De Linux à Mac OSX – 1 an plus tard
Allez, on ne va pas se mentir, non seulement Apple séduit les jeunes, mais il séduit de plus en plus souvent les geeks.
Et même certains libristes qui, comme ici, abandonnent lâchement leur premier amour GNU/Linux pour s’en aller vers le Mac.
Un témoignage cinglant qui devrait faire couler un peu d’encre électronique dans les commentaires…
De Linux à OSX – 1 an plus tard
From Linux to OSX – 1 Year Later
Bozhidar Batsov – 9 septembre 2012 – Blog personnel (think)
(Traduction : geeckodev, Louson, tibs, X, amyrit, nanoPlink, Kiwileaks, cpt_p, Unagi)
Prélude
Il y a un peu plus d’un an j’ai écrit mon post coup de gueule « The Linux Desktop Experience is Killing Linux on the Desktop » et pour la première fois en 8 ans, je n’étais plus un utilisateur de Linux. J’ai passé plus d’un mois à me bagarrer contre Windows 7, mais reconnaissons-le, Windows est mal conçu pour des programmeurs Ruby professionnels comme moi (et il est mal conçu pour la plupart des programmeurs, sauf peut-être Java et .Net je suppose).
De toute façon, rester sous Windows n’a jamais été mon intention, je faisais juste mon transfert vers Mac. Maintenant, avec plus d’un an d’utilisation d’OSX, j’aimerais partager avec vous mon expérience jusqu’à aujourd’hui.
De Linux à OSX
La transition fut pénible au départ, j’avais une sensation très bizarre lorsque je devais glisser une icône de programme dans le dossier Applications pour l’installer. Pour être honnête, j’étais plutôt perdu la première fois que j’ai dû installer une application de cette manière (Il n’y avait pas ces aides avec les flèches qu’ont la plupart des applications). La gestion de paquets de Linux est incontestablement bien meilleure, ou en tout cas elle l’est de mon point de vue. Heureusement la plupart des outils que j’utilise sont disponibles dans le gestionnaire de paquets homebrew pour OSX. Ça ressemble à une version extrêmement basique de portage du légendaire Gentoo, mais en général le programme fait du bon travail.
Pour être plus positif, j’ai été impressionné par la qualité et la réactivité du bureau de OSX et l’utilisation par défaut des raccourcis clavier d’Emacs dans l’éditeur de texte (mais perplexe concernant le manque d’une touche Control à droite du clavier – et si j’osais, comment peut-on taper Control + a ?). Une application en particulier, Spotlight, m’a carrément impressionné , surtout après avoir eu affaire aux copies bas de gamme disponibles sur Linux telles que beagle. Spotlight trouve à peu près tout, a son propre langage de requête ressemblant à SQL et est étonnamment rapide.
J’ai rapidement trouvé un bon terminal (qui est iterm2, et qui est en fait le meilleur terminal au monde, à mon humble avis) et la plupart des outils en ligne de commande que j’utilisais jusqu’à maintenant étaient déjà là (après tout, OSX est Unix), et à ma grande surprise, certains trucs comme PostgreSQL (seulement sur OSX Server) et zsh étaient préinstallés. La plupart des autres applications dont j’avais vraiment besoin avaient des ports natifs pour OSX.
Ayant détesté OpenOffice.org durant plusieurs années, j’ai été agréablement surpris par la qualité d’applications telles que Keynote et Words.
Étant le genre de type qui prêche l’utilisation du clavier à l’église Das Keyboard j’étais un peu déçu au début par tout ce micmac autour du multi-touch, mais après un certain temps j’en suis venu à la conclusion qu’Apple a les seuls trackpads et souris qui valent la peine d’être utilisés (même si je préfère toujours utiliser le clavier).
Pour résumer, je me suis habitué assez rapidement, mais cela n’a pas été de tout repos.
Voici quelques détails…
Les choses que j’adore chez OSX
Le bureau
C’est joli, c’est rapide, c’est stable. KDE4 et GNOME3 ressemblent à des projets d’étudiants à côté. Ai-je mentionné que les polices de OSX sont même plus belles que celles de Windows ?
Les applications « à la OSX »
Sparrow est le premier client e-mail que j’aie jamais aimé (Google, honte à vous de l’avoir tué).
iTerm2 est le terminal ultime. Lui seul justifie l’achat d’un Mac.
Keynote est le meilleur logiciel de présentation que j’aie pu utiliser jusqu’à présent.
Parallels Desktop est à des années-lumière de VirtualBox et KVM (si l’on ne considère que la virtualisation de type desktop).
Je pourrais continuer comme ça pendant un moment, mais je vais arrêter tout de suite.
Il est évident que les utilisateurs de Mac ont développé un certain goût pour les logiciels extrêmement raffinés.
Compatibilité matérielle
Si quelque chose est supposé marcher avec OSX – ça marche à merveille directement. J’en ai presque oublié les jours de bataille contre le matériel non supporté. La mise en veille fonctionne parfaitement. La durée de vie de la batterie est exceptionnelle (grâce à la gestion de l’énergie très avancée).
Il est certain que sélectionner le matériel pour le système d’exploitation aide beaucoup, mais il faut tout de même reconnaître le travail d’Apple.
Stabilité
Un an, trois Macs – seulement un ou deux plantages. Pour un développeur qui aime bricoler un peu plus qu’il ne le devrait, c’est impressionnant.
Ceci dit, j’ai eu quelques distributions Linux qui ont fonctionné pendant plus de 6 mois sans redémarrer (et les redémarrages étaient causés par les pannes électriques ou les mises à jour de la distribution et/ou du noyau). La stabilité de Linux sur un ordinateur portable (plutôt récent) ? C’est une autre histoire…
Les bonnes choses
Les applications par défaut
Les applications fournies avec OSX ne sont pas mauvaises du tout, mais pas particulièrement excellentes. Safari reste un très bon navigateur, Mail est un bien meilleur client que Evolution/Thunderbird, Calendar est un bon organisateur (mais un peu buggé quand il s’agit de synchroniser Google Calendar), Messages est moyen.
Le vrai problème est qu’il est possible d’aller très loin avec les applications fournies, mais qu’elles ne sont pas parfaites. Mon conseil : chercher des alternatives (qu’elles soient libres ou propriétaires).
Le Mac App Store
C’est une manière convenable de distribuer des applications propriétaires, mais avec toutes les restrictions d’Apple sur le sandboxing des applications, il n’y a pas vraiment d’applications intéressantes. Espérons que cela s’améliore avec le temps. La possibilité de mise à jour vers la nouvelle version d’OSX en l’achetant sur l’App Store est vraiment bien (pour un OS propriétaire, bien sûr).
Emacs
Le port Cocoa d’Emacs est un peu jeune et il y a quelques bugs visuels (essayez M-x linum-mode par exemple), mais ils sont pardonnables. Je regrette l’intégration forte d’Emacs avec Linux. Et quel est l’idiot qui a conçu tous les claviers officiels Mac sans une touche Control à droite ? J’ai finalement compris pourquoi tant d’utilisateurs de Mac utilisent vim 🙂
De toute façon, remapper la touche Caps pour Control n’est pas la solution. Je le fais maintenant, je le faisais déjà sur Linux. Mais vous n’êtes pas supposé avoir à taper Control + une autre touche avec la même main. C’est perturbant pour la frappe… mais une fois encore, vous devriez probablement écrire avec un clavier pleine taille 🙂
Développement logiciel
OSX ne nourrit pas le développement logiciel autant que Linux, mais il arrive juste en seconde position. Tous les outils que vous connaissez et que vous aimez sont disponibles, mais leur installation et leurs réglages nécessitent un peu plus d’implication sur OSX. Ce n’est pas un hasard si la plupart des livres de programmation montrent des captures d’écran d’OSX.
Administration système
Il y a clairement un recul par rapport à Linux. Les programmes comme launchctl (par exemple) ne sont pas très agréables à utiliser, mais ils font ce qu’on leur demande. Je n’utiliserais jamais un OSX pour autre chose qu’un ordinateur de bureau. Modifier un $PATH n’est pas aussi trivial que sous Linux (/etc/paths et quelques plists que j’ai oubliés me viennent à l’esprit).
Ce que je déteste
Les touches spéciales
Pas exactement une particularité de OSX, mais tout de même…
Un an et je hais toujours Command et Option, option est en fait Alt mais à un endroit étrange et Command est totalement inutile, à mon avis. Je ne les haïrais pas tant s’il y avait de l’espace restant sur les claviers Apple (sans parler du vieux clavier Apple câblé) pour une touche Control en plus. Heureusement pour moi j’utilise un clavier externe Das Keyboard Ultimate la plupart du temps…
Command et Option ont des avantages, je les aurais probablement appréciées si elles ne ne prenaient pas la place de la touche Control à droite (je suppose qu’elle ne doit manquer qu’aux utilisateurs d’Emacs).
Aucun gestionnaire de paquets tout-puissant de base
Sur Linux j’avais aptitude, yum, portage et pacman, tous exceptionnels dans leur domaine. Sur OSX, homebrew est une option décente mais c’est tout autre chose comparé à la puissance des gestionnaires de paquets de Linux.
D’horribles fichiers de configuration XML
Ici et là sur OSX vous devez ecrire d’épouvantables fichiers de configurations XML. Je pensais que je n’aurais plus jamais à voir affaire avec eux après avoir abandonné le développement Java :-).
XCode
Est-il vraiment nécessaire d’installer un IDE usine à gaz juste pour avoir accès à quelques outils de développement en ligne de commande ? C’est l’une des choses les plus ennuyeuses que j’ai pu rencontrer sur OSX jusqu’à maintenant.
Oui, je connais depuis peu quelques outils disponibles séparément, mais demander une licence développeur Apple me semble un peu trop.
Épilogue
Suis-je maintenant plus heureux sans Linux ? Certainement ! OSX est-il un meilleur OS que Linux ? Absolument pas !
Il offre une bien meilleure expérience utilisateur et depuis que je passe la plupart de mon temps sur un ordinateur en interagissant avec le bureau, c’est une grande victoire pour moi. Bien sûr, je n’en voudrais pas à Linux d’arriver à ce niveau de maturité et de stabilité pour son environnement graphique 🙂
Faut-il lâcher Linux et me rejoindre dans les ténèbres ? Comment le saurais-je ? 🙂 Je n’ai fait que partager mon avis – Si vous êtes heureux avec Linux, vous devez incontestablement y rester. Ce n’était évidemment pas mon cas et il n’y avait pas tant d’alternatives que ça.
Ne pas avoir à s’occuper de problèmes matériels et des applications immatures est une grande bouffée d’air pour moi et cela compense largement les quelques lacunes d’OSX. Rien ne compense le manque de la touche Control droite sur la plupart des claviers, mais après tout ce n’est pas un problème de l’OS 😉
Il y a une grande communauté de hackers autour d’OSX et c’est une des forces de l’OS. Il y a aussi malheureusement une grosse pression d’Apple, mais comme vous le savez déjà, le perfection n’est pas de ce monde, il y a toujours des compromis à faire. Je préfère utiliser un OS propriétaire qui me laisse en paix plutôt qu’un OS libre sur lequel je me cogne à chaque virage.
Crédit photo : Terry Johnston (Creative Commons By)
Il y a quelque chose de magique dans Firefox OS !
Le système d’exploitation Firefox OS peut libérer nos smartphones et autres tablettes en apportant une alternative à Apple et Android, un peu comme l’a fait le navigateur Firefox avec le Web en son temps.
Nous vous proposons ci-dessous le témoignage passionné (et passionnant) d’un de ses développeurs.
Il y a quelque chose de magique dans Firefox OS
There is something magical about Firefox OS
Rob Hawkes – 12 septembre 2012 – Blog personnel
(Traduction : Un gros collectif de bénévoles nocturnes issus de Framalang, Identi.ca et Twiiter)
Dans ce billet, je parle du projet Firefox OS, ce qu’il signifie, ce que réserve le futur, et ce qu’il a d’un peu magique.
Au cours des quinze derniers mois, j’ai passé de plus en plus de temps à travailler sur le dernier projet de Mozilla : Firefox OS. Rapidement, je suis tombé amoureux de ce projet et de ses valeurs, à un point que je n’avais jamais connu pour une nouvelle plateforme.
Soyons clairs ; Firefox OS est le début de quelque chose d’énorme. C’est une révolution en marche. Une bouffée d’air frais. Un point culminant de la technologie. C’est magique, et ça va tout changer.
Qu’est-ce-que Firefox OS ?
Pour ceux qui seraient un peu perdus, voici l’essentiel en deux mots :
Firefox OS est un nouveau système d’exploitation pour mobile développé par le projet de Mozilla : Boot to Gecko (B2G). Il utilise un noyau Linux et boote sur un environnement basé sur Gecko, ce qui permet aux utilisateurs de lancer des applications entièrement développées en HTML, JavaScript, et d’autres API Web ouvertes.
En bref, Firefox OS consiste à récupérer les technologies dans les coulisses du Web, telles que JavaScript, et à les utiliser pour produire un système d’exploitation entier. Prenons quelques instants pour y réfléchir… un système d’exploitation pour mobile basé sur JavaScript !
Pour ce faire, une version légèrement modifiée de Gecko (le moteur derrière Firefox) a été créée dans le but d’y intégrer les différentes API JavaScript relatives à la téléphonie, comme WebTelephony pour faire des appels, WebSMS pour envoyer des messages, et la Vibration API pour… faire vibrer le téléphone.
Mais tout génial qu’il soit, Firefox OS représente plus qu’un ensemble de technologies Web dernier cris utilisées de façon démente. C’est aussi l’association de nombreux autres projets de Mozilla autour d’un concept unique — le Web en tant que plateforme. Certains de ces projets intègrent nos initiatives Open Web Apps et Persona, notre solution d’authentification sur le web (anciennement BrowserID). C’est absolument fascinant de voir tous ces différents projets de Mozilla s’unir de façon cohérente en partageant une seule et même vision.
Je n’irai pas plus loin dans la description du projet vu que le but de cet article n’est pas de le faire dans le détail, même si de plus amples informations peuvent être trouvées sur les pages de Firefox OS sur MDN. Je vous invite vivement à les lire.
Pourquoi Firefox OS ?
Vous pouvez vous dire « Ça a l’air bien, mais pourquoi utiliser JavaScript pour faire un téléphone ? » Et vous avez raison, c’est une question réellement importante. La bonne nouvelle est qu’il y a de nombreuses raisons à cela, autres que de faire la joie des développeurs Web.
Les deux principales raisons sont que Firefox OS répond à un manque dans le marché du téléphone, et qu’il constitue une alternative au paysage privativeur, restreint et contraignant du marché actuel.
Combler un manque dans le marché du téléphone
Ce n’est un secret pour personne : les smartphones sont ridiculement chers, même dans les régions du monde dont le niveau de vie est considéré comme élevé. Mais si vous les trouvez chers dans les pays qui ont les moyens de se les offrir, alors pensez un peu à ce que représente un iPhone 4S 16 Go qui vaut 615 £ dans un pays émergent comme le Brésil. C’est 100 £ plus cher que le même téléphone en Angleterre !
En fait, ces prix plus élevés au Brésil sont principalement dus aux fortes taxes d’importation. Apple semble vouloir éviter ceci dans le futur en construisant des usines dans le pays. Quoi qu’il en soit, cela montre bien que les appareils haut de gamme et hors de prix ne sont pas toujours une solution pour tous les pays. Laissons de côté le fait que dans certaines sociétés vous n’avez pas forcement l’envie d’exhiber publiquement un téléphone qui a le même prix qu’une petite voiture.
A l’heure actuelle, que faites-vous si vous souhaitez acheter un smartphone sans débourser une somme astronomique ? Vous pouvez vous tourner vers des terminaux Android d’entrée de gamme, mais ils sont souvent bien trop lents.
Heureusement, c’est là que Firefox OS intervient.
Le but de Firefox OS n’est pas de rivaliser avec des appareils haut de gamme mais d’offrir des smartphones milieu de gamme au prix de l’entrée de gamme. Ce n’est pas une plaisanterie.
Firefox OS répond parfaitement aux attentes du marché : il offre la même expérience d’utilisation sur un matériel d’entrée de gamme que le fait Android sur du matériel plus performant. Et ce n’est pas une blague.
Par exemple, je teste en ce moment même des jeux écrits en JavaScript sur un terminal fonctionnant sous Firefox OS et qui coûte une soixantaine d’euros (clairement, un appareil très bas de gamme). On pourrait donc s’attendre à ce qu’ils fonctionnent très mal, mais non seulement ils tournent bien plus rapidement que les mêmes jeux s’exécutant dans un navigateur internet Android (Firefox ou Chrome) sur le même appareil, mais ils tournent même aussi vite, si ce n’est plus, que les mêmes jeux sous un navigateur Android sur une machine bien plus performante qui coûte 4 ou 5 fois plus cher.
Pourquoi de telles améliorations de performance par rapport aux navigateurs sur Android pour des appareils identiques ? Grâce à l’absence de couche intermédiaire entre Gecko et le hardware, permettant à des choses comme le JavaScript de tourner à plein potentiel, et en finir avec le mythe du JavaScript lent !
De telles performances de JavaScript sur un matériel aussi abordable est une des raisons qui me font penser que Firefox OS annonce le début de quelque chose d’énorme.
Je dois cependant préciser que Mozilla n’est pas forcément sur le point de lancer un appareil à 60 € : il s’agit seulement d’un terminal en particulier que nous utilisons pour le développement et les tests.
Fournir une alternative : une plateforme ouverte
La seconde réponse à la question « Pourquoi Firefox OS ? » est qu’il s’agit non seulement de créer une plateforme mobile alternative et ouverte, mais également d’essayer d’agir pour influencer les grands acteurs du mobile à changer les choses.
La mission de Mozilla depuis ses débuts en 1998, d’abord en tant que projet autour d’un logiciel, puis en tant que fondation et entreprise, a consisté à fournir des technologies ouvertes capables de rivaliser avec les produits des entreprises dominantes.
Firefox a bouleversé le marché du navigateur et montré aux utilisateurs qu’il existe une alternative. Et c’est ce que Mozilla s’efforce de reproduire avec Firefox OS, en permettant à chacun de pouvoir choisir sa façon d’utiliser le Web.
Cette fois-ci, c’est le Web mobile qui est menacé. Pas par Microsoft, mais par Apple et Google, qui sont les plateformes dominantes pour smartphones. Avec leurs applications natives, leurs catalogues d’applications propriétaires, et leurs règles imposées aux développeurs, Apple et Google relèguent le Web à l’arrière-plan.
Sur les téléphones, le domaine qui nécessite le plus de travail est la portabilité des applications…
Avec l’excitation autour des applications mobiles, ils donnent l’impression d’être en retard sur un point : ils restreignent leurs utilisateurs à un système d’exploitation particulier, et aux appareils qui le supportent. Le Web, au contraire, a évolué de façon à ce que le contenu soit ressenti de la même façon, quel que soit le matériel. Mozilla, créateur du navigateur Web Firefox, est déterminé à rendre cela vrai également pour les smartphones.
Ce que Firefox OS cherche à faire, c’est utiliser l’omniprésence du Web pour créer une plateforme qui permet aux applications d’être utilisées aussi bien sur un téléphone portable, un ordinateur, une tablette, ou depuis n’importe quel appareil possédant un navigateur. Ne serait-ce pas génial de pouvoir reprendre sur votre ordinateur la partie d’Angry Birds à laquelle vous étiez en train de jouer sur votre téléphone ? Moi, j’adorerais !
Un rêve à portée de bidouille pour les développeurs
Une dernière raison pour laquelle Firefox OS est nécessaire, c’est que nous n’avons pour le moment aucune plateforme mobile aussi bidouillable (NdT hackable) (il est plus ou moins possible de personnaliser Android, mais ce n’est pas si facile).
Comme Firefox OS est construit avec HTML, JavaScript et CSS, vous n’avez besoin que de connaissances élémentaires en développement Web pour changer complètement l’expérience offerte par l’appareil. En éditant une simple ligne de CSS, vous pouvez totalement modifier l’apparence des icônes de l’écran d’accueil ; ou encore, vous pouvez ré-écrire les fichiers internes JavaScript qui gèrent les appels téléphoniques.
Il s’agit réellement d’une plateforme pour les développeurs et je suis impatient de voir jusqu’à quel point elle sera amenée au-delà de la vision de Mozilla.
Un timing parfait
S’il y a quelque chose dont je suis conscient depuis mon arrivée chez Mozilla il y a un an et demi, c’est à quel point je suis chanceux d’être ici pour le démarrage du projet Firefox OS. Si je me souviens bien, le projet a été annoncé (sous le nom Boot to Gecko) pendant mes premières semaines de travail.
C’était déjà passionnant à l’époque, mais ça l’est encore plus aujourd’hui. Firefox OS est littéralement la chose numéro 1 sur laquelle je travaille actuellement et honnêtement j’adore ça. En réalité, je me sens privilégié d’y participer.
Je me suis demandé de nombreuses fois ce que l’on pouvait ressentir en travaillant chez Mozilla durant le lancement initial de Firefox : l’excitation, la passion, la nervosité, l’incapacité d’expliquer à quel point c’est impressionnant et à quel point on devrait s’en préoccuper.
Pour être honnête, je ne pense pas que beaucoup de monde comprenne réellement ce qui se passe avec Firefox OS, ni à quel point son lancement est important. Un peu comme pour Firefox, j’imagine. Pour le moment, je suis heureux d’être chez Mozilla à un instant clef de son histoire.
À couper le souffle
Les personnes qui le comprennent sont les développeurs qui ont essayé le terminal de démonstration qui est montré occasionnellement, lors d’événements avec des Mozilliens. Il n’y a rien que j’apprécie d’avantage que de voir les différentes phases de leurs émotions lorsqu’ils jouent avec les appareils :
- D’abord, il y a une légère confusion, quelque chose comme « Pourquoi tu me passes un téléphone Android ? » ;
- La confusion est suivie par la réalisation soudaine qu’il ne s’agit pas d’Android mais d’un système en JavaScript ;
- Après un court moment, l’excitation leur fait lancer des « oh putain ! » ;
- Un instant plus tard, les voilà absorbés à explorer tous les recoins de l’appareil en posant plein de questions ;
- Le moment où je leur demande de me rendre l’appareil est accompagné d’une légère réticence et finalement d’un « C’était pas mal du tout, je suis impressionné ! ».
Vous devez penser que j’ai tendance à enjoliver les choses, mais je peux vous assurer que c’est réellement le genre de réaction qu’ont pu avoir les gens auxquels j’ai présenté l’appareil. C’est réellement jouissif.
Ce dont j’ai commencé à me rendre compte, c’est que plus je regarde d’autres personnes s’amuser avec un appareil sous Firefox OS, plus je suis convaincu de sa capacité à changer la donne. C’est comme s’ils s’éclataient avec, sans que j’aie besoin d’intervenir.
Des défis à relever
Il ne serait pas juste de parler de la grandeur de Firefox OS et des points sur lesquels je travaille sans détailler les principaux défis que nous devons relever.
Il y a bien sûr les problèmes classiques : comment gérer un écosystème d’applications qui est libre et sans restrictions ; ou anticiper les problèmes d’interopérabilité des appareils, comme ceux que peut connaître Android.. Ces problèmes sont importants, mais ne m’intéressent pas.
Ce qui m’intéresse le plus, c’est le défi de développer des jeux en HTML5 ; tant pour les performances apparentes que pour les véritables, sur lesquelles les développeurs se plaignent. C’est indéniablement l’un des défis spécifiques à Firefox OS (Android et iOS sont aussi mauvais l’un que l’autre), mais pour le moment, je suis entièrement consacré à Firefox OS et les façons d’améliorer ces points.
Aujourd’hui, la majorité des jeux HTML5 préexistants sur téléphone tournent soit de manière saccadée (0 à 20 images par seconde), ou tout juste fluide (20 à 30 images par secondes). La plupart du temps, ces jeux ne tournent pas à un rythme d’images stable, ce qui rend l’expérience peu plaisante.
Ce qui est intéressant, c’est qu’une grande partie de ces soucis ne semblent pas venir du terminal ou de JavaScript. Il y a quelques jeux intenses, comme Biolab Disaster, qui tournent de manière incroyable, même sur le terminal bas de gamme avec lequel j’effectue les tests (nous parlons ici d’un taux d’images par seconde entre 40 et 60FPS).
Pour moi, il est clair que si les mobiles et les plateformes sont parfois à blames (pas aussi souvent que certains le voudraient), il y a cependant beaucoup de choses que nous apprenons des jeux qui fonctionnent convenablement sur des terminaux bas de gamme, pour voir quelles techniques ils utilisent et comment éduquer au mieux les autres développeurs souhaitant utiliser HTML5 sur téléphone mobile.
Je crois vraiment que des jeux HTML5 gourmands peuvent très bien tourner sur des appareils mobiles, même sur ceux bon marché. Pourquoi suis-je si confiant à propos de ça ? Parce que les gens font déjà des jeux comme ça. Il y a deux choses dans ma vie que je crois sans douter… mes yeux.
Nous en sommes là.
Au-delà du téléphone mobile
Ce qui m’excite le plus à propos de Firefox OS n’a rien à voir avec l’appareil mobile que nous sortons l’année prochaine mais plutôt avec le futur qui nous tend les bras. J’ai abordé ce point auparavant lorsque j’ai parlé de Firefox OS comme un rêve de bidouilleurs, et comment les autres pourraient le récupérer et le développer au delà de la vision qu’en a Mozilla.
La bonne nouvelle est que c’est déjà prêt aujourd’hui. Nous avons déjà un port de Firefox OS sur le Raspberry Pi, ainsi que pour la Pandaboard. Ils ne sont pas parfaits, mais ce qui est génial c’est qu’ils existaient déjà bien avant que Firefox OS voie sa première version sortir.
Vous avez aussi la possibilité de lancer Firefox OS depuis un ordinateur sous Mac, Windows et Linux. Alors qu’il n’est pas possible d’acceder au même matériel qu’avec un appareil mobile, la version pour PC vous permet de bénéficier des autres fonctionnalités (telles que les applications qui tournent dans des processus séparés). En plus, c’est vraiment simple à mettre en place.
Je peux imaginer un futur proche où l’API Gamepad aura été implémentée dans Gecko et pourra être accessible à travers le client PC Firefox OS. Qu’y a t-il d’extraordinaire ? Il y a qu’il n’est pas difficile d’imaginer voir ce client PC être lancé depuis un appareil connecté à un téléviseur, avec un système d’exploitation personnalisé pour utiliser un gamepad plutôt qu’une souris ou un touchpad (ce n’est que du JavaScript).
Ce que vous aurez ici sera le début des consoles de jeux vidéo HTML5, et c’est en fait une chose que je suis impatient d’explorer durant mon temps libre en dehors de Mozilla.
Ce que je veux dire, c’est que nous arrivons à un moment de l’histoire où les ordinateurs peuvent à présent fonctionner avec les technologies que l’on utilise pour créer des sites Web. Que pourrions-nous faire dans un monde rempli de terminaux fonctionnant avec ces technologies, qui pourront tous communiquer en se connectant via les mêmes API ?
J’ai hâte de voir à quoi ce monde ressemblera !
Crédit photo : Rob Hawkes (Creative Commons By-Sa)
Un manuel de français libre et gratuit pour iPad – Invitation au débat
Voici un projet pour le moins original, un ovni même dans le paysage éducatif français.
Il s’agit d’un manuel de français, niveau quatrième, sous licence Creative Commons, entièrement rédigé par un seul homme, Yann Houry.
C’est tout d’abord une initiative à saluer et encourager comme il se doit. On peut aujourd’hui produire, proposer et partager un tel ouvrage avec toujours beaucoup de travail en amont mais de réelles facilités techniques et graphiques en aval.
Le projet présente cependant quelques caractéristiques qui ne manqueront pas de susciter à n’en pas douter de nombreux commentaires (courtois et argumentés, cela va sans dire).
- La licence Creative Commons est la By-Nc-Sa (avec clause non commerciale donc). Certains ne pourront alors véritablement qualifier le manuel de « libre » (et encore moins « libre de droits »)
- Le manuel a été conçu et encapsulé dans l’application d’Apple iBooks Author (il n’y a pour ainsi dire pas de sources mais une possibilité de sortie au format PDF où, évidemment, l’interactivité est inexistante)
- En conséquence de quoi, le manuel est exclusivement destiné à l’iPad (et pas une autre tablette)
- Certes gratuit, on ne peut se le procurer que sur la plateforme Apple iTunes (où l’on peut d’ailleurs lire : « ce livre ne peut être lu qu’avec iBooks 2 sur un iPad équipé d’iOS 5 »)
« Il est difficile de voir en Apple le parangon de l’ouverture et de la liberté. » L’auteur a souvent bien conscience de tout cela et s’en explique ci-dessous dans la présentation de son projet.
Il y a la matière à un débat fécond (sans oublier que derrière l’iPad se cache la générique tablette). Et comme le dit l’auteur en paraphrasant Montaigne : « votre approbation comme votre condamnation me seront utiles ».
Un manuel de français libre et gratuit pour iPad
URL d’origine du document (Ralentir travaux)
Yann Houry – Septembre 2012 – Licence Creative Commons By-Nc-Sa
Les deux classeurs
Je me souviens de ce professeur d’histoire qui avait avec lui, en permanence, deux gros classeurs. Je commençais tout juste à enseigner, et ces classeurs m’apparaissaient comme une somme, un véritable trésor, le fruit d’un travail riche d’expériences, de lectures et de recherches, une sorte de Graal auquel tout enseignant devait nécessairement et inéluctablement parvenir après quelques années d’enseignement. J’admirais d’autant plus ces deux classeurs qu’ils me semblaient la matérialisation de ce qui reste d’habitude invisible, le travail de l’enseignant. En effet, les cours de l’enseignant sont parfois intangibles, car ils n’ont pas nécessairement besoin d’être mis par écrit pour être transmis.
Mais ces deux classeurs avaient aussi un côté dérisoire que leur poids et leur encombrement rendaient évident. Pourquoi donc emporter en tout lieu et en tout temps ces deux énormes classeurs ? Ce professeur leur trouvait-il un usage quotidien ? Voulait-il absolument avoir sous la main le document qui deviendrait tout à coup nécessaire à un de ces moments où le hasard pédagogique vous mène ? Je ne sais plus quelle réponse j’ai obtenue à ce sujet, mais je sais depuis que le numérique a achevé de frapper d’inanité ce lourd bagage. Ces deux classeurs tiennent dans un iPad. Or le site Ralentir travaux d’abord, ce manuel ensuite, ce sont un peu mes classeurs, mais je ne voulais pas les garder fermés. Je voulais les tenir à la disposition des autres, pour à la fois les leur offrir et les leur soumettre. C’était à la fois par altruisme et par égoïsme, car, pour plagier Montaigne, je dirais volontiers que votre approbation comme votre condamnation me seront utiles.
Un manuel numérique
Ce manuel n’a pas la prétention de se substituer aux manuels traditionnels. De toute façon, tant que l’on restera engoncé dans l’opposition hugolienne du « Ceci tuera cela », tant que l’on croira nécessaire de choisir l’un ou l’autre, on restreindra sinon la portée du problème du moins la richesse des techniques d’enseignement. Une technique – le plus souvent – ne remplace pas une autre. Internet n’a pas remplacé la télévision, laquelle n’a pas remplacé la radio… L’un ne se substitue pas à l’autre, mais se tient à côté. C’est d’ailleurs tout l’intérêt que je trouve aux tablettes et plus particulièrement à l’iPad. Celui-ci, contrairement à l’ordinateur de bureau, ne trône pas en conquérant sur la table après avoir terrassé les livres et le papier, il se tient à leurs côtés, accompagnant et enrichissant ces supports pluricentenaires. Le bureau du collégien, je le vois avec une tablette et du papier. Ce n’est pas l’un ou l’autre. Pourquoi choisir ?
Ce manuel, je le publie maintenant, parce que la rentrée scolaire ne me permettra plus de lui consacrer le temps que les vacances m’ont permis de lui accorder. Il n’est même pas, si l’on y regarde bien, tout à fait terminé (tant s’en faut). Comme les logiciels libres dont il s’inspire, il correspond à une version bêta, disons une version alpha pour parer à toute critique. S’il n’est pas totalement achevé, il pourra – du fait de sa nature – être mis à jour en un rien de temps. Et j’ose espérer qu’il le sera du fait des contributions, des observations et remarques en tout genre que je vous propose dès aujourd’hui d’écrire ici même dans ces commentaires. Je le redis, et même si ce n’est pas ce qui est arrivé, Ralentir travaux n’a jamais eu vocation à être l’ouvrage d’une seule personne. À ce propos, je tiens à remercier chaleureusement les personnes qui m’ont apporté leur aide, et au tout premier chef Christophe Herlory pour son soutien, sa traduction de l’extrait de Frankenstein et sa relecture du manuel, ma femme qui m’a prêté sa voix pour l’enregistrement des dictées, et tous ceux qui ont pris le temps, pour traquer les coquilles et les erreurs, de lire et relire ce manuel.
S’il n’est pas parfait, s’il n’entend pas supplanter quoi que ce soit – et surtout pas ces si riches manuels que les éditeurs proposent maintenant depuis tant d’années, ce manuel numérique se veut libre de droits, c’est-à-dire que pour la première fois l’on propose à l’enseignant d’être, dans sa classe, totalement en règle avec la loi. On peut copier, modifier, distribuer ce manuel. Les images, les textes, les questionnaires, tout peut être partagé ou transformé. Tout est sous licence Creative commons.
L’empire du copyright
Il faut dire et redire à quel point le droit d’auteur est une plaie pour le monde de l’éducation, un fléau qui restreint drastiquement la diffusion des œuvres. Combien de pépites, de découvertes resteront dans les tréfonds de mon ordinateur et de ceux de mes collègues ? Combien d’ouvrages ne pourront être partagés sous le prétexte que les droits d’auteur ont enfermé la culture pour une vingtaine d’années d’abord (lors de la Révolution française), puis pour cinquante, aujourd’hui pour soixante-dix ans ? Cette confiscation des œuvres, parfois totalement arbitraire (songez à cette traduction du Vieil homme et la mer de François Bon), enferme le patrimoine culturel dans la sphère du privé, prive le public de sa possession, de son droit de reproduction quand ce n’est pas purement et simplement de son droit de consultation. Par désir de profiter d’une manière financière, par crainte du vol également.
Or, dans le cas du numérique, la confusion est totale. Si vous copiez un texte ou reproduisez une image, vous ne volez rien du tout. Vous copiez. Il n’y a pas vol.
J’avais été très étonné en entendant pour la première fois la chanson du copyleft. Copier n’est pas voler. Si je vole un vélo, le propriétaire du vélo est lésé. Si je copie un texte ou une image, personne n’y perd. Le propriétaire n’a pas perdu son texte ou son image, mais, à présent, il y en a deux.
C’est qu’il faut distinguer le bien matériel du bien immatériel. Et, étonnamment, le XVIIIe siècle faisait cette distinction :
« Un homme a-t-il le droit d’empêcher un autre homme d’écrire les mêmes choses que lui-même a écrites le premier ? … En effet, on sent qu’il ne peut y avoir aucun rapport entre la propriété d’un ouvrage et celle d’un champ, qui ne peut être cultivé que par un homme, et dont, par conséquent, la propriété exclusive est fondée sur la nature de la chose. Ainsi ce n’est point ici une propriété dérivée de l’ordre naturel, et défendue par la force sociale ; c’est une propriété fondée par la société même. Ce n’est pas un véritable droit, c’est un privilège, comme ces jouissances exclusives de tout ce qui peut être enlevé au possesseur unique sans violence.
Tout privilège est donc une gêne imposée à la liberté, une restriction mise aux droits des autres citoyens ; dans ce genre il est nuisible non seulement aux droits des autres qui veulent copier, mais aux droits de tous ceux qui veulent avoir des copies … »
Condorcet, Œuvres, tome 11
La gratuité, enfin, est un point auquel je tiens. Quand j’ai créé Ralentir travaux, je l’ai fait avec dans l’idée que, pour le lire, je ne demanderai ni inscription ni contrepartie financière. C’est accessible. Instantanément. Je crois savoir que mon travail profite à ceux qui sont loin, dans des écoles mal dotées (mais disposant au moins d’une connexion à internet), à des étudiants étrangers, à des parents désireux de s’informer, à des curieux, et pourquoi pas à des établissements ayant déjà acheté des iPads et qui, compte tenu, de la richesse du web, n’auront pas à payer encore pour y mettre le contenu nécessaire aux apprentissages.
Et puis la remarque peut paraître prétentieuse car émanant de moi seul, mais si l’on veut bien considérer les économies réalisées par les administrations ayant recours à des logiciels libres (que l’on songe à OpenOffice, LibreOffice, Ubuntu…), on se dira que proposer gratuitement des manuels permettra de mettre l’argent ailleurs que dans des CD-ROM ou des manuels qui inévitablement finiront au rebut (c’est malheureux, mais c’est comme ça). Et je refuse d’entendre l’argument rappelant que tout travail mérite salaire. Je veux bien que l’on considère que j’ai fourni un travail de dément pour produire ce manuel, mais je ne peux raisonnablement pas le mettre en vente. Ou alors, pour reprendre une fois encore Condorcet, ce que je vendrais serait mon nom et mes mots, non mes idées qui ont été dites des millions de fois sur internet, dans les manuels, dans les salles de cours, etc.
Pourquoi l’iPad ?
On pourra s’étonner qu’un manuel se voulant gratuit et libre de droits soit proposé sur iPad, et l’on aura raison. Il est difficile de voir en Apple le parangon de l’ouverture et de la liberté. Force est cependant de reconnaître que seule Apple a développé un programme digne de ce nom permettant de produire à peu de frais un manuel numérique digne de ce nom, mais, dès que j’en aurai la possibilité, je m’attaquerai aux autres plateformes afin de proposer le manuel sur d’autres supports. De toute façon, vous trouverez à peu près tout le contenu du manuel sur Ralentir travaux.
Quand j’ai découvert iBooks Author, j’ai vu la possibilité qui m’était donnée de créer facilement et rapidement ce que j’avais toujours souhaité faire depuis Ralentir travaux. Un manuel. Je ne voudrais pas vous faire l’inventaire des avantages du numérique. Je ne vais même pas vous dire ce que contient ce manuel (je vous invite tout simplement à le parcourir. Tout au plus voudrais-je rappeler ces quelques points :
- La tablette numérique est légère, et permet de se débarrasser du poids du cartable.
- Si la tablette a un coût à l’achat, celui-ci peut être partiellement absorbé par des dépenses qui deviendront superfétatoires (papier, encre, photocopieuse, manuel sur papier…). De plus, tout ce que j’ai acheté chez Apple est durable et solide (je ne suis pas un fanboy, c’est juste comme ça) y compris dans les mains de mes enfants les moins soigneux.
- La luminosité d’un iPad peut être réglée directement dans l’application, et ne gêne pas les yeux. On peut même lire dans le noir !
- La police peut être changée, agrandie. C’est, je crois, un atout pour tous ceux qui ont des problèmes de vue. C’en est un également pour les dyslexiques.
- Mettre des signets, surligner, prendre des notes, tout cela est possible. Chaque mot peut être défini ou renvoyer au web.
- On trouve des exercices interactifs, des quiz…
- On trouve également des vidéos, des fichiers audio (un élève peut ainsi faire des dictées seul ou du moins s’entraîner), des diaporamas, des images interactives parfois en haute définition (un jour, on oubliera que la photocopie a existé).
- Des liens internet menant à Wikipédia ou à Gallica offrent l’accès à de belles éditions quand ce ne sont pas les éditions originales. Une fois encore, j’y vois une libéralisation de la culture. On ne peut certes toujours pas les toucher, mais on peut voir, on peut lire ces œuvres de la Bibliothèque nationale de France que seuls quelques privilégiés pouvaient auparavant découvrir. Et je me souviendrai toujours du regard ébahi d’élèves habituellement peu sensibles au plaisir livresque découvrant des éditions originales.
- Le manuel peut être utilisé avec d’autres applications. Le Petit Robert, Antidote sont des merveilles sur iPad. Certains logiciels de prise de notes sont extraordinaires. Je ne mets plus les pieds dans une bibliothèque sans mon iPad et Evernote ou Penultimate.
Quelques mots pour finir. Je me suis efforcé de rendre ce manuel aussi complet que possible, de multiplier les exercices de grammaire, de vocabulaire, de rédaction, etc. Il est l’œuvre d’une seule personne (ou presque), et c’est une bien lourde tâche que celle-ci. J’espère que vous saurez vous montrer indulgent quand vous trouverez une coquille, une erreur, une approximation, etc. Je vous remercie de votre compréhension. Un manuel numérique se bonifie dans le temps, non dans la cave, mais confronté à votre regard.
Il me reste à vous souhaiter une bonne lecture. J’espère que vous la trouverez, selon le vieux précepte horacien, utile et agréable.
La petite fille muette réduite au silence par Apple, les brevets, la loi et la concurrence
Maya est une petite fille de 4 ans qui ne peut pas parler.
Muette, jusqu’au jour où ses parents lui installent une application iPad qui lui permet pour la première fois d’entrer réellement en communication avec les autres.
Tout irait pour le mieux dans le meilleur de monde si cette application ne se trouvait pas attaquée par des concurrents pour viol de brevets et si Apple, sans même attendre la fin du procès, ne décida soudainement de retirer l’application de son store, avec toutes les terribles conséquences potentielles pour Maya et les autres enfants dans son cas[1].
Une histoire racontée par la mère de Maya. Une histoire nécessairement subjective et dans l’émotion, mais qui révèle une situation contemporaine où des logiques contradictoires finissent par mettre l’humain entre parenthèses…
PS : On vous épargnera le couplet affirmant péremptoirement qu’avec un logiciel libre sur plateforme libre cela ne se serait pas produit 🙂
Maya, réduite au silence
Uncommon Sense – 11 juin 2012
(Traduction Framalang : Goofy, Lamessen, Clochix)
Il y a onze semaines, j’ai parlé ici des problèmes qui menacent la voix de ma fille. Maya a quatre ans et ne peut pas parler.
Elle utilise une application, Speak for Yourself (SfY), pour communiquer, et les créateurs de cette application sont poursuivis en justice pour viol de brevet par Prentke Romich Company (PRC) et Semantic Compaction Systems (SCS), deux entreprises bien plus grosses qui créent des terminaux pour communiquer (mais pas d’applications pour iPad). Vous pouvez lire ici l’article original, et vous trouverez là les nombreux articles de presse suscités par cette affaire. Maya est sur le point de devenir une victime bien réelle, très humaine et pour tout dire adorable des lois sur les brevets.
Après ce billet, deux choses importantes sont arrivées. D’abord, j’en ai appris un peu plus sur les lois relatives aux brevets. Bien que dans le pire des scénarios (dans notre cas, un jugement défavorable à Speak for Yourself) le juge puisse supprimer l’application, il était aussi tout à fait possible que PRC et SCS obtiennent juste un dédommagement pécuniaire. Cela m’a permis de me relaxer un peu et de ne plus être terrorisée à l’idée que SfY (sur laquelle Maya compte) puisse soudainement lui être arrachée ou disparaître. L’autre nouvelle, de loin la plus excitante, est que Maya a fait des progrès stupéfiants dans son utilisation de l’application. Dans mon premier billet, j’imaginais un futur dans lequel Maya pourrait réellement « parler » avec des phrases, et partager ses pensées… À présent, quelques semaines seulement plus tard, nous vivons ce futur. Elle demande poliment des choses, en tapant sur la tablette « Je veux un gâteau s’il te plaît ». Elle fait des blagues, comme regarder par la fenêtre le soleil radieux, taper « aujourd’hui il pleut » et éclater de rire (que voulez-vous que je vous dise, les enfants de quatre ans ne font pas les meilleures blagues). Et il y a deux jours, elle a regardé mon mari lorsqu’il est entré et a tapé « Papa, je t’aime. ».
Cela change la vie. Vraiment.
Maya peut nous parler, distinctement, pour la première fois de sa vie. Nous sommes suspendus à chacun de ses mots. Nous avons appris qu’elle aime égrener les jours de la semaine, est très intéressée par la météo, et aime prétendre que ses poupées sont en train de conduire le bus scolaire (souvent) et de travailler (parfois). Cette application ne lui a pas seulement permis d’exprimer ses besoins, mais aussi ses pensées. Elle nous a offert la possibilité de connaître notre enfant à un niveau totalement différent. J’étais tellement occupée à profiter dans la joie de cette nouvelle réalité que j’en avais presque oublié le procès en cours.
Jusqu’à lundi dernier. Quand Speak for Yourself a été retiré de l’Appstore iTunes…
Il a disparu ! Il n’existe plus.
Nous y sommes.
Conformément à ce court document, voila ce qui s’est passé : PRC/SCS a contacté Apple et a demandé que Speak for Yourself soit retiré de l’Appstore iTunes, affirmant que l’application violait ses brevets. à son tour, Apple a contacté SfY et a demandé une réponse à ces accusations. L’avocat de SfY a répondu, expliquant à Apple pourquoi cette demande n’était pas fondée, renvoyant Apple vers la procédure judiciaire en cours, et soulignant que PRC/SCS n’avait pas demandé au tribunal une injonction ordonnant le retrait de l’application de la boutique. Pendant des mois, il ne s’est rien passé… Mais le 4 juin Apple a informé SfY que l’application avait été retirée, en raison du conflit non résolu avec PRC/SCS.
Alors maintenant, que va-t-il arriver à la voix de Maya ?
Pour le moment, nous avons toujours l’application, chargée par précaution sur son iPad et présent sur mon compte iTunes, et Maya ne sait absolument pas que quelque chose a changé. Dave et moi en revanche, en sommes bien conscients. Nous vivons dans la crainte de cette menace imminente. Avec le retrait de SfY de la boutique iTunes, l’équipe SfY a perdu la possibilité d’envoyer des mises à jour ou corrections aux gens qui utilisent actuellement cette application. À ce stade, une mise à jour du système d’exploitation des iPads par Apple (qui fait des mises à jours relativement régulièrement) pourrait rendre SfY inutilisable (parce que si le nouveau système d’exploitation n’était pas compatible avec le code de SfY, l’équipe n’aurait pas la possibilité de reconfigurer l’application pour la rendre compatible avec le nouvel OS et envoyer la version mise à jour). Notre application peut cesser de fonctionner, et Maya serait à nouveau incapable de parler, personne ne serait en mesure de nous aider.
Mais il y a une autre menace, peut-être encore plus sombre. Qu’est ce qui se passerait si PRC/SCS contactait Apple et leur demandait de supprimer à distance les copies de Speak for Yourself qui ont déjà étés achetés, en faisant valoir que l’application a (prétendument) enfreint leurs brevets illégalement, et précisant qu’ils veulent complètement supprimer son existence ? Avant la semaine dernière, je n’aurais (naïvement) jamais pensé qu’une démarche aussi agressive, à l’encontre de centaines de jeunes innocents muets soit imaginable. Maintenant, cela devient un véritable souci. Avant la semaine dernière, j’aurais (naïvement) pensé que même si une telle demande était formulée, Apple ne l’aurait jamais accepté sans une injonction de justice les forçant à le faire. Désormais, il semble que ce soit tout à fait possible.
La suppression de Speak for Yourself ne semble pas juste. Actuellement ça parait même totalement injuste. Et franchement, ça dépasse mon entendement. Je ne suis pas une femme de loi, et il y a deux choses sur la légalité de ces événements que je ne comprend tout simplement pas.
D’abord, je ne comprend pas pourquoi PRC/SCS serait allé demander à Apple le retrait de l’application de l’App Store. Il y a déjà des discussions entre PRC et SfY au tribunal. Pourquoi n’y a-t-il pas eu une injonction déposée auprès du tribunal pour stopper la vente de l’application ? Cela aurait permis un procès en bonne et due forme, et un juge impartial aurait pu décider si le retrait était justifié ou non.
Et puis, je ne comprend pas pourquoi Apple a décidé de retirer l’application. Ils ont reçu une réponse d’un avocat, expliquant que les allégations de violation n’étaient pas valides et que le tribunal n’avait pas ordonné le retrait de l’application de l’App store. Cette application n’est pas un jeu, c’est une nécessité, une voix irremplaçable pour les personnes handicapées. Comment Apple a pu décider de la retirer aussi arbitrairement ?
Je ne suis pas impartial, mais je ne vois pas non plus comment Prentke Romich pourrait penser que procéder à ce retrait est raisonnable ou éthique. PRC est une société qui a près de cinquante ans d’âge et dont l’intégralité de la clientèle est composée d’enfant et d’adultes qui ne peuvent pas parler. Leur devise (mise en évidence en haut de leur Page Facebook) est « Nous croyons que tout le monde mérite une voix ». Comment peuvent-ils concilier l’énoncé de leur mission et le retrait stratégique de Speak for Yourself du marché, bloquant l’accès à de nouveaux utilisateurs muets et provoquant potentiellement le retrait de l’application pour des utilisateurs actuels qui l’utilisent comme leur unique voix ?
Ma fille ne peut pas parler sans cette application.
Elle ne peut pas nous poser de questions. Elle ne peut pas nous dire qu’elle est fatiguée, ou qu’elle veut un yaourt pour le déjeuner. Elle ne peut pas dire à son père qu’elle l’aime.
Personne ne devrait avoir le pouvoir de lui retirer ça.
Qu’est ce qui va se passer si on perd SfY ? Je n’en ai aucune idée. Comme je l’ai déjà expliqué, nous avons essayé d’autres applications de communication et nous n’avons jamais trouvé quelque chose qui corresponde aussi bien à Maya. Fait intéressant, nous avons examiné avec soin la possibilité d’acheter un appareil de communication de PRC, et rencontré l’un de leurs représentants en novembre, neuf semaines avant un message sur mon mur Facebook me présentant SfY (et sept semaines avant son apparition dans l’AppStore). Nous avons examiné leurs dispositifs, et nous avons été déçu de constater qu’ils n’étaient pas adaptés pour Maya. Pour nous, ce n’était pas un choix entre un dispositif coûteux contre un application « pas chère ». Il s’agissait d’un dispositif inefficace (pour Maya) face à une application qu’elle comprenait et adoptait immédiatement. La seule application, le seul système qu’elle ait immédiatement adopté comme son propre moyen de communication.
Cette application est sa seule voix.
Le fait que la capacité de ma fille à parler soit suspendu au verdict d’une guerre de brevet entre deux entreprises dépasse mon entendement. C’est une question de brevet, une question d’argent, une question juridique, une question de business. Il n’y a plus de place pour l’humain dans ce business contre business arbitré par le judiciaire. La décision de PRC de se battre pour faire retirer cette application de l’AppStore n’est pas seulement une action agressive contre Speak for Yourself, C’est une attaque indirecte contre mon enfant, les autres enfants qui utilisent cette application, et ceux qui étaient prêts à l’utiliser mais ne peuvent maintenant plus le faire.
Si vous voulez prêter votre voix à ce combat, diffusez cette histoire. Ce n’est pas normal, et les gens devraient en avoir connaissance.
NdT : Vous trouverez en fin d’article d’origine une liste de liens connexes ainsi qu’un billet complément rédigé dans la foulée.
Notes
[1] Crédit photo : Katie Tegtmeyer (Creative Commons By)
Salut à toi mélomane, téléchargeur, pirate, pseudo-criminel…
Benn Jordan est musicien et président fondateur du modeste label indépendant Alphabasic Records.
En janvier 2008, et contrairement à ce qu’il se produisait d’habitude, il fut surpris de constater l’absence de son nouvel album sur les sites de torrents et P2P !
Alors il décida de prendre lui-même les devants en téléversant ses propres fichiers audios sur les sites de partage, mais en les accompagnant d’un court texte que nous avons décidé de traduire ci-dessous tant il nous semble original et révélateur de la situation actuelle.
Ainsi tout « pirate » téléchargeant l’album se retrouvait avec un petit fichier HTML contenant le message. Libre alors à lui de le lire et d’agir en conséquence.
Remarque : On pourra trouver le bilan de cette action dans le billet From Pirates To Profit. Et si vous voulez écouter quelques extraits de l’album en question il y a ce lien YouTube.
Bonjour mélomane… téléchargeur… pirate… pseudo-criminel…
Hello listener…downloader…pirate…pseudo-criminal…
Benn Jordan – janvier 2008 – Alphabasic Records
(Traduction : Ælfgar, Kiwileaks, Marwan, Thb0c, Gordon, Hikou, Chk, Coyau, axx et autres anonymous)
Bonjour mélomane… téléchargeur… pirate… pseudo-criminel…
Si vous êtes en mesure de lire ceci, alors il est plus que probable que vous ayez téléchargé cet album depuis un réseau pair à pair ou un torrent.
Vous vous attendez probablement à ce que le reste de ce message vous dise que vous êtes en train de faire du mal aux musiciens et de contrevenir à plus ou moins toutes les lois en vigueur sur la copie. Ce ne sera pas le cas ici.
Ce que j’aimerais vous dire, c’est que mon label comprend que beaucoup de gens piratent de la musique parce que c’est plus simple que de l’acheter. Les CD se rayent facilement, la plupart des sites de téléchargement avec paiement à l’acte proposent une faible qualité accompagnée de merdiques protections par DRM, et les vinyles sont quasiment impossibles à trouver ou expédier simplement.
Je me demande même souvent pourquoi les gens achètent encore des CD. Certains apprécient le fait d’avoir une vraie pochette physique, d’autres ne se sont pas encore adaptés aux MP3, mais la plupart le font parce qu’ils aiment passionnément la musique et veulent soutenir les artistes qui la font. Ça vous redonne foi en l’humanité l’espace d’un instant, hein !
Ok donc, on fait quoi maintenant ?
Vous aimez l’album ? Vous voulez « soutenir l’artiste » sur iTunes ?
Eh bien, ne le faites pas !
Alphabasic est en ce moment même en pleine bataille juridique contre Apple parce qu’AUCUN de nos contenus (le catalogue Sublight Records compris) n’a reçu le moindre centime de royalties par rapport au grand nombre de ventes qu’iTunes a généré en utilisant notre contenu.
Vous voulez acheter un CD uniquement pour témoigner de votre soutien ?
Si vous n’aimez pas particulièrement les CD, ne vous prenez pas la tête.
Les grandes enseignes comme Best Buy et Amazon font tellement monter les prix que leurs parts sont souvent huit fois plus élévées que celle de l’artiste. En plus, la plupart des CD sont fait de plastique non-recyclable et sont de ce fait écologiquement nuisibles.
Si vous aimez vraiment les CD, achetez les directement auprès du label (dans notre cas, alphabasic.com). Après récupération des coûts de production, nos artistes reçoivent habituellement plus de 90% de l’argent venant de votre portefeuille.
J’ajoute que tous nos produits physiques sont réalisés à partir de matériaux 100% recyclés.
Vous souhaitez soutenir sans aimer les CD ?
Allez ici et faites le tour de notre catalogue de téléchargements audio sans perte et sans DRM.
Vous l’avez déjà fait ?
Alors n’hésitez pas à faire un don du montant de votre choix à votre artiste préféré. Il lui reviendra à 100%.
Franchement, vous pouvez même donner ne serait-ce qu’un euro pour remercier l’artiste.
Si par exemple vous aimez vraiment « The Flashbulb – Soundtrack To A Vacant Life » et voulez nous soutenir sans que l’argent s’en aille vers des détaillants et des distributeurs cupides, ou des représentants et intermédiaires cocaïnomanes, alors cliquez sur ce lien.
Si de plus vous voulez bien renseigner votre adresse postale, Alphabasic pourra vous envoyer occasionnellement quelques goodies (surplus de stock, stickers, et même parfois des CD rares ou inédits) en guise de reconnaissance.
Merci d’avoir pris le temps de lire ce message.
Qui sait si mon petit modèle économique permettra de financer de nouveaux albums, mais même l’échec vaut mieux que le système de distribution pourri dont les artistes souffrent depuis plus de cinquante ans.
Nous espérons que vous apprécierez la musique autant que nous l’apprécions en la créant .
Enfin un tout dernier point. Si vous envisagez de partager cette musique, merci de conserver et d’y inclure ce texte. La seule raison de sa présence est de montrer à l’auditeur où et comment il peut soutenir son artiste favori !
Benn Jordan
PDG d’Alphabasic Records
Geektionnerd : Dépêches Melba 5
Au menu du jour : des virus, de la vente liée et des multinationales…
Sources :
- FIn du support de Windows XP (Numerama)
- Apple attaqué par les virus (20minutes)
- Samsung perd en justice pour vente liée (Numerama)
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
Sommes-nous en train de tuer l’Internet ?
Tristan Louis se définit lui-même sur son site comme un vétéran d’Internet, ce que confirme son article Wikipédia. Il sait donc de quoi il parle lorsqu’il décide aujourd’hui de sonner l’alarme.
Les réseaux sociaux, les applications pour mobile… participent à un dangereux mouvement de fermeture[1]. Il faut tout faire pour ne pas avoir à dire dans quelques années : « l’Internet, c’était mieux avant ! ».
J’ai tué Internet
Tristan Louis – 3 mars 2012 – TNL.net
(Traduction Framalang/Twittica : Evpok, @Thb0c, @KarmaSama,Giljåm, @nico3333fr,@0ri0nS, M0tty, LGr, Gatitac, HgO)
J’ai tué Internet.
Ce n’était pas volontaire, mais c’est le résultat direct de mes actes. Je vais vous raconter comment c’est arrivé.
Internet
Autrefois il y avait beaucoup de réseaux privés. À cette époque, avant l’avènement d’Internet, pour pouvoir communiquer avec les utilisateurs d’un service en particulier, il fallait y être inscrit. Chaque service gérait ses propres silos[2] et avait sa propre culture : certains étaient spécialisés dans les affaires (par exemple CompuServe), d’autres se concentraient sur les consommateurs (comme AOL) ; certains étaient soutenus par de grandes entreprises (comme Prodigy), d’autres par de nouveaux arrivants dans le monde de l’informatique (comme eWorld). Mais aucun d’entre eux ne communiquait réellement avec les autres.
Pendant ce temps, une technologie de type et d’approche différente émergeait lentement. Issues de la peur durant la guerre froide que les communications centralisées puissent être coupées si une bombe nucléaire détruisait les serveurs hébergeant les communications. Les technologies d’Internet ont été conçues pour créer des connexions entre les différents réseaux, permettant de voyager d’un réseau à un autre sans rencontrer d’obstacle (d’où le terme inter-net qui signifie entre les réseaux). En cours de route, cela a également généré une philosophie différente : afin de participer au réseau et de voir d’autres réseaux transporter du trafic à partir et vers le vôtre, vous deviez accepter de faire la même chose pour tous les autres réseaux, sans discrimination, quelles que soient l’origine et la nature du trafic sur ce réseau.
Internet se développa d’abord en tant que projet militaire, mais la recherche était faite par des entreprises privées en partenariat avec des universités. Ainsi, ces ensembles commencèrent à s’interconnecter à la fin des années 60 et les ingénieurs ajoutèrent de plus en plus de technologies au réseau, le rendant de plus en plus utile, passant de l’échange de fichiers à la gestion de courriels, de groupes de discussion et finalement au web.
Quand Tim Berners-Lee a inventé le web, il n’a pas voulu le faire breveter, il a préféré partager son invention du http, des navigateurs, des serveurs web et du HTML avec le reste de la communauté Internet (c’est du reste assez incroyable qu’il ait inventé et présenté tous ces composants en même temps). Au fil des ans, la communauté les a améliorés, et a partagé ces améliorations avec le reste d’Internet. Ceux qui décidaient de construire des modèles propriétaires pour leurs services étaient en général méprisés et leurs idées n’avaient que peu de succès.
L’âge d’or
En ajoutant une couche graphique – le world wide web – à Internet, celui-ci a commencé à croître de plus en plus vite, forçant tous les silos à s’ouvrir ou à mourir. CompuServe a été le premier, suivi d’AOL et de Prodigy. La facilité d’utilisation d’AOL a permis à des millions de personnes d’accéder aux ressources d’Internet, alors que les difficultés techniques de l’utilisation de CompuServe l’ont perdu (ce qui a conduit à son acquisition par AOL) et l’arrivée tardive de Prodigy dans le monde d’Internet l’a rendu vulnérable à une acquisition par Yahoo, qui a fini par tous les supplanter.
Les deux décennies suivantes ont fait passer Internet d’un lieu où traînaient seulement des geeks au système de communication incontournable que nous connaissons aujourd’hui. En 1995, AT&T lança un forfait Internet appelé Worldnet, qui força tous les fournisseurs d’accès à se convertir au modèle d’accès Internet illimité à prix unique. Cette innovation avait pour but non seulement de se différencier mais aussi d’étouffer les concurrents d’AT&T car celui-ci possédait déjà une infrastructure suffisante pour s’assurer que le trafic lui coûterait moins cher qu’à tout autre FAI.
Entre-temps, plusieurs services ont fourni une infrastructure peu coûteuse pour héberger un site web, permettant à n’importe qui ayant un minimum de connaissances de créer un nom de domaine et de proposer ses produits en ligne. Dans cet environnement équitable, l’argent n’était pas un problème pour démarrer, et un site comme TNL.net (NdT : celui de l’auteur) avait les mêmes droits sur Internet que les plus grandes entreprises comme IBM, General Electrics, Esso, ou Microsoft.
Dès lors, à partir de 1995, la logique d’Internet se retrouva fondée sur deux principes : toutes les ressources étaient disponibles pour tous à un prix unique et ceux qui avaient la volonté de travailler dur pouvaient réussir et, de là, construire une entreprise florissante.
De sombres nuages
Mais ces beaux jours ne sont jamais assez loin pour des gens qui préfèrent que l’équilibre des forces penche en leur faveur. Innocemment au début, mais de plus en plus souvent, de nouveaux silos ont commencé à apparaître.
Au début, ces silos semblaient inoffensifs parce qu’ils étaient petits et que le reste d’Internet était bien plus gros qu’eux. Mais à l’instar d’un petit trou dans un barrage qui, au départ, semble bénin, la pression commença à monter et au final conduisit à l’augmentation du nombre de zones autour d’Internet où le trafic ne passait que dans un sens, vers ces communautés, mais sans jamais en revenir. Par exemple, sur Facebook, ce qui suit est devenu plus courant quand on nous signale quelque chose sur le net :
En d’autres termes, Facebook a jugé préférable d’intercepter le lien externe en essayant de vous faire installer une application qui vous ferait rester dans leur pré carré, comme souvent avec les applications qui permettent d’accèder aux réseaux sociaux :
À chaque fois que quelqu’un installe l’une de ces applications, il déplace tout partage qu’il a de son histoire de ce site vers les silos1 privés de Facebook. Maintenant, vous avez deux options quand vous cliquez sur un lien : soit vous installez l’application et ainsi vous prenez une part active au lent démentelement d’Internet, soit vous décidez de ne pas lire cette histoire. Facebook a pleinement réussi à faire en sorte que partager un lien en dehors de Facebook soit si difficile qu’il s’assure que le trafic ne va jamais aller que vers Facebook.
Mais ce n’est pas que l’apanage de Facebook. Par exemple quand je reçois un message LinkedIn, on me demande de cliquer sur un lien « Voir/Répondre à ce message ». Pourquoi donc ? Ce message est dans ma boîte-mail, je peux le lire en entier, et je peux y répondre en cliquant sur le bouton « Répondre » de mon client mail :
Ce lien est utile pour LinkedIn, pas pour moi en tant qu’utilisateur, puisque toutes les fonctionalités dont j’ai besoin sont juste là, dans mon client mail.
Autre exemple, prenons Path, le nouveau meilleur ami des réseaux sociaux. Path est un réseau social pour mobiles (pensez à Facebook pour votre smartphone) et son site propose un bouton pour se connecter (pour en savoir plus sur la raison de l’absence de liens vers Path dans cette entrée, voir « Allez-vous le ressuciter ? » plus bas). Mais quand vous vous connectez, l’univers de Path est très limité. C’est ci-dessous, sans rire, la page où j’atterris quand je me connecte à travers leur interface web :
Pas de contenu ici, au-delà de mes préférences. Je ne peux pas avoir accès aux données que j’ai créées sur mon appareil mobile, ou celles créées par d’autres personnes sur les leurs. Je ne peux pas non plus partager sur le web des choses que j’ai créées sur mon mobile… et personne ne semble trouver à y redire.
Comment j’ai tué Internet
Quand je l’ai remarqué il y a quelques mois, je n’y ai pas trop réfléchi. J’ai pensé que c’était une fonctionnalité d’une bêta qui n’avait pas encore de contenu en ligne. Et donc j’ai continué à utiliser le service. Mais finalement, l’impossibilité de partager sur le net m’a fait tiquer car j’ai réalisé que j’étais captif de Path. J’ai arrêté d’utiliser ce service.
Mais ce que je n’ai pas fait, c’est arrêter d’utiliser les nombreuses autres applications qui fonctionnaient sur mon téléphone Android (cela serait tout aussi vrai si j’avais utilisé un iPhone). J’ai continué à utiliser une application dédiée au Kindle d’Amazon, une autre pour son lecteur MP3, encore une autre pour Google Currents, ou pour Dropbox, Evernote, Facebook, Flickr, Foursquare, etc. J’étais d’accord pour obtenir seulement quelques petits morceaux du web empaquetés et prémâchées sur mon mobile. Je n’ai pas demandé à ces mêmes sites de développer une version web ouverte qui fonctionnerait dans un navigateur de façon à ce que je puisse moi-même choisir le périphérique d’accès à leur contenu.
Je n’ai pas tiqué quand j’ai eu à réinstaller ces applications sur un autre périphérique, lorsque j’en ai changé. Et quand j’ai vu qu’un de ces périphériques ne supportait pas l’application, je n’ai pas blâmé le créateur de l’application mais la plateforme pour ne pas avoir aidé le développeur. J’ai opté pour plus de fragmentation dans ce qui était disponible pour tout le monde parce je devais avoir le dernier « jouet à la mode » au lieu de demander à ce que tout le monde fasse le choix, plus difficile, de travailler ensemble.
Quand il manque une fonctionnalité au web, je ne cherche pas un moyen de régler cela en utilisant la capacité que ce materiel offre mais je m’en détourne et dis « abandonnons le web et utilisons les applications à la place ». Je n’ai pas poussé au dialogue pour trouver des solutions à l’accès ouvert aux caméras/accéléromètres/microphones/WiFi/GPS/Bluetooth. À la place je tombe dans la facilité et me concentre pour développer sur une seule plateforme (ou un petit groupe de plateformes).
À chaque fois que je suis tombé sur un silo comme Facebook, j’ai peut-être râlé mais je ne suis pas parti. En fait, j’ai publié toujours plus de contenus dessus sans me demander si je pouvais le récupérer. J’ai fait cela parce que c’était là où étaient les lecteurs, là où je pouvais avoir plus d’utilisateurs, etc.
Quand mon opérateur mobile a décidé de mettre en place un plafond sur la consommation de mon forfait illimité, je ne l’ai pas quitté parce que je devais être sur un réseau où je pouvais continuer à utiliser mon iPhone/iPad/Kindle (peu importe le périphérique). Je me suis plaint sur Twitter et j’ajoutais un billet sur Tumblr mais je suis quand même resté.
Quand les politiciens commencèrent à parler de sujets comme la neutralité du net ou d’autres acronymes bizarres comme PIPA/SOPA/ACTA/etc., je me suis battu contre ces lois mais à l’époque je n’avais pas insisté sur le fait que tout ce qui attaque Internet attaque la population et donc ébranle la démocratie.
Je pense que vous réalisez peut-être que je ne suis pas seul dans ce cas, et la vérité c’est que j’ai peut-être tué Internet… mais vous aussi.
Le ressusciterez-vous ?
Donc comment on le ramène ? Comment nous, assis sur le bord de la route, pouvons-nous aider Internet à continer de se croître comme un endroit où tout un chacun, qu’il soit une énorme entreprise ou un simple individu, ait des chances égales de développer et construire le prochain « truc génial d’Internet » ?
Bon, la façon dont je vois les choses c’est que nous combattons avec les outils qu’on a et le meilleur d’entre eux est Internet lui même… et nos portes-monnaies.
Vous voulez de l’argent ? Eh bien, dans ce cas vous devrez être ouvert. Vous voulez me faire de la publicité ? Parfait ! Faites que votre site complet soit une part d’Internet et j’arrêterai de bloquer vos publicités. Je cliquerai même sur les publicités si elles pointent vers un site internet ouvert, mais je bloquerai celles qui m’entraînent vers des silos. Vous voulez m’offrir une inscription à quelque chose ? C’est bien mais vous ne pouvez pas être indexé par les moteurs de recherche.
Vous voulez que j’installe une application ? OK, seulement si les fonctionnalités sont valables pour un internet ouvert ! Et si c’est dû à une limitation des technologies, alors expliquez-le moi et dites-moi à qui je dois me plaindre pour que s’arrêtent ces restrictions.
Vous voulez que je partage un lien vers votre application ou votre site ? D’accord, mais comment puis-je partager les liens provenant d’autres sites ou applications DANS votre application ? Comment puis-je circuler dans les deux sens (et permettre aux moteurs de recherche ou aux personnes non enregistrées de voir au moins une partie du contenu que je partage ?).
Vous êtes un fabricant de matériel informatique ? Allez-y. Mais vous devez travailler avec d’autres fabricants pour assurer que l’accès aux appareils que vous construisez via le web soit standardisé.
Vous êtes un opérateur télécom et vous avez du mal rentabiliser votre bande passante ? Peut être que nous pouvons vous aider. Partagez TOUTES vos données (anonymisées bien sûr) qui concernent le trafic et les habitudes de vos utilisateurs. Des passionnés de réseaux se feront un plaisir de travailler avec vous pour trouver des moyens d’améliorer les choses.
Vous dirigez un moteur de recherche ? Bien. Si vous trouvez que certaines pages sont cloisonnées, refusez simplement l’indexation de l’ensemble du site. Travaillez avec vos concurrents pour assurer la création d’un liste noire, semblable à la liste noire des spammeurs. Si une entreprise ne veut pas jouer le jeu, très bien, mais elle ne devrait pas alors avoir le beurre et l’argent du beurre.
Vous voulez écrire une loi relative à certains comportements néfastes sur Internet ? D’accord mais vous devez la mettre a disposition sur un site Internet public et faire en sorte que tout le monde en parle. Peut-être sous la forme d’un wiki pour permettre une bonne participation du public et assurer le meilleur dialogue possible.
Vous lancez un site sur ce sujet de l’Internet ouvert ? Eh bien tout d’abord merci ! Mais souvenez vous que l’outil dont nous disposons est Internet lui-même. Ne faites pas de lien vers les pages publiques des sites cloisonnés (fermés). En effet, il est préférable de ne pas les mentionner, néanmoins, si vous devez absolument le faire, faites en sorte qu’il soit difficile de les trouver.
Vous êtes juste un utilisateur ? Génial ! Pour commencer, il suffit juste d’exiger qu’Internet reste ouvert. Vous avez protesté lorsque SOPA a menacé Internet. Si votre opérateur Internet devient liberticide, partez pour un opérateur qui promet de rester ouvert ! Quand les politiciens tentent d’abuser d’Internet, interpellez-les ! Et quand un FAI essaye de vous limiter, barrez-vous ! Vous pouvez faire ça encore et encore. La lutte va être longue mais elle en vaut vraiment la peine.
Ne le faites pas pour moi. Ne le faites même pas seulement pour la liberté. Ne le faites pas parce les anciennes générations d’utilisateurs d’Internet se sont battues pour réaliser ce travail.
Faites-le parce que Internet est génial.
Faites-le pour les générations futures.
Faites-le pour vos amis.
Faites-le pour vous mêmes.
Faites-le pour les chatons.
Notes
[1] Crédit photos : The U.S. Army et Mikael Tigerström (Creative Commons By)
[2] Silo : Un silo est la traduction littérale de l’anglais « Information silo technologies » qui peut se traduire partiellement par « prés carrés » ou « coffre-fort », et qui fait référence à des réseaux numériques fermés qui stockent de grandes quantités d’informations de façon opaque. On ne peut y avoir accès de l’exterieur et ceux-ci ne communiquent pas avec le reste des réseaux. Les communications ne se font donc que dans un sens.