Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants

Copie d'écran du site Projetice.fr

C’est entendu, ce n’est pas tant l’outil que l’usage que l’on en fait qui est important, et il se fait chaque jour des choses formidables en informatique scolaire indépendamment des caractéristiques de l’outil adopté. Mais tout de même, comment peut-on encore aujourd’hui, en 2008, se déclarer « association d’enseignants cherchant à promouvoir les utilisations pédagogiques des technologies de l’information et de la communication » (TICE) et ignorer superbement le logiciel libre ?

Je n’ai pas de réponse à cette question mais j’ai une hypothèse : avoir Microsoft comme partenaire. Et, comme vous allez vous en rendre compte ci-dessous, avec l’association Projetice ce partenariat est plus que privilégié.

Pour faire illico connaissance avec Projetice, rien de tel que ce petit reportage LCI. Et c’est bien parce que Projetice bénéficie de telles tribunes que j’ai décidé d’en faire mon billet blog du jour.

Entendons-nous bien. Je n’ai rien contre Microsoft en tant que tel. Je pense simplement que favoriser ses produits et sa culture marchande à l’école retarde d’autant l’adoption non seulement des logiciels libres mais aussi et surtout de cette salutaire culture non marchande des biens communs qui leur est associée. C’est mon parti-pris assumé et assené depuis des années avec Framasoft et que je puis caricaturer ainsi : en matière de TICE, tout ce qui retarde, oublie ou disqualifie le logiciel libre à l’école n’est pas bon pour l’école.

Je n’ai strictement rien non plus contre l’existence d’une association d’enseignants qui s’appuieraient massivement sur des logiciels Microsoft pour développer l’usage des nouvelles technlogies en milieu éducatif. C’est une question de… liberté ! Libre à eux de les mettre en avant et libre à moi (à nous ?) d’essayer de démontrer qu’ils font fausse route en freinant par là-même ce qu’ils essayent pourtant de faire avancer. Mais encore faudrait-il que ce choix, car c’est bien d’un choix qu’il s’agit, soit clairement énoncé. Or ce n’est pas vraiment le cas ici.

Parce qu’en se promenant ne serait-ce que dix minutes sur leur site (et ses hyperliens), il est difficile de ne pas se poser quelques questions quant à la transparence, la légitimité, la crédibilité, l’influence et l’indépendance de cette association. Jusqu’à me poser le plus sérieusement du monde la question suivante. Est-ce l’association une fois créée qui a sollicité Microsoft ou bien est-ce Microsoft qui a suggéré à quelques enseignants volontaires de créer l’association ?

Visite guidée du site de Projetice pour étayer mon propos. Je précise que cette visite a été effectuée le 10 février 2008 parce qu’il est possible, sait-on jamais, que cet article arrive un jour jusqu’à Projetice et il est alors probable et souhaitable qu’à la lumière (et la mise en lumière) de ce qui va suivre ils décident de faire quelques petites retouches au site. Ce qui explique la présence de nombreuses copies d’écran issues du site de l’association pour que l’article demeure compréhensible dans le temps.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Avant même de nous pencher sur le détail on remarque globalement quelque chose devenue très rare pour des sites éducatifs : l’absence du quatuor magique libre LAMP (Linux Apache MySQL PHP) pour le serveur web. C’est la technologie web de Microsoft qui est utilisée comme le révèle la terminaison en .aspx des pages du site. Il n’y a guère que le célèbre et incontournable Café Pédagogique qui ait décidé d’en faire autant. Il faut dire qu’il est lui-même en partenariat avec Microsoft.

Pour ce qui concerne l’accueil, on se retrouve en haut de page avec un sympathique message : « Bienvenue sur Projetice. Des enseignants se forment à l’usage des TIC. Devenez membre de Projetice et rejoignez une jeune association composée d’enseignants passionnés par leur métier, désireux de dialoguer, d’apprendre et de partager. » Et puis à gauche : « Projetice est une association qui cherche à promouvoir les utilisations pédagogiques des TIC. »

Si vous souhaitez aller plus loin il y a le livre blanc des objectifs de l’association. Ouvrez-le et on vous vous retrouverez avec de belles généralités sur les TICE à grands coups de « ne pas séparer la dimension technique et la dimension pédagogique de l’usage éducatif des TIC » ou encore « s’appuyer sur la mutualisation des pratiques par les enseignants et des questions techniques et pédagogiques qu’elles soulèvent ». Pour finir par une analyse de la situation qui ne fâche personne et qui justifie l’existence et l’action de l’association. Aucune marque n’est citée, le logiciel libre non plus (mais comme je l’ai dit en amont il ne le sera jamais).

Toujours est-il que le cadre est posé. Il se veut neutre, consensuel et rassurant. Ici nous sommes entre profs, je dirais même plus nous sommes entreprofs.fr

Copie d'écran du site Projetice.fr

À y regarder de plus près on notera tout de même sur la droite l’icône caractéristique des documents Word. Ceci fait craindre la subsitution des termes génériques (et préconisés par les administrations) traitement de texte, tableur ou encore logiciel de présentation par Word, Excel et Powerpoint. Ces craintes seront malheureusement confirmées par la suite.

Plus bas on trouve cet encart dont je vous laisse juge de l’opportunité directement en accueil du site : « Microsoft, qui propose d’équiper gratuitement, depuis un certain temps déjà, les étudiants de certains logiciels via le service de Téléchargement Gratuit Etudiants disponible sur le portail Etudiants, indique que ces licences peuvent être utilisées par les enseignants dans un cadre pédagogique et à but non lucratif. »

Copie d'écran du site Projetice.fr

Mise à jour du 16 février : Cet encart a aujourd’hui disparu de l’accueil du site.

Mais allons plus avant dans le site via son menu horizontal que l’on prendra dans l’ordre, de gauche à droite. Dans la rubrique Manifestations je constate que Projetice est bien présente et active sur le terrain.

Comment une association aussi jeune (née en 2006 me semble-t-il), aussi peu googlelisée, et dont je n’avais jamais entendu parler autrement que par des annonces du… Café Pédagogique, a-t-elle pu si rapidement se retrouver à Helsinki, à Dakar ou encore à Philadelphie ? La réponse est à la portée d’un clic.

Voilà en tout cas un partenariat qui fait faire de beaux voyages et de belles rencontres. Au retour on ne peut qu’être comblé et le dire publiquement par exemple sur le site du Café Pédagique, ses 160.000 abonnés et ses 800.000 visiteurs par mois. Parmi les témoignages celui du membre de Projetice commence ainsi : « C’est dans une atmosphère très douce et remarquable pour la saison que s’est tenue la conférence mondiale des enseignants innovants organisée par Microsoft… » (retenons l’expression enseignants innovants).

Mais on retrouve bien entendu également la jeune association chez nous en France, que ce soit dans le cadre prestigieux de l’Unesco ou dans le cadre affluent (et donc influent) du Salon de l’Education (Educatice). J’ai eu moi-même par le passé l’occasion de me pencher un peu sur le coût d’une location d’un stand à ce même salon pour finalement y renoncer car je puis vous dire que cela représente plusieurs milliers d’euros. Microsoft était en tout cas très fier de les annoncer dans son communiqué de presse relatant l’évènement (dont on ne s’étonnera pas soit dit en passant d’y retrouver également mention du Café Pédagogique).

Et puis il y a les interventions pour présenter l’association et éventuellement y engager des projets. Il est tout à fait normal que les portes des établissements s’ouvrent à « une association composée d’enseignants passionnés par leur métier, désireux de dialoguer, d’apprendre et de partager. ». Qui plus est lorsqu’elle propose du matériel haut de gamme en prêt gratuit comme nous le verrons plus bas. Ainsi les collègues du lycée professionnel Don Bosco (Lyon) semblaient très attentifs le 7 janvier dernier.

Copie d'écran du site Forum-rennes2008.fr

Quelle est la prochaine date sur l’agenda de l’association ? Il s’agit du premier Forum des Enseignants Innovants (www.forum-rennes2008.fr) qui se déroulera en mars à Rennes. Outre Projetice, du beau monde côté associations d’enseignants : Clionautes, Weblettres, Cyber-langues, Assetec, Afef, Apbg, Udppc, AFT-RN… et bien sûr le Café Pédagogique dont l’annonce donne vraiment envie d’y participer. Il y a un concours qui nécessite de s’inscire sur le site. Et puis en plus, comme il est dit dans la plaquette (Weblettres), le Forum recevra la visite de Xavier Darcos, notre Ministre en personne !

Lors de ma première visite j’ai eu l’impression d’être sur un site de l’Institution. En effet il y a à droite la présence rassurante du logo caractéristique de Ministère et puis on est un peu dans le même habillage graphique que le site de la Maison Mère. Mais juste après des indices qui ne trompent pas : les pages web au format .aspx, l’enfant qui écrit Imagine au tableau noir (souvenez-vous de la campagne publicitaire On imagine), et puis surtout notre expression rencontrée plus haut Enseignants Innovants ce qui en anglais donne Innovative Teachers. On trouve une carte du monde de ces Innovative Teachers. Regardez un peu ce que cela donne pour la France mais aussi graphiquement pour la Grèce, la Jordanie ou encore Hong-Kong…

Vous l’aurez deviné, Microsoft est partenaire de l’opération. Une présence discrète en bas de page d’accueil, bon dernier parmi tous les autres partenaires (dont cinq sont publics). Une discrétion qui contaste avec le fait que… Microsoft est propriétaire du nom de domaine du site !!! Il suffit en effet de faire une courte recherche depuis n’importe quel whois du net (par exemple ici) pour avoir les informations suivantes :

Copie d'écran Who Is forum-rennes2008.fr

Le Café Pédagogique peut toujours mettre son copyright Tous droits réservés en bas de toutes les pages du site (et Projetice son email pour le contact), il n’empêche que le propriétaire légal du nom de domaine www.forum-rennes2008.fr c’est Microsoft et uniquement Microsoft. Sans vouloir refroidir l’ambiance voici donc une manifestation dont l’un des partenaires est propriétaire du nom de domaine qui héberge la manifestation ! J’avoue avoir rarement vu ça. Et je ne suis pas certain que tous les participants, membres des associations ou inscrits au concours (qui doivent, j’imagine, mettre leurs documents sur le site), soient au courant de ce que j’appellerai une légère incongruité.

Je comprends mieux en tout cas l’absence de la plus libre de toutes les associations d’enseignants, l’association de professeurs de mathématiques Sésamath. Et pourtant, pour utiliser tous les jours la suite d’exercices libre Mathenpoche avec mes élèves, je puis témoigner que ce sont de formidables et authentiques innovative teachers. Vous en connaissez beaucoup vous des associations d’enseignants qui aient réussi à lancer avec succès une véritable petite bombe dans le milieu : des manuels scolaires libres et collaboratifs ?

Mais oublions ce Forum made in Microsoft et revenons à nos moutons en poursuivant la visite Projetice.

Pour ce qui concerne la rubriques Projets deux fiches pdf sont à disposition : Besoin de matériels ? et Accompagnement de projets. Sur la base d’un projet personnel TICE de l’enseignant on peut vous donc vous accompagner et vous prêter du matériel. Et pour le matériel on ne lésine pas : « chariot mobile (structure + 11 PC portables + dispositif wifi + vidéoprojecteur + appareil photo numérique + imprimante/scanner/copieur) – Tablet PC – Tableau Numérique Interactif – PDA »… Rien que ça ! Le tout en prêt… gratuit ! C’est alléchant non ?! Allez hop je signe tout de suite ! Je vois d’ici la mine réjouie de mon chef d’établissement annonçant fièrement aux parents d’élèves et à la collectivité que notre école est à la pointe des expérimentations TICE ! Quelles en sont les conditions ? « Il est simplement demandé à l’un des membres (au moins) de l’équipe pédagogique concernée d’adhérer à l’association. Un compte-rendu des actions menées doit être communiqué à l’association à intervalles réguliers et en fin de prêt. » Mais oui bien sûr, c’est la moindre des choses, où dois-je signer ?

Petite parenthèse. Pour le matériel ne pas s’étonner si, autre partenaire, c’est du HP qui débarque, à en croire les termes de ce document .doc (qui très étrangement traîne sur internet, mais à mon avis plus pour très longtemps). Quant au système d’exploitation présent dans tous ces petits bijoux technologiques, mieux vaut ne même plus se poser la question.

Petite anecdote photographique. L’accueil Éducation de Microsoft :

Copie d'écran du site Microsoft.fr

La rubrique Projets : Tablet PC de Projetice :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Il y a également d’autres photographies issues du site de Microsoft dans le livre blanc de Projetice (ainsi la gentille dame de la couverture on la retrouve ici, peu de chance qu’il s’agisse donc d’une vraie enseignante Projetice). Elles sont toutes non créditées (ou alors je suis passé à côté). Mais on a bien le droit de puiser dans le stock iconographique du partenaire. Pour votre gouverne on en trouve de toutes aussi jolies (et moins "formatées") sur le site Flickr.com restreint aux licences de libre diffusion Creative Commons, par exemple avec le tag education.

Vient ensuite le volet Actions, peu fourni pour le moment. Une page est consacrée au B2i et l’aide que l’association peut vous y apporter. Il n’y a qu’un seul lien sur cette page : un lien vers l’éditeur Nathan. Huit ans que le B2i existe mais aucune autre ressource n’est proposée (comme par exemple le logiciel libre GiBii que quasiment toutes les académies sont en train de déployer). Je suggère fortement à Projetice d’aller faire un tour chez leurs amis du Café Pédagogique pour pallier à cela.

Lorsque vous cliquez sur le site de Nathan vous arrivez sur un espace dédié pour « tester et évaluer le niveau de vos élèves dans le cadre du Brevet informatique et internet ». Ce genre de test en ligne n’est pas conforme à l’esprit du B2i qui doit être évalué dans les classes tout au long de l’année. Et ce genre d’annonce « Attention le site B2i est consultable uniquement sur PC et utlisant le navigateur Explorer » n’est pas conforme à l’esprit d’interopérabilité qui doit animer tout acteur des TICE.

Copie d'écran du site Nathan.fr

Du coup impossible de vous en dire plus avec mon navigateur libre Firefox sous système d’exploitation libre GNU/Linux Ubuntu. Sur la droite de l’accueil du site dédié de Nathan, on peut lire « Réalisé avec l’aide du programme Partenaire pour l’éducation de Microsoft Education ». Je commence à comprendre…

Continuons (courageuseument) notre petite investigation avec la rubrique Ressources. Dans la catégorie Fiches découvertes on vous propose de nombreux documents « permettant de découvrir des outils, des matériels, des logiciels ».

Microsoft Word, Microsoft Powerpoint, Microsoft Frontpage, Microsoft Encarta, Microsoft Windows Movie Maker, Microsoft Photorécit… Voilà un éditeur de logiciels propriétaires qui a la cote sur Projetice ! En cherchant bien on trouve néanmoins la présence de deux logiciels libres mais jamais cités en tant que tels (Audacity et Camstudio). Gageons qu’ils doivent se sentir bien seuls !

Exemple 1 :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Exemple 2 :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Créer un site avec Word ! C’est le parent d’élèves Tristan Nitot qui va être content ! Quant à Dreamweaver, il fait écho au tutoriel sur Flash MX. Ajoutez-y tous les logiciels cités plus haut et ça commence sérieusement à plomber le budget TICE d’un établissement scolaire (de quelles poches provient-il déjà ce budget ?). Parce que, petit rappel, dans un établissement scolaire il faut payer autant de licences de logiciels propriétaires qu’il y a de postes (assorti d’une interdiction faite à l’élève d’installer ces logiciels chez lui). Il en va tout autrement avec les logiciels libres.

Dans la catégorie Téléchargement, cinq logiciels propriétaires (dont deux sharewares et deux Microsoft) et, vous en doutiez ?, aucun logiciel libre. On y trouve ainsi l’anglophone Fun With Construction permettant de faire de la géométrie dynamique. Mais, feignons l’indignation, pourquoi diable ne pas citer Geogebra, Geonext ou, encore un projet Sésamath, Tracepoche ?

Regardons désormais un peu la rubrique Formation et commençons par la rubrique Se former. Je passe outre les formats de fichiers, nous ne sommes plus à ça près. Par contre je ne risque pas de passer outre la ressource suivante : « Aspects juridiques : droit et éducation – La lutte contre la copie illégale de logiciels ». Allez-y, cliquez dessus, C’est du format .ppt (Powerpoint) mais nous on a la suite bureautique libre OpenOffice.org pour l’ouvrir et la lire correctement, suite bureautique libre dont la renommée et la pertinence scolaire doivent être confidentielles puisque jamais citée par Projetice.

Je vous laisse un petit temps pour lire le document (et éventuellement pour encaisser le coup) en exposant ci-dessous trois copies d’écran du diaporama.

Diapo n°18

Projetice - Logiciels - Extrait

Diapo n°13

Projetice - Logiciels - Extrait

Diapo n°23

Projetice - Logiciels - Extrait

« Comment lutter contre ce problème ? En établissant une stratégie d’acquisition de logiciels afin de fournir les outils nécessaires aux besoins fonctionnels des utilisateurs, notamment ceux qui utilisent des postes fixes… » Mais d’où sort-il ce document ? Du sein de Projetice, de Microsoft, de la BSA ou des trois réunis ? Oh bien sûr, on y trouve aucune contre-vérité. Ils ont leurs experts. Tout est certainement juridiquement sans faille. Exemple (diapo n°10) : « Les logiciels sont ainsi considérés comme des œuvres de l’esprit : ils sont protégés par les droits d’auteur, ce qui indique clairement qu’ils ne peuvent être ni copiés, ni utilisés en dehors des conditions autorisées par leur auteur. Par conséquent, un logiciel sans licence d’utilisation est une contrefaçon. » Irréfutable en effet si l’on est en dehors des conditions autorisées et/ou sans licence. Le problème c’est qu’il donne la très désagréable impression que n’existent que les logiciels propriétaires (et leur réthorique de contrôle/coercition) dans le monde pourtant pluriel des logiciels.

Ce n’est pourtant pas compliqué de lutter contre ce problème sans la moindre stratégie d’acquisition parce que sans acquisition tout court (ce qui n’empêche pas le don et la facturation de services) en faisant fi de cette sombre histoire de postes fixes. Ce n’est d’ailleurs pas un problème mais c’est une solution. Et, désolé d’être un peu emphatique, cette solution porte un nom : le logiciel libre.

Nous pouvons en témoigner, le logiciel libre recouvre aujourd’hui tout le spectre des besoins applicatifs d’une école, d’un collège ou d’un lycée (si vous n’en avez jamais entendu parler, vous pouvez sous Windows tester les plus populaires d’entre eux en les installant sans risques sur votre clé USB). Et ce spectre va jusqu’au système d’exploitation lui-même. GNU/Linux (pour exemple la distribution Ubuntu) ou Windows Vista ? Telle est désormais la question et elle mérite sérieuse évaluation.

Je reconnais cependant que si vous envisagez de n’utiliser que des Tablet PC, Tableaux Numériques Interactifs et autres PDA, alors le logiciel libre et GNU/Linux ont un temps de retard (ce n’est d’ailleurs pas tant leur faute que celle des constructeurs). Mais, franchement, est-ce la priorité numérique de l’école que d’utiliser de tels outils aussi puissants soient-ils ?

Bon. Sachant cela, voici ce que pourrait donner la diapo n°13 dans un autre monde possible des logiciels. Quelques pratiques courantes dans les établissements scolaires utilisant des logiciels libres. Le logiciel libre se télécharge tout ce qu’il y a de plus légalement sur internet. On peut l’installer partout (sur les postes de l’école, sur les ordinateurs personnels des enseignants, des élèves…). Il peut-être copié autant de fois qu’on le souhaite. La diffusion d’un logiciel libre est non seulement autorisé mais même encouragé. Et on peut même le modifier pour l’adapter à ses besoins.

C’est tentant non ? Tellement tentant que j’ai envie d’adhérer de ce pas à l’APRIL pour soutenir le mouvement dans son ensemble et le suivre au quotidien sur LinuxFr.org !

Au lieu de cela Projetice nous propose d’aplomb ce document. Imaginez une seconde l’effet qu’il peut produire sur un enfant dans l’hypothèse où un professeur zélé membre de l’association aura eu la bonne idée de le projeter en classe !

Ce qu’un costard-cravate de Microsoft ne peut pas faire justement, vous me suivez ?

J’encours peut-être un risque à écrire ce qui va suivre mais tant pis. Dans un contexte éducatif proposer ce document en réussissant l’exploit de ne pas évoquer ne serait-ce qu’une seule fois les logiciels libres ce n’est plus une omission c’est de la propagande !

Mais calmons-nous et finissons tant bien que mal la visite. Dans la catégorie Vidéos Projets, un document a également retenu mon attention.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Il a fallu que je retourne sous Windows (XP) pour lire la vidéo parce que mon GNU/Linux Ubuntu apprécie peu le format multimédia non libre de Microsoft, le format .wmv. Je vous invite à la regarder à votre tour parce que c’est très intéressant. Publicité Microsoft ou documentaire de pratiques pédagogiques ? À vous de juger. En tout cas tous les logiciels de la suite bureautique propriétaire MS Office de Microsoft sont bien cités. Je ne nie pas le fait que par rapport au référentiel du BTS en question cette suite soit peut-être le meilleur choix mais je me demande tout de même pourquoi le CRDP Orléans-Tours a éprouvé le besoin d’apposer le sceau de l’Institution à ce publi-reportage.

Dans la catégorie Tutoriels vidéos 26 ressources au format .wmv (à ce propos jetez un coup d’oeil à l’URL de la page avec ses "training et ses "webcasts", tout le reste du site est à l’avenant). 15 ressources concernent Excel et 5 Word. Et par n’importe quelle version de ces deux logiciels, la toute dernière, la 2007. N’oubliez pas de vous mettre à jour et donc de repasser à la caisse !

Copie d'écran du site Projetice.fr

Sinon il y a également une page Questions fréquentes : Comment devenir membre de Projetice ? Pourquoi devenir membre de Projetice ? etc. Et puis plus bas… cette question : « Mon ordinateur est un peu ancien et je ne dispose pas des dernières versions des logiciels que j’utilise. Cela pose-t-il problème pour tirer profit du site Projetice ? »

Réponse Projetice : « Le site Projetice ne nécessite pas de disposer des configurations et logiciels les plus récents. Le programme est compatible avec Microsoft Windows® 98, Windows Millennium ou Windows XP, et avec Microsoft Office 97 ou version ultérieure. Une connexion Internet haut débit facilite le téléchargement des ressources. »

Copie d'écran du site Projetice.fr

Je reconnais avoir été d’emblée un peu choqué par la réponse fournie. Mais à la réflexion, c’est du bon sens. Mieux vaut en effet posséder Windows XXX et MS Office pour tirer pleinement parti des ressources du site !

Mise à jour du 16 février : Projetice a depuis ainsi modifié sa réponse : « Le site Projetice ne nécessite pas de disposer des configurations et logiciels les plus récents. Une connexion Internet haut débit facilite le téléchargement des ressources. » Plus aucune mention de Microsoft et de son système d’exploitation Windows.

Pour comparer : La page Questions fréquentes photographiée par Internet Archive le 29 décembre 2006.

Toujours est-il que je la trouve un peu légère cette Foire Aux Questions. On pourrait y ajouter d’autres questions. Non pas : Faut-il être un partisan de l’informatique propriétaire en général et de Microsoft en particulier pour adhérer à l’association ? Ce ne serait pas sérieux. Mais par exemple : Mon établissement scolaire envisage de renouveler une partie de son parc informatique. Il hésite à passer à Windows Vista qui serait dit-on très gourmand en ressources et nécessiterait par conséquent l’achat d’un matériel fort coûteux. Qu’en pensez-vous ? Ou encore, corollaire de la question précédente : J’ai entendu parler de nouveaux ordinateurs nomades vraiment pas chers qui reposent sur GNU/Linux et des logiciels libres comme l’Eee PC ou l’ OLPC. Me conseillez-vous de les acheter pour mon école ?

Mais j’ai gardé le meilleur, si j’ose dire, pour la fin : le pied de page du site.

Dans l’onglet La presse en parle des articles du Dauphiné Libéré, de La Provence et même du Monde de l’Éducation. Ils pourront désormais y ajouter le Framablog.

Et puis arrivent les deux pages Confidentialité et Conditions. Vous savez, les trucs qu’on ne lit jamais (sauf peut-être justement ceux qui sont familiarisés avec le logiciel libre sachant qu’un tel logiciel n’existe que parce qu’une licence libre l’accompagne).

Mise à jour du 16 février : Deux ans que le site existe. Deux ans que ces Confidentialité et Conditions étaient en ligne. Et il aura fallu qu’un simple internaute ait la curiosité de voir un peu dans le détail de quoi il en retourne pour qu’elles disparaissent illico. Le lien Confidentialités pointe désormais sur un très court message : « Le site public de Projetice ne contient aucune donnée à caractère personnel. Le site privé est hébergé par Itop qui assure lui-même la confidentialité des données personnelles dans le cadre de son Environnement Numérique de Travail NetLycée sur lequel est hébergé le site www.projeticiens.org ». Quant au lien Conditions son contenu a disparu. Bien entendu je m’en réjouis. Mais je ne puis m’empêcher de penser à tous les professeurs qui dans l’intervalle ont adhéré à Projetice et placé des documents sur le site sans avoir lu les termes de ce contrat.

Pour comparer : Les pages Confidentialité et Conditions photographiées par Internet Archive le 29 décembre 2006.

Copie d'écran du site Projetice.fr

La page Confidentialité expose les conditions de collecte de vos données personnelles.

Extrait 1 : « Le Site peut également collecter des informations anonymes sur votre visite, dont le nom de votre fournisseur d’accès Internet et l’adresse IP utilisés pour accéder à Internet, la date et l’heure d’accès au site, les pages auxquelles vous accédez sur le Site et l’adresse Internet du site Web à partir duquel vous êtes arrivé sur notre site. Ces informations sont destinées à l’analyse des tendances et à l’administration et l’amélioration du Site. »

Soit.

Extrait 2 : « Les informations personnelles collectées sur le Site peuvent être stockées et utilisées aux États-Unis ou dans tout autre pays où Projetice, ses filiales, ses partenaires ou ses agents sont présents. En utilisant le Site, vous consentez à de tels transferts de vos informations personnelles en dehors de votre pays. Projetice respecte et se conforme au cadre du Safe Harbor comme mis en avant par le Département du Commerce des États-Unis en ce qui concerne la collecte, l’utilisation et la rétention de données en provenance de l’Union Européenne. »

Yes Sir, I Will ! (but what is a Projetice agent exactly ?)

Extrait 3 : « Projetice utilise parfois d’autres entreprises pour fournir certains services de sa part. Il peut s’agir par exemple de l’hébergement de sites Web, de l’empaquetage, de l’expédition et de la livraison de prix, de réponses à des questions posées par un client sur les produits et services. Nous ne transmettrons à ces entreprises que les informations personnelles nécessaires à leur service. En acceptant les conditions d’utilisation du site Projetice.fr et la présente déclaration de confidentialité vous consentez à ce que vos données fassent l’objet d’un tel transfert aux dites entreprises. Ces entreprises sont tenues de respecter la confidentialité de ces informations et ne peuvent en aucun cas les utiliser dans un autre but, notamment à des fins de prospection commerciale. »

Pourquoi donc me parler à moi, enseignant membre d’une association d’enseignants : d‘autres entreprises, de prix et de transfert de mes données à ces entreprises ?

Surtout que, extrait 4 : « Il arrive que cette déclaration de confidentialité soit mise à jour. Dans ce cas, nous corrigeons la date de « dernière mise à jour » en haut de la déclaration de confidentialité. En cas de modifications substantielles de cette déclaration, nous vous le signalerons en plaçant une notice visible sur la page d’accueil du site Web ou en vous envoyant directement une notification. Nous vous encourageons à consulter régulièrement cette déclaration de confidentialité afin de rester informé de comment nous vous aidons à protéger les informations personnelles que nous collectons. L’utilisation continue de ce service constitue votre accord quant à cette déclaration de confidentialité et à ses mises à jour. »

Elle est potentiellement bien volatile c’est déclaration de confidentialité !

Penchons-nous pour finir (en beauté) sur les Conditions d’utilisation du site.

Extrait 1 (dit Les Services) : « A travers son réseau Internet, Projetice vous fournit l’accès à une grande variété de ressources, y compris des outils de développement, des espaces de téléchargement, des forums de discussion et l’information sur les produits (appelés "Services "). Les Services, y compris toutes les mises à jour, les perfectionnements, les nouveaux dispositifs, et/ou l’ajout de n’importe quelles nouvelles propriétés, sont soumis aux conditions d’utilisation. (…) Sauf spécification contraire, les Services sont destinés à un usage personnel et non-commercial. Sont interdits : toute modification, création de travaux dérivés, utilisation sur un autre site, reproduction, publication, diffusion, commercialisation des informations, logiciels produits ou services obtenus sur ce site. »

Euh… Sommes-nous vraiment sur un site d’enseignants censé « s’appuyer sur la mutualisation des pratiques par les enseignants et des questions techniques et pédagogiques qu’elles soulèvent ». À moins que l’intégralité du site soit sous spécification contraire, j’y vois une certaine incohérence avec la dernière des Questions Fréquentes : Est-il possible de partager les ressources téléchargées sur le site Projetice avec d’autres collègues ? Réponse (sibylline) de Projetice : Vous pouvez profiter de toutes ces ressources de notre site avec vos collègues.

Mise à jour du 16 février : La réponse (sibylline) de Projetice a été modifiée depuis ainsi : « Les ressources proposées sur le site sont libres et disponibles sans aucune restriction. ». Toutes les restictions mentionnées plus haut se sont donc envolées ! Il n’est pas encore précisé sous quelle licence ces ressources sont libres. J’imagine que cela ne saurait tarder.

Extrait 2 (dit Les logiciels) : « Tout logiciel disponible pour téléchargement à partir de ce Site (le « Logiciel ») est protégé par les droits d’auteur de Projetice et/ou de ses fournisseurs. L’utilisation du Logiciel est régie par les termes du contrat de licence utilisateur final, s’il existe, qui est inclus dans le Logiciel ou qui l’accompagne (le « Contrat de licence »). L’utilisateur final doit accepter les termes du Contrat de licence pour pouvoir installer le Logiciel… »

STOOOP ! Pas la peine de poursuivre. Je vous livre le secret.

Vous prenez la page Mentions Légales du site de Microsoft et dans le corps du texte, à chaque fois que vous voyez le mot Microsoft vous le remplacez par Projetice. Simple non ?! Un trivial rechercher/remplacer ! (pour la confidentialité c’est moins grossier mais cela se passe sur cette page)

Du coup ça donne des petites choses assez cocasses :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Et :

Copie d'écran du site Projetice.fr

« Le fabricant est Projetice Corporation, One Projetice Way, Redmond, WA 98052-6399. » Et voilà notre association d’enseignants français qui se transforme en un fabricant d’une corporation domiciliée à Redmond USA, c’est-à-dire exactement à la même adresse postale que Microsoft !!!

Il est grand temps de conclure je crois.

Une dernière chose.

Vous vous souvenez ? L’enseignant alléché par le prêt gratuit de somptueux matériels dernier cri. On ne lui demandait rien d’autre qu’une adhésion et des compte-rendus à intervalles réguliers. Bon ben nous y sommes avec le paragraphe Documents fournis à Projetice ou postés sur le Site.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Extrait 3 (dit Mes documents) : « Projetice ne réclame pas la propriété des documents que vous lui fournissez (y compris les suggestions et commentaires), que vous envoyez, téléchargez ou enregistrez sur n’importe quel Service et services associés pour la visualisation par le grand public, ou par les membres de toute communauté privée ou publique. Cependant, en postant, en téléchargeant, en entrant, en fournissant ou en soumettant ("postant") votre contribution, vous accordez à Projetice, à ses sociétés apparentées et associées la permission d’employer votre contribution en liaison avec ses activités Internet (comprenant, sans limitation, tous les services de Projetice), y compris, sans limitation, les droits de : copier, distribuer, transmettre, montrer publiquement, exécuter publiquement, reproduire, éditer, traduire et restructurer votre contribution ; pour publier votre nom en liaison avec votre contribution ; et le droit de céder de tels droits à tout fournisseur des services et ce pour la durée de validité des droits d’auteur et pour le monde entier. Aucune compensation ne sera payée en ce qui concerne l’utilisation de votre contribution, de la manière prévue ci-dessus. Projetice n’a aucune obligation de poster ou d’employer n’importe quelle contribution que vous pouvez fournir et peut enlever n’importe quelle contribution à tout moment, à sa seule discrétion. »

Voici donc très exactement ce que Projetice peut faire avec votre compte-rendu ou tout autre document que vous aurez placé sur son site. Et elle peut en faire des choses ! Éditer, traduire et restructurer sans limitation votre contribution pour le monde entier, vous appelez cela comment vous ? Vous d’ailleurs qui n’êtes pas tout à fait à la même enseigne (rappel de l’extrait 1 ci-dessus) : Sauf spécification contraire, les Services sont destinés à un usage personnel et non-commercial. Sont interdits : toute modification, création de travaux dérivés, utilisation sur un autre site, reproduction, publication, diffusion, commercialisation des informations, logiciels produits ou services obtenus sur ce site. En plus il n’y a pas que Projetice qui peut faire des choses avec votre contribution, il y a toutes les sociétés apparentées et associées (et jamais nommées).

Admettons, ça n’est qu’un cas d’école, que Microsoft fasse partie de ces sociétés apparentées ou associées. Alors elle peut en toute légalité restructurer votre contribution (par exemple avec un joli et fort visible logo). Puis la présenter sous votre nom dans le monde entier pour montrer comment les enseignants français font tout plein de belles choses avec les TICE et… avec Microsoft ! Bien entendu rien ne dit qu’elle le fera. Et si tel était le cas il est fort possible que cela vous convienne. Il est fort possible que vous en soyez même flatté. Mais dans le cas contraire cette petite explicitation n’était peut-être pas inutile.

Toujours est-il que baignant dans la culture libre depuis des années, ce n’est pas le genre de contrat que je suis habitué à rencontrer. Jamais je n’aurais pu imaginer un site d’enseignants proposer de telles conditions aux collègues. Surtout, je me répète une dernière fois, quand on en appelle dans son livre blanc à la mise en commun et la mutualisation des ressources. À comparer avec les licences de documents les plus adaptées à l’école à l’heure actuelle, les licences Creative Commons.

Ouf ! Voilà. Fin de la visite. Désolé d’avoir été aussi long mais je dois dire qu’au cours de ma petite enquête j’ai été de découverte en découverte. La dernière étant l’étrange impression que personne ne semble voir là un problème ou tout du moins l’écrire publiquement. Sauf à penser que je suis le seul à y voir un problème…

Il n’en demeure pas moins que, comme cela a été dit en préambule, j’ai eu beau chercher, pas une mention du logiciel libre (ni a fortiori de GNU/Linux) sur le site. Un assourdissant silence mais un silence me semble-t-il compréhensible à la lumière de cet exposé.

Un exposé qui malgré tout ne doit pas nous exonérer de la question de l’espace libre (sic !) occupé actuellement par Projetice et affiliés (je pense en particulier aux interventions dans les classes qui répondent à un réel besoin et à une réelle demande). Un exposé non exempt de commentaires péremptoires et sarcastiques (à la limite de l’arrogance parfois) qui ne s’imposaient peut-être pas. Un exposé, j’en conviens fort bien, sélectif et orienté. Mais un exposé néanmoins factuel puisque je me suis borné aux informations que j’ai pu lire sur le web tout comme pourrait le faire n’importe quel internaute.

Un exposé enfin que j’ai souhaité, j’ose le mot, pédagogique et que j’ai tenté dans la mesure de mon possible de rendre accessible (d’où la présence de nombreux liens connexes). Car, pourquoi le nier, j’espère dépasser ici la sphère des initiés et toucher un maximum d’enseignants, parents d’élèves et plus généralement tous ceux qui se sentent concernés par les questions éducatives dans la société de l’information.

Ce ne sera pas facile parce nous ne disposons clairement pas des mêmes moyens (marketing, etc.) et des mêmes leviers (lobbying, etc.) que Projetice et son partenaire. Un partenaire dont je signale ou rappelle au passage qu’il est également engagé globalement depuis des années avec l’Éducation Nationale via des accords de coopération qui ne nous facilitent pas la tâche. Du coup je peux aussi objectivement mettre une croix sur l’espoir d’un quelconque relai institutionnel (et je ne vous parle même pas du Café Pédagogique dont ce billet signe certainement l’arrêt de mort des annonces du réseau Framasoft sur son site).

Je compte donc sur internet, c’est-à-dire sur vous si vous le jugez opportun, pour réussir malgré tout à diffuser le présent article et atteindre le plus large public possible. Un peu pour mettre en garde les collègues enseignants des choix implicites de l’association Projetice. Beaucoup pour évoquer une discrète mais habile stratégie d’entrisme de Microsoft à l’école française. Passionnément parce que je crois à l’alternative du logiciel libre non seulement pour l’école mais pour l’ensemble de la société.

Running with the seagulls - Eschipul - CC BySa

PS : Il va sans dire que les colonnes de ce blog sont ouvertes à un droit de réponse qu’il provienne de Projetice, de Microsoft France Éducation, des deux ensemble ou des deux réunis.

L’illustration finale est une photographie de Eschipul intitulée Running with the seagulls disponible sur le site Flickr.com sous licence Creative Commons By-Sa.




Ma petite entreprise… ou comment économiser cent mille dollars avec les logiciels libres

Contando Dinheiro - Jeff Belmonte - CC-BY

La communauté n’apprécie généralement pas que l’on insiste avant tout sur l’argument du prix[1] lorsque l’on évoque le logiciel libre. Reconnaissons pourtant que c’est un argument de poids lorsqu’il s’agit d’évoquer le logiciel libre et le monde pragmatique de l’entreprise.

100.000 dollars (un peu moins en euros) d’économie grâce aux logiciels libres, voilà un titre qui fera tout de suite son petit effet chez le décideur pressé.

Mais ce qui pourra aussi faire son petit effet, avec la liste détaillée ci-dessous, c’est de constater qu’aujourd’hui le logiciel libre est capable de répondre à tous les besoins informatiques d’une petite (et moins petite) entreprise.

Nous espérons donc, avec cette courte traduction témoignage[2], être utile et donner des idées aux entrepreneurs et futurs entrepreneurs, aux PME, PMI, etc.

Avec le bémol suivant (outre la précision du chiffre avancé sujette à caution). On peut, comme nous en invite les auteurs en fin d’article, se demander nous aussi combien le logiciel libre nous aura fait épargner. Ce qui se résume à se demander combien le logiciel libre nous aura apporté.

Mais on peut également se demander ce que nous-même avons apporté au logiciel libre. Parce que c’est bien gentil de s’extasier sur les économies conséquentes réalisées. Mais si l’on ne donne rien en retour (temps et/ou argent) alors quelque part on rompt le cercle vertueux.

Screenshot - ChaseSagum site

L’Open Source m’a fait économiser 100 000 $

Open Source Saved Me $100,000

01 février 2008 – ChaseSagum.com

Ma femme et moi avons créé une société de développement internet en juin 2007. Ce faisant, nous avons cherché dès le début du coté des applications open source pour nous aider à gérer notre entreprise dans l’optique d’économiser de l’argent. L’utilisation de logiciels libres plutôt que de logiciels propriétaires devait nous permettre de garder aussi bas que possible nos frais généraux. En cherchant les alternatives aux logiciels open source (c’est-à-dire des logiciels achetés), qui pourraient être réellement bénéfiques pour notre activité et pour ce que nous réalisons, il a été étonnant de voir combien d’argent nous aurions pu y laisser. Je ne vais pas perdre de temps à vous décrire les logiciels payants que nous aurions pu acheter. Je vais plutôt partager avec vous la liste des applications open source que nous avons pu utiliser à la place, nous permettant ainsi une économie estimée au bas mot à environ 100 000 $. Je dis au bas mot, parce que malheureusement, la plupart des logiciels payants trouvent le moyen de sortir dans une nouvelle version chaque année vous obligeant souvent à repasser à la caisse.

Voici à quoi ressemble cette liste :

La dernière chose que nous avons inclus dans nos coûts a été l’hébergement de notre site web. Parce qu’utilisant des logiciels open source, notre compte Bluehost ne nous coûte que 6,95$ par mois pour 1,5 Go d’espace disque et 15 To de transfert. Rien que cela, le fait que nous soyons une entreprise internet, nous a fait économiser un paquet d’argent !

Sur le plan des coûts en terme de logiciels, et aussi des coûts de développement pour créer certains de ces outils, nous avons estimé que notre société a pu ainsi économiser 100000$ grâce à ces applications libres. Vous pouvez dire waouh ! Et je ne parle même pas de que ces applications nous ont apporté jusqu’ici. Ce serait une toute autre discussion. Ici, il ne s’agit que de l’argent économisé. C’est tout.

Comment est-ce possible? Grâce à toutes les personnes qui croient que l’open source doit exister. Ce qui ne cessera de me surprendre, c’est que beaucoup d’entreprises continuent à vivre en ignorant ces merveilleux outils. J’aimerais savoir combien d’argent vous avez économisé grâce à l’open source ! Alors s’il vous plaît laissez un commentaire et partagez vos chiffres avec nous. Merci.

Notes

[1] Illustration : Contando Dinheiro par Jeff Belmonte et sous licence Creative Commons BY.

[2] Traduction GaeliX (et relecture Mben) pour Framalang. Nous avons choisi de conserver l’expression open source en lieu et place logiciel libre parce qu’il nous a semblé qu’elle était ici plus proche de l’esprit des auteurs (et de leur culture américaine).




De Wikipédia et de la représentation iconographique de Mahomet

Représentation de Mahomet - Wikipédia

Quand la fameuse neutralité de point de vue (NPOV) de Wikipédia se heurte à un autre point de vue…

Le New York Times en a parlé récemment, une pétition en ligne, qui vient de dépasser les cent mille signatures électroniques, demande à Wikipédia (dans sa version anglophone) de retirer de son article consacré à Mahomet des images du prophète.

Il ne s’agit pas de caricatures mais de représentations médiévales musulmanes (comme celle désignée directement par la pétition et issue du fond de la Bibliothèque Nationale de France).

Refus ferme et poli de Wikipédia : Wikipedia est une encyclopédie dont le but est de représenter tous les sujets d’un point de vue neutre, elle ne fait pas de censure au profit d’un groupe particulier. Et d’inviter les visiteurs qui se sentiraient offensés à surfer en désactivant les images de leur navigateur.

Comme le souligne un article de FoxNews.com, on trouve également (actuellement) des images de Mahomet sur l’article correspondant des Wikipédias français, allemand, espagnol, russe, néerlandais et persan mais pas sur ceux en arabe, turc, chinois, albanais ou encore indonésien.




Comment l’Eee PC m’a montré que j’avais tort à propos de Linux

EeePC - François Schnell - CC By

Difficile de ne pas être au courant, l’Eee PC d’Asus[1] vient enfin de sortir officiellement en France.
Contrairement à Nitot et Stoehr je ne l’ai pas encore eu entre les mains[2] mais je suis de ceux qui pensent qu’avec lui, l’OLPC XO et autres CloudBook, on tient effectivement une petite révolution ou plutôt une belle librévolution.

Il y a tout d’abord son prix qui est franchement exceptionnel par rapport à ce que l’on a connu par le passé.
Ce prix casse une barrière à n’en pas douter. Il permet ainsi par exemple aux plus aisés de s’acheter un ordinateur nomade d’appoint idéal pour surfer dans les zones wi-fi, aux plus démunis de s’offrir leur premier ordinateur, aux écoles de s’équiper à moindre coût, aux parents d’en offrir un perso à leur progéniture, etc.

Il y a également son orientation internet.
Mine de rien il entérine la nouvelle donne qui voit bon nombre de nos données et ressources quitter notre disque dur pour se promener (tranquillement ?) sur internet. Si je regarde nombrilistiquement mon propre cas (messagerie Gmail, traitement de texte et tableur Google Documents, liens Del.icio.us, photos Flickr[3], actualités RSS, connaissance Wikipédia…) je m’aperçois que je n’utilise plus mon lecteur/graveur CD/DVD et qu’il me suffit de n’importe quel ordinateur connecté à internet pour pouvoir travailler (et ce quelque que soit l’OS de l’ordinateur hôte). Et si il faut tout de même conserver quelques documents, une bonne petite clé USB[4] fait fort bien l’affaire. En fait l’Eee PC c’est un peu comme un client léger relié à un drôle de serveur à savoir… internet !

Enfin, et surtout, l’Eee PC est bourré de logiciels libres à commencer par son système d’exploitation GNU/Linux (distribution Xandros adaptée[5]).
On y trouve en effet le navigateur Firefox, la messagerie Thunderbird, la suite bureautique OpenOffice.org, la messagerie instantanée Pidgin, le logiciel de dessin Tux Paint… sans oublier une icône Wikipédia d’accès direct à l’encyclopédie.

Ainsi donc tout client de l’Eee PC va se trouver au contact de ces logiciels libres et peut-être sûrement pour la première fois pour bon nombre d’entre eux. Quand bien même cet ordinateur soit loin d’être parfait et même loin d’être totalement libre, c’est ce qui me semble le plus important avec l’Eee PC : sa faculté à démontrer immédiatement non plus en théorie mais directement en pratique que Linux et les logiciels libres, ça marche et ça marche plutôt bien !

C’est pourquoi nous avons choisi de parler de l’Eee PC à la lumière d’un témoignage[6]. Celui d’un utilisateur lambda bluffé par les capacités de cet ordinateur mutant. Un utilisateur qui identifie bien la source de son étonnement : Linux et les logiciels libres. Un utilisateur qui n’hésite pas alors à revenir sur ses positions et préjugés à propos de Linux. Puissent les autres futurs utilisateurs de l’Eee PC suivre le même chemin…

Screenshot - Blorge.com

Comment le portable Asus EeePC m’a montré que j’avais tort à propos de Linux

How the ASUS EeePC showed me I was wrong about Linux

John Pospisil – 29 janvier 2008 – Blorge.com

Jusqu’à récemment je pensais que Linux était réservé aux enthousiastes et aux entreprises “près de leur sous”, qui cherchaient pour je ne sais quelle raison une alternative à Windows. Je n’avais jamais pensé que Linux pouvait contribuer à l’informatique grand public. Cependant après avoir acquis l’EeePC d’Asus, un micro-portable basé sur Linux, j’ai réalisé que j’avais tort, vraiment tort.

Je pense que le problème était que je n’avais jamais vraiment compris ce qu’était Linux.

Bien sûr je reconnaissais les lacunes de Windows et les dangers d’un monde devenu bien trop dépendant de Microsoft, mais de mon point de vue, Windows répondait très bien aux besoins d’un utilisateur moyen (de même que, dans une moindre mesure, Mac OS).

Ce n’est pas que je n’aimais pas Linux, c’est juste que je ne le prenais pas au sérieux. J’ai bien ri quand j’ai lu l’article de mon collègue expliquant que Linux était le nouvel Amiga. Nous savons tous ce qu’il est advenu d’Amiga.

Linux était mal fichu, difficile à utiliser et pas vraiment au niveau dans le domaine des jeux vidéos. Ou du moins c’est ce que je pensais à tort.

Même quand j’ai acheté le EeePC au supermarché du coin, j’ai plaisanté avec le vendeur en disant que “Pour ce que j’ai besoin de faire, je suis sûr que même Linux sera à la hauteur.”

Curieusement, le vendeur était un spécialiste de Linux et il a commencé à me faire la leçon sur les avantages de Linux.

Je me disais “cause toujours” en payant le vendeur et j’ai quitté le magasin en marmonnant au sujet des Linuxiens.

C’est vrai que je n’avais pas de grandes attentes sur Linux, donc quand j’ai commencé à jouer avec le EeePC j’ai été agréablement surpris de voir qu’il était vraiment très simple à utiliser.

Si vous avez déjà utilisé une interface graphique (que ce soit Windows, Mac ou même Amiga) il vous faudra au plus un quart d’heure pour comprendre comment utiliser le EeePC.

Je m’attendais à un cauchemar pour connecter le EeePC au réseau Wifi mais il ne m’a fallu que 2 minutes.

Je ne m’attendais pas à ce que le navigateur web fonctionne correctement, mais Firefox sur EeePC semble fonctionner aussi bien que sous Windows.

Je m’attendais à subir une régression avec le traitement de texte et le tableur de la suite OpenOffice pre-installée, mais je n’ai eu aucun problème pour travailler avec des documents Word et Excel complexes transférés depuis mon ordinateur de bureau.

Je ne m’attendais pas à pouvoir lire des fichiers vidéos, mais le logiciel fourni SMPlayer n’a aucun problème à lire les fichiers DivX.

Je m’attendais à avoir des soucis pour transférer des fichiers d’une clé USB vers le EeePC, mais une fois encore aucun problème.

Jusque-là, c’était une très bonne expérience avec Linux sur le EeePC. Evidemment le système était préinstallé et réglé pour ressembler à Windows, mais ce sont des remarques un peu hors-sujet. Il est clair que Linux fonctionne, et fonctionne bien, comme système d’exploitation d’un consommateur moyen.

Ce qui m’impressionne vraiment au sujet de Linux est qu’il permet à des machines comme le EeePC d’être fabriquées et vendues à un coût très bas :

  • Premièrement le fait que Linux soit open-source signifie évidemment que le constructeur n’a pas à payer de licence pour chaque système d’exploitation installé.
  • Deuxièmement, Linux est beaucoup moins gourmand en ressources que Windows XP ou Vista, donc il fonctionne bien avec des machines disposant de composants moins performants. Mon EeePC utilise un Celeron 900Mhz, 512MB de Mémoire vive et un disque dur de 4 Go, et Linux fonctionne sans aucun problème.

Je n’ai jamais fait le premier pas pour devenir un utilisateur de Linux, mais après avoir utilisé le EeePC, je m’imagine très bien utiliser Linux sur mon portable principal, mais probablement pas sur mon PC de bureau car il y a un grand nombre d’applications qui ne fonctionnent que sous Windows et sans lesquelles je ne pourrais tout simplement rien faire. C’est néanmoins un grand changement par rapport à mon état d’esprit d’il y a encore quelques semaines, je n’aurais même pas envisager utiliser Linux.

Peut-être que le EeePC montrera à d’autres sceptiques les possibilités offertes par Linux. Et peut-être que ceci est simplement un autre petit pas dans la lutte pour arracher des mains de Microsoft la domination du marché des systèmes d’exploitation.

Non, Linux ne va pas subitement se retrouver à prendre des parts de marché significatives à Microsoft, mais à sa façon, l’EeePC démontre que Linux est vraiment une alternative viable à Windows.

Notes

[1] Pour un petit tour promo de l’Eee PC sur le site officiel d’Asus tapez là.

[2] Notre ami François Schnell l’a également eu entre les mains comme l’illustre sa photographie qui ouvre ce billet (sous licence Creative Commons By).

[3] Une petit prière pour que Del.ico.us et Flickr, propriétés de Yahoo! ne passent pas chez Microsoft !

[4] Pour la clé USB c’est encore meilleur avec la Framakey inside !

[5] Rien ne vous empêche de changer de distribution Linux d’origine comme le montre cette vidéo de Nitot avec Xubuntu inside.

[6] Merci à toute l’équipe Framalang pour la traduction dont Coeurgan, Yostral et GaeliX.




Wikitravel : Partir à Chicago ou Singapour avec son guide de voyage libre

Screenshot - Wikitravel site

Wikitravel vous connaissez ? Pour la faire vite c’est comme Wikipédia mais pour le voyage. Ce qui donne « Wikitravel est un projet de guide touristique dont le contenu est libre et rédigé de manière collaborative sur le Web au moyen d’un wiki ». Ce projet est indépendant de Wikipédia (ne serait-ce que parce que la licence libre est différente[1]).

Je ne connais pas bien ce site pour tout vous avouer. Tout comme je ne sais pas si la version francophone est dynamique et active. Il n’en demeure pas moins que deux premiers livres ont été récemment édités par Wikitravel Press à partir du contenu de Wikitravel anglophone : Singapour et Chicago. On les trouvera en vente sur Lulu.com.

Pour nous qui tentons « le pari du livre libre » avec notre petit projet Framabook, ça fait bien plaisir de voir des livres collaboratifs sortir sous licence Creative Commons By-Sa. Outre le voyageur solitaire (et souvent loin de son foyer), l’absence de clause commerciale ou de clause de non modification permet ainsi aux offices de tourisme locaux, aux hotels, aux programmes d’échange étudiant, aux agences de voyage… d’avoir ainsi à disposition un contenu dont ils peuvent disposer librement.

Après il faut voir dans le détail ce contenu. Voir ce que cela apporte de plus ou de moins que le Guide du Bobo Routard ou le Lonely Planet par exemple. Voir aussi comment on peut être collaboratif et faire le choix objectif de tel ou tel restaurant ou hotel. Voir également si cela véhicule consciemment ou non la culture, les modes de consommation, et les clichés des sociétés occidentales dont le voyage de masse de ces trente dernières années n’a pas été sans conséquence sur l’écosystème des pays et sites visités… Mais ce n’est pas mon propos ici 😉

Un autre bémol c’est que le site Wikitravel n’est plus une association depuis avril 2006. Il a en effet été racheté par la société Internet Brands. Et cette évolution a été décidée par les fondateurs de Wikitravel et non par la communauté des contributeurs. Je vous laisse imaginer l’ambiance si pareille (més)aventure arrivait à Wikipédia ! Bien sûr le contenu demeure libre car protégé par la licence mais certains contributeurs peuvent néanmoins se sentir alors légitimement floués. Ceci dit, et je n’ai aucune information à ce sujet, c’est peut-être grâce à la société, ses moyens et ses structures que ces deux guides ont pu voir le jour.

Toujours est-il qu’avec le voyage, on se retrouve avec un nouveau champ exploratoire de cette culture libre qui n’en finit pas d’essaimer.

Notes

[1] Contrairement à Wikipédia et sa licence GFDL, la licence adoptée par Wikitravel est la licence Creative Commons By-Sa. Ils s’en expliquent sur leur site. Vous découvrirez alors peut-être pourquoi la GFDL a ses contraintes et pourquoi la récente annonce d’une compatibilité entre les deux licences est une excellente nouvelle.




Bertrand Delanoë et Bill Gates : « Comme un accord de paix »

Petit reportage vidéo du Parisien lors de la signature mardi 29 janvier du « partenariat numérique » entre Microsot et la ville de Paris.

Bill Gates à l'hôtel de ville de Paris - Le Parisien
Bill Gates à l’hôtel de ville de Paris – Le Parisien

Du moment que Fluctuat nec mergitur[1]

Notes

[1] Fluctuat nec mergitur est la devise de Paris que l’on peut traduire par « Il vogue sans jamais être submergé ».




Mon ministère me désespère… ou le fabuleux non destin du logiciel libre à l’école française

Not a happy end - Miikas - CC BySa

Un billet d’humeur péremptoire et de parti-pris qui n’engage que moi… [1]

Il était une fois un professeur qui décida d’écrire une lettre à son Ministre de l’Éducation.

En voici la conclusion : « La thèse défendue ici revient à dire à peu près ceci : en utilisant les logiciels libres, non seulement on effectue des économies spectaculaires pour le matériel, non seulement on se libère des logiques que tentent d’imposer les grandes multinationales de l’informatique, mais, en plus, on se met en relation avec l’un des foyers les plus vivants de la société qui est en train de se créer, celle de l’intelligence distribuée. Cette intelligence distribuée a déjà donné quelques résultats spectaculaires. La recherche scientifique en est l’exemple historique le plus éclatant, mais, plus près de nous, Internet, Linux, la Toile témoignent aussi de la validité du concept. Cette intelligence distribuée, en fait, ne fait que commencer à faire sentir ses effets et ils vont être majeurs. De grandes surprises attendent les instances politiques et commerciales qui ne vont pas bien en saisir les enjeux. Le maillage massif, sur des modes originaux, de centaines et de milliers d’esprits va conduire à de nouvelles formes de territoires, d’identités et donc de réalisations. Le schéma offert ci-dessus, tout en permettant de fonctionner mieux que jamais dans la société d’aujourd’hui, prépare déjà la société de demain. Or, ceci correspond exactement à l’enjeu fondamental d’une vraie politique de l’éducation. »

Ce professeur c’est Jean-Claude Guédon[2] et ce « il était une fois » est de rigueur puisque son document fut rédigé en… octobre 1998. Dix ans déjà ! Autant dire une éternité à l’échelle des temps numériques…

Certes Jean-Claude Guédon s’adressait à son propre ministre québécois et non à son homologue français. Certes il y a dix ans le logiciel libre était loin de sa maturité actuelle (et Wikipédia n’existait pas !). Il n’empêche que les arguments avancés étaient pourtant simples à comprendre. Il n’empêche que « gouverner c’est prévoir » et qu’au Ministère de l’Education nationale française, c’est bien simple, on n’a, durant cette longue période, strictement rien prévu d’envergure en faveur du logiciel libre.

Nous aurions dû montrer l’exemple et être en tête du mouvement. C’est à peine si on arrive à le suivre lamentablement.

Oh, bien sûr il s’en est passé des choses en dix ans et heureusement ! Il faut dire que l’Éducation Nationale dépasse le million de fonctionnaires qui jouissent tout de même d’une certaine liberté. De très nombreux professeurs ont adopté des logiciels libres. De très nombreux projets libres éducatifs ont vu le jour, il est vrai souvent soutenus localement par des académies (heureusement que le système est un tant soit peu décentralisé soit dit en passant). Mais tout ceci ne s’est fait au départ qu’à la base et à la marge.

Par nature et par culture, je me méfie des décrets et autres directives autoritaires venus d’en haut. Mais on aurait pu et on aurait dû être bien plus courageux et volontariste à la rue de Grenelle vis-à-vis du logiciel libre. On aurait dû encourager et accompagner avec force et conviction l’utilisation massive du logiciel libre à l’école. On aurait dû organiser des plans de migration du propriétaire vers le libre. On aurait dû soutenir réellement tous ces projets libres dont certains s’épuisent ou sont carrément morts de n’avoir pu trouver le temps et l’argent pour se développer.

Comment se fait-il qu’au sein des différents cabinets des ministres qui se sont succédés on n’ait pas remué ne serait-ce que le petit doigt vis-à-vis du logiciel libre ? Il n’y a que deux hypothèses en guise de réponse. Soit ils n’étaient pas au courant. Soit ils étaient au courant mais ont jugé que (tout faire pour) favoriser l’usage du logiciel libre à l’école n’était pas le bon choix. Soit irresponsables soit coupables en quelque sorte…

Alors voilà. Aujourd’hui on nous annonce que la Gendarmerie Nationale, après avoir fait le choix radical et unilatéral d’OpenOffice.org pour sa suite bureautique, se prépare à migrer tous ces postes clients vers GNU/Linux Ubuntu. De plus en plus de pays déploient ouvertement du Linux dans leurs écoles (le dernier en date : les Philippines). De plus en plus de pays affirment sans ambiguité que le nouveau système d’exploitation Windows Vista n’est pas bon pour l’école et qu’il convient d’utiliser des formats ouverts (le dernier en date : l’Angleterre).

Et chez nous ?

Rien.

Ah si, j’oubliais. Monsieur Darcos vient d’installer la mission « E-educ » sur les technologies de l’information et de la communication pour l’Enseignement. Extrait du communiqué de presse : « Le ministre va confier à Jean Mounet, président de SYNTEC informatique, une réflexion globale et ambitieuse visant au développement des technologies de l’information et de la communication pour l’Enseignement (TICE) au sein du monde éducatif. Cette mission, d’une durée de trois mois, rassemblera des représentants de l’Éducation nationale et des professionnels du secteur informatique. Les propositions feront l’objet d’un rapport qui sera remis à Xavier Darcos courant avril aux fins d’envisager de nouvelles actions dès la rentrée 2008. »

Pensez-vous que, comme le récent rapport Attali, le logiciel libre soit cité dans la lettre de mission ? Pensez-vous que le logiciel libre soit représenté au sein de la commission ?[3] Par contre, tiens, tiens, on y trouve non pas un, non pas deux, mais trois membres de la société Microsoft !

Il y a des jours comme cela où l’on se demande vraiment si créer Framasoft et y dépenser tant d’énergie valait vraiment le coup…

GHCA Computer lab running Gentoo Linux - Extra Ketchup - CC BySa

Notes

[1] Illustrations : Not a happy end de MiikaS et GHCA’s Computer Lab Running Gentoo Linux d’Extra Ketchup sous licence Creative Commons By-Sa.

[2] Fichtre, pas de lien Wikipédia vers Jean-Claude Guédon, il va falloir y remédier !

[3] On nous invite tout de même à nous exprimer sur un forum dédié. Si le cœur vous en dit…




Tapis rouge pour Microsoft à Paris

On pourra le justifier avec un flot de belles paroles mais pourquoi le Louvre à Abou Dhabi si ce n’est avant tout pour une question de gros sous.

C’est un peu la même chose me semble-t-il qui se profile avec le partenariat numérique qui sera annoncé mardi 29 janvier entre la ville de Paris et Microsoft. Nous n’en connaissons pas encore avec précision les tenants et les aboutissants si ce n’est que Bill Gates en personne se déplacera pour l’occasion.

Et voici donc le libre qui recule a priori de deux cases dans la Capitale au moment même où s’ouvre Solutions Linux 2008 (Framasoft y sera soit dit en passant).

Pour illustrer[1] mon propos il a été décidé de reproduire ici (à sa demande mais bien volontiers) un tout récent article de Jean-Christophe Frachet[2] dont nous partageons les inquiétudes et le désappointement.

Velib et plantage Microsoft - boklm - CC BY-SA

Syndrome de Stockholm ou syndrome de Redmond, Bertrand Delanoé jetterait-il Paris dans la gueule du loup ?

Jean-Christophe Frachet

Le syndrome de Stockholm peut se caractériser le développement d’un sentiment de confiance, voire de sympathie des otages vis-à-vis de leurs ravisseurs et par le développement d’un sentiment positif des ravisseurs à l’égard de leurs otages.

Il semble bien que tous les éléments soient réunis pour que les utilisateurs de windows changent encore d’ordinateur pour pouvoir installer la dernière version « Vista », pour acheter Microsoft Office au lieu de télécharger librement Open Office et passer du temps à réinstaller leurs programmes qui plantent régulièrement en ayant l’impression de faire de l’informatique. Et bien sûr, tout en payant plusieurs centaines d’Euros pour racheter ce qu’ils ont déjà payé, combien de version de Windows et de pack office ont-ils déjà acheté ?

L’habitude, le temps passé à comprendre la complexité (inutile ?) de ces logiciels et la non connaissance d’autres environnement informatiques rassurent l’utilisateur qui pense ne pas pouvoir éviter l’éditeur de Redmond, celui-ci étant devenu hégémonique.

Le 29 janvier 2008, Bertrand Delanoë et Bill Gates signent un partenariat numérique pour Paris. Ce serait pour former les demandeurs d’emplois aux métiers de l’informatique, mais c’est les obliger s’acquitter de la dîme pour travailler. Ce serait aussi pour apporter un soutien aux entreprises développant des solutions logicielles en faveur de la protection de l’environnement, mais n’est-ce pas aberrant d’être obligé de changer d’ordinateur parce que Windows est de plus en plus gourmand en ressources informatique ? c’est une des cause de la pollution informatique et de la consommation électrique grandissante. Ce serait aussi pour l’administration électronique ? mais c’est une nouvelle privatisation du service public alors qu’il existe des solutions libres. Quand à un “espace sportif numérique”, cela se saurait si la manipulation de la souris était bonne pour la santé.

Quelle mouche a donc piqué Bertrand Delanoé ? Alors que Paris pourrait être le fer de lance français et international d’une autre société de l’information, basée sur le partage, l’échange et la mutualisation, le Maire de Paris livre les Parisiens aux griffes du plus grand éditeur mondial américain.

Les systèmes d’informations, les logiciels et l’informatique ne sont pas des marchandises comme les autres. Il s’agit de manager la connaissance, de gérer des informations nous concernant tous et de moderniser les services publics. Il s’agit d’éducation, d’information et d’accès à la culture. Les systèmes d’information ont complètement envahi notre quotidien, internet, réseaux, télévision, téléphone,… Ces systèmes gèrent l’ensemble de nos activités, privée, publiques et professionnelles.

Toute décision dans ce secteur est politique avec des implications dans le court mais aussi dans le moyen et long terme.

Cette décision de contractualiser avec Microsoft est importante et c’est un signe vers les autres collectivités et les capitales du monde entier. Elle a été prise sans aucune concertation avec les élus, les associations et les citoyens. C’est la négation de la Politique avec un grand « P » au profit des lobbies.

Soit, le Maire de Paris ne mesure pas ce que cela signifie pour le bien commun dans la société de l’information, l’intérêt des Parisiens et pour la rationalisation de l’argent public,

Ou alors il le sait, et il vend Paris, certes avec une bonne remise, à l’éditeur de logiciel américain en le recevant comme un chef d’état comme l’avait fait J. Chirac, pour un bénéfice financier à très court terme,

Ou bien il s’en fiche et fait un simple coup de communication, ce qui serait bien décevant pour celui qui brigue un second mandat dans une des plus belles villes du Monde.

Faire de la politique, ce n’est pas une liste de courses avec un savant saupoudrage de mesures afin de satisfaire un peu tout le monde. Il s’agit d’avoir une réelle direction idéologique, d’avoir des valeurs et d’agir en cohérence avec celles-ci.

Cette décision est antinomique avec l’intérêt des Parisiens et du service public.

Berceau de la Révolution Française et du siècle des lumières, après avoir enfanté la déclaration de l’homme et du citoyen, c’est indigne de la capitale de la France de faire acte d’allégeance à un multimilliardaire américain, fût-il le fondateur d’une entreprise qui a racketté les utilisateurs d’ordinateurs pendant 25 ans jusqu’à devenir le plus riche du monde.

Notes

[1] La photographie d’illustration est signée Boklm sous licence Creative Commons By-Sa. Elle montre une borne Vélib’ gérée par Microsoft en proie à un magnifique BSOD (Blue Screen Of Death, ou écran bleu de la mort caractéristique des plantages Windows). Pff, quand on pense que dans Vélib‘ il y a le mot liberté

[2] Jean-Christophe Frachet est Délégué National du Mouvement Républicain et Citoyen (MRC) aux enjeux et prospectives des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication et Conseiller du 2è arrondissement de Paris Délégué aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication et au développement économique.