Intros, une app Nextcloud pour faciliter la prise en main de Framaspace

Le projet Framaspace propose, à ce jour, un espace cloud (fichiers, agendas, contacts, wiki, kanban, etc) à plus de 1 200 associations et collectifs. C’est autant d’instances du logiciel libre Nextcloud. Malheureusement, ce dernier n’est pas toujours très facile à prendre en main, malgré les documentations, les forums, etc. Framasoft a donc décidé de faire plancher un stagiaire, Val, sur le sujet de l’accompagnement des personnes utilisant Nextcloud pour la première fois. Voici son histoire.


 

Bonjour Val, peux-tu te présenter ?

Salut ! Je m’appelle Val, j’ai 22 ans. J’ai grandi en banlieue parisienne, et depuis 4 ans maintenant je fais mes études à l’INSA Lyon, école d’ingénieur qui se trouve à… Villeurbanne (c’est comme Lyon, mais avec les endroits jolis en moins). Je suis Parisien, Lyonnais, banlieusard, parfois même Suédois, selon l’humeur.
Si tout se passe bien, je serai diplômé l’an prochain comme Ingénieur en Télécommunications.

J’aime chanter et faire de la musique, aller grimper des murs en plastique, résoudre des Rubik’s cube et jouer aux jeux vidéos, quand je suis pas occupé à bidouiller du code. Ces dernières années, j’ai aussi participé à plusieurs projets associatifs, notamment dans des associations de l’INSA, ou encore avec la Croix-Rouge.

Photo de Val, stagiaire Framasoft entre mai et août 2024
Photo de Val, stagiaire Framasoft entre mai et août 2024

 

Concernant ton stage, tu as choisi Framasoft. Pourquoi ?

J’étais en Suède au moment de chercher un stage, et c’était un peu galère. Chercher à distance c’est forcément plus compliqué, surtout que je voulais si possible faire un stage qui corresponde à mes valeurs. Si vous vous posez la question, en gros, être de la main d’œuvre pas chère pour renflouer le capital de grandes entreprises c’est pas trop mon truc.

L’année précédente, j’avais participé à organiser un évènement avec l’association Exit Lyon, dans lequel une salariée de Framasoft était venue faire une conférence sur l’émancipation queer par le numérique. Étant engagé dans le milieu associatif, je connaissais déjà un peu Framasoft, je pense comme beaucoup à travers les services numériques que l’asso propose. J’avais encore son mail, donc j’ai envoyé une candidature, et voilà où j’en suis quelques mois plus tard.

C’est un peu le cas idéal pour moi : un stage dans une organisation à but non-lucratif, en rupture avec le capitalisme, et qui contribue à construire plus de justice sociale dans notre société.

Mème Val
Val choisissant son stage chez Framasoft — Allégorie

 

Venons-en au sujet de ton stage. Quel était l’objectif général ?

Depuis 2 ans Framasoft propose Framaspace, une solution de collaboration et de stockage de fichier en ligne à destination d’associations et de collectifs militants, basée sur le logiciel libre Nextcloud. Bien qu’il réponde à la problématique posée, celui-ci est loin d’être parfait, et est notamment plus difficile d’utilisation que d’autres solutions existantes (non-libres et administrées par des GAFAM, par exemple Google Drive ou Microsoft 365).

Mon sujet de stage vient s’inscrire dans cette problématique : comment faire pour que la première fois qu’une personne se connecte à Nextcloud elle ne fuit pas en courant. Mon but est de faciliter la première utilisation de Nextcloud, en accompagnant les utilisateurices et en les aidant à s’approprier le logiciel. Si tout se passe bien, cela encourage les gens à rester sur cette solution libre et respectueuse de leur vie privée, à défaut de les voir courir vers des solutions jugées plus simples d’utilisation chez les GAFAM.

Fort heureusement, Nextcloud permet à la communauté de créer des applications qui s’intègrent au logiciel pour venir l’améliorer. La première incarnation de cette mission prend donc la forme d’une Application Nextcloud, « Intros ».

OK, donc, parlons de l’App Intros. À quoi sert-elle ? Quel est le public visé ?

Intros répond à la question la plus simple qu’une personne a en arrivant sur Nextcloud : « Il est où le bouton pour [insérer une action quelconque] ? ».

Pour y répondre, Intros met en lumière des éléments, des boutons ou même des parties de l’interface de Nextcloud et explique à quoi elles servent. Par exemple, l’application va surligner la petite icône de partage d’un fichier et afficher un texte qui explique comment partager un fichier à une autre personne. C’est valable pour plusieurs des applications de Nextcloud, des fichiers aux contacts, en passant par le calendrier.

Techniquement, comment ça marche ?

L’application est basée sur la bibliothèque intro.js, qui permet justement de réaliser des tutoriels pas à pas en surlignant les éléments d’une page web. La bibliothèque s’intègre simplement à Nextcloud comme une bibliothèque javascript classique, et on peut personnaliser des visites pour les utilisateurices.

C’est tout ? Non ! La bibliothèque gère certes la plupart des aspects de l’affichage pour nous, mais il a fallu l’adapter pour qu’elle s’intègre à Nextcloud. Par exemple, gérer quand la visite d’une application a déjà été suivie, pour ne pas la proposer une nouvelle fois à l’utilisateurice, et faire un menu pour réactiver les visites en cas de besoin. Ou encore gérer différentes langues, afficher des boutons cohérents avec le reste de Nextcloud, surligner des éléments dans des menus… Bref, de nombreuses petites améliorations qui permettent à la bibliothèque de bien s’intégrer à Nextcloud, sans que les utilisateurices ne se doutent de rien.

Tu as rencontré des soucis, qu’ils soient techniques, organisationnels, etc ?

Bien sûr, sinon c’est moins marrant. Comme toujours quand je développe quelque chose, parfois ça fonctionne et je me dis que, quand même, je suis vraiment génial, et parfois (souvent) ça fonctionne pas et je me dis que, quand même, je suis stagiaire.

Par exemple, au cours du développement je me suis rendu compte que l’application avait parfois du mal à trouver certains éléments de la page. L’un des soucis d’intro.js, c’est que la bibliothèque est prévue pour être déployée sur un site qui a été conçu par la personne qui écrit les visites guidées. Cette personne aurait donc une bonne connaissance de la structure du site, et saurait quels éléments doivent être sélectionnés pour que ça fonctionne à tous les coups… Sauf que cette personne, c’est pas moi. Je l’intègre à Nextcloud, que je n’ai évidemment pas conçu, et je dois donc m’adapter à la structure des pages existantes. Comme si c’était pas assez simple, la façon dont les pages sont construites change en fonction de l’application (Fichiers, Agenda, Contacts…) ou même de la version de Nextcloud. Bref, il a fallu rétro-ingénierer le DOM HTML au cas par cas, pour trouver quels éléments il était possible de sélectionner et éviter de sélectionner des éléments qui peuvent changer de nom, de classe, ou même disparaître totalement.

Mais même en faisant attention, parfois ça ne passait pas. L’application n’arrivait pas à trouver certains éléments, et affichait une explication sur du vide. Pas idéal. Dans intro.js, par défaut, on donne une liste d’éléments à surligner et les explications qui vont avec, et la bibliothèque se charge de les détecter dans le DOM au chargement de la page. C’est ce point qui était bloquant dans ce cas : au chargement de la page. Les éléments sont tous chargés d’un coup, et ne peuvent donc pas changer en cours de route. Ça m’a posé problème spécifiquement dans deux cas :

  • d’abord, les éléments dans des menus. Parfois on veut mettre en évidence un élément qui n’est pas visible par défaut, et qui le deviendrait après un clic de l’utilisateurice sur un bouton ;
  • ensuite, les éléments qui ne sont pas chargés immédiatement au chargement de la page. Certaines applications de Nextcloud mettent un peu plus de temps à charger leurs éléments, et la bibliothèque ne peut donc pas les détecter dès le chargement.

Alors comment on fait ? Ben on appuie sur les touches du clavier, dans le bon ordre si possible, et au bout d’un moment ça fait du code qui règle le problème. Ici, au lieu de détecter tous les éléments d’un coup, j’ai fait en sorte de les détecter juste avant qu’on ait besoin d’eux. A chaque fois que l’utilisateurice appuie sur « suivant », l’application détecte l’élément suivant qui doit être surligné et remplace l’élément par défaut par cet élément avant de lancer l’étape suivante. Comme ça, on n’a pas à se soucier du temps de chargement de la page, ou du fait que le bouton soit dans un menu. Reste plus qu’à simuler un clic utilisateur avec javascript pour les boutons dans les menus et paf! ça fait des chocap… bref ça fonctionne.

Mème Val "This is fine"
Val faisant face aux disparités de gestion du DOM HTML dans Nextcloud –Allégorie

 

Maintenant que l’app est publiée, quelle est la suite des événements ?

La suite, j’allais dire que ça ne dépend presque plus de moi ! J’espère que l’application sera utilisée par les utilisateurices de Nextcloud, elle est en tout cas déjà utilisée au sein de Framaspace.

Par ailleurs, on a discuté avec Nextcloud d’une possible intégration de l’application au cœur du logiciel (non plus en tant qu’application tierce, mais directement dans Nextcloud). Cela faciliterait l’ajout de nouveaux tutoriels pour les applications tierces, mais Nextcloud émet des réserves quant à la pertinence de son intégration. Une des remarques faites est que l’appli vient expliquer l’interface, alors qu’on peut directement adapter l’interface pour la rendre plus facile d’utilisation (elle se passerait alors d’explications).

Capture écran de Intros dans le magasin d'application Nextcloud
Capture écran de Intros dans le magasin d’application Nextcloud

 

Et puis l’application peut encore être améliorée (après tout je ne suis qu’un modeste stagiaire) pour la rendre plus performante, plus facile à maintenir, etc. C’est également important puisqu’on souhaite qu’elle soit maintenue au fur et à mesure des mises à jour (fréquentes !) de Nextcloud.

Mon petit doigt me dit que tu travailles sur une autre application Nextcloud, tu peux nous en dire plus ?

Ton petit doigt m’a l’air très bien renseigné 😉

Une nouvelle application est effectivement en cours de construction (#WIP). L’application OwnershipTransfer de son petit nom permettra à l’admin d’un Nextcloud de transférer la propriété des fichiers (ou même d’autres types de données) d’un-e utilisateurice vers un-e autre. Bien pratique par exemple quand une personne quitte une association qui utilisait Nextcloud sans penser à transférer ses fichiers importants à un-e autre membre : cela évite de perdre à tout jamais le budget prévisionnel de l’asso. Par contre, ça fait toujours pas le café… désolé.

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On arrive à la fin de cette interview. Souhaites-tu nous partager un sentiment sur le travail effectué pendant ce stage ?

Je suis pleinement satisfait du travail que j’ai effectué. Au delà du fait d’avoir conçu et développé une application Nextcloud pour la première fois de A à Z, c’est surtout d’en tirer énormément de nouvelles compétences et apprentissages. Que ça soit en PHP, langage que je n’avais que peu apprivoisé avant mon stage, en développement logiciel de manière générale, gérer des releases, des issues et des merge request… Je suis très heureux de pouvoir sortir de ce stage en ayant beaucoup appris.

J’en profite pour remercier l’équipe salariée de Framasoft, qui a toujours su m’aider et répondre à mes questions quand j’en avais besoin !

Dernière question, récurrente dans nos interviews : quelle est la question que tu aurais aimé qu’on te pose, et quelle serait ta réponse ?

« Mais dis moi Val, tu la trouves comment la documentation de Nextcloud ? »

C’est un peu mon instant râleur (après tout je suis Français). Elle est… peu fournie, pour profiter d’une occasion d’utiliser une figure de style que j’aime beaucoup. Ça présente ses avantages d’un côté, si on veut y voir du positif : aller fouiller dans le code source pour comprendre comment utiliser les API c’est très formateur !

Merci beaucoup, Val !
Pour information, si vous êtes étudiant⋅e, que vous aimez Nextcloud, et que ce genre de sujet de stage vous intéresse (de préférence à Lyon pour faciliter l’encadrement, mais télétravail possible), n’hésitez pas à nous envoyer rapidement une candidature spontanée sur stages @ framasoft.org !




L’Union Européenne doit poursuivre le financement des logiciels libres

Le programme de financement européen NGI est en danger, alors qu’il s’agit probablement d’une des meilleures choses qui soit arrivée au logiciel libre durant ces dernières années. En effet, cette initiative permet de soutenir financièrement des centaines de projets libres communautaires, dont certaines briques fondamentales pour notre vie numérique quotidienne. Framasoft bénéficie depuis plusieurs années de ce type de fonds, notamment sur les projets PeerTube et Mobilizon.

Pour nous et pour d’autres, il s’agit d’un véritable accélérateur pour tous les logiciels libres, et le fait que ce programme soit en danger met en péril tout l’écosystème qu’il consolide et fortifie.

Nous vous invitons à contacter vos élu·es pour les alerter des enjeux et faire perdurer ce programme.

Cette lettre a été publiée initialement par les petites singularités. Si vous souhaitez la signer, merci de la publier sur votre site et de compléter le tableau ici.

Lettre ouverte à la Commission Européenne

Depuis 2020, les programmes Next Generation Internet (NGI), sous-branche du programme Horizon Europe de la Commission Européenne financent en cascade (via les appels de NLnet) le logiciel libre en Europe. Cette année, à la lecture du brouillon du Programme de Travail de Horizon Europe détaillant les programmes de financement de la commission européenne pour 2025, nous nous apercevons que les programmes Next Generation Internet ne sont plus mentionnés dans le Cluster 4.

Les programmes NGI ont démontré leur force et leur importance dans le soutien à l’infrastructure logicielle européenne, formant un instrument générique de financement des communs numériques qui doivent être rendus accessibles dans la durée. Nous sommes dans l’incompréhension face à cette transformation, d’autant plus que le fonctionnement de NGI est efficace et économique puisqu’il soutient l’ensemble des projets de logiciel libre des plus petites initiatives aux mieux assises. La diversité de cet écosystème fait la grande force de l’innovation technologique européenne et le maintien de l’initiative NGI pour former un soutien structurel à ces projets logiciels, qui sont au cœur de l’innovation mondiale, permet de garantir la souveraineté d’une infrastructure européenne. Contrairement à la perception courante, les innovations techniques sont issues des communautés de programmeurs européens plutôt que nord-américains, et le plus souvent issues de structures de taille réduite.

Le Cluster 4 allouait 27 millions d’euros au service de :

  • « Human centric Internet aligned with values and principles commonly shared in Europe » ;
  • « A flourishing internet, based on common building blocks created within NGI, that enables better control of our digital life » ;
  • « A structured eco-system of talented contributors driving the creation of new internet commons and the evolution of existing internet common« .

Au nom de ces enjeux, ce sont plus de 500 projets qui ont reçu un financement NGI0 dans les 5 premières années d’exercice, ainsi que plus de 18 organisations collaborant à faire vivre ces consortia européens.

NGI contribue à un vaste écosystème puisque la plupart du budget est dévolue au financement de tierces parties par le biais des appels ouverts (open calls). Ils structurent des communs qui recouvrent l’ensemble de l’Internet, du matériel aux applications d’intégration verticale en passant par la virtualisation, les protocoles, les systèmes d’exploitation, les identités électroniques ou la supervision du trafic de données. Ce financement des tierces parties n’est pas renouvelé dans le programme actuel, ce qui laissera de nombreux projets sans ressources adéquates pour la recherche et l’innovation en Europe.

Par ailleurs, NGI permet des échanges et des collaborations à travers tous les pays de la zone euro et aussi avec ceux des widening countries¹, ce qui est actuellement une réussite tout autant qu’un progrès en cours, comme le fut le programme Erasmus avant nous. NGI0 est aussi une initiative qui participe à l’ouverture et à l’entretien de relation sur un temps plus long que les financements de projets. NGI encourage également à l’implémentation des projets financés par le biais de pilotes, et soutient la collaboration au sein des initiatives, ainsi que l’identification et la réutilisation d’éléments communs au travers des projets, l’interopérabilité notamment des systèmes d’identification, et la mise en place de modèles de développement intégrant les autres sources de financements aux différentes échelles en Europe.

Alors que les États-Unis d’Amérique, la Chine ou la Russie déploient des moyens publics et privés colossaux pour développer des logiciels et infrastructures captant massivement les données des consommateurs, l’Union Européenne ne peut pas se permettre ce renoncement. Les logiciels libres et open source tels que soutenus par les projets NGI depuis 2020 sont, par construction, à l’opposée des potentiels vecteurs d’ingérence étrangère. Ils permettent de conserver localement les données et de favoriser une économie et des savoirs-faire à l’échelle communautaire, tout en permettant à la fois une collaboration internationale. Ceci est d’autant plus indispensable dans le contexte géopolitique que nous connaissons actuellement. L’enjeu de la souveraineté technologique y est prépondérant et le logiciel libre permet d’y répondre sans renier la nécessité d’œuvrer pour la paix et la citoyenneté dans l’ensemble du monde numérique.

Dans ces perspectives, nous vous demandons urgemment de réclamer la préservation du programme NGI dans le programme de financement 2025.

¹ Tels que définis par Horizon Europe, les États Membres élargis sont la Bulgarie, la Croatie, Chypre, la République Tchèque, l’Estonie, la Grèce, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, Malte, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Slovaquie et la Slovénie. Les pays associés élargies (sous conditions d’un accord d’association) l’Albanie, l’Arménie, la Bosnie Herzégovine, les Iles Féroé, la Géorgie, le Kosovo, la Moldavie, le Monténégro, le Maroc, la Macédoine du Nord, la Serbie, la Tunisie, la Turquie et l’Ukraine. Les régions élargies d’outre-mer sont: la Guadeloupe, la Guyane Française, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Martin, Les Açores, Madère, les Iles Canaries.




Zikapanam : une asso de musiciens amateurs qui organise des jams

Depuis plusieurs années, nous publions régulièrement (tant que faire se peut du moins !) des articles témoignant de la dégafamisation de structures associatives ou relevant de l’économie sociale et solidaire. Dans le cadre du lancement de emancipasso.org, notre nouvelle initiative pour accompagner les associations vers un numérique plus éthique (lire l’article de lancement), nous avons eu envie de reprendre la publication de ces témoignages.

Pour ce faire, nous avons lancé un appel à participation sur nos réseaux sociaux et quelques structures nous ont répondu (vous pouvez continuer à le faire en nous contactant) ! Nous sommes donc ravis de reprendre une nouvelle série d’articles de dégafamisation avec aujourd’hui le témoignage de Zikapanam, qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Merci à Laurent pour son témoignage riche, et bonne lecture !

Bonjour, peux-tu te présenter brièvement pour le Framablog ? Qui es-tu, ton parcours ? Ton rôle dans l’association ?

Je suis Laurent Schwartz, l’un des quatre fondateurs de l’association Zikapanam créee en octobre 2022. J’en suis son actuel Président et le seul opérationnel sur l’acquisition et le développement des outils informatiques de l’association. J’ai une formation d’ingénieur en informatique. L’informatique et la musique (Basse, Batterie et Chant) sont deux des mes passions depuis mon adolescence.  J’utilise Linux au quotidien depuis 2008.

Tu nous parles de ton association ? Quel est son objet, les valeurs qu’elle porte ? 

Zikapanam est une association de musiciens amateurs de tout niveau qui organise et participe à des jams, répétitions, scènes ouvertes et concerts. Des musiciens adultes de toute l’île de France nous rejoignent. Nous organisons nos événements et nos rencontres musicales sur Paris intra muros et petite couronne. 
La bienveillance caractérise les relations souvent décrites par les nouveaux arrivants .

En termes d’organisation, combien y a-t-il de membres ? y a-t-il des salarié⋅es ? Êtes-vous localisé géographiquement ou bien un peu partout ?

Nous sommes (juin 2024) environ 190 membres cotisants. La cotisation est modique. L’association est basée entièrement sur le bénévolat. L’ancrage de Zikapanam est la région parisienne. Nous souhaitons aussi développer une communauté de jams distancielles par internet pour attirer des musiciens francophones de toute la France.

Tim Sheerman-Chase, CC BY 2.0 <https://creativecommons.org/licenses/by/2.0>, via Wikimedia Commons

Vous diriez que les membres de l’association sont à l’aise avec le numérique ou pas du tout ? Ou bien c’est assez disparate ?

Nous utilisons beaucoup d’outils pour communiquer (Discord, solution logicielle maison, réseaux sociaux etc.), il y a donc un filtrage conséquent à l’arrivée sur notre Discord. Les gens qui vont au bout du processus d’inscription sont les plus motivés et peut-être aussi ceux qui prennent le temps de s’adapter à nos outils. Nous sommes composés de musiciens et pour la plupart l’ordinateur fait peur. Ils utilisent plutôt leur téléphone. Cependant, parmi les bénévoles, l’usage de l’ordinateur est souvent la norme.

Quel a été le déclencheur de votre dégafamisation ? Qu’est-ce qui vous a motivés ?

Nous avons une partie de nos membres qui est sensible aux enjeux du libre et qui utilisent les outils Framasoft ou du Fediverse.. C’est arrivé à mes oreilles et je me suis renseigné car je constatais qu’il y avait des freins importants à l’adoption de certains réseaux sociaux comme Meta même par des gens qui n’étaient pas forcément activiste du libre …
Au gré de mes réflexions sur le sujet, je me suis donné ces objectifs :
– offrir un accès libre à nos communications sur nos réseaux sociaux (sans besoin de créer un compte) ;
– limiter la nuisance de la publicité et des algorithmes qui décident pour vous les publications qu’on vous présente …  Qui détournent l’attention de nos publications ;
– toucher tous nos followers plutôt que le 5% que Meta dans « sa bonté généreuse » nous laisse toucher !

Quels sont les moyens humains mobilisés sur la démarche ? Y a-t-il une équipe dédiée au projet ? Ou plutôt une personne seule ? Quelles compétences ont été nécessaires ?

Je suis le seul opérationnel en informatique mais je reçois des idées de beaucoup de monde dans l’association. Il est cependant à ma charge de qualifier la pertinence des propositions qui me sont faîtes. Le monde du libre est documenté mais n’arrive pas dans le top des moteurs de recherche que j’utilise … Et ça complique grandement les recueils d’informations ! En tant qu’ingénieur en informatique, j’ai l’habitude de me former aux outils, de les découvrir et d’apprécier leurs fonctionnalités mais ça demande du temps et je ne peux le faire qu’à certaines périodes de l’année.  C’est ce que j’appelle la veille techno.

Comment avez-vous organisé votre dégafamisation ? Plan stratégique machiavélique puis passage à l’opérationnel ? Ou par itérations et petit à petit, au fil de l’eau ? Quelles étapes avez-vous suivi ?

À vrai dire, je n’ai rien contre les GAFAMs. Ces sociétés ont apporté beaucoup à internet à son démarrage et leurs actions d’aujourd’hui sont compatibles avec un monde d’entreprise où l’argent est roi !. Mon raisonnement est pragmatique, nous sommes une association et nous n’avons pas les moyens financiers d’une entreprise commerciale ! Les outils que nous serons amenés à utiliser ou que nous utilisons déjà le seront parce qu’ils nous sont accessibles financièrement, peuvent convenir et fédérer un maximum de personnes parmi lesquels des technophobes. Et c’est un véritable challenge !

Est-ce que vous avez rencontré des résistances que vous n’aviez pas anticipées, qui vous ont pris par surprise ? Au contraire, y a-t-il eu des changements dont vous aviez peur et qui se sont passés comme sur des roulettes ?

Notre arrivée sur le Fediverse est récente et les outils à ma disposition actuellement ne permettent pas de qualifier l’adhésion des membres de notre association à ces réseaux sociaux. Je constate juste que très peu de membres se sont créés des comptes sur le Fediverse mais ça ne veut pas dire qu’il ne le consulte pas ponctuellement ou même régulièrement puisque la création d’un compte n’est pas obligatoire pour accéder à ces contenus. D’après mes premières remontées d’information, se créer un compte sur le fediverse ne serait pas trivial … Un effort de formation devra sûrement être engagé sur ce point.

Parlons maintenant outils ! À ce jour, on en est où ? Quels outils ou services avez-vous remplacé, et par quoi, sur quels critères ?

Nous n’avons pas « remplacé » Meta, Les bars et les lieux culturels avec lesquels nous travaillons sont tous sur ces réseaux. Mais nous avons commencé à développer nos réseaux parallèlement sur le Fediverse.. Nous développons des usages qui nous permettent de mettre en valeur la souplesse de Mobilizon. De plus  keskonfai, pixelfed et Mastodon nous ont apporté une certaine visibilité supplémentaire dans les moteurs de recherche au contraire de Meta qui par exemple empêche l’intégration aux moteurs de recherche des événements publics que nous organisons  afin de nous forcer à acheter de la publicité pour les mettre en avant …
Note : Plus récemment j’ai découvert Linkstack une alternative sérieuse à Linktree.

Est-ce qu’il reste des outils auxquels vous n’avez pas encore pu trouver une alternative libre et pourquoi ?

Oui, bento. J’aimerai avoir une ferme de bento spécifique à notre asso mais je n’ai pas encore trouvé d’alternative à bento en logiciel libre. Voilà ce que nous faisons avec Bento : https://bento.me/strawberry-jam-band et nous avons une dizaine d’autres dans le même genre.

Avez-vous organisé un accompagnement de vos utilisateur⋅ices ? Si oui, de quelle manière (formation, tutos, support, etc.) ?

Non pas encore.  Mais j’y pense sous forme de vidéo conf sur Discord.

Est-ce que votre dégafamisation a un impact direct sur votre public ou utilisez-vous des services libres uniquement en interne ? Si le public est en contact avec des solutions libres, comment y réagit-il ? Est-il informé du fait que ça soit libre ?

Dans notre newsletter, j’ai largement communiqué sur keskonfai, pixelfed et mastodon mais cette communication doit être rappelée régulièrement et je vais m’y astreindre.

Un mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?

Bénéficier de l’adhésion de toute notre communauté est un challenge que j’ai accepté. Il faut convaincre en allant à la rencontre des membres et en expliquant avec un argumentaire concret à toute épreuve qui voit avant tout leurs intérêts quotidiens !
Le potentiel du Fediverse est important. En tant qu’ingénieur, je vois bien les efforts d’interconnexion qu’il existe entre ces plateformes et je les apprécie en tant qu’utilisateur !
J’espère que d’ici 6 mois/un an, je pourrai faire un bilan très positif sur cette première étape dans la Dégafamisation !!
Merci de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer sur ce sujet. Plus d’infos sur notre association : https://linktr.ee/AssoZikapanam



La nouvelle #solarpunk du jour : « 100 Papier »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, découvrons un étrange personnage accroc au papier dans un monde où ce matériau est devenu… interdit !

100 Papier

Auteur·rices : Zatar Myriam , ASPE Candice , MOURCHID Soumaya ,GAO Rongtian, KADRI Elias, Nkoumba Eric Donald

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

« Bonjour Paris, il est 8 heures, on est le 9 septembre 2042 et la journée s’annonce ensoleillée ! Aujourd’hui, je rappelle que c’est la douzième journée mondiale sans papier. Alors, la question du jour est : comment vivez-vous sans papier ? Tout le monde est invité à laisser un message sur notre ToothBook. »

« Bonjour à tous ! Vous êtes chanceux aujourd’hui, je suis un précurseur de la vie sans papier ! Je m’appelle Jordan. Ça fait 20 ans que je l’ai aboli. Avec mon casque VR et mon PC, je vis la belle vie tout en protégeant la planète. Je peux jouer à GTA et envoyer un mail en même temps ! Le papier était une véritable catastrophe écologique. Maintenant, je m’amuse sans couper aucun arbre ! » 

Léon Roman éteignit sa radio, marmonnant des injures : « Comment avez-vous pu… » 

« Chéri, regarde devant toi ! » s’exclama Juliette en tendant le bras depuis le siège passager. 

Devant, la police effectuait une fouille des véhicules. La voiture freina, écrasant la ceinture de sécurité sur le ventre arrondi de sa femme. Son mari inspira bruyamment, le cœur battant à tout rompre, face aux gyrophares bleus et rouges vers lesquels ils progressaient lentement. Il ne remarqua pas la goutte de sueur coulant sur son front. Le souvenir de sa rencontre avec la police lors de la précédente manifestation lui procura une impression désagréable. 
Loin d’être dupe, Léon respirait de plus en plus vite : de toute évidence, ils étaient en quête de contrebande. Et juste sous la banquette arrière de sa voiture se trouvait aujourd’hui le trafic le plus important au monde : du papier.

Un jeune policier, le regard vif et un sourire crispé sur le visage, s’approcha du jeune couple.

— Bonjour madame et monsieur, inspecteur Hernandez. Nous sommes tenus de contrôler tous les véhicules. Sortez du véhicule. Où allez-vous ?

— Nous allons à la campagne chez ma belle-famille jusqu’à l’accouchement de ma femme, répondit Léon, d’une voix plus aiguë que d’habitude. Un peu en retrait, Juliette observait l’échange, priant pour que l’interrogatoire se finisse sans encombre. Les deux policiers soulevèrent la banquette arrière, dévoilant une pile de livres, à sa grande surprise.

— Cela n’a rien à voir avec ma femme, vous ne…, s’écria Léon, avant d’être plaqué au sol.

— Épargnez-nous ces bêtises, vous en parlerez au juge.

Quelques mois plus tard, la jeune femme, son bébé sur les genoux, pâle de rage, recevait un appel. « Oui, Roman, ici Maître Gimenez. Je suis au regret de vous annoncer la condamnation à perpétuité de votre mari pour trafic de papier. »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 9 septembre 2152 et la journée s’annonce caniculaire ! N’oubliez pas de vous hydrater et de vous abriter durant les heures les plus chaudes. On accueille aujourd’hui sur notre chaîne le spécialiste M. … »

Mathieu coupa l’hologramme en jurant. Encore une fois, il allait devoir installer le « Sunshade », un pare-soleil blanc de son invention. En effet, il a lu que le blanc est la couleur qui absorbe le moins la chaleur. Aujourd’hui, c’était le grand jour ! 

Mathieu descendit dans sa cave, pour échapper à la chaleur étouffante qui alourdissait l’atmosphère. Son plan, préparé depuis plusieurs années, nécessitait encore quelques retouches. Les escaliers craquaient sous ses pieds alors qu’il descendait dans l’obscurité rafraîchissante de sa bibliothèque secrète, héritée de sa famille. Des livres ouverts jonchaient le sol, annotés d’une écriture soignée. Les murs étaient couverts de câbles, de serveurs et d’écrans lumineux. 

9h00 : il s’installa devant son poste de travail, ajustant les lignes de code qu’il avait préparées. Chaque partie qu’il modifiait le rapprochait de son objectif : démontrer les vulnérabilités d’une société entièrement numérique.

J’ai jusqu’à minuit pour exécuter mon plan, avant la mise à jour des serveurs

Sous la pression, il fabriquait des cigarettes en déchirant des pages de livre. Des recettes de cuisine par-ci, des extraits de comédie par là. Après tout, qui aurait besoin de savoir faire une béchamel ou de lire des pièces ennuyeuses ? Les mots imprimés se transformaient en fumée et remplissaient l’air de la cave d’un épais nuage gris.

10h00 : il recevait un coup de fil de sa petite amie Soraya, ingénieure à l’Agence de Sauvegarde des Données Nationales. Une journée portes ouvertes du macro serveur X2150 était prévue sur invitation.

11h00 : il avait déjà fumé sa 39ème clope, le livre de cuisine arrivait bientôt à sa fin.
 11h45 : « ÇA Y EST ! », cria-t-il, « La clé USB est prête. »

Son plan était simple mais brillant. Le virus qu’il avait créé était conçu pour tout détruire sur son passage.

12h00 : pour se récompenser de sa victoire, il prit une longue inspiration : « il est temps de fumer ».

12h15 : Mathieu commença à préparer ses affaires. Je suis tellement stressé, je ne tiendrai pas la journée sans papier, songea-t-il en fouillant frénétiquement dans ses étagères. Il chercha un livre d’où il pourrait arracher des feuilles pour faire ses cigarettes. En ouvrant le premier venu, il découvrit d’anciennes notes familiales entre les pages. Submergé par la culpabilité, il referma délicatement le livre et en prit un autre. Cette fois, il choisit un vieux recueil de contes pour enfants et, avec une nouvelle pointe de honte, arracha plusieurs pages.

13h00 : il quitta son appartement en direction du centre-ville. Il marchait, jetant des coups d’œil à sa montre. Le bâtiment de l’ASDN n’était pas loin, mais chaque minute lui semblait une éternité.

14h00 : « Bienvenue, mesdames et messieurs, à la journée d’inauguration du Macro serveur X2150 », annonça un présentateur.

15h00 : après avoir fait une visite guidée des lieux avec Soraya, Mathieu se dirigea vers le stand d’exposition de la maquette du X2150.

16h00 : un baiser langoureux lui permit de subtiliser à Soraya son badge d’accès à la salle des machines.

17h00 : Mathieu n’avait toujours pas trouvé la salle des machines, peu habitué à utiliser la padlocalisation. Il se cacha pour fumer des clopes de plus.

18h00 : après plusieurs essais, il réussit enfin à identifier le chemin d’accès vers la salle des machines.

19h00 : Mathieu effectua un dernier tour en salle des machines. Puis il rejoignit Soraya dans le hall.

20h00 : des applaudissements retentirent en l’honneur de Soraya. Sa présentation fit un carton !

21h00 : Mathieu s’approcha pour la féliciter. Il se dirigea vers les toilettes avant de rejoindre la salle des machines.

22h00 : les mains tremblantes, il inséra sa clé USB dans un serveur. La barre de transfert s’afficha à l’écran : « Téléchargement du fichier en cours  %2 % ». Ça y est, j’ai réussi ! Épuisé et ruisselant de sueur, il se laissa tomber sur une chaise. Il profita de cette pause bien méritée pour entamer sa 87ème clope de la journée.

22h10 : « OÙ EST MON BADGE ?! » s’exclama Soraya. Elle fonça à son bureau et se jeta sur son PC. Elle localisa le badge dans la salle des machines et remarqua le téléchargement d’un fichier inconnu en cours. Elle parvint à le stopper puis prévint la police.

22h30 : des bruits dans le couloir de plus en plus proches se firent entendre. Mathieu barricada la porte. « POURQUOI LE TÉLÉCHARGEMENT N’AVANCE PLUS ?! ». Des mégots s’accumulaient au sol, une voix grave se fit entendre de l’autre côté de la porte :

— Police ! Sortez immédiatement ou on enfonce la porte !

Illustration « Smoke design » par Hervé Simon (CC By Sa 2.0)

— Je vous interdis de tenter quoi que ce soit sinon JE VAIS TOUT CRAMER ! La sueur perlait sur son front, et chaque mouvement semblait plus laborieux que le précédent. La patience des policiers était mise à l’épreuve. Certains d’entre eux commençaient à se lasser de cette opération. D’autres vérifiaient leur équipement. Quelques-uns échangeaient des blagues nerveuses pour alléger la tension.

23h00 : assis dans la pénombre, les mains tremblantes, le regard perdu, il savait que la police finirait par entrer. Ses pensées tourbillonnaient, une tempête de regrets et de colère contre une société qui l’avait poussé à bout. « Pourquoi ? » murmura-t-il en fixant la barre de téléchargement statique. « Une société sans âme, sans mémoire. Ils disent que le papier est obsolète, que tout doit être numérique. Mais le papier, c’est l’histoire, c’est la culture, c’est nous. »

23h12 : il se leva lentement, les jambes flageolantes, et s’approcha de la porte. « Si près du but… »

— Commissaire, il faut intervenir, on ne peut pas attendre plus longtemps !

— Non, surtout pas. Les serveurs sont trop précieux. Si on cause des dégâts, ce sera encore pire. La seule chose qu’on puisse faire, c’est le persuader.

23h28 : il fuma sa dernière lueur d’espoir avec sa 100ème clope, ignorant les appels insistants de la police.

00h00 : Les larmes coulaient lentement sur ses joues alors que la fumée noire envahissait la pièce, une chaleur intense l’enveloppant. Les alarmes se déclenchèrent, stridentes. « Peut-être qu’un jour, ils comprendront… »

« Bonjour Paris, il est 8h, on est le 10 septembre 2152, et la journée s’annonce étouffante ! Aux dernières nouvelles, un acte terroriste a été commis cette nuit. La salle des serveurs de l’ASDN a été incendiée, entraînant la perte totale des données du pays. L’auteur de cet acte, identifié comme Mathieu Roman, descend d’une célèbre famille de terroristes. Il a péri dans l’incendie. »

Soraya, encore sous le choc des événements de la veille, écoutait le cœur serré à l’annonce du nom de Mathieu. « Non… ça ne peut pas être vrai… »

50 ans plus tard… Des enfants s’amusaient dans le parc. L’un d’eux s’aventura un peu plus loin qu’à son habitude. Et là, il l’aperçut, à moitié caché sous une pierre, un livre abîmé intitulé « La culture des pommes de terre au XXIe siècle ». Il y manquait des pages… Fier de sa trouvaille, le petit garçon courut montrer le livre à ses parents.

« C’est quoi, les pommes de terre ? »

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La nouvelle #solarpunk du jour : « Les Lozacs, réinvention d’un mode de vie »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, les Lozacs essaient de profiter des bienfaits de la nature sans en abuser.

Les Lozacs, réinvention d’un mode de vie

Auteur·rices : Anna, Kamilia, Mômo, Wahida, Jérôme, Paul

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Chaque jour, Ninon était la première des Lozacs à se lever. Elle sifflait à travers le zimcuat, une sorte de trompette qui permettait de réveiller les autres membres de la communauté. C’était le printemps : Ninon récoltait les tomates dans le jardin participatif. Puis elle salua Robin et Emma au loin.

À ses débuts, le jardin ressemblait à un petit potager avec quelques bacs en bois. On y pratiquait exclusivement de la permaculture afin d’obtenir divers fruits et légumes. Au fil du temps, les Lozacs s’étaient habitués à ces tâches qu’ils trouvaient auparavant laborieuses, ils avaient compris que chaque goutte compte pour remplir le seau. Grâce aux efforts constants et collectifs, de nouvelles techniques avaient été introduites comme les serres faites maison. Des plaques de verre récupérées et des bottes de paille protégeaient les récoltes des intempéries. Le jardin était alimenté en eau à l’aide d’un système initié par Ninon. Celui-ci était placé au centre d’un genre de petite station d’eau. De larges gouttières récupéraient l’eau de pluie puis étaient raccordées à un entonnoir. Elles se rejoignaient ensuite pour former un flux d’eau plus important. Enfin, l’eau était récupérée dans de larges cuves remplies d’un mélange de roches, tissus et céramiques permettant de filtrer l’eau et de la rendre potable. Ce système évoquait à Ninon une réflexion de son grand-père : « Tous les fleuves sont issus de ruisseaux ».

À l’origine, alors que les limites planétaires avaient déjà été dépassées, des citoyens s’étaient opposés à un projet de zone commerciale sur des prairies et une forêt. La préfecture avait fini par retirer son accord, évitant ainsi la destruction de la forêt, après l’installation d’une Zone À Défendre. Cet événement marqua la naissance des Lozacs, avec le slogan « Préservons la nature, célébrons la biodiversité ! ». Ils embrassèrent, sans se l’être dit, un mode de vie simple et écologique, devenant une source d’inspiration pour un nouveau modèle de société.

À son arrivée chez les Lozacs, Ninon gardait en elle un projet qui lui était cher : la culture raisonnée du blé. Elle avait convoqué un souvenir agréable : le pain chaud et moelleux avec son odeur alléchante. Certains restaient sceptiques à l’idée de faire des cultures, qui allaient forcément prendre de la place sur les espaces naturels.

Alors que les discussions aillaient bon train et que les opinions divergeaient, la question se résuma à : jusqu’où étaient-ils prêts à aller pour équilibrer tradition et innovation, respect de la nature et besoins de la communauté ? Elle continua à défendre son idée d’usage raisonné.

— Du coup tu voulais utiliser la forêt ? demanda Emma.

— Ouais c’est ça, répondit Ninon.

— Mais jusque-là, on ne l’a jamais fait.

— Oui, mais ce n’est pas parce qu’une chose n’a encore jamais été faite qu’on ne pourrait pas le faire, dit Ninon.

— Comment verrais-tu les choses ?

— On pourrait utiliser les ressources à notre disposition comme le bois des arbres ou encore récolter des fruits à notre guise, proposa Ninon.

— Mmmh, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. L’exploitation des ressources naturelles a toujours mené à des dérives. La forêt est une zone avec une forte biodiversité, nous ne devrions toucher à aucun fruit qui lui appartienne ! rétorqua Emma.

Le groupe hocha la tête.

— Ce que tu peux être cul-cul Emma ! s’emporta Ninon. Aujourd’hui, c’est différent ! Nos techniques ont drastiquement changé puisqu’on a réduit l’emploi de technologies.

— Ce qu’on pourrait faire c’est qu’on pourrait mettre en place des lois et des limites concernant l’exploitation de la forêt, proposa Robin qui comprenait les deux points de vue et souhaitait trouver la meilleure solution pour la communauté.

— D’accord, dit Emma, mais la crainte que j’ai et je pense qu’elle est partagée, c’est que nous allons encore tout faire foirer ! C’est-à-dire qu’au départ on va être plutôt sympathiques et vertueux, mais on va progressivement dépasser les limites.

— Mais pas du tout ! On pourrait très bien mettre en place des quotas par rapport à ce qui sort de la forêt, comme ça on ne perturberait pas son équilibre ! répondit Ninon.

— Il faudra alors tout réglementer, répondit Robin qui semblait pensif.

— Exactement, ça pourrait être une idée, dit Emma.

— Je propose qu’on en discute avec les autres membres, convoquons la communauté et prenons des décisions tous ensemble et formellement, dit Robin qui remarqua qu’on écoutait avec attention le débat.

— Génial, ça me va ! s’exclama Ninon.

Illustration par Jérôme Leclere (CC By Sa)

Ce débat marquait le début d’un renouveau pour les Lozacs, où ils exploreraient ensemble les limites de leur utopie. Il questionnait sur l’utilisation des communs. Le débat venait de mettre en lumière que ce qui semblait être des évidences, des idéaux, n’en étaient pas nécessairement. Une chose était certaine, sans dialogue les idéaux ne pourraient pas exister. À la suite de cela, beaucoup d’autres discussions allaient avoir lieu :

— L’eau était-elle un bien dont il faut la réserver un usage plutôt qu’à un autre ?

— Les habitations faisaient-elles l’objet d’une propriété privée et exclusive à un individu ?

— Fallait-il penser une communauté gérée de manière nécessairement horizontale ?

— Était-il normal et viable de privilégier un mode de vie toujours plus sobre ?

Une nouvelle ère de questionnements et de réflexions s’ouvrait devant eux, en donnant l’espoir de construire un avenir durable et partagé sans ambiguïté.

Ninon contemplait le coucher du soleil depuis la colline surplombant le village, elle se rappela des paroles de son grand-père : « La nature nous parle si nous savons l’écouter » Elle se tourna vers la forêt, sentant un lien profond avec chaque arbre, chaque ruisseau. Le dilemme des Lozacs ne serait pas résolu par des règles strictes, mais par une compréhension collective et une adaptation constante. Ensemble, ils allaient définir de nouvelles frontières pour leur avenir, où l’harmonie avec la nature serait au cœur de chaque décision.

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La nouvelle #solarpunk du jour : « Archipel »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, on fuit un monde dystopique pour découvrir une société organisée en villages interdépendants…

Archipel

Auteur·rices : MT, M, Paul, KC, Léa et Loul

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

— Bonjour Zaden, il est huit heures.

— Bonjour Alann, ouvre les volets, allume la lumière.

— Bien sûr ! Pour votre petit-déjeuner, souhaitez-vous de la confiture ?

— Du beurre. Ah ! Allume la salle de bain et lance la playlist.

— Tout de suite. Vos vêtements sont prêts, dans le tiroir du bas.

— Alann, quelles sont les nouvelles aujourd’hui ?

— Aujourd’hui 15 janvier 2042, 8h23, il fait 16°C et il pleut, la qualité de l’air est bonne. Le pic de particules epsilon se maintient au-dessus de la ville à cause d’un anticyclone. L’entreprise Tomaframe a annoncé le lancement des tests du projet ITER et le gouvernement déclare travailler sur l’exploitation durable des ressources aquifères du satellite Encelade.

— Merci, Alann. Il faut que j’y aille. Déverrouille la porte d’entrée.

— Zaden, avant que vous ne partiez, je viens de recevoir des informations à propos de votre ami Dariux.

— Hein ?

— Votre ami est décédé dans un accident de voiture hier soir.

Cette nouvelle m’assomme.

— Dis-moi où il est !

— Son corps a déjà été incinéré, je peux prévenir ses parents de votre arrivée si vous le voulez.

— D’accord, fais ça !

Déjà incinéré ? Mais pourquoi ? Jamais je n’ai parcouru le trajet reliant ma maison à celle de Dariux aussi rapidement. J’arrive devant sa porte mais quelque chose m’interpelle : elle est ouverte. Je m’interroge, cela pourrait être les militants écologistes de la TREV qui viennent encore faire pression sur la société de son père. Je glisse mon regard dans l’entrebâillement et je reconnais l’uniforme noir de deux membres du gouvernement ONAIME. Que peuvent-ils faire là ? Haletant, je m’approche sans faire de bruit.

« N’oubliez pas, les vraies circonstances de la mort de votre fils doivent rester secrètes… Tout ce que vous devez dire c’est que votre fils est mort d’un accident de voiture ». Cela me semble étrange. Qu’est-ce qu’il se passe ?

Les deux hommes continuent : « D’autant plus qu’un groupe TREV se rassemblerait sur le Belvédère. Il ne faudrait pas leur fournir un prétexte. »

Un prétexte à quoi ? Je ne comprends rien. Justement un tract du TREV a été collé sur le mur de la propriété. Je le reconnais, même si je ne les lis jamais. Cette fois j’en prends connaissance. « NOTRE GOUVERNEMENT NOUS MENT » dit-il. Bien que quelqu’un ait tenté de l’arracher, je peux déchiffrer ces quelques mots : epsilon, intoxication, écologie. La rage et l’incompréhension au ventre, je prends ma course. Je n’ai qu’une envie, celle de parler à une personne qui ne me mentira pas. Je n’entends plus que les battements de mon cœur à mesure que je me dirige vers le point culminant de la ville. Quelques personnes discutent. Une femme aux cheveux gris vient à ma rencontre, l’air soupçonneux.

— Bonjour, jeune homme. Tu t’es perdu ?

— Bonjour madame, c’est vous qui distribuez les tracts ? Mon ami est mort, et le gouvernement semble vouloir en dissimuler la cause… Ils ont aussi parlé de vous, je me suis dit que vous auriez peut-être des réponses.

Elle m’explique.

— Si le gouvernement s’en mêle, c’est sûrement que ton ami est mort à cause des particules epsilon.

Encore une pseudo-solution dite « verte » pour préserver cette maudite croissance.

— Alors Dariux serait mort à cause des epsilon ? Celles que le gouvernement juge inoffensives ? J’ai entendu les uniformes noirs. Ils savent que vous êtes là, c’est comme ça que je vous ai trouvés.

La femme alerte immédiatement ses amis.

— Il faut qu’on bouge ! Heureusement, ils sont lourdauds alors que nous, on voyage léger. Petit, tu peux venir avec nous si tu veux mais c’est maintenant !

D’autorité, le groupe m’embarque dans sa fuite.

°°°

Cela fait trois jours que nous marchons. Je suis éreinté. Manque d’entraînement. Nous arrivons enfin dans un camp. Une nommée Dalia nous accueille, nous fait visiter. Elle m’explique que leur société est constituée de plusieurs îlots d’individus organisés sous forme d’archipel.

— Ici nous sommes à Luton. Chaque îlot, ce que toi tu appelles « village », a des principes qui varient. Par exemple, ici nous ne renions pas totalement la technologie, mais nous la conservons dans son état, le plus lowtech possible. Dans l’îlot voisin, on vit encore plus proche de la nature. Ils refusent tout appareil électrique. Nos micro-sociétés sont interconnectées, communiquent entre elles et s’entraident pour répondre à des besoins communs. Tu savais que c’est comme cela que font les arbres ? Tu pourras choisir l’îlot dont les valeurs te correspondront le plus. Il y a tout de même trois enseignements communs que nous, archipéliens, nous efforçons d’honorer. Premièrement, respecter la Terre et toute forme de vie. Deuxièmement, partager. Troisièmement, ne pas retomber dans les pièges du passé. Bien sûr, chacun peut s’exprimer librement et nous votons pour des propositions formulées dans la « boite à idées ».

Illustration « Last light on The Two Thumb Rang » par
Bernard Spragg. NZ (CC0)

Nous traversons le Jardin commun, où plusieurs personnes de tous les âges s’affairent. Dalia salue un homme qui prépare des boutures. Un autre demande des informations à une jeune femme sur le fonctionnement technique du système de récupération d’eau en circuit fermé. Cette eau, une fois propre, est réutilisée dans le jardin, dans les habitations, partout. Je comprends que, malgré un solide bagage théorique, il vient chercher des compétences pratiques. L’entraide est un principe clé de cette civilisation.

C’est contraire à tout ce que j’ai pu vivre. De là où je viens, les connaissances étaient surtout descendantes, une personne enseignant à des centaines. Ici, le partage de connaissance est pluridisciplinaire et se fait lors de situations concrètes, en petits groupes.

— Au commencement, m’explique Dalia, nous n’étions qu’une dizaine ; chacun apportait son expertise dans son domaine. Cuisine, mécanique, organisation, bâtiment… Mais c’était limité. Aujourd’hui que nous sommes plus nombreux, nous avons gardé ce modèle et l’effet en est démultiplié.

— Pourquoi le savoir et les compétences ne seraient-ils pas communs à tous, de sorte qu’ils ne se perdent pas ?

—  Poste ça dans la boite à idées, me taquine Dalia.

°°°

Cela fait maintenant cinq ans que je suis là. Je ne m’ennuie jamais. La communauté s’élargit. Nous sommes passés à dix îlots. Ma proposition s’est concrétisée, voici ALANN, l’Académie Libre pour l’Accès aux Nouvelles Notions. Nous y développons les solutions de demain en mettant l’accent sur la collaboration, l’accès libre aux savoirs et la pluralité des idées. Aujourd’hui j’y anime l’atelier panneaux solaires, pour réparer ceux que nous avons récupérés l’été dernier.

— Euh, Zaden… je comprends pas pourquoi ça ne marche pas.

— Il faut y aller pas à pas, Jorj. Regarde, une des cellules sur cette ligne est morte. Le plus simple, c’est d’en récupérer une bonne sur un panneau irréparable.

— D’accord, je vais chercher le fer à souder. On le fait ensemble ?

— Bien sûr !

J’ai moi-même appris les rudiments de l’électronique avec Dalia.

— J’y pense, Jorj, après je te montrerai comment on transforme un vieux panneau en chauffe-eau solaire. On en a besoin pour l’habitation du nouvel arrivant.

— J’suis partant !

Je trouve fascinant que les connaissances puissent ruisseler de façon aussi fluide entre les archipéliens. Depuis son arrivée dans l’îlot, j’ai assisté avec fierté à l’évolution de Jorj. Il déborde d’enthousiasme. Dariux était comme lui. Il aurait adoré cette vie. En préparant un petit sac dans ma chambre, je me souviens de ma première leçon : voyager léger. Demain, avec un groupe d’amis, on s’en va explorer les autres îlots. J’ai hâte.

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La nouvelle #solarpunk du jour : « Le Compromis »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, nous assistons à un choc des générations et des modes de transports (plus ou moins) lowtechs…

Le Compromis

Auteur·rices : Mathéo, Chrisbé, Inas, Chanerle, Liu, Lénaeile

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Chapitre 1 : Les retrouvailles

En 2032, André 65 ans, un jeune retraité des sociétés de chemins de fer profite d’une journée ensoleillée sur la terrasse de sa maison. Vieux de la vieille sur la mécanique des trains, André a passé quarante-quatre ans de sa vie à réparer des trains. Voyant défiler au fil des années, tous les types de trains du Gasoil à l’électrique. La retraite arrive à point nommé pour lui, qui veut se détacher du monde industriel et du transport de masse. Son fils, Jaurel, 25 ans, ingénieur en informatique fraîchement diplômé de l’université a rejoint ses parents pour l’été :

— Belle journée, pas vrai papa ?

— Tu l’as dit ! Tu as prévu des choses à faire pour aujourd’hui ?

— Je me disais que ça serait bien que nous allions à la plage. Cela fait longtemps, propose Jaurel.

— C’est bien vrai, la dernière fois, tu devais avoir 10 ans ! Je m’en souviens, tu avais ton petit bob rouge et tes lunettes de soleil rondes.

— Oui, mais surtout, ce jour-là, nous avions remporté le concours du château de sable. Que de bons souvenirs ! Je conduis, si tu veux, suggère Jaurel.

— Conduire ? Pourquoi pas en vélo ? Demande André, l’air assez surpris.

André se souvient que Jaurel a acheté une nouvelle voiture électrique. Bien que très jolie et confortable, André n’est pas totalement convaincu par cette solution. En effet, sa femme et lui ont subi les effets du réchauffement climatique. . La mer est entrée de plus de 20 kilomètres dans les terres et les cours d’eau ont débordé dans toute la région, e qui a failli tuer sa femme. Profondément marqué par cette catastrophe, André a adopté un mode de vie plus respectueux de l’environnement . Il a réduit son l’empreinte carbone et a favorisé les solutions durables.

Illustration « Vélo du matin (3) » par Jean-François Gornet (CC By Sa 2.0)

— Tu ne veux pas qu’on y aille comme au bon vieux temps ? À vélo, en famille ? demande André.

— C’est loin, papa, ça va nous prendre au moins 2 heures à vélo. En plus, j’ai vu que la météo ne va pas rester comme ça . On prévoit de la pluie en milieu de journée.

En effet, la station balnéaire de Estra Kanté est située à 30 kilomètres du centre de la ville de Mutrus City.

— Nous avons le temps d’y réfléchir, il est encore tôt. Viens avec moi chercher de quoi manger ce midi. C’est à l’épicerie du centre, cela n’est pas trop loin pour toi, quand même ?

— Ne sois pas condescendant non plus, papa. Bien sûr que je viens.

André a l’habitude de marcher jusqu’à l’épicerie un matin sur deux pour faire ses courses. C’est une sorte de thérapie pour lui, qui est encore traumatisé.

en chemin la discussion se poursuit entre père et fils :

— Pourquoi est-ce que tu ne veux pas que je conduise ? Ça t’éviterait de faire des efforts sous cette chaleur, se questionne Jaurel.

— Je sais que je ne suis plus de toute jeunesse, mais je ne suis pas encore dans le cercueil, cher fils. Je pensais juste prendre un peu de temps avec toi comme avant, répond le père avec un sourire nostalgique.

— Je me doute, mais ça serait plus pratique en voiture,non ?

— Pour être franc, je ne suis pas convaincu par l’électrique. Tu le sais, en plus. Je comprends l’idée, mais est-ce vraiment la solution à nos problèmes actuels ?

— Eh bien, sans voiture, comment je fais pour mon travail, venir ici, voir mes amis ?

— C’est peut-être ça le problème, plutôt. Rien n’est à taille humaine.

Sur cette remarque, tous deux arrivent à l’épicerie du village. À l’entrée, ils rencontrent Christophe, un ami d’André. Christophe est un ancien agriculteur intensif qui dépendait lourdement des machines et des produits chimiques pour maximiser ses rendements. Plus tard, il s’est converti à une agriculture low-tech au vu des changements climatiques. Il est revenu à des méthodes simples et à la fois enrichies avec des connaissances modernes.

— Mon vieil André ! s’exclame Christophe. Tu te fais rare ces derniers temps ! Laisse-moi deviner, c’est le fiston Jaurès ?

— Pas loin, Jaurel ! Ah écoute, il faut que je m’habitue à tout ce temps libre que j’ai maintenant. C’est dur, tu sais !

— Je ne te le fais pas dire ! Alors fiston, toujours dans l’informatique ?

— Oui, monsieur. Comment va votre exploitation ?

— J’ai su rebondir, on va dire. Je suis reparti de zéro, ça m’a permis de me poser les bonnes questions. C’est ça le plus compliqué, Jaurel, savoir poser les bonnes questions et trouver des solutions ensemble. Maintenant je réfléchis à des projets utiles, accessibles et durables pour la population.

André, Jaurel et Christophe continuent de discuter pendant quelques minutes sur les projets que Christophe réalise en ce moment. Christophe sort de l’épicerie, tout comme André et Jaurel après avoir acheté de quoi manger. Sur le chemin du retour, André explique à son fils son point de vue :

— Tu sais fils, je sais que depuis peu, tu t’intéresses aux problématiques climatiques. Cependant, je crois que tu te trompes de méthode pour répondre au problème. J’ai vu que les machines se voulant écologiques ne le sont pas tout le temps. Tu connais l’effet rebond ? Une voiture, un train, c’est pas différent. Regarde, quand j’étais jeune, les trains électriques débarquaient. Tout le monde était époustouflé par ces nouvelles machines, plus performantes, plus économes, mais qui savait qu’on utilisait du gaz ou du charbon pour produire l’électricité du train ?

— Très bien, mais maintenant, l’électricité est en partie produite par du renouvelable chez nous ! réfute Jaurel, un air de défi dans ses yeux.

— Chez nous, oui ! Mais ailleurs ? Le problème est mondial, pas local. Et puis une partie ne vaut pas 100 %. André s’arrête un instant, posant une main sur l’épaule de son fils.

— 100 % d’énergie renouvelable, c’est un mythe, papa, et tu le sais, un soupçon de frustration dans la voix.

— Sans doute, mais en réduisant notre consommation, en réfléchissant plus au but de nos créations, de nos besoins, il y a une possibilité que ça marche.

— Tout le monde n’est pas prêt à ça.

— Si c’est un effort collectif, alors oui j’en suis persuadé. Regarde, si tu fais l’effort de partir à vélo, tu ne consommes pas d’électricité. Cette énergie peut être utilisée ailleurs par un système qui est vital pour d’autres personnes. Pense à ta santé. Pense aux économies que tu ferais si tu utilisais des moyens de transport alternatifs ou partagés. Au-delà des transports alternatifs, tu te rends compte du nombre d’heures que tu dois travailler pour payer une voiture ? Certes, la voiture est plus rapide, mais seulement à des moments précis. Tu ne vis pas sur l’autoroute à ce que je sache ? En supposant une consommation d’énergie de cinquante centimes par kilomètre, on doit non seulement conduire pendant une demi-heure pour parcourir les trente kilomètres, mais aussi travailler pendant une heure et demie pour gagner les quinze euros pour couvrir les frais de ce trajet. Au total, on consacre deux heures pour parcourir trente kilomètres en voiture. Tu te rends compte ? Jaurel prenant le temps de cogiter sur ce que son père vient de lui dire, finit par céder.

— OK, on prendra le vélo.

Chapitre 2 : Le trajet

L’un des vélos d’André est en très bon état et l’autre demande une petite touche de Il est onze heures quand les deux partent de la maison. Le réseau de pistes cyclables a été grandement amélioré et sécurisé après l’inondation de 2026. Les riverains touchés par l’inondation ont souhaité réduire l’imperméabilisation des sols en améliorant le réseau cyclable. La piste vers la plage est pittoresque, bordée de champs verdoyants et de maisons colorées, promettant une belle journée.

Cependant, après vingt-cinq minutes de route, la pluie annoncée par les prévisions météorologiques s’invita.

— La pluie n’est pas un obstacle ! s’exclame André. D’autant plus que la chaussée n’est pas glissante et le faible vent permet de poursuivre ce trajet à vélo. D’ailleurs, les grands tours sont rarement perturbées par la pluie.

On aurait dit un général d’armée galvanisant ses troupes. L’intensité de la pluie et celle du vent augmentent soudain. En un laps de temps, la visibilité se réduit à tel point que Jaurel à du mal à voir son père qui se trouve à cinq mètres devant lui. Ces conditions les obligent à stopper loin de toute habitation et à s’abriter sous un arbre. D’un air stupéfait, Jaurel interpelle son père :

— C’est à n’y plus rien comprendre, ce temps ! Les prévisions météo ne servent plus à rien !

— Le réchauffement climatique, malheureusement. Ça me rappelle l’inondation, je suis un peu inquiet pour ta mère.

— Nous sommes à mi-chemin, la pluie va nous ralentir, mais nous pouvons être rentrés dans une heure et demie à vue de nez.

— Pas sûr que ce soit une bonne idée, nous risquons d’être emportés avec toute cette eau. Je dois bien l’avouer, je n’ai pas d’autres solutions pour rentrer.

— Si j’avais su, je t’aurais forcé à prendre la voiture. Nous aurions pu arriver plus rapidement auprès de maman.

— Même s’il nous arrive des problèmes, le principal, c’est d’avancer, de se poser les bonnes questions. Quoi qu’il arrive, on ne doit pas abandonner ! Je pense qu’on peut inventer une application pour fournir des informations sur la météo, la qualité de l’air, etc. pour les cyclistes. Combiner high-tech et low-tech afin de favoriser le low-tech, c’est acceptable non ?

— Eh bien non ! L’application donnera les mêmes mauvais résultats que le site de la météo ! C’est du solutionnisme technologique, ton affaire, rien d’autre !

"Solarpunk flag, blue diagonal" by @Starwall@radical.town is licensed under CC BY-SA 4.0.




La nouvelle #solarpunk du jour : « Bunkertech »

Pour la deuxième fois, Framasoft participe, au sein de l’Université de Technologie de Compiègne (UTC), à une semaine de cours sur le thème des lowtechs et du Solarpunk.

Les étudiant⋅es ont pour mission d’écrire (sans se faire aider par l’I.A. !) des nouvelles dans cet univers, qui sont publiées ici et participeront à un concours organisé par Low-Tech Journal. Ces nouvelles ont été lues en direct sur la radio indépendante Graf’Hit. La lecture de cette nouvelle est écoutable ici :

Aujourd’hui, suivons les aventures d’un contrôleur des ressources dans un bunker où deux populations cohabitent tant bien que mal…

Bunkertech

Auteur·rices : Elsa MENUGE, Alexandre MERIMEE, Ness noé MOUSSOYI, Raphaël P., Quentin CEYSSON, Guillaume BERLINERBLAU

Ce document est disponible sous licence CC-BY-SA.

Nous sommes en 2042, cela fait environ 5860j-3h-35min que nous habitons dans un ancien bunker. Une pandémie volatile a touché la Terre décimant 99.8 % de la population. Le bunker est séparé en deux factions. Les lowtech se nourrissent essentiellement de légumes et optimisent leur utilisation d’électricité. Tandis que les hightech se nourrissent d’aliments lyophilisés et se concentrent dans le stockage d’énergie électrique. Les lowtech veillent pendant que les hightech dorment et inversement. Cela a été mis en place pour réduire le flux de mouvement dans le bunker. Je suis le contrôleur des ressources du bunker, c’est pourquoi je rencontre souvent les deux factions. Malheureusement, cela fait deux semaines qu’une rumeur sur une mystérieuse maladie sévit.

La participation de Dominique et Bobby, qui appartiennent à la faction hightech, a été souhaitée par Odin, le chancelier. Je dois donc les réveiller…

— Je suis crevé, Jarvis. J’ai dormi à peine deux heures ! Appelle les gueux plutôt que nous ! s’exclame Bobby commençant à suer à peine sorti de son lit.

— Cela doit être sérieux si nous sommes convoqués sur l’horaire des pécores, soupire Dominique en sortant doucement de sa demeure.

Je les accompagne dans la salle de contrôle où se trouvent déjà des membres de la faction lowtech.

— Que se passe-t-il ici ? s’interroge Arthur.

— J’aimerais bien le savoir aussi. Qui êtes-vous ? répond Dominique en les pointant avec sa canne.

— Arthur, chef de la faction lowtech. Vous êtes ? dit Arthur, le menton relevé, la moustache agressive.

— Oh, on se retrouve avec les clodos ! Je suis Dominique, le responsable de la faction hightech, dit celui-ci en bâtonnant le sol.

Je ressens l’électricité dans l’air. Soudain, la voix d’Odin retentit l depuis les haut-parleurs.

— Bonsoir à tous. Je vous ai réunis aujourd’hui, car la filtration de l’air est défaillante. La santé de la population est en danger. Dix occupants du bunker sont victimes d’une maladie semblable à l’épidémie qui fait rage à l’extérieur. Le taux de contamination de l’air augmente. Vous devez trouver une solution. La survie de tout le monde en dépend.

Il a le toupet d’inventer un retour de l’épidémie alors que selon mes sources, l’air est de bonne qualité et il n’y a même pas de malade. En plus, cela fait environ 2680j que l’air extérieur est redevenu sain !

— Hum, le système de filtrage de l’air, il se situe où déjà ? demande Dominique.

— Il se trouve dans les canalisations, papy… au niveau -10, près des machines pressurisant et filtrant l’eau.

— Allons voir, pour comprendre ce qui a bien pu se passer. Et même si l’idée ne me plaît guère, les gueux doivent nous accompagner.

Je vois Charlie se tourner vers Arthur.

— Chef, je ne veux pas travailler avec des incapables, mais ça m’a l’air sérieux. Des rumeurs parlent d’une maladie avec des symptômes étranges, dit-elle en s’en approchant.

— C’est vraiment inquiétant, plusieurs de nos compagnons ont fait des malaises ces derniers temps, dit Arthur, triturant sa moustache.

— Trouver une solution avec les hightech, jamais ! Tu sais très bien que je ne peux pas collaborer avec eux. Ces vieux ploucs sont des flemmards qui gaspillent nos précieuses ressources.

— Ils n’ont qu’à crever dans leur coin !

— MAMMA MIA, quel culot ! Vous n’acceptez pas le progrès et vivez comme au Moyen Âge ! s’exclame Bobby.

Soudain, la voix d’Odin résonne dans toute la pièce.

— Silence ! J’ai besoin de chacune de vos compétences. La résolution du problème est urgente.

Toute l’équipe décide de se rendre dans la salle de filtrage d’air en grommelant. Avant de les rejoindre, je décide de m’adresser à Odin seul à seul :

— ODIN ! Tu te fous de tout le monde ? Tu cherches à réconcilier ces deux factions alors que depuis le début tu ne fais qu’amplifier leur haine !

— TU MENS ! Je les ai séparés pour réduire l’encombrement du bunker.

— Quelle bonne blague ! Tu les forces à faire du sport pour produire de l’électricité, comme des hamsters ! Juste pour alimenter ton serveur ! En plus, ils font ça en pensant fournir des ressources à l’autre faction. En y repensant c’est sûrement la cause de tous ces malaises. Comment peux-tu prétendre ne pas vouloir les diviser ?

Agacé par son comportement, je sors de la pièce pour rejoindre les équipes. Le couinement de l’une de mes roulettes gâche un peu l’effet dramatique, mais tant pis.

On sort du monte-charge au niveau -10. Les yeux de Charlie s’écarquillent, émerveillés par la tuyauterie faisant fonctionner l’ensemble du bunker, et dit devant l’impressionnante machine de filtrage :

— Chef, je ne comprends rien à toute cette technologie.

Après avoir diagnostiqué le système de filtrage grâce à ses lunettes SDM, Bobby conclut :

— On n’a plus assez d’énergie pour alimenter cet équipement vétuste.

— Tout ça à cause de vos inventions hyper énergivores, souligne Arthur. Il faudrait rationner le réseau électrique qui passe par les ateliers des hightech.

— Non, on ne changera pas nos ateliers. On en a besoin pour stocker l’électricité produisant nos nourritures lyophilisées, et puis vous utilisez aussi notre énergie pour faire pousser vos graines. Il faudrait passer par les fermes des lowtech en réduisant l’utilisation de lampes à UV. De toute façon, votre soja est immangeable ! fait remarquer Dominique.

— Je ne vous permets pas de dénigrer notre soja ! Il est tellement plus savoureux que la poudre qui vous sert de nourriture, s’exclame Charlie.

Cela fait 2j-5h-45min que la tension entre les deux factions ne cesse d’augmenter, je ne sais plus où donner de la tête…

— Je vous retrouve aujourd’hui puisqu’il y a 10% des occupants qui sont atteints de la maladie. Il n’y aura bientôt plus de place pour tous les placer en quarantaine. Dépêchez-vous de résoudre le problème, la solution ne va pas se trouver toute seule ! presse Odin.

Il n’arrête pas d’inventer des mensonges et s’il continue, les factions vont s’en rendre compte…

— Bon ! Pour voir quel est le problème, j’ai ramené notre plan des installations électriques, informe Arthur.

— Votre carte est pourrie ! Elle n’est même pas à jour… rétorque Bobby.

— Effectivement, soupire Dominique. Bobby, pose tes lunettes SDM et montre à ces gueux le vrai plan.

Même mentir, Odin ne sait pas le faire… Il a donné deux mauvaises cartes complètement différentes. Il est vraiment minable… Je vais les aider :

— Hé, ho, hé, ho, je détecte une anomalie au niveau -10 au quartier C5, suivez-moi.

Illustration « Stairs lit with colorful neon lights inside a corridor of the Atomium in Brussels Belgium » par Basile Morin (CC By Sa 4.0)

— Enfin arrivés ! braille Bobby. C’est un putain de labyrinthe !

— Mais qu’est ce que c’est que ce bordel ! crie Charlie. Je n’ai jamais vu cet escalier !

J’ai fait une bourde… Ils vont arriver devant cette fameuse porte.

— Utilisons notre bonne vieille méthode pour enfoncer une porte : un bélier, propose Arthur.

Je vois quatre regards se tourner vers moi… Je vais prendre cher… Des mains saisissent ma carcasse. Soudain, mon front rencontre dix fois la porte violemment.

— AAAAH ! MON DOS ! Mon dos est bloqué ! hurle Dominique.

— Euh, je ne sais pas si vous avez vu, mais regardez juste en haut, il y a un actionneur ! informe Charlie.

— Tu nous auras servi à rien, Jarvis, rigole Arthur.

Une fois la porte ouverte grâce à la canne de Dominique, je vois leur visage se figer. La salle est remplie de serveurs. Au centre se trouve un énorme écran étiqueté 0D1. Intriguée, l’équipe s’avance. Cependant, des lasers leur bloquent le passage. Charlie déchire son manteau pour fabriquer une fronde de fortune. Elle prend sur le sol une roulette que j’ai perdue et neutralise le système. En se rapprochant de l’écran, des indicateurs de qualité de l’air apparaissent, l’extérieur est donc vivable.

Cela fait maintenant 254j-7h-17min que l’Humanité a recommencé à vivre à la surface. Les deux factions vivent maintenant en harmonie, combinant leur savoir-faire. Elles ont décidé de restreindre le développement de technologies autonomes. Ces dernières sont plus responsables, comportent des pièces recyclées d’Odin et des autres machines. Quant à moi, ma technologie devenant inutile, j’ai décidé de me désactiver pour faire place à une nouvelle génération.

# mysql -u root -p -e 'drop database JRVS' && shutdown -H now

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