée en fin d’article).

Quel que soit son enrobage pédagogique cautionné par des associations d’enseignants complices de la manœuvre, le fond du sujet est toujours le même : la suite bureautique Microsoft Office 2007. On ne s’en cache pas du reste puisque l’objet de la lettre est texto : « Téléchargez Office 2007 chez vous sans frais ! ».

À croire que malgré la véritable machine de guerre déployée elle peine à être adoptée. Il faut dire qu’il n’y a pas que cette suite en jeu. Tapis derrière elle, c’est le nouveau système d’exploitation Windows Vista que Microsoft voudrait voir massivement installé dans les établissements scolaires (jackpot financier à la clé), alors que, répétons-le, absolument rien ne le justifie. Et encore plus loin c’est d’un véritable choix « culturel » qu’il s’agit. Souhaitez-vous que vos logiciels, formats, ressources, pratiques, échanges… soient majoritairement libres ou propriétaires ?

Vous connaissez notre réponse. Voici celle de Microsoft et ses acolytes avec cette nouvelle lettre aux enseignants qui a le mérite de synthétiser et d’exposer au grand jour toute la stratégie Microsoft en la matière. Nous vous proposons ci-dessous une petite lecture décryptée commentée. Pour finir pour nous demander en guise de conclusion si nous devons ou pouvons y faire quelque chose.

En route vers le B2i !

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé la justification pédagogique…

C’est par ce slogan lancé par une charmante jeune femme que s’ouvre la lettre. Il est à noter que le Brevet Informatique et Internet (B2i) existe depuis plus de sept ans déjà mais qu’à cela ne tienne, allons vers… et allons-y gaiement et en confiance puisque Microsoft est justement là pour nous accompagner et nous faciliter la vie numérique.

Il y aurait beaucoup à dire d’ailleurs sur ce B2i, véritable fausse bonne idée de l’Éducation Nationale. Moins on a d’élèves et plus il est vanté, jusqu’à se montrer dithyrambique lorsque l’on a n’a plus d’élèves du tout ! Quitte au passage à donner mauvaise conscience aux collègues qui se permettraient de montrer quelques signes de perplexité quant à sa mise en application effective, accusés alors un peu vite de faire de la « résistance au changement ».

Il n’empêche que le B2i est là, qu’il y a désormais obligation de le valider, par exemple pour obtenir son Brevet en fin de collège, et qu’on doit donc faire avec et en l’état pour le moment. Et c’est plutôt bien vu de la part de Microsoft que de choisir cet angle d’attaque.

Depuis le mois de juin, vous avez le droit de télécharger sans frais Microsoft Office 2007 sur www.officepourlesenseignants.fr, comme tous les membres du corps enseignant des écoles, des collèges et des lycées, conformément à l’Accord cadre signé entre Microsoft et le Ministère de l’Éducation Nationale.

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé la justification contractuelle…

Tout ce passage est rédigé en gros et gras. On notera qu’on prend bien soin de ne pas prononcer le mot gratuit, le droit conféré est un « droit pour une installation sur votre PC à domicile pour votre usage professionnel ». Drôle de licence que voilà, quid d’un ordinateur portable qui sortirait du domicile et quid d’un enseignant qui souhaiterait ponctuellement en faire un usage non professionnel ?

En tout cas après le B2i, et c’est toujours aussi bien vu de la part de Microsoft, on va s’appuyer sur ce fameux Accord cadre contracté en décembre 2003 et reconduit depuis. Je vous invite à le parcourir dans son ensemble mais si l’on devait n’en retenir qu’une phrase ce pourrait être la suivante, qui apparait à même le très officiel site Educnet : « L’Accord cadre a pour objectif de rendre plus homogènes et d’actualiser les systèmes d’exploitation du parc de PC des écoles, collèges et lycées, en favorisant l’accès à la dernière version de la suite bureautique Microsoft Office. » On ne peut être plus clair, la mise à jour vers Vista trouvant ici un magnifique alibi. Et tant pis pour le logiciel libre.

Rapport Becta en main, il pourrait être facile de critiquer cette prise de position discutable et arbitraire du Ministère de l’Éducation Nationale. Sauf qu’on ne peut l’accuser frontalement de favoritisme puisqu’il existe d’autres Accord cadres (Apple, IBM, Intel, Sun…) dont un très particulier que l’AFUL présentait ainsi dans un récent communiqué : « Le 28 octobre 1998, le Ministère de l’Éducation nationale signait un accord avec l’Association Francophone des Utilisateurs de Linux et des Logiciels Libres (AFUL), accord cadre permettant le développement de l’usage des technologies de l’information et de la communication auprès de l’ensemble des établissements d’enseignement français et des enseignants en ce qui concerne l’emploi des ressources informatiques libres et la disponibilité de ressources commerciales liées à l’informatique libre. Depuis dix ans, conséquences directes de l’accord cadre ou souvent simplement facilitées par son existence, de très nombreuses réalisations ont vu le jour dans ce secteur capital qu’est l’éducation, et les logiciels et les ressources libres y sont désormais bien présents, à tous les niveaux. »

Soit. L’AFUL met en valeur et c’est bien normal ce qui à l’époque constituait symboliquement une magnifique reconnaissance pour le logiciel libre à l’école. Il n’empêche qu’on se retrouve selon moi dix ans plus tard quelque peu piégé par la co-présence de ces deux Accord cadres que Microsoft fait bien plus fructifier que l’AFUL. Si ce constat est partagé, il conviendrait de voir ce que l’on peut faire ensemble pour remédier à cela.

Mais poursuivons la lecture de la lettre…

L’association d’enseignants Projetice vous propose plus de 120 formations réparties dans les Académies pour échanger et prendre en main des applications pratiques d’usages pédagogiques des TICE autour notamment des nouvelles fonctionnalités offertes par Microsoft Office 2007.
http://www.projetice.fr/formations/formations_office.aspx

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé l’association d’enseignants qui prêchent la bonne parole sur le terrain…

Et revoici l’association d’enseignants Projetice. J’en avais parlé l’année dernière sans que personne ne vienne m’apporter la contradiction sauf… Thierry de Vulpillières, directeur des partenariats éducation chez Microsoft France ! Mes hypothèses non encore infirmées étaient les suivantes : Projetice a été créée sous l’impulsion de Microsoft, Projetice est quasi exclusivement financée par Microsoft, et les prestations de ses membres ne sont pas bénévoles et donnent lieu à rémunération et couvertures de frais par l’association et donc indirectement par Microsoft.

Et parmi les prestations il y a donc désormais ces « plus de 120 formations ». Quelle force de frappe ! Un véritable réseau parallèle au très officielle plan de formation continue de l’Education Nationale. Une aubaine pour le Ministère qui cherche à faire des économies à tous les étages (dont celui de la formation continue justement). Et comme ce n’est pas Microsoft qui entre dans les établissements scolaires mais de vrais collègues, les portes se trouvent être bien entendu grandes ouvertes.

J’aimerais beaucoup recueillir ici-même quelques témoignages d’enseignants qui ont eu l’honneur d’assister à l’une des ces formations. Parce que là encore on mélange allègrement dans le libellé les « pratiques d’usages pédagogiques des TICE » avec les « nouvelles fonctionnalités offertes par Microsoft Office 2007 ». On va finir par croire que l’un ne va pas sans l’autre ! La confusion venant de fait que les formateurs endossent simultanément leurs habits d’enseignants et de « VRP Microsoft ». Alors réelle formation pédagogique ou « publi-information » qui ne veut pas dire son nom ?

Les éditions Nathan vous propose l’ouvrage « Maîtriser les fonctions indispensables d’Office 2007 » qui permet une prise en main rapide et simplifiée de la nouvelle suite bureautique Office 2007. Nathan s’associe également à une offre très attractive d’équipement des établissements disponible sur le site www.nathan.fr/Office2007

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé le partenaire éditeur scolaire…

Il fallait bien aussi un grand éditeur. Je note au passage qu’avec le titre proposé, « Maîtriser les fonctions indispensables d’Office 2007 », le rôle de Nathan ici est bien moins celui d’un éditeur scolaire que celui d’un éditeur informatique. Sachant que pour l’un comme pour l’autre, nous avons d’autres modèles à proposer comme par exemple Génération 5 pour le scolaire et… Framabook pour l’informatique 😉

Nathan nous offre lui aussi son petit service autour du B2i. Pas très conforme à son esprit du reste puisqu’il nous est proposé en ligne « d’évaluer et valider les connaissances de vos élèves » pour au final « délivrer l’attestation de réussite à chaque élève ». On se retrouve en fait avec une sorte de QCM que le Café Pédagogique devrait tout particulièrement apprécier. On remarquera par ailleurs que le site n’est pas non plus très conforme avec les standards du Web puisque « Attention, le site B2i est consultable uniquement sur PC et utlisant le navigateur Explorer ».

Curiosphere.tv (la web educative de France 5) vous propose désormais plus d’une centaine de vidéos à usage pédagogique et notamment à travers le site thématique consacré au B2i « tutoriels vidéos, se former au B2i »
http://www.curiosphere.tv/ressource/19636-tutoriels-video-se-former-au-b2i

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé le partenaire institutionnel…

J’ai eu également déjà l’occasion de consacrer un billet (puis un deuxième) à Curiosphere.tv. La principale critique venant du fait qu’à parcourir les vidéos proposées, on hésitait entre formation B2i et formation aux logiciels Microsoft, l’un servant un peu de couverture à l’autre.

Comprenez-vous pourquoi par exemple la vidéo titrée « Tutoriel Word : modifier un schéma » se trouve être placée dans la catégorie « B2i > Adopter une attitude responsable » ? Et tout est à l’avenant. On participe à la réalisation de vidéos de promotion des produits Microsoft et après on les place aux forceps, un peu n’importe comment, dans les « cases B2i ». À trop vouloir tirer sur la corde de la justification pédagogique, elle finit par casser…

Mais arrêtons-nous quelques instants plus en détail sur ces vidéos. Si vous avez huit minutes, prenez le temps de regarder « Tutoriel Word : créer une frise chronologique » où un virtuose de Word vient nous montrer effectivement comment réaliser de but en blanc un tel objet. C’est franchement spectaculaire (et je ne crois pas qu’OpenOffice.org 3.0 dispose d’une telle fonctionnalité).

Le problème est double. D’abord on peut légitimement se demander si le jeu en vaut la chandelle pour un enseignant qui, si il se met à la tâche, passera certainement plus de temps que notre virtuose. Sans oublier que peut-être, après tout, notre enseignant était satisfait des frises qu’il proposait à ses élèves « du temps d’avant Microsoft Office 2007 ». Il s’agit donc déjà de faire la part des choses entre le gadget aussi clinquant soit-il et ses réels besoins.

Mais admettons qu’il estime que cette « frise qui fait jolie » mérite d’être insérée dans ses cours. On se retrouve alors face à un nouveau problème et non des moindres. En effet, il n’a pas, me semble-t-il, été prévu de mutualiser, échanger, éditer, modifier… collaborativement les ressources « pédagogiques » ainsi produites. Et ce n’est malheureusement guère étonnant car Microsoft n’a ni expérience ni culture en la matière. Ses formats de fichiers sont fermés et non interopérables, ses produits et ses ressources ne sont pas sous licences libres, et surtout la société ne s’est jamais appuyée sur des communautés d’utilisateurs pour « créer ensemble ». Elle n’a que des clients, et c’est aussi pour cela qu’elle se trouve parfois mal à l’aise voire parfois carrément en porte-à-faux lorsqu’elle aborde les rives du secteur éducatif.

Il n’y qu’à visiter les sites de Projetice et du Café Pédagogique, tous deux réalisés avec le concours de Microsoft, pour s’en convaincre. Les possibilités d’interactions avec le visiteur y sont minimales. Le plus emblématique étant le site du fameux Forum des enseignants innovants de Rennes qui « visait à faire connaître et à valoriser les nombreux projets pédagogiques innovants ». Que reste-t-il aujourd’hui sur le site de la centaine de projets sélectionnés ? Rien. Personne n’a pensé qu’il pouvait être a posteriori opportun de les mettre à disposition des collègues internautes qui n’ont pu se rendre à la manifestation.

Parce que c’est bien gentil mais pourquoi devrais-je réinventer la roue et créer de A à Z ma propre « frise qui fait jolie » ? Pourquoi ne me propose-t-on pas le document qui a permis de réaliser cette frise ? Cela me permettrait de ne pas démarrer à vide, de mieux comprendre comment le virtuose s’y est pris et surtout de pouvoir la modifier pour l’adapter à mes besoins. En lien et place on trouve sous la vidéo le texte suivant : « Extrait de : Office pour les enseignants – Word 2007 © 2008 Microsoft Corporation. Tous droits réservés. » qui n’invite pas forcément à la collaboration.

On remarquera que le site de Microsoft dédiée à l’opération propose lui aussi la même vidéo. La seule différence c’est la possibilité de télécharger la vidéo (au format fermé .wmv) mais aussi de… « l’envoyer à un ami » ! Que la dimension collective se résume à prévenir un ami en dit long sur l’état d’esprit du projet.

J’ajoute que la mise à disposition du document source ayant permis de créer la « frise qui fait jolie » est une condition nécessaire mais non suffisante à une collaboration optimale. Il conviendrait en effet d’en proposer un format ouvert et pérenne (ce qui n’est malheureusement pas encore le cas du .docx) et de placer le tout sous une licence qui favorise le partage. Et puis, si l’on veut vraiment bien faire les choses, pourquoi ne pas regrouper toutes ces ressources sur un site dédié permettant aux enseignants de réellement communiquer avec leurs pairs ? Vous verrez qu’alors des synergies apparaîtront spontanément entre les collègues et des projets insoupçonnés se mettront en place.

C’est toute la différence entre la culture du logiciel libre et celle du logiciel propriétaire. Et c’est ici je crois que le logiciel libre a beaucoup à apporter à l’école. Ce que la société Microsoft, malgré sa pléthore de moyens et ses alliés de circonstance, est bien incapable d’imaginer, enfermée qu’elle est par son modèle économique traditionnel. Aujourd’hui, en l’absence de toutes ces considérations, la « frise qui fait jolie » demeure au niveau de la pure poudre aux yeux. Ce n’est plus de la pédagogie, c’est du simple marketing.

Réalisé par un collectif d’enseignants, le Café Pédagogique publie chaque jour « l’Expresso », un flash d’information sur l’éducation. Le « Café Mensuel » partage entre profs les « bonnes pratiques » et les ressources pédagogiques nouvelles dans votre discipline. Vous êtes déjà plus de 180.000 abonnés à ces éditions. Le « Guide de Web pédagogique » vous donne les clés pour faire entrer les TICE dans la classe. Le « Guide du BAC et du Brevet » aidera vos élèves dans leurs révisions.
http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Entrezlestice.aspx

Dans la famille « Microsoft à l’Éducation Nationale », j’ai nommé l’association d’enseignants qui prêchent massivement la bonne parole sur internet…

Je me demande si parmi « les clés pour faire entre les TICE dans la classe », on ne trouve pas aussi celles de Microsoft.

Toujours est-il que le Café Pédagogique a lui aussi fait l’objet d’un billet dédié tout récemment. Je n’y reviens pas si ce n’est pour dire que la seule réponse obtenue fut un mail privé. La porte est fermée, le débat public refusé et je le regrette.

En vous souhaitant une bonne prise en main de ces offres, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos respectueuses salutations. Eric le Marois, Directeur Éducation et Recherche, Microsoft France.

Avec en bas de page, les logos de tous les partenaires (dont celui de Microsoft qui joue ici les modestes en se fondant avec les autres).

Voilà. Qu’ai-je voulu dire ici quitte à radoter pour la énième fois et irriter le lecteur avec mes idées fixes ?

Tout d’abord montrer la solidité et l’intelligence de la toile tissée par Microsoft au sein de l’Éducation Nationale. Je félicite sincèrement Thierry de Vulpillières pour cette politique d’entrisme menée de main de maître en fort peu de temps. L’école ayant de nombreux chats à fouetter, des difficultés budgétaires et peu d’expérience en matière « d’intelligence économique », elle ne pouvait clairement et momentanément pas lutter, surtout si l’on se permet de montrer patte blanche via un réseau de partenaires et d’associations d’enseignants financièrement dépendants du bailleur de fonds. Franchement, et n’en déplaisent à mes détracteurs, il est difficile, quand on regarde l’envergure et l’ambition de l’opération, de considérer Microsoft comme une société commerciale comme les autres. Et puis d’abord quelle est sa réelle légitimité pour venir nous parler de pédagogie ?

Mais je tenais également à témoigner, et ceci n’engage que moi, de la faiblesse actuelle de ceux qui souhaitent faire une plus juste place aux logiciels libres à l’école (« culture du libre » incluse !). Oui, comme le dit l’AFUL, et ce n’est pas le réseau Framasoft qui va la contredire, « de très nombreuses réalisations ont vu le jour dans ce secteur capital qu’est l’éducation, et les logiciels et les ressources libres y sont désormais bien présents, à tous les niveaux ». Mais oui aussi ces réalisations, aussi nombreuses soient-elles, sont éparses, pas encore assez structurées et organisées, et faiblement soutenues par l’Institution. Oui encore cette trop forte présence et prégnance de Microsoft à l’école freine non seulement le logiciel libre mais une certaine idée que l’on se fait des TICE. Et oui surtout nous ne sommes pas capable aujourd’hui de proposer des actions similaires d’une telle cohérence et d’une telle dimension. Non pas, comme certains aimeraient le croire, pour « bouter Microsoft hors de l’école », mais simplement pour faire entendre notre voix et, parce que l’indifférence amène l’ignorance, offrir ainsi à une majorité d’enseignants les conditions du choix. Un choix qui, nous le savons, va bien au delà de la praticité d’usage de tel ou tel logiciel.

Pouvons-nous adresser un courrier personnalisé dans le casier de chaque enseignant ? Pouvons nous proposer plus de cent formations non pas aux nouvelles fonctionnalités de la dernière version d’OpenOffice.org mais plutôt à l’utilisation pédagogique d’une suite bureautique illustrée par exemple avec OpenOffice.org ? (formations que l’Accord cadre avec l’AFUL autorisent pleinement du reste) Pouvons-nous, comme on nous y invite, réaliser plus d’une centaine de vidéos didactiques ? Pouvons-nous enfin communiquer d’un coup avec des centaines de milliers d’enseignants comme peut le faire le Café Pédagogique avec les produits de son partenaire ? (ce qui serait pratique par exemple pour diffuser le rapport Becta).

Malheureusement non. Rien nous oblige bien entendu à vouloir reproduire à l’identique cette manière de faire. Mais force est de constater qu’aujourd’hui nous ne pouvons rivaliser. On peut bien sûr décider de ne rien faire de plus que ce l’on fait actuellement (ne serait-ce que parce qu’on ne peut en faire plus) et s’en remettre à la sagesse et à la clairvoyance de nos collègues en se disant que jour après jour, dans l’ombre du terrain, le logiciel libre et son état d’esprit avancent et finiront par atteindre une telle masse critique qu’on ne pourra plus feindre de les ignorer.

Certes, mais on peut aussi être plus volontariste, surtout si l’on accepte le fait que ce qui est exposé dans cet article est potentiellement à même de nous faire reculer de dix bonnes nouvelles années ! Ce recul étant bien moins celui des logiciels que celui des mentalités. Si cela ne tenait qu’à moi, et si j’avais la moindre légitimité pour le faire, j’irai même jusqu’à convoquer d’urgence un… « Grenelle du Logiciel Libre dans l’Éducation » !

C’est une boutade, mais je crois sincèrement que, la balle étant dans notre camp, il y a là prétexte à se mettre en mouvement et unir nos quelques forces. Partout ailleurs dans l’administration publique, le logiciel libre est évalué et bien souvent adopté. Pourquoi en irait-il autrement à l’Éducation Nationale ? Parce qu’avec la complicité passive du Ministère, Microsoft aura fait acte héroïque de résistance en compagnie de quelques enseignants que le court terme aveugle ?

Je ne puis m’y résoudre et vous pose pour conclure la question suivante : Ce billet n’est-il qu’une nouvelle déclinaison de l’obsession paranoïaque d’un adepte de la théorie du complot ou bien au contraire sommes-nous face à un réel problème qui nécessite de réelles réponses ?




Et si cela ne servait plus à rien de mémoriser et d’apprendre par coeur ?

Jesse Gardner - CC by-saIl arrive que Framalang s’aventure parfois parfois en dehors des sentiers battus du logiciel libre, en particulier lorsqu’il s’agit d’éducation (comme ce fut par exemple le cas pour notre traduction tentant de comprendre le fameux système finlandais).

Aujourd’hui nous mettons un peu les pieds dans le plat en interrogeant la pertinence d’un des socles de l’éducation du millénaire précédent, à savoir la mémorisation et le « par cœur ». Est-ce que le numérique, et son accès immédiat à des informations telles que celles de Wikipédia (via nos appareils nomades connectés en permanence), change la donne ? Telle est la question.

Une question qui rejoint le débat sur la capacité de concentration déclinante des élèves de la nouvelle génération[1] alors que s’élèvent leurs capacités de sélection et de prise de décision rapide dans un univers saturé d’informations[2].

Éducation 2.0 : la fin du par cœur ?

Education 2.0: Never Memorize Again?

Sarah Perez – 2 décembre 2008 – ReadWriteWeb
(Traduction Framalang : Don Rico, Penguin et Olivier)

Apprendre par cœur est une perte de temps lorsqu’on n’est qu’à quelques clics de Google. Telle est la conviction de Don Tapscott, auteur de Wikinomics et Growing Up Digital, deux livres à grand succès. Tapscott, que beaucoup considèrent comme un commentateur influent de notre ère de l’Internet, pense que le temps de l’apprentissage par la mémorisation des faits et des chiffres touche à sa fin. Il estime que l’on devrait plutôt enseigner aux écoliers et aux étudiants à fournir une réflexion créative et à mieux comprendre les connaissances disponibles en ligne.

Apprendre par cœur ? Une perte de temps

D’après Tapscott, l’existence des Google, Wikipédia et autres bibliothèques en ligne induit que l’apprentissage par cœur n’est plus un élément nécessaire de l’éducation. « Le puits de science, ce n’est plus l’enseignant, c’est Internet », a déclaré Tapscott dans un entretien donné au Times. « Les enfants doivent certes apprendre l’histoire pour comprendre le monde et savoir pourquoi les choses sont comme elles sont. En revanche, inutile de connaître toutes les dates sur le bout des doigts. Il leur suffira de savoir ce qu’a été la bataille d’Hastings sans forcément devoir retenir qu’elle a eu lieu en en 1066[3]. Ça, ils peuvent le chercher et le situer sur l’échelle de l’Histoire en un clic sur Google, » a-t-il expliqué.

Il estime que cette méthode d’apprentissage n’a rien d’anti-pédagogique, puisque les renseignements que nous devons tous digérer nous parviennent à une cadence étourdissante. « Les enfants vont devoir réinventer leurs bases de connaissances de nombreuses fois, » poursuit-il. « Pour eux, mémoriser des faits et des chiffres est donc une perte de temps. »

Aux yeux des générations précédentes, qui ont grandi en devant apprendre par cœur dates historiques et formules mathématiques, l’idée que la mémorisation ne fasse pas partie de l’expérience de l’apprentissage est assez choquante. Allons, il est indispensable de savoir exactement en quelle année un évènement s’est produit… n’est-ce pas ? À moins qu’il soit plus utile de n’en avoir qu’une idée approximative de façon à se concentrer davantage sur une meilleure compréhension de son contexte et de son sens ?

Un cerveau câblé

Les écoliers d’aujourd’hui grandissent dans un monde où, par leur capacité à faire plusieurs choses en même temps, ils sont totalement plongés dans l’univers numérique. Ils envoient des textos et surfent sur Internet tout en écoutant de la musique et en mettant à jour leur page Facebook. Cette « attention partielle permanente » et ses effets sur notre cerveau est un sujet qui fait actuellement largement débat dans les milieux pédagogiques. Sommes-nous en train de perdre notre capacité de concentration ou notre cerveau s’adapte-il à un afflux continu de stimuli ?

Un nouvel ouvrage traitant de ce sujet, « iBrain: Surviving the Technological Alteration of the Modern Mind, »[4] émet l’hypothèse que cette exposition au Web a des conséquences sur la façon dont le cerveau forge les chemins neuronaux. Câbler ainsi notre cerveau accroît notre capacité à trier les informations, à prendre des décisions rapides et à séparer le bon grain de l’ivraie numérique, mais en revanche, nous perdons de notre aptitude à nous concentrer de façon soutenue, à déchiffrer le langage corporel et à nous faire des amis dans le monde réel.

Si notre cerveau est réellement en train de modifier son câblage, la logique ne voudrait-elle pas que nous adaptions aussi notre façon d’enseigner aux élèves ? À vrai dire, ceux qui le pensent ne sont pas légion. La plupart des pédagogues, tel Richard Cairns, proviseur du Brighton College, un des meilleurs établissements privés d’Angleterre, estiment que posséder des bases de connaissances solides est essentiel. « Il est important que les enfants apprennent les faits. Si l’on ne peut puiser dans aucune réserve de connaissances, difficile de participer à un débat ou de prendre une décision éclairée, » affirme-t-il.

Et vous, qu’en pensez-vous ?

Notes

[1] On pourra lire à ce sujet les deux ouvrages de Bernard Stiegler : Prendre soin, de la jeunesse et des générations et La Télécratie contre la démocratie.

[2] Crédit photo : Jesse Gardner (Creative Commons By-Sa)

[3] La bataille d’Hastings est une date très importante dans l’histoire de l’Angleterre, puisque c’est celle du début de l’invasion de l’île par Guillaume le Conquérant. Un équivalent français pourrait être la prise de la Bastille.

[4] « iCerveau : survivre à l’altération de l’esprit moderne par la technologie. »




De l’usage des « œuvres protégées » à l’Éducation Nationale

MK Media - CC byD’un côté vous avez le « copyright », qui donne à l’auteur un droit exclusif d’exploitation sur son œuvre (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) et qui s’applique par défaut en l’absence de toute autre mention.

C’est ce qu’a toujours connu l’Éducation Nationale avant l’apparition des nouvelles technologies, et mis à part le problème du « photocopillage qui tue le livre », tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. D’autant que l’on ne pouvait pas avoir conscience qu’il pouvait en être autrement. Et puis, il suffisait d’être patient et d’attendre que certaines œuvres tombent dans le domaine public.

Puis est arrivé le « copyleft », c’est-à-dire la possibilité donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) de copier, d’utiliser, d’étudier, de modifier et de distribuer son œuvre dans la mesure où ces possibilités restent préservées.

Ce copyleft ouvre la voie aux Open Educational Ressources. Nous en avons un bel exemple chez nous avec Sésamath et ses « manuels libres », et rien que cette semaine j’ai noté deux nouvelles ressources scolaires dans la sphère anglophone : Collaborative Statistics, un manuel sous licence Creative Commons By-Sa et Chemical Process Dynamics and Controls édité à même un wiki et sous la même licence[1].

Question : Qui du copyright ou du copyleft est plus adapté aux situations d’enseignement à l’ère du numérique ?

Pour nous aider à répondre nous allons nous appuyer sur les accords issus du texte toujours en vigueur paru au Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007 concernant l’usage en situation scolaire de l’écrit, de la presse, des arts visuels, de la musique et de l’audiovisuel.

L’un des problèmes de ces accords c’est qu’il y a confusion et collusion entre « œuvres protégées » et « œuvres protégées sous le classique copyright ». Le copyleft, qui n’est à aucun moment mentionné, protège lui aussi les œuvres, par exemple en garantissant toujours la paternité des auteurs, mais pas de la même façon et pas dans le même but.

Toujours est-il que voici donc nos enseignants confrontés uniquement à des œuvres protégées sous copyright. Et là, tout petit hiatus, on ne peut a priori strictement rien faire avec de telles œuvres puisque l’auteur (ou les ayant-droits) en détient les droits exclusifs d’exploitation. Pour lever l’interdit il faudrait en théorie demander au cas par cas les autorisations. Vous imaginez un professeur d’histoire et géographie contactant tous les ayant-droits des illustrations qu’ils comptent montrer à ses élèves pendant toute l’année avec toutes ses classes ? Ce n’est pas réaliste.

Dans la mesure où « l’exception pédagogique » n’est parait-il qu’un mythe sans le moindre fondement juridique, l’Institution se devait de faire quelque chose et c’est ce qui fut fait avec ce texte officiel du BO, conséquence directe des négociations avec les ayant-droits de « l’industrie culturelle ».

En voici quelques extraits (évidemment choisis et commentés à dessein, donc je vous invite à le lire en intégralité, histoire de vous en faire une meilleure idée, c’est un peu indigeste mais juridiquement et aussi « culturellement » c’est fort instructif et pas seulement si vous faites partie de la maison).

Accrochez-vous et ayez une pensée compatissante pour nos enseignants qui doivent en connaître les détails sur le bout des doigts et ne surtout pas commettre d’erreurs dans leurs applications.

Mise en œuvre des accords sectoriels sur l’utilisation des œuvres protégées à des fin d’enseignement et de recherche

C’est l’accord général qui fixe le cadre et donne le modèle.

Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, avec les titulaires des droits d’auteur et en présence du ministre de la culture et de la communication, cinq accords sur l’utilisation des œuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche, à raison d’un accord pour chacun des grands secteurs de la propriété littéraire et artistique : l’écrit, la presse, les arts visuels, la musique et l’audiovisuel.

Louable intention.

Le champ de ces accords recoupe dans une large mesure celui de la clause introduite au e) du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information parfois appelé aussi DADVSI.

Conformément aux principes fondamentaux du droit de propriété intellectuelle, constamment rappelés par la législation française, l’utilisation collective d’une œuvre protégée est soumise en principe au consentement préalable du titulaire des droits d’auteur. Pour répondre aux besoins du service public de l’enseignement et favoriser la diversification des supports pédagogiques, les cinq accords sectoriels proposent un cadre général pour les utilisations les plus usuelles. Les utilisations qui entrent dans le champ de ces accords et qui en respectent les clauses sont réputées autorisées sans que les établissements ou les personnels n’aient à effectuer de démarches particulières.

C’est ce que j’évoquais plus haut. L’idée c’est d’obtenir une sorte de passe-droit pour ne plus avoir à demander d’autorisations. Bien entendu, comme nous le verrons plus bas, il y a quelques compensations.

La représentation dans la classe d’œuvres protégées est couverte de façon générale dès lors qu’elles illustrent le cours. Il en va ainsi de la projection d’une image, d’un document audiovisuel ou de la diffusion d’une chanson qui éclaire un point de l’enseignement ou qui en constitue l’objet principal. Cette représentation collective peut également intervenir pour illustrer le travail qu’un élève ou un étudiant présente à la classe.

Cette couverture est pleine de bon sens sauf si c’est le seul cas de couverture possible.

Les accords autorisent la représentation d’extraits d’œuvres lors de colloques, conférences ou séminaires organisés à l’initiative et sous la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Les accords exigent que le colloque, la conférence ou le séminaire soit destiné aux étudiants ou aux chercheurs. Dans le cas contraire, la représentation d’œuvres sera subordonnée à l’accord préalable des titulaires de droit.

Le supérieur n’est pas très gâté. On lui fixe un cadre très précis et dans le cas contraire c’est interdit (sauf accord préalable…).

Les dimensions des œuvres qui peuvent être numérisées et incorporées dans un travail pédagogique ou de recherche mis en ligne sont précisées pour chaque catégorie :
– pour les livres : 5 pages par travail pédagogique ou de recherche, sans coupure, avec reproduction en intégralité des œuvres des arts visuels qui y figurent, dans la limite maximum de 20% de la pagination de l’ouvrage. Dans le cas particulier d’un manuel scolaire, l’extrait ne peut excéder 4 pages consécutives, par travail pédagogique ou de recherche, dans la limite de 5% de la pagination de l’ouvrage par classe et par an ;
– pour la presse : deux articles d’une même parution sans excéder 10% de la pagination ;
– pour les arts visuels : le nombre d’œuvres est limité à 20 œuvres par travail pédagogique ou de recherche mis en ligne. Toute reproduction ou représentation numérique de ces œuvres doit avoir sa définition limitée à 400×400 pixels et avoir une résolution de 72 DPI.

Arbitraire et pour le moins alambiqué tout ça ! Limite ubuesque ! Rappelons, pour mémoire, qu’avec le copyleft il n’y aucune contrainte d’utilisation.

La mise en ligne de thèses sur le réseau internet est admise en l’absence de toute utilisation commerciale et, le cas échéant, après accord de l’éditeur de la thèse. La mise en ligne devra utiliser un procédé empêchant celui qui consulte la thèse sur internet de télécharger les œuvres qui y sont incorporées.

Nouvelle barrière.

La reproduction numérique d’une œuvre doit faire l’objet d’une déclaration pour permettre d’identifier les œuvres ainsi reproduites. Cette déclaration consiste à compléter le formulaire mis en ligne à l’adresse suivante.

Il y a donc obligation de déclarer chaque œuvre utilisée ! Ce qui, pour notre professeur d’histoire-géographie, peut prendre un certain temps. Mais ayez la curiosité de vous rendre sur le site de la déclaration. Aucune identification n’est demandée, je me suis imaginé renseignant une photographie et me suis retrouvé avec deux uniques champs : « Auteur » et « Nbre estimé d’élèves/étudiants destinataires ». On clique sur valider et c’est tout. Est-ce ainsi que l’on va redistribuer équitablement les droits ?

Accord sur l’utilisation des livres et de la musique imprimée à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas particulier des livres (et des partitions musicales). Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), agissant également au nom de la société de perception et de répartition de droits suivante AVA, sur mandat exprès de ces dernières, La Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) ci-après dénommés « les représentants des ayants droit ».

Le ministère réaffirme son attachement au respect des droits de propriété littéraire et artistique. Il partage le souci des ayants droit de mener des actions coordonnées pour sensibiliser l’ensemble des acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, étudiants et chercheurs – sur l’importance de ces droits et sur les risques que la contrefaçon fait courir à la vitalité et la diversité de la création littéraire et artistique.

J’ai déjà entendu cela quelques part…

Pour ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord : de parties d’œuvres musicales visées par l’accord dont la longueur sera déterminée d’un commun accord entre les Parties, en fonction des œuvres concernées et des usages appliqués ; à défaut d’accord particulier, l’extrait ne peut excéder 20 % de l’œuvre musicale concernée (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 3 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord ; pour les ouvrages de formation ou d’éducation musicales et les méthodes instrumentales, l’extrait ne peut excéder 5 % d’une même œuvre musicale visée par l’accord (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 2 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord.

Bienvenue dans le monde de la complexité…

En ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord, sont autorisées exclusivement les reproductions numériques graphiques temporaires exclusivement destinées à la représentation en classe par projection collective. Les reproductions d’œuvres musicales par reprographie ne sont en aucune manière autorisées par le présent accord ainsi que rappelé à l’article 4.2 ci-après. Il est précisé que le présent article n’autorise pas les reproductions numériques temporaires des œuvres musicales visées par l’accord disponibles uniquement à la location auprès des éditeurs concernés.

Un vrai terrain miné…

L’accord n’autorise pas la distribution aux élèves, étudiants ou chercheurs de reproductions intégrales ou partielles d’œuvres visées par l’accord.

C’est bien dommage parce qu’avec le copyleft l’élève peut tranquillement repartir de l’école avec l’œuvre numérique dans sa clé USB.

Les moteurs de recherche des intranets et extranets des établissements permettront l’accès aux travaux pédagogiques ou de recherche, ou aux communications faites lors de colloques, conférences ou séminaires, mais ne comporteront en aucune manière un mode d’accès spécifique aux œuvres visées par l’accord ou aux extraits d’œuvres visées par l’accord ou une indexation de celles-ci.

De la recherche bridée en somme.

Le ministère informera les établissements du contenu et des limites de l’accord. Il s’engage également à mettre en place dans l’ensemble des établissements des actions de sensibilisation à la création, à la propriété littéraire et artistique et au respect de celle-ci. Ces actions, définies en liaison avec les représentants des ayants droit, interviendront au moins une fois par an et par établissement. Elles pourront prendre des formes diverses en partenariat avec des auteurs, des compositeurs, des éditeurs de livres ou de musique ou des artistes plasticiens.

Je veux bien participer 😉

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera au CFC et à la SEAM une somme de :
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC et la SEAM entre les titulaires de droits ou leur représentant qui leur ont donné mandat pour conclure l’accord.

C’est précis et non négligeable.

Dans l’hypothèse où il apparaîtrait que, dans le cours de l’application de l’accord, les utilisations numériques d’œuvres visées par l’accord augmenteraient de façon significative, la rémunération définie ci-dessus devra être révisée en conséquence. Les Parties se rapprocheront pour fixer la rémunération adaptée.

Je suis curieux de savoir comment on peut réellement se rendre compte de cela. Via le formulaire de renseignement mentionné plus haut ? Je n’ose à peine le croire !

Les représentants des ayants droit pourront procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord. Les agents assermentés de chaque représentant des ayants droit auront la faculté d’accéder aux réseaux informatiques des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils pourront contrôler notamment l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord avec chaque stipulation de l’accord.

Quand les « agents assermentés » des ayant-droits sont autorisés à pénétrer dans le sanctuaire scolaire… Je ne sais pas trop (ou trop bien) comment qualifier cela.

Accord sur l’utilisation des publication périodiques imprimées à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas de la presse. Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) agissant au nom des éditeurs de publications périodiques imprimées.

En contrepartie des autorisations consenties par le présent accord, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche versera au CFC une somme de :
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC entre les titulaires de droits qui lui ont donné mandat pour conclure le présent accord.

Accord sur l’utilisation des œuvres des arts visuels à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Passons aux œuvres des arts visuels (images, photos, illustrations, etc.). Accord signé entre le ministère et l’AVA, société de perception et de répartition de droits, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits suivantes sur mandat exprès de ces dernières : ADAGP, SACD, SAIF et SCAM, l’ensemble de ces sociétés étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera à AVA une somme de :
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par AVA aux titulaires de droits ou leur représentant.

Accord sur l’interprétation vivante d’œuvres musicales, l’utilisation d’enregistrements sonors d’œuvres musicales et l’utilisation de vidéomusiques à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Quant à la musique… Accord entre le ministère et La SACEM, société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, agissant pour elle- même et au nom des sociétés de perception et de répartition suivantes sur mandat exprès de celles-ci : ADAMI, SACD, SCPP, SDRM, SPPF, SPRE, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la SACEM, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la SACEM une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la SACEM entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Accord sur l’utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Et pour finir le cinéma. Accord entre le ministère et la PROCIREP, société des producteurs de cinéma et de télévision, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits assurant la gestion des droits sur les œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ci- dessous désignées : ARP, ADAMI, SACD, SACEM, SCAM, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la PROCIREP, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

Est autorisée par l’accord la représentation dans la classe, aux élèves ou étudiants, de toute œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée par un service de communication audiovisuelle hertzien non payant (…) L’utilisation d’un support édité du commerce (VHS préenregistrée du commerce, DVD vidéo, etc.) ou d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée sur un service de communication audiovisuelle payant, tel que, par exemple, Canal+, Canalsatellite, TPS, ou un service de vidéo à la demande (VOD ou S-VOD), n’est pas autorisée par l’accord, sauf dans le cas prévu à l’article 3.2.

Ne reste plus, si j’ai bien compris, que nos chères chaînes de télévision généralistes à voir uniquement en direct live.

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la PROCIREP une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la PROCIREP entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Je prends ma calculette… ce qui nous donne pour les seules années 2007 et 2008… quatre millions d’euros tout rond pour toutes « les sociétés de perception et de répartition de droits ». C’est pas mal, surtout si l’on se souvient des nombreuses clauses restrictives qui parsèment les accords (et puis, au risque de m’égarer, n’oublions pas également la taxe sur la copie privée, qui certes s’applique à tout le monde mais qui participe de la même logique).

Voilà. Dans un monde où n’existerait que le copyright, on se retrouve à négocier ainsi avec les ayant-droits de l’industrie culturelle pour le résultat que vous avez donc aujourd’hui sous les yeux. Reconnaissons que ce n’est pas toujours évident pour les enseignants (et leurs élèves) de s’y retrouver !

Il est à noter qu’à l’époque de la discussion de ces accords, c’est-à-dire en 2006 au fameux temps de l’examen de la loi DADVSI, certains enseignants n’avaient pas hésité à carrément prôner la « désobéissance civile ». Avec une pétition à le clé ayant regroupée pas moins de 5000 signataires.

Il y a cependant une bonne nouvelle. Tous ces accords se terminent le 31 décembre 2008. Nous attendons donc avec impatience (et fébrilité) les nouvelles directives 2009. Peut-être que cette fois-ci le copyleft aura doit de cité ? Dans le cas contraire, cela n’empêchera nullement les enseignants de s’y intéresser toujours davantage, pour finir par lentement mais sûrement construire ensemble les bases d’un nouveau paradigme.

Notes

[1] Crédit photo : MK Media (Creative Commons By)




USA – Obama – 3 principes pour assurer un gouvernement ouvert

Matthias Winkelmann - CC byDésolé d’en remettre une couche sur Barack Obama et son site de transition Change.gov mais il se passe décidément des choses bien intéressantes actuellement du côté des États-Unis.

Comment en effet ne pas mettre en lumière cette initiative (sous forme de lettre ouverte) qui propose trois principes clairs et plein de bon sens non seulement en direction de cette transition mais également pour le futur gouvernement.

Ne pas mettre de barrières juridiques et technologiques au partage dans un environnement qui garantit la libre concurrence (aussi bien entre les entreprises privées qu’entre le privé et le public), tels sont résumés ces trois principes qui valent pour le prochain gouvernement américain mais peut-être aussi pour d’autres pays ![1]

On en profite pour tacler au passage YouTube (qui l’a bien mérité).

Vous trouverez sur le site d’origine la liste des premiers signataires et le moins que l’on puisse dire c’est que l’on y retrouve du beau monde : Mozilla, Cory Doctorow, Dan Gillmor, Internet Archive, Xiph.Org, Mitch Kapor, Tim O’Reilly, Jimmy Wales, etc.

Sans oublier Lawrence Lessig que je soupçonne d’être directement à l’initiative de la chose ne serait-ce que parce que c’est lui qui intervient dans l’allocution audio qui est également proposée sur le site (allocution qui a été placée sur blip.tv mais est aussi disponible en téléchargement direct et au format ouvert ogg theora, histoire d’être en parfaite cohérence avec les principes exposées).

Nombreux sont ceux qui prétendent que le gouvernement américain a eu souvent tendance à donner le mauvais exemple ces dernières années. Pour ce qui concerne les libertés numériques il se pourrait bien que dans un futur proche le mouvement s’inverse, surtout si ces principes se trouvent réellement mis en œuvre et respectés.

Principes pour une transition ouverte

Principles for an Open Transition

Collectif d’auteurs – 2 décembre 2008 – Open-Government.us
(Traduction Framalang : Eric Moreau)

Le futur Président, Barack Obama, s’est clairement engagé à changer la façon dont le gouvernement interagit avec le Peuple. Sa campagne a été une démonstration de la valeur d’un tel changement, et offert un aperçu de son potentiel. Son équipe de transition vient de franchir un pas décisif en rendant ce travail de transition légalement ouvert au partage, apportant ainsi la preuve que les valeurs qu’a prônées Obama sont celles qui guideront son administration.

Afin de soutenir plus avant cet engagement en faveur du changement et favoriser sa mise en œuvre, nous proposons tois « principes pour une transition ouverte » destinés à orienter cette équipe de transition dans l’usage qu’elle fera d’Internet pour produire ce qui se fera de mieux en matière de gouvernement ouvert.

1. Pas d’obstacles légaux au partage

Le contenu mis publiquement à disposition au cours de cette transition, telles que les vidéos du futur Président Obama, ou les projets politiques publiés sur le site Change.gov, devrait être placé sous licence libre de sorte que les citoyens puissent le partager, en citer des extraits, le retravailler ou encore le redistribuer sans être freiné par la complexité inutile qu’impose la loi.

Le sénateur McCain et le futur Président Obama se sont tous les deux prononcés en faveur de ce principe pour ce qui concernait les droits de diffusion du débat présidentiel. Ce même principe devrait être appliqué à la transition.

Le site Change.gov respecte à présent ce principe. Le contenu présent sur ce site est placé par défaut sous une licence Creative Commons Paternité, laquelle en autorise l’usage, à but commercial ou non, tant que la source du document est citée. Cette liberté est cohérente avec les valeurs promises par la nouvelle administration. L’application de droits d’auteurs restrictifs est parfois nécessaire pour créer une créativité productrice de valeur, mais dans le cas de discours politiques et de débats publics, celle-ci ne serait qu’un obstacle réglementaire superflu.

L’engagement de l’équipe de transition en faveur de ce principe est d’une importance capitale, et l’attention qu’elle porte à cette question, aussi rapidement, malgré d’innombrables problèmes urgents, est fort louable.

2. Pas d’obstacles technologiques au partage

Une liberté de partager et de modifier le contenu qui ne serait que juridique peut néanmoins être entravée par des limitations techniques. Le contenu mis à la disposition de tous devrait aussi être librement accessible, et non contraint par des obstacles technologiques. Les citoyens doivent être en mesure de télécharger du contenu en rapport avec cette transition de sorte qu’il soit aisé de le partager, d’en citer des extraits, de le modifier ou de le redistribuer. Il s’agit là d’une liberté numérique essentielle.

Par exemple, quand bien même ce contenu pourrait être mis en ligne sur un site donné tel que YouTube, ce dernier n’autorisant pas le téléchargement des vidéos présentes sur son site, le contenu créé par l’équipe de transition devrait être également mis à disposition sur un site qui lui le permet. Il serait par ailleurs inacceptable que les sites du gouvernement empêchent les copier/coller de texte mis à la disposition du public ; de la même façon, mettre en ligne des vidéos à l’aide d’un procédé ne permettant pas d’en extraire et d’en réutiliser des passages facilement et légalement en empêche l’accès et interdit la participation.

Nous encourageons donc fortement l’équipe de transition à faire en sorte que le matériau qu’elle a placé sous licence libre soit en outre librement accessible. Il existe un grand nombre de services, tel que blip.tv, qui en plus de permettre aux utilisateurs de télécharger librement du contenu sous licence libre indiquent clairement les libertés associées au contenu proposé. Quelle que soit la façon dont l’équipe de transition choisira de distribuer le contenu qu’elle créera, elle devrait s’assurer qu’un moins un canal de diffusion respecte cette liberté numérique essentielle.

3. La libre concurrence

Les gouvernements doivent rester neutres sur le marché des idées. Le contenu créé par l’équipe de transition devrait ainsi ne pas être publié de manière à avantager de façon déloyale une entité commerciale par rapport à une autre, ou des entités commerciales par rapport à des entités non commerciales.

Par exemple, si la vidéo d’une conférences de presse est fournie en temps réel à des chaînes de télévision, elle devrait mise à disposition sur le Web en simultané sous un format standard et universel permettant le téléchargament et le partage. La décision de l’équipe de transition de rendre les vidéos de conférences de presse sur son site est un pas dans la bonne direction. Enfin, pour s’assurer que les nouveaux médias puissent faire jeu égal avec les médias traditionnels dans le traitement des nouvelles à chaud, il serait souhaitable de diffuser en temps réel sur le site Web conférences de presse et autres évènements médiatiques en direct.

De la même façon, si l’équipe de transition choisit de mettre à disposition une vidéo sur YouTube, diffuser la même vidéo dans un format standard et universel permettra aux autres sites de vidéo de publier eux aussi ce contenu.

Dans l’idéal, ce format devrait être un format ouvert, non propriétaire. Mais le contenu étant placé sous licence libre (cf. Principe n°1), et l’accès libre à ce contenu étant garanti (Principe n°2), la conversion dans un autre format ne sera pas interdite. L’équipe de transition ne favorisera donc pas une plateforme à l’exclusion des autres.

Au cours de la campagne, nous avons tous été galvanisés par l’engagement du futur Président en faveur d’un gouvernement ouvert, idéaux qui ont en partie poussé une génération à l’action. Son équipe de transition vient de faire un pas important pour concrétiser cet engagement.

Ce pas en avant mérite des éloges sincères. Sans vouloir minimiser son importance, nous proposons cependant dans ce texte ces principes supplémentaires comme une manière concrète de rendre tangibles les valeurs que le Président désigné a défendu avec tant de verve. Nous sommes convaincus que ces valeurs devraient servir de guide pour toute son entreprise de transition, ainsi qu’au nouveau gouvernement. Nous sommes aussi convaincus qu’elles sont cohérentes avec les idéaux que le futur Président a placés au cœur de sa campagne.

Notes

[1] Crédit photo : Matthias Winkelmann (Creative Commons By)




L’accès au fichier professionnel des enseignants : l’exemple Microsoft

Microsoft - Lettre aux profsEn juin dernier Microsoft « offrait » sa suite bureautique aux enseignants sous l’aile bienveillante et complice d’associations comme Projetice ou le Café Pédagogique.

J’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion d’en parler, je n’y reviens pas. Par contre ce que je n’avais pas évoqué c’est que cette annonce s’était accompagnée d’un courrier publicitaire nominatif adressé à un certains nombres de collègues directement dans leur casier de la salle des profs (autrement dit leur boite à lettres professionnelle).

Combien ? Aucune idée, mais au moins quelques uns disséminés aux quatre coins de la France si j’en juge par les témoignages reçus par courrier électronique. Et du coup je suppute par extrapolation que beaucoup d’enseignants ont été touchés par cette publicité non forcément désirée (et j’en appelle d’ailleurs aux commentaires pour infirmer ou confirmer cela).

Je précise que pour ce qui me concerne je n’ai rien reçu (faut dire que j’enseigne à l’étranger) mais un collègue lecteur du Framablog m’avait malicieusement mis la brochure entre les mains lors des récentes Rencontres mondiales du logiciel libre de Mont-de-Marsan. Du bel ouvrage, papier A4 glacé tout en couleur, on ne lésine pas sur la qualité et le moyens.

Récidive en ce mois d’octobre, avec les « offres de rentrée Microsoft Office 2007 pour votre établissement ». Cela reste encore un peu compliqué niveau licence (soit une location, soit un prix « attractif » pourvu que l’on dépasse les vingt unités) mais ce qui est certain c’est que la tendance est à la baisse des tarifs, la faute à la concurrence libre qui sait ?!

Le collègue qui m’a signalé cette dernière info a joint son message avec un scan de la lettre que je vous propose ci-dessous.

Une fois de plus, et c’est là où je veux en venir, la lettre était nominative. Il ne s’agissait d’un courrier générique envoyé aux professeurs de l’établissement X (et que l’administration se chargerait de distribuer dans les casiers) mais bien, comme la fois précédente, d’un courrier directement adressé au professeur Y.

D’où la question naïve suivante : Comment fait donc Microsoft pour avoir accès au fichier à jour des enseignants ? Comment la société devine-t-elle que dans l’établissement X se trouve le professeur Y ?

Ne soyons pas dupe, il n’y a pas que Microsoft qui ait accès au fichier. Il y a aussi les éditeurs de manuels scolaires par exemple qui en fin d’année envoient traditionnellement (et gratuitement) des spécimen dans l’espoir que l’équipe pédagogique porte leurs choix sur eux.

Il n’empêche qu’à l’heure où tout ce qui touche aux données personnelles est un sujet hautement sensible, il me semble étrange que personne ne s’interroge sur les facilités qu’auraient certaines entités commerciales à pénétrer aussi facilement les institutions publiques, qui plus est scolaires, pour diffuser le plus tranquillement du monde leur publi-information.




Linux conquista América Latina

Vacacion - CC byCe blog propose souvent des traductions anglophones. Voici notre première traduction réalisée à partir d’un article en langue espagnole par Bertille (merci pour elle).

Comme pour l’anglais nous cherchons à constituer un petit groupe de traducteurs autour de l’espagnol. Il s’agirait non seulement de traduire mais également d’exercer une petite veille autour du « software libre », histoire de nous tenir au courant, comme ici, de ses avancées et péripéties dans le monde hispanophone[1].

Si vous souhaitez rejoindre l’équipe, inscrivez-vous directement à partir de cette page.

Linux conquiert l’Amérique Latine

Linux conquista América Latina

Miguel Angel Criado – 27 octobre 2008 – Publico.es
(Traduction Framalang : Bertille)

Les gouvernements sud américains poussent à l’utilisation du logiciel libre face au logiciel propriétaire, à la recherche de l’indépendance technologique, de la sécurité et du développement local.

Le logiciel libre est en train de conquérir l’Amérique Latine. La vague des victoires des partis de gauche se traduit, sur le plan technologique, par la substitution des programmes informatiques propriétaires par des autres à codes ouverts. Contrairement à l’Europe, les gouvernants d’Amérique Latine sont persuadés que la seule manière d’impulser la société de l’information pour en faire un levier pour le développement est d’utiliser Linux.

Du Brésil de Lula jusqu’au Vénézuela de Chávez, une migration de Windows à Linux est en train de se produire dans l’administration, les entreprises publiques ou les écoles. L’économie d’argent que suppose le non achat de licences pour l’utilisation de programmes privateurs n’est pas l’unique motif de ce changement. Les raisons que présentent les différents gouvernements sont l’indépendance technologique face aux multinationales, la sécurité qu’offre le logiciel libre en permettant de voir son code source, et l’intérêt de développer une industrie informatique locale.

Lors de la Conférence Internationale du logiciel libre qui eut lieu à Malaga la semaine dernière[2], les responsables technologiques de différents gouvernements d’Amérique Latine ont partagé leurs expériences et ont expliqué le fonctionnement de ce mouvement qui, avec ses rythmes et objectifs distincts, semble difficile à arrêter.

Vénézuela :

Le gouvernement le plus belliqueux à l’encontre du logiciel propriétaire est peut-être celui d’Hugo Chávez. Depuis l’adoption du décret 3 390 en décembre 2004, tout matériel informatique acheté par l’administration ou les entreprises publiques doit porter la mention logiciel libre.

Carlos Figueira, responsable du CNTI[3] du Ministère du Pouvoir Populaire pour les Télécommunications et l’Informatique du gouvernement du Venezuela, présente la souveraineté et l’indépendance technologique comme des raisons de passer à Linux. De même, il ajoute que « le logiciel libre incite à un modèle économique basé sur les services, ce qui favorise le développement des industries locales au détriment des grandes entreprises ».

Équateur :

Ce pays, où le président Rafael Correa fait partie du gouvernement depuis moins longtemps, a suivi une partie des étapes initialisées par son voisin vénézuelien. Ainsi, la promulgation du décret présidentiel 1 014 oblige les entités publiques à utiliser le logiciel libre.

Paraguay :

Le gouvernement de l’ex évêque Fernando Lugo (qui est arrivé au pouvoir en août dernier) ne peut pas se permettre le luxe de payer le coût des programmes propriétaires. Nicolas Caballero, directeur des Politiques TIC[4] du nouveau gouvernement, l’explique : « Une licence XP coûte 95 euros, le même prix qu’une tonne de soja. Combien de personnes se nourrissent avec une tonne de soja ? Et à qui cet argent profite ? Une société qui est on ne sait où. Cela cesse d’être un problème technologique pour se convertir en problème éthique ».

Brésil :

Le pays carioca dispose d’une des communautés de hackers[5] et de développeurs de logiciels libres les plus importantes au monde. C’est pour cela que, lorsque Lula est arrivé au pouvoir, GNU/Linux était déjà utilisé dans l’administration. Depuis, le changement est devenu stratégique. Au Brésil, comme l’explique Corinto Meffe, le Gérant des Innovations Technologiques du gouvernement du Brésil, « l’essentiel, ce n’est pas la gratuité mais l’indépendance ». Le Brésil, qui mise sur les programmes libres depuis plus de dix ans, voit en eux une façon de réduire la dépendance face aux technologies des autres pays.

Uruguay :

En Uruguay, la neutralité technologique compte ses jours. L’idée lancée par l’industrie du logiciel selon laquelle les gouvernements doivent être neutres dans le choix d’un système ou d’un autre est rejetée par le Parti Socialiste. Son conseiller, Fernando da Rosa, annonce qu’ils préparent un projet de loi qui exigera que le systèmes soient basés sur des standards ouverts. « Nous voulons que se produise une migration sûre, même si elle ne sera peut-être pas rapide. »

Cuba :

Le gouvernement cubain subit un « blocus informatique », comme l’explique Miriam Valdés, directrice d’analyse du Bureau pour l’Informatisation. Cuba ne peut pas acheter de licences de logiciels. De même qu’ils ne peuvent pas non plus télécharger les programmes libres hébergés sur les sites américains. « C’est pour cela que la migration est stratégique » dit-elle. Dans un pays où les cours d’informatique se donnent depuis la maternelle, 96 % des systèmes publiques utilisent déjà le logiciel libre.

Veiller aux droits et aux libertés

Analyse de Caroline Grau, directrice générale de CENATIC[6].

Ces dix dernières années, de nombreuses technologies ont vu le jour afin de favoriser la bien nommée « société de l’information ». Le logiciel libre et open-source est, sans nul doute, l’une des technologies qui démontre avoir le plus d‘influence pour favoriser ce développement, surtout dans le milieu des administrations publiques, conditionnées par leur profil de gestion d’information et de traitement des données.

Les administrations publiques doivent rester attentives aux changements et innovations qui se produisent dans le secteur du logiciel, et elles doivent encourager leur intégration à la structure de gestion afin d’optimiser le service qu’elles prêtent au citoyen et afin de veiller à leurs droits et libertés.

En ce sens, le logiciel libre et open-source permet aux administrations publiques de tenir leurs engagements de responsabilité face aux citoyens. C’est ce type de logiciel qui s’adapte le mieux à leurs nécessités techniques, tel que l’illustrent de nombreux rapports, comme le plan « Europe 2002 » ou bien le rapport « Logiciel open-source pour le développement de l’Administration Publique Espagnole », publié par le CENATIC.

L’ économie significative de coûts, en n’ayant pas à payer chaque copie d’un programme, est un des motifs les plus fréquemment avancés pour utiliser ce type de logiciel. À ceci s’ajoutent d’autres aspects, comme le libre accès au code des programmes et la possibilité de les adapter, de les modifier et d’éliminer progressivement leurs failles, sans dépendre pour cela du support exclusif d’une seule société (ce qui permet en plus de développer le tissu technologique local), qui sont de fortes raisons en faveur de son utilisation dans toute administration publique.

Une autre importante motivation pour son utilisation est le haut niveau de sécurité que ces programmes déploient généralement par rapport aux alternatives propriétaires, en bénéficiant de plus de révisions de code. Le critère de sécurité est, dans de nombreuses occasions, déterminant au moment de se décider pour l’utilisation du logiciel libre ou open-source dans des plateformes qui entreposent et administrent de l’information sensible.

Notes

[1] Crédit photo : Vacacion (Creative Commons By)

[2] NdT : Conférence Internationale du logiciel libre : du 20 au 22 octobre 2008 à Malaga, Espagne. http://www.opensourceworldconference.com

[3] NdT : CNTI : Centro Nacional de Tecnologias de Información / Centre National des Technologies de l’Information. http://www.cnti.gob.ve

[4] NdT : Politicas TIC : politiques des Technologies de l’Information et de la Communication.

[5] NdT : le hacker désigne un expert en informatique, et non pas un pirate.

[6] NdT : CENATIC : Centro Nacional de Referencia de Aplicación de las Tecnologías de la Información y la Comunicación / Centre National de Référence d’Application des Technologies de l’Information et de la Communication. http://www.cenatic.es




En réponse au Café Pédagogique

Kevinmcgrewphoto.com - CC byLe site du Café Pédagogique compte plus de 150 000 abonnés à ses différentes éditions et avoisine le million de visiteurs par mois. Il est sans conteste la principale source d’information d’un monde enseignant hautement reconnaissant du service rendu. Là où le bât blesse c’est que faute d’aides institutionnelles il a contracté depuis un certain temps déjà un solide partenariat avec Microsoft qui s’apparente un peu au mariage de la carpe et du lapin.

Les conséquences sont malheureusement assez lourdes pour ceux qui souhaitent faire avancer le logiciel libre à l’école car avec la caution du Café Pédagogique les enseignants se sentent en confiance et en sécurité. Si le Café organise un forum d’enseignants innovants, il n’y a qu’à se réjouir et profiter d’une telle opportunité sans trop se poser de questions. Si le Café héberge en son sein le forum de l’opération Microsoft Office 2007 gratuite pour les enseignants c’est que l’offre est sans entourloupe. Si le Café ne fait pas mention de documents critiques vis-à-vis de son partenaire alors il n’y a pas matière à débat. Si le Café parle peu ou pas du logiciel libre, c’est que sa présence et son utilité doivent être scolairement négligeables[1].

Et si, comme aujourd’hui, le Café se décide néanmoins à l’évoquer ne serait-ce qu’à la marge et implicitement, c’est pour en donner une image où j’ai eu tant et si bien du mal à le reconnaître que je n’ai pu m’empêcher de mordre à l’hameçon et réagir, quitte à fournir de nouvelles armes à ceux qui aiment à me faire passer pour un agité, quitte aussi à donner un énième coup d’épée dans l’eau.

Il y a une semaine avait lieu à Hong-Kong le quatrième Forum mondial des enseignants innovants organisé et donc financé de A à Z par Microsoft. Ce forum était ainsi présenté sur le communiqué de presse : « 250 enseignants, administrateurs d’école et responsables d’éducation en provenance de 64 pays à travers le monde se rassemblent pour récompenser l’excellence en matière d’éducation (…) L’Innovative Teachers Forum s’inscrit dans le programme Partenaires en apprentissage de Microsoft (Partners in Learning), une initiative internationale dans le cadre du projet Unlimited Potential conçue pour rendre la technologie plus accessible aux écoles, à stimuler des conceptions innovatrices de l’éducation et à fournir aux éducateurs les outils pour gérer et mettre en oeuvre des changements. Depuis sa création en 2003, le programme Partenaires en apprentissage a bénéficié à plus de 123 millions de professeurs et d’étudiants dans 103 pays. Microsoft apporte un soutien financier continu à cette initiative depuis déjà cinq ans, et l’investissement d’une durée de dix ans atteint presque 500 millions USD, ce qui témoigne de l’engagement de la société à rendre la technologie plus adaptée et plus accessible à chacun grâce à des programmes, des formations et des partenariats de licence abordables. »

Le Café Pédagogique était bien entendu présent et y avait envoyé, c’est l’expression employée, l’une de ses « journalistes » Monique Royer. Le 3 novembre dernier elle rédigeait sur le blog dédié à l’évènement un billet titré Honni soit qui mal y pense que je me suis permis de commenter ci-dessous.

(…) Dans ce décor sans limites, la délégation française se pose sur une terrasse. Et tandis que les yeux sont baignés dans la magnifique vue, les débats s’engagent, plus prosaïques. Puisque nous sommes en terre de Chine, résumons-le ainsi : Microsoft est il un dragon dévoreur de système éducatif qui cherche à prospérer encore et sans partage ?

Je dois manquer d’humour parce que, Chine ou pas, j’ai beaucoup de mal à croire que le débat ait pu se résumer à cette question qui n’appelle qu’une seule réponse possible pour le clore aussitôt. Forçons le trait jusqu’à la caricature pour déplacer la conversation et éviter de toucher aux réels enjeux. C’est la même posture adoptée par le Directeur des partenariats éducation chez Microsoft France en réponse à mon billet sur l’association d’enseignants Projetice.

Pour les non initiés à ce type de querelle, il faut mentionner que cette question est vive dans les milieux associatifs d’enseignants.

Navré de vous contredire mais non, je ne crois pas que la question ainsi posée intéresse le moins du monde « les milieux associatifs d’enseignants », tout simplement parce qu’à ma connaissance personne ne voit Microsoft comme « un dragon dévoreur de système éducatif qui cherche à prospérer encore et sans partage ».

Quant au début de votre phrase, il eut été peut-être plus judicieux encore d’écrire « Pour les non initiés à ce type de querelle stérile », l’effet souhaité n’en aurait été alors que plus accentué…

Mais redevenons un peu sérieux. Il y a bien quelques questions à se poser mais elles sont d’une toute autre envergure. Par exemple, en référence à un récent billet : l’école doit-elle poursuivre un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication ?

Nous voici d’un coup assez loin des « querelles d’initiés »…

Toujours est-il que si vous jugez cette question d’importance alors, et telle sera mon hypothèse, il est difficile de ne pas rencontrer un jour ou l’autre le logiciel libre et sa culture. C’est ce que pensent nos amis du Département de l’instruction publique du Canton de Genève et bien d’autres acteurs éducatifs derrière eux pour qui cette rencontre fut si ce n’est comme une évidence tout du moins allant dans le sens d’un certain bon sens.

Entendons-nous bien, le logiciel libre n’est bien entendu pas LA solution mais il participe assurément à poursuivre les objectifs décrits ci-dessus. C’est pourquoi, contre vent et marée mais avec un certain enthousiasme, nous travaillons au quotidien à créer des conditions favorisant cette rencontre entre le logiciel libre et l’école, qui par delà leurs spécificités sont selon nous faits pour avancer ensemble.

Et c’est à mon avis ici qu’intervient Microsoft. Non seulement la société Microsoft ne répond que trop imparfaitement aux objectifs mentionnés mais elle a fortement tendance à consciemment ou non retarder cette fructueuse, pour ne pas dire « naturelle », rencontre. Un retard qui s’accompagne d’un frein si d’aventure cette rencontre avait malgré tout bien lieu. Ce ne serait pas bien grave si il ne s’agissait que de la praticité et du confort de tel ou tel logiciel, ça l’est peut-être plus si l’on se place dans le vaste cadre de ma question exposée plus haut.

Ce dernier paragraphe mériterait bien sûr précisions, développements et arguments. Gageons que vous ne serez pas d’accord. Très bien, ouvrons le débat mais de grâce oublions les dragons dévoreurs d’enfants !

Deux points sont dénoncés par les défenseurs du libre. Le premier touche au mode de commercialisation des ordinateurs qui sont quasi systématiquement équipés du système Windows et contraignent les acheteurs à l’acquérir et l’utiliser.

Tout à fait, et merci d’évoquer le problème. Cela s’appelle de la vente liée. Il est vrai que les « défenseurs du libre » ont été parmi les premiers à souligner la situation et à agir en conséquence (tout comme la question des brevets logiciels en Europe, des DRM, des lois DADVSI et aujourd’hui Hadopi, sauriez-vous nous expliquer pourquoi ?)

Mais cela nous concerne tous et il n’est pas étonnant de retrouver également des associations de consommateurs dans la bataille.

La réponse pour ce type d’argument est plutôt une nuance : la plupart des acheteurs ne sont pas des utilisateurs avertis de l’informatique, ils ont le choix entre deux systèmes Microsoft et Mac qui leur permet de se servir de leur ordinateur sans se préoccuper de programmation complexe.

Nos initiés (ou utilisateurs avertis) sont vraiment d’étranges personnages. Quand il ne s’engagent pas dans de vaines querelles, c’est pour mieux s’adonner à leur passe-temps favori : la programmation, si possible complexe.

Je sais bien que le Café Pédagogique n’est malheureusement pas le meilleur média pour se tenir au courant des avancées du logiciel libre mais quitte à jouer les journalistes TICE autant se mettre un peu à jour.

« Les logiciels dits libres ont atteint aujourd’hui un niveau de maturité technique qui en fait une alternative fiable, stable, adaptable et pérenne aux logiciels dits propriétaires ». Telle est l’introduction de la récente directive du Département de l’instruction publique du Canton de Genève. Sachant que les « systèmes Microsoft et Mac » sont bien propriétaires, j’ai le plaisir de vous annoncer qu’on se retrouve avec un troisième choix.

Ce troisième choix c’est donc celui du logiciel libre. Son niveau de maturité est tel qu’il postule aujourd’hui sans attendre à se retrouver lui aussi sur les postes de travail de nos élèves et ce jusqu’au système d’exploitation où GNU/Linux fera d’autant mieux l’affaire que certaines autorités compétentes déconseillent sagement de passer à Windows Vista.

Il est vrai que le changement passe souvent par une période de perturbation liée à ses habitudes antérieures mais il sera d’autant mieux accepté qu’il aura été explicité et justifié. La directive citée plus haut dit encore : « Lors des choix de solutions informatiques pédagogiques, les produits sous licence libre et les standards ouverts sont choisis par défaut. Tout choix de solutions propriétaires devra être dûment justifié par les demandeurs, en expliquant de façon détaillée les usages qui rendent indispensable l’acquisition d’un produit ou l’utilisation d’un standard non libre. » Et d’ajouter lucidement : « Les migrations importantes qui sont prévues seront annoncées suffisamment à l’avance pour permettre l’accompagnement nécessaire au changement. »

Une fois de plus il ne s’agit pas ici de faire table rase de l’existant pour s’en aller vers le « tout libre ». Mais, au nom d’une certaine pluralité, puissions-nous faire en sorte que de telles propositions soient elles aussi évaluées chez nous ?

Le deuxième point porte sur la politique de Microsoft en éducation, en particulier sur son programme « partners in learning » qui soutient des projets et des associations ou encore sur la mise à disposition gratuite de suites Office pour les enseignants, et se focalise donc sur une supposée recherche d’hégémonie, voire de captation de la firme.

J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce programme « partners in learning » qui en France ne voulait pas dire son nom.

Pour ce qui concerne la mise à disposition gratuite de la suite MS Office, l’explication n’est pas philanthropique mais toute entière contenue dans le rapport Becta Microsoft Office 2007 et Windows Vista que le Café Pédagogique n’a d’ailleurs pas cru bon de retenir dans son fil d’informations, privant ainsi de nombreux enseignants de la possibilité de s’interroger sur le pourquoi du comment d’un tel « cadeau ». C’est d’autant plus dommage que le Café n’ignore pas le Becta (voir l’Expresso de lundi dernier). De là à penser que le Café Pédagogique, soutenu par Microsoft, ne s’intéresse plus au Becta dès lors que ce dernier se montre critique vis-à-vis de son partenaire « premium », il n’y a qu’un pas que je franchis allègrement.

Quant à votre fin de phrase, je me focalise bien moins sur la « supposée hégémonie captive de la firme » que sur le fait qu’une rédactrice du si réputé Café Pédagogique évite de se poser les bonnes questions en feignant de croire que certains se focalisent sur un Microsoft tellement décrié qu’on a presqu’envie de lui venir en aide, surtout quand il permet gracieusement à des enseignants du monde entier de se rencontrer.

Les associations, les animateurs des projets soutenus pointent comme réponse le faible soutien des pouvoirs publics, du ministère de l’éducation notamment. Pour vivre, même en reposant sur le bénévolat, les associations ont besoin d’argent pour financer leur structure, leur site, bref, tout ce qui concrétise, solidifie le projet. Leur survie repose souvent sur une quête perpétuelle de financement auprès des collectivités locales, d’entreprises, de fondations. Idem pour les projets, les innovations pédagogiques ; pour se développer elles ont besoin d’une reconnaissance, de matériels, de logiciels, parfois cruellement absents dans l’institution. Microsoft se positionne comme un financeur potentiel pour des partenaires qui bien souvent ont d’autres financements.

Quelle est la part de Microsoft dans le financement du Café Pédagogique ? J’ai souvent posé la question mais n’ai jamais eu de réponse…

Pour qu’on en arrive là l’Institution doit effectivement procéder à son autocritique. Toujours est-il que si l’on vous suit c’est exclusivement pour son argent que Microsoft intéresse les associations. Il n’y aurait donc pas d’adhésion à un projet commun, à des valeurs communes… ou plus modestement à la qualité de leurs logiciels. Cela leur aurait fait plaisir pourtant, histoire de se sentir moins « vaches à lait ».

« Survie », « quête perpetuelle », besoins cruciaux »… Il y a visiblement extrême urgence ! Et pour nous tirer de là, reposons-nous sur les épaules d’un Microsoft, véritable sauveur d’associations d’enseignants en péril abandonnées lâchement par leurs institutions ! Merci donc à Microsoft de nous offrir cette manne financière providentielle que d’autres ne peuvent ou ne veulent nous proposer.

Il y aurait d’ailleurs beaucoup à dire sur la provenance de cette manne financière. Quand on soutire des sommes considérables aux pouvoirs publics du monde entier, on a beau jeu par la suite d’en redistribuer une infime partie à ceux qui nous ont enrichis.

L’équation est certes un peu plus complexe que cela mais pourquoi ne pas procéder autrement ? Par exemple en s’appuyant massivement sur le logiciel libre et avec l’argent ainsi économisé soutenir non seulement les associations d’enseignants mais également un véritable développement logiciel local, ouvert et adapté aux besoins du terrain. Ce ne sont pas les AbulEdu, Adullact, EducOO, Ofset, Scideralle et autres qui me contrediront.

Ceci dit, et pour tout vous avouer, Framasoft se trouve aujourd’hui également dans la difficulté financière. Il n’empêche qu’on aura tenu bon pendant pas mal d’années et que l’on ne désespère pas de trouver des soutiens moins, comment dire, « problématiques ».

Le partenariat tournera d’autant moins à la main mise que les données du marché sont claires et le financement multiple.

Cette dernière phrase que l’on dirait extraite d’un conseil d’administration d’une grande entreprise, vient fort à propos nous rappeler la nature même de Microsoft. Si l’école n’était qu’un marché comme un autre nous n’en ferions pas grand cas.

(…) Une rencontre entre enseignants innovants du monde entier, d’Israël, de Thaïlande, d’Australie, d’Autriche, du Sénégal, du Brésil, des Seychelles et de tant de pays différents, n’est elle pas à même de changer les idées, les opinions les plus tranchées. En regardant ce que font les autres, en écoutant leur expérience, leurs doutes, leurs solutions, dans ce voyage dans les mondes de l’éducation, le débat perd de son acuité.

Je ne vous le fais pas dire. Et Microsoft de s’en frotter les mains. Bingo, c’est à n’en pas douter le type de témoignages que la société souhaitait susciter.

Et puis, « ce qui est important pour les enseignants c’est la pédagogie. Pour innover, on a besoin d’outils qui nous conviennent. Les querelles risquent plus de freiner l’innovation pédagogique, qu’autre chose », ainsi Annie clôt le débat (…).

Il se trouve que c’est à peu près le même discours que nous sert Microsoft depuis des années. Cette symbiose finale entre l’enseignant et son partenaire fournit effectivement une excellente conclusion.

Quant à « l’innovation » que Microsoft et le Café citent ad nauseam, il tend à devenir un mantra vidé de toute substance et qui se suffit à lui-même. Je n’arrive plus vraiment à comprendre ce que vous y mettez dedans, si ce n’est que les enjeux dépassent de très loin la question des « outils qui nous conviennent ».

Soit, allons-y, restons sur ce mot et répétons nous aussi notre propos. L’innovation peut-elle venir d’une école résolument décidée à poursuivre un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication ?

J’en suis intimement persuadé. Et vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Kevinmcgrewphoto.com (Creative Commons By)




Quand l’éducation suisse quitte sa neutralité en faveur du logiciel libre

Fedewild - CC by-saTransition vers les standards ouverts et les logiciels libres, tel est le titre d’une récente directive du Département de l’instruction publique (DIP) du Canton de Genève[1], dans le cadre de son orientation stratégique en matière de logiciels informatiques (24 juin 2008).

Après un bref rappel de la définition d’un logiciel libre (selon la Free Software Foundation) et d’un standard ouvert (selon la Commission européenne), voici quelques extraits de ce que l’on peut y lire :

« Les logiciels dits libres ont atteint aujourd’hui un niveau de maturité technique qui en fait une alternative fiable, stable, adaptable et pérenne aux logiciels dits propriétaires »

Il a donc été décidé d’opérer une large migration au motif que :

« L’information gérée par l’État est une ressource stratégique dont l’accessibilité par l’administration et les citoyens, la pérennité et la sécurité ne peuvent être garanties que par l’utilisation de standards ouverts et de logiciels dont le code source est public.
Par ailleurs, même s’ils ne sont pas forcément gratuits, les logiciels libres permettent de réaliser des économies substantielles sur l’acquisition des licences. »

Par ailleurs :

« L’utilisation d’outils et de standards libres permet de garantir la sauvegarde et le partage des documents produits par les enseignant-e-s. La possibilité de fournir aux élèves pour leur usage externe à l’école les logiciels utilisés pour l’apprentissage représente un atout pédagogique et social d’importance.
Une large communauté éducative mondiale s’est développée autour des licences libres, produisant des ressources librement partagées adaptées aux besoins spécifiques de l’enseignement.
L’apprentissage est favorisé par des outils dont on peut étudier le fonctionnement. »

Ce qui donne, entre autres, les modalités d’applications suivantes :

« Lors des choix de solutions informatiques pédagogiques, les produits sous licence libre et les standards ouverts sont choisis par défaut.
Les migrations importantes qui sont prévues seront annoncées suffisamment à l’avance pour permettre l’accompagnement nécessaire au changement.
Tout choix de solutions propriétaires devra être dûment justifié par les demandeurs, en expliquant de façon détaillée les usages qui rendent indispensable l’acquisition d’un produit ou l’utilisation d’un standard non libre. »

Conclusions similaires à celles du fameux rapport Becta.

On notera également la présence d’une autre directive du DIP sur la Diffusion interne de documents dont voici quelques unes des préconisations :

Tout document qui ne demande pas une modification par le destinataire doit être diffusé en format PDF (Portable Document Format).
Pour les documents qui doivent être modifiés par le(s) destinataire(s), le format ouvert OpenDocument doit être privilégié. Ce format constitue en effet la garantie que le document pourra être relu en tout temps indépendamment du logiciel utilisé.

Cet engagement vers le Libre du DIP est fort bien raconté par Marco Gregori dans un article de la gazette interne du mois dernier (Les Clefs de l’École) intitulé Logiciels libres et pédagogie sans frontières. Il a de plus l’excellente idée d’insister sur un argument de poids que de trop nombreux enseignants ne peuvent ou ne veulent encore entendre : l’enjeu du logiciel libre à l’école est bien moins technique (ou financier) que pédagogique.

« Aux yeux du grand public, un logiciel libre se définit avant tout par sa gratuité. Pour le monde de la pédagogie, il est bien plus que ça: à la fois outil de transmission de la connaissance – notamment, il est vrai, par ses coûts réduits – et symbole même du savoir à partager sans barrières. »

Puis plus loin :

« Il y a quelques mois, le Service Ecoles-Médias du DIP publiait un texte dans lequel il soulignait la grande convergence entre l’éthique sur laquelle se fonde le mouvement libre et le système éducatif public: Dans sa volonté de rendre accessibles à tous les outils et les contenus, le « libre » poursuit un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication.
Démocratisation du savoir, autonomie, sens critique, autant de principes qui figurent dans la loi genevoise… sur l’instruction publique. Exagérée, la comparaison ? Pas vraiment si l’on considère les quatre critères majeurs d’un logiciel libre: il doit pouvoir être diffusé, utilisé, étudié et amélioré librement. »

Et l’article de s’achever sur un passage en revue des implications pédagogiques de ces quatre libertés que je vous invite vivement à lire et faire lire.

Bon, je ne voudrais pas donner l’impression de me répéter mais avec l’Angleterre ou encore l’Espagne, ça commence à faire pas mal de voisins qui, frappés du bon sens, s’interrogent et agissent officiellement en faveur du logiciel libre et des standards ouverts à l’école.

Anne, ma sœur Anne[2], vois-tu la même volonté venir du côté de la Rue du Genelle ? Ce serait d’autant plus simple que… y’a qu’à copier nos amis suisses et britanniques 😉

Liens annexes et connexes

Notes

[1] Edit : Le titre de mon billet est non seulement un peu facile mais surtout un peu maladroit puisqu’il laisse à penser qu’il s’agit de la Suisse dans sa globalité alors que seul le Canton de Genève est concerné ici (merci merinos d’avoir pointé cela et mea culpa).

[2] Crédit photo : Fedewild (Creative Commons By-Sa)