Tout, vous saurez tout sur Google et l’Open Source

Temps de lecture 8 min

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Cubes at Google - CC-BY-NDProfitons de l’actualité récente de Google, qui a fermé plusieurs de ses services ou s’apprête à le faire (exemple parfait qu’il faut développer et encourager les services Web Open Source pour que, à l’instar des logiciels libres "classiques", leur pérennité soit assurée) pour évoquer la politique du géant incontournable de la recherche (mais aussi de la messagerie électronique, des documents en ligne, de la gestion de photos et j’en passe…) concernant l’Open Source. Chacun sait que Google, même s’il garde jalousement l’algorithme de son moteur de recherche, contribue largement au monde de l’Open Source (Google Summer of Code, GoogleCode, Android etc.). [1]

Cet article, entretien avec Chris DiBona, responsable de l’Open Source chez Google, n’est pas des plus récents, mais il est d’autant plus intéressant à relire aujourd’hui qu’entre-temps Google a sorti son navigateur Chrome (la question de la relation entre Google et Mozilla est abordée dans l’entretien) et s’apprête par exemple à libérer le code d’applications (parce qu’elles n’étaient pas rentables) telles que le réseau de microblogging Jaiku.

Entretien avec Chris DiBona de Google

Interview with Chris DiBona of Google

Sean Ammirati – 26 avril 2007 – ReadWriteWeb
Traduction Framalang : Penguin, Olivier, Don Rico

Il y a quelques semaines, j’ai eu l’occasion d’écouter Chris DiBona, le responsable du programme Open Source chez Google, qui a fait une intervention lors du TiE de Pittsburgh. Pendant la conférence, Chris a donné une présentation extrêmement perspicace de l’état du marché de l’Open Source. Après la conférence, Chris et moi avons échangé des e-mails et il a accepté une interview pour Read/WriteWeb.

Avant de rejoindre Google, Chris était rédacteur chez Slashdot. On peut également lire d’autres réflexions de sa part sur l’Open Source et la vie chez Google sur son blog personnel, et écouter son podcast avec Leo Laporte, sur FLOSS Weekly.

J’ai essayé d’aborder les trois thèmes principaux suivants dans les questions que j’ai posé à Chris :

  • Comment Google tire profit de l’Open Source
  • Comment Google contribue à l’Open Source
  • Questions générales concernant le marché du logiciel Open Source

J’ai décidé de publier l’interview dans son intégralité dans ce billet plutôt que de ne mettre en avant que certaines réponses sur des points particuliers. Ce choix est en partie dû au fait que je les trouvais toutes très intéressantes (même les questions auxquelles Chris ne pouvait/voulait pas répondre). Je conclus ce billet par quelques réflexions personnelles, mais j’aimerais surtout m’appuyer sur l’interactivité que nous offre le web – je vous invite à laisser vos réflexions et vos observations dans les commentaires ci-dessous.

Comment les produits Google tirent-ils profit de l’Open Source

Q : Quel est le processus de vérification avant d’inclure un composant Open Source dans un produit Google ?

R : Nous avons tout une variété d’outils que nous avons écrit pour nous assurer de la compatibilité avec les licences utilisées par les projets Open Source, et nous faisons une revue de code sur les programmes et les bibliothèques en entrée.

Q : Combien de projets Open Source sont utilisés par Google au sein de toutes les applications Google ?

R : Désolé, nous ne donnons pas de chiffres. Un paquet.

Q : Quels projets Open Source sont utilisés le plus activement ?

R : Il existe deux projets qui nous feraient défaut plus que tout autre. Le premier, c’est le noyau Linux, et le second, c’est MySQL. Chez Google, on se sert énormément des deux.

Comment Google contribue-t-il à l’Open Source

Q : Quel est le processus suivi par Google pour décider quels projets doivent être libérés ?

R : Le problème principal est d’avoir une équipe d’ingénieurs pour travailler sur le problème. Nous avons une grande variété d’ingénieurs qui donnent 20 % de leur temps pour libérer des logiciels qu’ils souhaitent voir distribuer par l’entreprise. Il faut aussi procéder à quelques petites vérifications légales concernant les marques et les brevets.

Q : Quel est le projet du "Summer of code" de l’année dernière dont vous êtes le plus fier ?

R : En choisir un seul, c’est impossible ! J’étais surtout fier que nous ayons été capable de collaborer avec autant d’étudiants dans autant de pays. C’était un bel exploit de faire fonctionner un programme d’étude réellement mondial.

Q : Quelles sont les autres initiatives (hormis le Summer of code) pour soutenir des projets Open Source ?

R : Nous consacrons de grosses sommes d’argent et beaucoup de temps à des projets tels que le OSU Open Source Labs, les projets Apache, l’EFF, les creative commons et d’autres réussites plus modestes comme MusicBrainz. Nous employons également des tas de développeurs qui travaillent sur des projets extérieurs pendant leur temps de travail. Par exemple, nous employons Andrew Morton, le second dans la hiérarchie de Linux, Jeremy Allison, co-développeur de Samba, Guido Van Rossum de Python, et de nombreux autres.

Questions diverses sur le "Marché de l’Open Source"

Q : A votre avis, dans quel domaine du logiciel se créera-t-il le plus de projets Open Source, l’année prochaine ?

R : Je n’ai pas d’opinion à ce sujet. Je pense que tout ce qui concerne la VoIP va continuer à se développer et s’avérer très excitant.

Q : Pensez-vous qu’il existe des logiciels commerciaux qui soient spécialement vulnérables à un rival Open Source émergent ?

R : Je pense que le terme vulnérable n’est pas le bon. Voici comment je vois les choses : si une entité commerciale constate qu’elle ne peut plus vendre son logiciel parce qu’un projet open source viable a emergé pour les supplanter, elle doit décider si elle veut se lancer dans la vente de services autour d’offres open source, ou sortir de ce secteur d’activité précis. IBM a réalisé un boulot incroyable après avoir opté pour la première solution.

Q : Quel est le point de vue de Google sur les différentes licences Open Source ?

R : Nous pensons qu’il y en a trop, et c’est pour cela que nous n’en supportons qu’une partie dans notre système d’hébergement de projet sur code.google.com. Cette partie inclut les licences que nous considérons comme les plus importantes : les BSD, Apache, GPL et certaines autres. Cela reflète la façon dont nous les voyons en interne. J’aime à penser que nous avons un point de vue très nuancé sur la façon d’adapter ces licences en interne.

Q : D’après vous, quel pourcentage des projets GPL actuels vont, à votre avis, migrer vers la version 3 de la GPL ? Et quel effet cela aura-il ?

R : Tous les projets de la FSF vont migrer, ainsi que Samba. D’autres migreront plus tard si les drafts de la GPLv3 continue d’évoluer dans la même direction, aussi l’effet sera-t-il plutôt mineur. Cela dit, à chaque révision de licence, il y aura une période de confusion pendant laquelle les gens modifieront leur point de vue pour incorporer la nouvelle licence.

Q : Puisque la plupart des produits Google sont liés au navigateur, et étant donné que Firefox 3 sera un ‘fournisseur d’information’ et supportera les applications web hors-ligne, les relations de Google avec Mozilla semblent cruciales pour les années à venir. Comment Google se rapproche-t-il donc de Mozilla concernant ces développements ?

R : Je ne gère pas les relations avec Mozilla, je vais donc passer sur cette question. Nous sommes heureux qu’ils soient impliqués dans le ‘Summer of Code’, c’est certain !

Conclusion

Dans l’interview qu’à donnée Eric Schmidt à John Battele à l’expo Web 2.0 de la semaine dernière, Eric a évoqué les quatre ‘moteurs principaux’ sur lesquels s’appuie Google (cf. interview sur YouTube – la référence aux quatre moteurs principaux commence @ 7:28). La première consiste à "construire les super-ordinateurs les plus intéressants du monde, qui feront fonctionner de nouveaux services de données, d’applications, de recherche et bien d’autres". Note : les trois autres ‘moteurs’ sont les services pour l’utilisateur final, la publicité et l’adaptation à leur culture particulière.

Bien que Google n’ait pas libéré l’algorithme de son ‘page rank’ (NdT : classement des pages) ni d’autres morceaux de ses systèmes, il m’a paru intéressant d’étudier l’engagement de Google dans l’Open Source puisque cela concerne la construction de super-ordinateurs. Il est presque certain que la seule entreprise en mesure de recréer des application comme MySQL et Linux est Google. Quoiqu’il en soit, ils ont plutôt choisi d’adopter et de supporter les différentes communautés Open Source et de tirer profit de leurs outils existants.

De plus, je trouve les observations de Chris sur IBM "qui vend des services autour de l’offre Open Source" particulièrement pertinentes. Il s’agit là d’un prolongement intéressant de certains sujets discutés à l’expo Web 2.0 sur les modèles de commerce Open Source.

Enfin, j’aimerai remercier Chris d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je sais qu’il est débordé, et j’espère que vous aurez trouvé l’interview aussi intéressante que moi.

Notes

[1] Crédit photo : revdancatt (Creative Commons BY-ND)

8 Responses

  1. Résine

    merci pour cette traduction d’interview, mais ça ne change pas mon impression mitigée sur google : le loup dans la bergerie ou un vrai gentil qui veut que du bien au logiciel libre ? ….. wait and see comme ils disent

  2. mb

    Intéressant …

    Juste pour la traduction, il me semble que "bibliothèque" soit plus adaptée que "librarie" au niveau logiciel et en français. Juste une autre remarque : "nous pensonS" … Merci pour les efforts !

  3. Pee2

    Tout comme résine, merci pour cette traduction d’interview !

  4. André Cotte

    « le loup dans la bergerie ou un vrai gentil qui veut que du bien au logiciel libre ? »

    Quand on est coté en bourse, il est difficile de rester toujours le vrai gentil qui veut que du bien. Les actionnaires ont une autre définition du bien… 😉

    N’engraissons pas trop vite le loup…

  5. J

    quoi ? le libre est une bergerie ? moi je vois plutot une meute, et google est juste un loup plus aggressif que les autres voila tout …

    microsoft c’est plutot les moutons, beee…

  6. Jack

    Dommage que cet article ne parle que du côté sympa de Google. Le soutien au logiciel libre, même s’il est réel et spectaculaire, ne résume certainement pas l’activité de Google. Par ailleurs, pourquoi ne pas évoquer toutes les applications non libres proposées par Google ? Elles sont pourtant très largement majoritaires…

    Il faut lire les lettres des fondateurs aux actionnaires, et comparer par exemple la première et la dernière:
    http://investor.google.com/ipo_lett
    http://investor.google.com/2007_fou

    Le ton change, devient plus conventionnel. Les objectifs, eux, ne cessent de grossir. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’organiser l’accès à l’information au niveau mondial, dans tous les domaines. Avec des fleurs, avec amour, avec une grande bonté et une grande générosité, Google, étape après étape, conquiert le monde.

    Le fait que les dirigeants de Google soient de bonne foi ne change rien: la question qui se pose, c’est: voulons-nous vivre sous un gouvernement de Google ? Voulons-nous lui donner tout pouvoir ? Que devient la démocratie sous Google République ?

    Je terminerai par une petite réflexion sur les services publics, dans lesquels on pourrait bientôt ranger Google à défaut d’en avoir créé de meilleur:
    "Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité."
    Il ne s’agit que du préambule de la Constitution de 1946, qui est toujours intégré à notre Constitution actuelle (<http://www.legifrance.gouv.fr/html/…), et qui faisait l’objet d’un interprétation stricte jusque dans les années 80. Après, le Conseil constitutionnel a bizarrement changé sa doctrine.

    Au risque de m’attirer des foudres, je dirais que nous savons ce qu’il nous reste à faire… Remarque, cela s’applique aussi à Microsoft, mais qui voudra récupérer les sources de Windows ?

  7. kaneda aka tetsuoka

    Ah le Framablog ! Merci pour ce nouvel article. J’en viens à lire tout cela de manière quotidienne comme un bon journal qu’on ouvre chaque matin…