La Blockchain, au-delà du Bitcoin

Temps de lecture 17 min

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Il existe déjà sur le Bitcoin et la nombreuse famille des monnaies virtuelles une abondante littérature qui évoque les espoirs et les fantasmes que génèrent les crypto-monnaies. Mais pour qui n’est encore ni utilisateur dans ses paiements ni prosélyte convaincu, il n’est pas si facile de comprendre le principe de fonctionnement qui sous-tend le succès grandissant de cet argent dématérialisé sans intermédiaire.

Pour savoir ce qui se passe en coulisses, il est nécessaire d’appréhender correctement ce qu’est la blockchain. C’est bien délicat, et rares sont les explications limpides qui nous permettent de saisir l’essentiel. L’article « Chaîne de blocs » de Wikipédia utilise très vite des prérequis dont ne disposent probablement pas les Dupuis-Morizeau : « système cryptographique », « base de données distribuée », « nœud de stockage », etc.

Heureusement, il arrive que nous rencontrions un article qui présente des qualités de clarté telles que nous nous faisons un devoir de le partager. Qui plus est, nous y découvrons que le bitcoin n’est qu’un exemple aujourd’hui notoire des très nombreuses possibilités d’application de la blockchain dans des domaines très variés, ce qui pourrait à moyen terme changer beaucoup de choses dans notre vie quotidienne…

L’auteur, Jean-Paul Delahaye est un universitaire, mathématicien et informaticien, chercheur à l’Université de Lille 1. Nous le remercions d’avoir accepté que nous reprenions ici, mis à jour pour les données numériques, son texte déjà publié en 2014 sur le blog de Scilogs.

La puissance de la blockchain

jp_DelahayeImaginez qu’au centre de la place de la Concorde à Paris, à côté de l’Obélisque on installe un très grand cahier, que librement et gratuitement, tout le monde puisse lire, sur lequel tout le monde puisse écrire, mais qui soit impossible à effacer et indestructible. Cela serait-il utile ?

Il semble que oui.

– On pourrait y consigner des engagements : « je promets que je donnerai ma maison à celui qui démontrera la conjecture de Riemann : signé Jacques Dupont, 11 rue Martin à Paris ».

– On pourrait y déposer la description de ses découvertes rendant impossible qu’on en soit dépossédé  : « Voici la démonstration en une page que j’ai trouvée du Grand théorème de Fermat … ».

– On pourrait y laisser des reconnaissances de dettes qui seraient considérées valides tant que celui à qui l’on doit l’argent n’a pas été remboursé et n’est pas venu l’indiquer sur le cahier.

– On pourrait y donner son adresse qui resterait valide jusqu’à ce qu’une autre adresse associée au même nom soit ajoutée, annulant la précédente.

– On pourrait y déposer des messages adressés à des personnes qu’on a perdues de vue en espérant qu’elles viennent les lire et reprennent contact.

– On pourrait y consigner des faits qu’on voudrait rendre publics définitivement, pour que l’histoire les connaisse, pour aider une personne dont on souhaite défendre la réputation, pour se venger, etc.

Pour que cela soit commode et pour empêcher les tricheurs d’écrire en se faisant passer pour vous, il faudrait qu’il soit possible de signer ce qu’on écrit. Il serait utile aussi que l’instant précis où est écrit un message soit précisé avec chaque texte déposé sur le grand cahier (horodatage).

Imaginons que tout cela soit possible et qu’un tel cahier soit mis en place, auquel seraient ajoutées autant de pages nouvelles que nécessaire au fur et à mesure des besoins. Testaments, contrats, certificats de propriétés, récits divers, messages adressés à une personne particulière ou à tous, attestations de priorité pour une découverte, etc., tout cela deviendrait facile sans avoir à payer un notaire, ou un huissier. Si un tel cahier public était vraiment permanent, infalsifiable, indestructible, et qu’on puisse y écrire librement et gratuitement tout ce qu’on veut, une multitude d’usages en seraient imaginés bien au-delà de ce que je viens de mentionner.

Un tel objet serait plus qu’un cahier de doléances ou un livre d’or, qui ne sont pas indestructibles. Ce serait plus qu’un tableau d’affichage offert à tous sur les murs d’une entreprise, d’une école ou d’une ville, eux aussi temporaires. Ce serait plus que des enveloppes déposées chez un huissier, coûteuses et dont la lecture n’est pas autorisée à tous. Ce serait plus qu’un registre de brevets, robuste mais sur lesquels il est coûteux et difficile d’écrire. Ce serait plus que les pages d’un quotidien qui sont réellement indestructibles car multipliées en milliers d’exemplaires, mais sur lesquelles peu de gens ont la possibilité d’écrire et dont le contenu est très contraint.

Place de la Concorde ?

Bien sûr, ce cahier localisé en un point géographique unique ne serait pas très commode pour ceux qui habitent loin de Paris. Bien sûr, ceux qui y rechercheraient des informations en tournant les pages se gêneraient les uns les autres, et gêneraient ceux venus y inscrire de nouveaux messages. Bien sûr encore, faire des recherches pour savoir ce qui est écrit dans le cahier (telle dette a-t-elle été soldée ? Telle adresse est-elle la dernière ? etc.) deviendrait vite impossible en pratique quand le cahier serait devenu trop gros et que ses utilisateurs se seraient multipliés.

Ces trois inconvénients majeurs :
a) localisation unique rendant l’accès malcommode et coûteux ;
b) impossibilité de travailler en nombre au même instant pour y lire ou y écrire ;
c) difficulté de manipuler un grand cahier…
… peuvent être contournés. L’informatique moderne avec la puissance de ses machines (y compris les smartphones) et ses réseaux de communication est en mesure de les surmonter.

D’ailleurs cette idée d’un grand cahier informatique, partagé infalsifiable et indestructible du fait même de sa conception est au cœur d’une révolution qui débute. Nous la baptiserons la  « révolution de la blockchain » (nous allons expliquer pourquoi) ou plus explicitement et en français : « la révolution de la programmation par un fichier partagé et infalsifiable ».

L’idée de Nakamoto

Le nom proposé vient de la blockchain du bitcoin, la monnaie cryptographique créée en janvier 2009, et qui a depuis connu un développement considérable et un succès réel très concrètement mesurable : la valeur d’échange des devises émises en bitcoins dépasse aujourd’hui 5 milliards d’euros. Au cœur de cette monnaie, il y a effectivement un fichier informatique infalsifiable et ouvert. C’est celui de toutes les transactions, baptisé par Satoshi Nakamoto son inventeur : la blockchain. C’est un fichier partagé, tout le monde peut le lire et chacun y écrit les transactions de bitcoins qui le concerne, ce qui les valide. La blockchain existe grâce à un réseau pair à pair, c’est-à-dire géré sans autorité centrale par les utilisateurs eux-mêmes. Certains de ces utilisateurs détiennent des copies de la blockchain, partout dans le monde. Ces centaines de copies sont sans cesse mises à jour simultanément, ce qui rend la blockchain totalement indestructible, à moins d’une catastrophe qui toucherait en même temps toute la terre. Ce fichier a été rendu infalsifiable par l’utilisation de procédés cryptographiques qui depuis sa création en 2009 se sont révélés résister à toutes les attaques : personne jamais n’a pu effacer ou modifier le moindre message de transaction auparavant inscrit dans la blockchain du bitcoin.

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C’est possible, cela existe !

Le rêve du grand cahier de la place de la Concorde est donc devenu possible, et en réalité ce que l’informatique moderne, les réseaux et la cryptographie ont su créer dans le monde numérique est bien supérieur à tout ce qu’on aurait pu tenter de faire avec du papier, du métal ou tout dispositif composé d’objets physiques. En particulier :

a) l’accès à la blockchain, grâce aux réseaux, se fait instantanément de n’importe où dans le monde, pourvu qu’on dispose d’un ordinateur ou simplement d’un smartphone ;

b) des milliers d’utilisateurs peuvent y lire simultanément sans se gêner ;

c) chacun peut gratuitement et sans limitation ajouter de nouveaux messages de transactions selon un procédé qui assure la cohérence et la robustesse du fichier blockchain.

La taille de la blockchain du bitcoin s’accroît progressivement, mais reste manipulable par les formidables machines dont nous disposons tous aujourd’hui. Elle comporte aujourd’hui 54 giga-octets (5,4 10^10 caractères), ce qui est l’équivalent d’environ 54 000 ouvrages de 200 pages. Cela semble énorme, mais nos ordinateurs sont maintenant assez puissants pour cela.

L’exploration par son ordinateur de ce qui est inscrit donne librement accès à tout le contenu de cette blockchain quasi-instantanément de n’importe quel endroit du monde. C’est d’ailleurs, dans le cas du bitcoin, ce qui permet de calculer le solde des comptes. Les systèmes de signatures cryptographiques garantissent que les messages de transaction que vous inscrivez sur la blockchain concernant vos comptes ont été écrits par vous. L’ordre des inscriptions fournit aussi une datation (horodatage) des transactions et donc les ordonne. Tout cela est fait, sans qu’aucune autorité centrale ne s’en occupe, puisque ce sont certains des utilisateurs (appelé « mineurs » dans le cas du bitcoin) qui en opèrent la surveillance, et qui se contrôlent mutuellement, assurant l’honnêteté des sauvegardes et leur cohérence.

L’exemple d’une monnaie est la plus spectaculaire et la plus visible aujourd’hui des merveilles que réalise une blockchain. Qu’on ait pu ainsi créer une monnaie, grâce à un fichier partagé, semble incroyable. Cela d’autant plus qu’il s’agit d’une monnaie d’un nouveau type : elle ne repose sur aucune autorité émettrice, autorise des transactions quasi-instantanées gratuitement d’un point à l’autre du globe.

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De nombreuses variantes

Au-delà du miracle que constitue cette monnaie (nous ne reviendrons pas sur le détail de son fonctionnement), c’est l’ensemble de tout ce que rend possible ce type d’objet qu’est une blockchain que nous voulons évoquer, car il semble bien qu’un nouveau monde économique, social, législatif, politique et monétaire en résulte. Aujourd’hui, nous n’en avons pas pris la mesure.

Le bitcoin utilise une blockchain qui lui est propre et ne sert a priori qu’à inscrire des transactions, mais l’idée de cette blockchain peut se décliner d’une multitude de façons donnant naissance à autant d’applications nouvelles. Nous avons sans doute pour l’instant entrevu que quelques aspects de ce que de tels dispositifs autorisent. Il s’agit rien moins que de l’apparition d’un nouveau type d’objets réels, aussi durs que le métal, contenant des informations d’une complexité sans limites. Nos ordinateurs aux extraordinaires capacités de calcul y accèdent instantanément grâce aux réseaux, explorant rapidement ce qui s’y trouve, y déposant de nouveaux messages éventuellement cryptés, et les extrayant aussi rapidement. Ces nouveaux objets du fait de leur nature numérique et de leurs propriétés de robustesse et d’ubiquité — ils existent partout dans le monde à la fois — ont des propriétés qu’aucun objet du monde n’a jamais possédées.

Il existe aujourd’hui des centaines de variantes du modèle bitcoin. Ce sont essentiellement d’autres monnaies — on parle de crypto-monnaies — qui chacune s’appuie sur une blockchain particulière. Cependant depuis qu’on a compris que l’idée de Nakamoto était beaucoup plus générale, d’autres systèmes avec blockchain sont apparus ou sont en cours de développement.

Une révolution en marche

Certaines des idées évoquées au départ peuvent se mettre en place soit grâce à une nouvelle blockchain, soit en essayant d’utiliser la blockchain du bitcoin qu’on détournera de sa fonction première pour lui faire réaliser des opérations non prévues par Nakamoto. Dom Steil un entrepreneur s’occupant du bitcoin et auteur de nombreux articles sur les nouvelles technologies a exprimé assez clairement l’idée de cette révolution :

« La blockchain est intrinsèquement puissante du fait que c’est la colonne vertébrale d’un nouveau type de mécanisme de transfert et de stockage distribué et open source. Elle est le tiers nécessaire pour le fonctionnement de nombreux systèmes à base de confiance. Elle est la feuille universelle d’équilibrage utilisée pour savoir et vérifier qui détient divers droits numériques. De même qu’Internet a été la base de bien d’autres applications que le courrier électronique, la blockchain sera la base de bien d’autres applications qu’un réseau de paiement. Nous en sommes aux premiers instants d’un nouvel âge pour tout ce qui est possible au travers d’un réseau décentralisé de communications et de calculs. ». Voir ici.

Jon Evans un ingénieur informaticien et journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies partage cet enthousiasme :

« La technologie blockchain au cœur du bitcoin est une avancée technique majeure qui, à terme, pourrait révolutionner l’Internet et l’industrie de la finance comme nous les connaissons ; les premiers pas de cette révolution en attente ont maintenant été franchis. »

« La « blockchain » —le moteur qui sert de base au bitcoin— est un système distribué de consensus qui autorise des transactions, et d’autres opérations à être exécutées de manière sécurisée et contrôlée sans qu’il y ait une autorité centrale de supervision, cela simplement (en simplifiant grossièrement) parce que les transactions et toutes les opérations sont validées par le réseau entier. Les opérations effectuées ne sont pas nécessairement financières, et les données ne sont pas nécessairement de l’argent. Le moteur qui donne sa puissance au bitcoin est susceptible d’un large éventail d’autres applications. »  ( ici et ici )

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La machine qui inspire confiance

comment la technologie derrière le Bitcoin pourrait changer le monde

Namecoin, Twister, Ethereum

Parmi les blockchain autres que celle du bitcoin et ayant pour objets des applications non liées à la monnaie, il faut citer le Namecoin un système décentralisé d’enregistrement de noms : on écrit sur la blockchain du Namecoin des paires (nom, message). Un des buts de Namecoin est la mise en place d’un système d’adresses pour les ordinateurs connectés au réseau internet qui pourrait se substituer au système actuel DNS (Domaine name system) en partie aux mains d’organisations américaines. Les créateurs de cette blockchain affichent les objectifs suivants : protéger la libre parole en ligne en rendant le web plus résistant à la censure ; créer un nom de domaine « .bit » dont le contrôle serait totalement décentralisé ; mémoriser des informations d’identité comme des adresses email, des clefs cryptographiques publiques. Ils évoquent aussi la possibilité avec cette blockchain d’organiser des votes ou des services notariés. Malheureusement cette blockchain est peu commode car les dépôts d’informations y sont payants (en namecoin), et même si les coûts sont très faibles, ils compliquent beaucoup son utilisation. Voir ici.

Plus récemment a été créé Twister, un système concurrent de Twitter (le système de micro-blogging bien connu) mais totalement décentralisé et donc libre de toute censure ou contrôle. La blockchain de Twister ne sert dans ce cas pas à stocker toute l’information de la plateforme de micro-bloging  (qui est distribuée sur un réseau pair à pair évitant que les nœuds du réseau aient à gérer de trop gros volumes de données)  mais seulement les informations  d’enregistrement et d’authentification. Voir ici.

Un projet plus ambitieux car se voulant le support possible d’applications complexes basé sur une notion de contrat (smartcontract) est en cours de développement : il se nomme Ethereum. La blockchain associée à Ethereum émettra une monnaie (l’éther) sur le modèle de bitcoin, mais ce ne sera qu’une des fonctions de cette blockchain. Voir ici.

Une autre avancée toute récente a été proposée par Adam Back, inventeur déjà d’une monnaie électronique précurseur du bitcoin. Back a constaté que le bitcoin ne peut évoluer que très lentement car les décisions pour ces évolutions se font selon un processus qui exige un accord difficile à obtenir de la part de ceux qui travaillent à le surveiller et qui ne sont pas organisés en structure hiérarchique —c’est un problème avec les applications totalement décentralisées dont le contrôle n’est aux mains de personne. Il a aussi noté que beaucoup d’idées innovantes proposées par des blockchain nouvelles n’ont qu’un succès limité. En valeur, le bitcoin reste très dominant parmi les monnaies cryptographiques. Avec une équipe de chercheurs, il a mis au point une méthode liant les blockchains les unes aux autres. Ce système de « sidechain » permettra de faire passer des unités monétaires d’une chaîne A vers une autre B. Elles disparaîtront de la chaîne A pour réapparaître sur la chaîne B et pourront éventuellement revenir dans A. Chaque blockchain est un petit univers où il est utile de disposer d’une monnaie (par exemple sur Namecoin, il y a une monnaie). Cependant faire accepter une nouvelle monnaie et stabiliser son cours est difficile et incertain. De plus chaque blockchain est une expérience comportant des risques qui sont d’autant plus grands qu’elle est récente et innovante. Le système des sidechain une fois mis en place (ce n’est pas si simple et aujourd’hui aucune sidechain ne fonctionne) permettra de tester rapidement de nouvelles idées. Chacune pourra « importer » la monnaie d’une autre blockchain, sans doute la monnaie bitcoin qui est la mieux installée et celle pour laquelle la confiance est la plus forte. Le système est conçu pour que la chaîne qui « prête » de l’argent à une autre ne risque pas plus que ce qu’elle prête et donc ne prenne qu’un risque limité.

« Une forme d’anarchie à base numérique va poursuivre son développement »

On le voit, la complexité (de nos puces, de nos machines, de nos applications, de nos réseaux informatiques) a créé un univers où les nouveaux objets indestructibles que sont les blockchains changent les règles du jeu : moins de centralisation, moins d’autorité, plus de partages sont possibles. Une forme d’anarchie à base numérique va poursuivre son développement. Le monde qui en sortira est difficile à imaginer, mais il se forme et même si on peut le craindre autant que certains l’appellent de leurs vœux, il sera là bientôt.

 

Liens mentionnés par l’auteur de l’article
D’autres liens intéressants sur la question et autour

Crédits Images

  • « Bitcoin accepted here », Francis Storr (CC BY-SA 2.0)
  • Schéma des blocs par Matthäus Wander (CC BY-SA 3.0) via Wikimedia Commons
  • The trust machine, image de couverture du magazine The Economist du 30 octobre 2015,
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14 Responses

  1. idoric

    Trois questions :

    1) J’ai appris récemment que BitCoin ne pouvait traiter que 7 transactions à la seconde tout au plus, est-ce que les nouvelles blockchains ont trouvé une solution à ce problème qui empêche un changement d’échelle pour un usage plus massif ?

    2) La blockchain de BitCoin pèse déjà 54 Go, comment fera-ton si un jour des milliards d’utilisateurs devaient chacun garder chez eux au chaud une blockchain de plusieurs To, voire bien pire ? Cela ne va-t-il pas à contre-sens de l’histoire alors que nos ressources non renouvelables se font de plus en plus rares ?

    3) Je vois que même Ethereum et ses smartcontract utilise une monnaie. Je ne vais pas ici détailler la TRM et ses conséquences, mais la question de l’équité de la création monétaire est cruciale, et sauf à vouloir recréer l’injustice existante et ses conséquences sociales et écologiques dramatiques — et auquel cas, quel intérêt ? —, il faudrait au moins s’assurer que quiconque, à travers l’espace et le temps, puisse créer autant de monnaie que ses pairs, vivants, morts et encore à naître. (Ce qui au passage exclut déjà de fait le BitCoin puisque la quantité de BitCoin a été « génétiquement » limitée (et au fur et à mesure que des gens perdent l’accès à leur compte BitCoin, la masse monétaire « zombie » est de plus en plus grande))

    • Greg Lamare

      1) rejoint le 2)
      C’est tout le probleme, le systeme n’est pour moi pas encore assez abouti et les investisseurs s’emballent sur un embryon de nouveauté qui n’en est pas du tout au stade de « révolution » … une idée serait de combiner ce systeme avec un partage du calcul ? À voir … je reste encore tres dubitatif

  2. Goofy

    @Idoric.
    L’auteur de l’article, à qui je signalais par mail ton commentaire, m’a répondu par le même canal et me demande de le transmettre ici. Voici donc :

    « Le problème du nombre de transactions total traitable par seconde par une blockchain est un vrai problème. Il n’est pas possible aujourd’hui d’envisager d’égaler le nombre de transactions du réseau des cartes bancaires, mais des pistes existent (sidechain par exemple) qui permettront de faire beaucoup mieux que ce que qu’on peut faire aujourd’hui. L’avenir est à inventer, tout n’est pas dit !

    La réponse est exactement la même pour la taille de la blockchain. Notons bien quand même que le réseau des cartes bancaires n’a pas atteint ses capacités actuelles du jour au lendemain, et que même limitée en puissance une blockchain peut traiter de nombreux problèmes comme c’est évoqué dans l’article sans avoir besoin de plus de puissance que celle du bitcoin.

    Une certain équité du bitcoin est assurée par le fait que personne ne créé de bitcoin en plus de ceux « programmés » par le protocole. Le fait qu’il y en ait de « perdus » est équivalent aux billets de banque détruits (par le feu ou ce que vous voulez), je ne vois pas en quoi cela nuit à l’équité.
    Est-ce que le bitcoin est plus équitable que l’euro ou le dollar ? je n’en sais rien, mais il n’est certainement pas pire du fait de son fonctionnement presque totalement décentralisé. »

  3. inso

    @Goofy : Les règles d’émission monétaires sont fondamentales. Si elles privilègient des individus, ces individus seront avantagés dans les échanges économiques qui en résultent. Ce sont les valeurs reconnues par ces individus qui auront le privilège d’être reconnues prioritairement. A terme, de nombreuses valeurs ne seront alors pas monétisées, et des déséquilibres se produiront.

    Le fonctionnement technique (décentralisation) est important, mais le fonctionnement de l’émission monétaire l’est tout autant voir plus.

  4. idoric

    Merci pour la réponse.

    Je reviens quand même sur la question de la monnaie : « une certaine équité du bitcoin est assurée par le fait que personne ne créé de bitcoin en plus de ceux « programmés » par le protocole ». Désolé, mais je ne comprends pas où il y a de l’équité dans le fait que les premiers utilisateurs ont pu miner facilement de grandes quantités de BitCoin, que ça a été de plus en plus difficile pour les suivants, et que bientôt ça ne sera même plus possible du tout pour les nouveaux arrivants. Remplacer le mot BitCoin par or, et le verbe miner par extraire, et on voit bien l’injustice flagrante que ça représente. Pourquoi vais-je acheter « à prix d’or » (désolé, je n’ai pas résisté ;)) des BitCoin auprès de gens qui l’ont produit pour 3 fois rien en temps et en électricité ? Juste parce qu’ils sont nés au bon moment et pas moi ?

    La seule différence entre le système des réserves fractionnaires (ou argent-dette pour le commun des mortels, comme l’euro ou le dollar) et le BitCoin, c’est que pour le premier la création monétaire est entre les mains d’un oligopole bancaire, et que pour le deuxième il est entre les mains d’une seule et unique génération, mais au final le problème est le même, la création de la dite monnaie est entre les mains d’une minorité à qui est ainsi donné un immense avantage compétitif (si ce n’est que dans le cas du BitCoin, encore heureux, on peut refuser de jouer à ce jeu de dupe, alors que le pouvoir libérateur de l’euro nous oblige à l’accepter si on fait commerce). Que ces règles iniques soient engrammées dans des lois et règlement, ou dans un algorithme, ne change finalement pas grand chose, si ce n’est que j’ai le sentiment qu’il sera encore plus dur de changer un algorithme distribué. D’autant que la Théorie Relative de la Monnaie nous a montré la route à suivre.

    Personnellement, en ce qui concerne la monnaie et tout ce qui se base sur une monnaie (comme ethereum), je crois bien plus au pouvoir émancipateur de projets comme ucoin. Je ne vois pas l’intérêt de reproduire un système de domination en poussant encore plus loin la servitude volontaire au point où ce sont les gens eux-même qui feront vivre ce système en donnant de leur temps processeur. Un réseau peut être pair à pair et ne pas du tout viser à la symétrie de traitement des utilisateurs, or c’est bien là qu’est l’intérêt du P2P, sinon à quoi bon ?

  5. Marco

    @idoric,
    Vous le dites Bitcoin est comme l’or, et comme ce dernier il a été facile pour très peu de personnes d’en trouver facilement, c’est un fait. On pouvait tout autant en acheter pour pas cher également. Depuis longtemps ce n’est plus le cas, le coût d’extraction/minage est aujourd’hui peu avantageux dans une compétition mondiale. il n’y a donc plus du tout d’avantage aujourd’hui pour personne. (Bitcoin n’a pas non plus la prétention de ré-équilibrer la richesse dans le monde)
    Pourquoi acheter plus cher des bitcoins aujourd’hui qu’ils valaient moins hier, le coût d’usage a tout simplement augmenté, l’attrait est plus important par la demande que par l’offre. Dans un usage de courte durée, utiliser l’équivalent de 10euros en bitcoin était possible hier et le sera demain, juste la quantité/fraction de bitcoin va changer.
    Comme tout bien rare on peut spéculer à la hausse ou à la baisse, Bitcoin ne change donc rien à ce niveau, prendre le risque aujourd’hui d’acheter en espérant revendre plus cher si l’usage augmente est un pari spéculatif.
    Etre le premier a toujours été un avantage, si l’on supprime cet avantage alors quel intérêt as-t-on à prendre le risque de l’utiliser en premier, le risque diminue petit à petit et le prix augmente par son usage.
    En 2011 on disait déjà l’avantage des premiers arrivés dans les commentaires 😉 -> http://framablog.org/2011/08/08/bitcoin/
    Peut-être l’important c’est de ne pas être le dernier ^^

  6. Patrice

    @idoric
    « engrammées » : où avez-vous trouvé ce terme ?

  7. idoric

    @Patrice
    Houla, vaste question, c’est exactement comme si vous me demandiez où j’ai bien pu trouvé les termes « balançoire » ou « jouer », je n’en ai strictement aucune idée ! Ceci dit, après une rapide vérification, ça a exactement le sens que je m’imaginais, donc tout va bien :)
    http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/engramm%C3%A9

    @Marco
    Comme je l’ai dit précédemment, je suis obligé légalement d’accepter comme salaire d’être payé en euro, et de ce fait, il faut bien ensuite que je les dépense, sachant que toute personne faisant commerce dans la zone euro sera également obligé de l’accepter en paiement. C’est ce qui est appelé le pouvoir libérateur d’une monnaie, terme qui a de quoi faire rire quand on a compris comment était émis notre monnaie, mais passons.

    Or, le BitCoin n’a pas ce pouvoir libérateur, personne ne pourra jamais m’obliger à payer en BitCoin, par contre tout le monde sera toujours obligé de prendre mes euros. Ce rappel me paraît important, il n’y a donc pas à choisir entre être dans les premiers ou dans les derniers (ou entre deux ;)) à acheter du BitCoin. Il n’en est rien, on peut simplement refuser d’y toucher.

    Petite parenthèse avant d’entrer dans le vif du sujet. Au lieu de parler or, parlons pétrole. En Alaska, les revenus tirés de l’extraction des minerais et du pétrole sur son territoire sont reversés à toute la population sous la forme d’un dividende. Il est tout à fait possible de décorréler complètement le salaire pour la seule extraction, des revenus tirés de la vente elle-même. Et il y aurait quand même encore à un intérêt à le faire.

    Mais là n’est pas le cœur du problème. Mon problème n’est pas l’existence de l’or ou du BitCoin, ou le fait que certaines personnes l’utilisent pour leurs échanges (sur le fond, ce n’est ni plus ni moins que du troc, mais avec quelque chose d’un peu plus stable dans le temps qu’un sac de sel). Mon problème est qu’on parle du BitCoin comme d’une monnaie. Et j’attends d’une monnaie qu’elle facilite les échanges, pas qu’elle avantage certains par rapport à d’autres. Et si encore c’était impossible. Mais si, la TRM propose une solution simple.

    Rappelons dans les grandes lignes de quoi il s’agit. En premier lieu, la TRM montre que le troc pose des problèmes en terme de fluidité des échanges, d’où la nécessité d’une monnaie. Mais à partir de là, il faut s’interroger sur l’équité lors de sa création.

    Prenons une île déserte avec trois comparses, Alice, Bob et Chris. Bob a l’idée géniale d’instaurer une monnaie, et il se propose d’en remettre aux deux autres moyennant un petit intérêt. Il crée donc 10 brouzoufs qu’il partage entre les deux autres, et leur demande 1 brouzouf d’intérêt chacun. On voit bien le problème, il a émis 10 brouzoufs, mais attend 12 en retour, il y a donc un moment où soit il émettra un nouvel emprunt, toujours avec intérêt, auprès de A ou C, soit il paiera un des deux pour un service rendu, toujours par création monétaire. Dans tous les cas, on comprend assez vite que ce banquier est le roi de cet île.

    À ce moment-là, on se dit, OK, pas de problème, il suffit de créer 15 brouzoufs, ils s’en donnent chacun 5, et le problème est réglé. Passons sur ce qui se passerait si l’un des trois se mettait à jouer les usuriers, et concentrons-nous sur ce qui se passerait si Alice et Bob avait un enfant. Ce nouvel arrivant n’était pas prévu au départ. Que faire ? Créer 5 brouzoufs supplémentaires ? Et si quelques années plus tard Chris meurt dans la solitude ? Détruire 5 brouzoufs déjà en circulation ? Difficile si on parle d’une population de plusieurs millions d’habitants.

    Il n’y a pas de solution miracle, mais la TRM montre que du fait d’une espérance de vie relativement stable en zone euro, il est possible d’être grandement équitable entre les générations en émettant régulièrement une somme répartie entre tous les membres vivants de la zone économique concernée. Cette somme, par exemple mensuelle, augmenterait au cours du temps, puisque la masse monétaire globale devient de plus en plus importante, mais là je renvoie à la TRM elle-même :
    http://trm.creationmonetaire.info/

    On notera que pour la zone euro, ce dividende universel serait très modeste, tout au plus à la hauteur d’un RMI de souvenir, alors qu’on parle de quelque chose de bien supérieur pour un éventuel revenu de base. Ce qui est intéressant, c’est que depuis que ces calculs ont été faits pour la zone euro, on constate que dans celle-ci il est créé sur un laps de temps donné, autant ou plus de monnaie nouvelle que ce qui serait prévu dans le cadre d’une monnaie à dividende universel selon la TRM. Sauf qu’actuellement, cet argent n’est créé qu’au bénéfice du système bancaire, c’est donc lui qui a le pouvoir de financer les pans de l’économie qu’il veut voire croître, et pas les autres, bref de décider de notre futur. (bien sûr, à la marge, des dépôts peuvent faire des crédits, mais ça ne suffit pas pour lutter face à celui pour qui ce sont les crédits qui font les dépôts, puisqu’il crée l’argent au moment où il le prête)

    Comme dit plus haut, l’euro, je n’ai pas le choix, je suis obligé de l’accepter et de l’utiliser même s’il est l’expression du pouvoir oligarchique en place. Mais si je devais utiliser une monnaie alternative, une monnaie qui elle ne s’impose à personne, alors celle-là il faudra qu’elle fasse preuve d’équité entre tous ses utilisateurs. Bref, si le BitCoin est une belle prouesse technique, je n’y vois aucun progrès humain, et c’est bien ça dont on a besoin plus que jamais aujourd’hui.

    Au passage, l’or, ça serait très couteux énergétiquement à produire (je ne parle plus d’extraction là), et même si on n’est pas à l’abri d’une révolution des Sciences Physiques, je pense qu’il est plus probable de voir une avancée fulgurante en Mathématiques mettant à bas les techniques de chiffrement utilisées par le BitCoin. Donc, quitte à investir dans une valeur refuge, l’or me paraît bien plus sûr. En plus, il ne tombera pas en panne faute de terres rares ou d’électricité :)

  8. idoric

    @J’informatique
    Un lien vraiment très intéressant, merci pour le partage.

  9. idoric

    Ça faisait un bout de temps que j’avais dans mes trucs à lire une sorte d’essentiel de la Théorie Relative de la Monnaie, en seulement 23 pages, sans pour autant faire l’impasse sur les mathématiques. Le présent fil de conversation m’a donné le courage d’enfin le lire. Bref, si les 145 pages de la TRM vous font peur, je ne saurais trop vous conseiller :
    http://monnaie.ploc.be/

    Mais pour recentrer le débat sur la blockchain, je me suis penché sur ce qui se passait chez ucoin (qui pour rappel implémente un Dividende Universel au sens de la TRM):
    http://www.ucoin.fr/theorie/
    Il y a bien utilisation d’une blockchain, mais il y a une sacré différence avec celle de BitCoin. Le principe même du DU, vu qu’il est versé une et une seule fois à chaque individu, implique l’usage d’une toile de confiance, et puisqu’elle est là, elle est exploitée également pour la preuve de travail qui est différente de celle de BitCoin, et bien moins couteuse en énergie, or la question écologique de l’usage massif de BitCoin est une question qui n’a pas reçu non plus de réponses satisfaisantes.

  10. idoric

    Deux articles pour aller au-delà de la blockchain :

    « a single Bitcoin transaction uses roughly enough electricity to power 1.57 American households for a day »
    http://motherboard.vice.com/read/bitcoin-is-unsustainable

    On the dangers of a blockchain monoculture
    https://tonyarcieri.com/on-the-dangers-of-a-blockchain-monoculture
    Où on repose la question à laquelle a cherché à répondre le BitCoin, pour pouvoir s’ouvrir à d »autres tentatives de réponses.