Réponse de la FSF à la décision de Mozilla d’accepter des DRM

La semaine dernière, l’annonce de Mozilla d’accepter les DRM dans Firefox a fait couler beaucoup d’encre sur la Toile.

Nous vous proposons ci-dessous la réponse traduite de la Free Software Foundation de Richard Stallman.

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La FSF condamne le partenariat entre Mozilla et Adobe pour le soutien aux DRM

FSF condemns partnership between Mozilla and Adobe to support Digital Restrictions Management

14 mai 2014 – Free Software Foundation
(Traduction[1] : r0u, Olivier, Julien, MonsieurTino, audionuma, marc, Teromene, goofy + anonymes)

Boston, Massachusetts, États-Unis d’Amérique – mercredi 14 mai 2014 – En réponse à l’annonce de Mozilla de soutenir – à contrecœur – les DRM dans son navigateur web Firefox, John Sullivan, le président exécutif de la Free Software Foundation, a fait le commentaire suivant :


« Une semaine seulement après la Journée Mondiale contre les DRM, Mozilla a annoncé son partenariat avec l’éditeur de logiciel propriétaire Adobe pour implémenter le support web des restrictions numériques (DRM) dans son navigateur Firefox, en utilisant les Extension de Contenus Chiffrés (Encrypted Media Extension, EME).

La Free Software Foundation est profondément déçue par l’annonce de Mozilla. La décision compromet des principes importants dans le but d’apaiser des craintes infondées de pertes de part de marché face aux autres navigateurs. Elle associe Mozilla avec une entreprise opposée au mouvement du logiciel libre et aux idéaux fondamentaux de Mozilla.

Même si Mozilla ne va pas directement embarquer le greffon propriétaire d’Adobe, le navigateur va, de façon officielle, encourager les utilisateurs de Firefox à installer le plugin d’Adobe quand une page embarquera uncontenu nécessitant l’utilisation de DRM. Nous sommes d’accord avec Cory Doctorow sur l’absence de différence significative entre « installer des DRM » et « installer du code qui installe des DRM »

Nous sommes conscients que Mozilla fait ceci à contrecœur, et nous le croyons d’autant plus qu’il s’agit de Mozilla et non de Microsoft ou Amazon. Cependant, presque tous ceux qui intègrent les DRM disent qu’ils sont forcés à le faire, et cette absence de responsabilisation permet à cette pratique de persister. Avec cette annonce, Mozilla se place malheureusement – dans ce cas – dans la même catégorie que ses concurrents propriétaires.

Contrairement à ses concurrents, Mozilla va prendre des mesures pour réduire certains des principaux défauts des DRM, en essayant d’isoler le greffon dans un « bac à sable ». Mais cette approche ne peut résoudre le problème éthique fondamental des logiciels propriétaires, ou les problèmes qui apparaissent inévitablement quand un logiciel propriétaire est installé sur un ordinateur.

Dans cette annonce, Mitchell Baker assure que Mozilla avait les mains liées. Mais juste après, elle vante la « valeur » que peut apporter Adobe et suggère qu’il existe un équilibre nécessaire entre les DRM et la liberté de l’utilisateur.

Il n’y a rien de nécessaire dans les DRM, et entendre Mozilla faire l’éloge d’Adobe – l’entreprise qui a été et continue d’être une opposante farouche au logiciel libre et à l’Internet libre – est choquant. Avec la mise en place de ce partenariat, nous nous inquiétons de la capacité et de la volonté de Mozilla à critiquer les pratiques d’Adobe dans le futur.

Nous comprenons que Mozilla craigne de perdre des utilisateurs. Cory Doctorow souligne qu’ils n’ont pas apporté de preuves qui confirmeraient cette crainte ni fait de véritable examen de cette situation. Plus important encore, la popularité n’est pas une fin en soi. Cela est particulièrement vrai pour la Fondation Mozilla, une organisation à but non lucratif avec une mission éthique. Dans le passé, Mozilla s’est distingué et a connu le succès en protégeant la liberté de ses utilisateurs et en expliquant l’importance de cette liberté : en publiant le code source de Firefox, en autorisant des tiers à le modifier, et en respectant les standards du Web face aux tentatives d’imposer des technologies propriétaires.

La décision prise aujourd’hui renverse la situation, en allouant les ressources de Mozilla pour livrer ses utilisateurs à Adobe et à des distributeurs de médias hostiles. Dans ce processus, Firefox perd son identité, qui le différenciait de ses compétiteurs propriétaires – Internet Explorer et Chrome – qui tous deux implémentent EME d’une manière bien pire.

Évidemment, un certain nombre d’utilisateurs veulent uniquement et simplement que les médias avec restrictions comme ceux de Netflix fonctionnent dans Firefox, et ils seront irrités si ce n’est pas le cas. Ce n’est pas surprenant étant donné que la majeure partie du monde n’est pas familière des problèmes éthiques qui entourent le logiciel propriétaire. Ce débat a été et reste une occasion unique de présenter ces concepts aux utilisateurs et de les inviter à s’unir pour adopter certaines décisions difficiles.

Voir Mozilla se compromettre sans faire publiquement l’effort de rallier les utilisateurs contre ce supposé « choix forcé » est doublement décevant. Ils devraient revenir sur cette décision. Mais qu’ils le fassent ou non, nous les appelons à se joindre à nous en allouant autant de leurs ressources pour éliminer définitivement les DRM qu’ils en utilisent à l’heure actuelle pour les soutenir. La FSF aura d’autres déclarations et actions à faire sur ce sujet dans les jours à venir. Pour le moment, les utilisateurs qui se sentent concernés par ce problème sont invités à :



  • Rejoindre notre effort pour empêcher l’approbation de l’EME au W3C. Tandis que l’annonce d’aujourd’hui rend évident le fait qu’un rejet par le W3C de l’EME ne va pas empêcher son implémentation, elle clarifie aussi le fait que le W3C peut rejeter l’EME sans crainte, de façon à envoyer le message que les DRM ne font pas partie de notre vision d’un Web libre.
  • Utiliser une version de Firefox qui ne contient pas le code EME : comme son code source est disponible sous une licence qui permet à qui le veut de le modifier et de le distribuer sous un autre nom, nous nous attendons à ce que des versions sans EME soient mises à disposition, et vous devriez plutôt utiliser celles-ci. Nous les listerons dans le répertoire des logiciels libres.
  • Faire un don pour soutenir le travail de la Free Software Foundation et notre campagne Defective by Design pour mettre un terme aux DRM. Jusqu’à ce qu’elles soient complètement supprimées, Mozilla et d’autres seront constamment tentées de capituler, et les utilisateurs seront forcés de continuer à utiliser des systèmes propriétaires. Même si ce n’est pas pour nous, donnez à un autre groupe luttant contre les restrictions numériques. »

Notes

[1] Une traduction proposée en direct live de l’atelier « La tête dans les nuages ? » lors de Vosges Opération Libre.




Contactons nos sénateurs pour une TVA différente selon la présence ou non de DRM dans les livres numériques !

Il y a peu nous publiions un communiqué commun avec SavoirCom1, Vecam, l’April et la Quadrature du Net : Livre numérique : DRM gouvernemental contre l’amendement Attard !

Nous réitérons ici pour faire en sorte que l’amendement supprimé à l’Assemblée soit redéposé puis voté lors du passage imminent de la loi au Sénat, le vendredi 29 novembre prochain.

Livre numérique : pour une TVA différente selon la présence ou non de DRM !

Dans le cadre du projet de loi de finances, les députés d’Europe Écologie-Les Verts avaient déposé un amendement n° 22 imposant une TVA pleine pour tous les livres numériques verrouillés.

Actuellement, tous les livres, quel que soit leur support, sont soumis à un taux de TVA réduit (5,5%). Les députés proposaient de faire la distinction entre les livres dont l’acheteur a la pleine propriété, c’est-à-dire les livres sans DRM et dans un format ouvert, où l’utilisateur dispose des mêmes droits que pour les livres papiers (possibilité de les prêter, de les lire autant de fois qu’il le souhaite, de les lire partout, …), et les livres pour lesquels les consommateurs n’ont que des droits limités. Seuls les premiers seraient considérés comme des livres à part entière et pourraient donc bénéficier de la TVA à taux réduit. Les livres numériques verrouillés se verraient appliquer le taux en vigueur pour les services (19,6%).

Le texte de l’amendement n° 22 :

I. – Le 3° du A de l’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par les mots suivants : « sauf si le ou les fichiers comportent des mesures techniques de protection, au sens de l’article L331-5 du code de la propriété intellectuelle ou s’il ne sont pas dans un format de données ouvert, au sens de l’article 4 de la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. »

II. – Le présent article s’applique à compter du 1er janvier 2015.

Cet amendement a d’abord été adopté par l’Assemblée nationale en séance publique le jeudi 14 novembre 2013 avant d’être supprimé le lendemain par un amendement du gouvernement. Le gouvernement a utilisé comme argument un supposé risque juridique pour masquer une absence de volonté politique de lutter contre les systèmes qui enferment les utilisateurs et les rendent captifs. L’argument étant que l’amendement des Verts risquerait de fragiliser la négociation que mène la France auprès de la Commission européenne pour généraliser le taux réduit de TVA à tous les livres numériques. La députée Isabelle Attard a par la suite publié une réponse montrant qu’au contraire, cette proposition de TVA différenciée peut ouvrir une piste de conciliation avec la Commission..

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter la déclaration commune de SavoirsCom1, Framasoft, April, Vecam et La Quadrature du Net Livre numérique : DRM gouvernemental contre l’amendement Attard ! Cette déclaration commune a été communiquée aux sénateurs, afin que l’amendement soit réintroduit et fasse à nouveau l’objet d’un véritable débat.

Vous pouvez agir sur ce dossier.

Agir : contactez les sénateurs

Vous pouvez déjà agir en signant la pétition lancée par un citoyen (voir également sa proposition de lettre au gouvernement et aux parlementaires).

Vu l’imminence du vote, le meilleur moyen d’agir efficacement est de contacter dès maintenant par courriel les sénateurs voire (et/ou) de les appeler au téléphone. Le projet de loi sera en effet examiné vendredi 29 novembre en séance publique au Sénat. Contactez les sénateurs pour qu’ils redéposent l’amendement n°22 ou pour qu’ils votent en faveur de cet amendement si celui-ci est redéposé.

Tous les sénateurs ne participeront pas forcément aux débats et aux votes. Mais n’hésitez pas à contacter le rapporteur (Christian ECKERT) et/ou votre sénateur de circonscription et/ou les secrétariats groupes politiques et/ou les sénateurs qui ont participé au rapport pour avis de la commission des affaires culturelles ou tout autre sénateur.

Le site NosSénateurs.fr et celui du Sénat vous permettent de trouver les informations utiles (courriel, téléphone) sur les sénateurs. Vous pouvez également appeler directement le standard du Sénat au 01 42.34.20.00 pour être mis en relation avec un sénateur. Le site NosSénateurs.fr propose aussi la liste des principaux orateurs sur le dossier.

Un appel téléphonique est beaucoup plus efficace qu’un courriel. Un coup de fil est plus personnel et beaucoup plus dur à éviter. Une bonne technique consiste à envoyer un courriel, puis appeler quelques heures après pour demander s’il a bien été reçu, poser des questions à son sujet, demander ce que le sénateur compte faire. Un courriel copié/collé à partir d’un courriel type a un impact négatif : cela affaiblit le contenu et le fait ressembler à du spam. Il vaut toujours mieux envoyer des courriels personnalisés, même et surtout s’ils sont écrits dans un style personnel.

Si vous avez des questions ou si vous souhaitez nous remonter les réactions des sénateurs, vous pouvez nous contacter par courriel (contact@april.org) ou sur le canal de discussion #april sur irc.freenode.net pour des échanges instantanés ( accès via webchat).




Livre numérique : DRM gouvernemental contre l’amendement Attard !

Lecteurs contre les DRM

Livre numérique : DRM gouvernemental contre l’amendement Attard !

Jeudi dernier, l’Assemblée nationale approuvait un amendement à la loi rectificative de finances pour 2013, écrit par la députée Isabelle Attard et présenté par le groupe EELV.

Cet amendement constitue une réponse appropriée à plusieurs graves dérives du marché du livre numérique.

Il tire les pleines conséquences de la modification du statut économique du livre numérique « verrouillé », par des mesures techniques de protection (MTP ou DRM). Un livre que son lecteur ne peut consulter sur tous les appareils, ni céder, ni revendre ne constitue pas une propriété, tout au plus une licence d’utilisation. L’usage fait l’objet : un livre « infirmé », qui ne respecte pas les droits fondamentaux du lecteur, ne peut être qualifié de livre, ni recevoir les avantages matériels et fiscaux qu’accompagne cette qualification. C’est pourquoi il était proposé que les livres numériques vendus sans DRM et dans des formats ouverts se voient appliquer un taux de TVA favorable de 5,5%, alors que les livres verrouillés auraient été soumis à un taux de 19,6%.

Cette solution contribue à réguler les pratiques problématiques de nouveaux intermédiaires. Amazon se donne ainsi les moyens de pratiquer des prix inférieurs au marché en recourant à une politique d’optimisation fiscale intensive. Face aux difficultés qu’ils posaient aux consommateurs, Apple de son côté a abandonné les DRM sur les fichiers musicaux, mais pas pour les eBooks. Les mesures de protection de type DRM et les formats propriétaires étant privilégiés par ces nouveaux acteurs de l’économie numérique, une telle mesure fiscale serait de nature à rééquilibrer le marché.

Enfin, l’amendement pourrait faciliter les négociations actuellement en cours entre la France et l’Union Européenne autour de la fiscalité du livre. Pour l’Union Européenne, le livre numérique verrouillé serait assimilé à un service : il ne pourrait ainsi bénéficier d’une TVA réduite.

L’amendement n’a pas tenu 24 heures.

Dès vendredi le gouvernement appelait à le supprimer, au motif qu’il « existe un risque d’entraîner la condamnation de la France pour l’application du taux réduit de TVA au livre numérique ». L’amendement fragiliserait la position de la France vis-à-vis de la commission européenne, alors qu’il constitue justement une bonne piste de compromis. Le gouvernement souligne également que « la modulation de la TVA n’est pas le bon moyen » pour parvenir à réfréner les tendances monopolistiques du marché du livre numérique. Or, aucune mesure alternative n’est évoquée. En repoussant cet amendement, le gouvernement aura finalement défendu les DRM « au nom de l’accès pour tous à la culture et du livre ». Est-ce cela la conception française de l’exception culturelle ?

Cette intervention du gouvernement a manifestement eu lieu sous la pression de grands éditeurs français. Car bien que ces derniers soient prompts à se plaindre des acteurs comme Amazon ou Apple, ils ne sont pas plus respectueux des droits des utilisateurs et vendent leurs livres numériques verrouillés par des DRM. L’amendement ne visait pas spécifiquement Amazon ou Apple, il défendait le droit de lire, comme un bien commun, et l’attitude de ces éditeurs est instructive à cet égard.

La réaction du gouvernement n’est pas seulement infondée sur le fond. Elle constitue un déni de démocratie sur la forme. Voté par l’Assemblée nationale en pleine connaissance de cause, au terme d’un débat assez animé, l’amendement est retiré en toute discrétion. Le retrait a été proposé in extremis à la fin de la session de vendredi soir aux quelques députés présents. Il n’a fait l’objet d’aucun débat, ni même d’aucune présentation orale. Aucun nouvel argument n’a été apporté : le gouvernement s’est contenté de répéter une postion qui n’avait pas emporté l’adhésion la veille. Ajoutons que la Ministre de la Culture et de la Communication déclarait pourtant le 7 novembre dernier vouloir « mettre le public au cœur de l’acte de création, lui donner sa place dans l’espace numérique. Il s’agit de passer d’une politique de l’accès aux ressources culturelles numériques à une politique des usages ». Quelle ironie !

Dans un pays qui se targue d’être un modèle de démocratie, il n’est pas concevable que la moindre mesure allant à l’encontre des intérêts de quelques grands éditeurs soit immédiatement court-circuitée, au mépris des principes élémentaires du débat démocratique. Les députés, par leur vote, et la société civile, par ses nombreuses réactions favorables, montrent que cette mesure répond à une attente forte. Les évolutions accélérées de l’économie du livre appellent une révision rapide du cadre législatif existant, qui jusqu’à maintenant n’a pas eu lieu. Le levier fiscal est celui qui doit être privilégié pour réguler les rapports entre les acteurs du livre numérique et aboutir à une plus juste répartition de la valeur, plutôt que de passer par des mesures qui rognent sur les droits des utilisateurs, comme par exemple la remise en cause de la revente d’occasion qui a été annoncée récemment.

Le rapport Lescure lui-même, qui rappelons-le portait sur l’exception culturelle, considère que « le manque d’interopérabilité lié aux DRM limite les droits du consommateur et peut nuire au développement de l’offre licite de contenus culturels ». Il ajoute qu’ « en contribuant à la constitution d’écosystèmes fermés et oligopolistiques, il constitue une barrière à l’entrée, une entrave à la concurrence et un frein à l’innovation ». En repoussant cet amendement, le gouvernement socialiste et les députés qui l’ont suivi ont privé la France d’une solution pour remédier à ces problèmes, qui nuisent depuis trop longtemps à la culture.

Le débat sur la loi rectificative de finances va à présent se poursuivre au Sénat. SavoirsCom1, Framasoft, Vecam, April, La Quadrature du Net et l’Association des Bibliothécaires de France signataires de cette déclaration commune, appelons les sénateurs attachés au débat démocratique à réintroduire cet amendement afin qu’il puisse être discuté à nouveau. Nous invitons le gouvernement à ne pas entraver de nouveau un débat nécessaire. Nous appelons également tous les collectifs, associations et acteurs de l’édition numérique, soucieux de défendre les droits fondamentaux des lecteurs et l’accès à la culture, à se joindre à cette déclaration.




Un livre numérique avec DRM n’est pas un livre nous dit l’Assemblée

En réalité, avec Apple ou Amazon, ce ne sont pas des livres qui sont vendus, mais des licences de lecture…

« C’est inattendu et complètement fou », s’enthousiaste à juste titre le site ActuaLitté, qui poursuit : « Durant l’examen du Projet de loi de Finance 2014, le député Éric Alauzet est venu défendre l’amendement de la députée Isabelle Attard. L’idée était simple : imposer une TVA maximale pour les vendeurs comme Apple ou Amazon, qui ne proposent que des licences d’utilisation et non la vente de fichiers en propre. »

Or, contre tout attente, c’est-à-dire ici aussi bien l’avis défavorable du rapporteur que du gouvernement, l’amendement a été adopté hier à l’Assemblée !

Vous trouverez ci-dessous toute la (savoureuse) séquence en vidéo accompagnée de sa transcription[1]. Avec notamment un Noël Mamère qui conclut ainsi son propos : « C’est aussi donc un droit à l’information, un droit à la culture et un droit à la lecture qui doit être un droit inaliénable et considéré comme un bien commun. »

La TVA réduite concerne aujourd’hui les livres papiers. Si on veut qu’il en aille de même avec les livres numériques alors il faut qu’ils soient sans DRM sinon ce ne sont plus des livres. Tel est le message important qui est passé hier à l’Assemblée. Apple et Amazon en encapsulant leurs fichiers numériques et en imposant leurs périphériques ne nous vendent pas des livres mais un service à usage restreint et durée limitée dans le temps.

Merci au groupe écologiste en tout cas pour cette véritable avancée qui pourrait bien appeler d’autres conquêtes, comme en témoigne l’échange ci-dessous que nous avons eu avec Isabelle Attard sur Twitter

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Remarque 1 : Rien n’est joué cependant, comme nous le rappelle l’April, la loi de finances doit désormais être examinée par le Sénat puis par la navette parlementaire avant son adoption définitive.

Remarque 2 : Isabelle Attard vient également de déposer une proposition de loi visant à consacrer, élargir et garantir le domaine public (voir aussi cette vidéo qui évoque la question spécifique des musées).

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcription

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 22.

M. Éric Alauzet. Alors que la vente de livres sous forme dématérialisée est en pleine croissance, deux types de produits sont disponibles. En proposant des livres en système fermé, les acteurs historiques ont trouvé le moyen de verrouiller leur clientèle : en réalité, ce ne sont pas des livres qui sont vendus, mais des licences de lecture, assorties de contraintes qui n’existent pas pour le livre de papier. Ainsi, quand vous achetez un livre numérique chez Amazon ou chez Apple, vous ne pouvez le lire que sur un appareil autorisé par cette entreprise.

Parallèlement, il existe des livres numériques en système dit ouvert, soutenus par la majorité des acteurs concernés – auteurs, éditeurs, bibliothécaires, responsables politiques –, qui revendiquent un plus grand respect des droits du lecteur, notamment en essayant de promouvoir l’interopérabilité des livres au format électronique. Le statut de ces livres est très proche de celui des livres de papier : vous pouvez les lire, les prêter, même les revendre – bref, en disposer à votre guise. De ce fait, nous considérons que, contrairement aux livres en système fermé, les livres en système ouvert ont toute légitimité pour bénéficier de la même TVA que les livres de papier, et c’est ce que nous proposons par cet amendement. Pour conclure, je souligne que, sur cette question, nous sommes observés par la Commission européenne, car il ne s’agit pas vraiment d’un livre, mais d’un service.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission estime qu’il s’agit là d’un sujet intéressant, mais complexe. Comme vous le savez, la France se bat pour que la TVA à taux réduit puisse s’appliquer aux livres électroniques. Or, vous proposez de faire de ce principe une exception. Je comprends votre intention, mais cela risque de fragiliser la position de la France dans les négociations en cours, où nous espérons obtenir une généralisation du taux réduit de TVA à tous les livres, quel que soit leur support. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement, monsieur Alauzet ; à défaut, je demanderai à notre Assemblée de le repousser.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous nous battons, au sein de l’Union européenne, pour que l’ensemble des supports de lecture bénéficie du taux réduit de TVA. C’est l’un des éléments de notre combat en faveur de l’exception culturelle, de l’accès pour tous à la culture et du livre. Comme vient de le dire M. le rapporteur général, prendre des dispositions dérogatoires ne peut que porter atteinte à la portée de notre combat, qui n’est déjà pas si facile à mener. En adoptant un tel amendement, nous risquons d’affaiblir notre position vis-à-vis de nos interlocuteurs, et de mettre en péril notre capacité à atteindre l’objectif que nous nous sommes fixé. Je vous invite donc également à retirer cet amendement, monsieur le député.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël Mamère.

M. Marc Le Fur. Allez-vous nous parler de la Bretagne, monsieur Mamère ?

M. Noël Mamère. Nous pourrions effectivement en parler, puisque nous parlons de livres et qu’il est de très bons auteurs bretons. Malheureusement, si ces livres sont publiés sous la licence d’Apple ou d’Amazon, nous ne pourrons pas les faire lire à nos enfants. De même, sous licence fermée, nous ne pourrons prêter aux personnes de notre entourage les excellents livres de Svetlana Alexievitch, qu’il s’agisse de La Fin de l’Homme rouge ou de La Supplication, ouvrage très instructif sur les conséquences de la catastrophe de Tchernobyl.

M. le ministre nous dit, à juste titre, qu’il ne faut pas mettre en péril les négociations en cours, dans le cadre desquelles nous cherchons à nous opposer à l’accord sur le marché transatlantique qui se dessine entre l’Union européenne et les États-Unis. Nous avons, paraît-il, sauvé l’exception culturelle. Fort bien, mais si notre amendement n’était pas adopté, nous risquerions de lui porter un coup fatal en laissant libre cours à Apple et Amazon, sinon pour exercer leur dictature – le mot est un peu fort –, du moins pour mettre à bas l’exception culturelle dans le cadre du marché transatlantique.

Bref, nous devons nous protéger, au niveau français comme au niveau européen. Tel est l’objet de notre amendement, qui vise à sauver le droit à la lecture, notamment le droit à revenir sur un livre que l’on a déjà lu. Nous sommes sans doute nombreux ici à avoir apprécié des auteurs, dans les ouvrages desquels nous souhaitons à nouveau nous plonger. Or, avec le système d’Apple et d’Amazon, ce sera impossible. En même temps que le droit à la lecture, c’est donc aussi le droit à l’information et le droit à la culture que nous défendons, car il s’agit de droits inaliénables, considérés comme des biens communs.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je n’ai pas l’expérience de M. le ministre en ce qui concerne les négociations européennes, mais je pense que le risque qu’il évoque n’existe pas. Au contraire, si risque il y a, c’est celui lié au fait de défendre le taux réduit de TVA sur ce qui est en réalité un service, et ce qui est à craindre ensuite, c’est que le livre électronique ouvert ne suive le livre électronique vendu sous système fermé. La transparence n’est pas vraiment le maître-mot en la matière, et les personnes achetant des livres électroniques vont finir par s’apercevoir, au bout de quelques semaines ou quelques mois, que le livre en leur possession ne fonctionne plus et qu’elles n’ont en réalité acquis qu’une licence, qu’elles vont devoir racheter au même distributeur ! Il y a, je le répète, un grand risque à ne pas dissocier le livre électronique vendu sous système fermé de celui vendu sous système ouvert.

Mme la présidente. Si j’ai bien compris, vous maintenez votre amendement, monsieur Alauzet ?

M. Éric Alauzet. Je le maintiens, madame la présidente.

(L’amendement no 22 est adopté.)

Notes

[1] Source de la vidéo et du texte sur le site de l’Assemblée.




Protection vidéo et Web ouvert, par Tim Berners-Lee #DRM #HTML5

La question de l’implémentation des DRM à même le HTML5 fait couler beaucoup d’encre actuellement. Nous l’avions évoqué dans nos colonnes : Mobilisons-nous ! Pas de DRM dans le HTML5 et les standards W3C et DRM dans HTML5 : la réponse de Cory Doctorow à Tim Berners-Lee (le Geektionnerd n’étant pas en reste non plus : DRM et HTML5 et DRM HTML5, c’est fait).

Il faut dire que la simple évocation de ces 3 majuscules fait hérisser le poil de bon nombre d’entre nous. Alors vous imaginez, les DRM validés et implémentés par le W3C ! Ce serait crime de haute trahison…

Pour en quelque sorte éteindre l’incendie, Sir Tim Berners-Lee himself répond ici à ses détracteurs en voulant se montrer rassurant quant à sa préoccupation constante et prioritaire qui demeure un Web libre et ouvert pour ses utilisateurs. Il rappelle que pour le moment nous n’en sommes qu’à la phase de discussion et que celle-ci s’annonce d’autant plus longue qu’il y a de nombreuses parties à tenter de concilier.

Convaincant et convaincu ?

À propos de la protection vidéo et du Web ouvert

On Encrypted Video and the Open Web

Tim Berbers-Lee – 9 octobre 2013 – W3 Blog
(Traduction : Paul, Penguin, Garburst, Alexis, Norore, ZeHiro, Armos, genma + anonymes)

Il y a eu beaucoup de réactions suite au message annonçant que le W3C considère que le sujet de la protection des vidéos devait être abordé au sein de son Groupe de Travail HTML. Dans cet article, je voudrais donner quelques arguments pour expliquer cela.

Nous entendons l’explosion de critiques (et quelques soutiens) concernant les récents changements d’orientation du W3C qui ouvrent la discussion à l’intégration de la protection du contenu vidéo au sein du Groupe de Travail HTML. Nous entendons cette critique comme un signal : que de nombreuses personnes attachent de l’importance aux choix du W3C, et se sentent trahies par cette décision. Je veux qu’il soit clair que toute l’équipe du W3C et moi-même sommes plus passionnés que jamais au sujet de l’ouverture du Web. De plus, aucun d’entre nous, en tant qu’utilisateur, n’apprécie certaines formes de protection des contenus telles que les DRM. Ni les contraintes qu’ils imposent aux utilisateurs et aux développeurs, ni la législation bien trop sévère que cela entraîne dans des pays comme les États-Unis.

Nous avons tous envie d’un Web ouvert, riche et fiable. Nous voulons un Web ouvert aux innovateurs et aux bidouilleurs, aux créateurs de ressources et aux explorateurs de culture. Nous voulons un Web qui soit riche en contenu, à prendre dans le double sens de la lecture mais aussi de l’écriture. Nous voulons un Web qui soit universel, dans le sens qu’il puisse tout contenir. Comme Michael Dertouzos, un ancien responsable du Laboratoire de sciences informatiques ici au MIT, avait l’habitude de le dire : un marché de l’information, où les gens peuvent acheter, vendre ou échanger librement de l’information. Pour être universel, le Web doit être ouvert à toutes sortes d’entreprises et de modèles d’entreprise.

Les principes de conception d’HTML donnent une aide précieuse sur les priorités des parties concernées : « en cas de conflit, prenez d’abord en compte les utilisateurs puis les auteurs, ensuite les développeurs, puis ceux qui élaborent les spécifications et enfin l’aspect purement théorique. En d’autres termes, le coût (ou les difficultés) supporté par l’utilisateur doit avoir la priorité sur celui supporté par les auteurs, qui aura à son tour la priorité sur celui associé à l’implémentation, lequel aura la priorité sur le coût pour les rédacteurs de spécifications, lui-même devant avoir plus de poids que les propositions de modification fondées sur de seules considérations théoriques. Il va de soi que les améliorations qui apportent satisfaction à plusieurs parties simultanément sont préférables.

Ainsi mettons-nous l’utilisateur au premier plan. Mais des utilisateurs différents ont des préférences différentes voire parfois incompatibles : certains utilisateurs du Web aiment regarder des films à succès, d’autres aiment jouer avec le code. La meilleure solution sera celle qui satisfera tout le monde, et nous la cherchons encore. Si nous ne pouvons pas la trouver, nous recherchons au moins la solution qui portera le moins préjudice aux besoins exprimés, qu’il s’agisse des utilisateurs, auteurs, développeurs, et tout autre partie de l’écosystème.

Les débats à propos de l’intégration de la protection des contenus vidéos en général et d’EME en particulier, à la standardisation du W3C sont nombreux et variés. Lorsque nous avons discuté du problème au sein du Groupe Architecture Technique du W3C plus tôt cette année, j’ai noté sur le tableau une liste des différents arguments, qui était déjà relativement longue, et cette liste ne s’est pas réduite avec le temps. Ces réflexions s’appuient sur le comportement supposé des utilisateurs, concepteurs de navigateur, distributeurs de contenu multimédia, etc. selon différents scénarios qui ne peuvent être que des hypothèses. De plus elles impliquent de comparer des choses très différentes : la fluidité d’une interface utilisateur et le danger que les programmeurs puissent être emprisonnés. Il n’y aura donc pas d’issue pour nombre de ces discussions avant un long moment. Je voudrais remercier ici tout ceux qui, avec écoute et considération, se sont investis dans cette discussion et j’espère que vous continuerez ainsi.

Permettez-moi de prendre quelques éléments, en aucun cas une liste exhaustive.

Le W3C est un lieu où l’on discute des évolutions potentielles de la technologie. Et c’est la charte du Groupe de travail HTML qui cadre le champ de la discussion. Le W3C n’a ni l’intention ni le pouvoir de dicter ce que les navigateurs ou les distributeurs de contenu peuvent faire. Exclure cette question de la discussion n’a pas pour effet qu’elle cesse de se poser pour les systèmes de tout un chacun.

Certains arguments en faveur de l’inclusion peuvent se résumer comme suit : si protection du contenu des vidéos il doit y avoir, mieux vaut que cette protection soit discutée de manière ouverte au sein du W3C, que chacun utilise autant que possible un standard ouvert et interopérable, qu’elle soit intégrée dans un navigateur dont le code source soit ouvert, et disponible dans un ordinateur classique plutôt que dans un appareil spécialisé. Ce sont là des arguments clés en faveur de l’inclusion de ce sujet aux discussions.

En tant qu’utilisateur, personne n’aime les DRM, quel que soit l’endroit où ils surgissent. Toutefois, ça vaut le coup de réfléchir à ce que nous n’aimons pas dans les systèmes de DRM existants, et comment l’on pourrait construire un système plus ouvert et plus juste. Si nous, les programmeurs qui concevons et construisons les systèmes Web, devons étudier quelque chose qui sera très coûteux à de nombreux niveaux, que pouvons-nous demander en échange ?

Le débat vient à peine de commencer. Le Restricted Media Community Group est un forum pour discuter de cela. La liste de diffusion www-tag@w3.org est un bon moyen de parler de l’architecture du Web en général, et il y a aussi le HTML Working Group et le Web Copyright Community Group. Et puis il y a également tous ces commentaires au message de Jeff ou à cet article, bien que je ne puisse pas être en mesure de répondre à tout le monde.

Continuons tous à participer à la création d’une plateforme Web puissante, reposant sur des standards ouverts. Le cas de l’utilisation d’un contenu vidéo protégé est un défi à relever. Nous pensons que cette discussion nous aidera à atteindre ce but, même s’il reste encore beaucoup à faire pour arriver au niveau d’ouverture que j’ai personnellement tenté d’atteindre depuis 25 ans et que le W3C poursuit depuis sa création.

Timbl




Geektionnerd : DRM HTML5, c’est fait :(

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




iPhone 5C et 5S : les deux nouvelles cellules de la prison (dorée) d’Apple

Chouette deux nouveaux modèles d’iPhone, le 5C et le 5S !

Sauf que comme nous le rappelle ici le site DefectiveByDesign, rien ne change au pays d’Apple…

iPhone 5 - Prison dorée

Les nouveaux iPhone : coup de vernis sur les limitations d’Apple

New iPhones put more polish on Apple’s restrictions

Wtheaker – 10 septembre 2013 – DefectiveByDesign.org
(Traduction : BlackSheep, Genma, le_chat, aKa, Sky, Monsieur Tino, RyDroid, MFolschette, cryptomars, Asta, Amargein + anonymes)

L’annonce du nouvel iPhone d’Apple fait d’un lancement de produit un évènement très important pour le géant de la technologie. Comme attendu, le nouvel iPhone est plus rapide, plus puissant, et continue de masquer les nombreuses limitations imposées à l’utilisateur derrière une interface graphique séduisante. À chaque sortie d’un produit ou d’un système d’exploitation, Apple nous offre ce qu’il y a de meilleur et de plus innovant, y compris des technologies de gestion des droits numériques (DRM) toujours plus fortes.

La beauté des produits Apple tient à l’utilisation intelligente de courbes douces et d’un design épuré dans le but d’enfermer les utilisateurs dans une expérience contrôlée par une seule entreprise. Le fonctionnement (ou non-fonctionnement) interne de l’OS, la disponibilité des applications et le contrôle de bas niveau du matériel sont tous inaccessibles au public et sont tenus secrets par Apple.

Comme pour les versions précédentes de l’iPhone, les applications et les appareils sont livrés avec une fonction d’arrêt à distance (NdT : contrôlée par Apple), les périphériques tiers sont restreints arbitrairement, les livres et autres médias achetés via iTunes contiennent des DRM (NdT : dénommé FairPlay, donc contrôlé par Apple), et tout logiciel doit être approuvée et signée numériquement par Apple. Les iPhone 5S et 5C continuent de rendre les consommateurs à la merci d’Apple.

La plus avant-gardiste des nouvelles fonctionnalités de l’iPhone 5S est l’implémentation d’un lecteur d’empreinte digitale. Présenté comme une amélioration de la sécurité, il se base sur une plate-forme logicielle qui manque de transparence et n’inspire pas confiance.

Plutôt que d’améliorer la confidentialité et la sécurité en encourageant les consommateurs de la dernière version de l’iPhone à utiliser leurs empreintes digitales pour déverrouiller leur appareil, Apple s’octroie la possibilité de vérifier de façon biométrique qui utilise un iPhone et à quel moment.

Nous avons vu Apple grandir de plus en plus et de plus en plus verrouiller leurs matériels et leurs logiciels, enfermant par là même leurs utilisateurs. Les consommateurs des produits Apple devraient être alertés sur les dangers que crée Apple et devraient être informés des alternatives et solutions existantes, afin de résister au contrôle d’Apple. Nous invitons les activistes anti-DRM à venir sur la page du site iPhone action de la Free Software Foundation et à envoyer un e-mail au PDG d’Apple, Tim Cook, afin de lui faire savoir que vous n’achèterez pas un appareil iOS car il contient un logiciel privateur et des DRM. Étudiez aussi voire surtout les moyens d’utiliser des téléphones portables et autres smartphones sans renoncer à votre liberté, avec des solutions alternatives comme Replicant (version libre d’Android) ou encore F-Droid (dépôt d’applications libres).




Attention danger ! Restrictions numériques et physiques sur nos propres appareils

Nous devons craindre de nous réveiller un jour dans un monde où non seulement les contenus numériques seront sous contrôle mais également les appareils qui permettent de les consulter…

Brendan Mruk et Matt Lee - DRM.info

Restrictions numériques et physiques sur votre propre appareil

Digital and physical restrictions on your own device

Erik Albers – 3 mai 2013 – FSFE Blog
(Traduction : goofy, hugo, Eijebong, ProgVal, Rudloff, Tony, Rogdham, Asta, KoS + anonymes)

À propos des restrictions numériques

Aujourd’hui, 3 mai 2013, on célèbre la Journée internationale contre les Mesures Techniques de Restriction (Digital Restrictions Management)[1], promue par la Fondation pour le Logiciel Libre (Free Software Foundation, FSF). En général, le terme Digital Restrictions Management (DRM) se réfère à différentes restrictions que les entreprises – ou tout autre fournisseur de contenu – imposent sur les données et contenus numériques. Ces restrictions sont là pour permettre aux fournisseurs de décider ce que vous pouvez faire avec vos données et contenus, et ce que vous ne pouvez pas faire. Ainsi, ils vous empêchent d’être en pleine possession de vos données. Ces données sont défectueuses par nature (defective by design) – quel que soit le prix que vous soyez prêt-e à y mettre.

Et cela nous mène à un monde où l’on « n’achète » rien d’autre qu’une « licence d’utilisation ».

Les restrictions comme celles-ci évoluent, jusqu’au jour où la personne détenant les droits peut légalement décider de soudainement supprimer tout ce que vous avez acheté – à distance !

Cette année, la journée contre les DRM se concentre sur une nouvelle menace globale contre tout ce que ce que nous connaissons du World Wide Web : le World Wide Web Consortium (W3C) réfléchit à un projet de spécification d’Extension de Contenus Chiffrés (Encrypted Media Extensions proposal, EME), qui vise à avaliser le support des DRM dans HTML5. HTML est le cœur de ce qu’est le Web (NdT: « de ce qu’est Internet » (sic) dans la version originale). Établir les DRM au sein d’HTML pourrait devenir une terrible menace pour la liberté de l’Internet, les navigateurs libres et la liberté des utilisateurs en général.

J’espère que beaucoup de personnes dans le monde vont rejoindre la FSF ou la FSFE (FSF Europe), ou s’aligner avec d’autres organisations dans leur combat contre les DRM dans HTML5. S’il vous plait, signez la pétition et faites le plus de bruit possible pour que d’autres personnes se rendent compte de ce développement captieux.

À présent, je voudrais utiliser cette journée pour faire le point sur un autre problème. Quelque chose auquel les DRM ne sont pas forcément reliées ; mais, qui y est effectivement relié : la propriété de vos propres appareils.

À propos de la propriété de votre appareil

De plus en plus souvent, nous voyons comment les entreprises et les fabricants vendent des appareils bridés qui sont en fait des (mini) ordinateurs – mais sont artificiellement bloqués pour que vous ne puissiez pas vous en servir comme des ordinateurs universels. Les fabricants sont créatifs lorsqu’il s’agit de restreindre vos appareils et sont déjà prêts à s’attaquer aux ordinateurs universels classiques avec une restriction appelée Secure Boot. Mais, l’amère vérité est que de telles restrictions sont déjà valables pour des appareils « mobiles » – téléphones et tablettes – ce qui remet fondamentalement en cause de ce que l’on appelle propriété.

Note : Ce que je vais expliquer est tout à fait vrai pour beaucoup d’appareils sur le marché – mais comme je connais mieux le système Android et les restrictions qui viennent avec celui-ci, je vais me concentrer sur les téléphones Android. À propos, si vous voulez en savoir plus sur la façon de débloquer son chargeur de démarrage (bootloader), changer votre système d’exploitation et utiliser du Logiciel Libre sur votre appareil mobile, vous pourrez trouver plus d’informations sur http://www.freeyourandroid.org.

Si aujourd’hui vous achetez un appareil Android, vous achetez le matériel d’un fabricant qui vient avec un système d’exploitation préinstallé développé par Google, Android. Ce système d’exploitation vient souvent avec son lot d’inconvénients, comme des applications que vous n’êtes pas autorisé-e à désinstaller. Ainsi, ils vous vendent un système d’exploitation bloqué. Malheureusement, le même matériel vient souvent avec un chargeur de démarrage bloqué, donc vous n’êtes pas capable de remplacer le système d’exploitation. À part quelques applications, en quoi est-ce mal ?

Tout d’abord, c’est une restriction artificielle de votre appareil. Ils ne veulent pas que vous l’utilisiez comme vous l’entendez – que vous souhaitiez utiliser le système préinstallé ou non. Ils appellent souvent cela un « produit fini », ce qui devrait être littéralement compris comme la fin de votre liberté.

Ensuite, leur but est de vous lier aux intérêts du fabricant. Et leur intérêt est d’augmenter le nombre d’appareils vendus chaque année au lieu d’assurer la maintenance de ceux déjà vendus. Comment ? Si vous achetez un téléphone Android et qu’ensuite Google publie une nouvelle version, vous ne pourrez pas installer cette nouvelle version car votre chargeur de démarrage est bloqué. Autrement dit, peu importe que votre appareil soit capable de fonctionner sur un nouveau système d’exploitation, ils restreignent simplement la possibilité de le faire.

Heureusement, il y a une façon de vous réapproprier votre appareil et d’installer le système de votre choix, quel qu’il soit : débloquer le chargeur de démarrage. Mais comme ce n’est pas l’intérêt de votre fabricant – tel que je l’ai expliqué plus haut – ils vont probablement déclarer votre garantie nulle si vous le faites. Ce qui est juridiquement incorrect. Comme Carlo Piana et Matija Šuklje l’ont fait remarquer – ainsi qu’une association de consommateurs allemande – ce n’est pas légal suite à la Directive Européenne 1999/44/EC (NdT: la garantie est due par le vendeur, voir Code de la consommation, L.211). Malheureusement, ils essayent toujours de vous faire peur. Cela ne peut pas être vu que comme une mauvaise habitude. L’intention est d’éviter que les utilisateurs ne se réapproprient leurs propres appareils. C’est pourquoi ils continuent de le faire – même si ce n’est pas sur une base légale.

Les constructeurs ont différentes politiques concernant la possibilité de débloquer votre chargeur de démarrage. Dans le pire des cas, ils vont feront signer un contrat juridique avant que vous n’obteniez le code spécifique pour débloquer votre chargeur de démarrage. Dans ce contrat, que vous devez signer, ils vous forcent souvent à renoncer à votre garantie – qui est un transfert de vos droits en tant que consommateur, comme expliqué plus haut. Mais, pire encore, il y a le contrat que vous devez signer pour débloquer votre appareil Motorola[2] :

Les appareils qui ont été débloqués sont pour votre utilisation personnelle uniquement. Une fois que vous avez débloqué votre appareil, vous ne pouvez l’utiliser que pour votre utilisation personnelle et ne pouvez pas le vendre ni même le céder.

Pardon ? Vous n’êtes plus autorisé à vendre votre appareil ? Celui que vous avez acheté ?

Où allons nous ?

Le contrôle à distance et la gestion des restrictions de vos données numériques sont quelque chose dont nous devons nous soucier. Mais, de plus en plus d’entreprises ont déjà imposé des restrictions numériques sur l’usage physique de nos appareils – tel que l’interdiction d’installer les logiciels que vous voulez sur votre propre appareil. Ou, comme on l’a déjà vu, la limitation sur les conditions de vente de votre propre materiel. C’est un développement négatif contre lequel nous devons agir et essayer de changer ces pratiques. Si nous échouons à le faire et laissons tomber nos droits en tant que consommateurs et nos libertés civiles, nous devons craindre de nous réveiller un jour dans un monde où non seulement le contenu numérique sera hors de contrôle de la société, mais également le contrôle physique de la technologie.

De nos jours, Google nous donne un parfait exemple de comment cela peut être fait : les Google Glass vont être du matériel qui sera vendu par Google et qui est actuellement en beta test sous le nom de Google Glass Explorer Edition. À cause de la licence d’utilisation que vous devez signer pour devenir un beta testeur, vous ne serez pas autorisé à vendre l’appareil ou même le prêter à un ami. Certes, cela peut être vu comme une mauvaise habitude ou une restriction compréhensible pour un test. Ce n’est pas mon propos. Je veux dire que cela devrait concerner tout le monde : si vous ne respectez pas les conditions de Google, ils désactiveront votre matériel à distance.

Cela se rapproche de l’étape finale : l’intégration par le constructeur d’une option pour détruire à distance votre matériel, laissant chaque utilisateur sans contrôle de sa propre technologie informatique, de ce qui lui appartient. Si le futur est dans le contrôle à distance, la société perdra le contrôle de la technologie et de son contenu. À partir de là il est facile d’imaginer la censure, la supervision et le contrôle de la société par des monopoles d’une manière encore jamais vue.

Crédit illustration : Brendan Mruk et Matt Lee (Creative Commons By-Sa)

Notes

[1] Lire à ce sujet ces deux billets du Framablog : Mobilisons-nous ! Pas de DRM dans le HTML5 et les standards W3C et DRM dans HTML5 : la réponse de Cory Doctorow à Tim Berners-Lee.

[2] C’est seulement un exemple, j’en suis conscient. Il y a peut être d’autres entreprises qui agissent de la sorte, je n’en sais rien.