Aujourd’hui, quittons un peu l’ambiance morose et faisons un petit point sur l’avancement du projet Dégooglisons Internet…
Ça dégooglise pépère
Bon. On n’va pas s’mentir, entre les religio-zinzins amoureux de la gâchette qui flinguent à tout-va et nos propres politico-zinzins qui mettent le pays entier sur écoute, soi-disant pour repérer les religio-zinzins susnommés (même si, en fait, on les repérait déjà avant), l’année 2015, pour l’instant, c’est pas folichon.
Mais trêve de Sirius Black sinistrose, parlons un peu de ce qui va bien.
Par exemple, chez nous, à Framasoft, on se débrouille. On dégooglise, petit à petit, comme on l’avait annoncé à l’automne dernier.
Déjà, puisque Google a décidé de fermer sa forge et Sourceforge de déféquer dans la sienne, on s’est dit que c’était le moment d’ouvrir notre forge à nous au public.
Comme on est un peu monomaniaques, on a aussi sorti plein de Framatruc et de Framabidules.
Bon, du coup, sur les noms, on a aussi essayé d’innover un peu :
(Au passage, je vous conseille d’accéder à http://huit.re/caca/, ça vaut le détour !)
Le summum de l’innovation a été atteint à l’AG de janvier où nous avons tenté de nous mettre d’accord sur le nom du moteur de recherche. Autant vous dire que ça n’a pas été de la Framatarte…
Après 12 heures de discussions arrosées acharnées, nous avons finalement décidé de couper la poire en trois.
Ça a l’air d’être un peu le boxon, comme ça, mais on consolide aussi l’existant, notamment notre tête d’affiche Framapad qui prend du poil de la bête !
Et puis bien sûr, votre serviteur n’est pas en reste puisque, non seulement Framasoft héberge le nouveau blog BD libre « Grise Bouille », mais plus de 30 dessins ont également été ajoutés à GéGé*, le Générateur de Geektionnerd !
Remarquez que, question nom, ça partait déjà en sucette.
Voilà… dégoogliser, ça ne se fait pas en un jour, mais on avance.
Et surtout, n’oubliez pas que la dégooglisation, c’est avant tout avec vous et même chez vous qu’il faut la faire !
Et bien sûr, vous pouvez retrouver ces nombreux projets en ligne :
L’été arrive, avec lui son lot de vacances, siestes… et des moments où l’on prend enfin le temps de lire, tranquillement installé sur sa serviette, son fauteuil, sa chaise longue…
Le petit Dupuis-Morizeau est comme ses parents : il ne se sépare jamais des 3-4 livres qu’il dévore à tour de rôle. Pour ne pas surcharger sa valise, il lit des ebooks sur son téléphone, attendant son prochain anniversaire afin de pouvoir lire sur une tablette (comme son beau-père, féru de BD) ou une liseuse (comme sa mère, qui aime son confort de lecture).
C’est en pensant à la famille Dupuis-Morizeau que nous avons ouvert un catalogue de livres électroniques Libres : Framabookin !
Le Domaine Public et Framabook à portée de doigt
Framabookin (prononcez « bouquine ») est un catalogue OPDS. Derrière cet acronyme barbare (Open Publication Distribution System) se cache en fait la possibilité de présenter, sur un seul lien, toute une collection de livres électroniques avec leurs couvertures, résumés, auteurs, etc. Une base de données dans laquelle vous pouvez regarder, rechercher, et (re)trouver l’ouvrage que vous désiriez.
Il vous suffit donc de suivre notre tutoriel pour ajouter ce catalogue dans votre application de lecture préférée (par exemple l’application libre FBReader) ou fureter dans son interface web depuis le navigateur de votre tablette/liseuse pour accéder, en deux tapotages et trois glissés, à tous les livres libres que nous avons collectés pour vous.
Afin de fournir ce catalogue, nous avons hébergé un dépôt de la collection Bibebook. Bibebook, c’est une équipe de passionné-e-s qui ont pris des ouvrages du domaine public pour en faire des ebooks bien édités, aux données claires et joliment formatées… en somme, faits pour être agréablement lus sur liseuses. Malgré une surcouche de droits éditoriaux (licence CC-BY-SA) sur des ouvrages relevant du domaine public, il faut reconnaître que leur travail éditorial est admirable et qu’ils nous permettent ainsi d’aisément proposer les grand classiques de notre culture tels Hugo, Zola et Baudelaire, à portée de wifi.
Bien entendu, nous avons aussi inclus dans ce catalogue la collection des Framabooks. Du roman de Lily Bouriot aux BD de Gee en passant par nos manuels ou la biographie de Richard Stallman, toute la collection des livres concoctés par la communauté Framasoft pour votre plus grand plaisir est présente au rendez-vous et n’attend plus que votre dévorante envie de lire.
À vous de créer les catalogues de vos rêves
Framabookin n’a pas vocation à devenir LE catalogue du Libre, pas plus que Framasoft ne souhaite se transformer en GAFAM Libriste. Auteur-e-s, inutile donc de vous précipiter sur votre clavier pour nous envoyer votre dernier ouvrage sous licence libre afin que nous l’y intégrions : nous n’avons pas une armée de bénévoles prête à devenir un comité éditorial (mais n’hésitez pas à proposer vos ouvrages à la collection framabook).
Comme toujours avec nos services de la campagne Degooglisons Internet, l’objectif est triple :
Vous sensibiliser au fait que quelques grands acteurs (Amazon, Google livres, Itunes bookstore) monopolisent la diffusion de la culture numérique, malgré le boulot formidable de projets alternatifs (Gutenberg, Wikisource, Bibebook, etc.) ;
Vous démontrer qu’il est possible (et facile) d’héberger soi-même son propre catalogue, de proposer ses collections de livres Libres pour sa famille, son établissement scolaire, son association, son entreprise…
Vous inciter à essaimer, à devenir vous même le concurrent d’Amazon & consorts, en vous proposant un tutoriel qui retrace pas à pas comment nous avons fait pour héberger Framabookin.
Bonnes Lectures !
Alors oui : LE catalogue rassemblant TOUS les ebooks libres francophones reste à inventer… Mais en attendant d’avoir la joie de relayer une telle initiative, nous avons hâte de découvrir VOTRE catalogue, celui qui reflètera vos goûts et vos choix éditoriaux.
Et surtout, d’ici là, nous vous proposons de faire comme la famille Dupuis-Morizeau et de farfouiller parmi des centaines et des centaines d’ouvrages Libres qui se téléchargent sur n’importe quel appareil en allant à une seule adresse :
Être auteur libriste, c’est vraiment agréable. Comme on n’est plus dans la méfiance de son lectorat, la relation devient complicité. On reçoit des tonnes d’aide pour un crowdfunding, on se fait héberger gratis pour écrire un roman (qui-est-en-retard-pas-taper ^^), on recoit des dons régulièrement… Et puis parfois y’en a qui abusent.
Le droit d’auteur, c’est pour les peureux
Mes pièces de théâtre, mes romans et même mes vidéos sont dans le Domaine Public Vivant. Par le biais de la licence CC-0, je propose un contrat à qui n’en veut : vous pouvez faire ce que vous voulez de mes œuvres. Les distribuer, les diffuser, en faire des spectacles, les modifier, traduire, adapter, remixer… et même les revendre. À chaque fois que je parle de cela, entre ami-e-s ou en conférence, me revient inlassablement la même question :
« Mais, Pouhiou, que ferais-tu si quelqu’un se mettait à vendre tes œuvres sans rien te reverser ? »
La réponse, elle est simple, et elle m’a été donnée par l’artiste-peintre Gwenn Seemel : faire des bisous à qui s’intéresse assez à mon œuvre pour vouloir la vendre, voir comment ce vendeur fait (et le copier si ça m’intéresse : il n’y a pas d’exclusivité !) ; et surtout : tout raconter de cette histoire sur les Internets.
Le Domaine Public Vivant des saloupiauds.
Et voilà que ça arrive. Voilà que je retrouve, par hasard sur les Internets mes deux premières pièces de théâtre vendues à moins de 4 € en ebook sur Amazon : Tocante, un Cadeau Empoisonné et sa suite AndroGame, un Sex-Toy Angélique. Un vendeur que je n’identifie pas, mais qui lui me mentionne en tant qu’auteur (quitte à faire de mon prénom une tautologie en me nommant « POUHIOU Pouhiou »).
Au départ, franchement, je me réjouis. Je n’aurais jamais pris le temps de déposer ces fichiers sur Amazon, je le considère comme un ogre sans tête ni respect.
Mais très vite, je déchante… C’est sale. C’est parfaitement légal, hein, mais c’est franchement un travail de saloupiaud. Et ce pour plusieurs raisons :
Les ebooks utilisés sont les fichiers que j’ai réalisés moi-même, sans aucun ajout éditorial. Le seul « apport » est la conversion de ces fichiers au format .mobi, ce que n’importe quelle moulinette sait faire, et que les personnes enfermées par l’achat d’un Kindle peuvent réaliser à l’aide du logiciel libre Calibre.
Les méta-données ont été faites selon la méthode de La Rache par un robot programmé avec les pieds. Mon nom en capslock. Les résumés de ces pièces sont en fait les premiers mots des fichiers epub… Donc un sous-titre dans le cas de Tocante, et la dédicace pour AndroGame. Cela vous place en position de vache à lait qui ne saura même pas que la première pièce est un suspense humoristique sur la mort et le suicide, et que la deuxième est une comédie confrontant un homme qui ne veut plus de son pénis et un ange qui aimerait bien en avoir un.
Last but not least, c’est une arnaque pour les personnes enfermées dans le magasin Amazon. Aucun moyen de savoir que ces œuvres relèvent du Domaine Public Vivant (à moins de payer …) et encore moins de savoir qu’on peut les télécharger librement et gratuitement sur mon site.
Bonus saleté : c’est une infraction claire aux Conditions Générales d’Utilisation de KDP (la plate-forme d’édition d’Amazon) qui stipulent que l’on doit fixer ses prix afin que l’ebook soit le moins cher sur le marché (or sur mon site, c’est gratuit !).
Et le saloupiaud est… Amazon itself !
Cela fait plus d’un an que je suis au courant. Plus d’un an que j’ai vu cette arnaque et que je n’ai pas pris le temps de faire quoi que ce soit, parce que je préfère créer et militer que gueuler (et tenter de gagner ma vie entre deux, parce qu’il parait qu’il le faut ^^).
Je parle souvent de cet exemple en conférence, en disant que je m’en fous. Aujourd’hui, en préparant un article blog pour Framasoft, j’en reparle avec les copaings de l’asso. On s’amuse à lâcher des commentaires sur les pages amazon de Tocante et d’AndroGame avec Framasky. Je twitte ça, content d’avoir pris le temps de troller un peu…
Jusqu’à ce que, sur Twitter, @JulioDeLaPampaS m’envoie l’identité du saloupiaud qui vend mal mes ebooks en contrevenant aux CGU d’Amazon… Je vous le donne en mille :
Oui.
Oui.
J’ai vérifié : Amazon Media EU S. à r. l. c’est bel et bien Amazon.
Ça vous dit une shitstorm sur Amazon ?
Alors voilà, j’écris enfin cet article que je me devais de faire depuis plus d’un an.
Pour vous demander votre aide.
Parce que c’est légal ET c’est sale.
Si vous avez un compte Amazon qui traîne (je vous en supplie, n’en créez pas un pour l’occasion !) venez vous amuser à commenter et dénoncer le fait que quiconque achètera ça se fait juste pomper du fric pour rien par le deuxième A de GAFAM. Noyons ces pages sous des commentaires drôles et libres (ou sous des sujets de forums qui, eux, ne sont pas modérés ^^) que je lirai avec délices :
Si vous avez le temps et l’envie, allez télécharger mes œuvres sur mon site web et vendez-les à votre tour sur Amazon, et ailleurs, partout où vous voulez… Faites de la concurrence au robot-sagouin d’Amazon, submergez leur publication pourrie sous la marée des vôtres, en proposant un joli résumé, de belles méta-données, et gardez l’argent bien mérité (ou profitez-en pour soutenir Framasoft ^^).
Si vous êtes une librairie en ligne (ou un diffuseur d’ebook), proposez-les sur votre catalogue en montrant que vous faites un meilleur boulot que le robot-boulet d’Amazon et je promets de parler de vous.
Si vous aimez le théâtre, pensez aussi à les lire, les partager, voire à les produire sur scène (je rêve d’en être un jour le spectateur, moi qui les ai jouées si longtemps !).
Parce que c’est à Nous.
Ces œuvres sont dans notre Domaine Public. En proposant cette licence, j’ai voulu qu’elles vous appartiennent à vous comme à moi. Parce que nous sommes bien plus forts et importants qu’une multi-nationale sourde et aveugle.
Je vous fais confiance pour défendre ce qui nous appartient, et que personne, pas même le géant Amazon, ne peut tenter de s’approprier ni d’enclore impunément.
Les bisous préconisés par Gwenn Seemel, j’ai pas envie de les faire à Amazon, mais à vous.
EDIT 01 : Amazon est synchro, juste en publiant cet article, je reçois des emails comme quoi mes commentaires sont refusés car ils ne respectent pas les « Guidelines » du commentaire Amazon. Quelle surprise !
EDIT 02 : Sur twitter, Jiminy Panoz me signale que tous les ebooks vendus via KDP (plate-forme d’auto publication) ont « Amazon EU Sàrl » comme vendeur… et que la meilleure manière de troller c’est d’utiliser le bouton « signaler un prix inférieur » comme sur l’image ci-dessous ! Amusez-vous bien !
#FixCopyright : le bilan du vote par Julia Reda
Hier, la commission JURI du Parlement européen s’est réunie pour voter la version finale du rapport Reda, le rapport visant à dépoussiérer et harmoniser le droit d’auteur au niveau européen) avant que de le présenter au parlement.
Julia Reda a présenté sur son blog une analyse détaillée de ce qu’est devenu le rapport après des mois de tractations afin qu’il soit accepté par l’ensemble de la commission.
L’équipe framalang, armée de cafetières et de courage, a œuvré toute la nuit pour vous fournir une traduction de cette analyse. Sachez que la directive qui résultera de ce rapport durera au moins quinze ans… D’où l’importance d’avoir fait peser nos voix dans le débat aujourd’hui (et jusqu’à la séance plénière du Parlement entérinant le rapport en une directive).
Le Rapport Reda est adopté : un tournant dans le débat sur le droit d’auteur.
Aujourd’hui, la commission des affaires juridiques du Parlement européen (Ndt : la commission JURI) a approuvé à une large majorité une version amendée de mon rapport d’évaluation du droit d’auteur (le texte adopté n’est pas encore disponible, je mettrai un lien vers le document dès qu’il sera mis en ligne).
Le rapport, dans sa version modifiée, a été accepté par tous les groupes politiques — les deux seuls votes contre provenant de parlementaires européens de l’extrême-droite française (Front national).
Au travers de ce rapport, le Parlement reconnaît qu’une réforme du droit d’auteur est d’une urgente nécessité, pas seulement pour améliorer le Marché unique numérique, mais aussi pour faciliter l’accès à la culture et à la connaissance à tous les Européens. Ce rapport appelle la Commission européenne à prendre en compte une grande variété de mesures pour permettre aux lois qui régissent le droit d’auteur de se mettre en phase avec les réalités en perpétuelle évolution du numérique ; et d’améliorer l’accès transfrontalier à la diversité culturelle européenne, en allant plus loin que les réformes annoncées depuis longtemps par les commissaires.
Ce rapport marque un tournant dans l’approche du droit d’auteur en Europe : après des décennies pendant lesquelles les lois se sont concentrées sur l’introduction de nouvelles restrictions pour protéger les intérêts des ayants droit, il s’agit de la plus forte demande à ce jour de reconsidérer les droits du public — des utilisateurs, des institutions culturelles, des scientifiques ainsi que des auteurs, qui bâtissent aujourd’hui sur les fondations d’hier. C’est un appel à la réduction du flou juridique que les Européens subissent dans leurs interactions de tous les jours avec les contenus soumis au droit d’auteur, tout en protégeant les créateurs contre l’exploitation. Les propositions émises dans ce rapport, si elles sont mises en œuvre, n’auront aucun effet négatif important sur les revenus des créateurs, mais augmenteront grandement la capacité de chacun à participer à la culture et à l’éducation.
Pour la première fois, le Parlement demande des normes minimales pour les droits du public, conservés précieusement dans une liste d’exceptions au droit d’auteur, dont l’application par les États membres a été jusqu’ici complètement facultative. Le rapport met l’accent sur le fait que l’usage de ces exceptions ne peut pas être entravé par des contrats restrictifs et que les dispositifs de gestion numérique des droits (DRM) ne peuvent restreindre votre droit à faire une copie privée d’un contenu légalement acquis.
L’introduction de nouvelles exceptions est aussi posé, nommément à savoir :
autoriser les bibliothèques et les archives à numériser leurs collections efficacement ;
permettre le prêt de livres électroniques via Internet ;
autoriser les analyses automatiques de grandes portions de texte et de données (exploitation de texte et de données).
Pas de majorité parlementaire pour la majorité du public
Ceci étant dit, atteindre un consensus sur ce rapport a nécessité des concessions. Il s’est avéré impossible de construire une majorité parlementaire autour de plusieurs idées relevant du bon sens et demandées par la grande majorité de ceux qui ont répondu à la consultation publique que l’Union a conduite l’an dernier, des idées qui ont été complétées par des études scientifiques et des témoignages d’experts.
Le rapport ne demande plus à ce que toutes les exceptions soient obligatoires sur l’ensemble du territoire européen, ce qui aurait empêché de fermer à la frontière les droits des Européens à interagir avec des œuvres sous droit d’auteur.
Il n’y a pas eu de majorité pour une norme flexible et ouverte, ce qui aurait permis à la législation de couvrir de futurs développements qu’on ne peut prévoir à ce jour.
Au lieu de réduire sensiblement les délais de protection du droit d’auteur, ce qui aurait résorbé l’effet « trou noir du 20e siècle » où une large partie de notre histoire culturelle récente est devenue indisponible car elle n’est plus commercialement viable, mais est encore protégée, le Parlement n’a pu se résoudre qu’à appeler à la fin des extensions des délais de protection, et à éliminer les allongements nationaux à la durée de protection, comme en France où les héros de guerre bénéficient de 30 années supplémentaires pour leurs œuvres.
Les œuvres créées par des institutions publiques vont encore être sujettes au droit d’auteur, apparemment pour les protéger du peuple souverain qui a financé leur création, on demande seulement à la Commission de simplifier leur réutilisation.
Les grands groupes politiques n’ont pas seulement tourné le dos à ces idées qui ont rencontré un immense soutien populaire, selon la consultation ; ils ont spécifiquement insisté pour que la mention du nombre sans précédent de réponses d’utilisateurs finaux soit supprimée du rapport.
Nous avons assisté à un succès sans précédent de participation à la vie politique sur ces questions de droit d’auteur — et nous devons le rappeler régulièrement à nos représentants politiques. Il est inacceptable qu’autant de voix soient ignorées.
La nécessité d’un compromis a aussi eu pour conséquence un affaiblissement significatif du langage dans le rapport. Là où mon rapport initial posait des exigences audacieuses, la version finale demande maintenant seulement à la Commission d’évaluer certaines idées. Malheureusement, cela ne permet pas de mettre le Parlement en position de force dans le débat qui va suivre sur la proposition de loi.
Nous avons essuyé deux coups durs.
Sur certains points, il était impossible d’arriver à un compromis, donc cela s’est soldé par un vote :
Au sujet de la liberté de panorama, un amendement a été adopté avec le soutien du groupe S&D (Ndt : Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates au Parlement européen), précisant que l’usage commercial d’enregistrements et de photographies d’œuvres dans des lieux publics requiert la permission des ayants droit , disposition qui menace le travail de nombreux artistes et la légalité de plateformes commerciales de partage de photos comme Instagram et Flickr. Les réalisateurs de documentaires, par exemple, devraient demander la permission de tous les architectes, ainsi que celle de tous les artistes, dont les constructions, graffitis ou statues apparaissent dans le film.
Du fait de l’abstention des deux parlementaires GUE/NGL (Ndt : Confederal Group of the European United Left/Nordic Green Left, Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique), nous n’avons pas été en mesure de faire adopter un amendement autorisant la citation audio-visuelle, de manière à ce que le droit de citation ne s’applique plus qu’aux textes, mais soit étendu à toutes les formes d’expression culturelle. Cela signifie que les YouTubers et les podcasters resteront hors-la-loi, et que des pratiques aussi communes et répandues que les détournements en GIF resteront illégales.
Mais nous avons aussi contré beaucoup de propositions néfastes
Plus de 550 amendements ont été enregistrés pour modifier mon rapport initial — parmi lesquels des douzaines qui auraient eu des effets négatifs durables sur les droits collectifs et les libertés sur Internet. Durant les négociations, j’ai pu prévenir un grand nombre de ces menaces. Quelques exemples :
Les rapporteurs fictifs représentant les groupes PPE (Ndt : European People’s Party, Parti populaire européen) et ECR (Ndt : European Conservatives and Reformists Group, groupe des Conservateurs et Réformistes européens) ainsi que onze autres députés européens ont fait enregistrer cinq amendements qui cherchaient tous à effacer toute mention positive du domaine public (des œuvres non protégées par les droits d’auteur ou dont la durée de protection a expiré). Le rapport final maintient un vigoureux appel à sauvegarder notre richesse culturelle commune et à garantir que les œuvres appartenant au domaine public restent dans le domaine public quand elles sont numérisées.
La tentative d’un membre allemand du PPE de demander l’introduction d’un droit de copie connexe pour les éditeurs de presse a aussi été rejetée. En Allemagne et en Espagne, l’introduction d’une telle loi a entraîné des restrictions importantes à l’usage des liens internet et a fait peser une énorme menace sur l’innovation sur le Web, tout en n’apportant aucun gain réel aux éditeurs d’information.
Le rapporteur fictif du PPE, accompagné de onze autres députés européens, a soumis un amendement statuant que les « solutions fondées sur le marché » étaient la réponse qui permettrait aux bibliothèques de prêter des livres numériques — rejetant le fait que les bibliothèques ont besoin d’une base légale élargie pour prêter en ligne de la même façon qu’elles en ont une pour leur travail hors-ligne. La version suivante ne contient pas ces termes, et insiste sur le fait que le chemin à suivre est une exception légale pour le prêt numérique.
Un député allemand du groupe PPE a fait enregistrer un amendement explicitement laudateur envers les verrous numériques qui empêchent souvent les utilisateurs d’exercer les droits qui leur sont conférés par les exceptions aux droits d’auteur. Le compromis, à l’inverse, proclame de façon non équivoque que le droit de faire des copies privées ne doit pas être limité par la technique.
Plusieurs amendements proposés par le rapporteur fictif du groupe ADLE (Ndt : groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) et plusieurs députés européens du groupe S&D appelaient à criminaliser le partage de liens amenant sur des pages contenant des reproductions non-autorisées d’œuvres soumises au droit d’auteur — criminalisant les liens hypertextes, la pierre angulaire sur laquelle est construite le Web. À la fin, nous avons trouvé un compromis en oubliant totalement ce sujet, ce qui garantit que le rapport n’aggravera pas la situation actuelle.
C’est une étape d’un long voyage[1]
Le combat n’est pas terminé : le 9 juillet, la séance plénière — la totalité des 751 députés — se prononcera sur le rapport. Nous pouvons encore remporter des victoires contre les parties les plus néfastes de ce texte.
Je continuerai à me battre contre les mauvaises idées qui se sont glissées dans ce rapport, et pour demander à ce que de bonnes y soient intégrées.
Je compte sur vous !
[1] la route est longue, mais la voie est libre ! 😉
La première démonstration de MyPads est disponible !
Framapad — un de nos services Libre, Éthique, Décentralisé et Solidaire les plus utilisés — permet de rédiger des documents collaborativement et en temps réel.
Basé sur le logiciel libre Etherpad, Framapad héberge aujourd’hui plus de 300 000 documents, grâce à vos dons qui nous permettent de maintenir le service.
Malheureusement, ce service souffre de deux manques importants :
l’impossibilité de regrouper les pads créés (par exemple par thèmes, ou tout simplement pour les retrouver facilement plus tard) ;
l’impossibilité de protéger ses pads (pour protéger des données confidentielles, des travaux scolaires, etc.).
Le crowdfunding de MyPads
Framasoft avait donc lancé un appel à financement participatif, afin de collecter une somme qui permettrait de développer un module comblant ces deux lacunes.
La somme fut récoltée en quelques semaines, et nous avions donc pu nous lancer à la recherche d’un prestataire pour effectuer ce développement.
Débuté en janvier 2015, le développement a pris un peu de retard, mais l’adage du libre ne dit-il pas : « Ça sortira quand ça sera prêt » ?
Eh bien, bonne nouvelle : une première démo est disponible !
Ceci est une première démonstration.
Alors attention, hein : dans « première démonstration », il y a « première » et « démonstration » !
« Première » car le plugin n’est pas terminé. Il devrait l’être pour l’anniversaire de la clôture de l’appel à participation, c’est-à-dire le 30 juillet prochain.
Cela signifie que beaucoup de choses vont encore évoluer dans les 50 prochains jours. Et surtout qu’il est encore loin d’être complet. Donc, ne vous étonnez pas si certaines choses ne fonctionnent pas comme vous vous y attendriez. Et inutile de nous rapporter que les couleurs ne vous plaisent pas : elles sont tout sauf définitives 😉
« Démonstration » car les comptes et les documents créés sur la démo seront régulièrement effacés. Il ne faut donc surtout pas vous en servir pour créer des documents dans un cadre professionnel, car vos contenus peuvent être effacés d’une heure sur l’autre.
Prendre le temps de bien faire
Alors, les esprits chagrins se plaindront sans doute du délai de développement d’un tel plugin. Cela s’explique principalement par le fait que le développement a réellement commencé au début de l’année 2015, et que le prestataire ne pouvait consacrer 100% de son temps à ce projet (ce qui était convenu et accepté par Framasoft).
Par ailleurs, le développement d’un tel plugin est loin d’être trivial. Plus de 60 000 lignes de codes auront été écrites lors de 200 commits.
Enfin, nous aurons fait le maximum pour vous tenir au courant de l’avancement du projet, avec plus de 20 billets blog, qui ont aujourd’hui pris un rythme hebdomadaire.
Bref, nous vous encourageons à tester le plugin, tout en gardant à l’esprit qu’il reste encore pas mal de travaux à effectuer d’ici fin juillet.
D’ici là, vous pouvez aussi :
installer votre plugin sur votre instance d’etherpad (il faudra cloner le dépot et faire un npm install à la main, car MyPads ne sera poussé sur npmjs qu’une fois le développement considéré comme stable) ;
Le mois dernier, les médias ont abondamment montré et commenté la victoire électorale des militants de la mouvance « Indignés ». Ils ont en revanche plus parcimonieusement évoqué le programme, l’esprit et les convictions des responsables qui vont bientôt être aux commandes de Barcelone.
Le témoignage de l’universitaire Mayo Fuster Morell suggère que les valeurs et les pratiques du Libre ne sont pas étrangères à cette victoire, ce qui pourrait — rêvons un peu — servir d’exemple à d’autres pays européens confrontés à l’austérité. Ce relatif investissement du Libre dans le champ de la politique a de quoi nous réjouir : voilà longtemps que le Libre n’est pas seulement du code ou de l’art. Culture et objets libres gagnent aussi du terrain désormais. À Barcelone, on en est peut-être au libre citoyen.
Le 24 mai, les candidats de la liste « Barcelone en commun » (Barcelona en Comú) ont remporté les élections municipales en réunissant sur leur nom un quart des suffrages exprimés. « Maintenant Madrid », une candidature aussi liée à l’éthique des communs, est devenue une force clé pour la gouvernance de la ville de Madrid. Ce ne sont que deux des nombreuses surprises survenues hier lors des élections municipales et régionales en Espagne. Ces villes pourraient donner le signal d’un changement politique plus vaste. Les résultats électoraux ont ouvert la voie à un scénario optimiste pour une chance de victoire aux élections nationales à la fin de cette année, ou même à un mandat plus ambitieux encore, une coalition européenne des pays du Sud contre l’austérité.
Irruption de candidatures citoyennes
Le Parti populaire et le Parti socialiste restent les principaux partis politiques, comme c’est le cas depuis la transition démocratique de la fin des années 70, mais le pouvoir politique habituel a encaissé une grosse claque. La part de ces deux formations a chuté de 65 % lors des précédentes élections il y a 4 ans à 52 % au niveau national. Le renouvellement ou plutôt le changement des forces politiques en présence a été provoqué […] par la création de nouveaux partis : tel est le cas pour les « Citoyens », qui se sont imposés avec force comme un nouveau protagoniste de poids dans la vie politique. Cette irruption des candidatures citoyennes a été aussi impressionnante que rapide. Elle a contribué à l’augmentation d’au moins 5 points de la participation au scrutin.
Seulement quatre ans après que les Indignés du mouvement du 15 mai se sont mobilisés pour « une vraie démocratie maintenant » en opposition aux hommes politiques « qui ne nous représentent pas » et à la « dictature des marchés », l’impact de leur mouvement est désormais si visible qu’il ne peut plus être démenti. Les listes de candidature sont pleines de personnes venant du réseau des mouvements sociaux. Pour en donner une idée, Ada Colau, militante connue pour ses actions contre l’expulsion des activistes et des squatters va être le prochain maire de Barcelone. C’est l’ironie de l’Histoire : une militante anti-expulsion « expulse » les politiciens traditionnels de la mairie. Si l’on regarde la trajectoire des leaders du mouvement, on peut également dire que le cycle a démarré avec le mouvement anti-mondialisation (l’origine de Colau ou de Pablo Iglesias, le leader de Podemos/Yes we can), mais qu’il a réussi à mobiliser une fois encore la génération qui s’est battue contre le régime de Franco pour ramener la démocratie en Espagne (c’est de là que vient Manuela Carmena de « Madrid maintenant », une juge en retraite et très probable future maire de Madrid).
En ce qui concerne leurs programmes, la première chose à souligner est la place centrale réservée aux plans d’urgence pour secourir les citoyens qui étouffent sous les politiques d’austérité, tels que la mise en œuvre de différentes variantes d’un revenu de base, et la révision de la privatisation des services publics. Un code d’éthique existe pour contrôler les personnels politique en ce qui concerne la transparence, la fin de leurs privilèges (par ex. une limitation des indemnités à 29 000 € par an) et leur engagement à soutenir les initiatives citoyennes.
Au-delà du poids politique, c’est fascinant d’un point de vue organisationnel. En moins d’un an et sans aucun lien avec les mondes politique, économique, judiciaire ni avec le pouvoir médiatique existant, des citoyens ordinaires joignant leurs forces ont été capables de conquérir des positions importantes dans le système politique. Une victoire de David contre Goliath. Pour cela, ils ont associé le financement participatif, les programmes collaboratifs, les assemblées de voisinage, et le vote en ligne. Ils ont aussi, comme le leader de Podemos, bâti leur succès sur la popularité obtenue par leur propre programme télé.
Que disait la chanson ? « Prenons d’abord Barcelone, puis nous prendrons Manhattan ? » En effet, certains travaillent là-dessus. Une délégation d’activistes de New-York a parcouru l’Espagne pendant la campagne afin d’apprendre de cette expérience et « d’exporter » un tel soulèvement du peuple dans leurs propres villes. Il y a de nombreuses leçons et idées à en tirer. Voici quelques sources d’inspiration que je vous suggère d’envisager, pour démarrer un processus similaire dans d’autres pays.
L’effet CC
Un des combats citoyens (surtout chez les jeunes) qui a précédé et ensuite nourri le mouvement du 15 mai a vu le jour en réaction contre une loi imposée par le gouvernement, réprimant le partage en ligne et la culture libre (Loi Sinde de décembre 2010). Dans une large mesure, ce mouvement de culture collaborative sur le Web a réagi comme le fit Lessig en 2008, qui est passé des « Creative Commons » à « Change Congress » (« Changeons le Congrès ») . Au départ concentré sur les politiques sectorielles en lien avec la propriété intellectuelle et la régulation d’Internet, il a évolué pour appréhender le fait que défendre ces libertés est nécessaire pour transformer le système politique dans son ensemble. Au cours de cette évolution, les modèles de la culture libre et du travail collaboratif sont devenus une voie à suivre pour organiser la protestation politique.
[…]
En somme, les secteurs ayant de l’expertise dans les méthodes de co-création et coopérant grâce aux ressources en ligne ont un grand potentiel politique.
Le modèle « d’innovation cachée » de Wikipédia
Même s’il existe de grandes innovations dans les structures, il faut que le discours soit « simple » voire « strict ». Mako Hill a étudié comment Wikipédia a pu réussir en 2001 alors que d’autres tentatives de création d’encyclopédie en ligne avaient échoué. Une de ses conclusions est que Wikipédia a adopté un concept très simple à comprendre, tout en étant très innovant dans son fonctionnement. Il s’est fermement accroché à la notion traditionnelle d’encyclopédie : une idée vieille de plusieurs siècles qui est simple à comprendre. De la même façon, on peut dire la même chose ici. Le discours qui a pu faire grossir les votes en faveur d’un profond changement politique en Espagne n’est ni avant-gardiste ni particulièrement innovant, mais il est populaire, compréhensible par chacun et relié aux besoins fondamentaux. Quelques points se rapprochent de la démocratie radicale proche de Laclau et Mouffe. C’est un « combat » de bon sens, pour obtenir une hégémonie. Pendant ce temps, des modèles plus avant-gardistes, comme les nouveaux partis ayant un discours « innovant » et une identité sur Internet tels le Parti pirate ou le Parti X, sont pertinents en terme de conception d’organisation mais ne parviennent pas à mobiliser les votes du grand public (aux dernières élections européennes, le parti X a recueilli 0,64 % des voix). En somme, il faut des méthodes innovantes associées à un discours pour le peuple, en lien avec un programme portant sur les besoins fondamentaux.
La base et le sommet
Ces principes d’organisation ne sont ni du sommet vers la base, ni de la base vers le sommet, ils sont « de la base et du sommet ». Pour être plus précis : « un sommet facilement identifiable travaillant pour une base disséminée ». Ces forces s’appuient sur des leaders forts, mais aussi sur le développement d’une base collaborative et libre d’agir. Un concept-clé est le « débordement ». Il se réfère à la capacité de perdre le contrôle du processus, et à la liberté d’agir laissée à ceux qui s’engagent dans le processus. L’augmentation de la créativité des actions et des soutiens hors du contrôle du « parti » semble être un des points pertinents dans le succès de ces méthodes (c’est le cas pour le mouvement de création graphique autour des candidatures). De plus, il n’existe pas de frontière précise entre qui est membre du « parti » et qui ne l’est pas, il n’y a pas de rituels pour dire qui est dedans et qui n’y est pas, c’est l’implication personnelle au travers de l’action qui permet d’être membre. Les leaders ont tout de même une présence forte, leurs visages sont devenus des symboles-clé du processus (c’est-à-dire que sur le bulletin de vote ne figure pas le logo du parti mais la photo du leader). Des symboles visuels sur un Internet visuel mais, même avec Internet, la télévision reste toujours un moyen-clé de communication. En particulier, l’association des leaders et de la télévision est un moyen-clé de communication vers les milieux populaires, ceux qui ne sont pas touchés par les mouvements sociaux de la classe moyenne relayés par Internet. La crédibilité des leaders se construit sur leur capacité à communiquer et sur un engagement social de longue date. Les candidatures féminines – peu importe leur âge – (les femmes sont en tête de liste dans des villes comme Barcelone, Madrid et Valence) ont une plus grande capacité à augmenter les votes car elles transmettent l’idée de changement et dirigent de façon plus démocratique. Comme le dit le prochain maire de Barcelone, Ada Colau (une Zapatiste d’origine) : « conduite par l’obéissance aux ordres du peuple ». La position du leader est construite « pour » la base et non « au-dessus » d’elle. En somme, un leader social et très reconnaissable, mais une participation disséminée et non contrôlée.
Une fois encore, ce ne sont que trois visions « impressionnistes » du processus d’émancipation du peuple en Espagne. Il reste encore beaucoup à venir. 2015 est l’année du changement, cela continuera donc. En attendant, il est temps de fêter cela. Je vous laisse avec la rumba « run run » chantée par le prochain maire de Barcelone :
Ci-dessus, Ada Colau, dans un clip de campagne très joyeux. Le refrain de la rumba dit : « défendre le bien commun ». Pour voir et entendre la vidéo sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=wB6NDWKDyKg
Plus d’erreurs de grammaire ni de typographie avec Grammalecte
Si vous utilisez un traitement de texte avec des élèves, vous avez sûrement déjà entendu cette phrase « Il n’y a pas d’erreurs car ce n’est pas souligné. » En effet, trop souvent, seul le correcteur orthographique est utilisé. Et comme son nom l’indique, il ne corrige que l’orthographe. Si vous voulez que vos élèves (et même les plus grands) questionnent leurs productions, une petite, que dis-je, une grande extension deviendra vite indispensable : Grammalecte. Laissons Olivier nous en dire un peu plus.
Bonjour Olivier, j’ai l’habitude de dire que Grammalecte est une extension qui permet d’apprendre de ses erreurs. Peux-tu nous la présenter ?
Grammalecte est un correcteur grammatical dédié à la langue française. Pour l’instant, il n’existe que pour LibreOffice et OpenOffice, mais j’ai lancé une campagne de financement pour porter l’application dans Firefox et Thunderbird.
Le but du programme, c’est bien sûr de signaler les erreurs grammaticales, mais selon le principe suivant : le moins de fausses alertes possible, car les faux positifs irritent et distraient inutilement les utilisateurs. Ce n’est pas facile à faire, car dans la langue française il y a beaucoup d’incertitudes et les confusions possibles sont innombrables. Songez par exemple que l’adjectif « évident » est aussi une forme verbale du verbe « évider » et vous aurez une idée du genre de difficultés auxquelles il faut faire face. J’en ai parlé dans un long billet sur LinuxFR, alors je préfère ne pas me répéter ici.
Entendre que Grammalecte permet d’apprendre de ses erreurs me fait plaisir, car il n’est pas toujours facile de faire en sorte que le message d’erreur soit instructif. La place est limitée, et parfois l’imagination fait défaut pour écrire un message à la fois simple et instructif. Par ailleurs, les explications ne sont pas toujours comprises (tout le monde ne sait pas ce qu’est un COD ou un participe passé). Les exemples, ce n’est pas toujours clair. Les messages trop longs ne sont probablement pas toujours lus. Et, pour des raisons techniques, il n’est pas toujours possible d’être explicite. Il y a encore du progrès à faire sur ce point. Si je le peux, je place un hyperlien vers une page web plus complète, mais les pages web sont parfois longues et les explications ne concernent pas toujours spécifiquement l’erreur concernée. Mais il est vrai que, contrairement à Word (qui ne fournit qu’une correction sans indication), Grammalecte tente souvent d’expliquer. Car le meilleur moyen d’éviter les erreurs grammaticales, c’est d’enseigner petit à petit à l’utilisateur à ne plus en faire. Le meilleur service que puisse rendre un correcteur grammatical, c’est de devenir de moins en moins utile. Mais il le sera toujours à cause des erreurs d’inattention que même les plus doués font.
Pour aider l’utilisateur à s’y retrouver dans la langue française, il y a deux outils :
— le « lexicographe », qui, avec un clic droit sur n’importe quel mot, renseigne sur sa nature grammaticale : un nom, un adjectif, participe passé, un verbe, un article, etc.
— le conjugueur, qui est, lui aussi, accessible avec un simple clic droit sur n’importe quel verbe.
Ce n’est pas beaucoup par rapport à ce que font des logiciels comme Cordial et Antidote, mais c’est bien mieux que ce que fait Word.
Les correcteurs du Framablog et de Framabook me soufflent également que c’est un allié particulièrement efficace pour les « typo nazis »…
Oui, j’espère qu’il l’est, attendu que c’est avant tout pour des questions de typographie que j’ai commencé ce logiciel. Grammalecte est en effet assez strict sur ce chapitre. Au tout début, la décision de signaler les apostrophes droites avait beaucoup surpris certaines personnes, mais ça me semblait parfaitement normal. J’ai finalement mis cette règle en option pour ceux que ça gênait le plus. Grammalecte peut paraître pointilleux pour beaucoup de gens.
Mais pour soulager l’utilisateur des fastidieuses corrections typographiques, le logiciel possède un outil, appelé « formateur de texte », capable d’automatiser en quelques clics la correction des multitudes d’erreurs typographiques. Il peut par exemple :
— supprimer les espaces surnuméraires en fin de ligne, entre les mots, avant les virgules, etc.
— ajouter les espaces insécables là où elles sont requises,
— transformer les apostrophes droites en apostrophes typographiques,
— placer des tirets cadratins pour les dialogues,
et toutes sortes d’autres choses pénibles à faire manuellement, une par une.
C’est très utile quand on récupère des textes mal formatés sur le Net, car ça fait économiser un temps considérable de mise en forme.
Cela dit, Grammalecte n’intégrera pas tout à fait les mêmes règles de contrôle typographique dans Firefox, attendu que, dans ce contexte, certaines seront plus une gêne qu’une aide. Ce qui sera supprimé ou modifié reste encore à déterminer. Par exemple, il est possible que je change ou supprime certaines règles sur les espaces.
De manière générale, peux-tu nous présenter les personnes derrière Grammalecte ? Tu travailles seul ?
Alors, oui, je travaille seul sur le moteur interne de Grammalecte. Mais ça ne signifie pas que je sois le seul à avoir travaillé dessus, indirectement ou directement. Le logiciel est un dérivé de Lightproof, un correcteur grammatical minimaliste (d’où son nom, qu’on pourrait traduire par « vérificateur léger ») écrit pour LibreOffice par un Hongrois, mais qui est peu utilisé en raison du manque de ressources lexicales. Ce correcteur fait appel à Hunspell, le correcteur orthographique, mais la plupart des dictionnaires orthographiques n’étant pas grammaticalement étiquetés, son potentiel est limité et il sert surtout pour des corrections basiques ou typographiques. D’ailleurs, tel quel, il ne pouvait être d’une grande utilité pour le français, même avec un dictionnaire étiqueté, c’est pourquoi il a fallu que je triture le code pour pouvoir en faire un correcteur plus puissant (et moins léger). Mais je ne blâme pas Lightproof d’être léger et rudimentaire. Au contraire, ça m’a permis de mettre le pied à l’étrier et de constater que beaucoup de choses n’étaient pas si compliquées à faire. Ensuite, peu à peu, j’ai commencé à réfléchir à des choses plus complexes et à avoir des idées plus vastes que ce que j’avais imaginé faire en premier lieu.
Cependant il y a pas mal d’autres personnes qui ont travaillé et travaillent sur la base indispensable de Grammalecte : le dictionnaire orthographique grammaticalement étiqueté. Ça peut paraître anecdotique, mais gérer un dictionnaire c’est une tâche qui requiert un temps considérable et certains contributeurs y ont consacré une énergie qui méritent toute votre estime. Il y a quelques années, j’avais confié l’administration du dictionnaire à d’autres personnes, ce qui m’a permis d’avoir du temps pour améliorer le site web dédié à l’amélioration du dictionnaire et surtout pour concevoir les premières versions du correcteur grammatical. Gérer une base lexicale, c’est très loin d’être négligeable, c’est pourquoi Grammalecte et LanguageTool utilisent la même ressource. L’un des plus gros contributeurs au dictionnaire, c’est d’ailleurs le mainteneur de la partie française de LanguageTool. Quant aux autres, c’est une petite poignée de passionnés très investis ou de simples passants qui avaient besoin qu’on ajoute certains mots au dico. Mais je n’ai jamais demandé de comptes à quiconque, je ne sais pas qui ils sont. Un pseudo, une adresse e-mail, parfois un nom, c’est tout ce que je sais d’eux. À présent, il y a beaucoup moins de contributeurs, ce projet connaît un certain ralentissement. Il faut dire que le dictionnaire est bien plus fourni qu’autrefois, même s’il y a sans doute encore beaucoup à faire pour les domaines spécialisés comme la médecine, la biologie ou la chimie. Les nouveaux mots qu’on ajoute maintenant concernent surtout les sciences, ou bien des vieilleries peu utilisées.
Quant à moi, on pourrait croire que je suis un passionné d’orthographe et de grammaire, et que je m’amuse à faire des concours de dictée. Pas du tout. Pour tout dire, la grammaire ne m’intéresse que parce que je conçois un correcteur grammatical, c’est tout. Ce que j’aime avant tout, ce sont les livres, la littérature et l’informatique. Il y a une douzaine d’années, je récupérais sur le Web pas mal de textes anciens introuvables en librairie, et je les mettais en forme pour mon usage.
En 2005, quand j’ai découvert l’existence d’OpenOffice.org, j’ai immédiatement été impressionné par Writer, qui permettait de concevoir des textes de manière bien plus cohérente et propre que Word. Par ailleurs, Word me fâchait par son incapacité à relire correctement les anciens documents conçus avec lui (j’ai commencé avec Word 6). Il fallait souvent refaire certaines mises en page. Et le format binaire ne permettait guère de retrouver ses petits si le document était corrompu. La qualité de Writer et le format ouvert de documents sont les raisons pour lesquelles j’ai migré vers OOo.
Mais il y avait quand même un aspect de Writer qui était en deçà de son concurrent : le correcteur orthographique. Il était très lacunaire. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à m’intéresser à la question. Finalement, j’ai d’abord cherché à remplir mes besoins d’utilisateur. En 2006-2007, j’ai retroussé mes manches et j’ai d’abord amélioré le dictionnaire, j’ai repris les différentes versions disponibles sur le Net, et j’ai conçu un site web pour recevoir les propositions des utilisateurs. En 2008, j’ai fini par réécrire toutes les règles du dictionnaire pour normaliser les données (avant ça, c’était vraiment le bordel), et j’ai posé des étiquettes grammaticales dessus, avec l’idée que ça servirait un jour à celui ou celle qui aurait l’idée saugrenue de faire un correcteur grammatical, puis j’ai recréé le site web (parce que le premier était mal foutu). À l’époque, je n’avais pas du tout l’intention de concevoir un correcteur grammatical. Je ne me sentais pas assez fou pour me lancer là-dedans.
J’avais bien sûr essayé LanguageTool, mais il ne me convenait pas du tout, car il y avait vraiment trop de faux positifs. En 2010, j’ai tenté d’améliorer LanguageTool pour le français, mais j’y ai finalement renoncé à cause d’une histoire de typographie et de mon désamour pour Java et le XML. C’est alors que j’ai découvert Lightproof, capable d’interroger les dictionnaires dans Writer. Tiens, tiens, intéressant, me suis-je dit, et si je faisais un petit test ? Au commencement, j’ai pas mal galéré pour diverses raisons plus ou moins complexes, mais j’ai eu assez vite un correcteur typographique auquel j’ai ajouté quelques règles simples concernant la grammaire. Encore une fois, je ne faisais que satisfaire mes propres exigences d’utilisateur. Puis, comme ça a plu, j’ai continué à améliorer le moteur interne du correcteur, peu à peu, en ajoutant des mécanismes plus complexes et en polissant peu à peu les rugosités du logiciel.
Cela dit, cela va vous paraître bizarre, mais j’éprouve un doute de nature philosophique sur la pertinence de concevoir un correcteur grammatical. Je ne juge pas qu’un correcteur grammatical soit inutile, mais à force de plancher sur la question, la grammaire française a commencé à me paraître inutilement compliquée et incohérente. On écrit par exemple : Je commence, tu commences, il commence. Mais on écrit : Je finis, tu finis, il finit. Il est étonnant qu’on juge utile de distinguer la deuxième personne du singulier au premier groupe, mais au deuxième groupe on préfère distinguer la troisième personne du singulier. À l’impératif, dans le deuxième groupe, la graphie de la deuxième personne du singulier est la même que celle à l’indicatif (« finis »), mais au premier groupe la graphie de la deuxième personne du singulier est différente à l’indicatif (« commences ») et à l’impératif (« commence »), ce qui trompe d’ailleurs beaucoup de monde. Pire : au deuxième groupe, la première et la deuxième personnes du singulier (« finis ») ont la même graphie qu’un participe passé. Encore une belle occasion de semer la confusion.
On va me rétorquer que c’est notre « héritage », que ça vient des origines de la langue, que l’étymologie, c’est important. Oui, mais c’est un argument creux. D’abord, qui connaît l’origine de la variation des graphies des conjugaisons ? Pas grand-monde, je parie. Un coup d’œil sur la question sur Wikisource. Les anciens étaient-ils parfaitement logiques et cohérents ? C’est très discutable. La langue n’a pas évolué de manière uniforme. Un autre exemple : habiter vient du latin habitare, c’est pour ça qu’il y a un h au début du mot. Habitare dérive lui-même du mot habere, qui signifie avoir. Ah, tiens, le h a disparu sur avoir. Autrement dit, l’histoire préserve et altère les graphies très diversement. Pourtant, préserver le h sur avoir aurait été bien utile, car ça éviterait que certaines formes verbales de avoir soient identiques ou semblables à d’autres mots sans rapport avec ce verbe, comme a, as, avions, aura, ais (qui n’est pas une forme conjuguée de avoir). Absurde de rajouter h à avoir, pensez-vous ? Pourtant, on a autrefois ajouté des lettres aux graphies des mots pour mieux les distinguer. On a ajouté un d à pied (parce que ça vient de pedis), un g à doigt (parce que ça vient de digitus), etc. Personnellement, j’aimerais bien que avoir retrouve son h…
Le français est plein de confusions, d’ambiguïtés et de bizarreries. Il y a tellement de choses à retenir. Savez-vous à quoi ressemble la somme de la connaissance sur la grammaire française ? À un pavé de 1600 pages écrit en petites lettres qui s’appelle Le Bon Usage de Grevisse (au format poche, ça ferait plus de 3500 pages, je pense). Et encore, on n’y trouve pas tout.
Récemment, une de mes amies s’indignait que ses enfants dussent apprendre par cœur les pluriels irréguliers de caillou, genou, hibou, etc. Pourtant ces mots ne dérivent pas de mots plus anciens contenant des x. Ce x n’est dû qu’à une écriture abrégée employée il y a longtemps, où un X remplaçait “us”. Au lieu d’écrire chous, certains écrivaient choX. (référence sur Wikipédia). Personnellement, il me paraît bien plus grave de confondre “on” et “ont”, “à” et “a”, “se” et “ce”, que de se tromper sur le pluriel de caillou ou d’écrire “tu commence”. Mais le français est si plein de choses à retenir qu’on voit régulièrement des gens ne pas se tromper sur des questions accessoires et écrire des phrases dont la syntaxe fait mal aux yeux.
Voilà pourquoi j’éprouve un doute sur la pertinence de concevoir un correcteur grammatical en l’état des choses. Je crains d’aider à figer une langue dans toutes ses incohérences et ambiguïtés. (Mais ceux qui vendent des correcteurs y trouvent probablement leur compte.) Il me semblerait plus utile que les experts se réunissent pour concevoir un français avec le moins possible d’incohérences, d’ambiguïtés et d’irrégularités. Je comprends que c’est pour certains un scandale de toucher à la langue. C’est pourtant ce que font souvent ceux qui créent des langages de programmation, quand ils veulent les améliorer. Ils modifient la syntaxe, ils ajoutent du vocabulaire, font les modifications qu’ils jugent utiles. Résultat : un langage plus lisible, moins ambigu et plus cohérent.
De toute façon, si l’on ne fait rien, le français évoluera. De manière incohérente probablement, comme jusqu’à présent. Et on appellera ça notre culture.
Mais rassurez-vous, je n’ai aucunement l’intention d’imposer mes idées, et le correcteur grammatical essayera de faire respecter les règles actuelles. 🙂 Actuellement, Grammalecte est disponible pour les suites bureautiques libres (LibreOffice, Apache OpenOffice, OOo4kids et OOoLight), j’ai cru comprendre que la prochaine étape était de couper le cordon et de l’adapter pour d’autres logiciels.
Avant de répondre à cette question, une remarque sur les suites bureautiques : je ne sais pas du tout ce qui se passe du côté d’OOo4Kids et OOoLight. Je pensais que le développement de ces logiciels avait cessé. Je crois savoir qu’ils utilisent Python 2.6, et je ne fournis plus de nouvelles extensions pour cette version de Python depuis assez longtemps. C’est déjà assez contrariant de fournir une version utilisable par OpenOffice (qui n’intègre que la version 2.7 de Python). Le problème, ce n’est pas OpenOffice, c’est cette version de Python dont le module d’expressions régulières est un peu bogué, ce qui rend Grammalecte moins efficace et génère parfois des faux positifs indépendants de mon contrôle. En fait, je teste tout avec LibreOffice, puis l’extension est convertie pour OpenOffice.
Mais, oui, la prochaine étape, c’est de désimbriquer Grammalecte de l’écosystème LibreOffice/OpenOffice, notamment pour pouvoir greffer le correcteur grammatical sur Firefox et Thunderbird. Ça fait longtemps que j’y songe, mais il y a pas mal de prérequis à cela. Il faut refondre et réorganiser une très grosse partie du code, transformer toutes les données, optimiser pas mal de choses, écrire les fonctionnalités qui manqueront après s’être détaché de LibreOffice/OpenOffice, améliorer certains points de la correction grammaticale, convertir en JavaScript (le langage de programmation des navigateurs), concevoir une interface adaptée, et j’en oublie certainement. En bref, il y a des eaux tumultueuses à traverser avant de pouvoir reprendre une navigation sereine. C’est pourquoi j’ai monté une campagne de financement participatif pour pouvoir m’y consacrer sereinement.
Et tu ne comptes pas t’arrêter aux logiciels mozilliens. Quel est ton objectif ultime ?
Produire une extension pour Firefox et Thunderbird fait déjà partie de mon but « ultime », c’est déjà à mes yeux une très importante finalité en elle-même, mais en effet ce n’est pas tout.
Séparer Grammalecte de Writer a aussi pour dessein de bâtir une application autonome, un serveur capable de renvoyer les erreurs à toute autre application qui lui transmettrait du texte, ce qui permettrait à ces applications de proposer des corrections grammaticales. Charge à elles de concevoir l’interface. Après, idéalement, j’aurais aimé revoir complètement la gestion des ressources lexicales, refaire le site web du dictionnaire de fond en comble, mais ce n’est pas indispensable et ça demanderait beaucoup de travail. Alors j’ai préféré être plus raisonnable en proposant de concevoir divers outils annexes.
Parmi ceux-ci, il y a notamment un assistant pour proposer de nouveaux mots à la base de données en ligne, pour simplifier toute la procédure. Il y a aussi un outil pour détecter les répétitions et compter les mots en les regroupant par lemme. Je prévois aussi d’améliorer le « lexicographe » afin de fournir sur les mots toutes les données dans la base, comme le champ sémantique auxquels ils appartiennent, leur indice de fréquence, leur origine étymologique et toute information potentiellement utile.
En fait, toutes ces choses (les extensions, le serveur et les outils annexes) sont plus liées qu’il n’y paraît. Elles ne sont séparées dans la campagne de financement que pour que celle-ci ait plus de chances d’aboutir. La véritable finalité, c’est de bâtir un écosystème grammatical libre.
Nous pouvons donc soutenir le développement financièrement. Si certains de nos lecteurs souhaitent t’aider d’une autre manière, comment peuvent-ils faire ?
Le point sur lequel il est possible d’aider, c’est la gestion du dictionnaire qui sert de base lexicale au correcteur. Ce n’est malheureusement pas une tâche très enthousiasmante, car c’est répétitif. Mais ajouter les mots qui manquent, les étiqueter, c’est pourtant indispensable. Quand un mot n’est pas identifié, le correcteur est aveugle. Plusieurs fois, j’ai laissé le rôle d’administrateur à des personnes motivées qui ont fait du très bon boulot. Tout le monde peut participer, et si quelqu’un se sent motivé pour administrer, il suffit d’apprendre comment ça fonctionne, se faire la main sur le système et de savoir grosso modo quelle est la politique suivie.
Quant au code, je préfère travailler seul, question de tempérament, mais quand j’aurai fini la réorganisation du projet et que les tests seront mis en place pour éviter les régressions, je serai plus ouvert à la collaboration.
Traditionnellement, nous laissons le mot de la fin à l’interviewé. Y a-t-il une question que tu aurais souhaité qu’on te pose ?
On ne m’a pas encore posé de questions sur le potentiel futur du correcteur, s’il peut encore beaucoup progresser dans la détection des erreurs.
La réponse est oui, il peut encore progresser de manière significative. Il est difficile de faire des prédictions avec une grande fiabilité, mais je suis optimiste sur la distance que celui-ci peut parcourir avant d’arriver au point où il sera difficile d’améliorer les choses sans revoir de fond en comble son fonctionnement.
Pour l’instant, il existe 929 règles de contrôle (qui recherchent les erreurs) et 535 règles de transformation (qui aident les premières à s’y retrouver dans le texte). Ces règles font énormément de choses, mais je n’ai pas encore implémenté nombre de vérifications, parce que c’est parfois compliqué à faire (il faut tester, refaire, vérifier, refaire, revérifier), mais aussi parce qu’il existe nombre d’erreurs auxquelles je n’ai pas pensé. Concevoir les règles de détection, c’est parfois simple, mais ça requiert parfois aussi de l’inventivité.
Pour l’instant, j’ai assez peu travaillé sur certaines erreurs grossières, comme les confusions entre “sa” et “ça”, “on” et “ont”, “a” et “à”, etc. parce que j’en vois peu dans les textes sur LibreOffice. Ce n’est pas le genre d’erreurs qui me vient automatiquement à l’esprit. En revanche, sur le web, ces erreurs sont bien plus fréquentes, et il faudra que je veille à renforcer les contrôles sur ces confusions qui trahissent une méconnaissance assez grave de la grammaire française. Il existe bien sûr déjà des règles pour signaler ces confusions, mais c’est encore à améliorer.
Sans rien changer aux mécanismes internes, il y a encore beaucoup de choses faisables. Mais j’avance prudemment, car la difficulté ce n’est pas de trouver de nouvelles erreurs à signaler, c’est d’en détecter sans se tromper trop souvent. Comme la « devise » de Grammalecte, c’est d’éviter autant que possible les faux positifs, la montée en puissance se fait à un rythme raisonnable, afin de corriger ce qui peut l’être au fur et à mesure et d’éviter d’être submergé par des signalements intempestifs.
Par ailleurs, à l’avenir, va être mis en place un système de désambiguïsation (cf. l’article sur LinuxFR) qui va rendre l’analyse du texte plus sûre et mécaniquement augmenter le taux de détection.
Ensuite, il n’est pas exclu de créer des mécanismes plus complexes, mais c’est une autre affaire. Grammalecte n’en est pas encore arrivé à ce stade.
Performance artistique distribuée : un concert dans votre ordi
Ces artistes vous proposent de télécharger leur logiciel, dont ils vont prendre le contrôle à distance… Pour envahir votre PC ? Oui. Avec leur performance distribuée. Pour votre plaisir. Voici une démarche assez particulière qu’on vous propose de découvrir par une interview des artistes-développeurs qui la proposent.
Bonjour, Nicolas et Cyrille.
Pouvez-vous vous présenter ? Comment en êtes-vous venus à cette démarche ?
Bonjour,
Nous sommes tous deux artistes et développeurs.
Depuis plus de 10 ans, nous travaillons ensemble sur le développement d’instruments audiovisuels : nous créons des algorithmes qui génèrent des comportements complexes et des mouvements expressifs, et nous travaillons à une représentation sonore et visuelle de ces données. Ensuite nous « jouons » de ces algorithmes en live, en modifiant les paramètres, influant ainsi sur le son et l’image.
Le projet « Égrégore source » est une adaptation du logiciel que nous avons développé pour notre performance « Égrégore », que nous avons jouée pendant 3 ans. Nous avions déjà distribué une partie de nos instruments lors de l’édition DVD « Vivarium » en 2008, et nous avons voulu aller plus loin dans cette démarche en éditant un logiciel plus facile à utiliser, même pour des gens non initiés à ce type d’outils.
C’est une sorte d’archive, une trace de la performance fixée à un moment, mais sous forme ouverte et que les gens peuvent donc s’approprier différemment. Il est plus riche de diffuser les instruments, plutôt que de figer un résultat produit par ces algorithmes.
Expliquez-nous votre concept. C’est une sorte de concert, mais chacun chez soi ? Du coup est-ce que l’on peut parler de « spectacle vivant », selon vous ?
En distribuant les instruments, il manque un aspect fondamental qui nous est cher, c’est celui du temps partagé ensemble que l’on vit lors d’un concert.
C’est pourquoi il nous a semblé important d’intégrer cet aspect dans cette édition.
Le 27 mai à 21h, toutes les personnes qui lanceront le logiciel et qui seront connectées à Internet assisteront à la performance.
Ils recevront en direct les données de contrôle que nous générerons, les potentiomètres se mettront à bouger tout seuls !
C’est donc un concert où chacun est chez soi, mais qui garde l’essence du concert, le fait de partager un événement ensemble, simultanément.
On imagine qu’il y aura des personnes qui se réuniront ou qui organiseront des diffusions locales en petits groupes pour vivre la performance.
Quelle différence avec un vidéo-concert que vous feriez en livestream ? Le logiciel sert à quoi dans cette histoire ?
Ici, nous allons intervenir sur les instruments situés sur les ordinateurs du public. C’est un rappel sur la réalité physique de la dispersion du logiciel, une appropriation d’une utopie d’Internet, la connexion instantanée entre des situations géographiques éloignées. En bougeant les potentiomètres à distance, le public peut également assister à la manière dont on joue des instruments et pas seulement au résultat, un peu comme les pianos dont les touches s’enfoncent toutes seules avec une partition mécanique.
De plus, les instruments sont génératifs et vont tous créer un rendu légèrement différent, chaque logiciel va donc produire une performance unique.
Enfin la qualité du rendu son/image est supérieure à une vidéo « streamée », même avec un débit faible (~2ko/s) et un ordinateur moyen.
C’est une performance éphémère ou vous l’enregistrez pour la rediffuser ? C’est de l’improvisation, ou tout est-il écrit ?
Cette performance sera jouée en live, comme nous l’avons fait de nombreuses fois. Nous avons un canevas temporel et nous improvisons dedans.
Les données correspondant à notre jeu avec les instruments seront enregistrées et il sera possible de les télécharger et de les rejouer a posteriori dans le logiciel.
Est-ce que le public peut participer, applaudir, manifester, interagir avec vous ?
En utilisateurs modernes d’Internet, nous apprécions particulièrement l’IRC 🙂
Il y aura un canal sur freenode (#chdh) sur lequel les gens pourront se manifester.
Mais ce retour reste différent que lors d’une performance habituelle. Notre jeu sera sûrement plus intime, ce qui correspond également à la manière dont le public y assistera, seul devant son écran.
Concrètement, comment fait-on pour assister à votre performance ? Il faut payer quelque chose ?
Il suffit de télécharger l’application et de la lancer au bon moment en étant connecté à Internet pour assister à la performance en direct.
Vous pourriez « partir en tournée » ?
« Égrégore source » est plutôt là pour marquer la fin de la performance égregore, que nous avons jouée de nombreuses fois devant un public.
On peut vous faire un don si on a bien aimé ?
Vous pouvez acheter la version physique de l’édition ! C’est une édition limitée à 233 exemplaires qui comprend une clé USB, un schéma complet de l’algorithme sous forme de carte et un texte critique de l’artiste Atau Tanaka.
Nous inviter à venir jouer, venir nous voir est aussi un très bon moyen de nous soutenir.
Le logiciel est sous licence libre (GPLv3), pourquoi ? Pouvez-vous nous en dire plus sur le développement ?
Pour travailler, nous utilisons beaucoup le logiciel Pure Data, développé en licence libre, et enrichi par une communauté d’artistes / développeurs / chercheurs dont nous faisons partie. Égrégore source est intégralement développé dans cet environnement. Il nous semble donc juste que la communauté Pure Data puisse bénéficier en retour de notre travail.
De plus, l’édition étant en partie financée par une subvention publique, il nous paraît aussi logique qu’elle puisse profiter à tous les membres de la société civile.
Comment créer des ponts entre ces deux communautés : les « libristes » d’un côté, les « artistes » de l’autre (pour caricaturer) ? Qu’ont-elles à s’apporter ?
Il existe une scène artistique qui mélange ces communautés. La vision d’artistes sur les questions posées par le logiciel libre, et plus largement par les outils et techniques modernes, est souvent bénéfique pour le débat car moins technique / intellectuel mais plus sensible.
Un autre aspect est que la diffusion sous licence autorisant la libre reproduction permet d’augmenter la circulation des œuvres et d’atteindre un public plus large.
Sur le Framablog, on aime bien laisser aux interviewés le mot de la fin… Profitez-en !
Rendez-vous le 27 mai !
(merci au groupe Framabook pour avoir joué les correcteurices)