Pouhiou nous partage ici une expérience toute personnelle qui nous fait voir le solutionnisme technologique et les applications de pistage volontaire comme autant de poudres de perlimpinpin.
À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.
J’ai un aveu à faire
J’ai été magicien. Pas un illusionniste, hein : j’ai été sorcier, un vrai.
J’ai passé quelques années de ma vie dans une troupe de théâtre aux pratiques sectaires où nous avons spiralé dans une illusion de groupe : encens, cristaux, tarots, rituels, animaux totems, esprits-compagnons et âmes en peine à « faire monter », bougies protectrices, anges, énergies… Ça parait choupi-new-age comme ça, mais c’était psychologiquement et émotionnellement intense.
C’est pas facile, pour moi, de ressortir ces vieux souvenirs du placard. Si je le fais aujourd’hui, c’est pour dire à quel point je suis capable de comprendre une personne qui veut croire à la solution magique. L’abracadabra : le pouvoir de créer d’après ses paroles. Cette notion très Disneyienne que « si j’y crois trrrrrrrrès fort, avec toute la fôrce de mon cœur, ça arrivera. »
Je connais intimement cette envie impérieuse, en moi, de trouver une solution magique, un deus ex machina, une intervention miraculeuse qui fait que le monde ne sera plus une bataille permanente. Je la connais tellement que je la reconnais dès que je la vois apparaître dans mes communautés et mes écrans.
L’état de guerre dans nos têtes
Pourtant je suis quelqu’un d’intelligent : je le sais, j’ai même des papiers qui le prouvent :p !
Justement, avoir un cerveau qui turbine comme le mien, c’est la garantie d’être encore plus sensible aux manipulations, de foncer encore plus vite dans le mur. La première étape pour retourner mon intelligence contre moi-même est de mettre mon cerveau sur la défensive.
Par exemple, dans ma troupe de théâtre, la croyance que nous étions constamment en état de siège ou de guerre face à une attaque magico-énergétique d’un groupe extérieur (il y avait toujours les « méchants du moment » désignés par ma prof’ de théâtre) faisait que j’ai eu le bide tordu d’angoisse, que j’ai vécu des années avec un cierge allumé en permanence dans mon studio estudiantin, ou que j’ai loupé des cours en fac le matin car je passais une partie de la nuit à faire des rituels magiques.
Avec le recul, tout cela n’était « que du vrai dans la tête » : cela m’a prouvé que le vrai-dans-la-tête a des conséquences bien vraies-dans-la-vie. Mon esprit en état de guerre et d’auto-défense, persuadé de l’utilité de rituels et autres croyances magiques, a eu une influence tout à fait matérielle sur mon corps, sur mon comportement, sur mes actions et mes relations.
Pas de guerre = pas d’armes de guerre
Cela m’a surpris de voir ces souvenirs enfouis ressortir du placard de ma mémoire. Voir le président de ma république nous répéter que « nous sommes en guerre » comme une incantation, pour implanter ce vrai dans nos têtes, cela m’a fait penser aux manipulations que j’ai subies à cette époque.
Les flics qui contrôlent nos intimités, les drones de surveillance bien en vue dans les JT, la tentation du tracking sur les smartphones des infecté·es… Cela ne m’évoque rien d’autre que les encens, bougies et prières auxquelles nous nous accrochions comme seule solution à cet état de guerre, qui n’existait que dans nos têtes, mais qui existait bel et bien dans nos têtes.
Si nous n’étions pas en guerre, alors nous aurions dû affronter que la vie est injuste, qu’on y tombe malade, qu’on y vieillit, qu’on y meurt #FuckingConditionHumaine. Qu’on hérite d’une éducation, d’une histoire, d’une culture, de structures qui nous dépassent #FuckingConditionSociale. Et que pour se démerder face à tout cela, il n’y a pas de baguette magique, pas de solution miracle. #Fuck
Chercher un raccourci clavier, un cheat code
Je la connais bien, cette envie en moi d’être celui qui a trouvé la warp zone. D’être le petit malin qui a trouvé le passage secret, l’astuce magique, le truc qui évite tellement d’efforts que c’est triché, que « LeS SCieNTiFiQueS Le DéTeSTeNT !!!! ». Cette envie, c’est la faille de mon esprit où peuvent s’engouffrer toutes les arnaques.
La solution miracle, la formule magique, le cheat code, c’est mon dernier rempart avant l’inéluctable : la destruction du monde. Enfin, avant la destruction de mon monde, du monde tel que je le vois, tel que je voudrais qu’il soit.
Car le monde m’emmerde… Il est comme il est, un point c’est tout : c’est rageant !
Or les accidents de la vie (genre : une pandémie) viennent remettre en question l’image que je me fais du monde. Ils me collent le nez dans le caca de mes illusions, et ne me laissent que deux choix : soit accepter de composer avec le monde tel qu’il est, soit inventer une solution magique pour préserver mes illusions.
La technologie n’est pas la solution
Je ne suis pas le seul. Nous voulons croire aux régimes miracles et crèmes amaigrissantes car autrement il faudrait étudier comment fonctionnent nos corps, et accepter l’effort d’en prendre soin comme ils sont, pas comme on voudrait qu’ils soient. Nous voulons croire au pouvoir de la prière ou de la positivité car autrement il faudrait prendre soin des autres, faire l’effort de les écouter comme iels sont.
Nous voulons croire aux drones-espions-délateurs pilotés par les gendarmes. Car autrement, il faudrait considérer que #LesGens sont des êtres complexes et intelligents qui ne se laissent pas manipuler bien longtemps par la peur et la menace. Il faudrait faire l’effort d’une police de proximité, par exemple, et donc détruire cette vision du monde où la convivialité, où éduquer au civisme, « ce n’est pas le rôle de la police [YouTube] ».
Nous voulons croire aux applications de tracking pistage volontaire. Car autrement, il faudrait faire l’effort de cesser toute activité non essentielle le temps que les dépistages, équipements de protection puis vaccins soient disponibles. Mais pour cela, il faudrait à la fois faire le deuil d’un capitalisme qui a besoin que certains hamsters fassent tourner la roue, ainsi que faire le deuil d’un gouvernement efficace, qui aurait anticipé et qui serait organisé.
Le logiciel libre n’est pas la solution
Faire le deuil de ses illusions, c’est pas facile. Il faut passer l’état de choc et les moments de déni (non mais c’est rien qu’une grippette). Souvent ensuite vient la colère (À QUI C’EST LA PUTAIN DE FAUTE ???), et comme le dit Mémé Ciredutemps : « La colère est une chose précieuse : il faut la mettre en bouteille, pour la ressortir dans les grandes occasions. »
C’est alors qu’arrive le temps des marchandages, le moment où on crie au monde : non mais si j’ai une solution magique, est-ce que je peux pas garder mes illusions ? Juste encore un peu ?
Si on utilise pas Google Classrooms, mais rien que des logiciels libres, on peut faire cours comme si personne n’était traumatisé la continuité pédagogique ?
J’aimerais pouvoir dire que la solution, c’est le logiciel libre. Qu’une application de pistage ne nous fera pas entrer dans la servitude volontaire et la panoptique si elle est sous licence libre. Que des drones libres empêcheraient magiquement les abus de pouvoir et violences policières. Que les communautés du logiciel libre peuvent miraculeusement accueillir les besoins numériques du service public de l’Éducation Nationale.
Mais ce serait du bullshit, de la poudre de perlimpinpin. Ce serait odieusement profiter d’une crise pour imposer mes idées, mes idéaux.
À qui profite la solution
Derrière l’élixir magique qui fait repousser les cheveux de la #TeamChauves, il y a le charlatan. Si la plupart de nos mairies ont dilapidé nos impôts dans des caméras de vidéosurveillance dont l’inefficacité a été montrée, c’est parce qu’il y a des entreprises qui font croire à cette solution magique pour vampiriser de juteux marchés publics.
Je laisse les personnes que ça excite le soin d’aller fouiller les papiers et nous dire quels sont les charlatans qui profitent le plus des solutions miracles de la crise actuelle (du « remède magique » à « l’appli de tracking si cool et citoyenne » en passant par les « drones conviviaux des gentils gendarmes »), je ne vais pas pointer des doigts ici.
Ce que je pointe du doigt, c’est la faille dans nos esprits. Car cette faille risque de se faire exploiter. Ceux qui ont trouvé la solution magique, celles qui ont la certitude d’avoir LA réponse, ces personnes sont dangereuses car (sciemment ou non) elles exploitent une faille dans nos esprits.
Dans le milieu logiciel, après avoir signalé une faille, il faut trouver un patch, un correctif pour la colmater. Je ne suis pas sûr de moi, mais je crois qu’il faut observer nos envies de croire en une solution magique, et ce qu’elles cachent. Regardons en face ce à quoi il faudra renoncer, les efforts qu’il faudra faire, le soin qu’il faudra prendre, les changements qu’il faudra accepter.
Il n’y a pas de solution
Qu’est-ce qu’on fait ? Comment on fait ?
J’ai beau être un sorcier repenti, je suis aussi perdu que quiconque face à cette question (ou alors, si je concluais sur une solution miracle, je ferais la une de Tartuffe Magazine !). Je vais donc me concentrer sur un domaine qui occupe mon plein temps depuis des années : le numérique.
Sérieusement : je me fous que le logiciel soit libre si la société ne l’est pas.
Or, d’après mon expérience, créer des outils numériques conviviaux, émancipateurs… bref éthiques, c’est pas « juste coller une licence libre sur du code ». La licence libre est une condition essentielle ET insuffisante.
Il faut aussi faire l’effort de penser aux personnes dans leur diversité (inclusion), leur intimité (protection), leurs caractéristiques (accessibilité), leurs usages (ergonomie), leur poésie (présentation), leurs pratiques (accompagnement)…
C’est là qu’on voit que, comme toute création de l’esprit, le code n’est qu’un prétexte. Ce qui compte, c’est l’humain. Il faut faire l’effort d’apprendre et d’écouter des humain·es, et de s’écouter soi (humain·e) pour pouvoir se remettre en question, et avancer pas à pas.
La loi des poules sans tête
Je me suis extrait, progressivement, du monde des fariboles magiques. Le plus gros deuil que j’ai dû faire en perdant ces illusions, ça a été celui des « Non mais ça, les responsables s’en occupent. », « Non mais les haut-placés font de leur mieux. », « Non mais les gouvernantes veulent notre bien. ». Toutes ces croyances me confortaient, me réconfortaient. RIP ma tranquillité d’esprit, j’ai dû faire face à cette vérité qui pour l’instant ne s’est pas démentie :
Personne ne sait ce qu’il faut faire, tout le monde improvise, nous courons dans la vie comme des poules décapitées.
La loi des poules sans têtes ne s’est pour l’instant pas démentie, dans mon vécu. La bonne nouvelle, c’est qu’elle implique des corollaires assez enthousiasmants, qui ont changé ma vie :
Si j’arrête de croire qu’une autre personne s’en chargera, je peux influer sur le petit bout de monde qui se trouve devant moi ;
Si je prends la charge d’un sujet, je sais combien c’est énergivore, et j’ai plus de compassion avec les personnes qui ont pris à leur charge d’autres sujets, même quand elles font pas comme je voudrais ;
Si je trouve les personnes avec qui je suis à l’aise pour faire des trucs, on peut agrandir l’horizon du bout de monde qu’on est capable de changer ;
Si on veut pas de hiérarchie, il faut trouver comment s’écouter les unes les uns les autres, afin de mieux s’entendre ;
S’il n’y a pas de personne au-dessus, tout le monde peut résoudre les problèmes que nous vivons ;
Si on écoute les vécus, expériences, connaissances et pratiques qui sont partagées autour de nous, on peut expérimenter et faire mûrir des solutions qui font du bien.
Plot twist : la magie était dans nos mains depuis le début
Le plus gros secret que j’ai appris en cessant d’être sorcier, c’est que la magie existe. Annoncer ce que l’on souhaite faire, comment on veut le faire, et l’aide dont on a besoin pour y arriver nous a plutôt bien aidé à concrétiser nos actions, chez Framasoft. Le fait de transformer les paroles en actions concrètes est possible : j’appelle ça de la communication.
En vrai, il s’agit d’abord d’écouter soi, son groupe, son entourage, son monde… puis d’exprimer le chemin qu’on aimerait y tracer, ce que l’on souhaite y faire. Écouter puis exprimer. Dans l’incertitude et la remise en question. La partie magique, c’est que les gens sont gentils. Si tu leur donnes des raisons de te connaître, de te faire confiance, iels vont t’apporter l’aide dont tu as besoin pour tes actions, et parfois plus.
Les gens sont gentils, et les connards en abusent. L’avantage de m’être déjà fait manipuler par des gourous, c’est que je repère les pseudo mages noirs de pacotille à des kilomètres. Celles qui s’expriment et n’écoutent rien ni personne, même pas la énième consultation publique mise en place. Ceux qui sont obligés de rajouter des paillettes à leurs effets, qui font clignoter de la tracking, parce qu’il leur manque un ingrédient essentiel à la magie : notre confiance.
Il n’y a pas de solution, il n’y a que nous
Si j’applique mon expérience à un « où on va » plus général, mon intuition me dit que la direction à prendre est, en gros, celle où on se fait chier.
Celle où on se bouge le derche pour combattre, éduquer ou faire malgré ces poules sans tête qui se prennent pour des coqs.
Celle où on se casse le cul à écouter le monde autour de nous et celui à l’intérieur de nous pour trouver ce que nous pouvons prendre à notre charge, ici et maintenant.
Celle où on s’emmerde à essayer de faire attention à tous les détails, à toutes les personnes, tout en sachant très bien qu’on n’y arrivera pas, pas parfaitement.
Celle où il n’y a pas de raccourci, pas de solution magique, juste nos petits culs, fiers et plein d’entrain.
À mes yeux la route à choisir est celle qui parait la plus longue et complexe, parce que c’est la voie la plus humaine. C’est pas une solution, hein : c’est une route. On va trébucher, on va se paumer et on va fatiguer. Mais avec un peu de jugeote, on peut cheminer en bonne compagnie, réaliser bien plus et aller un peu plus loin que les ignares qui se prennent pour des puissants.
On se retrouve sur le sentier ?
Promis : la voie est Libre !
Prendre de la hauteur
Aujourd’hui, nous vous proposons une petite (hum) analyse à chaud du processus de maturation des stratégies de Framasoft. Forcément incomplète et bancale, pyg essaie d’y dessiner — à partir du contexte actuel et des actions menées en réaction au confinement — le périmètre des actions à venir.
J’ai failli lui répondre « La stratégie du choc, la montée d’un capitalisme du désastre » de Naomi Klein, un livre qui reste toujours d’une grande actualité pour comprendre comment quelques personnes influentes avaient pu – et continuent à – influer le cours de l’histoire en utilisant la psychologie des foules, la peur et les états de sidération pour faire mettre en applications des doctrines néolibérales qui accentuent les inégalités.
Mais cela me paraissait un peu trop dense, et surtout pas forcément en connexion directe avec les moments inédits que nous traversons en ce moment et les solutions à y apporter.
J’ai donc proposé l’article du Financial Times « Le monde après le coronavirus » du professeur d’histoire Yuval Noah Harari. Une version traduite automatiquement par Deepl s’est retrouvée plus ou moins par hasard en ligne ici, et le magazine Usbek et Rica en a aussi fait une analyse.
Bien que je sois loin d’être un grand fan d’Harari, je lui reconnais volontiers le talent de mettre en perspective les situations, afin d’entrouvrir des portes d’avenirs possibles.
Dans ce texte, dont je ne partage pas l’ensemble de l’analyse, la phrase qui m’a le plus marqué est celle-ci « En cette période de crise, nous sommes confrontés à deux choix particulièrement importants. Le premier est entre la surveillance totalitaire et la responsabilisation des citoyens. Le second est entre l’isolement nationaliste et la solidarité mondiale ».
Les raisons de cette surveillance sont nombreuses, et l’une des plus probables fait probablement jouer ce bon vieux « putain de facteur humain » : les dirigeants gouvernementaux ont lâché l’affaire, et ne se voient plus que comme des « managers » de leur pays et de leurs concitoyens. Et de leur point de vue, pour manager, il faut contrôler.
Pris au dépourvu, et pas dupes du fait qu’il leur sera demandé des comptes dans quelques semaines ou mois, ils sont probablement pris de panique à l’idée d’être jugés pour leur inaction ou leur mauvaise gestion de la crise (et oui, « Gouverner, c’est prévoir ». #onnoublierapas. On ne pardonnera pas.). Après avoir fait l’autruche les premiers jours en demandant au peuple de continuer à travailler comme si ce n’était qu’une mauvaise grippe, ces « personnes en responsabilité », notamment politiques, ont fait ce qu’elles font le mieux : agiter les bras, donner de la voix, brasser de l’air, et faire quelques annonces tonitruantes, le tout en laissant les acteurs de terrain prendre des décisions dans l’urgence pour éviter qu’il n’y ait trop de casse. Cela a rassuré, un temps. Mais la crise étant amenée à durer, voire à se reproduire, ces personnes sont aussi conscientes que cela ne fera pas illusion longtemps.
Il leur faut soi-disant combattre un « ennemi » invisible (spoiler : un virus n’a pas d’intention belliqueuse, il fait sa vie de virus, point barre), microscopique, qui est pourtant aujourd’hui capable de mettre un coup d’arrêt à la sacro-sainte croissance des plus grandes économies mondiales. Se sentant sans doute un peu morveuses (ben oui, la réduction de nombre de lits d’hôpitaux, la précarité de celles et ceux qui sont aujourd’hui « au front », c’est bien eux qui l’ont organisée), elles doivent trouver un bouc-émissaire. Et quel meilleur bouc-émissaire que l’individu ? Celui qui ne respecte pas la loi, pas le confinement, pas le lavage des mains, pas les applaudissements quotidiens certes nécessaires et qui procurent un sentiment d’utilité, mais qui détournent notre attention d’une vigilance et d’une critique collective. Celui qui oserait dire : « Il y a eu du retard dans les mesures de confinement. ». C’est lui, celui qui refuse de prendre les armes pour mener une guerre qui n’en est pas une, qui pourra être incriminé par la suite, masquant d’autant plus facilement les atermoiements, et – disons-le – les erreurs bien plus importantes commises par d’autres.
Surveiller et punir, ça n’est pas très disruptif
Mais pour cela, ces responsables vont avoir besoin d’une alliée : la technologie.
En mettant en place ici une plateforme, là des outils de surveillance, ils pourront toujours dire « Regardez, nous avons agi. Et nos actions démontrent que grâce à nous, … [inventez la fin de la phrase : « La réserve citoyenne a pu aider les agriculteurs en sous nombre », « nous avons pu éviter que de mauvais citoyens contaminent des innocents », etc.] ». Décidément, surveiller et punir, ça n’est pas très disruptif.
Là où se situe, peut-être, la nouveauté, c’est dans la massification, l’hypertechnologisation et l’hypercentralisation de ces mécanismes de surveillance. L’État peut dès demain contraindre les opérateurs téléphoniques à fournir les données de géolocalisation de votre téléphone [edit: zut, le temps d’écrire cet article, et il semblerait qu’Orange le fasse déjà], afin de savoir qui vous avez croisé, à quelle heure, etc. Entre les mains de scientifiques, ces données pourraient être qualifiées de « données d’intérêt général ». Entre les mains de politiques fuyant leurs responsabilités et cherchant des boucs émissaires à sacrifier en place médiatique, elles composent une dystopie totalitaire.
Il sera alors simplissime de basculer d’une société de surveillance à une société de contrôle, ce qui est le rêve humide de pas mal de dirigeants politiques.
À partir de là, tout ce qui n’est pas sous contrôle — qu’il s’agisse d’un logiciel libre diffusant une information non contrôlée, ou d’un pays voisin qui ne serait pas parfaitement aligné avec leurs valeurs et leurs idées — deviendrait alors au mieux subversif, au pire ennemi. C’est en tout cas l’un des risques soulevé dans le texte d’Harari.
Alors évidemment, puisque « nous sommes en guerre » (non), tous les moyens seront permis, « quoi qu’il en coûte » (non plus).
Le positionnement des GAFAM & compagnie
Cette pandémie pose aussi la question de la place des plateformes comme soutien à la « continuité » qu’elle soit pédagogique, informationnelle, sociale (ah, les « CoronApéros » sur Whatsapp…) ou économique et organisationnelle.
Et là, plus que jamais, nous devons être vigilant⋅e⋅s et conscient⋅e⋅s du pouvoir que nous sommes en train de donner à quelques entreprises. Certes l’État fut défaillant. Il l’est encore. Mais Whatsapp, Facebook, Google Docs, ou les lives Youtube ont permis à nombre d’entre nous de rester connectés avec nos élèves, nos collègues, nos ami⋅e⋅s, nos familles.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître pour le directeur d’une association d’éducation populaire qui, depuis des années, alerte sur la toxicité du modèle économique des GAFAM, je leur suis reconnaissant.
Bon, je n’irai tout de même pas jusqu’à leur envoyer des cookies, mais je reconnais le rôle positif qu’elles ont eu dans un moment de panique mondiale qui aurait pu dégénérer.
En nous permettant de rester en lien, de se rassurer les un⋅e⋅s les autres, de partager de l’information, de réfléchir ou d’agir ensemble, ces plateformes ont – peut être – participé à éviter des situations « pires » que celles que nous avons vécues.
À Framasoft, nous essayons, autant que possible, de ne pas porter de jugement sur les pratiques ou les usages numériques, mais plutôt de donner des clés de compréhension et des moyens d’action. Afin que chacun⋅e puisse faire son choix en toute connaissance de cause, librement.
Ces dernières semaines, nous avons donc vu des flots de personnes se ruant sur Zoom, Discord, Google Docs, etc. Et nous nous sommes bien retenus de leur faire la morale, car la situation nous semble déjà suffisamment complexe comme cela.
Mais si notre rôle est de partager des grilles de lecture, alors j’aimerais partager les suivantes avec vous.
1. Un périmètre de surveillance accrue
La première, c’est celle de la capacité de surveillance accrue des plateformes. Tout un pan des interactions sociales qui leur échappait jusqu’à présent leur est aujourd’hui révélé. Whatsapp (qui appartient à Facebook), sait avec qui vous prenez l’apéro. Discord sait qui sont vos élèves. Netflix a pu affiner sa connaissance de vos goûts en termes de séries. Microsoft Teams connait les projets sur lesquels vous travaillez.
Bref, la taille du graphe social vient, en quelques jours, d’augmenter d’une taille significative.
1. Tranquiloubilou, l’appli Zoom transmettait vos données à Facebook(source)
2. C’est « corrigé » depuis, mais cela n’empêche que de nombreuses failles de sécurité, dont certaines gravissimes, ont existé (existent encore ?) (source)
3. Mais même le FBI vous prévient que vous risquez de voir débarquer un type tout nu pendant que vous êtes en visio avec Mamie. (source)
4. Bon ça n’empêche pas même les premiers ministres de faire des boulettes avec. (source)
5. Mais ça va, le cours de l’action de l’entreprise se porte très (très) bien depuis 2 mois. (Indice NASDAQ: ZM)
6. Et, c’est rigolo (non ?), ça profite quand même à Google, l’un des nombreux financeurs (pour l’instant à perte) de Zoom. (Source)
Tout agent économique rationnel devrait donc, à minima, se poser la question suivante : « Comment des entreprises comme Google, Facebook ou Zoom, arrivent-elles à se financer ? Qui paie ? ». La réponse « Par la publicité » est beaucoup trop partielle par rapport à la réalité. Ces entreprises sont en fait des structures d’orientation de nos comportements. Donc des structures de contraintes, et non émancipatrices. C’est ce que l’un des administrateurs de Framasoft, Christophe Masutti, expose dans son livre « Affaires privées — Aux sources du capitalisme de surveillance », en montrant que les choix qui ont abouti à ce capitalisme de surveillance ont été depuis longtemps motivés par la construction d’une économie prédatrice (de nos vies privées et de nos identités) et prescriptive (l’obligation de conformer nos comportements au marché).
Accroître nos usages sur ces plateformes, c’est donc augmenter le pouvoir qu’elles ont – et qu’elles auront – sur nous.
2. Substitution à l’État
La seconde grille de lecture, c’est celle de la substitution aux États, aux services publics, aux autorités administratives.
Il n’aura échappé à personne que nos représentants et élus nationaux, qui vivaient déjà une crise de confiance, sont aujourd’hui pointés du doigt pour leur gestion approximative de la crise. Dans ce cadre-là, il ne parait pas absurde de supposer que les organisations et les individus se retournent vers « ce qui marche, même quand le monde est à l’arrêt ». Et sur ce plan, nul doute que la confiance dans les plateformes vient de gagner pas mal de points. Tout agent politique rationnel aura donc intérêt à s’adosser aux plateformes, afin de profiter de l’effet de confiance qu’elles auront accumulé. Leur utilité à la vie publique, économique et sociale était déjà importante, elle est devenue aujourd’hui centrale et essentielle.
L’importance des GAFAM est devenue à ce point critique qu’il devient assez simple de comprendre que celui qui les contrôlera contrôlera le monde.
Si l’on regarde l’autre face de cette pièce, on peut déduire qu’au vu de l’accroissement de la puissance de ces plateformes, on constate un affaiblissement du pouvoir des États et des institutions qui les composent.
On va donc probablement voir dans les prochaines semaines/mois une tension entre deux courants.
D’un côté, la poursuite de la « plateformisation » de nos vies (et pas seulement de l’État). En période de confinement, obtenir un créneau de livraison – qu’il s’agisse d’une paire de chaussettes via Amazon ou d’un plat Thaï par Uber Eats – devient une gageure. D’autant plus que derrière le bouton « Commander », c’est bien un être humain qui doit conduire ou pédaler dans des rues désertées pour vous livrer, parfois au risque de sa vie.
D’un autre côté, il y aura probablement pour les États la volonté d’utiliser le régime d’exception de « l’état d’urgence sanitaire » et son cortège d’ordonnances pour restreindre les libertés fondamentales, notamment en contraignant les plateformes à fournir des données et des outils de surveillance.
Entre la peste et le corona, l’ami Antonio Casilli en vient à évoquer une troisième voie, en rupture totale avec les précédentes : « certaines de ces grandes plateformes sont en réalité des infrastructures d’utilité publique qu’on a intérêt a minima à réguler de manière contraignante, et a maxima à collectiviser. Je ne parle pas forcément de nationalisation, j’y suis même assez opposé, mais de retrouver la vocation initiale de ces plateformes, un terme qui évoque un projet commun. Cette approche par les communs serait un profond changement de nature qui pourrait émerger de l’urgence. ».
Ça, c’est certain, c’est une solution qui aurait de la gueule, du panache même ! Et qui profiterait vraiment à plusieurs milliards d’êtres humains, hormis la petite dizaine de multi-multimilliardaires qui contrôlent ces entreprises. Mais bon, même si à 7 milliards contre 10 personnes, l’affaire serait vite pliée, je ne suis pas dupe du fait que les mentalités ne sont pas encore prêtes à envisager une telle bascule de la propriété privée vers les communs.
Et on fait quoi, nous, libristes, là dedans ?
« Les libristes », ça n’existe pas plus que « les profs » : les communautés et individualités sont multiples. Mais je me suis permis ce long détour, essayant d’entrevoir des avenirs possibles, afin de tenter d’expliquer quelle pourrait être la stratégie de Framasoft dans les semaines et les mois à venir.
Sortir de la sidération
Pour l’instant, et comme notre « Journal du confinement » vous en a donné les bribes, notre principale réaction a été, eh bien… de réagir. Ce qui est bien plus facile à écrire qu’à faire.
Il s’agissait surtout de sortir de l’état de sidération dû aux chocs des annonces de confinement. Chocs dus aux répercussions sur nos services, mais aussi répercussions psychologiques sur les équipes salariées comme bénévoles. Cela s’est mis en œuvre de la façon suivante :
Axe 1 : prendre la mesure
Les trois premières actions, immédiates, furent :
1. de mettre au clair le fait que la santé (physique, mentale, psychique) et le bien-être de chaque membre passait en priorité devant toute autre mission ou engagement. C’était évidemment déjà le cas avant, mais cela a permis de mettre tout le monde à l’aise : si on est angoissé, malade, fatigué, qu’on a des courses à faire, les enfants à qui il faut faire la classe, ou même si on est juste en colère après la situation, eh bien on peut arrêter de travailler ou de bénévoler, ne plus répondre aux notifications ou messages. Et ce, sans autre justification que la situation exceptionnelle vécue en ce moment. C’est bête, mais le rappeler nous a, je pense, fait du bien à tou⋅te⋅s.
2. de suspendre tous les projets en cours : crowdfunding, PeerTube, Mobilizon, Framacloud, etc. Et d’affecter toutes les forces bénévoles et salariées sur la problématique COVID-19. Cela nous a permis de ranger dans un placard tous les « onglets mentaux » qui seraient venus nous rajouter de l’anxiété ou de la charge mentale. Avoir un et un seul objectif clair (pouvoir accueillir la vague qui nous tombait dessus) nous a évité de nous disperser, ce qui serait immanquablement arrivé si nous avions essayé de jongler en plus avec nos tâches « pré-confinement ».
3. dire temporairement non à l’Éducation Nationale. Nous l’avons évoqué à de multiples reprises ici ou ailleurs, cela n’a pas été une décision facile à prendre. Mais faire ce choix et inviter profs et élèves à se référer à leur Ministère n’a eu quasiment que des effets positifs !
Il a participé à mettre en lumière l’impréparation du Ministère (qui affirmait que « Tout était prêt »).
Il a permis à toutes les associations, collectifs, particuliers, petites entreprises, syndicats qui utilisaient nos services de pouvoir continuer à les utiliser. En cas de panne due à l’afflux brusque et soudain d’élèves, toutes ces structures se seraient retrouvées sans accès à leurs données, ou sans capacité de se coordonner avec leurs outils habituels.
Il a rappelé que Framasoft n’est pas un service public, et ne souhaite pas s’y substituer. Non, parce qu’en vrai, on aime les services publics et voir des entreprises, des startups ou même des associations prendre leur place est à notre avis une très très mauvaise idée, et concourt à les affaiblir plus qu’à les renforcer.
Sur ce dernier point, il est à noter 1) que nos services viennent de rouvrir aux enseignant⋅e⋅s, tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une ressource partagée dont il ne faut pas abuser ; 2) qu’en dehors de deux ou trois grincheux, l’immense majorité des enseignant⋅e⋅s ont compris et même soutenu notre démarche. Merci à elles et eux pour tous les messages d’encouragement reçus.
Axe 2 : renforcer le collectif CHATONS :
Nous avons mis du temps salarié (et stagiaire) à organiser des réunions CHATONS, préparer des communiqués, des images, structurer et synthétiser des idées. Merci à tous les membres du collectif qui se sont mobilisés !
Axe 3 : améliorer les perfs et la stabilité de nos services
Nos équipes techniques ont travaillé d’arrache-claviers à l’amélioration des performances des logiciels qui étaient stressés. Ainsi, il est probable que Framasoft soit l’organisation qui opère le plus de pads et de calcs dans le monde (500 000 pads et 200 000 calcs, qui dit mieux ?). Du fait de cette position, la moindre amélioration des performances sur le logiciel original, permet de rendre nos services plus performants, mais aussi d’améliorer à terme les performances et la stabilité de tous les pads ou calcs de la planète. Dit autrement : les améliorations apportées à Framapad.org pendant le confinement (ici, là où là) profitent aux pads April, aux pads Infini, aux pads de La Quadrature ou de la FFDN, etc. ;
Nous avons réparti la charge entre nos services pris d’assaut par ceux identifiés et validés. Cf. par exemple https://framatalk.org/ qui redirige vers plusieurs dizaines d’autres instances de façon aléatoire ;
Nous avons loué une dizaine de nouveaux serveurs et commencé à répartir les services surchargés dessus.
Axe 4 : accompagner par des outils, des savoirs-faire, des savoirs/expérience.
Il s’agissait de répondre aux besoins et aux appels à l’aide.
fermeture de nos messages privés sur les médias sociaux car l’accroissement des messages et l’attente de réponses immédiates nous mettaient trop de pression (rappelons encore que Framasoft n’est pas une startup, et ne souhaite pas le devenir !). Merci de passer par notre guichet unique, qui vous réorientera.
Mise en place d’un service web pour accéder à Mumble (sans avoir besoin de télécharger le logiciel, qui reste indispensable si vous voulez vous créer un salon à vous)
développement d’une application Nextcloud (encore non publiée) qui permet d’ajouter un message sur la page d’accueil (nous en avions besoin pour rdv-medecins, justement) :
Bon, c’est déjà pas mal.
Surtout en 15 jours. Surtout en pleine pandémie.
Mais cela ne fait pas vraiment une stratégie. Ni un plan.
Il faudra évidemment dénoncer les lois liberticides qui ne manqueront pas d’arriver. Il faudra garder traces de tous les mensonges. (je le répète : #onnoublierapas. On ne pardonnera pas.)
Il faudra aussi pousser les institutions à prendre conscience du fait qu’il faut prendre soin de nos infrastructures numériques. Développer ou contribuer activement aux alternatives libres à Zoom (coucou Jitsi) ou à Google Docs (coucou Nextcloud et LibreOfficeOnline) coûterait peu. Très peu. Trop peu ? Car c’est à se demander comment une micro-association comme Framasoft peut se retrouver à développer, de front, des logiciels comme PeerTube, Mobilizon, Framadate, Framaforms et bien d’autres tout en contribuant en parallèle au code d’Etherpad, d’Ethercalc ou de Nextcloud, sans que ces mêmes institutions, qui utilisent ces logiciels, ne les perçoivent comme des « communs stratégiques ».
[Edit : le temps de publier ce billet, nous apprenons par hasard que PeerTube sera déployé par 35 académies. Tant mieux, vraiment. C’est exactement ce qu’il faut faire. Maintenant, cela ne fera sens et ne sera résilient (encore un terme absorbé par le capitalisme) que si l’État contribue au développement de ce logiciel, porté à bout de bras par une petite association Française, si des moyens financiers sont débloqués pour héberger les données en interne (Scaleway, c’est anciennement Online, filliale à 100% du groupe Illiad détenue majoritairement par le multimilliardaire Xavier Niel), et si le ministère embauche et rémunère correctement des équipes informatiques pour gérer les services. Sinon, on revient exactement à la situation de l’État-prédateur-gestionnaire-irresponsable pré-COVID19.]
L’État et les collectivités paient (et c’est tant mieux, car c’est aussi leur rôle, même si l’État s’est fortement désengagé ces dernières années) pour entretenir les espaces publics, les voiries, les chemins, les espaces naturels. Mais quand il s’agit de produire des briques publiques en logiciel libre, les initiatives restent bien timides. Inviter les développeurs et développeuses du libre à produire des alternatives à Zoom ou Google Docs en mode Startuffe Nation ou même en mode communautaire/associatif, puis à en devenir simple consommateur, revient quelque part à nier le caractère essentiel de ces infrastructures numériques.
Numérique et effondrement
Il y a un an quasiment jour pour jour, mon camarade Gee et moi-même donnions une conférence lors des JDLL 2019 sobrement intitulée « Numérique et effondrement » et cyniquement sous-titrée « La bonne nouvelle c’est que le capitalisme va crever. La mauvaise nouvelle, c’est qu’on risque fort de crever avec lui. ».
La vidéo fut perdue, mais nous avons pu remettre la main sur la bande son et, du coup, on vous a refait un montage avec le son et le diaporama, sans nos trombines. Franchement, vous êtes gagnants.
C’était un peu foutraque (nous ne sommes pas experts du sujet). On y parlait dérèglement climatique, perte de biodiversité, risque de pandémie (bon, rapidement, nous ne sommes pas devins non plus), inaction politique et, évidemment, numérique.
Cela avait été pour moi l’occasion de réfléchir à ce que nous pourrions faire, nous, libristes, dans un monde où l’Etat serait en grande partie absent.
Cette réflexion était loin d’être aboutie (il faut dire qu’on espérait peut-être avoir quelques années pour l’affiner), et surtout, elle ne présentait qu’une stratégie parmi des millions de stratégies possibles, des milliers de souhaitables, et des centaines qui pourraient être mises en œuvre.
Elle se résumait en gros en 6 points. Ces points ne constituent ni un plan de bataille (on n’est pas très belliqueux), ni une stratégie (qu’on vous exposera dès qu’on l’aura conçue 😉 ), mais ils constituent à mon avis une ligne directrice, un fil rouge, qu’il pourrait être intéressant de suivre dans les mois à venir.
1. Convivialité
Il faudra poursuivre le développement d’outils conviviaux (au sens d’Ivan Illich).
Pour Framasoft, cela signifie reprendre le développement de Mobilizon et PeerTube, actuellement suspendus. Et voir si nous avons toujours les moyens humains et financiers de produire notre projet « framacloud » (un Nextcloud blindé d’extensions, avec du LibreOfficeOnline, ouvert à toutes et tous, mais avec un espace disque volontairement très limité).
Mais il y aura sans doute de nouveaux outils à inventer et à construire dans un monde post-confinement.
Nous resterons attaché⋅e⋅s à ce que ces outils soient libres et émancipateurs.
2. Communs
L’épisode Coronavirus aura montré qu’en tant que société, le choix entre intérêts privés et intérêt général est d’autant plus clivant, et n’est pas sans conséquence sur la vie de milliards d’individus.
Le discours « TINA » ne tient plus : il y a une autre voie entre une gestion privée et le tout-État, et ce sont les communs, ces multiples communautés se fixant des règles pour partager et pérenniser des ressources communes. La théoricienne des communs, Elinor Ostrom, a montré qu’une gestion collective peut être plus efficace qu’une gestion publique ou privée. La propriété exclusive est également à remettre en question, les communs mettent en lumière des formes de propriétés collectives variées et inventives.
Distincts du public et du privé — en tout cas en échappant à la propriété strictement privée et en ouvrant des propriétés « d’usage » — ils nous semblent la meilleure piste à développer pour prendre conscience de nos interdépendances (entre humains, avec la nature, avec les non-humains, etc.).
À Framasoft, nous continuerons à promouvoir les communs, notamment numériques.
3. Coopération, collaboration et contribution
Faire, c’est bien. Faire ensemble, c’est mieux.
L’un des plus grands défis que nous avons à relever en tant qu’association d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels est peut-être de rappeler qu’il faut prendre soin d’Internet en général et du logiciel libre en particulier, car il s’agit de communs essentiels. L’immense majorité des gens n’ont aucune idée de la façon dont est conçu et développé un logiciel libre. Et pour celles et ceux qui le savent, très peu osent contribuer. En conséquence, l’épanouissement de logiciels libres repose beaucoup sur une forme de « caste de développeurs et développeuses », qui détiendrait l’espèce de pouvoir magique de transformer des lignes de codes en logiciels.
C’est entre autres pour contribuer à changer cet état de fait que Framasoft a initié sa campagne « Contributopia ». Il s’agit de rendre chacune et chacun légitime et capable face au numérique. Et cela ne pourra se faire qu’en accueillant, en mettant en confiance, en donnant des clés, en partageant nos savoirs et nos pouvoirs.
« La route est longue, mais la voie est libre » est un des slogans de Framasoft. Soyons honnêtes : nous tâtonnons et itérons encore sur ce chemin, mais nous savons que c’est la voie à suivre.
4. Collectif, et communauté
Faire c’est bien. Faire ensemble, c’est mieux. Se (re)connaître, c’est se donner les moyens d’aller plus loin.
Non, on ne va pas se mentir : le collectif, parfois, c’est la merde. On est pas d’accord, on se dispute, on peste après les engagements non tenus des uns, ou après les modalités de prise de décision des autres. C’est parfois épuisant.
« Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » dit l’adage. Et parfois, eh bien on a juste envie d’aller plus vite.
Cependant, une communauté ça vous soutient, ça vous nourrit. Parfois au sens littéral, car à Framasoft, nous ne vivons que de vos dons. À titre personnel, on peut donc dire que c’est la communauté Framasoft qui remplit mon frigo et paye mon loyer (merci !). Construire ou rejoindre un collectif ou une communauté, c’est un travail long, lent, parfois fastidieux. Ça nous bouscule. Mais là encore, dans « le-monde-d’après-mars-2020 », c’est probablement dans ces communautés, qu’elles soient locales ou virtuelles, que vous trouverez la force d’agir.
5. Confiance.
Wikipédia nous apprend que la confiance serait « un état psychologique se caractérisant par l’intention d’accepter la vulnérabilité sur la base de croyances optimistes sur les intentions (ou le comportement) d’autrui ». C’est un poil compliqué dit comme ça, mais on peut en retenir qu’il s’agit de se fier à quelqu’un.
Là encore, pour Framasoft, la confiance est essentielle. La confiance que notre communauté nous porte. Celle que nous plaçons dans les valeurs du libre.
La « crise de confiance » que nous vivons, notamment envers les responsables politiques ne doit pas nous amener à nous replier sur nous-mêmes. Nous continuerons donc à tisser des liens au sein de notre archipel. Tout simplement parce que nous ne voulons pas d’un monde où la méfiance serait le comportement par défaut.
6. Culture
« Mais qu’est-ce qu’elle vient faire là, la culture ? On parle bien de logiciel libre, non ? »
Eh bien elle a tout à faire là, la culture. Parce que c’est elle qui nous relie. Mais aussi parce que c’est elle qui nous différencie. Et que sans ces différences, tout serait normalisé, lissé… triste en fait. Mais aussi, parce que le logiciel libre, nous l’avons dit et répété, est un moyen et non une fin.
« Pas de société libre sans logiciel libre » avons-nous souvent l’habitude de dire. C’est donc bien cela que nous voulons, c’est bien cela notre objectif : une société libre.
D’après Wikipédia (toujours elle), « En sociologie, la culture est définie de façon plus étroite comme « ce qui est commun à un groupe d’individus » et comme « ce qui le soude », c’est-à-dire ce qui est appris, transmis, produit et créé. ». Ca tombe bien, Framasoft est classée — puisqu’il faut aux administrations une case pour chaque chose — dans la rubrique « associations culturelles ».
« En cette période de crise, nous sommes confrontés à deux choix particulièrement importants. Le premier est entre la surveillance totalitaire et la responsabilisation des citoyens. Le second est entre l’isolement nationaliste et la solidarité mondiale » disait Harari.
Face à ces choix, parce que le monde a changé, Framasoft devra donc inventer de nouvelles façons d’apprendre, transmettre, produire et créer.
Framaconfinement semaine 2
Le temps passe à une vitesse en cette période de confinement ! On est déjà jeudi de cette troisième semaine de confinement et on ne publie que maintenant le résumé de nos aventures de la semaine dernière ! Il est vrai que cette seconde semaine a été autant chargée que la première pour Framasoft et que la rédaction de cet article n’était pas notre plus grande priorité. Pouhiou en a commencé la rédaction en cours de semaine et c’est Angie qui se charge de la terminer. Voici donc un article à 4 mains pour garder une trace de ce qui nous anime ces jours-ci.
On va pas se mentir : ouvrir son ordinateur le lundi matin, tout lire et tout rattraper quand on a passé le week-end sur une île déserte numérique : wow. Tout le monde chez Framasoft a participé au travail et aux échanges communs, et il y a 42 000 notifications à rattraper. Je n’imagine même pas comment JosephK, qui rentre de 4 semaines de congés, va réussir à s’y retrouver dans tout ce broll !
Aujourd’hui, Lise a pris le temps d’aider AnMarie pour paramétrer son application Plumble sur son smartphone : la carte son de son ordi déconne et l’isole d’autant plus. Désormais, elle est de toute voix avec nous lors des réunions, et ça fait du bien !
Pyg a mis en place un pad de c’est quoi qu’on veut faire, la boite à envies. L’idée, c’est de prendre le temps de ne plus faire pour se poser et réfléchir… et ça, c’est pas gagné ! Mais le monde a changé (c’est notre nouveau mantra), donc c’est le moment d’interroger nos envies et de voir ce que l’on voudrait changer. Par exemple, est-ce qu’on va remettre en question nos plans pour l’année ? Avec le chamboulement que nous venons de vivre, il va falloir faire l’inventaire : qu’est-ce qui va être retardé ? Qu’est-ce qu’on va remettre à plus tard ? Qu’est-ce qu’on va modifier ? Mais ça nous semble encore trop tôt pour être sûr·es de quoi que ce soit.
Le lundi, c’est le jour de la réunion des salarié⋅es, sur notre Mumble. Celle-ci est longue, près de 3 heures, mais on a besoin de parler. J’en sors avec un sentiment de lourdeur, une tristesse (que je crois partagée) qui ne me quitte pas pendant deux trois jours. On ne le dit pas forcément entre nous, ou en tous cas on n’appuie pas dessus, mais le confinement, c’est pas la joie…
Luc ne va vraiment pas mieux niveau santé mais il fait du pain et nous partage ses recettes. Il met à jour Gitlab. Il installe une interface web à Mumble qui le rend d’autant plus pratique, du coup ! (sauf qu’on ne peut pas y créer de salon, mais bon si une personne le crée sur le logiciel pendant que 9 rejoignent le salon depuis l’interface web, ça simplifie 9 fois sur 10 l’usage, alors c’est déjà ça).
Dans la série #LesGens ont du temps, il y a plein de personnes qui essaient d’installer Framaforms (ce doit être une espèce de défi confinement level master ninja du serveur), et qui partagent leurs erreurs avec Théo, ce qui lui permet d’améliorer grandement le process et la doc.
Le projet entraide.chatons.org avance, le forum du collectif fourmille et occupe beaucoup Angie, Pyg et Lise (ainsi que tcit qui bidouille de la démo). Angie sort de chez elle pour la première fois depuis une semaine : aller dans un hypermarché c’est pas la folie, mais se rendre compte qu’ils ont coupé la musique ça fait un bien fou. #UnAutreMondeEstPossible
Mardi 24 mars en brèves et en groumph (toujours Pouhiou)
Depuis hier, Chocobozzz a le nez dans Etherpad et cherche à l’optimiser. Ainsi que MyPads. Et le pire c’est qu’il y arrive le bougre. Genre on a des stats et des graphiques… Comme on le dit dans le métier (et si vous nous pardonnez ce terme technique) : ça poutre !
tcit y travaille avec lui, quand il ne bidouille pas sur l’instance de prise de rendez-vous pour les médecins. Et quand il n’aide pas sur la page entraide.chatons.org . C’est pas possible d’être partout à la fois comme ça : je soupçonne de plus en plus tcit de voyager dans le temps avec le Docteur.
Luc installe un troisième vidéobridge pour Framatalk. Si j’ai bien tout compris, c’est ce qui permet de répartir la charge des vidéo-conférences sur trois serveurs, sur 3 machines à la fois. Et il trouve quand même la pêche pour patcher MyPads et faire des gâteaux au matcha.
Angie, Pyg et Lise sont à fond sur le CHATONS. Et que ça crée des fiches dans la base de données (sous Drupal) pour alimenter la page du projet entraide.chatons.org, et que ça crée des visualisations, et que ça coordonne, et que ça réunionne… Angie trouve quand même le temps de mettre en page l’article annonçant l’ouverture du librecours Culture Libre sur le blog et de faire le point avec Arthur sur son stage de traduction.
Pyg, quant à lui, ouvre aussi une page de notre wiki interne pour y noter les statistiques de fréquentation des services qui se font assaillir depuis le confinement. Histoire de documenter l’écart. Oh, et cet enfoiré (je l’aime, mais c’est un enfoiré) nous fait découvrir le compte twitter de MalaiseTV. On a les yeux qui saignent.
Théo a du mal à s’en remettre et à finaliser son beau README pour Framaforms. Spf s’en remet suffisamment pour intégrer des contributions à la documentation de Jitsi et ajouter la doc écrite par tcit de l’outil de prise de rendez-vous pour les médecins.
Moi, ce mardi, j’arrive à rien et ça me groumphe. J’ai l’impression de passer ma journée à être payé pour tweeter. Pourtant je sais comment ça se passe, hein. Quand j’ai un gros texte à rédiger (genre le journal du framaconfinement de la fin de semaine), je sais que je ne vais arriver à rien le temps que mon cerveau prémâche le boulot en tâche de fond. Mais c’est un problème qu’on a souvent, chez Framasoft : quand on voit tout ce qui est fait par les autres, on a parfois cette peur de ne pas être à la hauteur, d’être dans l’imposture. Alors oui : pour contre balancer on se dit entre nous combien c’est OK de ne pas produire, de ne pas y arriver, voire de rater des trucs. Mais on a beau le savoir, on a beau avoir les mots qui réconfortent, c’est toujours aussi rageant à vivre que de se sentir bloqué dans son boulot… Surtout quand je vois tout ce que font mes collègues.
Mercredi 25 mars par Angie
Ce mercredi, Pouhiou a plus d’énergie qu’hier et prend donc du temps pour rédiger l’article Framaconfinement de la fin de la semaine 1, le faire relire aux membres de l’association et le mettre en forme pour sa publication. Il continue en parallèle à animer nos comptes sur les médias sociaux et fait le constat qu’il trouve #LesGens bien plus sympathiques lorsqu’il est en forme !
Pyg a pris connaissance du long billet de blog d’un de nos membres, Framatophe, et en fait une synthèse pour les autres membres de l’association. Il a aussi continué le travail entamé mardi sur les statistiques de fréquentation de nos services. Et a répondu à de nombreux mails laissés en attente.
Avec tcit, ils ont continué à aider MrFlos, en charge des services de Colibris Outils Libres et ljf de ARN sans-nuage.fr sur la création de la page entraide.chatons.org et j’ai continué à alimenter la base de données afin que tout ce dont nous avons besoin pour cette page soit bien renseigné. C’est une tâche un peu ingrate, très répétitive, qui m’a rappelé mon premier job dans une SS2I au début des années 2000 où je m’étais retrouvée à entrer manuellement en bdd un catalogue papier de modèles de WC à poser !
Du côté de l’équipe technique, le travail pour améliorer les performances d’Etherpad continue : Luc et Chocobozz mettent en place des patchs dans tous les sens ! Tcit continue à mettre à jour la liste des instances sur Framapad et Framatalk. Quant à Théo, il continue à s’occuper de Framaforms, avec l’aide ponctuelle de tcit.
Spf (aka « What’s up doc? »), passe une partie de sa journée à rédiger la documentation sur la version web du logiciel Mumble. C’est quand même bien pratique de pouvoir utiliser Mumble depuis un navigateur sans avoir à installer le logiciel sur son ordinateur ou une application sur son smartphone, même si une partie des fonctionnalités ne sont pas disponibles dans cette version web.
Je passe une partie de la journée à discuter avec des gens ! Maxime du Cinéma Nova m’a appelée pour prendre des nouvelles et m’indiquer que mon intervention au sein de leur structure prévue en mai sera reportée. J’ai aussi eu une réunion sur Mumble avec Stph, Framatophe et pyg pour parler d’un projet tuteuré pour des étudiants de l’UTC.
Jeudi 26 mars en brèves, mais toujours à fond !
Le projet entraide.chatons.org avance toujours : après un point téléphonique entre les protagonistes pour faire le point sur les avancées du projet et lister ce qu’il reste à faire, tcit et pyg continuent à donner un coup de main sur la partie technique tandis que je continue à compléter la base de données et le wiki. Lise nous concocte de très belles petites images de chatons pour illustrer chaque service ! Ça avance bien et ça fait du bien de voir ce chouette projet devenir réalité.
AnMarie continue ses activités administratives et comptables tout en papillonnant de canal en canal au sein de notre messagerie collaborative pour suivre les différents échanges au sein de l’association. Elle a parfois le sentiment d’être un peu submergée par tous ces échanges car depuis le début du confinement, la majorité des discussions au sein de l’association se déroule sur notre Mattermost et ça part un peu dans tous les sens.
Côté technique, Luc installe et paramètre une nouvelle instance de Framadrop, notre outil de partage temporaire de fichiers. Après avoir patché la version française de web.mumble.framatalk.org, il s’occupe aussi de changer le disque dur d’un de nos serveurs et fait du ménage sur un autre qui n’avait pratiquement plus de place. Chocobozzz fixe des plugins Etherpad pour prévoir une mise à jour de nos instances vers la version 1.8. Pouhiou et tcit se chargent de rédiger et mettre en ligne un nouveau message d’information pour le nouveau serveur Framadrop. Et parce que nos services Framatalk et Framapad vont mieux, ils s’occupent aussi de modifier le message existant sur ces services.
Spf, Théo et des membres bénévoles continuent à répondre aux nombreuses demandes des utilisateur⋅ices de nos services, que ce soit sur notre forum ou via notre formulaire de contact.
Pouhiou est très enthousiaste aujourd’hui car l’article Un librecours pour mieux contribuer à la Culture Libre et le mémo sur le télétravail semblent très appréciés sur les médias sociaux. Ça lui donne l’énergie de se mettre à la rédaction du début de cet article (journées de lundi et mardi) avant de prendre connaissance des commentaires publiés sur les derniers articles du Framablog.
De mon côté, j’ai réussi à me bloquer 2 heures pour préparer une intervention prévue demain. Cette intervention, prévue depuis plusieurs semaines, a lieu dans le cadre de la formation continue diplômante DIPCO (diplôme en Codesign) proposée par le CNAM, le collectif Codesign-it! et le CRI aux professionnel⋅les pour qui la dynamique collaborative est un enjeu pressant. La session sur laquelle j’interviens traite de gouvernance distribuée et des nouveaux modèles d’organisation. Je tenterai donc d’y expliquer la gouvernance de Framasoft.
Vendredi 27 mars : on ne chôme pas !
Le vendredi est toujours un peu particulier parce qu’une partie d’entre nous (pyg, Pouhiou et moi) ne travaillent pas. Alors que Pouhiou s’est déjà réfugié dans son île merveilleuse d’Animal Crossing et que pyg s’est chargé d’aller faire les courses pour ses voisins et de faire un petit break, j’ai pris le relais sur l’animation de nos comptes sur les médias sociaux pour la matinée, tout en continuant à préparer mon intervention sur la gouvernance de l’association.
AnMarie a fini sa semaine en beauté puisqu’elle a terminé la saisie dans notre logiciel de comptabilité des relevés de dons des mois de janvier et février : ça peut paraître anodin, mais cela représente plus de 80 pages de relevés bancaires à vérifier et c’est un boulot de dingue. D’ailleurs elle se réjouit déjà des relevés de mars qui ne vont pas tarder à arriver 😉
Côté entraide.chatons.org, tcit a passé une bonne partie de la journée sur la résolution d’un bug coriace et pyg a bidouillé sur Drupal pour avoir de nouvelles vues de la base de données. J’ai aussi commencé à rédiger l’article annonçant la sortie officielle du projet, histoire de prendre un peu d’avance et qu’on puisse diffuser l’information dès que la page sera prête.
Côté technique, Luc a testé, mergé et publié les patchs des plugins du logiciel Etherpad réalisé hier par Chocobozzz afin de rendre compatible l’outil pour une migration vers sa version 1.8.
Et ce week-end ?
Côté salarié⋅es, je pense qu’une grande partie d’entre nous a vraiment fait un gros break ce week-end. Ces deux dernières semaines ont été très intenses : il a fallu réagir dans l’urgence et réorganiser nos activités respectives. S’y est ajouté pour nous tou⋅tes le fait de vraiment vivre la situation du confinement, dans des contextes propres à chacun⋅e. Chocobozzz a quand même pris du temps sur son samedi pour redévelopper le système multi threads de Framacalc qui commence à peiner lors des heures de pointe et un moment de son dimanche pour mettre à jour les serveurs sur lesquels sont installés nos instances du logiciel JitsiMeet (mises à jour mineures pour le client, majeure pour le bridge vidéo).
Et bien sûr, pyg n’a pas pu s’empêcher d’aller rédiger un nouvel article : une façon pour lui de prendre du recul sur la situation ! Mais ça on vous en parlera la semaine prochaine…
Solidarités numériques : le Libre se mobilise
Le Libre et ses acteurs et actrices, associatifs ou individuels, se mobilisent davantage encore dans les conditions compliquées si particulières du confinement.
La situation de confinement que nous traversons nous oblige à repenser, à inventer nos modes de communication, nos façons de travailler pour continuer, malgré tout, à mener à bien nos projets, nos activités tout en gardant le lien, avec les bénévoles et les équipes de nos organisations, nos élèves et les accompagner au mieux.
Aux CEMEA, nous sommes choqués de recevoir quasi quotidiennement dans nos boîtes mails de soi-disant « guides de survie numérique en période de confinement », provenant souvent de « start-ups associatives » qui nous proposent pêle-mêle des solutions payantes, d’autres gratuites, sans jamais faire référence à la façon dont seront traitées nos données, ni faire la différence entre le service “gratuit” d’une multinationale et celui volontairement éthique et fraternel d’une association.
Donc essayons de « dégoogliser le confinement ». Voici quelques-unes des initiatives récentes du numérique libre pour aider à franchir ensemble les semaines houleuses de la crise sanitaire.
Nous allons forcément en oublier, mais vous pouvez nous faire signe pour que nous puissions compléter et mettre à jour la liste ci-dessous.
C’est parti pour une recension rapide sans souci hiérarchique particulier.
C’est où/c’est ouvert ?
Sur ce site https://www.caresteouvert.fr vous pouvez savoir sur une carte (openStreetMap, la cartographie libre et collaborative qui fait la nique à googlemaps) quels sont les services « encore ouverts », ça peut être utile. Et c’est également collaboratif : signalez vous aussi les ouvertures/fermetures de lieux utiles en période de confinement.
Dépannons avec des panneaux
Le site http://revolf.free.fr/local-pad-sign/# permet d’imprimer facilement des affiches et panneaux d’affichage avec des informations utiles pour vos voisins de balcon, de hall d’immeuble, de zone pavillonnaire, dans la rue sur le trajet du ravitaillement etc. Vous pourrez inclure automatiquement un QR code et l’adresse d’un pad dans votre affiche.
Enseignant⋅e⋅s dans l’urgence
L’association Scenari qui milite pour les usages de la chaîne éditoriale du même nom, vous propose une opération spéciale.
Que vous permet Scenari ? De pouvoir publier vos cours facilement avec une chaîne éditoriale : vous rédigez une seule fois pour publier sous de multiples formats, et vous n’aurez qu’un seul document à modifier /mettre à jour.
N’ayez pas peur de l’apprentissage d’un nouvel outil numérique, vous aurez l’appui et le soutien d’une personne de l’association : parrainage pour rédiger des cours, couplage avec Canoprof pour le primaire et le secondaire, parrainage d’apprentissage de la plate-forme. Accès offert à l’hébergement et à la mise en ligne des contenus que vous aurez produits (services en temps normal réservés aux adhérents de l’association)
Des Zourits pour l’école
les CEMEA proposent l’accès gratuit à de nombreuses ressources libres pour l’école adresses mail, audioconférences avec jitsi, etc. mais aussi un accompagnement pour les enseignant⋅e⋅s etc. Tout cela est expliqué sur cette page.
2 plaquettes informatives et pour les contacter (liens directs vers .pdf) :
– pour les écoles
– pour les petites assos
Urgences numériques
Vous faites partie des acteurs locaux stratégiques : un support et dépannage numérique vous est proposé par un collectif de plus de 200 personnes bénévoles, professionnelles des technologies d’information, qui peuvent vous aider à faire face à vos urgences : pharmacies, cabinets médicaux, mairies, établissements scolaires, commerces d’alimentation, associations, indépendants. Vous pouvez donc demander de l’aide mais aussi participer pour en fournir à votre tour (c’est ça l’esprit Contributopia, hein)…
Le Big Boinc
Boinc, c’est le calcul collaboratif pour la recherche médicale, nous signale Tikayn. Votre ordinateur ou votre ordiphone s’ennuient avec leurs puissantes capacités généralement en sommeil ? Contribuez par leur puissance de calcul à la recherche médicale, comme le font déjà plus de 4 millions de personnes.
Github spécial Covid
Bastien recense sur ce Gthub les ressources libres et open source d’info et solidarité autour de la pandémie :
Même les Balkany veulent contribuer ! (ah non zut ils ne sont pas libres)
Et du côté de Framasoft ?
La liste des instances Jitsi meet s’allonge de jour en jour, vous la trouverez ici avec tous les liens utiles, si vous cherchez à utiliser des conférences audio et visio qui ne vampirisent pas vos données. En prime, pour débuter dans l’exercice ajoutons l’excellent wikiguide proposé par jcFrog (gloire à lui au plus haut des cieux numériques !)
Nous avons renforcé les capacités des serveurs et de l’infrastructure de Framatalk et Framapad qui peuvent donc à nouveau accueillir les besoins de communication des particuliers et associations qui doivent se joindre. Non, les enseignants qui souhaitent faire une visioconférence pour des classes de 35 ne sont pas les destinataires prioritaires de ces outils, pour des raisons compréhensibles de tenue de charge. Ces services peuvent être utilisés par des personnes qui, souvent, n’ont pas d’autres moyens (dont des malades isolé·es de leur famille). Prenez soin de ne pas monopoliser cette ressource afin qu’elle reste partagée.
https://rdv-medecins.framasoft.org/login est un outil libre de prise de rendez-vous médicaux à destination du personnel médical exclusivement. Vous avez un bout de serveur ? Vous pouvez héberger le même outil (Nextcloud + ses applications « rendez-vous » et « calendar ») pour le mettre à disposition de votre médecin. Et voilà la documentation utilisateur/trice !
Un librecours pour mieux contribuer à la culture libre
C’est aujourd’hui que s’ouvrent les inscriptions au librecours « Libre Culture » pour se former aux enjeux et mécaniques des licences libres sur les œuvres culturelles. Ça tombe plutôt bien puisqu’une partie d’entre nous se demandent comment ne pas s’ennuyer en cette période de confinement ;-). Nous ne résistons pas à l’occasion de vous présenter ces librescours, dont celui-ci est l’un des premiers d’une liste que nous espérons longue et prospère !
Prendre part à la culture libre, celle du partage
Si l’on va chercher dans les principes fondateurs d’Internet, à l’époque où des scientifiques mettent en place les réseaux pour échanger et se partager leurs travaux, il y a la notion de partage du savoir qui s’enrichit lorsqu’il est diffusé librement. Ce n’est donc pas une notion nouvelle, et nombre d’artistes et créatrices clament qu’elles se hissent sur les épaules des géants, qu’ils ont été influencés par toute une culture reposant sur les œuvres de l’esprit d’artistes qui les ont précédés.
Cette culture du partage, dans le monde numérique, s’est retrouvée dans la culture libre. Car le logiciel libre ne se résume pas à une manière efficace, transparente et collaborative de produire du code. Non, ça, c’est l’open-source. Le logiciel libre offre, en plus de l’open-source, une éthique. Il propose une vision de la société, de la place du code et des personnes qui le créent dans cette société.
Car ce n’est pas le logiciel qui est libre, ce n’est pas l’œuvre qui est libre : c’est nous, les humains qui le sommes.
La culture du Libre repose sur les licences libres
Grâce à la démocratisation de l’outil numérique, nous avons assisté à la diffusion des outils de production des œuvres de l’esprit (écrits, images, sons, vidéos, code…), à la popularisation des savoirs-faire anciens et nouveaux (telles que les pratiques du remix, du mash-up, des mèmes), et à la venue de nombreux outils pour diffuser nos créations.
Participer à notre culture commune n’est plus réservé à une élite bien née. Aujourd’hui, nous sommes de plus en plus nombreuses et nombreux à pouvoir apporter notre pierre à l’édifice culturel commun. Combien de vidéastes à succès utilisent des sons, musiques, et polices d’écriture libres, tout en partant du savoir libre de Wikipédia pour leurs recherches ? Ce n’est là qu’un exemple du foisonnement vertueux de la culture libre.
Chez Framasoft, nous pensons qu’il est important que toutes ces œuvres de l’esprit qui naissent ou vont naître puissent, à leur tour, prendre leur place dans la culture libre. Pour cela, nous souhaitons offrir à toute les personnes qui vont les créer, les utiliser, les modifier, les étudier, les diffuser, etc. les clés de cette culture, qui repose sur un outil à la fois juridique et symbolique : les licences libres.
Au fond, c’est quoi, ces « licences libres » ? Pourquoi est-ce qu’elles seraient importantes ? Est-ce qu’elles ne vont pas me léser en tant qu’autrice ? En tant que lecteur ? Que vidéaste ? Que bibliothécaire ? Elles s’appliquent pareil aux logiciels et aux vidéos ? Aux musiques ? Aux livres ? Aux jeux vidéo ? Qu’est-ce que je peux partager légalement et comment savoir si je suis hors-la-loi ? Et comment fait-on pour s’y retrouver, dans tout ça ?
Inscrivez-vous au deux premières sessions du librecours sur la Culture Libre
Dans la lignée du MOOC CHATONS, nous vous proposons cette fois-ci un librecours pour acquérir les clés de la culture libre. Que vous soyez créateur, prescriptrice, spectateur, étudiante, ou tout ça à la fois, ce cours vous permettra de savoir comment exploiter un contenu culturel en ligne et diffuser les vôtres.
Et à contexte exceptionnel, mesures exceptionnelles, il a été décidé d’ouvrir deux sessions de ce librecours afin de permettre à celles et ceux d’entre nous qui ont davantage de temps dans les jours à venir de pouvoir le terminer plus rapidement.
Ces deux sessions débuteront le lundi 6 avril 2020.
La session LCIII durera 3 semaines et vous demandera 7 à 8h de votre temps chaque semaine.
La session LCVI s’étendra sur 6 semaines et sera donc moins intense (3 à 4h par semaine).
Le suivi des apprenant·es étant encadré, les places sont limitées aux 10 premières personnes pour la session LCIII (3 semaines) et aux 20 premières pour la session LCVI (6 semaines). Inscrivez-vous sur le site librecours et sur l’équipe Mattermost prévue à cet effet.
Alors c’est certain, tout le monde ne pourra pas profiter de ces deux premières sessions : leur encadrement sera assuré par nos bénévoles, Stéphane (auteur de Traces, un roman libre publié chez Framabook) en tête.
Nous voulons, encore une fois, commencer modestement, pour apprendre de cette expérience et faire un nouveau pas vers cette idée d’Université Populaire du Libre, Ouverte, Autonome et Décentralisée qu’est le projet UPLOAD, une des actions de notre feuille de route Contributopia.
À vous de participer à cette aventure pour mieux prendre votre place dans la Culture du Libre en vous inscrivant à ce librecours !
On parle beaucoup en ce moment d’une « saturation des réseaux », de « risques pour l’Internet », qui justifieraient des mesures autoritaires et discriminatoires, par exemple le blocage ou le ralentissement de Netflix, pour laisser de la place au « trafic sérieux ». Que se passe-t-il exactement et qu’y a-t-il derrière les articles sensationnalistes ?
La France, ainsi que de nombreux autres pays, est confinée chez elle depuis plusieurs jours, et sans doute encore pour plusieurs semaines. La durée exacte dépendra de l’évolution de l’épidémie de COVID-19. Certains travailleurs télétravaillent, les enfants étudient à la maison, et la dépendance de toutes ces activités à l’Internet a suscité quelques inquiétudes.
On a vu des médias, ou des dirigeants politiques comme Thierry Breton, réclamer des mesures de limitation du trafic, par exemple pour les services vidéo comme Netflix. Les utilisateurs qui ont constaté des lenteurs d’accès à certains sites, ou des messages d’erreur du genre « temps de réponse dépassé » peuvent se dire que ces mesures seraient justifiées. Mais les choses sont plus compliquées que cela, et il va falloir expliquer un peu le fonctionnement de l’Internet pour comprendre.
Réseaux et services
D’abord, il faut différencier l’Internet et les services qui y sont connectés. Si un élève ou un enseignant essaie de se connecter au site du CNED (Centre National d’Enseignement à Distance) et qu’il récupère un message avec une « HTTP error 503 », cela n’a rien à voir avec l’Internet, et supprimer Netflix n’y changera rien : c’est le site Web au bout qui est surchargé d’activité, le réseau qui mène à ce site n’a pas de problème. Or, ce genre de problèmes (site Web saturé) est responsable de la plupart des frustrations ressenties par les utilisateurs et utilisatrices. Résumer ces problèmes de connexion avec un « l’Internet est surchargé » est très approximatif et ne va pas aider à trouver des solutions aux problèmes. Pour résumer, les tuyaux de l’Internet vont bien, ce sont certains sites Web qui faiblissent. Ou, dit autrement, « Dire que l’Internet est saturé, c’est comme si vous cherchez à louer un appartement à la Grande Motte au mois d’août et que tout est déjà pris, du coup vous accusez l’A7 d’être surchargée et demandez aux camions de ne pas rouler. »
On peut se demander pourquoi certains services sur le Web plantent sous la charge (ceux de l’Éducation Nationale, par exemple) et d’autres pas (YouTube, PornHub, Wikipédia). Il y a évidemment de nombreuses raisons à cela et on ne peut pas faire un diagnostic détaillé pour chaque cas. Mais il faut noter que beaucoup de sites Web sont mal conçus. L’écroulement sous la charge n’est pas une fatalité. On sait faire des sites Web qui résistent. Je ne dis pas que c’est facile, ou bon marché, mais il ne faut pas non plus baisser les bras en considérant que ces problèmes sont inévitables, une sorte de loi de la nature contre laquelle il ne servirait à rien de se révolter. Déjà, tout dépend de la conception du service. S’il s’agit de distribuer des fichiers statiques (des fichiers qui ne changent pas, comme des ressources pédagogiques ou comme la fameuse attestation de circulation), il n’y a pas besoin de faire un site Web dynamique (où toutes les pages sont calculées à chaque requête). Servir des fichiers statiques, dont le contenu ne varie pas, est quelque chose que les serveurs savent très bien faire, et très vite. D’autant plus qu’en plus du Web, on dispose de protocoles (de techniques réseau) spécialement conçus pour la distribution efficace, en pair-à-pair, directement entre les machines des utilisateurs, de fichiers très populaires. C’est le cas par exemple de BitTorrent. S’il a permis de distribuer tous les épisodes de Game of Thrones à chaque sortie, il aurait permis de distribuer facilement l’attestation de sortie ! Même quand on a du contenu dynamique, par exemple parce que chaque page est différente selon l’utilisateur, les auteurs de sites Web compétents savent faire des sites qui tiennent la charge.
Mais alors, si on sait faire, pourquoi est-ce que ce n’est pas fait ? Là encore, il y a évidemment de nombreuses raisons. Il faut savoir que trouver des développeurs compétents est difficile, et que beaucoup de sites Web sont « bricolés », par des gens qui ne mesurent pas les conséquences de leurs choix techniques, notamment en termes de résistance à la charge. En outre, les grosses institutions comme l’Éducation Nationale ne développent pas forcément en interne, elles sous-traitent à des ESN et toute personne qui a travaillé dans l’informatique ces trente dernières années sait qu’on trouve de tout, et pas forcément du bon, dans ces ESN. Le « développeur PHP senior » qu’on a vendu au client se révèle parfois ne pas être si senior que ça. Le développement, dans le monde réel, ressemble souvent aux aventures de Dilbert. Le problème est aggravé dans le secteur public par le recours aux marchés publics, qui sélectionnent, non pas les plus compétents, mais les entreprises spécialisées dans la réponse aux appels d’offre (une compétence assez distincte de celle du développement informatique). Une petite entreprise pointue techniquement n’a aucune chance d’être sélectionnée.
D’autre part, les exigences de la propriété intellectuelle peuvent aller contre celles de la technique. Ainsi, si BitTorrent n’est pas utilisé pour distribuer des fichiers d’intérêt général, c’est probablement en grande partie parce que ce protocole a été diabolisé par l’industrie du divertissement. « C’est du pair-à-pair, c’est un outil de pirates qui tue la création ! » Autre exemple, la recopie des fichiers importants en plusieurs endroits, pour augmenter les chances que leur distribution résiste à une charge importante, est parfois explicitement refusée par certains organismes comme le CNED, au nom de la propriété intellectuelle.
Compter le trafic réseau
Bon, donc, les services sur le Web sont parfois fragiles, en raison de mauvais choix faits par leurs auteurs, et de réalisations imparfaites. Mais les tuyaux, eux, ils sont saturés ou pas ? De manière surprenante, il n’est pas facile de répondre à cette question. L’Internet n’est pas un endroit unique, c’est un ensemble de réseaux, eux-mêmes composés de nombreux liens. Certains de ces liens ont vu une augmentation du trafic, d’autres pas. La capacité réseau disponible va dépendre de plusieurs liens (tous ceux entre vous et le service auquel vous accédez). Mais ce n’est pas parce que le WiFi chez vous est saturé que tout l’Internet va mal ! Actuellement, les liens qui souffrent le plus sont sans doute les liens entre les FAI (Fournisseurs d’Accès Internet) et les services de vidéo comme Netflix. (Si vous voyez le terme d’appairage – peering, en anglais – c’est à ces liens que cela fait allusion.) Mais cela n’affecte pas la totalité du trafic, uniquement celui qui passe par les liens très utilisés. La plupart des FAI ne fournissent malheureusement pas de données publiques sur le débit dans leurs réseaux, mais certains organismes d’infrastructure de l’Internet le font. C’est le cas du France-IX, le principal point d’échange français, dont les statistiques publiques ne montrent qu’une faible augmentation du trafic. Même chose chez son équivalent allemand, le DE-CIX. (Mais rappelez-vous qu’à d’autres endroits, la situation peut être plus sérieuse.) Les discussions sur les forums d’opérateurs réseau, comme le FRnog en France, ne montrent pas d’inquiétude particulière.
Mais pourquoi est-ce qu’il n’y a pas d’augmentation massive et généralisée du trafic, alors qu’il y a beaucoup plus de gens qui travaillent depuis chez eux ? C’est en partie parce que, lorsque les gens travaillaient dans les locaux de l’entreprise, ils utilisaient déjà l’Internet. Si on consulte un site Web pour le travail, qu’on le fasse à la maison ou au bureau ne change pas grand-chose. De même, les vidéo-conférences (et même audio), très consommatrices de capacité du réseau, se faisaient déjà au bureau (si vous comprenez l’anglais, je vous recommande cette hilarante vidéo sur la réalité des « conf calls »). Il y a donc accroissement du trafic total (mais difficile à quantifier, pour les raisons exposées plus haut), mais pas forcément dans les proportions qu’on pourrait croire. Il y a les enfants qui consomment de la capacité réseau à la maison dans la journée, ce qu’ils ne faisaient pas à l’école, davantage de réunions à distance, etc., mais il n’y a pas de bouleversement complet des usages.
Votre usage de l’Internet est-il essentiel ?
Mais qu’est-ce qui fait que des gens importants, comme Thierry Breton, cité plus haut, tapent sur Netflix, YouTube et les autres, et exigent qu’on limite leur activité ? Cela n’a rien à voir avec la surcharge des réseaux et tout à voir avec la question de la neutralité de l’Internet. La neutralité des réseaux, c’est l’idée que l’opérateur réseau ne doit pas décider à la place des utilisateurs ce qui est bon pour eux. Quand vous prenez l’autoroute, la société d’autoroute ne vous demande pas si vous partez en week-end, ou bien s’il s’agit d’un déplacement professionnel, et n’essaie pas d’évaluer si ce déplacement est justifié. Cela doit être pareil pour l’Internet. Or, certains opérateurs de télécommunications rejettent ce principe de neutralité depuis longtemps, et font régulièrement du lobbying pour demander la possibilité de trier, d’évaluer ce qu’ils considèrent comme important et le reste. Leur cible favorite, ce sont justement les plate-formes comme Netflix, dont ils demandent qu’elles les paient pour être accessible par leur réseau. Et certaines autorités politiques sont d’accord, regrettant le bon vieux temps de la chaîne de télévision unique, et voulant un Internet qu’ils contrôlent. Le confinement est juste une occasion de relancer cette campagne.
Mais, penserez-vous peut-être, on ne peut pas nier qu’il y a des usages plus importants que d’autres, non ? Une vidéo-conférence professionnelle est certainement plus utile que de regarder une série sur Netflix, n’est-ce pas ? D’abord, ce n’est pas toujours vrai : de nombreuses entreprises, et, au sein d’une entreprise, de nombreux employés font un travail sans utilité sociale (et parfois négatif pour la société) : ce n’est pas parce qu’une activité rapporte de l’argent qu’elle est forcément bénéfique pour la collectivité ! Vous n’êtes pas d’accord avec moi ? Je vous comprends, car, justement, la raison principale pour laquelle la neutralité de l’Internet est quelque chose de crucial est que les gens ne sont pas d’accord sur ce qui est essentiel. La neutralité du réseau est une forme de laïcité : comme on n’aura pas de consensus, au moins, il faut trouver un mécanisme qui permette de respecter les choix. Je pense que les Jeux Olympiques sont un scandaleux gaspillage, et un exemple typique des horreurs du sport-spectacle. Un autre citoyen n’est pas d’accord et il trouve que les séries que je regarde sur Netflix sont idiotes. La neutralité du réseau, c’est reconnaître qu’on ne tranchera jamais entre ces deux points de vue. Car, si on abandonnait la neutralité, on aurait un problème encore plus difficile : qui va décider ? Qui va choisir de brider ou pas les matches de foot ? Les vidéos de chatons ? La vidéo-conférence ?
D’autant plus que l’Internet est complexe, et qu’on ne peut pas demander à un routeur de décider si tel ou tel contenu est essentiel. J’ai vu plusieurs personnes citer YouTube comme exemple de service non-essentiel. Or, contrairement à Netflix ou PornHub, YouTube ne sert pas qu’au divertissement, ce service héberge de nombreuses vidéos éducatives ou de formation, les enseignants indiquent des vidéos YouTube à leurs élèves, des salariés se forment sur YouTube. Pas question donc de brider systématiquement cette plate-forme. (Il faut aussi dire que le maintien d’un bon moral est crucial, quand on est confiné à la maison, et que les services dits « de divertissement » sont cruciaux. Si vous me dites que non, je vous propose d’être confiné dans une petite HLM avec quatre enfants de 3 à 14 ans.)
À l’heure où j’écris, Netflix et YouTube ont annoncé une dégradation délibérée de leur service, pour répondre aux injonctions des autorités. On a vu que les réseaux sont loin de la saturation et cette mesure ne servira donc à rien. Je pense que ces plate-formes essaient simplement de limiter les dommages en termes d’image liés à l’actuelle campagne de presse contre la neutralité.
Conclusion
J’ai dit que l’Internet n’était pas du tout proche d’un écroulement ou d’une saturation. Mais cela ne veut pas dire qu’on puisse gaspiller bêtement cette utile ressource. Je vais donc donner deux conseils pratiques pour limiter le débit sur le réseau :
Utilisez un bloqueur de publicités, afin de limiter le chargement de ressources inutiles,
Préférez l’audio-conférence à la vidéo-conférence, et les outils textuels (messagerie instantanée, courrier électronique, et autres outils de travail en groupe) à l’audio-conférence.
Que va-t-il se passer dans les jours à venir ? C’est évidemment impossible à dire. Rappelons-nous simplement que, pour l’instant, rien n’indique une catastrophe à venir, et il n’y a donc aucune raison valable de prendre des mesures autoritaires pour brider tel ou tel service.
Quelques lectures supplémentaires sur ce sujet :
Un exemple d’un article anxiogène (notez que, comme souvent dans la presse, le titre est beaucoup plus sensationnaliste que l’article, finalement assez mesuré),
Un point de vue d’un opérateur (tous les opérateurs Internet ne reprennent pas le récit des gros qui monopolisent les médias, notamment, il pointe bien l’aspect essentiellement « business » de l’affaire),
Si vous vous intéressez aux aspects opérationnels de l’administration de réseaux en période de crise, je vous recommande l’exposé d’un expert, Job Snijders (en anglais) ; vous y apprendrez pourquoi le poids (en kilos) d’un routeur compte et pourquoi les navires câbliers vont être, encore plus que d’habitude, une ressource critique,
L’association Framasoft tient à partager, même de manière irrégulière et foutraque, le résumé de ce qu’il se passe lorsqu’on héberge des outils d’échange et de collaboration en ligne en pleine période de confinement.
Ce journal, nous l’écrivons pour lever un coin de voile sur Framasoft, mais aussi pour nous, parce que ça nous fait du bien. Ne vous attendez donc pas à ce que tous les éléments de contextes vous soient systématiquement donnés, on livrera les choses comme elles viennent, plus cathartiquement que pédagogiquement.
Voici notre journée d’hier vue par Pyg, dans un texte dont il a fini le premier jet à 3h du mat’.
Prendre la mesure
Ce monde marche à l’envers.
D’habitude, c’est Pouhiou, mon collègue et ami qui use de sa plus belle plume pour écrire les billets du Framablog, et moi qui envoie des listes à puces aux bénévoles ou aux collègues à longueur de journée.
Mais en ce moment, le monde marche à l’envers.
Le premier billet de ce journal de bord aura donc été une liste à puces faite par Pouhiou. Et ce second billet, puisque nous avons décidé d’alterner les auteurs, sera plutôt une introspection. Ou une extraspection (oui, ça n’existe pas, mais à l’heure où je rédige ce billet, c’est encore mon anniversaire, alors je fais ce que je veux).
Sur le plan purement technique, cette deuxième journée de confinement aura, un peu, ressemblé à la précédente. On a couru de partout, en essayant non plus d’avoir le moins de casse possible (ça c’était hier), mais de commencer à voir comment on pouvait mettre les étais qui nous aideraient à continuer à être utiles.
Concrètement, Luc (notre adminsys) a commencé à migrer l’instance semestriel.framapad.org vers un des serveurs dédiés loué en urgence hier sur laquelle elle sera isolée, afin de laisser mensuel.framapad.org, toute surchargée qu’elle est, prendre ses aises sur le serveur où elles étaient toutes les deux. Il s’est aussi assuré que l’infra tenait bon, car il n’y a pas que les pads qui aient souffert, et à installé et configuré un serveur Mumble pouvant accueillir 1200 personnes en temps réel.
C’est peut être un biais, mais j’associe souvent Luc au mécanicien en fond de cale du rafiot, à serrer les boulons, à remettre de l’huile, à jouer de l’extincteur sur une pièce qui a trop chauffé. Mauvais caractère, râleur, mais sans lui nous ne serions rien.
Suite à la remise en page expresse hier des pages d’accueil framapad et framatalk, tcit, qui développait jusqu’à la semaine dernière Mobilizon a lui aussi prêté main forte sur l’infra, et aux collègues qui en avaient besoin. Notamment, il a mis à jour Framadrive, et Framagenda. C’est le genre de personne tellement compétente que lorsque vous lui demandez si une tâche peut être faite à 17h14, il vous répond dans l’instant que ça a été fait à 17h10. Je crois qu’il a aidé chacun⋅e d’entre nous aujourd’hui, y compris Théo (stagiaire INSA qui travaille sur Framaforms). Discrètement, efficacement. Sans lui, nous ne serions rien.
Chocobozzz, tout comme tcit, a dû temporairement arrêter (ou fortement ralentir) le développement de PeerTube. Depuis jeudi dernier, date de migration du serveur framatalk, il travaille avec Luc à mettre en place un JitsiMeet qui tienne la route (et d’après les au moins 752 messages lus sur le canal « Tech » de notre framateam, j’ai cru comprendre au milieu de leurs échanges en jargon-Klingon avec Luc que la doc de Jitsi était quand même franchement, franchement pas claire). Luc est actuellement en train de monter un autel à sa gloire dans son bureau, tant son travail sur Jitsi a été salutaire 🙇. Sans lui nous ne serions rien.
JosephK, notre développeur frontend, est lui, épargné (en quelque sorte) puisqu’il avait posé 4 semaines de congés pour finir les travaux de son écoquille, dans un coin reculé de la France. Il est censé revenir la semaine prochaine, mais avec des enfants à charge (et donc confinés), je ne sais pas encore s’il pourra (et pourtant il est clair qu’un peu d’air frais et d’énergie soulagerait bien les collègues). On ne sait pas. On verra. Sans lui, nous ne serions rien.
Mais Framasoft, ça n’est pas que de la technique (et les humains qui vont avec)
C’est aussi du support, de l’accompagnement, des échanges avec la communauté, pour la communauté.
SpF, par exemple, l’homme de l’ombre, celui qui a traité, je viens de vérifier, 28 122 tickets de support (oui, parce qu’un spam en faux positif, il faut bien le traiter aussi). Celui qui répond patiemment quand vous nous engueulez parce que votre mot de passe ne fonctionne plus (alors qu’en fait ça fait 5 fois que vous l’écrivez en majuscules au lieu de minuscules, que vous l’expliquer génère 6 messages de support, et quand, enfin, il vous montre – patiemment et poliment – que vous vous étiez trompé, vous ne vous fendez que rarement d’un « désolé » ou d’un simple « Merci »). C’est lui, aussi, qui vous retrouve le pad-absolument-vital dont vous avez perdu l’adresse (et là, parfois, vous vous répandez en louanges à son égard, merci). J’ai évidemment une pensée particulière pour lui car il n’a jamais caché qu’il était hypocondriaque (un vrai, pas un qui fait rire comme dans les films). Alors on essaie de dédramatiser à coup de « Comment ça va ? » « Bof, comme un hypocondriaque en pleine pandémie »… BaDoum Tss…
Aujourd’hui, SpF a réalisé un tutoriel Mumble qui pourra sans doute être fort utile pour celles et ceux qui veulent garder un contact audio en ces temps troublés. Sans lui, nous ne serions rien.
Une partie des communautés libristes a vu, au départ, la situation de pandémie comme une façon de prouver que le libre était LA solution aux défis techniques que nous rencontrons, tout en bottant le cul des GAFAM. Et beaucoup de gens ont tourné leur regard vers nous, comme si nous pouvions réellement changer la donne. Malheureusement, non, Framasoft seule est impuissante. Nous avons dit et répété que nous voulions participer à changer le monde, un octet à la fois, mais qu’il était hors de question de prendre sur nos épaules l’injonction de le sauver. Ben voilà, on ne le sauvera pas. Notre seul espoir à mon avis, et cela même en dehors du numérique, va résider dans notre capacité à faire, et faire ensemble. Plutôt que d’attendre un hypothétique sauveur.
Faire ensemble, c’est justement ce pourquoi nous avons initié le collectif CHATONS. Hier, c’était un peu le grand test : le « S » de CHATONS qui signifie « Solidaires », c’est pour de vrai ou c’est pour la gloriole et pour du beurre ?
Force est de constater que les chatons ont répondu à l’appel : en 24h, le collectif a pu rassembler des listes de plusieurs de dizaines de structures prêtes à proposer qui des pads, qui du Jitsi, qui de la VM, qui du Nextcloud, etc.
Le tout avec des valeurs de transparence, de respect des données personnelles, d’engagement à n’utiliser que du libre, et, ces structures l’ont démontrées hier, de la solidarité.
Mais organiser un tel foisonnement n’est pas simple : on a beau être plus « bazar » que « cathédrale », s’organiser c’est essayer de mettre de l’ordre dans le chaos, c’est trouver quelles sont les urgences et mettre en œuvre des plans d’actions.
Et ça, ça a été une partie du boulot d’Angie sur cette journée. Elle a ouvert des pages wiki, réorganisé des catégories du forum, modéré des messages. Bref, elle a essayé de canaliser les énergies pour qu’elles ne se dispersent pas dans l’agitation extrême d’hier. En parallèle, elle a travaillé avec le collectif spontané « Continuité pédagogique » pour relayer leur appel sur le framablog, qui vient de paraître aujourd’hui. Et elle doit autant que possible, continuer à prendre en charge les stages de Lise (sur CHATONS) et d’Arthur (en charge de nos traductions). Je partageais mon bureau avec elle et Anne-Marie. Ne plus l’entendre pester contre Drupal me manque déjà. Sans elle, nous ne serions rien.
Pouhiou, lui, n’est pas que la plume de Framasoft. Il en est le panache. Une force motrice. Toujours à l’écoute et attentionné. Et quand je dis attentionné, on est loin des 2 minutes d’attention avant de passer à autre chose. C’est plutôt du genre à détecter si je vais bien ou pas rien qu’à ma façon d’écrire « Hello World! » sur le tchat des salarié⋅es le matin. Je connais ses forces, mais aussi ses fragilités. Je sais que le confinement ne lui pèsera pas vraiment (nous sommes nombreux dans l’équipe à pratiquer le télétravail depuis des années). Mais je sais que son empathie naturelle va le conduire à s’inquiéter pour ses proches, dont nous sommes.
Pouhiou, hier comme chaque jour, a animé – avec Angie – nosmédiassociaux, a rédigé un mail-bilan à l’asso, mail qu’il a repris sur le blog sous la forme du premier billet de ce journal. Il a aussi animé une réunion à distance avec SpF et Maiwann (en formation au CNAM en ergonomie, et qui travaille sur la question de la pénibilité du support) sur la refonte nécessaire de notre plateforme de support face à l’afflux de visiteurs et visiteuses. Enfin, surtout, il a pris soin de nous. Il est resté toute une partie de la journée à l’écoute, sur le Mumble (un tchat audio) de l’association, à dire bonjour ou à prendre des nouvelles qui passait par là. Sans lui, nous ne serions rien.
Enfin, il y a Anne-Marie. L’invisible ou presque pour qui ne connaît pas Framasoft « In Real Life ». Secrétaire administrative et financière de l’association (oui, merci, nous sommes bien conscient⋅e⋅s de la position genrée de l’association et on y travaille :-/ ), c’est elle qui saisit les dons, fait une grande partie de la compta, passe nos commandes, expédie les colis, organise les A.G., etc. Je partage son bureau depuis maintenant plus de 4 ans, à LocauxMotiv. Et je m’inquiète pour elle. Parce que je la connais. Parce que je sais pour elle l’importance du « réseau social » (pas celui de Twitter ou Mastodon, vous ne l’y trouverez pas) : celui des ami⋅e⋅s, des collègues, de voisin⋅e⋅s de bureaux de LocauxMotiv, lieu dans lequel elle s’est beaucoup impliquée et fermé depuis hier. Et l’imaginer confinée chez elle, à Lyon, me fait… eh bien me fait mal, en fait. Car je sais que j’aurais beau l’appeler tous les jours, ou qu’elle peut entrer en contact avec n’importe lequel de ses collègues à n’importe quel moment, par n’importe quel moyen (téléphone, tchat, Mumble, visio, email, etc), pour elle, ça ne sera pas pareil. Pas juste différent. Moins bien. Beaucoup moins bien. Difficile sans doute. Douloureux peut-être. Sans elle, nous ne serions rien.
Prendre la mesure
Et moi, dans tout ça ?
Je me sens privilégié. J’étais à la campagne avec mon amoureuse le WE dernier, nous avons décidé d’y rester. Nous n’avons qu’une pièce chauffée, mais c’est tout à fait suffisant. Un jardin, des forêts. Nos proches vont bien. Une connexion internet 4G dont on n’a pas – pour l’instant – explosé le forfait. Bref, pour l’instant, le confinement je le vis plutôt bien, mais il faut dire que j’ai plusieurs années de télétravail derrière moi (alors que j’étais le premier et l’unique salarié de Framasoft).
Par contre, j’essaie de prendre la mesure de ce qui nous arrive. Et je n’y parviens pas.
Cela fait 12 ans que je suis salarié de Framasoft, d’abord en tant que délégué général, puis – suite au départ d’Alexis Kauffmann de l’association en 2014 – en tant que directeur. J’en ai vu passer des situations. Des ubuesques, des tendues, des tordues, des exaspérantes, des désespérantes. Mais là, on est face à autre chose. Et j’ai l’impression qu’il faudrait faire comme si rien n’avait changé.
J’ai bien compris l’intérêt des mesures de confinement (et de distanciation sociale, les copains de Datagueule expliquent ça très bien). Et je respecte ces mesures.
Merci de faire tourner cette vidéo de DataGueule, publiée sur leur chaîne PeerTube
Je veux bien être un bon petit soldat. Je veux protéger mes proches, les inconnu⋅e⋅s, les soignant⋅e⋅s.
Mais j’ai vraiment du mal avec des termes comme « Plan de Continuité d’Activité » ou « Continuité Pédagogique ».
Parce que, non, l’activité ne « continue » pas. Elle s’est pris une tarte dans la gueule, un coup de massue même, et ça n’est pas parce qu’elle bouge encore qu’elle « continue ».
J’ai fait ma part du job. J’ai produit (presque pour me détendre) un mémo sur le télétravail (publication demain a priori), parce que je sais que balancer des centaines de milliers de personnes en télétravail du jour au lendemain, c’est d’une violence inouïe pour un grand nombre d’entre elles. J’ai dû prendre des dizaines ou des centaines de décisions chaque jour depuis jeudi pour que Framasoft reste à flot, sans même savoir si ces décisions auraient du sens ou le moindre impact le lendemain. J’ai accompagné mes collègues comme j’ai pu, et je continuerai à le faire.
Mais qu’on ne me dise pas que l’activité « continue ».
Je sais que notre décision d’indiquer aux enseignant⋅es et aux élèves qu’ils et elles n’étaient plus les bienvenus chez nous a heurté. Cette décision, la mienne au départ, puisque je l’ai imposée d’urgence avant de pouvoir la faire valider par l’asso dont les membres avaient des urgences plus personnelles. Et elle n’a pas été facile à prendre. « « FRA » et « MA », c’est pour FRAnçais et MAthématiques », ai-je répété des milliers de fois ces dernières années. Donc, dire « non » aux profs est un crève-cœur pour moi. Mais, comme nous l’avons expliqué, même une infime portion de 800 000 enseignant⋅e⋅s et de 12 000 000 d’élèves, c’est trop pour nous. Cela se ferait au détriment des associations, collectifs, syndicats, TPE, particuliers, etc qui utilisent nos services et qui n’ont pas les moyens du plus gros Ministère de France. Alors certes, on va bricoler des trucs avec les CHATONS, et peut être le collectif « Continuité Pédagogique » va réussir son challenge, évitant à des EdTech affichant aujourd’hui leur solidarité de devenir les prédatrices de demain en poursuivant le processus déjà bien entamé de marchandisation de l’éducation.
Je me mets à la place de gamins qui ont entendu « Nous sommes en guerre » 4 ou 5 fois d’affilée par la plus haute autorité du pays [NDLR : 6 fois, en fait, il l’a dit 6 fois]. Qui sont enfermés chez eux. Qui ont interdiction de jouer avec ou de toucher leurs copains et copines… Et le problème, ça serait que de savoir comment des profs peuvent faire cours à 30 gamins en visioconférence, comme s’ils étaient encore en classe ? Comme si on « continuait » ?
Ça me paraît dingue. Le Ministère (avec qui nous ne sommes effectivement plus en très bons termes) s’acharne à tenter d’imposer des solutions techniques pour faire respecter la sacro-sainte « continuité pédagogique ». Je ne dis pas qu’à aucun moment ils ne pensent aux impacts psychologiques du confinement chez les enfants, mais de ce que j’en vois, vu d’ici, ça semble passer bien après le fait de leur fournir « la solution technique qui marche ». Je leur conseillerai bien de s’arrêter, de respirer un coup, et de changer d’attitude en passant de « donneur d’ordres » à « fournisseurs de ressources » en faisant confiance à chaque enseignant⋅e, individuellement, pour s’organiser collectivement avec ses collègues (et/ou avec les parents) afin d’apporter la meilleure solution selon les cas spécifiques, en lâchant prise sur le fait que pour le moment, personne ne maîtrise plus rien. Si on est prêt à confier nos enfants 7h par jour à des presque inconnu⋅es, je ne vois pas pourquoi on refuserait de leur faire confiance pour s’organiser dans le chaos ambiant. Mais je ne bosse pas au Ministère, et je suis fatigué de cette attitude du « Un qui sait, tous qui appliquent ».
Cette désorganisation globale causée par le caractère – forcément – impromptu de la crise sanitaire actuelle semble se retrouver dans tous les domaines de l’État. Tout est flou. « On vous dira demain ».
Je ne pointe pas du doigt l’impréparation de l’État (qui me semble réelle, mais ça n’est pas le sujet), mais le fait que ce dernier entretienne un discours de « directives au jour le jour » qui freinent la mise en place de dynamiques collectives locales, puisqu’on attend la grand messe du lendemain. Il y a bien sûr l’urgence médicale. Il y a aussi l’urgence sociale (« Lavez-vous fréquemment les mains », « Restez chez vous », c’est simple quand on est SDF ?). L’urgence éducative (que je différencie de l’urgence scolaire). L’urgence culturelle. L’urgence associative (les associations palliaient à bien des manques de l’État et se retrouvent aujourd’hui sans réelle capacité d’action, et avec des incertitudes fortes sur leur avenir). Etc.
Ce n’est pas un coup de gueule : j’ai conscience que c’est le bordel pour tout le monde, hein. Notamment pour toutes les professions qui (comme par hasard) avaient des régimes spéciaux : soignant⋅e⋅s, profs, cheminots, transports routiers, etc. Et je ne cherche pas de coupables.
Mais j’aimerais qu’on arrête de me dire qu’il faut que ça « continue ». Le monde a changé. Peut être temporairement, peut-être pas. Mais du coup, nous devons changer nous aussi.
Évidemment, je suis conscient que ce n’est pas la fin du monde (peut-être la fin d’un monde), et qu’on s’en relèvera. Et il me paraît normal, et sain, que certain⋅e⋅s aient besoin de « continuer » pour pouvoir sortir du sentiment d’angoisse ou d’irréalité dans lequel beaucoup d’entre nous sont plongés. Mais demain, une fois sorti de l’état de sidération, il faudra prendre la mesure de ce qui a changé. Retrouver et redonner du sens à nos actions. Et agir. Agir là où l’on se sent utile. Nous réorganiser.
Concernant Framasoft, cela signifie qu’on ne sait plus rien. Inutile de venir me demander « Quand PeerTube supportera-t-il le live streaming ? », « Est-ce que Mobilizon sortira en juin comme prévu ? », « On aurait besoin d’un cloud en urgence pour qu’un médecin puisse être en liaison avec le SAMU, vous pouvez fournir ? ». Avant, je savais. On me payait pour savoir. Aujourd’hui, je ne sais plus.
Et ce n’est pas si grave, peut être.
Voyons cela comme un reboot. Un reset. L’occasion de repenser les choses sous d’autres angles.
Mes collègues et moi, mais aussi les 25 membres bénévoles de l’association (que des pétales de roses fleurissent sous leurs pieds pour les 18 prochaines générations) ferons de notre mieux, mais pas plus. Parce qu’il va falloir apprendre et découvrir, avec vous, ce que ça fait de louer des serveurs quand il faut imprimer une attestation puis faire 2h de queue pour aller acheter un paquet de pâtes.
Notre priorité sera d’abord de prendre soin de nous et de nos proches, et sans doute alors trouverons-nous comment être de nouveau vraiment utiles dans ce nouveau monde.
Librement,
pyg, La Vineuse sur Fréguande, anciennement Donzy-Le-National (ça ne s’invente pas), le 17 mars 2020.
Note de Fred : et dans ce foutoir il y a aussi nous, les bénévoles, qui sommes en train d’écoper le bazar dans nos boulots respectifs en télétravail ou pas (une pensée pour Framatophe qui bosse au CHU de Strasbourg où ça ne doit pas être facile en ce moment) et qui trouvons quelques minutes pour venir fermer les parenthèses que pyg ouvre en masse et ne referme pas toujours, insensible qu’il est aux courants d’air, notre ours d’airain qui porte tant de monde sur ses solides épaules. Oui, chez Frama, on s’aime, et on aime aussi la typo propre.
10 bonnes raisons de fermer certains services Framasoft (la 5e est un peu bizarre…)
On le sait, faire le « grand ménage de printemps » c’est pas une partie de plaisir… mais c’est tellement agréable, quand c’est fait.
À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.
À l’heure où nous nous retroussons les manches pour « Déframasoftiser Internet », nous voulons vous expliquer ce que l’on va faire, et pourquoi, car nous sommes persuadé·es que fermer certains services (qui vous renverront chez les copains) et en restreindre d’autres, c’est ce que nous avons de plus sain à faire pour les internets, vos données et nos frêles épaules.
Mise à jour (janvier 2021) :
Nous avons complètement remis à jour notre plan de « déframasoftisation ». Nous avons pris en compte de nombreux paramètres (vos usages, l’évolution de certains logiciels, la disponibilité d’alternatives, les conséquences des événements de 2020…) et décidé de poursuivre en 2021 le maintien de certains services, le temps d’y voir plus clair.
Si les raisons exposées ici restent valables, merci de ne pas tenir compte des annonces dans les textes et images de cet article.
N’en déplaise aux oiseaux de mauvais augure qui ont prophétisé une Framapocalypse en criant « ça va fermeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeer ! » sur leurs médias sociaux, nous allons maintenir de nombreux services à votre disposition, et parmi les plus utilisés… Regardez plutôt :
Maintenir ces services demande du soin, du savoir-faire, de l’attention… Nous avons donc décidé de faire moins pour faire mieux, de proposer moins de services pour mieux chouchouter ceux que nous gardons à votre disposition.
2. Pour assurer une qualité de service aux personnes qui y sont
Il y a d’autres services que nous allons maintenir… mais avec des restrictions. Pour les personnes qui les utilisent déjà, rien ne changera. Nous cesserons simplement d’accueillir de nouvelles personnes, parce qu’on ne peut pas grossir à l’infini sans que ça ne devienne moins bien pour tout le monde.
En effet, s’il y a 10, 100, 1000 ou 10000 personnes qui utilisent un frama-service en même temps, ça change tout : plus il y a de personnes, plus il y a de chances que ça plante. Plus ça plante, plus on a de travail (support, remise en service, etc.). Plus on assure ce travail, moins on a de temps pour maintenir et améliorer l’existant.
Concrètement, au moment de restreindre ces services, nous avons l’intention de bloquer la création :
de nouveaux comptes sur Framasphere et Framapiaf (cela ne changera rien pour les personnes qui y sont déjà) ;
de nouvelles listes, teams et dépôts sur Framalistes, Framateam et Framagit (l’existant pourra continuer de fonctionner comme avant) ;
de nouveaux liens sur Frama.link (les redirections actuelles seront maintenues) ;
de nouveaux comptes sur Framaforms (les comptes existants pourront continuer de créer des formulaires… sachant que nous travaillons actuellement à améliorer le logiciel pour que d’autres l’hébergent plus facilement : on en reparle dès que ça aura avancé !)
3. Pour mettre en lumière d’autres hébergeurs de confiance
Si on ne met pas toutes nos données dans le même panier (si on n’utilise pas tous et toutes le même hébergeur), alors on évite le piège de la centralisation : ce processus donne beaucoup trop de pouvoir et d’importance à un hébergeur… Et même si cet hébergeur, c’est Framasoft !
OK, mais concrètement, comment on fait pour trouver des services comme Framasoft mais dispersés ailleurs ?
Il vous suffit d’aller sur le Frama-service que vous avez l’habitude d’utiliser… et lorsqu’il sera fermé, à sa place, vous verrez cela :
Nous n’allions pas vous laisser comme deux ronds de flan, seul·e face à votre écran ! En fermant certains des frama-services, nous pouvons mettre en valeur d’autres hébergeurs de confiance qui proposent la même chose, mais plus proches de vous. C’est un peu comme pousser l’oisillon du nid : ça fait peur au début, mais ensuite on prend son envol et on se rend compte que les alternatives ne sont qu’à un clic de distance !
4. Pour éviter l’acharnement technopeutique
Franchement : il y a des services qu’il vaut mieux débrancher.Dégooglisons Internet, c’est 38 services qui ont été ouverts, pour la plupart, entre 2014 et 2017… Sur ces 38 expérimentations, toutes ne sont pas une réussite.
Framastory, par exemple, n’est quasiment plus utilisé par personne, et le développement du logiciel n’a pas été repris. Or, finalement, c’est OK de se dire qu’il n’y a pas eu un intérêt suffisant, et de tirer un point final !
Notre méta-moteur de recherche Framabee, lui, a été beaucoup trop utilisé : du coup, il s’est fait repérer par Google (ainsi que les autres moteurs chez qui Framabee envoyait vos recherches, après les avoir soigneusement anonymisées), et Google a cessé de lui fournir des résultats ! Trop utilisé, trop visible, trop grillé par Google et consorts… il ne servait plus à rien : mieux valait le fermer !
Pendant ce temps, d’autres structures, plus petites, plus discrètes, proposent leur hébergement du même méta-moteur (le logiciel Searx), qui fait exactement la même chose… Et tant que tout le monde ne se précipite pas sur un de ces hébergements (mais qu’ils se multiplient) alors on peut espérer passer sous le radar ;).
5. Pour ne pas devenir l’hypermarché du libre
#StoryTime ! À une époque où les GAFAM ont construit leurs centres commerciaux partout dans le monde numérique, nous avons monté une espèce d’épicerie autogérée de services numériques « bios », responsables et artisanaux.
Or voilà que de plus en plus de personnes se rendent compte que les centres commerciaux du numérique, ça ne leur convient pas. Voilà que la petite épicerie du numérique (Framasoft, donc), voit plus de 700 000 personnes passer chez elle chaque mois.
Que fait-on ? Est-ce qu’on agrandit ? Avec plus d’argent, on pourrait embaucher plus de monde, ouvrir plus de serveurs, créer de plus grands locaux, rationaliser, accueillir encore plus de monde, réduire les coûts, gagner du temps, gagner plus d’argent, séduire plus de monde pour être encore plus rentable, faire du chiffre, grandir toujours plus… et devenir l’hypermarché du libre francophone.
Nous avons donc choisi une autre voie que celle de l’hypermarché : créer des AMAP du numérique en initiant le collectif CHATONS ! Ce collectif d’hébergeurs s’est mis d’accord sur des valeurs et des engagements forts pour mériter votre confiance : fermer certains de nos services nous permet aussi de vous faire découvrir les leurs.
6. Pour prendre soin des personnes qui prennent soin de Framasoft
L’association Framasoft, ce sont 35 membres, dont 9 salarié·es, qui essaient d’animer une communauté d’environ 700 bénévoles, en proposant des sites et services utilisés par plus de 700 000 personnes chaque mois (selon une estimation basse et approximative, car, comme on ne piste pas, on ne peut pas vraiment savoir).
En un an, notre estimation des bénéficiaires de nos services est passée de 500 000 à 700 000 personnes chaque mois. Et notre volonté de répondre d’humaine à humain aux personnes qui auraient des remarques, questions, besoins d’aide ou d’information n’a pas changé.
Alors vu qu’on ne veut pas multiplier nos effectifs (et devenir un hypermarché du libre), ni pousser les membres de l’association au burn-out pour répondre à la demande exponentielle de services numériques de confiance… Il faut que nous réduisions la voilure !
7. Parce que pour concurrencer les services des entreprises multi-milliardaires, il faudrait avoir leur perfidie
Les GAFAM et autres géants du web sont la conséquence directe d’un modèle de société, une société de surconsommation. Leur immense richesse leur a permis de construire des services beaux, pratiques et rapides, où il n’y a pas besoin de réfléchir pour les utiliser… Des services qui ne demandent aucun effort et souvent aucun paiement.
Or leur immense richesse n’a pu se construire que sur l’observation du moindre de nos comportements, pour vendre la canalisation de nos attentions et la manipulation de nos volontés.
Nous n’avons pas les mêmes moyens que Google. Si on comparait le chiffre d’affaire annuel de Google à une journée, le budget 2019 Framasoft représenterait 0,3 secondes de cette journée. Cela tombe bien : nous ne voulons pas les mêmes moyens que tous les Google du monde, car nous ne partageons ni leurs méthodes ni leur soif de pouvoir.
Aujourd’hui, Framasoft crée des outils numériques pour celles et ceux qui participent à une société de contribution. La société de contribution est une société de l’effort, qui va nécessiter de prendre du temps, mettre de l’énergie, alors que la société de surconsommation est une société du confort, qui ne porte pas un avenir d’égalité et de fraternité.
L’effort que nous vous demandons, en utilisant les mêmes services, mais ailleurs, c’est un effort qui permet de faire un pas de plus vers cette société de contribution.
8. Pour redonner ses lettres de noblesse au numérique artisanal
À chaque sortie de service ou annonce de développement, nous avons entendu la même sentence : « #LesGens veulent du numérique propre, lisse, calibré, rapide, infaillible et froid. », comme si la seule manière de faire du numérique c’était de faire dans l’industriel.
C’est aussi absurde que de dire : « #LesGens veulent des tomates rondes, calibre 55 et couleur #CC0605. »
« Hashtag-les-gens », ça n’existe pas. Par contre, nous constatons que lorsqu’on explique aux personnes qui utilisent nos services que nous sommes une petite association loi 1901, que les logiciels sont communautaires et que tout ce beau monde fait de son mieux… Alors, ces personnes sont prêtes à accepter qu’un pad plantant le samedi soir ne sera pas remis en service avant le lundi matin, ou qu’un menu soit moins joli, moins rapide, ou que telle fonctionnalité mettra un an à être codée par des volontaires.
Vous nous avez prouvé qu’il y a de la place, dans notre monde, pour un numérique artisanal, au sens noble du terme. Un numérique qui remet l’humain au cœur des préoccupations et où l’outil devient convivial. Or si tout le monde va chez le même artisan, il risque fort de devoir s’industrialiser…
Pour éviter cela, il faut répartir les demandes sur un réseau d’artisans qui sauront préserver ce rapport chaleureux et humain.
9. Pour faire de la place à des services plus complets
Depuis que nous avons lancé notre campagne Dégooglisons Internet, en octobre 2014, bien des choses ont changé. Certains logiciels ont évolué, d’autres ont pris un petit coup de vieux… Or il faut dire que derrière les 38 services de « Dégooglisons Internet », il y a une ribambelle de logiciels variés, et pas un seul « compte unique Framasoft » pour les unifier !
Fermer certains de ces services, c’est se lancer dans un grand ménage de printemps qui nous permettra de faire de la place… à un nouvel outil ! Ce projet « Framacloud » a été pensé en tenant compte de tout ce que nous avons appris sur les usages et les attentes des personnes qui s’apprêtent à se dégoogliser : un compte unique, un seul service, mais tous les outils pour travailler avec votre association ou votre collectif, par exemple.
Comme nous le détaillons dans notre article des prospectives en 2020, notre objectif est de vous faire découvrir cette solution, sans propager l’illusion que les ressources illimitées et gratuites, ça existe (ou que ce serait sain) : nous avons plein d’idées, mais il nous faut du temps et de la disponibilité pour les réaliser !
10. Pour changer le monde, un octet à la fois
Cette expression n’est pas anodine. Framasoft n’a jamais eu pour but de dégoogliser les internautes du monde entier (ni même de la francophonie). C’est un joli rêve, certes, mais ce serait beaucoup trop de responsabilités pour les épaules des 35 membres de notre association !
Notre ambition est de changer le monde, mais si possible sans choper le melon ni se prendre le chou. Pour cela, il faut se libérer de l’attention, de la disponibilité, fermer quelques onglets mentaux : 38 services à maintenir pour plus de 700 000 personnes chaque mois, bonjour la charge mentale !
Fermer quelques services va progressivement permettre à Framasoft de récupérer de la capacité d’action sur le petit bout de monde qui se trouve devant nous.
« La route est longue, mais la voie est libre » dit-on souvent : si aujourd’hui nous changeons au moins un octet et que cela contribue à changer le monde, alors, nous saurons que nous avons avancé.