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Pendant longtemps, acheter un objet signifiait pouvoir en disposer pleinement. Mais l’ère Google est arrivée, et les temps ont bel et bien changé.
Désormais, il faut composer avec des objets toujours connectés à leurs fabricants et à leur nouveau credo : l’obsolescence imposée, ou comment vous vendre un produit tout en gardant les pleins droits dessus. Quand il est possible de ne pas se contenter de l’argent du beurre, certains semblent ne pas se priver.
Google s’introduit au domicile de ses clients et neutralise leurs appareils connectés.
par Cory Doctorow
Source : Google reaches into customers’ homes and bricks their gadgets
Traduction Framalang : Piup, touriste, teromene, MagicFab, lumi, morgane, Pouhiou, simon, Blanchot, line, Diab, Penguin, herodor, lamessen, scailyna, tripou et quelques valeureux anonymes
Revolv est une centrale de contrôle pour maison connectée dont Google a fait l’acquisition il y a 17 mois. Hier, Google a annoncé qu’à partir du 15 mai (2016, NdT), tous les Revolvs, où qu’ils soient, seraient mis hors-service et deviendraient inutilisables. La section 1201 de la loi américaine sur les droits d’auteur numériques (Digital Millennium Copyright Act, DMCA) précise que toute personne essayant de créer un système d’exploitation alternatif pour le Revolv commettrait un délit et risquerait jusqu’à 5 ans de prison.
Revolv est apparemment mis hors service parce qu’il n’a pas sa place dans les projets que Google prévoit pour Nest, son autre acquisition en matière de technologie domestique. La foire aux questions (FAQ) de Google indique à ses clients que tout cela est normal, car la garantie de ces objets a expiré, et que de toute manière, tout était indiqué en petits caractères dans les conditions qu’ils ont lues, ou au moins vues, ou pour lesquelles ils ont au minimum vu un lien quelque part.
Ce n’est pas encore un tremblement de terre, mais une secousse annonciatrice. Qu’il s’agisse de votre voiture, de vos ampoules ou de votre stimulateur cardiaque, les objets que vous possédez reposent de plus en plus sur des logiciels en réseau. Supprimez ces logiciels et ils deviennent des déchets électroniques inutilisables. Une entreprise vendant uniquement du matériel n’existe pas : les marges de profits ridiculement faibles sur le matériel obligent chaque entreprise de ce secteur à s’orienter vers le domaine du service et des données, et presque sans exception, ces entreprises utilisent les DRM (gestion des droits numériques) pour obtenir le droit de poursuivre en justice les concurrents qui fournissent les mêmes services, ou qui donnent à leurs clients la possibilité d’accéder à leurs propres données sur le matériel d’une entreprise concurrente.
Nous venons d’entrer dans une ère où les lave-vaisselle peuvent refuser de laver la vaisselle d’un autre fournisseur, et où leurs fabricants peuvent poursuivre en justice quiconque essayerait de fabriquer de la « vaisselle compatible ». Vous vendre un grille-pain n’avait jamais donné le droit au fabricant de vous dicter le choix de votre pain, pas plus que fabriquer un lecteur CD n’accordait à un fabricant le droit de contrôler le type de disque que vous souhaitez lire.
Si la dernière loi sur les droits d’auteur numériques (DMCA) a réussi à perdurer, c’est parce que nous considérons simplement comme une arnaque à la petite semaine des pratiques nous obligeant, par exemple, à acheter à nouveau un film que l’on a en DVD pour pouvoir le regarder sur son téléphone. Dans les faits, les règles du DMCA créent un système qui permet aux entreprises d’être les réels propriétaires de ce que vous achetez ; vous pensez acheter un objet, mais en réalité vous n’achetez tout simplement que le droit d’utiliser cet objet : c’est-à-dire une licence régie par des conditions d’utilisation que vous n’avez jamais lues, et encore moins approuvées, mais qui octroient à ces entreprises le droit de pénétrer chez vous et d’y faire ce qu’elles veulent avec le matériel que vous avez payé.
En somme, c’est un aimable et retentissant « Allez vous faire foutre » envoyé à toutes les personnes qui leur ont fait confiance en achetant leur matériel. Cette annonce a été faite longtemps après le rachat de l’entreprise par Google, il s’agit donc bien des paroles de Google sous la direction de Tony Fadell. Il faut également relever que pour les utilisateurs de ces objets connectés, la seule façon d’être informé de leur mutinerie est de se rendre sur le site Internet de Revolv alors même que Google dispose de l’adresse mail de ses clients.
Écoutez, je suis un grand garçon. Ce n’est pas la fin du monde. Il se trouve que je peux résoudre le problème en achetant un appareil de remplacement, tel que la centrale de contrôle produite par SmartThing, une entreprise appartenant à Samsung. Cet appareil n’est pas très cher, quelques centaines de dollars. Mais je suis vraiment inquiet. Cette initiative de Google soulève une série d’interrogations inhérentes à tout le matériel vendu par cette même société.
Quel sera le prochain appareil que Google décidera de neutraliser ? S’ils arrêtent le support d’Android, vont-ils décider que dès le lendemain de l’expiration de la dernière garantie, votre téléphone va s’éteindre à jamais ? Votre appareil Nexus est-il à l’abri ? Quid de votre alarme incendie ou de votre détecteur de fumée Nest ? Quid de votre Dropcam ? Et votre appareil Chromecast ? Google/Nest ne risque-t-il pas un jour de mettre votre famille en danger ?
Dans tous ces appareils, les aspects logiciels et matériels sont inextricablement liés. En vertu de quoi l’expiration d’une garantie donnerait-elle le droit de désactiver le fonctionnement d’un appareil ?
Arlo Gilbert/Medium, The time that Tony Fadell sold me a container of hummus.
Yaen Pujol
bonjour,
comme quoi, le seul objet à connecter c’est l’ordinateur et encore avec un Linux dedans. 😉
cyril
Comme quoi, luttons contre notre numérisation. Redevenons des êtres humains de chair et sensible. Déconnectons-nous!
Pour un avenir de raison, détruisons les laisses informatiques
Gina
J’ai rarement un commentaire aussi stupide XD
T’as l’air de lutter à mort la !
On en parle sur facebook, par sms, par mail ??
liums
relativise, relativise :p
entre etre internaute regulier, et avoir sa maison entiere qui depend de matos informatique que tu ne controle pas, y’a un grand pas quand meme !
Marjolie
Dans le cas de ce produit, Google arrête de fournir le service d’interconnexion qui est utilisé par le bidule.
Le bidule ne peut pas fonctionner sans ça.
Si ton opérateur de téléphone mobile arrête son service de téléphonie GSM, ton téléphone ne fonctionnera plus non plus. Mais heureusement tu pourra prendre un abonnement auprès d’un concurrent pour continuer à utiliser ton téléphone.
Là le bidule est spécifique aux services de Nest/Google. Donc plus de service, plus de bidule.
Tout est dans le nom « centrale de contrôle pour maison connectée ». Si elle est plus connectée, elle marche plus.
Il fallait y penser au moment de l’acheter, parce qu’il faut quand même être bien naïf pour croire qu’une société privée va entretenir à vie un service qui lui coûte cher, pour que tu puisses utiliser un gadget que tu n’as payé qu’une fois.
Florian
D’accord, mais quid de ceci ? Revolv propose de rembourser l’achat ?
« How can I get customer support?
If you’re a current Revolv customer, please email us at help@revolv.com so we can help you out during this transition and provide you with a refund of the purchase price of your Revolv hub. »
sur http://revolv.com/
Ginko
+1 Marjolie… bon à noter que si l’esprit perspicace y pense, le consommateur lambda, lui, n’y pensera jamais… et j’ai quand même du mal à le blâmer pour cela.
Pour rebondir sur l’article : ça me fait furieusement penser à Ubik de Philip K. Dick
— ATTENTION SPOILER ! —
avec tout ce mobilier qui refuse de fonctionner si on les paie pas. Évidemment ce ne sera jamais aussi absurde que dans Ubik : payer chez soi chaque appareil avec de la monnaie. Mais une vision d’un monde où l’on n’est plus propriétaire de l’ensemble des biens mais seulement locataire.
Fred
@Marjolie
Pas d’accord avec cet avis : si mon opérateur mobile arrête son service, mon téléphone peut encore booter et utiliser ses fonctions locales. Ici, on parle d’appareils qui, sous couvert d’être connectés, refusent de remplir leur fonction de base (purement locale) dès lors que la connexion est perdue.
Si j’ai une centrale domotique, un grand nombre de ses fonctions n’ont pas de raison d’accéder à l’extérieur (je dirais même qu’à part les fonctions servant au flicage des utilisateurs …), et elle doit donc pouvoir fonctionner en dégradé quand la connexion est perdue.
liums
ca depend comment ca a ete fait; si c etait vendu en tant que « centrale ne fonctionnant seulement en ligne » c est une connerie de la part des acheteurs, bien que le procédé de google soit clairement degeulasse !
xavier seo
Nous sommes décidément dans une époque schizophrénique; je t’aime, moi non plus !
LeChi
Cette manière qu’a Gogol de rendre les clients locataires au lieu de propriétaires dénature les efforts des partisants du développement durable. Un des objectifs du DD est de laisser la propriété d’un objet à son fabricant (pas à un vendeur… leasing). L’idée est que si votre voiture a un défaut, elle est remplacée par le fabricant. Si elle est usée, il la remplace. De fait, a-t-on réellement besoin d’être propriétaire de sa voiture, ou le simple louage du service de la fonction n’est-il pas suffisant?
Il serait nécessaire de contrecarrer cette négation gogolienne du DD.
Typo
« Support for your building ceased.
Consider upgrading it.
Micropple support »