Contribuer à un logiciel libre dans une formation en école d’ingénieur

Temps de lecture 9 min

image_pdfimage_print

Des étudiants de l’Université de Technologie de Compiègne effectuent, dans le cadre de leur cursus, des Travaux de Laboratoire consistant à avancer sur des tickets du projet Framadate (qui n’en manque pas), avec le soutien de leur enseignant Stéphane Crozat (dont on vous reparlera) et du CHATONS local Picasoft. Leurs travaux sont documentés dans un wiki et leur avancement dans des pads.

De la belle contribution utile !


Pour commencer, une petite présentation s’impose : je m’appelle Justine et je suis en première année de formation ingénieur en informatique à l’UTC (Université de Technologie de Compiègne). Lors de ce semestre, c’est-à-dire lors des quatre derniers mois, et dans le cadre de ma formation (ce travail, après évaluation, pourra m’apporter 5 crédits ECTS), j’ai eu l’occasion de contribuer au logiciel libre Framadate. Cet article se veut être un bilan de mon expérience.

 

Contribuer à un logiciel libre, était-ce différent d’un projet « classique » ?

À l’UTC, les étudiants sont évalués selon des barèmes différents d’une matière à l’autre. En informatique, l’évaluation comprend souvent un projet (qui ne correspond pas souvent à plus de 20 % de la note finale). Ce projet a des objectifs largement pertinents, comme vérifier sur un cas pratique que les étudiants ont assimilé la théorie qui leur a été enseignée. Cependant, j’ai souvent éprouvé une certaine frustration vis-à-vis  de ces projets. En effet, une fois rendu, évalué et donc noté, le projet tombe dans l’oubli : pas d’utilisation réelle, pas d’amélioration, une sorte de produit déjà mort à sa sortie. Ainsi, l’idée de travailler sur un logiciel  libre, avec des utilisateurs bien réels derrière, m’a semblé extrêmement pertinente et bien différente des projets que j’avais déjà pu mener.

Est ce que ces différences ont entraîné des difficultés ?

Les premières difficultés rencontrées ont été celles posées par l’installation et la prise en main de l’environnement de travail, proposé par les suiveurs. Alors que la plupart du temps, pour mener à bien les projets classiques, les installations des environnements sont déjà faites sur les machines de l’UTC, cela n’était pas le cas cette fois. Composé de nombreux outils (principalement Docker et Git au sein de Linux), l’installation de notre environnement a été relativement lourde et laborieuse. Une fois installé, l’environnement est au premier abord difficile à prendre en main : de nombreuses lignes sont à exécuter dans l’interpréteur de commandes avant de pouvoir tester le code.

Mais les difficultés les plus compliquées à surmonter ont été celles posées par le projet en lui-même. D’abord parce que les langages utilisés (SQL, PHP orienté objet, Javascript, HTML via le moteur de templates Smarty…) ne m’étaient pas ou peu connus. Ensuite, et surtout, parce qu’il m’a paru très compliqué de m’insérer dans un projet déjà bien développé (dans un projet « classique » à l’UTC, on part de rien, on développe tout), projet dont l’architecture n’est pas (ou très peu) documentée. Sa compréhension a donc nécessité beaucoup de temps et d’efforts, j’y reviendrai.

Comment s’est organisée ta contribution ?

Cette contribution a été organisée selon une méthode de type agile : le travail est découpé en itérations de six heures chacune, une itération par semaine. Le semestre a ainsi été rythmé par des réunions de suivi hebdomadaires avec les suiveurs, Stéphane Crozat et Andrés Maldonado, chargés d’accompagner et d’évaluer le travail. Sur chaque itération, nous déterminions donc ensemble l’objectif à atteindre pour la semaine suivante, et je déterminais seule l’articulation de mon travail (combien d’heures je devais passer à réaliser telle tâche). La contribution s’est articulée en deux volets : un volet de développement (qui consistait en la résolution de trois issues ouvertes sur le projet) et un volet de documentation (via le wiki de l’association Picasoft).

Concrètement, qu’as-tu apporté à Framadate ?

Comme évoqué plus haut, l’architecture du projet n’était que très peu documentée. Ainsi, afin de travailler efficacement sur le projet, j’ai préféré commencer par passer plusieurs heures (concrètement une vingtaine) à explorer le projet et documenter au maximum ce que j’en comprenais (les classes implémentées, leur articulation au sein du projet…). Un travail étudiant comme celui-ci est aussi l’occasion d’apprendre à formaliser et documenter, mon travail est disponible ici.

Ce n’est que dans un second temps que j’ai réellement commencé mon travail de résolution d’issues, et donc de développement et de documentation du travail réalisé. J’ai préféré travailler ces deux volets en parallèle, afin de restituer le travail réalisé lorsque tout était encore frais dans mon esprit. J’ai ainsi pu travailler sur trois issues :

Issue #38 : collecter les adresses e-mail des sondés
L’idée est de permettre à l’administrateur de choisir de collecter (ou non) les adresses e-mail des sondés. Si l’administrateur choisit la collecte, alors la saisie d’une adresse de courriel valide (respectant le format e-mail) est obligatoire pour voter. La collecte s’accompagne d’une fonctionnalité permettant à l’administrateur de récupérer efficacement l’ensemble des adresses des personnes sondées.

A la création d’un sondage, l’administrateur choisit s’il collecte ou non les adresses emails des sondés.

 

Un avertissement informe que, dans le cas où les votes sont modifiables par tous, n’importe qui ayant accès au sondage peut récupérer les adresses emails des sondés.

 

Pour voter, lorsque la collecte des adresses emails est active, une adresse email valide doit être renseignée. L’administrateur peut récupérer la liste des adresses emails des sondés grâce aux boutons enveloppe situés au dessus de chaque colonne. Si la collecte est active et que quiconque peut modifier tous les votes, un avertissement informe que n’importe qui peut accéder aux adresses emails des sondés.

 

En cliquant sur un bouton enveloppe, l’administrateur récupère les adresses emails des sondés triées selon leur choix (‘oui’, ‘si besoin’ ou ‘non’).

 

Issue #324 (et #61) : Amélioration de l’option de collecte des adresses e-mail des personnes sondées. L’idée était d’améliorer le travail réalisé précédemment en passant la collecte des adresses de courriel sous quatre options différentes :

  • option 1 : la collecte est désactivée ;
  • option 2 : la collecte est activée ;
  • option 3 : la collecte est activée et la saisie est obligatoire ;

option 4 : la collecte est activée, la saisie est obligatoire et le vote doit être confirmé par un clic sur le lien envoyé dans un mail à l’adresse renseignée (cette dernière option n’a pas été implémentée car le service d’envoi d’e-mail est inutilisable au sein de l’installation).

A la création d’un sondage, l’administrateur choisit une des quatre options pour son sondage. De même que précédemment, un avertissement informe si les adresses emails des sondés ne sont pas protégées.

 

Issue #208 : permettre la finalisation d’un sondage par l’administrateur
L’idée était d’ajouter une fonctionnalité pour l’administrateur de clôture de sondage et de lui permettre :

  • de sélectionner le choix retenu ;
  • de justifier son choix.
Dans les informations du sondage, l’administrateur et l’utilisateur sait si le sondage est encore ouvert ou s’il est fermé (ici, il est encore ouvert). L’administrateur peut fermer le sondage en cliquant sur le bouton.

 

Une fois le sondage fermé, l’administrateur peut sélectionner le choix qu’il retient grâce au bouton au dessus de chaque colonne. La valeur de ce choix est visible dans les informations du sondage, côté administrateur et côté utilisateur.
Une fois un choix sélectionné, l’administrateur peut justifier son choix. La valeur de cette explication est visible dans les informations du sondage, côté administrateur et côté utilisateur.

Chacune de ces résolutions d’issues a fait l’objet d’une merge-request. C’est un processus itératif très intéressant à découvrir au sein duquel on peut interagir avec les développeurs logiciel et web de Framasoft qui vont vérifier le travail proposé et en demander des corrections.

Tout au long de mon travail, j’ai pu ainsi interagir avec différents interlocuteurs : les suiveurs bien sûr, Stéphane Crozat et Andrés Maldonado, mais aussi Thomas Citharel, développeur logiciel web chez Framasoft, et Kyâne Pichou, diplômé de l’UTC. Je tiens à remercier tous ces interlocuteurs pour leur soutien et leurs conseils, je pense qu’il est indispensable d’être bien accompagnés dans ce processus de contribution afin qu’il soit efficace et utile à tous.

Finalement, quels sont les apports au sein de ta formation ?

Contribuer à Framadate m’a d’abord permis de gagner en compétences d’utilisation des outils utilisés (Docker, Git, Linux) et en développement web : interface, base de données,…. Mais cette contribution m’a surtout fait gagner énormément d’indépendance et d’autonomie vis-à-vis d’un projet déjà existant et bien développé, ce qui est très formateur et pertinent en amont de mon futur stage (six mois en entreprise à partir de septembre).

Que faudrait-il retenir de cet article ?

Contribuer à un logiciel libre au sein de la formation en école d’ingénieur constitue une expérience très pertinente pour compléter le profil théorique et « scolaire » d’un étudiant. Cette expérience permet de faire face à de nouvelles difficultés, et ainsi développer de toutes nouvelles aptitudes.

 

En savoir plus :

ECTS : European Credits Transfer System, calculés en fonction de la charge de travail de l’étudiant , ils permettent l’obtention des diplômes français (et européens).

Picasoft est le CHATON créé par les étudiants de l’UTC.

  1. Alexandre Hocquet

    Merci pour ce retour d’expérience. j’y vois un argument du mêm style pour les devoirs sous forme de contribution à des articles Wikipédia : contribuer à quelque chose d’utile pour la société plutôt que de pomper des articles Wikipédia pour finir dans les placards des enseignants.