Framatube : aidez-nous à briser l’hégémonie de YouTube
Ceci est une révolution. OK : l’expression nous a été confisquée par un célèbre vendeur de pommes, mais dans ce cas, elle est franchement juste. Et si, ensemble, nous pouvions nous libérer de l’hégémonie de YouTube en innovant dans la manière dont on visionne et diffuse des vidéos ? Chez Framasoft, nous croyons que c’est possible… mais ça ne se fera pas sans vous.
YouTube est un ogre qui coûte cher
YouTube est avant tout un symbole. Celui de ces plateformes (Dailymotion, Vimeo, Facebook vidéos…) qui centralisent nos créations vidéos pour offrir nos données et notre temps de cerveau disponible aux multinationales qui se sont payé ces sites d’hébergement.
Il faut dire que capter nos vidéos et nos attentions coûte affreusement cher à ces ogres du web. Les fichiers vidéo pèsent lourd, il leur faut donc constamment financer l’ajout de disques durs dans leurs fermes de serveurs. Sans compter que, lorsque toutes ces vidéos sont centralisées et donc envoyées depuis les mêmes machines, il leur faut agrandir la taille et le débit du tuyau qui transporte ces flux de données, ce qui, encore une fois, se traduit en terme de pépètes, ou plutôt de méga-thunes.
Techniquement et financièrement, centraliser de la vidéo est probablement la méthode la moins pertinente, digne de l’époque des Minitels. Si, en revanche, votre but est de devenir l’unique chaîne de télé du Minitel 2.0 (donc d’un Internet gouverné par les plateformes)… Si votre but est d’avoir le pouvoir d’influencer les contenus et les habitudes du monde entier… Et si votre but est de collecter de précieuses informations sur nos intérêts, nos créations et nos échanges… Alors là, cela devient carrément rentable !
Dans nos vies, YouTube s’est hissé au rang de Facebook : un mal nécessaire, un site que l’on adore détester, un service « dont j’aimerais bien me passer, mais… ». À tel point que, si seules des « Licornes » (des entreprises milliardaires) peuvent s’offrir le succès de telles plateformes, beaucoup d’autres tentent d’imiter leur fonctionnement, jusque dans le logiciel libre. Comme si nous ne ne pouvions même plus imaginer comment faire autrement…
Je ne veux pas que vous le poussiez ou l’ébranliez [le tyran], mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse à qui on a dérobé sa base, de son poids même fondre en bas et se rompre. Étienne de LA BOÉTIE, Discours de la servitude volontaire, 1574
Réapproprions-nous les moyens de diffusion
Nous aurions pu proposer un Framatube centralisant des vidéos libres et libristes sur nos serveurs, basé sur les logiciels libres Mediadrop, Mediagoblin ou Mediaspip, qui sont très efficaces lorsqu’il s’agit d’héberger sa vidéothèque perso. Mais, en cas de succès et donc face à un très grand nombre de vidéos et de vues, nous aurions dû en payer le prix fort : or (on a fait les calculs) nous sommes 350 000 fois plus pauvres que Google-Alphabet, à qui appartient YouTube. Nous ne voulons pas utiliser leurs méthodes, et ça tombe bien : nous n’en avons pas les moyens.
Le logiciel libre a, en revanche, la capacité de penser hors de ce Google-way-of-life. L’intérêt principal de Google, son capital, ce sont nos données. C’est précisément ce qui l’empêche de mettre en place des solutions différentes, innovantes. Une vraie innovation serait d’utiliser, par exemple, des techniques de diffusion presque aussi vieilles qu’Internet et qui ont fait leurs preuves : la fédération d’hébergements et le pair-à-pair, par exemple.
La fédération, on connaît ça grâce aux emails (et nous en avons parlé en présentant l’alternative libre à Twitter qu’est Mastodon). Le fait que l’email de Camille soit hébergé par son entreprise et que la boite mail de Dominique lui soit fournie par son université ne les empêche pas de communiquer, bien au contraire !
Le pair-à-pair, nous le connaissons avec eMule, les Torrents ou plus récemment Pop-corn Time : c’est quand l’ordinateur de chaque personne qui reçoit un fichier (par exemple la vidéo qui s’affiche dans un lecteur sur votre écran) l’envoie en même temps aux autres personnes. Cela permet, tout simplement, de répartir les flux d’information et de soulager le réseau.
Avec PeerTube, libérons-nous des chaînes de YouTube
PeerTube est un logiciel libre qui démocratise l’hébergement de vidéos en créant un réseau d’hébergeurs, dont les vidéos vues sont partagées en direct entre internautes, de pairs à pairs. Son développeur, Chocobozzz, y travaille bénévolement depuis deux ans, sur son temps libre.
Chez Framasoft, lors de la campagne Dégooglisons Internet, nous nous sommes souvent creusé la tête sur la meilleure façon de créer une alternative à YouTube qui libère à la fois les internautes, les vidéastes et les hébergeurs, sans pénaliser le confort de chacun. Lorsque nous avons eu vent de PeerTube, nous étions émerveillé·e·s : sa conception, bien qu’encore en cours de développement, laisse entrevoir un logiciel qui peut tout changer.
Pour le spectateur, aller sur un des hébergements PeerTube lui permettra de voir et d’interagir avec les vidéos de cet hébergeur mais aussi de tous ses « hébergeurs amis » (principe de fédération). Un·e vidéaste aura la liberté de choisir entre plusieurs hébergements, chacun ayant ses centres d’intérêts, ses conditions générales, ses règles de modération voire de monétisation. Une hébergeuse (un jour prochain nous dirons peut-être une PeerTubeuse ?) quant à elle, n’aura pas besoin d’héberger les vidéos du monde entier afin d’attirer un large public, et ne craindra plus qu’une vidéo vue massivement ne fasse tomber son serveur.
Depuis octobre 2017, nous avons accueilli Chocobozzz au sein de notre équipe de salarié·e·s afin de financer son temps de travail sur le logiciel PeerTube, et donc d’accélérer son développement en l’accompagnant du mieux que nous pouvons. L’objectif ? Sortir une version bêta de PeerTube (utilisable publiquement) dès mars 2018, dans le cadre de notre campagne Contributopia.
Les premiers moyens de contribuer à PeerTube
Clairement, PeerTube ne sera pas (pas tout de suite) aussi beau, fonctionnel et fourni qu’un YouTube de 2017 (qui bénéficie depuis 10 ans des moyens de Google, une des entreprises les plus riches au monde). Mais les fonctionnalités, présentes ou prévues, mettent déjà l’eau à la bouche… et si vous voulez en savoir plus, vous pouvez déjà poser toutes vos questions sur PeerTube sur notre forum. Ces questions nous permettront de mieux cerner vos attentes sur un tel projet, et de publier prochainement une foire aux questions sur ce blog.
Une autre manière de contribuer dès maintenant sur ce projet, c’est avec votre argent, par un don à Framasoft, qui en plus est toujours défiscalisable à 66 % pour les contribuables français (ce qui fait qu’un don de 100 € revient, après impôts, à 34 €). Mine de rien, c’est un moyen pour vous de consacrer une petite partie de vos contributions publiques à ces biens communs que sont les logiciels libres, dont PeerTube est un exemple.
Car si le logiciel libre est diffusé gratuitement, il n’est pas gratuit : il est, en général, financé à la source. Là, nous vous proposons une expérience de financement participatif assez intéressante. Il ne s’agit pas de faire un crowdfunding en mode « Si vous payez suffisamment, alors on le fait. » Nous avons d’ores et déjà embauché Chocobozzz, et nous mènerons PeerTube au moins jusqu’à sa version bêta.
Sachant cela, et si vous croyez en ce projet aussi fort que nous y croyons : est-ce que vous allez participer à cet effort, qui est aussi un effort financier ?
Bien entendu, cela n’est pas aussi tranché : si nous n’atteignons pas cet objectif-là, nous devrons simplement revoir l’ensemble de nos activités à la baisse (et nous inquiéter sérieusement en 2018). Néanmoins, nous n’avons aucune envie d’être alarmistes car nous vous faisons confiance. Nous savons qu’il est possible de contribuer, ensemble, à réaliser les mondes et les projets de Contributopia.
Le logiciel « open source » a gagné, tant mieux, c’est un préalable pour une informatique éthique, explique Daniel Pascot, qui a tout au long d’une carrière bien remplie associé enseignement et pratique de l’informatique, y compris en créant une entreprise.
Du côté de nos cousins d’Outre-Atlantique, on lui doit notamment d’avoir présidé aux destinées de l’association libriste FACIL (c’est un peu l’April du Québec) et milité activement pour la promotion de solutions libres jusqu’aux instances gouvernementales.
On peut se réjouir de l’ubiquité du logiciel libre mais les fameuses quatre libertés du logiciel libre (merci Mr Stallman) ne semblent en réalité concerner que les créateurs de logiciels. Les utilisateurs, peu réceptifs au potentiel ouvert par les licences libres, sont intéressés essentiellement par l’usage libre des logiciels et les services proposés par des entreprises intermédiaires. Hic jacet lupus… Quand ces services échappent à la portée des licences libres, comment garantir qu’ils sont éthiques ? La réflexion qu’entame Daniel Pascot à la lumière d’exemples concrets porte de façon très intéressante sur les conditions d’un contrat équilibré entre utilisateurs et fournisseurs de services. Les propositions de charte qu’il élabore ressemblent d’ailleurs plutôt à une liste des droits des utilisateurs et utilisatrices 😉
Chez Framasoft, nous trouvons que ce sont là des réflexions et propositions fort bien venues pour le mouvement de CHATONS qui justement vous proposent des services divers en s’engageant par une charte.
Comme toujours sur le Framablog, les commentaires sont ouverts…
Le logiciel « open source » a gagné, oui mais…
Les « libristes »1 se rendent progressivement compte que bien des combats qu’ils ont livrés étaient une cause perdue d’avance car ils sous-estimaient les conséquences de la complexité des logiciels. Quels que soient les bienfaits des logiciels libres, les utiliser exige une compétence et un entretien continu qui ne sont pas envisageables pour la grande majorité des individus ou organisations2.
Richard Stallman a fait prendre conscience de la nécessité de contrôler les programmes pour garantir notre liberté. La dimension éthique était importante : il parlait du bon et du mauvais logiciel. L’importance de ce contrôle a été mise en évidence par Lawrence Lessig avec son « Code is law »3. La nature immatérielle et non rivale du logiciel faisait que les libristes le considéraient naturellement comme un bien commun. Il leur semblait évident qu’il devait être partagé. Comme on vivait alors dans un monde où les ordinateurs étaient autonomes, la licence GPL avec ses libertés offrait un socle satisfaisant sur lequel les libristes s’appuyaient.
J’ai depuis plus de 20 ans enseigné et milité pour le logiciel libre que j’utilise quotidiennement. Comme tout bon libriste convaincu, j’ai présenté les quatre libertés de la GPL, et je reconnais que je n’ai pas convaincu grand monde avec ce discours. Qu’il faille garder contrôle sur le logiciel, parfait ! Les gens comprennent, mais la solution GPL ne les concerne pas parce que ce n’est absolument pas dans leur intention d’installer, étudier, modifier ou distribuer du logiciel. Relisez les licences et vous conviendrez qu’elles sont rédigées du point de vue des producteurs de logiciels plus que des utilisateurs qui n’envisagent pas d’en produire eux-mêmes.
Mais un objet technique et complexe, c’est naturellement l’affaire des professionnels et de l’industrie. Pour eux, la morale ou l’éthique n’est pas une préoccupation première, ce sont des techniciens et des marchands qui font marcher l’économie dans leur intérêt. Par contre, la liberté du partage du code pour des raisons d’efficacité (qualité et coût) les concerne. Ils se sont alors débarrassés de la dimension éthique en créant le modèle open source4. Et ça a marché rondement au point que ce modèle a gagné la bataille du logiciel. Les cinq plus grandes entreprises au monde selon leurs capitalisations boursières, les GAFAM, reposent sur ce modèle. Microsoft n’est plus le démon privatif à abattre, mais est devenu un acteur du libre. Enlevez le code libre et plus de Web, plus de courrier électronique, plus de réseaux sociaux comme Facebook, plus de service Google ou Amazon, ou de téléphone Apple ou Android. Conclusion : le logiciel libre a gagné face au logiciel propriétaire, c’est une question de temps pour que la question ne se pose plus.
Oui, mais voilà, c’est du logiciel libre débarrassé de toute évidence de sa dimension éthique, ce qui fait que du point de vue de l’utilisateur qui dépend d’un prestataire, le logiciel libre n’apporte rien. En effet, les prestataires de services, comme les réseaux sociaux ou les plates-formes de diffusion, ne distribuent pas de logiciel, ils en utilisent et donc échappent tout à fait légalement aux contraintes éthiques associées aux licences libres. Ce qui importe aux utilisateurs ce ne sont pas les logiciels en tant qu’objets, mais le service qu’ils rendent qui, lui, n’est pas couvert par les licences de logiciel libre. Circonstance aggravante, la gratuité apparente de bien des services de logiciel anesthésie leurs utilisateurs face aux conséquences de leur perte de liberté et de l’appropriation de leurs données et comportements (méta données) souvent à leur insu5.
Pourtant, aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous passer de logiciel, tout comme nous ne pouvons pas nous passer de manger. Le logiciel libre c’est un peu comme le « bio » : de plus en plus de personnes veulent manger bio, tout simplement parce que c’est bon pour soi (ne pas s’empoisonner), bon pour la planète (la préserver de certaines pollutions) ou aussi parce que cela permet d’évoluer vers une économie plus humaine à laquelle on aspire (économie de proximité). Le « bio » est récent, mais en pleine expansion, il y a de plus en plus de producteurs, de marchands, et nos gouvernements s’en préoccupent par des lois, des règlements, des certifications ou la fiscalité. Ainsi le « bio » ce n’est pas seulement un produit, mais un écosystème complexe qui repose sur des valeurs : si le bio s’était limité à des « écolos » pour auto-consommation, on n’en parlerait pas. Eh bien le logiciel c’est comme le bio, ce n’est pas seulement un produit mais aussi un écosystème complexe qui concerne chacun de nous et la société avec tous ses acteurs.
Dans l’écosystème logiciel, les éditeurs et les prestataires de service qui produisent et opèrent le logiciel, ont compris que le logiciel libre (au sens open source) est bon pour eux et s’en servent, car ils le contrôlent. Par contre il n’en va pas de même pour ceux qui ne contrôlent pas directement le logiciel. La licence du logiciel ne suffit pas à leur donner contrôle. Mais alors que faire pour s’assurer que le service rendu par le logiciel via un prestataire soit bon pour nous, les divers utilisateurs dans cet écosystème numérique complexe ?
Je vais ici commenter la dimension éthique de deux projets de nature informatique qui s’appuient sur du logiciel libre sur lesquels je travaille actuellement en tentant d’intégrer ma réflexion de militant, d’universitaire et de praticien. PIAFS concerne les individus et donc le respect de nos vies privées pour des données sensibles, celles de notre santé dans un contexte de partage limité, la famille. REA vise à garantir à une organisation le contrôle de son informatisation dans le cadre d’une relation contractuelle de nature coopérative.
Deux cas qui ont alimenté ma réflexion
PIAFS : Partage des Informations Avec la Famille en Santé
PIAFS est projet qui répond à un besoin non satisfait : un serveur privé pour partager des données de santé au sein d’une unité familiale à des fins d’entr’aide (http://piafs.org/). Cette idée, dans un premier temps, a débouché sur un projet de recherche universitaire pour en valider et préciser la nature. Pour cela il nous fallait un prototype.
Au-delà de la satisfaction d’un besoin réel, je cherchais en tant que libriste comment promouvoir le logiciel libre. Je constatais que mes proches n’étaient pas prêts à renoncer à leurs réseaux sociaux même si je leur en montrais les conséquences. Il fallait éviter une première grande difficulté : changer leurs habitudes. J’avais là une opportunité : mes proches, comme beaucoup de monde, n’avaient pas encore osé organiser leurs données de santé dans leur réseau social.
Si ce projet avait dès le départ une dimension éthique, il n’était pas question de confier ces données sensibles à un réseau social. J’étais dès le départ confronté à une dimension pratique au-delà de la disponibilité du logiciel. De plus, pour les utilisateurs de PIAFS, l’auto-hébergement n’est pas une solution envisageable. Il fallait recourir à un fournisseur car un tel service doit être assuré d’une manière responsable et pérenne. Même si l’on s’appuyait sur des coopératives de santé pour explorer le concept, il est rapidement apparu qu’il fallait recourir à un service professionnel classique dont il faut alors assumer les coûts6. Il fallait transposer les garanties apportées par le logiciel libre au fournisseur de service : l’idée de charte que l’on voyait émerger depuis quelques années semblait la bonne approche pour garantir une informatique éthique, et en même temps leur faire comprendre qu’ils devaient eux-mêmes assurer les coûts du service.
REA : Pour donner au client le contrôle de son informatisation
J’ai enseigné la conception des systèmes d’information dans l’université pendant près de 40 ans (à Aix-en-Provence puis à Québec), et eu l’occasion de travailler dans des dizaines de projets. J’ai eu connaissance de nombreux dérapages de coût ou de calendrier et j’ai étudié la plupart des méthodologies qui tentent d’y remédier. J’ai aussi appris qu’une des stratégies commerciales de l’industrie informatique (ils ne sont pas les seuls !) est la création de situations de rente pas toujours à l’avantage du client. Dans tout cela je n’ai pas rencontré grande préoccupation éthique.
J’ai eu, dès le début de ma carrière de professeur en systèmes d’information (1971), la chance d’assister, sinon participer, à la formalisation de la vision de Jean-Louis Le Moigne7 : un système d’information consiste à capturer, organiser et conserver puis distribuer et parfois traiter les informations créées par l’organisation. Cette vision s’opposait aux méthodologies naissantes de l’analyse structurée issues de la programmation structurée. Elle établissait que l’activité de programmation devait être précédée par une compréhension du fonctionnement de l’organisation à partir de ses processus. L’approche qui consiste à choisir une « solution informatique » sans vraiment repenser le problème est encore largement dominante. J’ai ainsi été conduit à développer, enseigner et pratiquer une approche dite à partir des données qui s’appuie sur la réalisation précoce de prototypes fonctionnels afin de limiter les dérapages coûteux (je l’appelle maintenant REA pour Référentiel d’Entreprise Actif, le code de REA est bien sûr libre).
Mon but est, dans ma perspective libriste, de redonner le contrôle au client dans la relation client-fournisseur de services d’intégration. Si ce contrôle leur échappe trop souvent du fait de leur incompétence technique, il n’en reste pas moins que ce sont eux qui subissent les conséquences des systèmes informatiques « mal foutus ». Là encore le logiciel libre ne suffit pas à garantir le respect du client et le besoin d’une charte pour une informatique éthique s’impose8 .
Vers une charte de l’informatique libre, c’est-à-dire bonne pour l’écosystème numérique
Dans les deux cas, si l’on a les ressources et la compétence pour se débrouiller seul, les licences libres comme la GPL ou une licence Creative Commons pour la méthodologie garantissent une informatique éthique (respect de l’utilisateur, contribution à un bien commun). S’il faut recourir à un hébergeur ou un intégrateur, les garanties dépendent de l’entente contractuelle entre le client-utilisateur et le fournisseur.
Il y a une différence fondamentale entre le logiciel et le service. Le logiciel est non rival, il ne s’épuise pas à l’usage, car il peut être reproduit sans perte pour l’original, alors que le service rendu est à consommation unique. Le logiciel relève de l’abondance alors que le service relève de la rareté qui est le fondement de l’économie qui nous domine, c’est la rareté qui fait le prix. Le logiciel peut être mis en commun et partagé alors que le service ne le peut pas. L’économie d’échelle n’enlève pas le caractère rival du service. Et c’est là que la réalité nous rattrape : la mise en commun du logiciel est bonne pour nous tous, mais cela n’a pas de sens pour le service car aucun fournisseur ne rendra ce service gratuitement hormis le pur bénévolat.
Des propositions balisant un comportement éthique existent, en voici quelques exemples:
dans Le Manifeste pour le développement Agile de logiciels, des informaticiens ont proposé une démarche dite agile qui repose sur 4 valeurs et 12 principes. Sans être explicitement une charte éthique, la démarche est clairement définie dans l’optique du respect du client. Ce manifeste est utile dans le cas REA ;
la charte du collectif du mouvement CHATONS concerne les individus, elle est pensée dans un contexte d’économie sociale et solidaire, elle est inspirante pour le cas PIAFS ;
la charte de Framasoft définit un internet éthique, elle est inspirante pour le cas PIAFS mais aussi pour la définition d’un cadre global;
dernièrement sous forme de lettre ouverte, un collectif issu du Techfestival de Copenhague propose une pratique éthique, utile pour les deux cas et qui permet de réfléchir au cadre global.
Les libristes, mais dieu merci ils ne sont pas les seuls, ont une bonne idée des valeurs qui président à une informatique éthique, bonne pour eux, à laquelle ils aspirent lorsqu’ils utilisent les services d’un fournisseur. Les exigences éthiques ne sont cependant pas les mêmes dans les deux cas car l’un concerne un service qui n’inclut pas de développement informatique spécifique et l’autre implique une activité de développement significative (dans le tableau ci-dessous seuls des critères concernant l’éthique sont proposés):
Critères pour le client
Dans le cas de PIAFS
Dans le cas d’un projet REA
Respect de leur propriété
Les données qu’ils produisent leur appartiennent, ce n’est pas négociable
Tout document produit (analyse, …) est propriété du client
Respect de leur identité
Essentiel
Le client doit contrôler la feuille de route, ce sont ses besoins que l’on doit satisfaire par ceux du fournisseur
Respect de leur indépendance vis à vis du fournisseur
Important, préside au choix des logiciels et des formats
Critique : mais difficile à satisfaire.
Proximité du service : favoriser l’économie locale et protection contre les monopoles
Important
Important
Pérennité du service
Important, mais peut être tempéré par la facilité du changement
Essentiel : le changement est difficile et coûteux, mais la « prise en otage » est pire
Payer le juste prix
Important
Important
Partage équitable des risques
Risque faible
Essentiel car le risque est élevé
Mise en réseau
Essentiel : la connexion « sociale » est impérative mais dans le respect des autres valeurs
Plus aucune organisation vit en autarcie
Contribution (concerne le fournisseur)
Non discutable, obligatoire
Important mais aménageable
Entente sur le logiciel
Le client, individu ou organisation, doit avoir l’assurance que les logiciels utilisés par le fournisseur de services font bien et seulement ce qu’ils doivent faire. Comme il n’a pas la connaissance requise pour cette expertise, il doit faire confiance au fournisseur. Or, parce que celui-ci n’offre pas toute la garantie requise (volonté et capacité de sa part), il faut, dans cette situation, recourir à un tiers de confiance. Cette expertise externe par un tiers de confiance est très problématique. Il faut d’une part que le fournisseur donne accès aux logiciels et d’autre part trouver un expert externe qui accepte d’étudier les logiciels, autrement dit résoudre la quadrature du cercle !
Le logiciel libre permet de la résoudre. Il est accessible puisqu’il est public, il est produit par une communauté qui a les qualités requises pour jouer ce rôle de tiers de confiance. Ainsi, pour une informatique éthique :
tout logiciel utilisé par le fournisseur doit être public, couvert par une licence libre, ce qui le conduit à ne pas redévelopper un code existant ou le moins possible,
s’il est amené à produire du nouveau code,
le fournisseur doit le rendre libre. C’est à l’avantage de la société mais aussi du client dans un contexte de partage et de protection contre les situations de rente qui le tiennent en otage,
ou du moins le rendre accessible au client,
garantir que seul le code montré est utilisé,
utiliser des formats de données et documents libres.
L’éthique est complexe, il est difficile sinon impossible d’anticiper tous les cas. L’exigence de logiciel libre peut être adaptée à des situations particulières, par exemple si le prestataire est engagé pour un logiciel que le client ne désire pas partager il en prend alors la responsabilité, ou si la nécessité de poursuivre l’utilisation de logiciels non libres est non contournable temporairement.
Entente sur le bien ou service
Le critère du coût est propre au service. Dans une approche éthique le juste coût n’est pas la résultante du jeu de l’offre et de la demande, ni d’un jeu de négociation basé sur des secrets, et encore moins le résultat d’une rente de situation. Il s’agit pour le fournisseur de couvrir ses coûts et de rentabiliser son investissement (matériel, formation…). Une approche éthique impose de la transparence, le client :
doit savoir ce qu’il paye,
doit avoir la garantie que le contrat couvre tous les frais pour l’ensemble du service (pas de surprise à venir),
doit être capable d’estimer la valeur de ce qu’il paye,
doit connaître les coûts de retrait du service et en estimer les conséquences.
Le partage équitable du risque concerne essentiellement les projets d’informatisation avec un intégrateur. Il est rare que l’on puisse estimer correctement l’ampleur d’un projet avant de l’avoir au moins partiellement réalisé. Une part du risque provient de l’organisation et de son environnement, une autre part du risque provient des capacités du fournisseur et de ses outils. Ceci a un impact sur le découpage du projet, chaque étape permet d’estimer les suivantes :
tout travail réalisé par le fournisseur contributif au projet :
doit être payé,
appartient au client,
doit pouvoir être utilisé indépendamment du fournisseur.
le travail dont le volume est dépendant du client est facturé au temps,
le travail sous le contrôle du fournisseur doit si possible être facturé sur une base forfaitaire,
le client est maître de la feuille de route,
tout travail entamé par le fournisseur doit être compris et accepté par le client,
la relation entre le client et le fournisseur est de nature collaborative, le client participe au projet qui évolue au cours de la réalisation à la différence d’une relation contractuelle dans laquelle le client commande puis le fournisseur livre ce qui est commandé.
Conclusion : l’informatique éthique est possible
Pour tous les utilisateurs de l’informatique, c’est à dire pratiquement tout le monde et toutes les organisations de notre société numérique, il est aussi difficile de nier l’intérêt d’une informatique éthique que de rejeter le « bio », mais encore faut-il en être conscient. Le débat au sein des producteurs de logiciels reste difficile à comprendre. Ce qui est bon pour un libriste c’est un logiciel qui avant tout le respecte, alors que pour les autres informaticiens, c’est à dire la grande majorité, c’est un logiciel qui ne bogue pas. Fait aggravant : la vérité des coûts nous est cachée. Cependant au-delà de cette différence philosophique, l’intérêt du logiciel partagé est tel qu’un immense patrimoine de logiciel libre ou open source est disponible. Ce patrimoine est le socle sur lequel une informatique éthique est possible. Les deux cas présentés nous montent que les conditions existent dès maintenant.
Une informatique éthique est possible, mais elle ne sera que si nous l’exigeons. Les géants du Net sont de véritables états souverains devant lesquels même nos états baissent pavillon. La route est longue, chaotique et pleine de surprises, comme elle l’a été depuis la naissance de l’ordinateur, mais un fait est acquis, elle doit reposer sur le logiciel libre.
Le chemin se fait en marchant, comme l’écrivait le poète Antonio Machado, et c’est à nous libristes de nous donner la main et de la tendre aux autres. Ce ne sera pas facile car il faudra mettre la main à la poche et la bataille est politique. Il nous faut exiger, inspirés par le mouvement « bio », un label informatique éthique et pourquoi pas un forum mondial de l’écosystème numérique. La piste est tracée (à l’instar de la Quadrature du Net), à nous de l’emprunter.
Notes
J’ai utilisé ce mot de libriste pour rendre compte de la dimension militante et à certains égards repliée sur elle-même, qu’on leur reproche souvent à raison.↩
Dans un article paru en 2000, Lawrence Lessig -auquel on doit les licences Creative Commons- a clairement mis en lumière que l’usage d’internet (et donc des logiciels) nous contraint, tout comme nous sommes contraint par les lois. Il nous y a alerté sur les conséquences relatives à notre vie privée. Voir la traduction française sur Framablog « Le code fait loi – De la liberté dans le cyberespace » (publié le 22/05/2010),↩
Dans l’optique open source, un bon logiciel est un logiciel qui n’a pas de bogue. Dans l’optique logiciel libre, un bon logiciel est un logiciel éthique qui respecte son utilisateur et contribue au patrimoine commun. Dans les deux cas il est question d’accès au code source mais pour des raisons différentes, ce qui au plan des licences peut sembler des nuances : « Né en 1998 d’une scission de la communauté du logiciel libre (communauté d’utilisateurs et de développeurs) afin de conduire une politique jugée plus adaptée aux réalités économiques et techniques, le mouvement open source défend la liberté d’accéder aux sources des programmes qu’ils utilisent, afin d’aboutir à une économie du logiciel dépendant de la seule vente de prestations et non plus de celle de licences d’utilisation ». Voir la page Wikipédia, « Open Source Initiative ».↩
La question de recourir à une organisation de l’économie sociale et solidaire s’est posée et ce n’est pas exclu.Cela n’a pas été retenu pour des raisons pratiques et aussi parce que la démarche visait à promouvoir une informatique éthique de la part des fournisseurs traditionnels locaux.↩
Avant d’être connu comme un constructiviste Jean-Louis Le Moigne, alors professeur à l’IAE d’Aix-en-Provence, créait un enseignement de systèmes d’information organisationnels et lançait avec Huber Tardieu la recherche qui a conduit à la méthode Merise à laquelle j’ai participé car j’étais alors assistant dans sa petite équipe universitaire et il a été mon directeur de doctorat.↩
Caliopen, la messagerie libre sur la rampe de lancement
Le projet Caliopen, lancé il y a trois ans, est un projet ambitieux. Alors qu’il est déjà complexe de créer un nouveau logiciel de messagerie, il s’agit de proposer un agrégateur de correspondance qui permette à chacun d’ajuster son niveau de confidentialité.
Ce logiciel libre mûrement réfléchi est tout à fait en phase avec ce que Framasoft s’efforce de promouvoir à chaque fois que des libristes donnent aux utilisateurs et utilisatrices plus d’autonomie et de maîtrise, plus de sécurité et de confidentialité.
Après une nécessaire période d’élaboration, le projet Caliopen invite tout le monde à tester la version alpha et à faire remonter les observations et suggestions. La première version grand public ce sera pour dans un an environ.
Vous êtes curieux de savoir ce que ça donne ? Nous l’étions aussi, et nous avons demandé à Laurent Chemla, qui bidouillait déjà dans l’Internet alors que vous n’étiez même pas né⋅e, de nous expliquer tout ça, puisqu’il est le père tutélaire du projet Caliopen, un projet que nous devons tous soutenir et auquel nous pouvons contribuer.
Bonjour, pourrais-tu te présenter brièvement ?
J’ai 53 ans, dont 35 passés dans les mondes de l’informatique et des réseaux. Presque une éternité dans ce milieu – en tous cas le temps d’y vivre plusieurs vies (« pirate », programmeur, hacktiviste, entrepreneur…). Mais ces temps-ci je suis surtout le porteur du projet Caliopen, même si je conserve une petite activité au sein du CA de la Quadrature du Net. Et je fais des macarons.
Le projet Caliopen arrive ce mois-ci au stade de la version alpha, mais comment ça a commencé ?
Jérémie Zimmermann est venu me sortir de ma retraite nîmoise en me poussant à relancer un très ancien projet de messagerie après les révélations de Snowden. Ça faisait déjà un petit moment que je me demandais si je pouvais encore être utile à la communauté autrement qu’en publiant quelques billets de temps en temps, alors j’ai lancé l’idée en public, pour voir, et il y a eu un tel retour que je n’ai pas pu faire autrement que d’y aller, malgré ma flemme congénitale.
Quand tu as lancé le projet publiquement (sur une liste de diffusion il me semble) quelle était la feuille de route, ou plutôt la « bible » des spécifications que tu souhaitais voir apparaître dans Caliopen ?
Très vite on a vu deux orientations se dessiner : la première, très technique, allait vers une vision maximaliste de la sécurité (réinventer SMTP pour protéger les métadonnées, garantir l’anonymat, passer par du P2P, ce genre de choses), tandis que la seconde visait à améliorer la confidentialité des échanges sans tout réinventer. Ça me semblait plus réaliste – parce que compatible avec les besoins du grand public – et c’est la direction que j’ai choisi de suivre au risque de fâcher certains contributeurs.
J’ai alors essayé de lister toutes les fonctionnalités (aujourd’hui on dirait les « User Stories ») qui sont apparues dans les échanges sur cette liste, puis de les synthétiser, et c’est avec ça que je suis allé voir Stephan Ramoin, chez Gandi, pour lui demander une aide qu’il a aussitôt accepté de donner. Le projet a ensuite évolué au rythme des échanges que j’ai pu avoir avec les techos de Gandi, puis de façon plus approfondie avec Thomas Laurent pendant la longue étape durant laquelle nous avons imaginé le design de Caliopen. C’est seulement là, après avoir défini le « pourquoi » et le « quoi » qu’on a pu vraiment commencer à réfléchir au « comment » et à chercher du monde pour le réaliser.
La question qui fâche : quand on lit articles et interviews sur Caliopen, on a l’impression que le concept est encore super flou. C’est quoi l’elevator pitch pour vendre le MVP de la start-up aux business angels des internets digitaux ? (en français : tu dis quoi pour convaincre de nouveaux partenaires financiers ?)
Ça fait bien 3 ans que le concept de base n’a pas bougé : un agrégateur de correspondances qui réunit tous nos échanges privés (emails, message Twitter ou Facebook, messageries instantanées…), sous forme de conversations, définies par ceux avec qui on discute plutôt que par le protocole utilisé pour le faire. Voilà pour ton pitch.
Ce qui est vrai c’est qu’en fonction du public auquel on s’adresse on ne présente pas forcément le même angle. Le document qui a été soumis à BPI France pour obtenir le financement actuel fait 23 pages, très denses. Il aborde les aspects techniques, financiers, l’état du marché, la raison d’être de Caliopen, ses objectifs sociétaux, ses innovations, son design, les différents modèles économiques qui peuvent lui être appliqués… ce n’est pas quelque chose qu’on peut développer en un article ou une interview unique.
Si j’aborde Caliopen sous l’angle de la vie privée, alors j’explique par exemple le rôle des indices de confidentialité, la façon dont le simple fait d’afficher le niveau de confidentialité d’un message va influencer l’utilisateur dans ses pratiques: on n’écrit pas la même chose sur une carte postale que dans une lettre sous enveloppe. Rien que sur ce sujet, on vient de faire une conférence entière (à Paris Web et à BlendWebMix) sans aborder aucun des autres aspects du projet.
Si je l’aborde sous l’angle technique, alors je vais peut-être parler d’intégration « verticale ». Du fait qu’on ne peut pas se contenter d’un nouveau Webmail, ou d’un nouveau protocole, si on veut tenir compte de tous les aspects qui font qu’un échange est plus ou moins secret. Ce qui fait de Caliopen un ensemble de différentes briques plutôt qu’une unique porte ou fenêtre. Ou alors je vais parler de la question du chiffrement, de la diffusion des clés publiques, de TOFU et du RFC 7929…
Mais on peut aussi débattre du public visé, de design, d’économie du Web, de décentralisation… tous ces angles sont pertinents, et chacun peut permettre de présenter Caliopen avec plus ou moins de détails.
Caliopen est un projet complexe, fondé sur un objectif (la lutte contre la surveillance de masse) et basé sur un moyen (proposer un service utile à tous), qui souhaite changer les habitudes des gens en les amenant à prendre réellement conscience du niveau d’exposition de leur vie privée. Il faut plus de talent que je n’en ai pour le décrire en quelques mots.
Il reste un intérêt pour les mails ? On a l’impression que tout passe par les webmails ou encore dans des applis de communication sur mobile, non ?
Même si je ne crois pas à la disparition de l’email, c’est justement parce qu’on a fait le constat qu’aujourd’hui la correspondance numérique passe par de très nombreux services qu’on a imaginé Caliopen comme un agrégateur de tous ces échanges.
C’est un outil qui te permet de lire et d’écrire à tes contacts sans avoir à te préoccuper du service, ou de l’application, où la conversation a commencé. Tu peux commencer un dialogue avec quelqu’un par message privé sur Twitter, la poursuivre par email, puis par messagerie instantanée… ça reste une conversation: un échange privé entre deux humains, qui peuvent aborder différents sujets, partager différents contenus. Et quand tu vas vouloir chercher l’information que l’autre t’a donné l’année passée, tu vas faire comment ?
C’est à ça que Caliopen veut répondre. Pour parler moderne, c’est l’User Story centrale du projet.
C’est quoi exactement cette histoire de niveaux de confidentialité ? Quel est son but ?
Il faut revenir à l’objectif principal du projet : lutter contre la surveillance de masse que les révélations d’Edward Snowden ont démontrée.
Pour participer à cette lutte, Caliopen vise à convaincre un maximum d’utilisateurs de la valeur de leur vie privée. Et pour ça, il faut d’abord leur montrer, de manière évidente, que leurs conversations sont très majoritairement espionnables, sinon espionnées. Notre pari, c’est que quand on voit le risque d’interception, on réagit autrement que lorsqu’on est seulement informé de son existence. C’est humain : regarde l’exemple de la carte postale que je te donne plus haut.
D’où l’idée d’associer aux messages (mais aussi aux contacts, aux terminaux, et même à l’utilisateur lui-même) un niveau de confidentialité. Représenté par une icône, des couleurs, des chiffres, c’est une question de design, mais ce qui est important c’est qu’en voyant le niveau de risque, l’utilisateur ne va plus pouvoir faire semblant de l’ignorer et qu’il va accepter de changer – au moins un peu – ses pratiques et ses habitudes pour voir ce niveau augmenter.
Bien sûr, il faudra l’accompagner. Lui proposer des solutions (techniques, comportementales, contextuelles) pour améliorer son « score ». Sans le culpabiliser (ce n’est pas la bonne manière de faire) mais en le récompensant – par une meilleure note, de nouvelles fonctionnalités, des options gratuites si le service est payant… bref par une ludification de l’expérience utilisateur. C’est notre piste en tous cas.
Et c’est en augmentant le niveau global de confidentialité des échanges qu’on veut rendre plus difficile (donc plus chère) la surveillance de tous, au point de pousser les états – et pourquoi pas les GAFAM – à changer de pratiques, eux aussi.
Financièrement, comment vit le projet Caliopen ? C’était une difficulté qui a retardé l’avancement ?
Sans doute un peu, mais je voudrais quand même dire que, même si je suis bien conscient de l’impression de lenteur que peut donner le projet, il faut se rendre compte qu’on parle d’un outil complexe, qui a démarré de zéro, avec aucun moyen, et qui s’attaque à un problème dont les racines datent de plusieurs dizaines d’années. Si c’était facile et rapide à résoudre, ça se saurait.
Dès l’instant où nous avons pris conscience qu’on n’allait pas pouvoir continuer sur le modèle du bénévolat, habituel au milieu du logiciel libre, nous avons réagi assez vite : Gandi a décidé d’embaucher à plein temps un développeur front end, sur ses fonds propres. Puis nous avons répondu à un appel à projet de BPI France qui tombait à pic et auquel Caliopen était bien adapté. Nous avons défendu notre dossier, devant un comité de sélection puis devant un panel d’experts, et nous avons obtenu de quoi financer deux ans de développement, avec une équipe dédiée et des partenaires qui nous assurent de disposer de compétences techniques rares. Et tout ça est documenté sur notre blog, depuis le début (tout est public depuis le début, d’ailleurs, même si tous les documents ne sont pas toujours faciles à retrouver, même pour nous).
Et finalement c’est qui les partenaires ?
Gandi reste le partenaire principal, auquel se sont joints Qwant et l’UPMC (avec des rôles moins larges mais tout aussi fondamentaux).
Quel est le modèle économique ? Les développeurs (ou développeuses, y’en a au fait dans l’équipe ?) sont rémunérés autrement qu’en macarons ? Combien faudra-t-il payer pour ouvrir un compte ?
Je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de « modèle économique » pour un logiciel libre : après tout chacun pourra en faire ce qu’il voudra et lui imaginer tel ou tel modèle (économique ou non d’ailleurs).
Une fois qu’on a dit ça, on peut quand même dire qu’il ne serait pas cohérent de baser des services Caliopen sur l’exploitation des données personnelles des utilisateurs, et donc que le modèle « gratuité contre données » n’est pas adapté. Nous imaginons plutôt des services ouverts au public de type freemium, d’autres fournis par des entreprises pour leurs salariés, ou par des associations pour leurs membres. On peut aussi supposer que se créeront des services pour adapter Caliopen à des situations particulières, ou encore qu’il deviendra un outil fourni en Saas, ou vendu sous forme de package associé, par exemple, à la vente d’un nom de domaine.
Bref : les modèles économiques ce n’est pas ce qui manque le plus.
L’équipe actuelle est salariée, elle comporte des développeuses, et tu peux voir nos trombinettes sur https://www.caliopen.org
Trouver des développeurs ou développeuses n’est jamais une mince affaire dans le petit monde de l’open source, comment ça s’est passé pour Caliopen ?
Il faut bien comprendre que – pour le moment – Caliopen n’a pas d’existence juridique propre. Les gens qui bossent sur le projet sont des employés de Gandi (et bientôt de Qwant et de l’UPMC) qui ont soit choisi de consacrer une partie de leur temps de travail à Caliopen (ce que Gandi a rendu possible) soit été embauchés spécifiquement pour le projet. Et parfois nous avons des bénévoles qui nous rejoignent pour un bout de chemin 🙂
Le projet est encore franco-français. Tu t’en félicites (cocorico) ou ça t’angoisse ?
J’ai bien des sujets d’angoisse, mais pas celui-là. C’est un problème, c’est vrai, et nous essayons de le résoudre en allant, par exemple, faire des conférences à l’étranger (l’an dernier au FOSDEM, et cette année au 34C3 si notre soumission est acceptée). Et le site est totalement trilingue (français, anglais et italien) grâce au travail (bénévole) de Daniele Pitrolo.
D’un autre côté il faut quand même reconnaître que bosser au quotidien dans sa langue maternelle est un vrai confort dont il n’est pas facile de se passer. Même si on est tous conscients, je crois, qu’il faudra bien passer à l’anglais quand l’audience du projet deviendra un peu plus internationale, et nous comptons un peu sur les premières versions publiques pour que ça se produise.
Et au fait, c’est codé en quoi, Caliopen ? Du JavaScript surtout, d’après ce qu’on voit sur GitHub, mais nous supposons qu’il y a pas mal de technos assez pointues pour un tel projet ?
Sur GitHub, le code de Caliopen est dans un mono-repository, il n’y a donc pas de paquet (ou dépôt) spécifique au front ou au back. Le client est développé en JavaScript avec la librarie ReactJS. Le backend (l’API ReST, les workers …) sont développés en python et en Go. On n’a pas le détail mais ce doit être autour de 50% JS+css, 25% python, 25% Go. L’architecture est basée sur Cassandra et ElasticSearch.
Ce n’est pas que l’on utilise des technos pointues, mais plutôt qu’ on évite autant que possible la dette technique en intégrant le plus rapidement possible les évolutions des langages et des librairies que l’on utilise.
Donc il faut vraiment un haut niveau de compétences pour contribuer ?
Difficile à dire. Si on s’arrête sur l’aspect développement pur, les technos employées sont assez grand public, et si on a suivi un cursus standard on va facilement retrouver ses habitudes (cf. https://github.com/kamranahmedse/developer-roadmap).
Effectivement quelqu’un qui n’a pas l’habitude de développer sur ces outils (docker, Go, webpack, ES6+ …) risque d’être un peu perdu au début. Mais on est très souvent disponibles sur IRC pour répondre directement aux questions.
Néanmoins nous avons de « simples » contributions qui ne nécessitent pas de connaître les patrons de conception par cœur ou de devoir monter un cluster; par exemple proposer des corrections orthographiques, de nouvelles traductions, décrire des erreurs JavaScript dans des issues sur github, modifier un bout de css…
Qu’est-ce qui différencie le projet Caliopen d’un projet comme Protonmail ?
Protonmail est un Gmail-like orienté vers la sécurité. Caliopen est un agrégateur de correspondance privée (ce qui n’est rien-like) orienté vers l’amélioration des pratiques du grand public via l’expérience utilisateur. Protonmail est centralisé, Caliopen a prévu tout un (futur) écosystème exclusivement destiné à garantir la décentralisation des échanges. Et puis Caliopen est un logiciel libre, pas Protonmail.
Mais au-delà de ces différences techniques et philosophiques, ce sont surtout deux visions différentes, et peut-être complémentaires, de la lutte contre la surveillance de masse: Protonmail s’attaque à la protection de ceux qui sont prêts à changer leurs habitudes (et leur adresse email) parce qu’ils sont déjà convaincus qu’il faut faire certains efforts pour leur vie privée. Caliopen veut changer les habitudes de tous les autres, en leur proposant un service différent (mais utile) qui va les sensibiliser à la question. Parce qu’il faut bien se rendre compte que, malgré son succès formidable, aujourd’hui le nombre d’utilisateurs de Protonmail ne représente qu’à peine un millième du nombre d’utilisateurs de Gmail, et que quand les premiers échangent avec les seconds ils ne sont pas mieux protégés que M. Michu.
Maintenant, si tu veux bien imaginer que Caliopen est aussi un succès (on a le droit de rêver) et qu’il se crée un jour disons une dizaine de milliers de services basés sur noooootre proooojet, chacun ne gérant qu’un petit dixième du nombre d’utilisateurs de Protonmail… Eh ben sauf erreur on équilibre le nombre d’utilisateurs de Gmail et – si on a raison de croire que l’affichage des indices de confidentialité va produire un effet – on a significativement augmenté le niveau global de confidentialité.
Et peut-être même assez pour que la surveillance de masse devienne hors de prix.
Est-ce que dans la future version de Caliopen les messages seront chiffrés de bout en bout ?
À chaque fois qu’un utilisateur de Caliopen va vouloir écrire à un de ses contacts, c’est le protocole le plus sécurisé qui sera choisi par défaut pour transporter son message. Prenons un exemple et imaginons que tu m’ajoutes à tes contacts dans Caliopen : tu vas renseigner mon adresse email, mon compte Twitter, mon compte Mastodon, mon Keybase… plus tu ajouteras de moyens de contact plus Caliopen aura de choix pour m’envoyer ton message. Et il choisira le plus sécurisé par défaut (mais tu pourras décider de ne pas suivre son choix).
Plus tes messages auront pu être sécurisés, plus hauts seront leurs indices de confidentialité affichés. Et plus les indices de confidentialité de tes échanges seront hauts, plus haut sera ton propre indice global (ce qui devrait te motiver à mieux renseigner ma fiche contact afin d’y ajouter l’adresse de mon email hébergé sur un service Caliopen, parce qu’alors le protocole choisi sera le protocole intra-caliopen qui aura un très fort indice de confidentialité).
Mais l’utilisateur moyen n’aura sans doute même pas conscience de tout ça. Simplement le système fera en sorte de ne pas envoyer un message en clair s’il dispose d’un moyen plus sûr de le faire pour tel ou tel contact.
Est-ce qu’on pourra (avec un minimum de compétences, par exemple pour des CHATONS) installer Caliopen sur un serveur et proposer à des utilisateurs et utilisatrices une messagerie à la fois sécurisée et respectueuse ?
C’est fondamental, et c’est un des enjeux de Caliopen. Souvent quand je parle devant un public technique je pose la question : « combien de temps mettez-vous à installer un site Web en partant de zéro, et combien de temps pour une messagerie complète ? ». Et les réponses aujourd’hui sont bien sûr diamétralement opposées à ce qu’elle auraient été 15 ans plus tôt, parce qu’on a énormément travaillé sur la facilité d’installation d’un site, depuis des années, alors qu’on a totalement négligé la messagerie.
Si on veut que Caliopen soit massivement adopté, et c’est notre objectif, alors il faudra qu’il soit – relativement – facile à installer. Au moins assez facile pour qu’une entreprise, une administration, une association… fasse le choix de l’installer plutôt que de déléguer à Google la gestion du courrier de ses membres. Il faudra aussi qu’il soit facilement administrable, et facile à mettre à jour. Et tout ceci a été anticipé, et analysé, durant tout ce temps où tu crois qu’on n’a pas été assez vite !
On te laisse le dernier mot comme il est de coutume dans nos interviews pour le blog…
À lire tes questions j’ai conscience qu’on a encore beaucoup d’efforts à faire en termes de communication. Heureusement pour nous, Julien Dubedout nous a rejoints récemment, et je suis sûr qu’il va beaucoup améliorer tout ça. 🙂
Depuis un an, l’actualité a régulièrement mis en lumière les premiers effets déstructurants pour le travail salarié de l’ubérisation de la société : hier les taxis, aujourd’hui les livreurs à vélo…
Et demain sans doute d’autres pans de l’économie réelle vont être confrontés au tech-libéralisme, nouvel avatar du capitalisme prédateur (pardon du pléonasme).
Confrontés de plein fouet à cette problématique, les membres de l’association CoopCycle ont élaboré une réponse originale et peut-être prometteuse : une structure coopérative et un outil crucial en cours de développement, une plateforme numérique.
Les militants de cette opération sont engagés dans une lutte pour un autre rapport à leur propre travail : il s’agit de « rééquilibrer les forces » dans un contexte où jusqu’alors, une poignée d’entreprises imposaient leurs conditions léonines.
Ils inscrivent également leur combat dans une continuité entre les coopératives éthiques-équitables et les biens communs où ils veulent verser leur code.
Bien sûr les libristes seront surpris et probablement critiques sur la licence particulière choisie pour des raisons qui laissent perplexe. Mais c’est l’occasion aussi pour nos lecteurs de suggérer avec bienveillance et bien sûr de contribuer au code, pour qu’aboutisse et se développe cette courageuse et fort intéressante démarche.
Aider cette association à affiner les outils numériques qui rendent plus libres et modifient les rapports sociaux, c’est tout à fait dans la logique de Contributopia.
La techno ça sert à rien si ça change pas la vie des gens.
Voici les prénoms des CoopCycle qui nous ont répondu : Alexandre, Aurélien, Aloïs, Antoine, Basile, Jérôme, Kevin, Laury-Anne, Liova, Lison, Paul, Pauline, Vincent.
D’habitude on demande à nos interviewés de se présenter mais je vois bien que vous avez depuis quelques mois une sacrée visibilité médiatique et c’est tant mieux…
Coopcycle – L’explosion médiatique est détaillée sur notre blog Médiapart en toute transparence. Effectivement, ça a explosé au mois d’août en parallèle des rassemblements de livreurs suite au changement de tarification de Deliveroo. Non seulement les journaux ont beaucoup parlé de ces « cyber-grèves » (des travailleurs numériques qui appellent à la déconnexion, ou qui vont empêcher l’utilisation d’un iPad dans un restaurant, c’est original), mais en plus tous étaient unanimes pour condamner le modèle des plateformes.
Tout le monde a entendu parler de votre initiative et s’y intéresse, pourquoi à votre avis ?
– L’intérêt pour notre initiative vient à notre avis de l’attente qui existait face à un manque d’alternatives permettant de lutter contre une ubérisation de la société parfois perçue comme une fatalité. Le modèle qui se généralise, c’est l’individu auto-entrepreneur dans la « gig economy », l’économie des petits boulots. Face à des plateformes dotées de très gros moyens, tout le monde est un peu les bras ballants, les pouvoirs publics en tête, qui ont même tendance à encourager, « sécuriser » le modèle des plateformes : en penchant pour une jurisprudence qui empêche la requalification des contrats précaires en contrats salariés, en encourageant la délégation de service public, ou en réduisant les normes sur les activités classiques pour leur permettre de faire face à la concurrence à moindre coût des plateformes…
En somme, les pouvoirs publics semblent accompagner l’ubérisation (comme le développe le Conseil d’État au sein de ce document), et accepter le dumping et la casse sociale que ces modèles impliquent, tandis que les livreurs, les restaurateurs et les clients se débrouillent avec une évolution qui semble être un fait accompli.
De plus en plus de monde prend conscience que c’est l’ensemble des régimes de protection sociale qui sont menacés, et personne ne savait comment faire pour répondre à ces problématiques.
Notre initiative cristallise donc beaucoup d’espoirs car c’est une proposition positive, mais qui soulève des problématiques structurelles et interroge la possibilité d’une économie des Communs. En tout cas, ce n’est pas une énième réaction de critique passive à une logique que l’on ne serait pas en position de ralentir ou contrecarrer aujourd’hui. Nous pensons qu’une alternative est possible, et nous allons plus loin en concrétisant nos idées. Dans le débat tel qu’il existe aujourd’hui, c’est déjà une perspective séduisante.
À cause de Nuit Debout ? C’est là que tout a commencé ? À cause des conflits sociaux autour de Deliveroo et autres starteupes qui font tourner les jambes des livreurs pour des rémunérations de misère ?
– Ce n’est pas « à cause de Nuit Debout », c’est plutôt « grâce à Nuit Debout » !
Selon nous, c’est plus la possibilité d’une alternative qui intéresse les gens. Le fait que le projet « vienne de » Nuit Debout, la plupart des gens ne le savent pas.
Mais effectivement ce projet n’existerait pas sans Nuit Debout. C’est un des rares événements politiques qui a eu lieu ces dernières années en France, et même si tout ça paraît déjà lointain, il a suscité une vague d’espoir.
Ce qui nous a réunis sur la place de la République, c’est la lutte contre la loi El Khomri et la précarisation de nos conditions de travail. À partir de là, on se retrouve à participer aux manifestations, on rencontre le Collectif des Livreurs Autonomes de Paris alors que l’idée n’était encore qu’une idée… C’est ce qui a permis l’émergence de groupes de personnes engagées, militantes ou non, qui cherchent des solutions, mènent des campagnes, montent des projets ensemble. Et un de ces projets, c’est CoopCycle.
Elle est destinée à qui cette plateforme en cours de réalisation ? Aux livreurs à vélo, aux restaurateurs, aux consommateurs qui se font livrer ?
– La plateforme est destinée avant tout aux livreurs et aux commerçants, c’est un outil d’émancipation. Les collectivités territoriales ont également une place dans ce genre dispositif car cela leur permet de reprendre le contrôle sur l’espace public ainsi que sur les modes de vivre ensemble.
Mais au final, la plateforme en version « communs » est là pour servir à tout le monde, et pour outiller tout le monde. Quant aux clients finaux, nous sommes persuadés que beaucoup de consommateurs seraient prêts à payer un peu plus cher pour que les livreurs aient de bonnes conditions de travail.
Regardez l’engouement pour les Biocoop, regardez aussi la réussite d’Enercoop, qui fournit de l’énergie durable. À leurs débuts, ces derniers étaient 50 % plus chers que l’opérateur historique et pourtant, ils ont réussi à séduire des clients conscients, qui veulent consommer autrement.
Pour la livraison de repas à domicile, qu’on soit client ou restaurateur, on peut très bien vouloir consommer et commercer de façon éthique et équitable, mais si les seuls outils disponibles sont ceux des capitalistes, on se retrouve à consommer et travailler au profit du capitalisme, qu’on le veuille ou non.
CoopCycle est donc une initiative de reprise en main de la logique des plateformes afin de permettre un rééquilibrage du rapport de force en faveur des livreurs et des restaurateurs dans le secteur de la livraison.
C’est quoi cette licence bizarre que vous avez exhumée des tréfonds du web ? pourquoi celle-là plutôt que d’autres parmi les nombreuses licences libres ?
— La licence qui encadre l’application que nous développons restreint l’utilisation à des groupes de livreurs qui se lancent en coopérative ou respectent des critères de réciprocité. Le fait que dans ce cadre son utilisation serait gratuite fait que la marge qu’ils peuvent proposer aux restaurateurs peut être largement moindre que celle des plateformes capitalistes. Si les livreurs ne veulent pas adhérer à la SCIC nationale sur laquelle nous travaillons ils pourront également y avoir accès.
Néanmoins, cette licence n’est pas parfaite ! Premièrement car nous ne savons pas concrètement comment elle est reconnue et s’inscrit à l’échelle de la France ou plus largement à l’échelle européenne. Plus largement, le respect et la défense des licences est difficile à réellement mettre en œuvre dans le cadre de l’économie numérique. Comment pourrions-nous réellement prouver qu’une entité lucrative privée, fermée par nature, utilise des bouts d’un code développé par le travail Commun ? La problématique est la même dans le cadre d’une utilisation propriétaire du code source. Car une fois la captation identifiée, comment pourrions-nous financer les frais judiciaires qu’un procès impliquerait et qui resteraient à notre charge ?
Enfin ce type de licence ne permet pas l’élaboration d’une cotisation qui permettrait de rémunérer le travail à l’origine de ce Commun. Dès lors, aucun retour de la valeur économique produite ne pourrait être assuré aux contributeurs d’un commun dans la mesure ou ce dernier n’a ni périmètre juridique clairement établi, ni force d’opposition face à un grand groupe. Le cadre légal doit être repensé et c’est toutes ces questions que nous souhaitons traiter au cours des conférences suivantes du cycle que nous avons lancé le 20 septembre.
Et au fait pourquoi open source et pas « libre » ?
Le code n’est pas libre car s’il l’était, n’importe qui pourrait se le réapproprier et l’utiliser pour faire du profit. Aujourd’hui dans le libre, c’est souvent la loi du plus fort qui l’emporte, avec toutes les conséquences que l’on connaît. Il faut donc une licence qui permet de protéger l’utilisation de ce code pour la réserver aux coopératives qui ne veulent pas exploiter les gens. Nous savons qu’il faut travailler sur cette histoire de licence et nous sommes en contact avec des avocats spécialisés sur le sujet. D’ailleurs, si vous en connaissez, on les accueille avec plaisir !
Dans ce monde, on est malheureusement toujours ramené au célèbre « there is no alternative » prononcé par Margaret Thatcher. Il faut être « pragmatique», à savoir accepter les règles du jeu capitaliste, pour que rien ne change.
Aujourd’hui, on voit des gens qui «travaillent » sur des alternatives à Uber, par exemple. Pour certains, le premier réflexe, c’est de vérifier que leur modèle peut avoir des retombées commerciales, qu’ils peuvent financer leur développement avant même d’avoir produit une seule ligne de code…
Ça n’est certainement pas notre approche. You don’t need to know how to do it, you just need to start comme dirait l’autre sur un article Medium.
À l’heure où les plateformes représentent une source non négligeable d’emplois (précaires), l’open source offre une vraie possibilité d’implémenter enfin la copropriété d’usage de l’outil de travail.
Mais il faut des règles pour garantir que l’essentiel de la valeur créée aille aux travailleurs, afin de poursuivre sur le chemin de l’émancipation. Sinon, ce seront forcément ceux qui auront les capitaux qui pourront enclencher les effets de réseau, tout ça en utilisant du « travail gratuit ».
Il est temps d’en finir avec le solutionnisme technologique, il faut ajouter une dimension sociale, sans quoi on retombe dans l’aliénation.
Votre projet n’est donc pas simplement de développer une plateforme informatique, aussi open source soit-elle, c’est aussi un tout autre modèle social, celui de la coopérative. C’est possible de nous expliquer ça simplement ?
Nous n’avons pas envie de créer une startup de l’économie sociale et solidaire. Ce qui nous intéresse, c’est justement le projet politique. Il existe aujourd’hui tout un archipel de sites et d’initiatives qui espèrent « changer le monde » et pourtant, rien de bouge vraiment au niveau macro-économique. Les structures qui permettent l’exploitation des travailleurs sont toujours bien en place. Nous aimerions « secouer le cocotier », et faire du lobbying citoyen pour essayer de modifier ces structures. Certes, nous n’avons pas encore une loi anti-ubérisation dans nos cartons, mais réunir des gens de différents milieux permet de faire réfléchir, de rassembler et à terme d’influencer le jeu politique.
Sur le choix de la coopérative, il s’est assez simplement imposé à nous. Nous sommes en passe d’avoir ce bel outil numérique mais sommes conscients que face aux géants de la foodtech et malgré la surmédiatisation ponctuelle, il ne suffira pas de dire « voici le moyen de vous réapproprier votre outil de travail, à vous de jouer ».
La question qui se pose à nous est celle de l’articulation entre une ressource que l’on gère comme un commun et un circuit économique composé de coopératives qui permettent une rémunération et des conditions de travail correctes pour ceux qui y travaillent. La forme coopérative nous semble la plus adaptée puisqu’elle permet des règles économiques et démocratiques plus équitables (statut salarié, intégration de l’ensemble des acquis sociaux y afférant, mutualisation des moyens comme des risques, une personne une voix, etc.).
Mais nous ne sommes pas dupes évidemment, le développement de ces modèles « sociaux et solidaires » est un mouvement positif, témoignant d’une certaine prise de conscience nécessaire mais non suffisante. La création de structures privées socialisées dans un marché libéral combat le capitalisme sur ses terres mais n’emporte pas de sortie réelle de ce système. Pire encore, on peut également considérer que ce développement parallèle organise le désengagement de l’état in fine, puisque la mutualisation se réorganise à plus petite échelle.
C’est pour cela que nous tenons à agir sur les 3 plans :
développer un outil open source et libre d’accès sous condition, pour créer l’outil de travail ;
construire une structure coopérative nationale et des structures locales pour organiser les moyens du travail ;
questionner les problématiques macro-économiques et structurelles qui se posent aux différentes étapes de notre construction à travers des cycles de conférences thématiques.
Bon alors où en est-il ce code open source de plateforme ? Vous êtes combien là-derrière ? Vous auriez peut-être besoin d’un coup de main, de patches, de bêta-testeurs, de pintes de bières, enfin tous les trucs qu’on s’échange dans le petit monde du logiciel libre. C’est le moment de lancer un appel à contributions hein…
Pour l’instant il y a 3 personnes qui ont contribué. Notre but est de construire une communauté autour du code, pour assurer la pérennité du projet notamment. On a posé les premiers jalons avec des règles de contribution et une installation en local facile (crash testée !). Nous avons reçu plusieurs propositions spontanées d’aide, mais cherchons encore à voir comment intégrer chacun suivant son temps disponible et ses langages de prédilection. De même nous devons établir une roadmap claire pour le projet. Tout cela explique que nous n’ayons pas encore fait d’appel à contribution.
En tout cas tous les repos ont des issues ouvertes, et n’attendent que vous !
Le feedback sur la démo (UI/UX ou bugs) est plus que bienvenu. Vous pouvez contacter l’équipe dev à dev@coopcycle.org.
Toutefois il ne faut pas résumer notre approche au groupe de développeurs, nous sommes une bonne quinzaine à travailler sur ce projet ; journalisme, portage politique, propagande, représentation, construction du modèle économique, lien avec les livreurs et les restaurateurs. Tous ces travaux sont complémentaires et nous essayons justement de ne pas tomber dans le solutionnisme de l’outil en assumant toutes ces tâches collectivement.
On vous laisse le mot de la fin, comme de coutume sur le Framablog !
Merci pour tous vos outils, c’est un plaisir de pouvoir bâtir son projet avec des logiciels libres ! En attente de Framameet pour nos apéros devs 🙂
Dessinatrice qui publie sous licence libre, elle ne pouvait pas être absente de notre série de l’été. Elle a été un peu retardée par un événement sympathique. On n’en dira pas plus parce que nous, on respecte la vie privée. 😉
Bonjour Aryeom. Est-ce que tu peux te présenter ?
Bonjour. Je suis Aryeom, la réalisatrice du film d’animation « ZeMarmot ».
Je suis coréenne. Je suis venue en France après avoir étudié le film d’animation à l’université en Corée et voyagé dans divers pays pendant 2 ans. J’ai réalisé deux court métrages d’animation, quelques films institutionnels et j’ai aussi travaillé pour d’autres réalisateurs.
J’utilise Linux depuis 2012.
Ton immense sourire est connu dans tous les événements du Libre. Tu vas partout ?
C’est vrai? Hahaha !
Depuis quelques années, suite au projet ZeMarmot, j’ai participé à beaucoup d’événements pour faire la publicité du projet.
Mais maintenant, je préfère ne pas faire trop d’événements jusqu’à la fin du projet.
On a quand même des conférences et des ateliers en octobre dans des bibliothèques parisiennes (pour le festival NUMOK) et un événement en novembre à Nice (JM2L).
Des sources d’inspiration ? Des artistes qui t’ont donné envie de les égaler ?
Je n’ai pas de liste exacte d’artistes. Je me laisse influencer petit à petit par des œuvres que j’ai vues, senties et écoutées dans ma vie.
De plus en plus, je veux voir et faire des expériences variées et essayer plein de choses.
Est-ce que les différences culturelles entre la Corée du Sud et la France t’ont conduite à modifier ta façon de dessiner ?
Pour moi, le dessin est l’art le plus libre. Il n’y a rien entre mon dessin et moi que ce soit en Corée ou en France. Je fais ce que je veux. Quand je crée, j’oublie que je suis en Corée, en France ou dans un autre pays. Sauf bien sûr pour des raisons matérielles, par exemple si je ne peux pas trouver un pinceau d’une marque particulière que je trouve seulement en Corée dans les magasins de fournitures d’arts, etc.
Mais bien entendu, d’un jour à l’autre en fonction de mes émotions, ma psychologie change. Avec l’âge, ma vision du monde change aussi. Tout cela affecte mon art.
Mais cela n’a rien à voir avec le pays où je suis.
Pourquoi publier sous licence libre ?
C’est par conviction que mon projet apporte sa pierre pour un monde meilleur. Est-ce le meilleur chemin ? Je ne sais pas mais j’essaie.
C’est aussi une sorte de défi pour savoir s’il est possible d’en vivre.
Quelles sont les licences que tu utilises ?
CC BY – SA.
On a décidé ensemble la licence avec Jehan, le scénariste et développeur de ZeMarmot.
Je préfère cette licence. Quand j’étais petite, j’ai vu ce film ‘Un monde meilleur’ de Mimi Leder.
Un garçon aide trois personnes, et il obtient des personnes qu’il aide une promesse en guise de récompense. La règle : aider trois autres personnes comme lui et faire passer la promesse.
CC BY – SA est dans cet esprit : « Utilisez librement ce que j’ai fait. Et laissez ouvert pour les autres ». J’espère qu’il y aura un cercle vertueux avec ZeMarmot.
Est-ce que tu arrives à vivre de ton art ou est-ce que tu as un vrai travail sérieux à côté ? 🙂
Oui et non.
Grâce au financement participatif (patreon et tipeee), je touche quelques salaires de LILA pour la production de ZeMarmot. Mais pas beaucoup et clairement pas assez pour en vivre.
Alors si je trouve d’autres projets rémunérés, je les prends. Heureusement qu’il y a aussi du travail dessin ou design.
Comment dessines-tu ? Est-ce que tu travailles plus volontiers avec un ordinateur ou à la main ?
Je dessine ZeMarmot avec un ordinateur et une tablette sur Linux et GIMP. C’est plus facile pour modifier et faire du montage.
J’aime beaucoup dessiner à la main aussi. Alors je choisis exprès de travailler manuellement pour d’autres projets. Quand j’utilise des matériaux physiques, je suis de bonne humeur.
Je choisis mes outils de travail en fonction du projet.
Tu es la seule spécialiste de l’animation parmi nos dessinateurices de l’été. Cette technique prend un temps fou. Tu n’es jamais découragée ?
Non et oui.
C’est vrai pour tout travail, mais l’animation en particulier définit des étapes très claires. S’il n’y a pas de scénario, il ne peut pas y avoir de storyboard, et ainsi de suite il ne peut pas y avoir de layout. Sans keyframe, il n’y a pas d’inbetween. La pré-production, la production et la post production sont ordonnées dans une progression clairement définie. Chaque étape est importante et a son charme. Et quand on obtient le résultat voulu dans l’animation d’un plan, on ressent une satisfaction intense.
Ceci dit c’est mon premier projet de cette ampleur, et la durée entre chaque étape est plus longue que [pour] mes précédents projets. Donc oui, je suis souvent découragée depuis que j’ai commencé ZeMarmot.
J’ai le cœur lourd car cela me prend plus de temps que prévu.
Il y a beaucoup de personnes qui attendent ZeMarmot. Cela me rend heureuse mais me pèse aussi.
Où en est ce projet ?
Cette question me fait peur.
ZeMarmot est mon plus long projet à ce jour (dans ma filmographie, mes plus longs films font 5 minutes) et avec un style graphique qui demande plus de travail que mes précédents films. Dans un précédent film de 5 minutes, nous étions deux, le travail de recherche a duré un an et demi et la production un an. Maintenant je suis seule et je fais deux trois minutes de plus sur ce pilote. Quand je participe à des événements ou réalise des projets externes, cela retarde encore plus le projet.
Certaines choses dans les logiciels libres ne sont pas encore au point. Il y a aussi des choses pour lesquelles j’ai dû progresser moi-même. Par exemple, je me suis rendu compte que je ne savais pas bien animer le mouvement animal alors qu’on a décidé de diminuer l’anthropomorphisme de la marmotte.
Donc il reste pas mal de travail. Je ne pensais pas que ça prendrait tant de temps. Néanmoins j’y travaille dur. J’espère pour cette fin d’année, mais rien n’est moins sûr.
On peut te suivre quelque part ? Un blog, les réseaux sociaux ?
http://girinstud.io (Jehan se charge d’écrire la plupart des nouvelles) ou twitter @ZeMarmot ou @AryeomHan (twitter perso mais j’utilise très très peu).
Et comme d’habitude sur le Framablog, on te laisse le mot de la fin.
Merci beaucoup pour cette interview. J’ai passé plusieurs jours à essayer de trouver un mot de fin cool à vous dire, mais j’ai échoué. Alors je laisse un mot commun mais heureux : bonne journée !
Bousculons nos habitudes : Frama.site n’est pas (encore) un service « prêt à l’emploi », on ne peut pas (encore) créer un site web les doigts dans le nez (faut dire que c’est un peu crado…).
C’est normal : avec cette première action de la campagne Contributopia, nous voulons expérimenter d’autres manières de faire, pour faire ensemble.
Le confort de blogger et tumblr se paie cher
Vous avez remarqué qu’on ne dit plus « je fais un site web »…? On « ouvre un tumblr, » un « blogger », on « fait une page sur wix », on « publie un article sur Medium »… quand ce n’est pas directement la page Facebook qui devient le lieu d’expression unique de notre boîte, association, collectif, démarche artistique…
Certes, ces plateformes sont très pratiques, c’est même pour ça qu’elles ont autant de succès : pas besoin de se prendre le chou avec un hébergement, d’y installer un CMS (un kit de base pour créer son site web), de le personnaliser, et d’apprendre à l’utiliser. Non, là, c’est confortable : on se crée un compte, on remplit un formulaire, on appuie sur un bouton et hop ! Yapluka remplir son site web.
En contrepartie, les plateformes d’hébergement nous font « accepter » des conditions d’utilisations qu’on ne lit même pas, qu’on n’a pas vraiment envie de décortiquer, parce que… Parce que ça fait mal de lire que la plupart des contenus que l’on crée et publie leur appartiendront aussi, d’une manière ou d’une autre. Parce que c’est dur de se rendre compte qu’en utilisant leur service, on leur livre les vies et les intimités des personnes qui s’intéresseront à nos productions numériques.
Parce qu’on préférerait croire qu’on le fait pour nous, alors que ces plateformes nous font bosser pour leur pomme. Aral Balkan, un développeur et militant britannique, compare les géants du web à des fermes industrielles nous exploitant comme du bétail. On peut compléter la métaphore en expliquant ce que sont les plateformes Blogger (de Google de Alphabet), Tumblr (de Yahoo de Verizon) et les Pages (de Facebook de Markounet). Ce sont des seigneurs médiévaux qui nous concèdent un bout de terre numérique, afin de jouir des bénéfices de nos productions. Les nobliaux du web ont fait de nous leurs serfs.
Framasite est un service d’hébergement et de création de sites web.
Le but est de démontrer que l’on peut faire autrement, que l’on peut retrouver une indépendance numérique, y occuper un morceau de la toile. L’idée est de vous proposer un espace d’hébergement, c’est à dire un peu de place sur les « serveurs », ces ordinateurs en permanence allumés et connectés à Internet pour qu’on puisse aller y lire des sites web (entre autres choses). Des outils vous permettant de gérer (et donc de créer) vos sites web sont directement installés sur cet espace d’hébergement.
Concrètement, la volonté est de simplifier la vie de chacun·e : on se crée un compte, on choisit quel type de site on veut faire (blog, CV en ligne, page web unique, wiki, etc.), on lui donne un nom, et on appuie sur un bouton ! Ayé, votre site est créé, vous n’avez plus qu’à le remplir de textes, images, etc.
Étant proposé par Framasoft, ce service bénéficie forcément des libertés et des contraintes décrites dans nos conditions générales d’utilisation (qui se lisent en 3 minutes, et sans avoir besoin d’avoir avalé un code de la propriété intellectuelle !).
Cela signifie que :
Vos contenus vous appartiennent… et que vous en êtes responsables :
si vos contenus sont illégaux, « on veut pas finir en taule », donc ils peuvent être supprimés ;
il faut toujours, toujours, toujours penser à faire des sauvegardes régulières… Si ça vous tient à cœur de publier un contenu, chouchoutez-le : prenez la précaution d’en conserver une copie !
Nous ne permettons pas (et n’admettrons jamais) l’installation de bouts de codes qui épient vos visiteuses et visiteurs ;
Nous partageons une ressource commune, dont chacun·e doit avoir une utilisation raisonnable :
Les fichiers (photos, etc.) mis en ligne ne peuvent pas faire plus de 5 Mo ;
Si vous pensez avoir besoin de plus de 150 Mo d’hébergement, dépasser les 300-500 pages web, ou la vingtaine de sites et wiki… venez en discuter avec nous car il est possible que Framasite ne soit pas la solution adaptée à vos besoins ;
Nous ne recommandons surtout pas Framasite pour une utilisation professionnelle, c’est à dire pour faire un site dont dépendraient vos revenus : Framasoft reste une petite association, qui fait de son mieux mais ne fait que de son mieux (et y’a forcément des jours où ça plante, d’ailleurs on l’affiche à cette adresse), et qui ne peut pas être considérée comme éternelle ! Si un jour nous ne recevions plus de dons, par exemple, l’association et ses services mourraient, tout simplement.
Le rêve est de faire en sorte que Framasite soit si simple d’utilisation, si pratique, que votre association, votre boulangerie ou votre artiste favori·te préfère cette solution aux plateformes centralisatrices. C’est de remettre à leur place les réseaux sociaux nobliaux : celle d’un lieu de passage, un lieu qui mène vers votre site web à vous, vers votre coin perso que vous cultivez sur la toile… plutôt que de les laisser devenir des fermes industrielles exploitant vos productions numériques comme aux pires époques du servage.
Car l’avantage, c’est que Framasite n’utilise que du logiciel libre : que ce soit Grav (pour les blogs, pages et sites web), Dokuwiki (pour les wiki, ces fameux sites permettant de construire du savoir collaboratif) ou notre interface de génération de site : tout est sous licence libre !
Imaginez : vous testez Framasite, puis vous vous rendez compte que les conditions dans lesquelles nous proposons ce service ne vous conviennent pas ou ne correspondent plus à vos usages… Aucun souci : vous cliquez sur le bouton « exporter », récupérez vos contenus et allez les installer sur un autre espace d’hébergement équipé de ces mêmes logiciels libres… votre serveur, par exemple !
Le fait est que, à ce jour, Framasite est encore loin de la facilité évidente dont nous rêvons pour ce service. Ce n’est pas (encore) un service « prêt à l’emploi », comme nous avions l’habitude de les proposer lors des trois années de la campagne Dégooglisons Internet. C’est normal, nous cheminons vers Contributopia : Framasoft ne peut pas faire et décider à elle seule de l’évolution à venir, il va falloir travailler dessus ensemble et, en un mot comme en cent : contribuer.
Pour cette première expérimentation de la contribution nous vous proposons trois phases :
Durant les prochains jours/les prochaines semaines, nous allons améliorer l’interface de création de site, la clarté des options, et les contenus automatiquement paramétrés. En même temps, nous comptons publier des tutoriels et de la documentation pour faciliter l’utilisation du service.
D’ici la fin de l’année 2017, nous voulons trouver comment proposer la location et la personnalisation automatisée des noms de domaine (comment aider quiconque à passer d’une adresse web « monsupersite.frama.site » à « monsupersite.fr », par exemple).
De mi-décembre à mi-février, nous voulons accompagner un·e stagiaire en développement pour qu’iel contribue au logiciel libre Grav et le rende encore plus aisé à utiliser, et faciliter encore plus l’autonomie numérique.
Comment contribuer ?
Pour cette première expérimentation dans la contribution, nous n’avons pas les épaules pour ouvrir une « boite à idée » (qui deviendrait très vite un cahier de doléances) car nous risquerions de crouler sous les demandes répétées, difficiles à traiter… Or, nous ne sommes qu’une petite association de 35 membres.
Nous allons donc commencer modestement, avec un outil qui demande certaines connaissances techniques (et un compte sur notre gitlab) : le dépôt Framasite sur Framagit.org.
Si vous voulez faire des remarques, apports, suggestions, retours, ou reporter des bugs concernant Framasite, faites une issue ici ;
Si vous voulez contribuer au code de notre interface, forkez directement le dépôt puis proposez une merge request ;
Si vous voulez proposer des tutoriels d’utilisation, cela se passe directement sur le dépôt de notre documentation (où de nombreux exemples peuvent vous guider dans votre rédaction) ;
Si vous souhaitez simplement aider à financer cette proposition qu’est Framasite et l’animation de son évolution, vous pouvez aussi nous soutenir d’un don.
Une autre façon de contribuer, qui est essentielle et importante, c’est de savoir parler autour de vous d’une telle solution. Si cela vous est disponible, prenez le temps d’accompagner votre entourage à la fois dans la démarche proposée (c’est pas parfait, car c’est à nous de le perfectionner ensemble) et dans l’adoption d’outils libres !
L’aventure Contributopia a pour but de poursuivre et d’approfondir le travail entamé lors de la campagne « Dégooglisons Internet ». Pour la première année de cette campagne, nous comptons donc continuer à ouvrir des services web alternatifs… mais en nous y prenant un poil différemment.
Faire avec vous, pour faire mieux
Hors de question de reprendre le rythme effréné des années de campagne « Dégooglisons Internet » où nous avons sorti près de 10 services par an (vous pouvez vérifier, on a compté !). Durant cette première année de Contributopia, nous voulons prendre le temps dans l’élaboration et l’évolution de quatre services majeurs :
Framatube, parce que YouTube est devenu incontournable, et qu’il faut trouver comment faire autrement.
Prendre le temps pour mettre en ligne ces services nous permettra de mieux nous impliquer. Sauf exceptions (Framadate, Framaestro, etc.), Framasoft ne développe pas les logiciels libres qui permettent d’ouvrir les services répertoriés par Dégooglisons Internet. La plupart du temps, nous y contribuons (développement de fonctionnalités, documentation, bidouilles esthétiques, traductions, etc.) puis nous les hébergeons, les tenons à jour et nous facilitons leur adoption.
Cette fois-ci, nous voulons investir encore plus de temps professionnel, et donc de l’argent qui provient de vos dons, dans la création et l’évolution de ces projets. Nous pourrons ainsi contribuer à une réflexion plus poussée autour d’outils numériques qui sont franchement sensibles. Nous pourrons aussi et surtout prendre le temps d’être à votre écoute, de vous exposer les points d’étapes et de vous impliquer dans l’évolution de ces logiciels… S’ils sont faits pour vous, autant les faire avec vous, non ?
Quatre services Contributopistes !
Entrons dans le vif du sujet, avec les quatre services sur lesquels nous vous proposons de contribuer cette année…
Première action de cette Contributopia, Framasite est d’ores et déjà ouvert : il suffit d’aller sur Frama.site pour contribuer à la phase de test ! Vous pouvez donc vous y créer un compte afin de produire un (ou plusieurs !) sites internet, pages web, blog, et même des wiki (ces fameux outils pour partager des connaissances de manière collaborative).
Nous reviendrons dessus en détail cette semaine sur le Framablog, mais l’idée est simple : offrir à la fois un espace d’hébergement et des outils pour faciliter l’expression de chacun·e sur la toile. Nous nous engageons à un hébergement éthique : vos contenus publiés sur Framasite vous appartiennent et les données des personnes qui les visiteront ne seront ni épiées, ni transmises, ni monétisées (c’est dans nos conditions d’utilisation !)
Basé sur les logiciels libres Dokuwiki (pour les wiki) et Grav (pour les sites, pages web, blogs…) nous savons qu’à ce jour, Framasite n’atteint pas encore son but : permettre de créer un site web aisément, même quand on ne s’y connaît pas trop. C’est normal, il est en phase de test.
Durant les semaines qui arrivent, nous allons travailler à sa simplification, tout en produisant des tutoriels selon des exemples précis (CV en ligne, blog, etc.). Ensuite, nous souhaitons faciliter le choix des noms de domaine (l’adresse web de votre Framasite). Enfin, fort·e·s des retours et suggestions que vous nous ferez, un⋅e stagiaire nous aidera à contribuer au logiciel Grav afin qu’il soit encore plus facile et pratique d’utilisation.
Framameet, se regrouper sans se faire pister
Aujourd’hui, les personnes souhaitant se rencontrer de visu autour de ce qui les rassemble utilisent soit des produits Facebook (les groupes, les pages et les événements), soit MeetUp, dont la création de groupes est devenue payante. Cela signifie, au choix : forcer les gens à être sur Facebook et lui donner encore plus d’informations personnelles et collectives, ou confier à MeetUp toutes les données des personnes intéressées par une activité de groupe.
Il existe des projets dans le logiciel libre qui souhaitent se poser en alternative à MeetUp, mais nous n’en avons pas (encore) vu qui offrent toutes les fonctionnalités attendues et qui sont d’ores et déjà utilisables par le grand public. Qu’à cela ne tienne, c’est une grande devise libriste : « juste fais-le ! » Nous verrons donc qui veut nous suivre dans cette aventure pour créer ensemble une alternative libre à MeetUp qui n’exploite ni les données ni les vies numériques des personnes souhaitant se regrouper.
Framapetitions, s’exprimer en toute confiance
Ah ça fait un moment qu’on en rêve, de celui-là, hein ? Déjà pendant l’été 2016, nous traduisions l’article inquiétant d’une journaliste italienne, Stephania Maurizi, sur l’exploitation financière des signataires de pétitions faites sur Change.org. Nos opinions sur le monde qui nous entoure (qui sont donc, littéralement, politiques) représentent des données sensibles. Elles valent mieux qu’une exploitation financière ou qu’un code obscur dont on ignore ce qu’il fait, non ?
Lorsque nous avons créé le service de formulaires en ligne Framaforms, nous savions qu’en bidouillant et retravaillant ce code, nous pourrions proposer un service Framapetitions, une alternative à Avaaz ou Change.org. Sauf que la différence entre un formulaire en ligne et une pétition, c’est que cette dernière peut être rejointe par des millions de personnes !
Ayant vu sur plus d’un an comment les serveurs de Framaforms tenaient la charge que représentent vos questionnaires et leurs réponses, nous sommes désormais assez confiant·e·s pour nous lancer dans la production de Framapetitions… mais nous aurons grand besoin de votre aide pour tester massivement ce service ensemble avant de le publier !
Framatube, briser l’hégémonie de YouTube
C’est un gros morceau : comment faire pour que YouTube ne soit plus aussi incontournable ? Ce réseau social de vidéos bénéficie de toute la puissance de Google… et autant vous dire qu’il en faut, des sous, des fibres et des serveurs, pour centraliser des milliards de vidéos dont certaines sont vues par des milliers (millions ?) de personnes en même temps.
Et si la solution c’était de faire autrement…? De faire non pas un énième hébergement alternatif (un « Framatube » centralisateur) mais une fédération d’hébergements vidéos, où chacun peut communiquer avec les autres ? Mastodon (une alternative à Twitter libre et fédérée) nous a montré qu’un réseau fédéré peut permettre à chaque hébergeur de choisir ses propres règles du jeu (modération, monétisation, conditions générales) tout en offrant aux utilisateur·trice·s un accès à l’ensemble du réseau.
Peertube est un logiciel libre en cours de développement, qui permet de faire la même chose pour l’hébergement de vidéos. Et il offre un gros plus : la diffusion vidéo en pair à pair. Il fait en sorte que le navigateur web de chaque spectateur·trice d’une vidéo la partage avec les autres personnes qui sont en train de la regarder, soulageant ainsi et le réseau et les serveurs qui hébergent ces vidéos.
Nous prenons le pari de financer le salaire du développeur de ce logiciel, qui jusqu’à présent menait le projet sur son temps libre, afin qu’il parvienne à une version qu’on puisse déployer à grande échelle. C’est un pari fort car nous pensons sincèrement que, une fois cette brique logicielle construite, Peertube peut révolutionner notre monde numérique, et que d’autres pourront construire par dessus.
Ainsi, Framatube ne sera pas un endroit où déposer des vidéos, mais bien le petit maillon d’une grande chaîne que nous espérons composée d’artistes, associations, collectifs, organisations et médias qui hébergeront et diffuseront leurs vidéos.
Faire mieux que dégoogliser, oui, mais ensemble !
Alors oui : « seulement » quatre services en une année, nous vous avions habitué·e·s à plus. Mais, nous espérons que vous l’aurez compris, le but de cette année n’est pas de répondre à une urgence qui pousse vers la quantité de services, mais bien à une exigence de penser ensemble des services différemment. Sans compter qu’en parallèle, nous devons prendre le temps de poser les fondations qui nous permettront de consacrer les années suivantes à l’essaimage, puis à l’éducation populaire.
Cette année est aussi une année de transition, pour nous comme pour tou·te·s celles et ceux d’entre vous qui choisiront de nous suivre dans cette aventure. Cette transition veut tendre vers la contribution. Nous devons trouver ensemble comment commencer à ouvrir les espaces nous permettant de collaborer sur les actions présentes et à venir.
Quitte à avoir moins d’annonces-surprises fracassantes sur le Framablog, nous essaierons de vous tenir informé·e·s des points d’étapes de chaque projet. Cela pourra se passer ici, mais aussi sur nos réseaux sociaux (Diaspora*, Mastodon, Twitter et même Facebook -_- !) ainsi que via notre lettre d’information, afin que vous ayez l’opportunité de prendre part à cette aventure.
Le maintien des projets existants et la naissance des actions à venir restent financés par les dons. Plus de deux mille personnes nous permettent de travailler. Nous tenons à vous remercier de cet engagement nécessaire à nos côtés, et de ce soutien qui fait chaud au cœur.
Vous désirez embarquer avec nous dans ce voyage en Contributopia ?
Framasoft vous invite à un voyage exaltant : explorons ensemble des mondes numériques. Des mondes où les outils informatiques se conçoivent en collaboration, où les pratiques respectueuses essaiment et pollinisent, où s’ouvrent les portes de la contribution.
Ne plus faire contre, pour faire autrement
Après avoir conclu la campagne Dégooglisons Internet, une leçon s’impose : se réduire à proposer des alternatives aux services de Google & compagnie, ce serait se perdre sur la voie du Libre. Car, d’une part, cela implique de s’épuiser dans une course à la réaction, face à des géants du Web aux jambes bien longues. Mais surtout, cela oblige à jouer selon leurs règles, donc à rester dans leur conception du monde.
Ne nous y trompons pas : derrière chaque nouveau service et produit des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), il y a une vision de la société, celle que les médias traditionnels se plaisent à qualifier de « ubérisée », celle qui fait de nous des objets de consommation. Derrière l’adage « si c’est gratuit, c’est toi le produit », il y a une vérité cruelle : les ogres dévoreurs de data de la Silicon Valley nous forcent à donner une livre de nos vies en échange de leurs outils, et nous mettent en position de devoir choisir entre notre confort et nos libertés.
Oui, c’est déprimant… mais d’autres mondes sont possibles.
Lors des multiples rencontres et échanges avec vous, nous nous sommes rendu compte d’autre chose : des alternatives existent. Dans de nombreux domaines, des personnes agissent au quotidien avec une autre vision en tête que la société proposée par les GAFAM, NATU et autres BATX (passez votre souris sur ces acronymes pour découvrir les zolis noms derrière -_-).
Que ce soit dans des associations, des entreprises de l’économie sociale et solidaire, des regroupements, des collectifs, etc., ces personnes contribuent, chacun·e à leur manière, pour proposer des alternatives variées qui mettent au centre de leurs préoccupations les libertés et les humain·e·s.
Ce n’est donc pas une surprise si c’est auprès de ces personnes que les discours du logiciel libre et de sa culture font mouche : nous partageons ensemble des notions d’éthique, de solidarité et de contribution. Lors de la campagne Dégooglisons Internet, nous avons pu voir combien cette audience était une des plus friandes d’informations et de solutions. Voilà des personnes qui comprennent tout de suite les enjeux, et qui non seulement s’approprient les alternatives libristes, mais vont en plus les diffuser ensuite auprès de leurs réseaux. Ce n’est pas pour rien : nous rêvons, ensemble, de concrétiser d’autres utopies.
« Mais vous êtes… utopistes ? »
Eh, chiche, on répond juste : « Évidemment. » ;)…
Déjà, parce que ce n’est pas une insulte que d’être qualifié d’utopiste. Mais aussi parce que, dans le cadre des univers numériques, le mot est parfaitement approprié. Bidouillé au XVIe siècle par l’auteur britannique Thomas More, il signifie littéralement « (qui n’est) en aucun lieu. » Comment mieux décrire le travail, les interactions et les œuvres de l’esprit produites depuis nos ordinateurs, sur nos réseaux ? Les 35 membres de l’association Framasoft vivent dans 33 villes différentes : l’endroit où tous nos projets se font, en collaboration avec plus de 700 contributeurs et contributrices et de nombreuses communautés, n’est réellement en aucun lieu !
Ce que le public te reproche, cultive-le : c’est toi.
(J. Cocteau, Le Potomak, 1919)
Bon, ne faisons pas l’autruche : lorsqu’on le crache comme une insulte, c’est pour donner à « utopiste » le sens de « irréaliste ». Mais, lorsque des salles de machines traitaient des cartes perforées, n’était-ce pas irréaliste d’imaginer avoir des ordinateurs dans nos poches ? Lorsque le savoir était contraint aux pages des encyclopédies papier écrites par quelques hommes, n’était-il pas irréaliste d’imaginer que des millions de personnes contribueraient chaque jour à faire de Wikipédia une encyclopédie fiable ? Lorsque Framasoft a présenté les 30 services visés par la campagne Dégooglisons Internet, n’étions-nous pas irréalistes de croire que nous allions (presque) y arriver…?
Plus qu’une utopie, la contribution fait le quotidien des communautés du logiciel libre, et de sa culture. C’est aussi bien une façon de faire qu’une manière de penser, qui est partagée avec toutes ces autres personnes qui rêvent d’autres sociétés. Nul besoin d’être militant·e du libre pour vouloir créer et agir ensemble dans le respect des libertés de chacun·e, mais les communautés du libre ont le pouvoir de façonner des communs numériques pensés pour être pratiques, solidaires et éthiques, au cœur même de leur code.
C’est là tout l’enjeu de Contributopia : trouver comment concevoir et proposer des outils qui sont pensés hors des sentiers battus et rebattus par ces entreprises-silos dont le seul but est de moissonner nos données. Nous n’imaginons pas faire cela sans travailler de concert avec nos alter-ego du monde des communs, sans approfondir nos relations avec les réseaux de l’éducation populaire ni être à l’écoute des personnes qui animent, quotidiennement, le milieu associatif que l’on connaît bien. À nos yeux, c’est en contribuant pour et avec ces personnes-là (et bien d’autres…) que les travaux des communautés du logiciel libre peuvent trouver la résonance qu’ils méritent dans la société civile.
Contributopia… Contributo… quoi ?
Contributopia, c’est notre petit bout de réponse à un problème qui picote un peu : aujourd’hui, les contributeurs les plus massifs au logiciel libre s’appellent Google, Facebook, Microsoft, Tesla, etc. Il nous semble urgent de contribuer avec d’autres réseaux et communautés, celles qui, avec nous, cherchent des alternatives à cette consommation généralisée de… de l’humain.
Lorsque, au cours de la campagne Dégooglisons Internet, nous avons mis le nez hors de notre petite bulle libriste, nous l’avons bien vu : ces alter-ego sont bien souvent déjà acquis·e·s à la culture du logiciel libre, parfois même sans le savoir. Il nous suffit d’être présent·e·s, dans l’écoute et l’échange, pour trouver des personnes qui adhèrent aux mêmes valeurs et savent convaincre leurs pairs. Or, on le sait : parler aux utilisatrices et utilisateurs de logiciels libres d’aujourd’hui, c’est trouver les contributeurs et contributrices de demain.
Contributopia, c’est aussi une déclaration d’intention : nous souhaitons continuer à tisser des liens de plus en plus privilégiés entre les communautés des libertés numériques et celles qui œuvrent dans d’autres domaines avec le même état d’esprit. Ces échanges nous renforceront mutuellement et nous changeront sûrement : nous avons encore beaucoup à apprendre (et à gagner) à écouter des personnes qui travaillent avec les mêmes intentions, dans d’autres domaines que l’informatique.
Contributopia, c’est enfin un site web, magnifiquement illustré par David Revoy (♥). Nous en profitons pour le remercier chaudement car ce formidable illustrateur libriste a mis dans cette commande beaucoup d’écoute, de chaleur, d’attention… et de talent : c’est beau, hein ? Grâce à son travail, ce site web présente sur trois ans les douze actions que Framasoft compte mener pour outiller ces personnes qui concrétisent chaque jour le monde différent dont elles rêvent, qu’elles soient libristes ou se définissent autrement.
Bon, nous annonçons douze actions, mais vous nous connaissez : rendez-vous dans trois ans pour savoir combien il y en aura en plus ! 😉
Trois mondes à explorer
Les douze actions de Contributopia s’explorent sur trois planètes, une pour chaque année.
De 2017 à 2018, nous proposerons, dans la continuité de l’aventure Dégooglisons Internet, des services en ligne, libres et respectueux de vos données :
Framasite : créer et héberger des sites et pages web, blogs, wiki… dont la phase de test s’ouvre à vous dès aujourd’hui ! ;
Framameet : favoriser réunions et rencontres, en alternative à MeetUp et aux produits Facebook ;
Framapetitions : faire entendre ses opinions, en alternative à Avaaz ou Change.org ;
Framatube : casser, ensemble, le monopole de YouTube.
Nous détaillerons ces services très prochainement sur le Framablog, car nous souhaitons aller un peu plus loin que lors de la campagne Dégooglisons Internet. Nous allons encore plus nous impliquer dans la conception de ces services, et contribuer avec vous à leur évolution ! Par exemple, la phase de test de Framasite s’ouvre à vous dès aujourd’hui. Comme d’habitude avec Framasoft, nous aimons accompagner nos déclarations d’intention avec des actions concrètes. Néanmoins, il ne s’agit plus ici de sortir un service « prêt-à-utiliser-par-quiconque », mais bien de s’enrichir de vos retours pour le faire évoluer sous vos yeux, tout en produisant des tutoriels selon les besoins exprimés. Bien entendu, nous vous en parlerons plus en détails sur le Framablog dans les prochains jours.
Pour les mondes des prochaines années, ils sont un peu plus lointains et les actions qu’ils représentent restent encore à définir ensemble, au gré des échanges que nous aurons sur le chemin…
De 2018 à 2019, nous souhaitons parcourir plus avant la planète de l’essaimage : celle où chacun·e peut acquérir et approfondir son indépendance numérique. Les noms de codes de ces projets sont CHATONS, YUNOHOST, Internationalisation (pas des services hébergés par Framasoft, hein !) et Framasoft Winter of Code.
Enfin, vers 2019 et 2020, nous désirons défricher les territoires de l’éducation populaire, avec des actions de médiation aux outils numériques, de git (outil de contribution) rendu accessible à tou·te·s, un cours en ligne pour les CHATONS et même une Université Populaire du Libre !
Pour comprendre ces intentions et mieux pouvoir en discuter avec nous au fil des rencontres, n’hésitez pas à parcourir ces mondes sur contributopia.org
Une Contributopia à rêver ensemble !
Il fallait bien partir d’une première proposition, donc voici celle que nous vous faisons sur les trois prochaines années. Contributopia est notre nouvelle campagne : à l’instar de Dégooglisons Internet, elle ne nous empêchera pas de poursuivre nos nombreux autres projets ni d’essayer de mettre en lumière et soutenir toujours plus d’initiatives libres, qui font la richesse de nos communs numériques.
Cette campagne, comme toutes les propositions faites et maintenues par Framasoft, ne vit que par votre soutien, vos échanges et… vos dons. Ce nouveau cap pour Framasoft est pour nous un gros pari : continuerez-vous de nous faire confiance et de nous soutenir, sachant que vos dons représentent près de 90 % de nos ressources ?
Néanmoins, c’est un risque que nous voulons prendre, fort·e·s de la confiance que vous nous avez apportée au fil des ans. Nous le prenons car, plus que de changer de cap, il nous semble essentiel d’élargir la route (qui reste longue) afin qu’un plus grand nombre de personnes nous accompagnent dans cette voie (qui reste libre !).
Framasoft a longtemps été considéré comme une porte d’entrée dans la culture du logiciel libre. L’avantage d’une porte, c’est qu’on peut la franchir dans les deux sens. Il est grand temps que nous proposions aussi d’être une porte de sortie, une ouverture vers ces mondes de la contribution, afin que nous les explorions ensemble.
La route est longue mais la voie est libre,
L’équipe de Framasoft.