Voici le troisième et dernier tutoriel de cette série vous aider à découvrir, utiliser et participer à ce grand projet collaboratif. Cette semaine, on vous incite à participer à cet annuaire du Libre. En effet, comme une belle auberge espagnole (ou comme le 6e site web le plus visité au monde) : vous n’y trouverez que ce que vous y apporterez.
Créer une notice
Nous avons fait en sorte que ce soit le plus simple possible :
Faites une recherche pour bien vérifier que la notice que vous voulez ajouter n’existe pas déjà 😉
Cliquez sur « ajouter une notice » toujours présent dans une colonne latérale.
7 types de notices différentes
Le bouton « ajouter une notice » vous propose un choix déroulant qui vous mènera vers 7 formulaires différents. Il convient de choisir celui le mieux adapté au type de ressource que vous voulez présenter :
Logiciel : ajouter un logiciel libre
matériel : ajouter une référence pour du matériel, outils, dispositifs, etc.
Un article : ajouter un article issu d’une revue, d’un journal, d’un blog, d’un site… (utile pour la catégorie « S’informer », par exemple)
Chronique : ajouter une chronique critique à propos d’une ressource de l’annuaire (attention, il s’agit là d’un complément à une notice, et non pas d’une notice en soi !)
Livre : pour signaler une monographie ou un ouvrage collectif
Média : ajouter une ressource multimédia (vidéo, musique, diaporama…)
Ressource générique : Ajouter une autre ressource (contenu non spécifique)
Notez que les types de ressources ne sont pas des catégories : vous pouvez très bien créer une ressource de type Média et la ranger dans la catégorie « électronique » car il s’agit par exemple d’un tutoriel sur un montage électronique. À vous de voir ce qui est le mieux approprié.
À remplir obligatoirement
Il y a quelques champs à remplir obligatoirement, car sans eux votre notice ne serait pas vraiment utile…
La catégorie (et sous-catégorie) : à choisir parmi celles existantes.
Le titre de la ressource (le nom, l’intitulé, le titre, etc.)
Le lien officiel : le but de cet annuaire est de fournir les liens des sites officiels des ressources.
Les tags (mots clés) : choisir de préférence parmi les tags existants (en tapant les premières lettres), ils permettent de relier la ressource à celles qui lui correspondent. C’est une fonctionnalité importante de l’annuaire car grâce à elle des découvertes sont possibles.
La description.
Les champs complémentaires :
Bien entendu, si les autres champs sont présents, c’est que nous les jugeons importants. Fournir un ou plusieurs visuels de votre ressource (capture d’écran, logo, photo, pochette, etc.) ou un résumé court est essentiel si vous voulez que sa notice donne envie d’en savoir plus.
N’hésitez donc pas à rechercher plus en profondeur (le site officiel ou la page wikipédia de la ressource, par exemple) afin de bien remplir l’ensemble des champs demandés… une fois le ou les visuels fournis, remplir une fiche peut prendre 5 minutes montre en main…
Des questions ?
La foire aux questions
Nous maintenons à jour une foire aux questions sur Framalibre afin de vous permettre de maîtriser le site en toute autonomie… Vous y trouverez des astuces pour créer votre notice, comme :
L’équipe de modération recevra automatiquement les courriels envoyés grâce au formulaire accessible depuis le bouton « signaler un contenu ».
Bien sûr les possibilités de signalement sont limitées : c’est parce qu’elles ne concernent que les situations où le simple utilisateur n’est pas en mesure d’agir (doublons, malveillances, etc.).
S’il s’agit de modifier une notice, par exemple, vous pouvez le faire directement et même contacter le créateur de la notice.
Si vous désirez suggérer une amélioration technique de l’annuaire, vous pouvez contribuer en écrivant une issue sur le dépôt GIT du projet.
Si vous voyez une erreur, un manque, ou une information obsolète dans une notice, nous vous encourageons fortement à proposer une modification, c’est cela qui fait vivre l’annuaire et permet qu’il soit à jour !
Là aussi, vous devrez être connecté·e à votre compte Framalibre afin de pouvoir proposer des modifications.
Comment modifier une notice ?
Allez sur la fiche de la notice
cliquez sur l’onglet modifier au-dessus de la notice (à côté de l’onglet « Voir ») OU sur « Soumettre une mise à jour »
Effectuez les modifications dans le formulaire.
(optionnel) Relisez à l’aide de l’Aperçu, ou vérifiez les changements avec le bouton « Voir les modifications »
Enregistrez votre mise à jour.
À chaque fois qu’une notice est modifiée, son créateur est prévenu par courriel. Il se génère aussi une archive de la notice dans sa version préexistante. Les différentes versions (l’historique des modifications et les noms des contributeurs) peuvent alors être visualisées et comparées (à la manière d’un wiki).
Ainsi à chaque fois que vous modifiez une notice, vous pouvez commenter votre révision, cela aidera le créateur à comprendre votre intention. Les révisions des notices (lorsqu’il y en a) sont accessibles en ajoutant le mot « revisions » (sans accent) à l’adresse de la notice, ainsi : framalibre.org/content/nom-de-la-notice/revisions
Une fois ma modification proposée…
Elle est automatiquement validée et le créateur originel est prévenu par courriel.
Dès lors, la personne ayant créé la notice pourra voir vos apports et interagir le cas échéant.
En cas de litige ou d’absence, notre équipe de modération fera de son mieux pour vous aider.
Les CHATONS vous proposent de nouvelles portes d’entrée de confiance vers Mastodon, le clone de Twitter libre et fédéré. Mais avant de vous les annoncer : penchons-nous sur une question simple : ça veut dire quoi, « libre et fédéré » ?
Faire du Twitter aussi libre que l’email
Première grosse différence entre Twitter et Mastodon : Mastodon est un logiciel libre. Ce qui veut dire qu’il respecte nos libertés individuelles (contrairement à Twitter). Que l’on peut en lire le code source, la « recette de cuisine » (celle de Twitter, elle, est cachée dans un coffre-fort légal). Donc que l’on peut savoir s’il y a une porte dérobée dans le service, ou que l’on peut repérer et réparer une faille (impossible de savoir ou de faire ça avec Twitter).
Deuxième grosse différence : c’est une fédération. Ce qui veut dire qu’il n’y a pas un seul endroit où s’inscrire, mais plein. « Ouh là là mais c’est compliqué, c’est quoi un système de fédération ? » allez-vous nous demander…
En fait, vous utilisez déjà un système informatique fédéré : l’email.
Vous pouvez vous créer une adresse mail où vous voulez, et communiquer avec tous les autres emails. Vous pouvez changer de fournisseur d’email, déménager. Vous pouvez vous créer une autre adresse mail, une au nom d’une célébrité ou d’un personnage de fiction (alors que non, vous n’êtes pas le vrai Gaston Lagaffe, on le sait). Vous pouvez même vous créer votre propre serveur email, pour votre entreprise, votre organisme d’enseignement, votre association…
Vous le savez : les options et conditions générales d’utilisation de Gmail ne sont pas les mêmes que celles de Microsoft Hotmail qui peuvent à leur tour différer des règles imposées pour l’email de votre boite. Parce que dans une fédération, chaque administration de serveur, chaque instance décide de ses propres règles du jeu.
Ben tout cela, c’est pareil pour Mastodon :
Vous choisissez la ou les instances où vous vous créez un compte ;
Vous choisissez votre identité sur chaque instance ;
Chaque instance a ses propres règles du jeu (renseignez-vous !) ;
Oh, et si Twitter n’est pas votre tasse de thé, sachez qu’il existe un réseau libre et fédéré alternatif à Facebook : Diaspora*. Cela fait plus de deux ans que nous avons ouvert notre instance (on dit un « pod »), Framasphère, et vous y êtes les bienvenu·e·s 😉
L’enfer, c’est les autres (ou pas)
C’est étrange, mais dès qu’on parle de collaboration, de fédération, de réseaux… la réponse quasi-instinctive que l’on voit poindre dans les yeux de notre interlocuteur, c’est la peur. La méfiance. Comme si on croyait, au fond de nous, que « les autres » nous veulent forcément du mal (de base et par principe). Mais si je ne suis pas « malveillant par réflexe », et que je fais partie de « les autres » pour mon entourage… Peut-être que ce n’est pas toujours le cas ?
Philosophie mise à part, le meilleur moyen de ne pas tomber dans le piège de la niaiserie, c’est de ne pas rester dans l’ignorance : une utilisation avertie en vaut 42. Voici donc quelques astuces qui valent pour toute fédération.
On peut se faire passer pour moi sur Mastodon ?
Oui, comme pour les emails : je peux me créer un email votrenom@jojolarnaque.com. Il va donc falloir que vous indiquiez à votre entourage sous quels pseudonyme et instance vous allez sur Mastodon (beaucoup l’inscrivent dans leur bio Twitter). Sachez que si les comptes parodiques clairement identifiés semblent légaux, l’usurpation d’identité numérique (même sous pseudonyme) peut être punie par la loi Française.
Et si je veux être Moi-officiel-certifié-promis-juré ?
C’est vrai que ça peut être pratique, mais surtout lorsqu’on est un organe de presse et que l’on veut certifier ses journalistes, par exemple… Dans ce cas, le meilleur moyen c’est de faire comme Numérama, et d’héberger sa propre instance Mastodon. Vous réservez l’inscription sur votre instance à votre personnel, et le tour est joué. Lorsque l’on reçoit un email de machin@numerama.com, on se doute que ça vient de leurs services. C’est pareil pour leur instance Mastodon ! En plus, pour une fois, les médias (et entreprises, organismes, personnalités, personnes…) ont la possibilité de choisir les règles du jeu de leur réseau social, plutôt que de se les laisser imposer par Twitter et consorts…
Et si Jojo l’arnaque ouvre un guichet, je fais comment pour savoir qu’il faut pas lui faire confiance avec mes missives sur les bras ?
C’est un vrai danger. Car lorsque vous vous inscrivez sur une instance Mastodon, c’est comme s’inscrire chez un fournisseur email : vous lui confiez des informations intimes (vos contacts, vos messages – même les plus privés, votre utilisation, etc.). Il faut donc savoir à qui vous pouvez faire confiance, une confiance qui doit pouvoir durer. Sachant qu’en plus votre niveau de confiance n’est pas forcément le même que le mien, personne ne peut répondre à votre place. Il faut donc se renseigner sur votre hébergeur. Voici un jeu de questions pratiques :
Qu’est-ce qu’il utilise comme (autres) logiciels, et sont-ils libres ? (exemple : Y’a du Google Analytics sur ses serveurs ?)
Quel est son modèle économique ? (Va-t-il vendre mes données à des publicitaires ? à des partis politiques ? Est-il payé par ailleurs et comment ? Est-ce moi qui le paye ?)
Où sont ces conditions générales d’utilisation ? (sont-elles faciles à lire ou volontairement complexes ? peut-il les modifier à tout moment ?)
Quelle est sa réputation dans le petit monde d’internet ? (pratique-t-il la transparence ? Où affiche-t-il ses ennuis techniques ? Puis-je le contacter aisément ?)
Voici donc une nouvelle liste d’instances Mastodon proposées dans le cadre de ce collectif, en complément de celle de la semaine dernière (ici en grisé).
125€/an pour une instance privée (<10 utilisateurs)
instance privée >10 utilisateurs – nous contacter : contact@indie.host
24€/an pour un compte sur notre instance partagée
Notez que l’instance Framasoft, nommée https://framapiaf.org (après moult débats internes !) bénéficie d’un thème personnalisé aux petits oignons. Framasoft aura de plus fait sa part, en traduisant en français la documentation, et en traduisant un grand nombre de chaînes manquantes au logiciel Mastodon. Toutes ces contributions sont ou seront, évidemment, proposées à l’intégration au code source originel.
Cela porte donc à 9 le nombre de chatons (ou candidats-chatons) proposant des instances Mastodon. Ce qui représente tout de même plusieurs (dizaines de) milliers de places 🙂
Et, si ça ne vous suffit pas, les CHATONS ne sont pas évidemment pas les seuls hébergeurs de confiance qui proposent une instance Mastodon. Tiens, rien que parmi les potes qu’on connaît bien, nous on pourrait aller les yeux fermés chez :
Voici le deuxième tutoriel d’une série de trois pour vous aider à découvrir, utiliser et participer à ce grand projet collaboratif. Cette semaine, voyons comment pourquoi se créer un compte sur cet annuaire du Libre. Car si vous voulez tirer amplement parti de cet annuaire, nous vous recommandons fortement de vous créer un compte…
Comment se créer un compte ?
Cliquez sur « Créer un compte » en haut à droite.
Entrez un nom d’utilisateur/utilisatrice (les espaces sont permis !) et une adresse email valide (elle vous servira de contact régulièrement dans votre utilisation de l’annuaire).
N’oubliez pas de déjouer le CAPTCHA pour montrer que vous n’êtes pas un robot (oui, c’est tellement facile qu’on pourrait avoir des doutes, mais non… y’a pas de piège !)
Ouvrez votre boite email pour cliquer sur le lien d’activation dans les 24h suivant vote demande (si vous ne le trouvez pas dans la boite de réception, vérifiez le dossier des indésirables 😉 !)
Remplissez le formulaire de présentation et cliquez sur « Enregistrer »
À noter : seuls les champs de votre mot de passe sont obligatoires, le reste, c’est juste si vous souhaitez agrémenter votre profil ^^ !
Pour donner des étoiles !
Sur chacune des notices, vous pouvez attribuer de 1 à 5 étoiles à la ressource concernée.
Ces étoiles concernent la ressource (le logiciel, le livre, le site web) et non la qualité de la notice.
Ce système de notation permet, à terme, de faire remonter les ressources les plus pertinentes et utilisées dans les différent modules, et de donner un aperçu des avis populaires aux personnes qui viendraient découvrir une nouvelle ressource.
Pour créer votre registre !
Votre registre contiendra toutes vos notices favorites, c’est à dire les notices dont vous avez cliqué l’icône cœur.
C’est l’occasion, pour vous, de retrouver facilement un lien direct vers les notices (et donc les ressources) qui vous intéressent le plus. Que ce soit parce que vous suivez la création et les modifications de cette notice, ou parce que vous utilisez/appréciez la ressource concernée, vous la retrouverez alors dans la page Mon Registre.
Cette page vous permet de trier aisément l’ensemble de vos notices favorites, que ce soit par Type, catégorie ou auteur. Bien entendu vous avez la possibilité de retirer la notice de vos favoris (et donc de votre registre).
Avec une future API, il devrait être possible d’afficher tout ou partie de son registre vers un autre site web 😉
En attendant, vous pouvez d’ores et déjà rendre votre registre public :
Rendez-vous dans Moncompte / Modifier
Cochez « Rendre mon registre public »
Cliquez sur « Enregistrer » tout en bas.
Notez que l’adresse publique de votre register sera framalibre.org/monpseudo/favoris
Pour rédiger une chronique !
Une chronique est un texte personnel lié à une notice (et donc à la ressource qu’elle présente).
Chacun·e est libre de rédiger les chroniques qu’il ou elle souhaite, mais les usages et intérêts immédiats que nous y voyons sont :
Un tutoriel lié à la ressource (utilisation logicielle, matériel, etc.)
Un avis professionnel ou amateur sur la ressource (test, critique culturelle, impressions)
Des impressions ou réflexions quant à la ressource
1. connectez-vous à votre compte Framalibre
2. allez sur la notice de la ressource concernée
3. cliquez sur "Rédiger une chronique sur cette notice"
Pour créer / modifier une notice !
C’est le but principal : contribuer et donner des apports à l’annuaire. Mais ça mérite son propre article, non ? Rendez-vous la semaine prochaine sur le blog… ou directement dans les liens ci-dessous !
Les CHATONS s’attaquent à l’oiseau Twitter grâce à Mastodon
Mastodon, le clone libre et décentralisé de Twitter, accueille des dizaines de milliers de nouveaux membres chaque jour. Notre réponse se devait d’être collective.
Un vent de liberté qui fait du bien !
Résumons les épisodes précédents : Twitter est un réseau social centralisé, les données que vous lui confiez appartiennent à (et vont sur les serveurs de) l’entreprise du même nom. On y « tweete » publiquement de courts messages de 140 caractères (avec photos, liens, etc.) pour partager de brèves nouvelles, impressions, etc. C’est souvent le lieu de l’info rapide, des échanges évanescents et des actualités brûlantes.
La semaine dernière, Twitter a imposé à ses utilisateurs et utilisatrices sa n-ième décision contestable. La plateforme a changé l’affichage des réponses, modifiant de fait les habitudes et la façon de communiquer des 320 millions de personnes inscrites sur ce réseau. Car oui : changer l’outil change le comportement, c’est même souvent le but.
Une décision unilatérale, qui a poussé des internautes à se demander :
Et si nous faisions notre Twitter mais en mieux… donc sans Twitter ?
Que Mastodon soit un effet de mode « mort-dans-deux-semaines » ou une révolution en marche sur internet, là n’est pas la question (et pour la réponse, désolé, on a paumé notre boule de cristal). Le fait est qu’aujourd’hui, plusieurs dizaines de milliers personnes reprennent en main un de leurs outils sociaux (où l’on « toote » ou « pouette » au lieu de tweeter), découvrent la liberté de ne pas dépendre d’une plateforme unique (chacun peut monter son « bout » du réseau social fédéré Mastodon), choisissent de ne pas confier ses données et sa communication à une entreprise du Big Data (cotée 18 milliards en bourse), et enfin découvrent comment de simples choix (passer de 140 à 500 caractères par message) changent la manière dont on pense, se comporte, et communique avec autrui.
A l’heure d’écriture de cet article, près de 100 000 personnes ont un compte Mastodon, et ça grimpe. À tel point que The Verge, The Telegraph, Mashable, Wired, et même RTL, le Figaro ou M6 parlent de ce vent de liberté qui a été dynamisé par des Français…
Les CHATONS vous proposent de faire Pouet !
Il faut un maximum d’instances, c’est à dire d’endroits de confiance où s’inscrire à Mastodon. Pourquoi ? Pour ne plus répéter l’erreur d’avoir mis toutes nos données (tous nos œufs) dans le panier de Twitter, d’une part, mais surtout parce que cela répartit la charge, les responsabilités et les savoir-faire.
Pour vous, cela veut dire être libre de quitter une instance si les règles du jeu ne vous conviennent plus. Avoir le pouvoir (et la responsabilité) de devenir son propre média social, indépendant. Savoir enfin quels humains sont derrière quelle instance, parce que lorsqu’on s’y inscrit, c’est quand même à ces personnes que l’on confie nos bouts de vie numérique, donc autant savoir si on peut leur faire confiance.
Nous vous en avons parlé dans le Framablog, nous faisons désormais partie d’un Collectif d’Hébergeurs Alternatifs qui prônent et pratiquent la Transparence, l’Ouverture, la Neutralité, et la Solidarité. Les CHATONS se sont engagés : que du logiciel libre, pas d’exploitation de vos données ni de pub profilée, ouverture, transparence et neutralité, bref… ce collectif propose des services web éthiques, et humains.
Il nous semblait évident que, Mastodon étant une fédération logicielle (on vous en reparle la semaine prochaine), la proposition devait venir du collectif, et non simplement de Framasoft. Du coup, voici une première portée de CHATONS (ou de futurs CHATONS ^^) vous proposant des endroits fiables et éthiques pour tester et profiter du réseau Mastodon (une « première »… en attendant la semaine prochaine ?).
Concrètement, je fais quoi pour aller sur Mastodon ?
D’abord, allez lire l’excellent « Comment débuter » écrit par Numérama, le formidable « Welcome to mastodon » de Alda que nous avons repris ici, ou gardez-les dans un coin d’onglet pour quand vous vous poserez des questions (promis, ça aide !).
Ensuite, choisissez une instance, un serveur où vous inscrire. Pour cela, plusieurs possibilités :
[Frama-mode] Vous préférez aller chez un des CHATONS, ou s’inscrivant dans cette démarche ? Voici ceux disponibles à ce jour, ainsi que leurs conditions :
Quant à nous, on vous donne rendez-vous la semaine prochaine pour de nouvelles annonces, car il reste de nombreuses choses à dire !
Mastodon, le réseau social libre qui est en train de bousculer twitter
Une alternative à Twitter, libre et décentralisée, est en train de connaître un succès aussi spontané que jubilatoire…
Depuis que Twitter a changé la manière dont les réponses et conversations s’affichent, des utilisatrices et utilisateurs abondent par milliers sur cet autre réseau. Chacun·e cherche un endroit (une « instance ») où s’inscrire, surtout depuis que l’instance originelle, celle du développeur Eugen Rochko, n’accepte plus les inscriptions car le serveur est surchargé.
Alors avant que de vous annoncer des solutions dans les semaines (jours ?) qui arrivent, parce qu’elles prennent le temps de se mettre en place (mais disons qu’une bande de CHATONS est sur le coup), nous avions envie de vous présenter ce phénomène, ce réseau social et ce logiciel qu’est Mastodon.
Or Alda (qui fait du php, du JavaScript, et essaie d’être une humaine décente), a déjà brillamment présenté cette alternative à Twitter sur son blog, placé sous licence CC-BY-ND. Nous reproduisons donc ici son article à l’identique en la remerciant grandement de son travail ainsi partagé !
Welcome to Mastodon
Depuis quelques jours, Mastodon reçoit entre 50 et 100 inscrit⋅es par heure et on peut voir sur twitter quelques messages enthousiastes incitant plus de monde à migrer sur cette alternative « Libre et Décentralisée »
C’est quoi ce truc ?
Mastodon est un logiciel accessible par un navigateur et des applications iOS ou Android qui vise, par ses fonctions de base, le même public que Twitter.
L’interface est très similaire à celle de Tweetdeck, on suit des comptes, des comptes nous suivent, on a une timeline, des mentions, des hashtags, on peut mettre un message dans nos favoris et/ou le partager tel quel à nos abonné⋅e⋅s. Bref, tout pareil. Même les comptes protégés et les DMs sont là (à l’heure actuelle il ne manque que les listes et la recherche par mots clés).
Il y a quelques fonctionnalités supplémentaires que je détaillerai par la suite mais la différence de taille réside dans ce « Libre et Décentralisé » que tout le monde répète à l’envi et qui peut rendre les choses confuses quand on ne voit pas de quoi il s’agit.
Le Fediverse : Un réseau décentralisé
Mastodon est donc un logiciel. Au contraire de Twitter qui est un service. Personne ne peut installer le site Twitter sur son ordinateur et permettre à des gens de s’inscrire et d’échanger ailleurs que sur twitter.com. Par contre toutes celles qui ont les connaissances nécessaires peuvent télécharger Mastodon, l’installer quelque part et le rendre accessible à d’autres.
C’est ce qui se passe déjà avec les sites suivants :
mastodon.social
icosahedron.website
mastodon.xyz
Ces trois exemples sont des sites différents (on les appelle des « instances ») à partir desquels il est possible de rejoindre le réseau social appelé « Fediverse » (mais comme c’est pas très joli on va dire qu’on « est sur Mastodon » hein ?)
C’est là que se trouve toute la beauté du truc : les personnes inscrites sur n’importe laquelle de ces instances peut discuter avec les personnes inscrites sur les deux autres de manière transparente. Et tout le monde est libre d’en créer de nouvelles et de les connecter ou non avec les autres.
Pour résumer, on s’inscrit sur une instance de Mastodon, cette instance est dans un réseau appelé le Fediverse et les gens qui sont dans le Fediverse peuvent échanger entre eux.
Comme personne ne peut contrôler l’ensemble du réseau puisqu’il n’y a pas d’instance centrale, on dit que c’est un réseau décentralisé. Et quand une instance se connecte aux autres instances on dit qu’elle « fédère » avec les autres.
Si cette histoire d’instance est encore trop nébuleuse, imaginez un email. Vous êtes Alice et votre fournisseur de mail est Wanadoo. Votre adresse mail est donc alice@wanadoo.fr. Vous avez un ami nommé Bob qui est chez Aol et son adresse mail est bob@aol.com. Alors que vos fournisseurs respectifs sont différents, ils peuvent communiquer et vous pouvez ainsi envoyer des messages à Bob avec votre adresse mail de Wanadoo. Mastodon fonctionne selon le même principe, avec les instances dans le rôle du fournisseur.
Pourquoi c’est mieux que Twitter ?
Maintenant qu’on a évacué la partie un peu inhabituelle et pas forcément simple à comprendre, on peut attaquer les fonctionnalités de Mastodon qui donnent bien envie par rapport à Twitter.
La base
En premier lieu jetons un œil à l’interface :
Si on utilise Tweetdeck on n’est pas trop dépaysé puisque l’interface s’en inspire fortement. La première colonne est la zone de composition, c’est ici qu’on écrit nos Pouets (c’est le nom Mastodonien des Tweets), qu’on décide où les poster et qu’on y ajoute des images.
La seconde colonne c’est « la timeline », ici s’affichent les pouets des personnes qu’on suit.
La troisième colonne c’est les notifications qui contiennent les mentions, les boosts (sur Twitter on dit RT) et les favoris qu’on reçoit.
La quatrième colonne a un contenu variable selon le contexte et les deux premières possibilités méritent leur explication :
Local timeline : Ce mode affiche tous les pouets publics de l’instance sur laquelle on se trouve, même des gens qu’on ne suit pas.
Federated timeline : Ce mode affiche tous les pouets publics de toutes les instances fédérées avec celle sur laquelle on se trouve. Ce n’est pas forcément tous les pouets publics du Fediverse, mais ça s’en approche.
Pour suivre et être suivi, le fonctionnement est identique à celui de Twitter : On affiche un profil en cliquant sur son nom et on peut le suivre. Si le profil est « protégé » il faut que son ou sa propriétaire valide la demande.
Enfin, un pouet peut faire jusqu’à 500 caractères de long au lieu des 140 de Twitter.
La confidentialité des pouets
Contrairement à Twitter où les comptes publics font des tweets publics et les comptes protégés font des tweets protégés, Mastodon permet à chacun de décider qui pourra voir un pouet.
Le premier niveau est public, tout le monde peut voir le pouet et il s’affichera également dans les parties « Local Timeline » et « Federated Timeline » de la quatrième colonne.
Le niveau deux est unlisted, c’est comme un pouet public mais il ne s’affichera ni dans la timeline Locale ni dans la timeline Federated.
Le niveau trois est private, c’est-à-dire visible uniquement par les gens qui nous suivent. C’est le niveau équivalent à celui des tweets envoyés par des comptes protégés sur Twitter.
Le niveau quatre est direct, les pouets ne seront visibles que par les personnes mentionnées à l’intérieur. Ça correspond aux DMs de Twitter sauf que les pouets sont directement intégrés dans la timeline au lieu d’être séparés des autres pouets.
Bien sûr, il est possible de changer le niveau individuel d’un pouet avant de l’envoyer.
Avoir un compte protégé sur Mastodon
Comme sur Twitter, il est possible de protéger son compte, c’est-à-dire de valider les gens qui s’abonnent. Cependant, on peut toujours définir certains de nos pouets comme étant publics.
Plus besoin d’avoir deux comptes pour poueter en privé !
Une gestion native du Content Warning et des images NSFW
Une pratique courante sur Twitter est de préciser en début de tweet les éventuels trigger warning (avertissements) qui y sont associés, mais le reste du tweet reste visible.
Mastodon généralise le concept en permettant de saisir une partie visible et une partie masquée à nos pouets. On peut ainsi y mettre des messages potentiellement trigger, nsfw, spoilers ou autres.
De même quand on poste une image, on peut la déclarer comme étant NSFW, ce qui nécessite de cliquer dessus pour l’afficher :
Ok, vendu, du coup comment ça se passe ?
Tout d’abord il faut choisir sur quelle instance s’inscrire puisque, ayant des propriétaires différents, il est possible qu’elles aient des règles différentes dont il convient de prendre connaissance avant de la rejoindre.
L’existence de la « Local Timeline » est intéressante à ce niveau puisque son contenu diffère forcément selon l’endroit où on est inscrit. Par exemple si on va sur une instance à tendance germanophone, il est à peu près sûr que la plupart de ce qu’on y trouvera sera en allemand.
Ça ouvre tout un tas de possibilité comme la constitution d’instances orientées en fonction d’un fandom, d’intérêts politiques et/ou associatifs.
Par exemple, l’instance awoo.space est volontairement isolée du reste du Fediverse (elle ne communique qu’avec l’instance mastodon.social) et la modération se fait dans le sens d’un fort respect des limites personnelles de chacun⋅e.
On peut trouver une liste d’instances connues sur le dépôt de Mastodon et à l’exception d’awoo.space il est possible de parler au reste du Fediverse depuis n’importe laquelle figurant sur cette liste, il n’y a donc pas de forte obligation d’aller sur la même instance que nos potes puisqu’on pourra leur parler de toute façon.
Une fois inscrit⋅e, on aura un identifiant qui ressemble un peu à une adresse mail et qui servira à nous reconnaître sur le Fediverse. Cet identifiant dépend du pseudo choisi et du nom de l’instance. Ainsi, je suis Alda sur l’instance witches.town, mon identifiant est donc Alda@witches.town.
Pour trouver des gens à suivre, on peut se présenter sur le tag #introduction (avec ou sans s) et suivre un peu la Federated Timeline. On peut aussi demander leur identifiant à nos potes et le saisir dans la barre de recherche de la première colonne.
Et voilà, il n’y a plus qu’à nous rejoindre par exemple sur :
Ou à créer votre propre instance pour agrandir le Fediverse !
Évitez par contre de rejoindre l’instance mastodon.social. Elle est assez saturée et l’intérêt de la décentralisation réside quand même dans le fait de ne pas regrouper tout le monde au même endroit. Mais si vous connaissez des gens qui y sont, vous pourrez les suivre depuis une autre instance.
Le développeur principal de Mastodon a aussi fait une application pour retrouver ses potes de Twitter. Il faut se rendre sur Mastodon Bridge, se connecter avec Mastodon et Twitter et le site affichera ensuite les comptes correspondants qu’il aura trouvés.
Voici le premier d’une série de trois tutoriels pour vous aider à découvrir, utiliser et participer à ce grand projet collaboratif. Cette semaine, on regarde simplement comment cela se présente !
Plusieurs façons de naviguer dans l’annuaire
Suivant l’information que l’on recherche, plusieurs options s’offrent à nous dès la page d’accueil :
Rechercher une ressource
La barre de recherche est là si vous voulez rechercher directement une ressource (un logiciel, un livre, une asso, etc.) par son nom ou par son tag (les étiquettes, ou mots-clés, que l’on met sur les notices).
Naviguer dans les catégories
Le menu du haut permet d’aller chercher la ressource désirée selon la catégorie où elle se trouve. On distingue 4 catégories principales :
S’informer : On y trouvera des liens vers des sites pour protéger sa vie privée ou d’autres campagnes d’informations, mais aussi un glossaire, ou des notices sur les différentes licences libres existantes.
S’équiper : Ici, c’est le lieu pour découvrir des objets libres, de nombreux logiciels, mais aussi des jeux de données sous licencde libre.
Se cultiver : Livres, Images, Musique, Films… Toute œuvre culturelle placée sous licence libre par son, sa ou ses auteur·ice·s peut s’inclure dans cette catégorie.
S’entourer : Le libre, ce sont avant tout des personnes, qui souvent se regroupent auprès d’un projet. Que ce soit en collectif, association, entreprise, etc. ces initiatives ont leur place dans cette catégorie.
Se laisser surprendre
Dès la page d’accueil, des recommandations vous permettent de découvrir des ressources libres au hasard de votre venue. Que ce soient les dernières notices entrées dans l’annuaire ou nos références, ou les suggestions au pied des notices que vous visiterez, c’est un premier appel à la navigation dans l’annuaire.
Notez que chacun de ces carrés vous permet d’aller lire directement la notice, de conserver la notice dans votre registre, ou même d’aller directement sur le site officiel de la ressource.
Les liens pratiques sont à droite !
La colonne de droite ne s’affiche que sur la page d’accueil, et sert à accéder rapidement à des liens pratiques. Au delà de ses informations de compte (voir plus bas), on y trouve des boutons pour :
Lorsqu’on clique sur la notice d’une ressource, plusieurs informations pratiques sont à notre disposition dans la colonne principale…
En haut, le chemin de la catégorie (menu, sous menus) où l’on peut retrouver la notice
les onglets « Voir », « Modifier » et « Révisions » pour les diverses évolutions de la notice dans le temps
Une illustration au dessus des informations pratiques
le texte de présentation de la notice et les tags (mots-clés) qui l’accompagnent
les liens pratique (a minima le site officiel de la ressource, éventuellement la page Wikipédia, etc.)
Et autour, on peut retrouver :
Des informations liées à la catégorie (colonne de droite
Des suggestions de notices similaires (sous les infos principales)
NOTE : en cliquant sur l’utilisateur qui a créé la notice, vous vous rendez sur la page de son profil public. Vous pouvez ainsi le contacter via un formulaire si vous souhaite lui proposer des modifications que vous souhaitez pas effectuer vous-même.
Demain, une science citoyenne dans une société pair à pair ?
De simples citoyens ont-ils un rôle à jouer dans les sciences, où ils sont pour l’instant contingentés au mieux à des fonctions subalternes ?
On voit d’ici se lever d’inquiets sourcils à l’énoncé du simple terme de science citoyenne, tant la communauté scientifique se vit comme distincte de l’ensemble du corps social par ses missions, ses méthodes et son éthique. Pourtant un certain nombre d’expériences, de projets et même de réalisations montrent que la recherche scientifique universitaire peut tirer un profit important de sa collaboration avec les citoyens motivés, lesquels en retour élèveront leur niveau de connaissances tout en ayant un droit de regard sur la recherche.
Réconcilier citoyens et universitaires scientifiques, longtemps une utopie, est rendu aujourd’hui possible par des objets technologiques désormais beaucoup plus accessibles à chacun.
Cela ne va pas sans perplexité et crainte de dégrader les principes fondamentaux de méthode et d’éthique qui guident le travail scientifique, mais des systèmes de contrôle existent : de même que du code open source peut être révisé par des spécialistes du code, la science citoyenne peut être évaluée par des scientifiques (qui d’ailleurs ont eux-mêmes l’habitude d’être évalués par des pairs).
D’autres conditions sont également nécessaires : le partage mutuel des connaissances nécessite le pair à pair, des licences permissives, un élèvement du niveau de connaissances de la population et bien entendu l’extension des biens communs scientifiques.
Telles sont les problématiques explorées de façon approfondie par Diana Wildschut dans le long article universitaire que l’équipe Framalang vous propose.
Alors, pouvons-nous imaginer comme l’auteure un futur où au sein d’une société de pair à pair l’échange collaboratif mutuel fasse de la science un bien commun ?
La nécessité d’une science citoyenne pour aller vers une société de pair à pair durable
Notre monde est en transition vers une société de pair à pair caractérisée par une nouvelle façon de produire les choses, des logiciels à l’alimentation, en passant par les villes et la connaissance scientifique. Cela nécessite un nouveau rôle pour la science.
Plutôt que de se focaliser sur la production de connaissances pour les ONG, les gouvernements et les entreprises, les scientifiques devraient prendre conscience que les citoyens seront les décideurs dans une future société de pair à pair (p2p), produire des connaissances durables et accessibles, et travailler ensemble aux côtés des scientifiques citoyens.
Les citoyens ont démontré leur capacité à définir leurs propres sujets de recherche, à monter leurs propres projets, à s’éduquer et à gérer des projets complexes. Il est temps pour eux d’être pris au sérieux.
Il existe toujours un grand fossé entre les citoyens et les scientifiques universitaires quand il est question de partage des connaissances. Les données collectées par des citoyens ne sont presque jamais utilisées par les scientifiques universitaires, et les résultats de la recherche scientifique restent en grande part cachés derrière des barrières de péage.
Si nous voulons qu’une transition durable prenne place, nous devons faire tomber les barrières entre la science et le public. Les préoccupations des citoyens doivent être prises au sérieux et leurs connaissances utilisées et valorisées.
1. Introduction
Notre monde est en cours de transition vers une société de pair à pair (p2p), caractérisée par une nouvelle façon de produire tout, des logiciels à l’alimentation, en passant par les villes et la connaissance scientifique (Bauwens 2012). Dans une société de pair à pair, des réseaux d’individus, ou de pairs, prennent en charge les tâches qui étaient précédemment entre les mains des institutions. Cela nécessite un nouveau rôle pour la science. Plutôt que de se focaliser sur la production de connaissances pour les ONG, les gouvernements et les entreprises, les scientifiques devraient prendre conscience que les citoyens seront les nouveaux décideurs dans une future société de pair à pair, produire des connaissances durables et accessibles et travailler ensemble avec des scientifiques citoyens.
Dans cet essai, quand je parle de citoyens, je parle des non-professionnels qui s’engagent dans ce qui les touche directement, qui peut être une ville, une rue, l’environnement, le système démocratique, etc. Quand je parle de scientifiques citoyens je parle des gens qui pratiquent la science en dehors d’un environnement universitaire ou du contexte industriel, et qui ont reçu ou non une formation scientifique réelle. Ma définition d’un système néolibéral est un système avec un marché libre, un petit gouvernement dans un monde globalisé.
En regardant autour de nous, nous voyons de vieilles structures échouer. L’efficacité des ONG est mise en doute (Edwards & Hulme, 1996) et elles semblent essentiellement préoccupées par leur propre survie. Elles en sont restées aux méthodes des années 80 ; elles se déguisent en porcs ou en abeilles, ou portent des masques à gaz et se présentent comme un petit groupe guère impressionnant dans le quartier général d’entreprises ou de gouvernements. Leurs causes sont légitimes et les problèmes qu’elles mettent à l’ordre du jour sont urgents, mais leurs méthodes sont complètement inadaptées au monde dans lequel nous vivons. L’attention des gouvernements néolibéraux n’est plus focalisée sur le bien-être des citoyens, elle s’est depuis longtemps déplacée vers les intérêts des entreprises (Chomsky,1999 ; von Werlhof, 2008). Les intérêts à long terme, y compris ceux de la science, en pâtissent (Saltelli & Giampietro, 2017). Les entreprises n’ont pas l’obligation légale d’agir dans l’intérêt public, et n’ont pas tendance à le faire si cela s’oppose à leurs intérêts économiques à court terme (Banerjee, 2008 ; Chomsky, 1999).
L’avenir de la planète pourrait bien se retrouver entre les mains de petits groupes de citoyens ou d’individus qui bâtissent une nouvelle société à côté de l’existante en jetant les bases d’initiatives durables qui seraient interconnectées en réseaux de pair à pair. Dès à présent, la science procure des technologies qui donnent aux gens le pouvoir de faire leurs propres recherches, en utilisant leurs smartphones, leurs webcams et leurs ordinateurs portables (Bonney et al., 2014). Mais il y a toujours un large fossé entre les citoyens et les scientifiques universitaires quand on en arrive au partage des connaissances. Les connaissances collectées par les citoyens sont très peu utilisées par les scientifiques universitaires, et les résultats de la recherche scientifique sont le plus souvent cachés derrières des barrières de péage.
Si nous voulons qu’une transition durable prenne place, nous devons abaisser ces barrières entre la science et le public. Les préoccupations des citoyens doivent être prises au sérieux et leurs connaissances utilisées et jugées à leur juste valeur (Irwin, 1995).
Dans cet essai je soutiens que les citoyens sont prêts à produire une science valable, et à utiliser et comprendre la science produite par les scientifiques universitaires. Ils sont prêts à utiliser la science pour combler certains fossés existants que les gouvernements, les entreprises et les ONG laissent à l’abandon.
2. La science citoyenne
Au début de la révolution scientifique, quiconque ayant du temps libre pouvait regarder les étoiles, accumuler des données et faire des prévisions. On n’avait pas besoin d’équipements ou de compétences mathématiques. Les scientifiques étaient souvent des fermiers, artistes ou hommes d’État. Ce n’était pas des spécialistes mais plutôt des généralistes.
À partir de la seconde moitié du 19e siècle, la science est devenue une affaire de spécialistes, qui utilise des équipements de pointe ainsi que les mathématiques, et nécessite des années d’études universitaires. La science n’était plus quelque chose que n’importe qui pouvait pratiquer (Vermij, 2006).
Ces dernières décennies, les ordinateurs sont devenus bon marché et puissants. Internet permet à tous d’accéder à des données ainsi qu’à des formations. Le développement de microcontrôleurs programmables bon marché a permis à de nombreux profanes de créer leur propre électronique. La popularité de ces microcontrôleurs peut être attribuée principalement à Arduino, une carte microcontrôleur, open source, bon marché, avec un environnement de programmation en ligne.
Programmer de telles cartes est facile grâce à l’abondance d’exemples, tutoriels et codes fournis par la communauté. Les cartes peuvent être connectées à un circuit, en respectant des schémas disponibles en ligne. La communauté Arduino maintient une excellente documentation pour les débutants et les experts sur www.arduino.cc.
La possibilité de se procurer des capteurs peu coûteux est le prochain problème à résoudre. L’utilisation de capteurs combinée avec ATMegas (les microcontrôleurs utilisés sur les cartes Arduino) est très populaire. Les gens peuvent mesurer autour d’eux tout ce qui leur passe par la tête. Ils collectent toutes les données et cherchent à les comparer à celles d’autres personnes. Cela crée un besoin de plate-formes open data permettant de partager ces données en ligne. Des communautés se forment non seulement autour du matériel, mais aussi autour de sujets de recherche. Par exemple, spectralworkbench.org, où les personnes partagent leurs analyses spectrales de différentes sources lumineuses. Ils utilisent un spectromètre fait d’un morceau de carton et d’un morceau de CD connecté à une webcam. Ils déposent leurs spectres dans la base de données, qui contient des résultats venant à la fois de spectrographes professionnels et amateurs. Il s’agit d’un mélange de spectres utiles et d’images floues. La base de données est alimentée essentiellement par des passionnés curieux, et à mesure que sa taille augmente, elle devient une ressource précieuse pour déterminer des éléments chimiques. Dans la section « Apprendre » du site internet, on peut découvrir l’usage qui est fait des données. Des citoyens l’utilisent pour mesurer la contamination de la nourriture, la présence d’OGM (Critical Art Ensemble, 2003), la quantité d’azote dans des terres agricoles, le niveau de pollution de l’air, etc. Cela les amène à porter un regard critique sur les informations obtenues depuis des sources officielles, comme les gouvernements et les industriels.
Une avancée récente est le Lab-on-a-Chip (Ndt : littéralement, laboratoire-sur-une-puce), un petit laboratoire qui peut être utilisé pour des analyses de fluides. Le Lab-on-a-Chip est bon marché et facile à utiliser. Le but est d’en faire un labo si facile à utiliser que n’importe qui puisse s’en servir sans connaissances préalables. Dans le domaine médical, il permet aux patients de faire leur propre diagnostic in vitro. Il permet aussi de raccourcir le temps nécessaire pour prendre une décision car le patient qui possède déjà le laboratoire à la maison n’a pas à attendre un rendez-vous (von Lode, 2005).
Un Lab-on-a-Chip est une petite plaque de verre sur laquelle sont gravés de minuscules canaux fluides. Elle est montée accolée à un capteur semi-conducteur, connecté à un microcontrôleur qui effectue les analyses ou envoie les données à un outil d’analyse.
Le boom récent des Fablabs et des ateliers ouverts pour la fabrication numérique, qui trouvent leur origine au MIT (Gershenfeld, 2012), a permis au citoyen scientifique de graver ses propres systèmes Lab-on-a-Chip, en lui donnant accès à des ciseaux lasers et des imprimantes 3D. En utilisant Arduino et du logiciel open source pour l’analyse, il peut maintenant effectuer lui-même des analyses de fluides chimiques complexes.
Ces nouvelles technologies sont désormais à la disposition de tous, pour autant qu’on ne soit pas effrayé par la technologie. De nouveaux outils voient le jour sous forme d’outils pour jeux vidéo et il faut un peu de temps avant que des gens les rendent accessibles à un public plus large en les dotant d’interfaces conviviales. Ce processus est déjà entamé et de nombreux outils deviennent utiles à ceux qui sont intéressés à les utiliser plutôt qu’à les faire fonctionner.
Ce ne sont pas seulement les données collectées par les citoyens, mais aussi leurs connaissances, leur intelligence, leur créativité et les réseaux sociaux, qui ont de la valeur pour les scientifiques universitaires. Dans beaucoup de projets de science citoyenne menés par des scientifiques universitaires, seul le temps du participant et la puissance de traitement de son ordinateur sont utilisés. Généralement, le participant n’est utilisé que pour la collecte des données et leur classement. L’intelligence du participant ou sa créativité sont rarement nécessaires et le projet n’offre que des opportunités très limitées pour une amélioration personnelle (Rotman et al., 2012). Parfois, une formation est disponible qui permet au participant d’apprendre à reconnaître des motifs, des espèces et des types de galaxies, mais il n’est presque jamais invité à participer à la conception de la recherche.
Les citoyens ont de précieuses connaissances souvent hors de portée des scientifiques universitaires (voir aussi Pereira et Saltelli). Ils disposent d’une connaissance locale que Warren (Warren, 1991) décrit comme
« une connaissance qui est particulière à une culture ou à une société donnée). […] C’est le fondement de la prise de décision à un niveau local en agriculture, pour les soins médicaux, la préparation alimentaire, l’éducation, la gestion des ressources naturelles, et une foultitude d’autres activités dans les communautés rurales. »
Mais bien sûr, il n’y a pas que dans les communautés rurales que la connaissance locale est importante. Les citoyens sont bien plus capables de participer qu’il ne leur est permis de le montrer (Fischer, 2000). De nombreux gouvernements locaux réalisent maintenant qu’ils ont besoin de l’apport de leurs citoyens pour gouverner leur cité à la satisfaction de ceux-ci. Commencer à travailler avec des citoyens critiques n’est pas une étape facile à franchir, mais dès que les citoyens sont impliqués dans la fourniture des connaissances qui permettront la prise de décision, ils sont plus enclins à accepter les conséquences et les mesures qui en résultent.
Dans la ville néerlandaise d’Amersfoot, le gouvernement local avait besoin de données sur les impacts du changement climatique à une échelle très locale, où seulement des données globales étaient disponibles. Après avoir assisté à une conférence sur la science citoyenne, il a décidé de ne pas confier le travail à un consultant, mais de trouver un groupe de citoyens intéressés par l’investigation sur les changements climatiques dans leur voisinage. Le groupe a été chargé de mettre en place la recherche, de décider quels indicateurs devaient être mesurés, qui faire participer et comment publier les résultats. Ils ont maintenant démarré leur projet dont les résultats sont visibles sur www.meetjestad.net (Meet je Stad, 2015).
Les scientifiques universitaires voient les avantages à coopérer avec les citoyens, non seulement pour la valeur qualitative de leurs connaissances locales, mais aussi pour leurs réseaux sociaux étendus. Les citoyens actifs savent ce qui se passe dans leur communauté et peuvent dire quels investisseurs devraient être impliqués. Aussi doivent-ils être impliqués au tout début d’un projet de recherche, sinon il sera trop tard pour tirer profit de cette partie de leurs connaissances. Il y a vingt ans, Alan Irwin (Irwin, 1995) prônait la réunion des mondes de la science universitaire et de la science citoyenne. Aujourd’hui le besoin et les possibilités se sont accrus. Les scientifiques citoyens disposent de plus d’outils pour créer de la connaissance, l’infrastructure existe pour la partager et nous avons quelques gros problèmes à résoudre pour lesquels nous avons besoin de toute l’aide disponible.
Et Cash et al. (2003) de conclure que « […] les efforts pour mobiliser la science et la technologie pour la durabilité ont plus de chances d’être efficaces si on gère les frontières entre la connaissance et l’action d’une façon qui améliore à la fois l’importance, la crédibilité et la légitimité de l’information produite. » De nombreux citoyens sont prêts à l’action ou déjà actifs. Ils ont besoin de connaissances scientifiques.
3. Accès libre
Pour cet essai, j’avais prévu de n’utiliser que des références à des articles disponibles en accès libre, juste pour le principe. Le fait que cela se soit avéré impossible est en soi encore plus parlant que je ne l’aurais voulu. Pour être en mesure de rédiger un essai comme celui-ci, un scientifique citoyen serait obligé de contacter par e-mail des amis travaillant dans des universités, d’utiliser le hashtag Twitter #icanhazpdf (lepdfsivouplé) et d’écrire des mails à des auteurs, en espérant recevoir leurs articles en retour.
Certains des articles en accès restreint, comme celui-ci, parlent de la science citoyenne, dont certains pourraient directement intéresser les citoyens. Mais les citoyens qui luttent pour construire leurs propres projets scientifiques sans budget ont peu de chances de pouvoir investir 41,95 $ dans un article dont ils ne sont même pas certains qu’il leur sera utile. Dans la plupart des cas, la science qui traite de science citoyenne n’atteindra pas des citoyens pratiquant les sciences, ni des citoyens ayant besoin d’un apport scientifique.
Dans la société de pair à pair, il est tacitement convenu que quiconque utilise les services d’une autre personne, restitue quelque chose à la communauté dont il se nourrit. Aussi, faire de la recherche en se basant sur de la science citoyenne et ne pas en partager les résultats serait une violation de ces règles tacites.
Les droits d’auteur et les brevets empêchent la mise à disposition et le développement de la connaissance. On pense souvent que les droits d’auteur sont le seul moyen de protéger les auteurs, mais il existe d’autres moyens de protéger les droits des auteurs et des développeurs de produits logiciels open source. Certaines institutions développent leurs propres licences pour les logiciels open source (MIT Public License, 1988) ou pour le matériel open source (CERN Open Hardware License, 2011). Elles utilisent leurs connaissances des droits d’auteur et de la propriété intellectuelle pour aider les gens qui veulent ajouter leurs données, idées, conceptions et produits au domaine public. Une fois là, cela pourra être utilisé comme base par n’importe qui (selon la licence), mais ne pourra jamais être réclamé, breveté ou sorti du domaine public. Chacune des licences propose ses propres solutions, laissant au développeur le choix de qui peut utiliser son produit et dans quelles conditions. Certaines licences permettent une utilisation commerciale du produit, d’autres non. Certaines demandent l’attribution à l’auteur original. D’autres demandent que les sous-produits soient publiés sous la même licence que l’original.
Concevoir ces licences et les rendre disponibles est une manière très appréciée pour les institutions de restituer quelque chose aux biens communs.
4. Éducation
L’existence de citoyens instruits est une condition nécessaire pour avoir une démocratie qui fonctionne (Hils Hauge et Barwell), et ça l’est tout autant dans une société de pair à pair. Néanmoins, aux Pays-Bas par exemple [ndt : l’auteure est néerlandaise], les études universitaires ne sont pas facilement accessibles à tous les citoyens qui pourraient y prétendre. Les gens qui ont déjà un diplôme payent des frais d’inscription très élevés. Étudier à temps partiel est déconseillé et dans la majorité des disciplines ce n’est même pas possible. Cela entre en conflit avec l’idéal « d’éducation tout au long de la vie » qui est diffusé par les institutions éducatives, et cela ne permet pas d’avoir des citoyens ouverts à tout et bien informés. Cependant, nous comptons sur eux pour faire des choix éclairés au moment de voter (Westheimer et Kahne, 2000). Pour les gouvernements, la mode est de vouloir des citoyens impliqués, mais très peu d’efforts sont faits pour leur donner les outils et informations nécessaires.
Mais maintenant, une part croissante des citoyens est en train de trouver le chemin vers des études plus accessibles et moins structurées. De nouvelles méthodes de partage des connaissances sont inventées, le plus souvent en utilisant Internet. Les cours magistraux de certaines universités sont disponibles en streaming. Cela peut aider pour compléter une formation, mais sans exercices cela reste incomplet. Khan Academy.org est un site web où vous pouvez vous former vous-mêmes dans n’importe quelle matière du lycée à l’université. Il utilise un algorithme intelligent qui permet aux étudiants de garder la trace de leur progrès. Néanmoins la Khan Academy fonctionne essentiellement du sommet vers la base, une personne donne un cours et un étudiant consomme cette connaissance. OpenTOKO (http://web.archive.org/web/20140927205928/http://www.opentoko.org/) a une approche différente.
Un thème est proposé en ligne, des experts et des novices s’y inscrivent, créant un groupe de connaissances partagées qui se réunit pour un après-midi. La dynamique est très variable, parfois un TOKO est planifié largement à l’avance, parfois dans un délai très court. Les thèmes peuvent être populaires ou ésotériques ; on peut être très nombreux ou seulement deux ou trois. Souvent, il s’avère que les experts apprennent des compétences, des connaissances ou des questions des débutants. Les experts acquièrent une meilleure compréhension du thème, et cela donne au débutant un bon départ sur le sujet. OpenTOKO doit encore être amélioré. Un système de référencement automatique doit être créé, permettant à chacun de suggérer un thème, de s’inscrire comme expert ou novice, de proposer un lieu ou une date. Quand toutes les conditions sont réunies, un OpenTOKO est automatiquement créé.
L’inscription est gratuite, tout le monde en profite en améliorant ses connaissances. Les thèmes abordés sont divers : langage de programmation, électronique, mathématiques et statistiques mais aussi comment tricoter des chaussettes ou faire pousser des légumes, tout dépend de ce que souhaitent les participants. Les scientifiques qui souhaitent faire participer des citoyens à leurs cours, n’ont pas besoin de simplifier leurs résultats ou leur langage. Les citoyens peuvent apprendre eux-mêmes et devenir familiers de la terminologie utilisée dans les différents domaines scientifiques.
Wikipédia peut être utilisée comme point de départ de collecte d’informations sur pratiquement tous les sujets. À partir de là, il est facile de trouver des publications scientifiques, mais à nouveau les citoyens se heurtent souvent à des ressources payantes.
5. Vers une société de pair à pair
On constate, au cours de la dernière décennie, une tendance au partage sur un mode de p2p : d’un individu vers les autres. En 1999, un adolescent a créé le logiciel Napster, qui permettait à tout le monde de partager des fichiers numériques (Carlsson et Gustavsson, 2001). Napster utilisait un serveur central. À cause de cela, l’industrie du disque, via des poursuites judiciaires, a pu fermer Napster. Les outils d’échange de musique de la génération suivante sont les réseaux P2P, dans lesquels les utilisateurs échangent directement leurs fichiers avec d’autres personnes. Ces réseaux ne sont pas hiérarchisés et sont difficiles à fermer. Brafman et Beckstrom (2006) compare ces organisations sans leader à des étoiles de mer, et les organisations hiérarchiques à des araignées ; si vous coupez la tête d’une araignée, elle meurt. L’étoile de mer, elle, n’a pas de tête. Coupez un bras et un nouveau bras se formera. Coupez l’étoile de mer en deux et vous obtiendrez deux étoiles de mer. Les réseaux P2P semblent indestructibles aussi longtemps qu’ils ont la volonté d’exister.
Bauwens et Lievens (2013) voient la transition vers une société de pair à pair comme l’inévitable prochaine étape du développement humain. Leur présentation de l’histoire de la société occidentale commence à l’époque romaine. À cette époque, 80 % des gens étaient des esclaves. La société romaine dépendait entièrement de ces esclaves, et en avait un besoin toujours plus important. Pour continuer d’augmenter le nombre d’esclaves, ils devaient continuer d’étendre leur empire. Finalement, cela devint plus cher que des solutions alternatives comme le métayage. Ils commencèrent donc à affranchir des esclaves, leur laissant cultiver la terre en échange d’un partage des récoltes. Cette pratique a évolué vers le système féodal qui a perduré plusieurs siècles.
L’industrialisation, au 19e siècle, a déplacé les travailleurs vers les villes, ces derniers achetant alors leur nourriture au lieu de la faire pousser. Les travailleurs ont reçu un salaire, le moment du capitalisme était venu. Dans le même temps, les gens prirent une place précise dans de grandes structures hiérarchisées.
Maintenant, l’automatisation a réduit la quantité de travail humain nécessaire à la production des besoins indispensables à nos sociétés. Et le spécialiste d’économie politique Skidelsky(2012) de conclure : « La vérité est que nous ne pouvons pas continuer à automatiser efficacement nos productions sans remettre en cause nos attitudes envers la consommation, le travail, les loisirs et la distribution des revenus. » Dans les sociétés occidentales, seule une petite part de notre travail sert à fournir les besoins fondamentaux de la société. La majorité des gens a un travail qui n’est pas vraiment indispensable (Graeber, 2013). La plupart d’entre eux en ont conscience, ce qui a souvent un impact négatif sur leur santé morale et physique.
On constate aussi une augmentation du nombre de personnes sans emploi pour qui l’ancien système est un échec. Ils ont été virés par leur ancien employeur, souvent après des décennies de travail dévoué et de loyauté. Une grande partie des gens virés sont devenus trop chers à cause de leur ancienneté. Les employeurs ont tendance à choisir des employés moins chers, plutôt que plus expérimentés. Ici, l’argent prime sur la qualité ou l’humanité.
Certains chômeurs choisissent désormais de faire les choses différemment, et se mettent à chercher un nouveau système plus respectueux des personnes et valorisant la qualité. Comme les esclaves affranchis, ils sont un nombre croissant dans nos sociétés à avoir l’énergie nécessaire pour commencer à travailler dans un nouveau système. Bauwens et Lievens appelle ce système « l’économie P2P », celle-ci est basée sur les échanges entre individus.
La combinaison d’un savoir disponible et d’une insatisfaction croissante face à la manière dont les gouvernements traitent les questions écologiques encourage les personnes à s’impliquer dans des expériences à l’échelle locale pour produire de l’énergie et de la nourriture, pour recycler les déchets et pour plus de démocratie et d’innovation sociale. Certaines de ces expériences échouent, mais d’autres sont des succès et rendent stables des alternatives locales et modestes qui peuvent inspirer les autres. Tout ne peut pas se faire facilement au niveau local. Il vaut mieux que la médecine spécialisée soit exercée dans un hôpital dédié. Les experts sont les plus à même de traiter les questions de droit, bien que le système des jurys populaires soit un peu plus P2P que les systèmes judiciaires avec uniquement des juges, et qu’il soit considéré comme juste dans de nombreux pays. Les processus de production que l’on dit plus efficaces à grande échelle, ne le sont peut-être pas tant que ça si tous les coûts réels relatifs au transport, aux infrastructures, aux ressources naturelles et aux déchets sont inclus dans le calcul. Souvent, ces « externalités » comme on les appelle, ne sont pas financées par les multinationales (Mansfield, 2011 ; Scherhorn, 2005).
6. Quand les systèmes se percutent
La société de pair à pair peut cohabiter avec la société capitaliste dans de nombreux cas, tout comme les scientifiques citoyens cohabitent avec les scientifiques universitaires. Il peut y avoir des conflits de nature financière, comme dans le cas des maisons de disques avec les réseaux p2p pour la distribution de musique, où les deux cotés essayent de maximiser leurs profits. Les situations les plus intéressantes, cependant, sont celles où les deux points de vue sont valables, mais incompatibles.
La société de pair à pair est basée sur la confiance acquise lors de travaux préalables. Si vous contribuez à la communauté, vous obtenez en retour du respect et de la confiance. Cependant, dans la société capitaliste, la confiance se base sur les diplômes. Si vous voulez un travail en tant qu’ingénieur informaticien, il vous faut avoir des diplômes et des qualifications pour prouver que vous pouvez écrire du code. Dans la société de pair à pair, vous prouvez que vous pouvez écrire du code en écrivant du code. Le code est open source afin que les utilisateurs puissent vérifier s’il fonctionne et que les experts puissent vérifier qu’il est bien écrit et ne contient pas de virus. Quand les deux mondes se rencontrent, ils sont souvent sceptiques sur l’approche de l’autre.
Certaines personnes voient les forces et faiblesses de chaque système, et un ingénieur informaticien peut avoir un emploi sans diplôme, s’il rencontre le bon responsable des ressources humaines. Le lien entre les deux mondes vient de ceux qui reconnaissent les possibilités de coopérer et ont un statut qui leur permet de s’écarter des règles en usage. Dans tous les cas, la manière pair à pair d’assurer la qualité ou la fiabilité d’un pair demandera plus d’efforts que pour un scientifique universitaire par exemple. Il faudra faire des recherches sur la personne, soit à travers un contact personnel, soit en regardant à sa réputation auprès de ses pairs et son travail. Pour des nouveaux venus, il s’agit de deux situations complètement différentes.
Mais que peut-on dire des autres différences entre les scientifiques citoyens et les scientifiques universitaires ? Pour faire de la vraie science, il faut travailler selon un certain nombre de règles, mais les citoyens peuvent n’en faire qu’à leur tête. Comment se positionnent-ils vis-à-vis de l’éthique ou de la qualité ? C’est ce qui inquiète de nombreux scientifiques universitaires. Les motivations des citoyens et la qualité de leur travail sont suspectes (Show, 2015). Même les projets montés et gérés par des scientifiques universitaires qui utilisent des données collectées par des volontaires ont du mal à se faire publier (Bonney et al, 2014).
Il est vrai que la science citoyenne n’a pas nécessairement un ensemble fixe de règles sur l’éthique ou les méthodes. Bien qu’il y ait quantité d’exemples de réseaux qui partagent une charte éthique ou une liste de méthodes [29], comme certains diy-biolabs (ndt : littéralement labo-bio à faire soi-même) (Diybio,2016) et makerspaces (espaces collaboratifs) (Fablab.nl), beaucoup n’y ont jamais pensé, n’en ont jamais discuté, ou même, ne s’y sont simplement pas intéressés. Mais tout comme n’importe quel programmeur peut vérifier du code informatique ouvert, n’importe quel scientifique universitaire peut vérifier si un projet de science citoyenne est bien fait, à l’aune des normes universitaires. Pour moi, cela ne veut pas dire que les normes universitaires doivent être celles qu’il faut utiliser pour évaluer la science citoyenne, mais qu’il est possible de le faire. Dans certains cas, les normes universitaires sont moins strictes que celle utilisées dans la science citoyenne.
Par exemple, dans la science conventionnelle, il n’est pas courant d’ouvrir l’ensemble des données, alors que c’est le cas dans la science citoyenne. De ce point de vue, la science citoyenne et plus reproductible et la fraude est plus facile à détecter. Les expériences des scientifiques citoyens sont souvent répétées et améliorées. Les scientifiques citoyens ne sont pas soumis à la pression de la publication (Saltelli et Giampetro, traitent du déchirement entre publier ou périr comme d’un ingrédient clé de la crise de la recherche scientifique), ils publient quand ils pensent avoir trouvé quelque chose d’intéressant. Le travail est ouvert au regard des pairs de la première tentative aux conclusions finales.
Les scientifiques citoyens publient plus facilement des résultats négatifs. Ils ne sont pas gênés par leurs erreurs. Les publications de résultats positifs contiennent aussi un chapitre sur les tentatives précédentes qui ont échoué, et un retour sur la cause de l’échec. Ces résultats négatifs sont, à mon avis, aussi valables que des résultats positifs, bien que dans la recherche scientifique conventionnelle il existe une forte propension à ne publier que des résultats positifs, ce qui rend la recherche scientifique universitaire incomplète (Dwan et al., 2008).
Les scientifiques citoyens sont souvent suspectés d’avoir des partis pris, des motivations ou des ordres du jour cachés. Nous savons désormais que les professionnels de la science ont aussi des partis pris. Les scientifiques citoyens sont même moins susceptibles d’avoir certains partis pris, comme ceux relatifs au prestige ou au financement, et ce goût pour les résultats positifs. Mais le fait que les scientifiques universitaires ne soient pas forcément meilleurs que n’importe quel scientifique citoyen ne signifie pas que nous devons ignorer les problèmes potentiels liés à la qualité des scientifiques citoyens. Afin de permettre plus de coopération entre les scientifiques citoyens et universitaires, nous devons insister sur la totale transparence concernant les conflits d’intérêt, tant pour les scientifiques universitaires que citoyens. Dans la recherche scientifique universitaire, il existe une saine discussion sur la qualité, les partis pris et les conflits d’intérêt. Dans la science citoyenne le sujet est difficilement évoqué, ce qui est une honte puisque certains partis pris sont moins susceptibles d’exister quand leur propriétaire en a conscience.
La qualité est souvent décrite comme être « adapté à la fonction ». Parfois, nous pouvons avoir besoin de données précises issues de capteurs onéreux. Dans de tels cas, la recherche universitaire pourrait aboutir à une meilleure qualité. Mais dans d’autre cas, nous pouvons avoir besoin d’une haute définition et ici de vastes groupes de citoyens sont plus à même de fournir de la haute qualité. La connaissance n’est adaptée au besoin que si elle est ouverte à ceux qui en ont besoin. Il est par conséquent important que les connaissances relatives au changement climatique et aux autres problèmes mondiaux soient totalement ouvertes.
Je pense qu’il serait bon que les scientifiques universitaires et citoyens aient un débat sur les raisons pour lesquelles des résultats de qualité sont utiles aux autres citoyens, aux décideurs politiques locaux et aux scientifiques universitaires suivant la fonction retenue. Si nous voulons partager les données entre les scientifiques citoyens et universitaires, ou entre les scientifiques citoyens et les décideurs, quelles sont les barrières et comment peut-on les dépasser ? Devons-nous trouver un ensemble de critères définissant la qualité (y compris l’accessibilité) qui soit satisfaisant pour les chercheurs scientifiques et gérable par les citoyens ?
7. Les biens communs
La plupart des enjeux soulevés dans les paragraphes précédents nous amènent à la notion de biens communs. Les biens communs incluent tout ce qui appartient à tout le monde, par exemple l’atmosphère, l’écosystème planétaire, la culture et les connaissances humaines.
La majeure partie de la richesse mondiale privée existe parce que les biens ou les services qui appartiennent aux biens communs peuvent souvent être accaparés sans payer, et qu’il n’y a pas d’obligation de restituer quelque chose aux biens communs.
Cela concerne les entreprises qui polluent ou s’approprient des ressources, les sociétés de divertissement commerciales qui prennent des contes traditionnels dans le domaine public pour les placer sous droits d’auteur, les entreprises qui brevètent des gènes qui sont en grande partie naturels, ainsi que les recherches scientifiques qui utilisent des contributions en provenance des biens communs, sans jamais restituer leurs résultats aux biens communs (Barnes, 2006).
Le changement climatique, la pollution et l’épuisement des ressources sont le problème de tout le monde. Ces problèmes font autant partie des biens communs que les solutions. Leur résolution n’a pas à dépendre d’une initiative privée. En partageant le savoir entre scientifiques universitaires et citoyens, nous pouvons travailler ensemble sur ces questions.
8. Débat et conclusion
Les scientifiques citoyens ne sont pas des anges envoyés de l’au-delà pour sauver la science. Ils ne sont pas là non plus pour détruire les institutions universitaires et prendre le pouvoir. Ils ont leurs propres programmes, imperfections et partis pris, comme les scientifiques universitaires. Une meilleure prise de conscience de ces partis pris peut améliorer la qualité de leur travail. Chaque débat sur la qualité doit être respectueux et ouvert, et tenir compte des limites de la science citoyenne et de ses pratiquants. Nous savons que les citoyens ne prennent pas toujours la bonne décision quand ils votent, ne votent pas ou achètent quelque chose. Donc pourquoi devrait-on compter sur eux pour résoudre les problèmes de la société ? On ne doit rien attendre de personne, mais nous devons impliquer toute l’aide disponible, et si les gens sont intrinsèquement motivés, nous ne devons pas les marginaliser
Bien que les groupes qui utilisent la science citoyenne pour résoudre les problèmes, dont à leur avis les institutions ne s’occupent pas, soient encore petits, l’intérêt qu’ils reçoivent des autres et la disponibilité des outils et des infrastructures faciles à utiliser peuvent conduire à des groupes plus nombreux et plus grands, et à un réseau plus fort d’individus. Ce que nous voyons actuellement est une tendance à l’indépendance des personnes qui pensent et qui font. Ils développeront peut-être un jour leurs propres institutions, mais risquent aussi de rester des groupes faiblement liés d’individus isolés.
C’est la même chose en ce qui concerne la transition vers une société de pair à pair. La transition est en cours. Elle n’a pas besoin d’une révolution mais elle croît à côté du système actuel. Elle accélère là où le système actuel échoue. Elle a besoin de cet élan, et si le système actuel résout soudain les problèmes, ou si le système P2P n’y arrive pas, cette tendance pourrait s’arrêter. Pour le moment, ça grandit.
Les citoyens ont envie de contribuer à trouver des solutions aux problèmes que le système néo-libéral échoue à résoudre, comme les problèmes d’environnement, de représentation démocratique (publiclab.org). Les citoyens partagent de plus en plus pour la prise de décision à mesure que notre société évolue vers un modèle P2P (Public Laboratory, 2016).
Les citoyens ont prouvé qu’ils étaient capables de formuler leurs propres thèmes de recherche, de monter leurs propres projets, de se former et de gérer des projets complexes. Il est temps de les prendre au sérieux.
Les scientifiques contribuent déjà à l’émancipation des citoyens en développant par exemple de nouvelles technologies et licences, mais celles-ci découlent de la connaissance scientifique. Il est aussi nécessaire de partager la connaissance elle-même. Si les scientifiques veulent que leurs résultats soient utiles, ils doivent les rendre accessibles aux citoyens.
Les connaissances créées par les citoyens peuvent être très utiles aux chercheurs universitaires. Néanmoins, l’initiative de donner quelque chose en retour à la communauté doit être prise par les chercheurs universitaires qui s’engagent dans des projets de science citoyenne.
Nous ne sommes pas loin de nous débarrasser de tout ce qui entrave la voie de la production collaborative de connaissances utiles. Il faudra des ajustements de part et d’autre pour rassembler la science citoyenne et la science universitaire, mais nous pouvons joindre nos efforts afin de rendre possible cette transition durable.
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Le transit, c’est important 🙂
Non, nous n’allons vous parler de fibres (quoique). C’est du transit d’Internet que nous allons parler. Ou plutôt, nous allons laisser Stéphane Bortzmeyer en parler.
Son article nous a séduits, aussi bien par la thématique abordée (on ne se refait pas, quand les GAFAM menacent l’avenir d’Internet, on aime bien que ce soit dit 😃) que par son aspect didactique, truffé d’hyperliens permettant à tout un chacun de le comprendre. Nous le reproduisons ici, avec son aimable permission et celle de la licence (libre, bien sûr) de l’article, la GFDL et avec quelques photos en plus (dont un chaton, je viens de dire qu’on ne se refaisait pas 😁).
À la réunion APRICOT / APNIC du 20 février au 2 mars, à Hô-Chi-Minh-Ville, Geoff Huston a fait un exposé remarqué, au titre provocateur, « The death of transit ». A-t-il raison de prédire la fin du transit Internet ? Et pourquoi est-ce une question importante ?
Deux petits mots de terminologie, d’abord, s’inscrivant dans l’histoire. L’Internet avait été conçu comme un réseau connectant des acteurs relativement égaux (par exemple, des universités), via une épine dorsale partagée (comme NSFnet). Avec le temps, plusieurs de ces épines dorsales sont apparues, l’accès depuis la maison, l’association ou la petite entreprise est devenu plus fréquent, et un modèle de séparation entre les FAI et les transitaires est apparu. Dans ce modèle, le client se connecte à un FAI. Mais comment est-ce que les FAI se connectent entre eux, pour que Alice puisse échanger avec Bob, bien qu’ils soient clients de FAI différents ? Il y a deux solutions, le peering et le transit. Le premier est l’échange de trafic (en général gratuitement et informellement) entre des pairs (donc plus ou moins de taille comparable), le second est l’achat de connectivité IP, depuis un FAI vers un transitaire. Ces transitaires forment donc (ou formaient) l’épine dorsale de l’Internet. Le modèle de l’Internet a été un immense succès, au grand dam des opérateurs téléphoniques traditionnels et des experts officiels qui avaient toujours proclamé que cela ne marcherait jamais.
Mais une autre évolution s’est produite. Les utilisateurs ne se connectent pas à l’Internet pour le plaisir de faire des ping et des traceroute, ils veulent communiquer, donc échanger (des textes, des images, des vidéos…). À l’origine, l’idée était que l’échange se ferait directement entre les utilisateurs, ou sinon entre des serveurs proches des utilisateurs (ceux de leur réseau local). Le trafic serait donc à peu près symétrique, dans un échange pair-à-pair. Mais les choses ne se passent pas toujours comme ça. Aujourd’hui, il est de plus en plus fréquent que les communications entre utilisateurs soient médiées (oui, ce verbe est dans le Wiktionnaire) par des grands opérateurs qui ne sont pas des opérateurs de télécommunication, pas des transitaires, mais des « plates-formes » comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). La communication entre utilisateurs n’est plus pair-à-pair mais passe par un intermédiaire. (On peut parler d’un Minitel 2.0.)
Bon, mais quel rapport avec l’avenir de l’Internet ? Mes lect·eur·rice·s sont très cultivé·e·s et savent bien que le Web, ce n’est pas l’Internet, et que le fait que deux utilisateurs de Gmail passent par Gmail pour communiquer alors qu’ils sont à 100 mètres l’un de l’autre n’est pas une propriété de l’Internet. (Les ministres et la plupart des journalistes n’ont pas encore compris cela, mais ça viendra). L’Internet continue à fonctionner comme avant et on peut toujours faire du BitTorrent, et se connecter en SSH avec un Raspberry Pi situé à l’autre bout de la planète (notez qu’il s’agit de l’Internet en général : dans la quasi-totalité des aéroports et des hôtels, de nombreux protocoles sont interdits. Et ces malhonnêtes osent prétendre qu’ils fournissent un « accès Internet »).
C’est là qu’on en arrive à l’exposé de Huston. Il note d’abord que les sites Web qui ne sont pas déjà chez un GAFA sont souvent hébergés sur un CDN[un réseau de diffusion de contenu, Note du Framablog]. Ensuite, il fait remarquer que les GAFA, comme les CDN, bâtissent de plus en plus leur propre interconnexion. À ses débuts, Google était une entreprise comme une autre, qui achetait sa connectivité Internet à un fournisseur. Aujourd’hui, Google pose ses propres fibres optiques (ou achète des lambdas) et peere avec les FAI : encore un peu et Google n’aura plus besoin de transit du tout. Si tous les GAFA et tous les CDN en font autant (et la plupart sont déjà bien engagés dans cette voie), que deviendra le transit ? Qui pourra encore gagner sa vie en en vendant ? Et si le transit disparaît, l’architecture de l’Internet aura bien été modifiée, par l’action de la minitélisation du Web. (Je résume beaucoup, je vous invite à lire l’exposé de Huston vous-même.)
Alors, si Huston a raison, quelles seront les conséquences de la disparition du transit ? Huston note qu’une telle disparition pourrait rendre inutile le système d’adressage mondial (déjà très mal en point avec l’épuisement des adresses IPv4 et la prévalence du NAT), voire le système de nommage mondial que fournit le DNS. Le pair-à-pair, déjà diabolisé sur ordre de l’industrie du divertissement, pourrait devenir très difficile, voire impossible. Aujourd’hui, même si 95 % des utilisateurs ne se servaient que des GAFA, rien n’empêche les autres de faire ce qu’ils veulent en pair-à-pair. Demain, est-ce que ce sera toujours le cas ?
Mais est-ce que Huston a raison de prédire la mort du transit ? D’abord, je précise que je suis de ceux qui ne croient pas à la fatalité : ce sont les humains qui façonnent l’histoire et les choses peuvent changer. Décrire la réalité, c’est bien, mais il faut toujours se rappeler que c’est nous qui la faisons, cette réalité, et que nous pouvons changer. Essayons de voir si les choses ont déjà changé. Huston aime bien provoquer, pour réveiller son auditoire. Mais il faut bien distinguer l’apparence et la réalité.
Les observateurs légers croient que tout l’Internet est à leur image. Comme eux-mêmes ne se servent que de Gmail et de Facebook, ils expliquent gravement en passant à la télé que l’Internet, c’est Google et Facebook. Mais c’est loin d’être la totalité des usages. Des tas d’autres usages sont présents, par exemple dans l’échange de données entre entreprises (y compris via d’innombrables types de VPN qui transportent leurs données… sur Internet), les SCADA, BitTorrent, la recherche scientifique et ses pétaoctets de données, les réseaux spécialisés comme LoRa, les chaînes de blocs, et ces usages ne passent pas par les GAFA.
Peut-on quantifier ces usages, pour dire par exemple, qu’ils sont « minoritaires » ou bien « un détail » ? Ce n’est pas facile car il faudrait se mettre d’accord sur une métrique. Si on prend le nombre d’octets, c’est évidemment la vidéo qui domine et, à cause du poids de YouTube, on peut arriver à la conclusion que seuls les GAFA comptent. Mais d’autres critères sont possibles, quoique plus difficiles à évaluer (le poids financier, par exemple : un message d’une entreprise à une autre pour un contrat de centaines de milliers d’euros pèse moins d’octets qu’une vidéo de chat, mais représente bien plus d’argent ; ou bien le critère de l’utilité sociale). Bref, les opérateurs de transit sont loin d’être inutiles. L’Internet n’est pas encore réduit à un Minitel (ou à une télévision, l’exemple que prend Huston qui, en bon australien, ne connaît pas ce fleuron de la technologie française.)
Merci à Antoine Fressancourt, Jérôme Nicolle, Pierre Beyssac, Raphaël Maunier, Olivier Perret, Clément Cavadore et Radu-Adrian Feurdean pour leurs remarques intéressantes. Aucune de ces conversations avec eux n’est passée par un GAFA.
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