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Pour accompagner vers le Libre les organisations qui agissent pour l’Économie Sociale et Solidaire, il fallait davantage qu’un guide. Il fallait un outil évolutif, un outil que ces organisations puissent modifier, tronquer, bidouiller, bref s’approprier les contenus pour mieux les adapter à leurs particularités. Audrey nous présente [RÉSOLU], un projet contributopique…
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.
[RÉSOLU] Un pas de plus dans Contributopia
Framasoft s’est associée au Chaton Picasoft et à la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA dans la réalisation de [RÉSOLU], un projet d’éducation populaire qui vise à accompagner l’adoption d’outils libres par les associations et les organisations de l’Économie Sociale et Solidaire.
Pour les accompagner dans leur transition, nous publions aujourd’hui un ensemble de fiches didactiques, sous licence libre et aux formats PDF, web et papier. Quelle est notre démarche ? D’abord présenter aux acteur⋅ice⋅s de l’ESS la nécessaire cohérence entre leurs valeurs et celles inscrites dans les outils numériques qu’iels utilisent, puis leur faciliter la prise en main de solutions alternatives libres.
Plus qu’un guide, [RÉSOLU] est un mouvement qui souhaite rapprocher les communautés du Libre et de l’ESS. Il s’agit de défendre nos libertés numériques et de promouvoir un modèle de société fondé sur la solidarité et le partage.
Pour contribuer à faire vivre ces [R]éseaux [É]thiques et en savoir plus sur les [S]olutions [O]uvertes pour [L]ibérer vos [U]sages, rendez-vous sur le site de Framabook et de [Résolu] !
À la recherche de cohérence entre valeurs éthiques et usages numériques
Si vous avez déjà recherché la solution à un problème informatique sur des forums en ligne, la mention « [RÉSOLU] » vous est sans doute familière. Lorsque vous la croisez dans le titre donné au problème à résoudre, c’est bon signe : elle précise qu’une des solutions proposées a effectivement résolu le problème initial.
Le problème auquel nous souhaitons apposer la mention [RÉSOLU] s’ouvre par la question suivante : comment se fait-il que tant d’organisations qui promeuvent des principes de solidarité, de partage, d’accessibilité et d’émancipation agissent avec des outils numériques privateurs et peu respectueux de ces considérations éthiques ?
Si nous nous posons cette question, c’est parce que nous pensons que construire un monde meilleur, comme s’y emploie l’Économie Sociale et Solidaire, n’est possible qu’avec des outils numériques qui nous donnent toute la liberté de le faire. Avec le projet [RÉSOLU], nous souhaitons établir une forte cohérence entre les pratiques numériques des membres de l’ESS et les valeurs qu’iels partagent avec la communauté libriste.
Soyez donc [RÉSOLU]E.S à ne plus servir, et vous serez libres
La célèbre maxime d’Étienne de La Boétie porte en elle la démarche du projet [RÉSOLU] : s’extraire de la servitude aux outils privateurs de libertés numériques. Il s’agit de commencer par comprendre la nature de la servitude, de vouloir ensuite s’en extraire, puis d’être en capacité de le faire. [RÉSOLU] se propose d’accompagner ce cheminement, en se rapprochant au plus près des besoins et des aspirations des associations quant à leurs pratiques numériques.
Concrètement, cela se traduit par la mise à disposition d’un ensemble de fiches théoriques et pratiques, classées selon trois types d’actions collectives : collaborer, communiquer et organiser.
Réalisée avec le soutien de la Fondation Free, la première version de cette collection prend la forme d’un manuel au format PDF, disponible sur le site de Framabook, et d’un site web (soyezresolu.org) où vous pourrez naviguer entre les fiches et les exporter séparément en PDF.
Les fiches théoriques ont pour but d’ancrer les enjeux d’un changement des usages numériques dans le contexte de l’ESS. Il s’agit par exemple de comprendre en quoi la confidentialité des données personnelles se joue dans le choix des logiciels que l’on utilise pour communiquer, et pourquoi il est important de se poser cette question, que l’on soit militant ou non.
L’idée n’est pas de porter un discours culpabilisant, mais d’exposer les enjeux politiques, économiques et sociaux associés aux choix d’outils numériques. Si les associations portent une grande attention à ces enjeux pour définir le périmètre de leurs activités, l’objectif de [RÉSOLU] est de les convaincre qu’il est dans leur propre intérêt d’élargir cette attention à leurs usages numériques.
Les fiches pratiques ont un rôle tout aussi crucial : présenter des solutions alternatives libres et accompagner leur prise en main, avec des méthodes et des cas de figure concrets. Par exemple, une fiche consacrée au service Nextcloud explique comment partager des documents de façon sécurisée et comment synchroniser des agendas ; une autre sur le logiciel Garradin détaille comment reprendre le contrôle sur ses données de comptabilité. Mais [RÉSOLU] est plus qu’un catalogue…
Ces fiches proposent de découvrir les fonctionnalités utiles à l’organisation, la communication et la collaboration au sein de structures associatives, institutionnelles ou privées. Elles suggèrent quelques bonnes pratiques et avertissent des éventuelles difficultés ou limites à prendre en compte. En effet, accompagner le changement implique d’être transparent sur les risques et les obstacles potentiels ; [RÉSOLU] ne les efface pas, mais soulève les questions à se poser pour adopter les logiciels libres dans les meilleures conditions possibles.
[RÉSOLU] est entre vos mains : construisons ensemble les réseaux qui libèrent !
L’identification de solutions libres correspondant aux besoins de son organisation et la compréhension des raisons et des moyens de leur adoption constituent une avancée certaine vers la libération des usages numériques. Vous êtes résolu⋅e et prêt⋅e à le faire ? Allons-y ensemble !
S’il est nécessaire d’avoir confiance en soi pour se diriger sereinement vers un terrain inconnu, il est aussi important d’avoir confiance en ses compagnons d’aventure. Les associations qui ont déjà adopté des outils libres, les hébergeurs du CHATONS, les organismes d’éducation populaire et toute autre structure qui souhaite accompagner celles qui en ont besoin sont autant de contacts possibles pour ne pas avancer isolément.
Utilisé comme support pour des formations animées par les CEMÉA, nous espérons que [RÉSOLU] le sera aussi par un grand nombre d’acteur⋅ice⋅s de l’éducation populaire. Des exemplaires imprimés de [RÉSOLU] sont distribués de main en main (au sein des CEMEA, ou lors d’événements auxquels participeront Framasoft et Picasoft), auprès des organisations et des personnes intéressées par l’obtention d’une version papier.
Néanmoins, c’est d’abord aux utilisateur⋅ice⋅s de s’emparer de [RÉSOLU]. Les versions électroniques sont donc disponibles sous licence CC BY-SA, afin de multiplier les supports :
- des versions PDF à des fins d’impressions et les sources au format ouvert pour modifications et enrichissements sur Framabook ;
- une version web sur soyezresolu.org, avec la possibilité d’exporter chaque fiche en PDF.
Le projet [RÉSOLU] évoluera au gré de vos contributions : si vous le souhaitez, vous pouvez améliorer le graphisme ou la rédaction des premières fiches, en créer de nouvelles, ou encore participer au développement de la version web (rendez-vous sur le dépôt du projet).
Diffusez ! modifiez ! publiez !
Pour en savoir plus, vous pouvez contacter Picasoft (@), Framasoft (@) et la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA (@) via leurs comptes Mastodon.
— Billet édité le 28/06/2020, 17h45.
1000i100
Super initiative ! Je vais lire et diffuser je pense !
PS : J’ai croisé 2 coquilles dans l’article :
Nexcloud
nosu espérons
Goofy
merci de tes compliments et de ta vigilance 🙂 (c’est corrigé)
Medug
Bonjour,
Ce guide est louable mais qu’apporte-t-il de plus que framasoft et sa bibliothèque d’outils libre ?
[Résolu] nous perd encore un peu plus dans les méandres du libre.
On arrive a une situation digne des distri Linux. Une pléthore de sous projet où rien n’est complètement abouti, rien n’est unifiée, où la bidouille rend inaccessible la moindre installation pour l’utilisateur lambda et où la maintenance et l’évolution du projet ne tiennent qu’à la motivation de quelques programmeurs.
Cette dilution des efforts fait perdre un temps précieux au libre et les goowindopple s’en ravissent.
C’est la même chose dans le milieu associatif, une flopée de petite assos voisines qui font à peu près la même chose qui se connaissent à peine et qui ne se regroupent pas parce que les égos, la couleur du logo et les subventions ne se partagent pas.
Avant [RESOLU] il y a déjà le projet [PERDU] Pour Établir Rapidement une Démarche Unifiée.
Contributopia, c’est beau ça sonne bien. Mais c’est vague, peu concret.
Dégooglisons Internet, c’est net et précis, binaire. Logiciel captif => Bim!=> logiciel libre alternatif
Moins de Bla bla; plus de schéma!
Je suis conscient que le critique est facile, mais par pitié, ne vous perdez dans des digressions utopiques, concentrez vos efforts sur un ou deux projets. Finalisez les, défendez les, fédérez les!
Vous avez mon soutien plein et entier.
Encore merci.
pyg
Bonjour Medug,
merci pour ton commentaire.
Ca fait plus de 20 ans que j’entends cette critique du « Le libre, c’est trop le bordel, on voudrait *un* point d’entrée clair et bien foutu, svp ». J’ai moi-même émis cette critique, d’ailleurs.
C’est légitime, mais … ça n’est pas comme ça que fonctionne le libre, et j’ai mis des années à comprendre pourquoi.
Je partage donc ma réflexion, qui ne vaut que pour moi (d’où l’utilisation du « je » ci-dessous), mais qui peut être t’aidera à comprendre mon point de vue.
Je ne voulais à l’époque qu’une distribution Linux (et non des milliers), un seul annuaire (celui de Framasoft tant qu’à faire), un seul guide, un seul logiciel de retouche d’images, etc.
Mais ça m’aura pris des années pour comprendre que le côté « bazar » du libre ne vise pas aux mêmes objectifs que ceux que la société de consommation/compétition essaie de nous imposer (relire https://archive.framalibre.org/IMG/cathedrale-bazar.pdf même si ça a plus de 20 ans peut être utile).
1. Je ne pense pas que le libre ait besoin de « gagner » : ça n’est pas une lutte du bien contre le mal. On est dans un monde de compétition, mais je m’intéresse plus aux valeurs défendues par le libre que par ses parts de marché. Ca a été difficile pour moi de faire le deuil du « Mais enfin, il faut qu’on fasse croître le taux d’adoption du libre ! » et autres « On se bat pour #lesgens, donc il faut que le maximum de #lesgens utilisent du libre ». Non, me concernant je ne fais pas du libre pour passer de 2% de postes de travail sous linux à 20% puis 50% puis 100%. Je le fais parce que le modèle et les valeurs portées m’intéressent. Parce que, même avec 2%, on y fait des choses formidables. Parce que ça m’apporte, ça m’enrichit. Si pour passer à 20% de part de marché, cela signifiait utiliser des méthodes marketing/management qui sont à mon sens délétères, alors je préfère rester à 2%. Comme dit le proverbe : « Assied toi au bord de la rivière et tu verra passer le corps de ton ennemi ». Le temps joue en notre faveur, nous n’avons pas d’actionnaires qui nous mettent sous pression. Alors nous sommes au bord de la rivière, à faire nos « trucs ». Nous rejoins qui veut. Mais nous ne sommes pas une entreprise de propagande.
2. Le libre est un moyen, non une fin. Pour moi, c’est un moyen vers une société libre. Mais même si on était à 100% de taux d’adoption du libre (bye bye Microsoft, Google, Zoom, etc). Ca ne signifie pas que la société elle même serait libre. Il s’agit donc d’opposer en quelque sorte des « forces centrifuges » (qui tendent vers l’extérieur, le collectif et la diversité) face à des « forces centripètes » (qui tendent vers l’intérieur, l’individualisme et la normalisation). « Pousser » le libre permet d’ajouter une force à d’autres, mais la prétendre comme une fin en soi est à mon sens une erreur de jugement, où l’on reste dans sa tour d’ivoire, sans voir que d’autres forces doivent être actionnées. Le coeur du problème est donc de jouer notre part dans ce rapport de force. Mais ça ne signifie pas que nous devons gagner à tout prix.
3. La diversité est une force supérieure à la faiblesse qu’elle comporte intrinsèquement. Par exemple : gérer du collectif (dans une association, une colocation, une équipe projet, voir une famille 😛 …) c’est … chiant, c’est relou Souvent ça bouscule, ça provoque de fortes émotions. Mais c’est aussi ce qui fait qu’en tant qu’humain⋅es, on apprend, on change, on évolue. Ca serait parfois **tellement** plus simple de dire : « Je décide, vous appliquez », ou « Toi, tu es trop différent⋅e, je préfère ne pas me prendre la tête et ne pas m’occuper de toi ». Et parfois, on le fait, d’ailleurs, parce qu’on est humain⋅es et faillibles. Mais je suis convaincu (c’est même un moteur pour moi) que l’intelligence collective et les solidarités spontanées sans attentes de retour non seulement existent, fonctionnent, mais qu’elles sont notre seul avenir. Avoir 1001 distribution Linux, ça fait chier, c’est relou. MAIS ça nous permet d’apprendre ensemble, d’expérimenter, de tester. On est sur un côté presque organique, où la vie cherche son chemin. Il y aura évidemment énormément de déperdition d’énergies, c’est vrai. Mais au moins on est pas avec un seul projet, autoritaire, prêt à penser.
4. Je ne peux pas préjuger de ce dont #lesgens ont besoin. J’ai mes biais et un point de vue situé. Tu aime le site « Dégooglisons Internet » ? Tant mieux (moi aussi :P). Mais est-ce que parce que ça te convient à toi ou à moi, ça signifie que [RESOLU], qui est avant tout un guide papier avant un site web, ne conviendra pas mieux à d’autres publics (par exemple moins connectés) ?
5. Enfin, le plus important pour moi : ne voir et ne vouloir qu’une seule tête, c’est mettre en place des mécanismes de pouvoir. Favoriser des projets multiples, même foutraques, c’est donner la possibilité à des gens lambdas, « non spécialistes », d’apprendre en faisant, en construisant, en se plantant. Et donc de sortir d’un système où seuls « ceux qui savent », « ceux qui ont les moyens », « ceux qui ont les compétences » font.
Rapporté à [RESOLU] (qui est un projet sur lequel je n’ai pas travaillé, en plus 😛 ) ça me pousse donc à te répondre qu’on est ici sur un projet sur lesquelles des personnes qui n’avaient jamais travaillées ensemble ont pu penser, écrire, décider, rédiger, repenser, faire et défaire ensemble. Une expérience qui les a rapporchées, et qui ont qu’elles feront sans doutes d’autres projets ensemble par la suite.
Que le résultat ne te convienne pas, c’est tout à fait entendable. Que cette énergie aurait pu être mise ailleurs, c’est probable. Mais je veux insister sur le fait que, malgré tout, le monde (oui oui carrément !) avait besoin de ce projet. Même s’il termine dans un tiroir dans 3 mois. Même s’il ajoute de la confusion pour certain⋅es d’entre vous. Parce qu’il n’a rien à vous vendre. Parce qu’il ne cherche pas à être un projet « dominant », parce qu’il a exploré d’autres pistes et d’autres façons de faire, parce qu’il a permis à des gens de se rencontrer et de « faire ensemble », parce qu’il ajoute sa pierre à l’édifice même si cette pierre à la taille d’un grain de sable.
Voilà, désolé du côté un peu lyrique de ma réponse. Mais il me semblait important de prendre un peu de hauteur pour répondre à la frustration que tu exprimais.
Il est d’ailleurs probable que cette frustration existe encore pour toi (« Mais c’est pas comme ça qu’il faut faire, comment voulez vous que [insère ici les objectifs qui TE paraissent importants] »). Mais au moins j’espère que ces éléments de réponse, même à l’arrache, t’auront fait comprendre que notre façon de faire n’est pas erratique, mais bien le résultat d’une pensée murement réfléchie.
Librement,
pyg
jeanmarie
MER-CI ! <3
Goncalves Celia
Merci PYG
La.lecture de ta réponse alimentera mes argumentaires lorsque j’aborde le choix d un outil libre vs propriétaire et la question d’outil convivial ( Illitch)
Dieudonné
J’aime bien l’idée : )
Merci de l’initiative !
Une réserve néanmoins : est-ce que d’être financé par « free » permettra quand même de présenter des informations qui pourraient être perçues comme contraires aux intérêts de cette entreprise ?
stph
Bonjour Dieudonné. Free n’exerce aucun contrôle éditorial sur le projet [résolu], nous avons écrit ce que nous voulions, chacun peut à présent contribuer à sa convenance. Le projet est libre.
Aglaë
fort bien !
(coquille aussi à aCronyme, tant qu’on y est…)