L’académie en ligne ou la fausse modernité de l’Éducation nationale

Dustpuppy - CC byUne formidable occasion manquée pour notre cher ministère de l’Éducation nationale de se rapprocher de la culture des biens communs ? C’est l’hypothèse développée dans ce billet. Et c’est d’autant plus dommage et frustrant que tout semblait réuni pour que la rencontre ait bel et bien lieu.

Cet épisode révélateur vient clore une nouvelle année plus que fade pour le logiciel libre et son état d’esprit à l’école, puisque, à notre connaissance, pas une mesure sérieuse d’envergure a été officiellement prise en sa faveur, au cours de l’exercice 2008/2009 (on aura ainsi attendu en vain l’équivalent d’un rapport Becta de chez nous).

Logiciels, formats, et surtout, comme nous le verrons plus bas, ressources devront encore patienter pour s’engager pleinement sur le chemin de la liberté. Malgré les efforts de nombreuses personnes, la rue de Grenelle a tranché : c’est une fois de plus le redoublement !

Un projet ambitieux : l’académie en ligne

Comme souvent, il y a au départ une louable intention répondant à un réel besoin avec ce projet d’académie en ligne, inauguré officiellement le 19 juin dernier par l’ex-ministre Xavier Darcos.

L’académie en ligne est un site de ressources gratuites proposés par le CNED pour aider les jeunes dans leur scolarité et permettre aux parents de mieux les accompagner sur la voie de la réussite.

L’académie en ligne doit mettre à la disposition de tous l’intégralité des contenus d’enseignement des programmes de la scolarité obligatoire. Les cours d’école primaire seront en ligne à partir du 15 septembre et ceux de collège et lycée à partir de fin octobre.

Dès à présent, il propose des cours d’été, aux élèves du C.P. à la terminale, pour réviser les notions essentielles de l’année écoulée et préparer la rentrée.

De nombreuses séquences s’appuient sur des documents audio, iconographiques ou des activités interactives. On peut y accéder par matière, par classe ou par mot-clé grâce à un moteur de recherche.

Excellente et exaltante idée que de vouloir ainsi « mettre à la disposition de tous l’intégralité des contenus d’enseignement ».

Voilà qui sera d’une grande utilité non seulement aux élèves mais aussi à tous ceux qui sont un peu curieux de que l’on apprend à l’école (et parmi les effets secondaires positifs, on en profitera au passage pour réduire l’influence croissante et lucrative du parascolaire privé sur le temps non scolaire).

Visite surprise du site : le fond

Intrigué, je me suis donc rendu sur le site en question. Mon propos n’est pas ici d’en évaluer dans le détail la qualité et la pertinence pédagogique. Mais permettez-moi néanmoins au passage de donner un rapide et humble avis sur ce que je connais un peu, à savoir les mathématiques du secondaire.

Pour le collège on a visiblement découpé en rondelles PDF une sorte de cahiers d’activités (toujours sur le même moule : « je me souviens, je retiens, je m’exerce, je relève un défi »). La correction des exercices est à télécharger séparément.

Pour le lycée, c’est plus solide mais c’est un peu comme si on avait saucissonné, toujours uniquement en PDF, un semblant de manuel scolaire cette fois. On a le cours et des exercices d’application corrigés. Pas très moderne, didactiquement parlant. Si l’élève[1] a eu la bonne idée de conserver son propre manuel de l’année écoulée, autant travailler sur ce dernier, ces documents en ligne n’apportant a priori pas grand chose de plus (il économisera de l’encre et du papier qui plus est).

J’ai jeté également un œil (non avisé) sur les mathématiques du primaire. Ce n’est plus du PDF mais des animations au format Flash qui sont proposées. Ça bouge, ça parle et il y a de jolies couleurs, mais c’est toujours la même et lancinante structure : une première partie où l’on écoute passivement une petite explication et une seconde partie avec des exercices pseudo-interactifs où a la première erreur on nous dit systématiquement : « tu t’es trompé, recommence ! » et à la deuxième : « tu t’es trompé regarde bien la solution ! ».

Au final, tout ceci a le mérite d’exister mais c’est tout de même « un poil » décevant (mettez-vous à la place d’un élève qui débarque sur le site en souhaitant réviser en toute autonomie). C’est comme si le CNED avait mis en ligne des documents préexistants qu’il distribue j’imagine pendant l’année à ses élèves. Il n’y a visiblement pas eu de réflexion sur le spécificité des cours d’été, cette période particulière où l’on se trouve entre deux niveaux.

Visite surprise du site : la forme

J’ai balayé quelques pages du reste du contenu. Il m’a semblé que l’on retrouvait peu ou prou le même modèle pour les autres disciplines.

La seule nouveauté repérée concernait la présence de ressources audios pour les langues (anglais et espagnol), qui étaient elles-aussi mises à disposition au format Flash. Du format audio (le mp3 en l’occurrence) encapsulé dans du format Flash, impossible donc de télécharger ces séquences sonores (« Hello my name is John, repeat after me ») pour les écouter sur la plage dans son iPod.

Nous n’avons donc que deux formats, le PDF et le Flash. Le premier est un format ouvert quand l’autre ne l’est pas, mais ce que l’on peut surtout faire remarquer c’est que ce sont des formats qui ne permettent généralement pas les modifications. En effet, si vous voulez mettre à jour un fichier PDF, vous devez disposer du format natif qui a généré votre PDF (par exemple le traitement de texte Word de MS Office ou, mieux, Writer d’OpenOffice.org). Par analogie avec les logiciels, on pourrait dire que le fichier traitement de texte est le fichier source tandis que le fichier PDF est le fichier compilé (idem avec le Flash dont tout changement demande la présence des sources au format .fla). Sur l’académie en ligne ces fichiers d’origine sont absents. Les ressources mises à disposition sont pour ainsi dire « figées dans la vitrine ».

Dernière remarque. Les pages du site sont au format ASPX caractéristiques de la technologie Web de Microsoft. Ce ne sont pourtant pas les solutions libres qui manquent aujourd’hui pour construire des sites de qualité. Je ne pense pas que ce soit lié mais on peut aussi faire observer en passant que l’ergonomie générale du site laisse lui aussi pour le moment à désirer.

Visite surprise du site : la législation en vigueur

Il n’est techniquement pas possible de modifier les fichiers proposés ou d’embarquer les sons sur son baladeur. Mais, ceci expliquant sûrement cela, il est surtout juridiquement impossible de le faire.

Les mentions légales (et plus particulièrement son paragraphe 3 « Propriété intellectuelle ») sont en effet très contraignantes, et malheureusement révélatrices du climat ambiant.

D’ailleurs je viens déjà de me mettre en infraction à cause du lien ci-dessus ne pointant pas sur la page d’accueil du site !

Premier extrait (c’est moi qui souligne) :

Le site autorise, sans autorisation préalable, la mise en place de liens hypertextes pointant vers la page d’accueil du site Internet.

Tout lien vers une page autre que la page d’accueil du site Internet est strictement interdit sans l’accord préalable du Cned. Même en cas d’accord du Cned, Il est strictement interdit d’imbriquer les pages du site à l’intérieur des pages d’un autre site. Les pages du site doivent être visibles par l’ouverture d’une fenêtre indépendante.

Les sites qui font le choix de pointer vers ce site engagent leur responsabilité dès lors qu’ils porteraient atteinte à l’image du site public ou de la marque Cned.

Thierry Stoehr et Benoit Sibaud apprécieront cette interdiction de liaison (pourtant ontologiquement indissociable du Web).

Mais, plus fort encore, deuxième extrait concernant les cours proprement dits :

L’ensemble des cours figurant sur ce site sont la propriété du Cned.

Les images et textes intégrés à ces cours sont la propriété de leurs auteurs et/ou ayants-droits respectifs.

Tous ces éléments font l’objet d’une protection par les dispositions du code français de la propriété intellectuelle ainsi que par les conventions internationales en vigueur.

La consultation et le téléchargement des cours n’opèrent aucun transfert de droit de propriété intellectuelle sur ceux-ci. Ils ne sont permis que dans le strict respect des conditions suivantes :

Vous ne pouvez utiliser ces contenus qu’a des fins strictement personnelles. Toute reproduction, utilisation collective à quelque titre que ce soit, tout usage commercial, ou toute mise à disposition de tiers d’un cours ou d’une œuvre intégrée à ceux-ci sont strictement interdits.

Il est interdit de supprimer ou de tenter de supprimer les procédés techniques de protection des cours et des contenus intégrés (filigranes, blocages de sélections notamment).

Il est interdit d’extraire ou de tenter d’extraire une œuvre reproduite dans un cours et de l’utiliser à d’autres fins que celle d’illustration du cours auxquels elle est intégrée.

Le non respect de ces conditions vous expose à des poursuites judiciaires pour contrefaçon conformément aux articles L 335-2 et suivi du code de la propriété intellectuelle. Ces actes sont punis de 3 ans de prison et 300 000 euros d’amende.

Vous avez bien lu. Pour rappel nous sommes sur un service public d’éducation.

Si je partage je m’expose donc alors à des sanctions pour le moins disproportionnées. Cela ne vous rappelle rien ? Hadopi bien sûr, à la différence prêt que l’école est le lieu même de la transmission et que les auteurs des ressources sont des fonctionnaires de l’état français qui ne sont généralement pas payés (plusieurs fois) sur leurs droits d’auteur mais (une fois) sur leur salaire provenant de nos impôts.

Je suis enseignant et je souhaite distribuer ces ressources à mes élèves ? Interdiction. Je souhaite les adapter à mes besoins et (re)déposer ce travail dans le pot commun ? Interdiction. Je suis animateur dans un Espace public numérique ou dans un réseau d’éducation populaire et souhaite en faire profiter collectivement mon public ? Interdiction. Je suis un élève et souhaite distribuer les ressources à mes camarades qui n’ont pas accès à Internet ? Interdiction. La liste est longue et non exhaustive…

Ces mentions légales étaient-elles forcément les plus adaptées à la situation et à l’objectif fièrement affiché ? Rien n’est moins sûr. N’y aurait-il pas une certaine légitimité à les remettre en question, ou tout du moins à se poser quelques questions ?

Quelques ombres planent : 1. L’alternative Sésamath et les associations d’enseignants

Il est dès lors difficile d’évoquer ce projet sans penser en arrière-plan à l’association de professeurs Sésamath (que les lecteurs du Framablog connaissent bien désormais). Quand bien même elle ne concerne que le champ des mathématiques, la comparaison est en effet riche d’enseignements.

Sur la forme, les ressources mises à disposition par Sésamath sont elles aussi principalement proposées au format PDF et Flash, à ceci près que les sources sont également présentes. Et c’est loin d’être un détail parce que c’est la conséquence directe de la plus grande différence de départ entre cette académie en ligne et les travaux de l’association : la licence des ressources.

Fermée pour l’académie mais ouverte pour Sésamath, qu’il s’agisse de la GNU FDL (pour les manuels et les cahiers) ou de la GPL pour les logiciels (dont le fameux Mathenpoche). Avec un tel choix de licences libres, toutes les interdictions mentionnées précédemment sont levées !

Mais peut-être plus important encore,le fond, c’est-à-dire la qualité des documents. Ce n’est pas parce qu’une structure accole du jour au lendemain une licence libre à ses travaux que ces derniers vont, tel un coup de baguette magique, gagner en qualité. Il y a bien entendu des facteurs autrement plus importants qui entrent en ligne de compte. Il n’empêche que cela participe à la création d’un terreau fertile à l’épanouissement des ressources. La licence libre donne confiance, induit la circulation, la collaboration et donc a priori l’amélioration (je peux copier, modifier et reverser en toute liberté dans le pot commun sans que quiconque puisse un jour refermer le couvercle). Le projet peut échouer bien entendu, mais on lui aura ainsi facilité en amont ses chances de réussite. Réussite qui a bien eu lieu ici avec Sésamath, où qualité, mais aussi quantité, réalisées à plusieurs mains sont au rendez-vous.

Je souhaite cet été que mon gamin, futur lycéen, révise le théorème de Thalès vu en troisième ? Sur l’académie en ligne vous avez droit à votre unique fiche d’activité PDF à imprimer (Internet ne sert donc à rien d’autre ici qu’à stocker la ressource). Sur Sésamath par contre c’est un autre son de cloche. Vous avez plus d’une centaine de questions interactives via Mathenpoche, accompagnées si vous le désirez par les exercices du cahier correspondant (exemple), ainsi que le chapitre complet du manuel libre du niveau considéré. Mais il y a mieux, avec leur nouveau projet Kidimath, tout (et plus encore : rappels de quatrième, annales du Brevet, QCM…) est regroupé dans une seule et même interface spécialement conçue pour le travail de l’élève hors du temps scolaire ! Allez-y, cliquez sur 3ème puis Thalès, et vous serez bluffé par la qualité et la quantité du contenu proposé (et optimisé pour Internet). Et il en va de ce chapitre particulier comme de tous les autres chapitres de tous les niveaux du collège !

D’où évidemment la question suivante : mais pourquoi diable le ministère n’a-t-il pas fait appel à Sésamath pour collaborer sur la partie mathématique de l’académie en ligne ? Quel intérêt de laisser le CNED proposer seul dans son coin ces maigres ressources alors que l’on possède en son sein des enseignants aussi productifs ayant une solide expérience du « travailler ensemble » ?

Je n’ai pas la réponse à ce qui, vu de l’extérieur, est un pur mystère, voire un beau gaspillage d’énergie (cf le syndrome Not Invented Here). Tout au plus peut-on supputer que c’est lié à une question de gouvernance : une décision qui se prend seule en haut en désignant un unique interlocuteur bien identifié en bas pour exécuter la tâche (en l’occurrence le CNED). Peut-être aussi que l’absence de volonté de mettre en avant le logiciel libre à l’école ne favorise pas chez nos élites l’appropriation de sa culture, ses valeurs… dont la collaboration est l’un des piliers. L’Éducation nationale est une cathédrale et non un réseau social (et encore moins une communauté).

Toujours est-il qu’il y a tout de même un élément de réponse simple à la question. Tant que les mentions légales du projet d’académie en ligne resteront en l’état, il ne sera pas possible à un Sésamath de s’impliquer, pour la bonne raison que les licences sont totalement incompatibles.

Et n’allez pas croire que Sésamath est seul à bord du navire. Il en est certes à la proue mais derrière lui d’autres associations d’enseignants sont elles-aussi très actives et productives. Je pense notamment à Weblettres ou les Clionautes, qui respectivement en français et en histoire et géographie, font référence parmi les collègues. D’ailleurs ces trois association sont en partenariat autour du projet CapBrevet et on fait l’objet d’une sérieuse étude dans le n° 65 des Dossiers de l’ingénierie éducative consacré justement au travail collaboratif. Lecture chaudement recommandée, quand bien même on occulte un peu la question pourtant primordiale des licences, qui différencie, mais pour combien de temps encore, Sésamath de ses deux partenaires.

En tout cas, cela fait déjà pas mal de monde qui aurait pu participer au projet en le bonifiant de son savoir-faire. Ne nous privons pas de nos talents, conjuguons-les pour le plus grand bénéfices de nos élèves !

Quelques ombres planent : 2. Les éditeurs scolaires

Une autre éventuelle piste de réponse à la question précédente peut être recherchée du côté des éditeurs scolaires. J’avoue humblement être très peu au fait des relations entre ces éditeurs et le ministère, mais il y a fort à parier qu’on a voulu un tant soit peu les ménager ici.

Imaginez en effet la mise à disposition sous licence libre de ressources pédagogiques en collaboration réelle avec les enseignants et leurs associations, ouvertement accessibles sur des forges spécialement dédiées, pour toutes les disciplines et pour tous les niveaux ! Nul doute que cela finirait par impacter fortement le marché de l’édition scolaire (en fait cela irait beaucoup plus loin en impactant directement et durablement la manière même dont les enseignants, et même les élèves, travaillent).

Une telle éventualité signifierait à terme ni plus ni moins que la mort lente mais annoncée du système actuel. L’industrie du disque et leurs CD pressés ont, semble-t-il, aujourd’hui quelques « menus problèmes » avec l’avènement du numérique. Les éditeurs scolaires et leurs manuels scolaires imprimés auront à n’en pas douter des difficultés similaires demain. On connait l’histoire : soit on se rétracte en défendant le plus longtemps possible des positions et habitudes hérités du siècle dernier, soit on s’adapte en créant de nouveaux modèles et en associant étroitement ici les fans de musique et là les enseignants.

Mais ne prenons aucun risque et épargnons-nous cette crise potentielle. D’abord parce que ces ressources sont donc sous licence non libre (on pourrait dire « propriétaires » dans le langage des logiciels) mais aussi parce que, autant appeler un chat un chat, elles sont en l’état de piètre qualité. C’est à prendre tel quel ou à laisser, nous dit la licence. Et la piètre qualité achève notre choix. Le privé conserve son avantage, l’été sera chaud mais non incandescent.

On notera cependant qu’il n’y a pas que les éditeurs privés qui soient concernés. Une structure comme le CNDP dont le budget dépend pour beaucoup des ventes de son catalogue pédagogique (où à ma connaissance rien ou presque n’a encore été mis sous licence libre) peut également se voir contrariée voire contestée dans sa manière de fonctionner. Idem pour les traditionnels partenaires culturels de l’Éducation nationale. Pour le moment feignons de croire que le copyleft n’existe pas et qu’il n’y a de ressources que les ressources fermées soumises aux droits d’auteur d’avant l’Internet. Et rassurons les partenaires en payant plusieurs fois et pour des durées limitées l’accès à ces ressources.

Quelques ombres planent : 3. Le boum des ressources éducatives libres

Licences fermées, professeurs peu impliqués et éditeurs confortés dans leur immobilisme… tout ceci ne devrait pas tenir longtemps parce que par delà nos frontières c’est la pleine effervescence autour de ce que l’on appelle les ressources éducatives libres. Et c’est bien plus qu’une ombre qui plane, c’est une véritable mutation qui s’annonce.

De quoi s’agit-il exactement ? En creux (académie en ligne) ou en plein (Sésamath), nous en parlons en fait implicitement depuis le début de cet article. Difficile pour l’heure d’en donner une définition précise, tant le concept est nouveau et en mouvement, mais on peut voir ces ressources éducatives libres comme une tentative de transposition des principes fondamentaux du logiciel libre. Usage, copie, modification et distribution (sans entrave et sans discrimination), ces principes garantissent un certain nombre de libertés aux utilisateurs tout en favorisant l’échange, le partage et l’amélioration collective du logiciel. Cela présuppose que le logiciel soit placé sous une licence libre qui légitime et explicite ces droits. Et c’est pourquoi nous insistons tant sur le choix ou non d’une telle licence.

À partir de là, voici la définition qu’en donne actuellement Wikipédia : « l’expression Ressources Éducatives Libres (REL) désigne un mouvement mondial initié par des fondations, universités, enseignants et pédagogues visant à créer et distribuer via internet des ressources éducatives (cours, manuels, logiciels éducatifs, etc.) libres et gratuites ».

Pour aller plus loin je vous invite à lire la Déclaration de Dakar sur les Ressources Educatives Libres adoptée le 5 mars 2009 au cours du Campus numérique francophone de Dakar, évènement organisé à l’initiative du Bureau Régional pour l’Education en Afrique de UNESCO, de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), et de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). On pourra également parcourir la traduction française de ce document de l’UNESCO : Open Educational Resources: the Way Forward.

Mais dans ce domaine ce sont clairement les anglophones qui ont une bonne longueur d’avance, l’expression ressources éducatives libres n’étant d’ailleurs à la base qu’une traduction de Open Educational Ressources (ou OER). Chez eux la réflexion est menée depuis longtemps et les initiatives se multiplient : les pionniers de l’OpenCourseWare au MIT, OER Commons, OpenCourseWare Consortium, Teachers without Borders, The Cape Town Open Education Declaration, Open Education and Mozilla, WikiEducator (auteur de l’OER Handbook for Educators que l’on ne désespère pas de traduire un jour), les projets de manuels scolaires libres dans le secondaire comme en Californie, et Wikiversity (dont le fort intéressant cours Composing free and open online educational resources) pour ne citer que ceux-là.

Mesurons-nous en effet pleinement les conséquences de l’accessibilité complète sur Internet de telle ressources, comme par exemple ce cours de Programming Methodology dans la cadre d’un cursus informatique donné à la prestigieuse université de Standford ? Et, attention, on parle bien ici d’accessibilité complète. Pour chaque séquence vous avez la vidéo (sous différents formats : YouTube, iTunes, format natif mp4 distribué en torrent via le réseau… P2P !) et sa transcription (au format PDF mais aussi html), des exercices et des annales (et leurs corrections), ainsi que des logiciels à télécharger, des notes et des références bibliographiques. C’est très impressionnant et le tout est proposé sous la licence libre Creative Commons By (cf Les licences Creative Commons expliquées aux élèves), signifiant par là-même que du moment que vous conservez et respectez la paternité du travail, vous pouvez, de n’importe quel point du globe, utiliser, télécharger, copier, modifier, distribuer et même en faire commerce !

À comparer avec ce que propose l’académie en ligne, qui à peine née semble déjà quelque part obsolète ! Avec ce projet, le ministère avait une occasion rêvée de s’inscrire enfin dans cette dynamique. Force est de constater qu’il ne l’a pas saisie. La France institutionnelle prend un retard qu’il lui sera difficile par la suite de combler.

Un discours qui se voulait moderne

À la lumière de ce que nous venons d’exposer, je vous laisse apprécier le discours de presse du ministre prononcé lors du lancement du projet (et dont la lecture a motivé ce billet).

Morceaux choisis.

Pourquoi cette décision ? Parce que dans une société qui s’enorgueillit à juste raison d’avoir bâti une école gratuite, laïque et obligatoire, je ne me résous pas à ce que l’accès au savoir et la réussite scolaire puissent devenir peu à peu une affaire de moyens, de relations ou de circonstances.

Pour ma part, je ne me résous pas à ce que cet accès au savoir se fasse dans ces conditions. Et j’ai parfois l’impression que la situation du Libre à l’école est un peu « affaire de moyens, de relations ou de circonstances ».

Je connais des enfants qui occupent leurs vacances comme ils le peuvent, tandis que d’autres, du même âge, passent de livrets de révision en stages de soutien payants, accentuant ainsi l’écart avec les autres élèves.

Ces situations, ces besoins, nous les connaissons tous et pourtant nous laissons à d’autres le soin d’y répondre. À l’heure où les technologies de l’information et de la communication mettent le savoir à la portée de tous, tout le temps et partout, l’école a pourtant une opportunité extraordinaire de rappeler sa capacité à transmettre des connaissances à partir de ressources précises, fiables, hiérarchisées selon une logique cohérente.

L’opportunité est en effet extraordinaire de « mettre le savoir à la portée de tous, tout le temps et partout ». Mais pourquoi ne pas être allé au bout de la démarche ? Est-ce que le CNED est la seule entité capable de produire « des connaissances à partir de ressources précises, fiables, hiérarchisées selon une logique cohérente » ?

Pour autant cette académie en ligne est bien plus qu’un service supplémentaire offert aux élèves et à leurs familles. Car si nous parlons de 31e académie, c’est bien qu’il s’agit d’une véritable mutation dans notre ministère.

L’Éducation nationale est divisée en académies. Affirmer que l’on jette ainsi la première pierre à une 31e académie donne la mesure de l’ambition. Mais la véritable mutation aura-t-elle lieu ?

Cette académie en ligne est une aide non seulement pour les élèves, mais aussi pour les parents qui veulent accompagner leurs enfants, pour les professeurs désireux de trouver des ressources pédagogiques, et même pour les adultes qui souhaitent reprendre des études. Plus largement, je souhaite que cet outil contribue au rayonnement de la langue française et à la diffusion de nos contenus éducatifs dans les pays francophones, notamment dans certains pays d’Afrique, où les enseignants qui le désirent pourront trouver gratuitement des ressources de qualité pour leurs élèves.

Quand le paradoxe frise la contradiction. Au risque de nous répéter, comment voulez-vous que les professeurs s’y retrouvent si on leur interdit la moindre modification ? Quant aux pays d’Afrique, ils apprécieront de ne pouvoir distribuer les ressources en direction des populations non connectées à Internet. Impliquons-les! Qu’ils soient avec nous acteurs du contenu plutôt que simples spectateurs bridés, le « rayonnement de la langue française » ne s’en portera que mieux.

Le mot « gratuit » est prononcé cinq fois dans le discours. Il est tant de d’affirmer clairement (et péremptoirement) notre position : l’académie en ligne ne doit pas être gratuite, elle doit être libre. Il se trouve qu’en étant libre elle sera effectivement disponible gratuitement, mais ça n’en sera qu’une conséquence. Et n’oublions pas d’ailleurs, comme cela a déjà été dit, que derrière ces ressources il y a ici des enseignants du CNED payés sur leur temps de travail pour les produire (aux frais du contribuable, ce qui n’est pas gratuit).

Les libertés d’utiliser, de copier, de modifier et de distribuer des ressources éducatives, sur des formats ouverts et lisibles par des logiciels libres, ne sont-elles pas ici plus fondamentales que la gratuité, a fortiori dans le domaine éducatif ?

Et le ministre de surenchérir, dans sa lettre aux parents cette fois (qui fait également l’objet d’une vidéo) :

Naturellement, ces ressources seront accessibles gratuitement, conformément aux principes fondamentaux de l’école républicaine.

Substituons « librement » à « gratuitement », et c’est d’un coup l’horizon des possibles qui s’élargit, tout en étant certainement plus proche de ces fameux principes républicains. Le jour où un ministre de l’Éducation Nationale dira que « naturellement, ces ressources seront accessibles librement » alors les lignes auront bougé.

Avec ses 55 000 écoles primaires, ses 5 000 collèges et ses 2 600 lycées, l’Éducation nationale constitue le premier réseau physique d’accès au savoir en France. Je veux faire en sorte qu’elle devienne aussi le premier réseau numérique de diffusion des connaissances.

A l’heure où de grands moteurs de recherche scannent et mettent à la disposition du public des fonds entiers de bibliothèques, il me semble que la diffusion d’une offre complète et gratuite de contenus d’enseignement est de nature à faire du service public d’éducation un acteur puissant du monde de l’Internet.

On a raison de s’inquiéter de l’emprise de Google. Mais est-ce ainsi que l’on construit « le premier réseau numérique de diffusion des connaissances » capable lui faire concurrence ?

La suite du discours est du même acabit, si ce n’est qu’elle est révélatrice d’une certaine confusion vis-à-vis de la modernité.

Renforcer la présence du ministère de l’Éducation nationale sur Internet, c’est aussi repenser totalement nos modes de communication sur ce média. (…) Nous avons donc voulu à la fois rénover nos sites institutionnels et diversifier nos formats de communication, en donnant une part plus importante aux nouveaux médias présents sur Internet : Dailymotion, Twitter, Facebook sont de nouveaux outils qui permettent de toucher des publics qui ne fréquentaient pas spontanément nos sites institutionnels, notamment des publics plus jeunes et moins spécialisés dans les questions éducatives. (…) Nous avons aussi ouvert le compte Twitter Education France, qui informe les abonnés des sujets d’actualité immédiate du ministère. Je veux que l’Éducation nationale soit partie prenante de ce qu’on appelle le « web 2.0 », le web participatif.

Les expressions marketing sont lâchées… On met les guillemets au web 2.0 mais pas au web participatif. Comme si nous étions tous d’accord sur le sens accordé.

Je ne vois pas en quoi placer quelques vidéos sur Dailymotion (avec commentaires désactivés !) et communiquer via ces nouveaux canaux que sont Facebook et Twitter procèdent de la participation (ce sont tous en outre des services privés reposant sur des logiciels propriétaires susceptibles de poser quelques problèmes vis-à-vis de la protection des données personnelles). De ce point de vue là, l’actuelle Consultation publique sur l’Internet du futur, avec son bon vieux formulaire à remplir, est bien plus participative à mes yeux (si, contrairement au forum de la mission E-educ, on prend réellement en compte les contributions).

Ce qui est sûr c’est qu’en plus de ses ressources « verrouillées », l’académie en ligne version juin 2009 n’est en rien participative. Aucun espace pour y laisser la moindre trace, pas même une page de contact !

Ce ministère a trop souvent été raillé pour son conservatisme, je veux à présent faire en sorte qu’il soit loué pour sa modernité.

Nous attendrons encore un peu.

N’ayez pas peur

La conclusion du discours ouvre cependant une fenêtre d’espoir.

Mesdames et messieurs les journalistes (…) vous pouvez constater que c’est une stratégie globale que nous mettons en place pour faire participer le ministère de l’Éducation nationale aux évolutions de son temps.

A travers ces nouveaux outils, dont l’académie en ligne est un exemple, je veux permettre au plus grand nombre d’accéder librement et dans les délais les plus courts à la totalité de l’offre et de l’actualité éducative. Ce n’est que le début d’un chantier immense, que je veux poursuivre avec de nouveaux services que nous proposerons aux enseignants et qui seront à l’étude à partir de la rentrée prochaine.

Pour la première fois en effet on a troqué la gratuité pour la liberté. Ayant conscience de l’ampleur de la tâche, on nous dit aussi que l’on souhaite proposer de « nouveaux services » aux enseignants.

Il est encore temps de rectifier le tir (la présence d’un nouveau ministre étant d’ailleurs un facteur favorable). Le diagnostic est bon, le remède beaucoup moins. Oublions les Facebook, Twitter, Dailymotion et autres gadgets de communication légèrement hors-sujet par rapport aux réels enjeux. Et osons faire passer l’académie en ligne du mode « lecture seul » au mode « lecture / écriture ensemble ». Car le plus grand service que l’on puisse rendre présentement aux enseignants est d’inscrire ce projet dans le cadre des ressources éducatives libres.

Il s’agirait alors bien sûr d’une véritable petite « révolution culturelle » au sein du ministère, nécessitant de repenser, parfois en profondeur, les relations entre l’institution et les différents acteurs du monde éducatif. Mais pourquoi attendre (puisque c’est inéluctable) ? Sauf à vouloir aller contre les objectifs même de ce projet, cette décision, certes courageuse mais pleine de bon sens, serait alors réellement à même de faire « participer le ministère de l’Éducation nationale aux évolutions de son temps ».

Dans le cas contraire, regarder passer le train des ressources éducatives libres constituerait selon nous une triple erreur : historique, politique et par dessus tout pédagogique.

Notes

[1] Crédit photo : Dustpuppy (Creative Commons By)




Cinq millions d’euros qu’on eût pu dépenser autrement

Une billet quelque part révélateur de la « mentalité propriétaire » qui règne en haut lieu au sein de l’Éducation nationale…

Le 31 mar dernier, Xavier Darcos lançait officiellement le plan de développement du numérique dans les écoles rurales (c’est moi qui souligne) :

Ce programme, doté d’un budget de 50 millions d’euros, prévoit l’équipement de 5 000 écoles situées dans les communes rurales de moins de 2 000 habitants dans le cadre du Plan de relance.

(…) Une école numérique interactive comprendra nécessairement des ordinateurs en nombre suffisant (classe mobile de plusieurs ordinateurs), un tableau blanc interactif, un accès internet de haut débit, une mise en réseau des équipements, une sécurisation des accès internet, des ressources numériques reconnues de qualité pédagogique.

(…) Chaque école bénéficiera également d’un droit de tirage de 1 000 euros pour l’acquisition de ressources numériques éducatives, mises à disposition par le ministère.

Avec ce plan de relance en faveur de l’équipement numérique des écoles rurales, Xavier Darcos veut donner à chaque élève, partout sur le territoire, les mêmes chances de maîtriser les techniques d’information et de communication et développer des outils nouveaux au service de l’enseignement.

Difficile de ne pas acquiescer à ce dernier paragraphe, et j’espère vivement que ces écoles profiteront pleinement de ce plan[1].

Mais, le diable se cachant dans les détails, j’ai été étonné par cette histoire « d’acquisition de ressources numériques éducatives ». Faisons en effet le calcul… 5 000 écoles qui vont dépenser chacune 1 000 euros… cela fait une certaine somme, pour ne pas dire une somme certaine !

J’ai eu envie d’en savoir plus.

Dans le cahier des charges de l’opération[2], que l’on trouve sur le site Educnet, il y a un paragraphe dédié à ces ressources numériques :


Les ressources numériques seront adaptées aux besoins des cycles de l’école primaire. Elles pourront faire l’objet d’une utilisation en classe entière, en petits groupes ou individuelle. Une sélection de ressources numériques payantes sera proposée et fournie par le ministère.

Les ressources numériques seront présentées et diffusées à partir d’une plate-forme nationale. La contribution destinée à l’acquisition de ressources numériques par chaque école (1000 euros par école) sera prise en charge directement par le ministère de l’Éducation nationale. Les ressources numériques diffusées par abonnement seront disponibles durant trois années.

J’ai hâte de voir cette « plate-forme nationale » dont on nous dit qu’elle sera « disponible en ligne courant mai ». Mais quel que soit ce site accessible par abonnement, il semblerait donc qu’on ait à faire avec des ressources payantes disponibles pendant trois ans.

Ressources dont on peut affirmer sans risque qu’elles seront placées sous licence propriétaire, et qui devraient ressembler peu ou prou à l’opération Une clé pour les nouveaux enseignants, avec sa « liste des ressources habituellement payantes auxquelles la clé donne un accès exceptionnellement gratuit pendant deux ans » et son interdiction de la partager avec des collègues qui ne soient pas nouveaux !

Changeons de paradigme l’espace d’un instant, et rêvons haut en couleur en nous imaginant carrément chef de projet de cette « opération ressources numériques ».

Avec uniquement un seul petit million, on peut sur un an prendre par exemple quinze profs du primaire à temps-plein (ou trente à mi-temps) plus cinq informaticiens (ou profs qui ont des compétences informatiques), pour développer une structure qui ressemblerait un peu à ce que fait Sésamath : des ressources pédagogiques libres et collaboratives disponibles sous formats ouverts sur des sites propulsés par des logiciels libres.

Une fois la structure mise en place, il n’y aurait plus besoin de dépenser autant d’argent l’année suivante, puisque la dynamique aura été lancée et que les autres collègues participeront d’autant plus facilement que le projets aura été initié par leur pairs et que les ressources ainsi créées auront été placées sous licence libre, c’est-à-dire mises une fois et à jamais dans le pot commun des ressources pédagogiques librement disponibles, utilisables et adaptables par tous.

Cela vaut le coup d’être tenté non ? D’autant, rappelons-nous, que le communiqué annonçait sa volonté de « développer des outils nouveaux au service de l’enseignement ».

Il ne s’agit plus ici de dépenser cinq mille fois et pour seulement trois ans un accès aux mêmes ressources disponibles en « lecture seule ». Il s’agit d’impulser la mise en place et les premières créations d’une sorte de forge mutualisée de ressources éducatives libres, disponibles bien entendu pour tous en « lecture / écriture ». Ce n’est pas tout à fait la même chose, surtout pour des deniers publics !

Tout ceci ne niant pas la réalité de l’utilité des partenariats commerciaux de l’Éducation nationale, dont il resterait tout de même quatre beaux millions d’euros.

Mais réveillons-nous. La réalité est autre. Par exemple sur le même site Educnet où l’on a choisi sciemment de ne pas modifier les drôles de conseils donnés aux visiteurs à propos justement des contenus éducatifs libres (c’est eux qui soulignent) :

Conseil : Il est par contre déconseillé au milieu scolaire d’utiliser ce type de contenus si on envisage de valoriser ses travaux en s’associant avec un partenaire privé pour une exploitation commerciale.

C’est triste à lire mais c’est en cohérence avec le plan.

N’oublions pas du reste que ce plan ne concerne qu’un dixième de toutes les écoles : les rurales dans les communes de moins de deux milles habitants. Les autres ont-elle aussi accès à ces « services » ? Doivent-elles s’acquitter des mêmes sommes ? (ce qui nous ferait alors non pas cinq mais cinquante millions d’euros pour trois ans d’usage !).

La route est décidément bien longue. Ce n’est pourtant pas être devin que d’annoncer que ces ressources éducatives libres vont exploser dans les prochaines années et qu’il serait peut-être responsable opportun de prendre d’ores et déjà le train en marche en accompagnant le mouvement.

Notes

[1] En passant, je ne saurais trop conseiller à ces écoles d’adopter, dans le cadre du plan, une solution de type RyXéo et son offre basée sur AbulÉdu.

[2] J’ai également été étonné, à la lecture du cahier des charges, de voir mention d’une simple « suite bureautique installée » dans les ordinateurs, sans préciser si elle était libre ou non. Cela va à l’encontre des préconisations du Becta et c’est faire preuve d’une grande « timidité », pour ne pas dire plus ! Plus le temps passe, et plus la « neutralité » de traitement entre solutions libres et propriétaires à l’école devient un choix déguisé et non assumé.




Open Education avec les professeurs Mozilla et Creative Commons

Lepiaf.geo - CC byVoici une excellente nouvelle (que vous ne trouverez pas dans le Café Pédagogique) : l’annonce d’un prochain séminaire de cours en ligne autour de « l’Open Education », réalisé conjointement par les deux poids lourds du « mouvement du Libre » que sont Mozilla et Creative Commons.

Ce concept « d’Open Education » demeure un peu flou (Wikipédia a encore du mal à le définir, c’est vous dire), mais ce sera justement l’occasion de le préciser. Disons qu’il regroupe non seulement les Ressources Éducatives Libres que la technologie associée (logiciels libres, formats ouverts…), sans oublier les modes collaboratifs de production.

Il sera destiné à tout éducateur intéressé par le sujet (c’est-à-dire dans quelques années à tout éducateur tout court). Le nombre de places est bien entendu limité mais les autres pourront accéder en temps réel aux cours dont, fallait-il le préciser, toutes les ressources seront placées sous licence libre (Creative Commons By)[1].

Pour ce qui me concerne, je suis ravi de trouver aussi Mozilla sur ce terrain-là. J’y vois en effet une piste plus qu’intéressante pour minimiser à terme l’influence trop forte de Microsoft dans le secteur éducatif, sachant que cette influence est beaucoup plus une question de mentalités, voire de culture, qu’une question pratique liée à la technique et au logiciel.

Mozilla et CreativeCommons vont donner des séminaires en ligne sur « l’Open Education »

Mozilla and CC to teach online seminar on open education

Jane Park – 17 mars 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

ccLearn, en collaboration avec la Peer 2 Peer University et Mozilla, va former les enseignants, ou toute autre personne intéressée par l’initiative, sur les aspects pratiques de l’éducation ouverte (NdT : « open education »). Voici un extrait du wiki du stage :

« Ce stage de six semaines s’adresse aux enseignants, qui acquerront les compétences élémentaires en matière de licences, de technologie et de pédagogie ouvertes (NdT : « open pedagogy »). Ils travailleront sur des prototypes de projets d’éducation ouverte, et bénéficieront de l’expérience de certains des plus grands noms internationaux de l’innovation.

Le stage commencera par un séminaire en ligne le jeudi 2 avril et s’étalera sur 6 semaines.

Lors de séminaires en ligne hebdomadaires, on abordera de nouveaux sujets traitant par exemple du choix de licence pour les contenus, des dernières technologies ouvertes et des pratiques d’évaluation collégiale. Les participants partageront des idées de projets avec une communauté de pairs, travailleront sur des projets individuels, et recevront des retours de tuteurs chevronnés. On s’intéressa aussi de très près à certains des exemples de pédagogie ouverte les plus novateurs, et discutera avec leurs concepteurs. On étudiera par exemple :

  • Les cours sur les logiciels libres délivrés à l’université de Seneca ;
  • L’Introduction à la pédagogie ouverte de David Wiley ;
  • L’infrastructure de blog ouverte de l’université de Mary Washington ; etc.

Ce stage est destiné aux enseignants qui souhaitent contribuer à l’élaboration de l’enseignement ouvert de demain.

Vous désirez participer ? Rendez-vous sur le wiki du stage, et soumettez-nous vos idées de projets !

Descriptif du stage : https://wiki.mozilla.org/Education/EduCourse

Inscriptions : https://wiki.mozilla.org/Education/EduCourse/SignUp

Si vous avez des questions concernant le stage ou la procédure d’inscription, veuillez contacter :

Philipp Schmidt
Peer 2 Peer University
philipp AT peer2peeruniversity.org »

Les créneaux vont se remplir très vite, mais cela n’empêchera pas les non-inscrits de bénéficier d’un accès complet et ouvert au stage en temps réel. Et puisque les matériaux de Mozilla Education, mis à disposition sous licence CC BY, peuvent être réutilisés, redistribués et remixés, les utilisateurs sont libres de créer un wiki miroir et de mettre en place leurs propres projets.

Notes

[1] Crédit photo : Lepiaf.geo (Creative Commons By)




Logiciels libres et éducation : la BBC s’y met aussi

Amerune - CC byRestons en Angleterre pour évoquer l’ouverture d’un récent et prometteur projet de la BBC autour du logiciel libre et de l’éducation : le BBC Learning Open Lab (dont nous avons traduit la présentation ci-dessous). On notera qu’ils préfèrent utiliser le terme « Open Source », ce qui leur permet alors d’englober sous ce vocable non seulement les logiciels mais tout ce qui va « autour » : technologies, formats, licences et contenus.

Ils ont raison de faire ces associations. Et j’aurais presque envie d’y ajouter les pratiques voire même la culture commune.

Or c’est notamment là que pour le moment « ça coince un peu » chez nous en France. Si l’influence disproportionnée d’un Microsoft n’avait pour conséquence que de retarder le déploiement de l’alternative libre qu’est OpenOffice.org, ce serait certes contrariant (perte de temps, d’énergie…) mais ce serait non critique. Après tout il ne s’agit que de remplacer un outil par un autre, fut-il libre.

Si par contre cela aboutissait à ce que le modèle et les mentalités « propriétaires » perdurent ou pire se renforcent (comme on peut le voir actuellement sur le site Educnet qui a décidé de ne pas modifier ses édifiantes présentations) alors là oui, effectivement, cela pourrait devenir à la longue plus problématique[1].

Je résume rapidement le petit tour britannique réalisé par le Framablog au cours de ces derniers mois. L’école se bouge avec le Becta qui est capable de pondre un rapport lucide sur Vista et MS Office, d’engager des discussions sur les formats bureautiques (en face à face avec Microsoft) et les formats associés aux tableaux numériques, et de créer un site ambitieux d’enseignants autour du Libre. Ajoutez-y donc également aujourd’hui la BBC et le politique qui pointe le bout de son nez, et vous obtenez le portrait d’un pays en mouvement qui semble se poser les bonnes questions et agir en conséquence.

Je ne désespère pas de vous parler d’une contrée plus proche la prochaine fois…

À propos du BBC Learning – Open Lab

About BBC Learning – Open Lab

(Traduction Framalang : Don Rico)

Le BBC Learning – Open Lab est le fruit d’une collaboration entre BBC Learning, BBC Future Media and Technology et BBC Backstage.

Le terme « Open Source » (OS) désigne la technologie, les logiciels et le contenu que tout un chacun est libre d’utiliser, adapter, améliorer et redistribuer librement. La licence appliquée à l’Open Source est différente de celle qui s’applique au « logiciel propriétaire ». Le logiciel propriétaire est toujours accompagné d’un accord de licence qui en restreint l’utilisation et interdit de le modifier, de le copier et de le distribuer gratuitement.

Le BBC Open Lab est un espace où vous pouvez vous créer un réseau et collaborer avec d’autres utilisateurs en mesure de vous faire profiter de leurs compétences et de vous aider dans un domaine que vous connaissez peut-être mal. Utilisez ce site pour accéder aux derniers matériaux Open Source mis à disposition par la BBC, visionner des projets modèles, partager des idées et des informations concernant l’Open Source, lire des billets de blogs publiés régulièrement, obtenir aide et conseils. Vous êtes enseignant, vous avez trouvé un outil en ligne qui ne correspond pas tout à fait à vos attentes ? Postez un commentaire sur Open Lab afin de partager vos idées de modifications et d’améliorations, et voyez si la communauté peut vous aider.

Travaillant en partenariat avec BBC Backstage, notre but est de soutenir l’engagement de la BBC envers l’ouverture et de…

  • Soutenir le développement de code, d’applications et de projets libres d’utilisation et axés sur l’éducation.
  • Encourager les enseignants, les développeurs et les étudiants à innover grâce à la création et à la distribution d’outils et de contenus ouverts.
  • Faciliter la communication intersectorielle depuis le primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, en encourageant la transmission du savoir et la culture de pratiques et de réflexions novatrices.
  • Contribuer à l’essor de l’Open Source au Royaume-Uni.
  • Fournir des ressources pédagogiques nouvelles : backstage.bbc.co.uk/openlab

Notes

[1] Crédit photo : Amerune (Creative Commons By)




Les drôles de conseils du site Educnet

Zara - CC by-saNous le savons, et n’ayons pas peur de paraphraser les Beatles pour appuyer notre propos (et montrer toute l’étendue de notre culture), « logiciel libre » et « éducation » sont des mots qui vont très bien ensemble.

Voici ce qu’en disait récemment le Département de l’instruction publique du canton de Genève : « Dans sa volonté de rendre accessibles à tous les outils et les contenus, le libre poursuit un objectif de démocratisation du savoir et des compétences, de partage des connaissances et de coopération dans leur mise en œuvre, d’autonomie et de responsabilité face aux technologies, du développement du sens critique et de l’indépendance envers les pouvoirs de l’information et de la communication. »

En France pourtant cette association ne va pas de soi. Nouvelle illustration avec le site Educnet, portail TICE du Ministère de l’Éducation Nationale et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (autrement dit c’est ici que l’on traite des Technologies de l’information et de la communication pour l’éducation ou TICE).

Sur ce site donc, dans la catégorie juridique Légamédia[1], on trouve, et l’intention est louable, une page consacrée non pas aux logiciels libres mais aux logiciels « Open Source » : L’utilisation et le développement de logiciels issus de l’Open Source.

Il est difficile pour un site qui aborde tant de sujets d’être « expert en tout » mais dans la mesure où il s’agit d’un canal officiel de l’Éducation Nationale, je n’ai pu m’empêcher de réagir[2] et d’en faire ici une rapide lecture commentée.

1- Définition technique et pratique : L’Open Source est le nom donné à leur mouvement en 1998 par les acteurs du logiciel libre. Fruit de la mouvance libertaire de l’Internet, les bases de l’Open Source ont été jetées en 1984 par Richard Stallman avec son projet GNU (GNU’s not Unix). Ce projet consistait à créer un système d’exploitation aussi performant qu’Unix et complètement compatible avec lui. Est ainsi né le premier système d’exploitation dit « libre », car son utilisation, sa copie, sa redistribution voire sa modification étaient laissées au libre arbitre de l’utilisateur. Sous le nom d’Open Source, sont fédérées toutes les expériences d’accès libre au code source des logiciels.

Le site Educnet s’adresse à la communauté éducative dont en tout premier lieu aux enseignants. Expliquer rapidement ce qu’est un logiciel libre n’est pas chose aisée mais on aurait tout de même pu s’y prendre autrement, à commencer par privilégier l’expression « logiciel libre » à celle d’« Open Source ». Par exemple en empruntant la première phrase de l’article dédié de Wikipédia : « Un logiciel libre est un logiciel dont la licence dite libre donne à chacun (et sans contrepartie) le droit d’utiliser, d’étudier, de modifier, de dupliquer, et de diffuser (donner et vendre) le dit logiciel ».

Une fois ceci posé et compris, on aura bien le temps par la suite d’entrer plus avant dans le détail et d’aborder les choses plus finement en évoquant le code source ou les différences d’approche entre « logiciel libre » et « Open Source ». Quant à la « mouvance libertaire de l’Internet » je n’évalue pas l’effet produit sur le lecteur mais elle oriente assurément le propos.

1.1- Les principes de l’Open Source : En réaction au monopole d’exploitation reconnu par le droit d’auteur ou le Copyright, la finalité de l’Open Source est la promotion du savoir et sa diffusion auprès d’un public le plus large possible. Il est proposé aux internautes utilisant et développant les logiciels issus de l’Open Source de créer un fonds commun de logiciels en ligne. Concrètement, l’utilisation de logiciels issus de l’Open Source permet le libre accès au code source du logiciel, sa copie et sa libre redistribution.

Je continue à me mettre à la place d’un enseignant qui découvrirait ici le logiciel libre et cela demeure complexe à appréhender ainsi présenté. Reprendre la traditionnelle introduction de Richard Stallman (« je peux résumer le logiciel libre en trois mots : liberté, égalité, fraternité  ») aurait eu certainement plus de sens et d’impact. Retenons cependant que la finalité est « la promotion du savoir et sa diffusion auprès d’un public le plus large possible », ce qui tombe plutôt bien quand on s’intéresse à l’éducation, non ?!

1.2- Les conditions d’utilisation : Afin de développer à un moindre coût un projet informatique, des élèves et leur enseignant peuvent utiliser des logiciels « Open Source », les modifier ou les améliorer afin de les adapter à leurs besoins. En revanche, les améliorations effectuées sur le logiciel initial doivent être versées dans le fond commun mis en ligne. Il est possible de puiser gratuitement dans le fond des logiciels libres, à condition qu’à son tour on enrichisse le fond de ses améliorations en permettant à d’autres de les exploiter gratuitement…

Qu’est-ce que c’est alambiqué ! Et faux par dessus le marché : nulle obligation d’enrichir le fond des logiciels libres pour les utiliser ! On voudrait nous faire croire que les logiciels libres sont réservés aux informaticiens que l’on ne s’y prendrait pas autrement.

2- Les points de vigilance : En utilisant des logiciels issus de l’Open source, les élèves comme leurs enseignants doivent avoir conscience des conditions d’utilisation particulières de ce type de logiciel. Cela permet d’avoir des outils logiciels performants à moindre coût, mais son apport dans l’amélioration du logiciel n’est nullement protégé. Il faut au contraire le mettre en libre accès en rappelant sur le site de téléchargement du logiciel les principes de l’Open Source.

Là ce n’est plus alambiqué c’est carrément de parti pris ! La tournure et le champ lexical adopté (« vigilance », « avoir conscience », « conditions », « mais », « nullement protégé », « au contraire »…) ne peuvent que conduire à inspirer une certaine méfiance au lecteur alors même qu’on devrait se féliciter de l’existence du logiciel libre, véritable facilitateur de vie numérique en milieu scolaire !

Et pour finir en beauté, l’ultime conseil, dans un joli cadre pour en signifier toute son importance (les mises en gras sont d’origine) :

Conseils : Il est donc déconseillé d’utiliser ce type de logiciel si les élèves, leurs enseignants, voire l’établissement scolaire souhaitent garder un monopole d’utilisation des travaux de développement du logiciel libre. Les principes de l’Open Source obligent les développeurs à garantir un accès libre aux améliorations du code source du logiciel libre.

La cerise sur le gâteau, pour définitivement convaincre le lecteur que non seulement le logiciel libre c’est compliqué mais qu’il est en fait à déconseiller alors même qu’il ne viendrait jamais à l’idée des élèves, enseignants et établissements scolaires de « garder un monopole d’utilisation des travaux de développement du logiciel libre ». Sommes-nous sur Educnet ou sur un site du Medef ?

Que l’Institution souhaite conserver un positionnement neutre vis-à-vis du logiciel libre, je le déplore et le conteste mais je peux le comprendre. Personne ne lui demande en effet de sauter sur sa chaise comme un cabri en criant : logiciel libre, logiciel libre, logiciel libre ! Mais de là à présenter les choses ainsi…

Soupir… Parce qu’on avait déjà fort à faire avec Microsoft et ses amis.

Et ce n’est malheureusement pas terminé parce que, autre intention louable, il y a également une page consacrée (nouvel emprunt à l’anglais) à « l’Open Content » : L’utilisation de contenus issus de l’Open Content.

1- Définition technique et pratique : Dans le prolongement du mouvement Open Source qui concernait que les logiciels, l’Open Content reprend les mêmes principes de libre accès à la connaissance en l’appliquant cette fois à tout type de contenus en ligne (content). Sur l’Internet, des auteurs mettent en libre accès leurs créations musicales, photographiques, littéraires, etc. … Ils choisissent ainsi de contribuer à l’enrichissement d’un fonds commun de savoir mis en ligne. Lors de l’élaboration d’un site web ou de tout autre travail, les élèves ou les enseignants peuvent utilement puiser dans ce fonds et intégrer ces contenus issus de l’Open Content dans leurs propres travaux. Enfin, à leur tour, les élèves et leurs enseignants peuvent aussi verser leurs propres travaux dans le fonds commun de l’Open Content. Il faut pourtant garder à l’esprit quelques règles à respecter.

Cela commençait fort bien mais, comme précédemment, un bémol final : « il faut pourtant garder à l’esprit quelques règles à respecter ». C’est tout à fait juste au demeurant, il y a bien des règles à respecter, celles de la licence accolée à la ressource. Amusez-vous cependant à comparer par exemple la licence (« Open Content ») Creative Commons By-Sa avec les directives (non « Open Content ») concernant les usages des « œuvres protégées à l’Éducation Nationale, effet garanti !

2- Les points de vigilance : L’Open Content est un choix conscient et maîtrisé par l’auteur, comme le démontrent les licences d’utilisation de ce type de « contenus libres ». Les conditions d’utilisation sont claires.

Là encore, il faut que le lecteur soit « vigilant » en ayant la « maîtrise » des « conditions d’utilisation » et la « conscience » de ses choix. Faites mille fois attention avant d’adopter de telles licences ! Dois-je encore une fois renvoyer à cet article pour illustrer des conditions d’utilisation bien moins claires que n’importe quelle ressource sous licence libre ?

2.1- Les prérogatives morales : Tout d’abord, les licences sont l’occasion de rappeler aux futurs utilisateurs, élèves et enseignants les prérogatives morales de l’auteur : le respect de la paternité et de l’intégrité de l’œuvre. En utilisant ces contenus, le nom de l’auteur doit être mentionné et aucune modification à l’œuvre originale doit être apportée sauf si elle est mentionnée avec l’accord de l’auteur.

Avec l’accord de l’auteur… sauf dans le cas où la licence choisie confère d’office certains droits à l’utilisateur qui n’a alors rien à demander à l’auteur pour jouir de ces droits. C’est justement le positionnement adopté par les licences libres et les licences de types Creative Commons (voir ce diaporama à ce sujet), licences de la plus haute pertinence à l’ère du numérique surtout en… milieu scolaire. Imaginez-vous en effet devoir demander à chaque auteur les autorisations d’usage pour chaque œuvre que vous souhaitez utiliser et étudier en classe !

Et n’oublions pas non plus l’existence du domaine public qui n’est pas mentionné ici.

2.2- Les prérogatives patrimoniales : De même, la licence précise les conditions d’exercice des prérogatives patrimoniales de l’auteur : les droits de reproduction et de représentation. Sur ces points, selon le principe de libre accès, la licence permet la copie et la redistribution de l’œuvre à condition que les copies soient faites dans une finalité non commerciale. Il s’agit d’une cession à titre gratuit limitée. Les contenus issus de l’Open Content peuvent donc être utilisés sans restriction dans le cadre de l’activité scolaire à la condition de respecter les prérogatives morales des auteurs initiaux et en rappelant sur les pages où se trouvent les contenus « libres » les conditions des licences « Open Content ».

Encore du jargon juridique qui n’est pas de nature à être véritablement compris par l’enseignant, qui plus est sujet à caution puisque les licences libres autorisent généralement aussi bien la modification que l’exploitation commerciale d’une œuvre soumise à cette licence.

Et comme pour l’article précédent, un (étrange) conseil à suivre pour conclure :

Conseil : Il est par contre déconseillé au milieu scolaire d’utiliser ce type de contenus si on envisage de valoriser ses travaux en s’associant avec un partenaire privé pour une exploitation commerciale.

S’agit-il de « valoriser » ou de « monétiser » les travaux ? Et là encore, vous en connaissez beaucoup vous des enseignants qui envisagent de s’associer à un partenaire privé pour une exploitation commerciale ? De plus il n’y a aucune antinomie, on peut très bien adopter des licences libres et s’associer à un partenaire commercial pour exploiter (avec succès) ses travaux, Sésamath et ses manuels scolaires libres en vente chez l’éditeur Génération 5 nous en donne un parfait exemple.

Résumons-nous. Avec les licences libres appliquées aux logiciels et aux ressources, on tient de formidables instruments favorisant l’échange, le partage et la transmission de la connaissance en milieu scolaire (c’est ce que je tente de dire modestement au quotidien sur ce blog en tout cas). Mais de cela nous ne saurons rien si ce n’est que consciemment ou non tout est fait pour dissuader l’enseignant de les évaluer sérieusement en le noyant sous la complexité et les mises en garde avec des considérations économiques qui viennent parasiter un discours censé s’adresser à la communauté éducative.

Ces deux pages, non retouchées depuis un an, mériteraient je crois une petite mise à jour. Qu’il me soit alors permis de suggérer à leurs auteurs la lecture de ces quelques articles qui ne viennent pas d’un illégitime électron libre et « libriste » (comme moi) mais qui émanent du sérail : Les Creative Commons dans le paysage éducatif de l’édition… rêve ou réalité ? (Michele Drechsler, mars 2007), Un spectre hante le monde de l’édition (Jean-Pierre Archambault, septembre 2007) et Favoriser l’essor du libre à l’école (Jean-Pierre Archambault, juin 2008). Peut-être y trouveront-ils alors matière à quelque peu modifier le fond mais aussi la forme du contenu tel qu’il se présente actuellement.

Sur ce je souhaite une bonne rentrée à tous les collègues et à leurs élèves, ainsi qu’une bonne année à tous les lecteurs du Framablog. Il serait tout de même étonnant que l’année qui vient ne voit pas la situation évoluer favorablement pour le logiciel libre et sa culture, à l’intérieur comme à l’extérieur de l’école.

Notes

[1] On notera par ailleurs, bien mise en évidence dès l’accueil de la rubrique Légamédia, un « conseil de prudence aux agents publics souhaitant bloguer » qui doivent avoir le souci « d’éviter tout propos susceptible de porter atteinte à la fois à la dignité des fonctions qu’ils exercent et aux pouvoir publics  ». C’est bien de le rappeler mais on retrouve le même climat de méfiance voire de défiance, cette fois-ci vis-à-vis des blogs. J’espère que critiquer comme ici le contenu d’un site officiel ou s’interroger sur la pertinence des accords sur l’usage des « œuvres protégées » n’entrent pas dans ce cadre sinon je crains que ce billet soit l’un des derniers du Framablog.

[2] Crédit photo : Zara (Creative Commons By-Sa)




Quand Stanford alimente à son tour les Open Educational Ressources

La célèbre université de Stanford emboîte le pas d’autres vénérables institutions éducatives telle le MIT et propose elle aussi désormais des Open Educational Ressources avec le lancement d’un site dédié : Stanford Engineering Everywhere dont nous avons traduit ci-dessous la page d’accueil (merci Olivier).

Pour le moment une dizaine de cours sont disponibles en informatique, intelligence artificielle et robotique.

Tout comme le programme MIT OpenCourseWare, les ressources proposées sont sous licence Creative Commons BY-NC-SA (signifiant par là-même que tout un chacun est libre de les utiliser, les diffuser, les distribuer et, point important quand il s’agit d’éducation, de les modifier et les adapter à ses propres besoins, tant qu’aucune exploitation commerciale n’est en jeu).

En France on est apparemment encore très frileux sur le sujet (à comparer avec l’Espagne par exemple) mais gageons que nous saurons rapidement rattraper notre retard (du moins l’espère-je).

Je me souviens des conditions plus que difficiles des étudiants de l’université de Bangui (Centrafrique) lorsque je faisais ma coopération là-bas. C’était certes il y a longtemps (aux premiers temps d’internet pour être plus précis) et la situation à dû certainement évoluer favorablement depuis mais quelle chance tout de même que de parfaire désormais sa formation avec ces supports de cours toujours plus nombreux mis à disposition par les plus prestigieuses universités d’Amérique ou d’ailleurs.

Copie d'écran - Stanford - Engineering Everywhere

Stanford Engineering Everywhere

Stanford Engineering Everywhere

Pour la première fois de son histoire, l’université de Stanford (Californie) met gratuitement à disposition des étudiants et enseignants du monde entier ses cours d’ingénierie les plus populaires. Le programme Stanford Engineering Everywhere (SEE) ouvre l’expérience de Stanford en ligne aux étudiants et professeurs. Tout ce dont vous avez besoin est un ordinateur et une connexion Internet. Vous avez accès aux vidéos des cours, aux polycopiés, vous pouvez passer les quizz et les tests et communiquer avec d’autres étudiants SEE comme vous le souhaitez.

Cet automne, SEE inaugure son programme en vous offrant l’un des enseignements les plus populaires à Stanford : son cours en trois parties d’introduction à l’informatique, auquel assiste la majorité des élèves préparant un diplôme à Stanford, en plus de sept autres cours plus spécialisés sur l’intelligence artificielle et l’ingénierie électrique.

Stanford Engineering Everywhere vous propose :

  • Des vidéos de cours entiers disponibles en streaming ou en téléchargement où vous voulez, quand vous voulez
  • Tous les supports de cours, ce qui comprend les programmes, les polycopiés, les devoirs ainsi que les examens
  • La possibilité de se connecter avec d’autres étudiants SEE
  • Le support des PC, Mac et des appareils communiquants

Stanford encourage tous les professeurs à faire usage des outils pédagogiques mis à disposition pour leurs propres cours. Une licence Creative Commons permet l’usage libre et ouvert, la réutilisation, l’adaptation et la distribution des ressource présentes sur Stanford Engineering Everywhere.




Appel à traduction pour un livre sur les ressources éducatives libres

Copie d'écran - WikiEducator

Dans la série Traductions Ambitieuses nous sommes déjà impliqués sur de gros chantiers comme La bio de Stallman et Producing Open Source Software (tous deux en phase de relecture d’ailleurs et donc bientôt sur framabook).

Mais puisqu’il n’y pas de raison de s’arrêter en si bon chemin et puisque c’est la rentrée des classes, que ne diriez-vous de traduire ensemble, de l’anglais vers le français, le très intéressant (et tout récent) Open Educational Resources Handbook sous licence Creative Commons BY-SA et disponible au format PDF en noir et blanc ou en couleur.

Parce que si vous voulez mon humble avis, ce serait un livre majeur à mettre entre les mains des éducateurs (au sens large) de France et de Navarre. Histoire de faire découvrir, d’informer et d’inciter afin que nous soyons toujours plus nombreux à participer à l’aventure collective de la diffusion, de la création, de la modification et du partage de ressources éducatives sous licences libres et ouvertes.

(j’ajoute, et ceci n’engage que moi, que ce ne serait pas du luxe si l’on présuppose que globalement la culture actuelle du corps enseignant dans ce domaine est encore en pleine phase d’apprentissage)

Véritable guide pratique, ce livre se décompose en plusieurs chapitres : chercher, créer, adapter, utiliser, partager et licencier de telles ressources. On peut le parcourir linéairement mais aussi le picorer en puisant dans un chapitre particulier au gré de nos besoins.

Précisons que cette traduction nécessiterait, nous semble-t-il, quelques petites adaptations locales. Il conviendrait ainsi par exemple de substituer certaines références et liens anglophones vers leurs pendants francophones si ils existent. Il conviendrait également de contextualiser juridiquement la notion anglophone de fair use qui n’existe pas chez nous. C’est un travail supplémentaire mais c’est un travail, nous semble-t-il là encore, fort enrichissant (et non réservé à des traducteurs soit dit en passant).

Précisons également que la version originale ayant été conçue dans un wiki, cela devrait grandement nous faciliter la tâche.

Voilà. Nous serions vraiment fiers et ravis d’apporter nous aussi et avec vous notre pierre à l’édifice en réussissant à mener à bien ce projet utile et enthousiasmant.

Un enthousiasme partagé ?

Cela tombe bien parce qu’avec de l’enthousiasme, un peu de réseau et des licences libres, on peut déplacer des montagnes (voire même des mammouths) !

Si vous souhaitez en être, ce dont nous vous remercions, il suffit de nous laisser un petit message à openeducation@framasoft.net. Nous commencerons pour nous compter sur une liste de discussion puis nous verrons alors ensemble comment organiser la chose.